Recours de Dalein et Sidya: le président du TPI de Dixinn est bien compétent pour suspendre en référé un acte administratif


Gouvernance/Justice


Les pratiques nauséabondes d’intimidation des juges, qu’on croyait pourtant révolues depuis le coming-out opéré par certains juges devant le roi Mamadi Doumbouya 1er, refont de nouveau surface en Guinée. Pour une transition censée avoir pour seule boussole la justice, cela peut paraitre déroutant.

En effet, La double décision rendue ce matin du 28/02/2022, par la juge des référés du Tribunal de première instance (TPI) de Dixinn qui déclare son « incompétence matérielle » pour connaitre de deux actes administratifs adressés aux deux anciens Premiers ministres, pose question.

Pour rappel, contrairement au dualisme de juridiction en vigueur en France par exemple en attribuant à des organes distincts des compétences pour connaitre des questions administratives (juridiction administrative) et des questions judiciaires (ordre de juridiction judiciaire), La Guinée connait un seul ordre de juridiction ordinaire, appelé à trancher aussi bien des questions administratives que celles judiciaires.

Compétence du TPI en matière administrative

Il faut aussi rappeler que les compétences des différentes juridictions en Guinée sont définies, sauf dans les cas prévus par une loi organique spécifique, par la loi N° 2015/019/AN du 13 août 2015 portant organisation judiciaire en République de Guinée. Les dispositions de cette loi sont claires et érigent le TPI en juge de droit commun en matière administrative, c’est-à-dire le juge ordinaire et normal pour trancher les litiges mettant en cause un acte administratif (décision prise par une administration publique).

En effet, l’article 25 de la loi susmentionnée dispose que « Le tribunal de première instance statue en premier ressort en matière civile, commerciale, administrative, sociale et pénale… ». Cela veut dire qu’un citoyen souhaitant contester une décision de l’État ou de ses démembrements, doit en premier lieu s’adresser au TPI, sous réserve des matières réservées à la Cour suprême. L’article 27 est encore plus explicite en précisant que « Le tribunal de première instance connaît de toutes les affaires civiles, administratives, commerciales, sociales et pénales pour lesquelles compétence n’est pas expressément et exclusivement attribuée à une autre juridiction…

Sous réserve des dispositions de la loi organique portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour suprême, le tribunal de première instance est, en premier ressort, juge de droit commun du contentieux administratif. »

Dans le sens de ces deux dispositions rappelées, et contrairement à ce que la plupart des médias guinéens affirment, la compétence de statuer sur les actes administratifs n’est pas réservée à la Cour suprême, seules quelques matières limitativement énumérées relèvent de la compétence exclusive de la Cour suprême. Il revient bel et bien au TPI de trancher en premier ressort sur le contentieux administratif et dans le cas échéant, la Cour d’appel peut être saisie lorsque la décision rendue par le TPI ne convient pas à l’une des parties avant, in fine, de saisir éventuellement en cassation la Cour suprême.

Les domaines réservés de la Cour suprême

S’agissant de cette Cour suprême, les attributions et les compétences de sa chambre administrative sont prévues par les dispositions des article 2 et 36 de la loi organique du 23 février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour suprême.

Plus précisément, les compétences de la Cour suprême en matière administrative sont définies dans son article 2 en ces termes : « La Cour Suprême est juge en premier et dernier ressort de la légalité des textes réglementaires et des actes des autorités exécutives, ainsi que des dispositions de forme législative à caractère réglementaire. »

Les attributions de la chambre administrative sont quant à elles déterminées par l’article 36 qui prévoit que cette chambre connait :

  • « en premier et dernier ressort, des recours en annulation pour excès de pouvoir, de la légalité des actes des collectivités locales,
  • « Du caractère règlementaire de certaines dispositions de forme législative ;
  • « Des pourvois en cassation contre les décisions rendu en dernier ressort sur le contentieux de pleine juridiction et les arrêts de la Cour des comptes ;
  • « Du recours en cassation contre les décisions rendues par les organismes administratifs à caractère juridictionnel ».

Il ressort de ces dispositions que la contestation des décrets, des ordonnances et des arrêtés ministériels est effectivement réservée à la seule Cour suprême. De même, il existe un principe qui reconnait « la compétence de la juridiction administrative pour annuler ou réformer les décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique », par l’État et ses démembrements. La cour suprême détient à elle seule, en Guinée, le pouvoir d’annulation d’un acte administratif. Ce recours en annulation, encore appelé recours pour excès de pouvoir (REP), ne peut effectivement être introduit qu’auprès de la Cour suprême.

Compétence du TPI pour statuer sur les ordonnances

Il est par conséquent évident que non seulement les recours introduits par les deux anciens Premiers ministres, MM. Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, auprès du TPI de Dixinn ne sont pas des recours en annulation et de surcroit, les contestations introduites portent sur des actes administratifs – signés par le directeur général du patrimoine bâti public – qui ne relèvent pas de la compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême.

C’est à cette aune et eu égard à l’urgence imposée par le délai contraint de la date butoir fixée dans les sommations, que les recours introduits l’ont été sous forme de référé, dans ce cas référé-suspension, c’est-à-dire une procédure d’urgence ouverte « pour demander au juge d’empêcher l’exécution immédiate d’une décision administrative » qui semble illégale. C’est donc une décision provisoire qui a été demandée au TPI de Dixinn et non un recours pour excès de pouvoir, ce dernier recours étant réservé, comme évoqué plus haut, à la seule la Cour suprême.

C’est en mobilisant d’ailleurs l’article 39 de la loi du 13 août 2015 portant organisation judiciaire en République de Guinée que l’on apprend qu’« en toutes matières, le président du tribunal de première instance peut statuer en référé ou sur requête ». Il faut comprendre qu’en toutes matières renvoie à tous les domaines d’intervention du juge ordinaire, sauf ceux réservés expressément à d’autres juridictions. Il suit de là que le TPI est bel et bien compétent pour décider de surseoir à l’exécution des lettres adressées par le patrimoine bâti public aux deux anciens Premier ministres pour quitter leurs domiciles. C’est en ce sens que cette ordonnance rendue ce 28 février parait incompréhensible.

La prérogative du juge des référés du TPI pour trancher un référé est confirmée par l’article 850 du code de procédure civile, économique et administrative de la République de Guinée qui dispose que « …Le Président du Tribunal de première Instance ou le Juge de paix peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite… »

À défaut d’avoir rendu public les deux décisions de la juge des référés du TPI de Dixinn sur les recours de MM. Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, il n’est pas possible de connaitre les motivations qui sous-tendent cette décision de la juge. Au regard toutefois de ces règles de droit rappelées ci-dessus, il apparait que le président d’un TPI est pleinement compétent en droit guinéen pour ordonner en urgence la suspension d’un acte administratif.

En définitive, les images impressionnantes montrant une forte mobilisation des forces de défense et de sécurité, tel un pays en guerre, avec à leur tête les colonels Balla Samoura et Sadiba Koulibaly, pour aller récupérer les clés de maisons vides et sans résistance, semblent montrer que seul ce spectacle intéressait cette junte militaire au pouvoir. Il est par conséquent possible que la juge ait pu céder à une pression du CNRD pour ne pas dire le droit afin de lui permettre d’obtenir ces images symboliques et populistes de récupération des clés des maisons de MM. Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré.

La boussole de la transition semble avoir perdu le Nord.

G.B (LeJour LaNuit)

Paris le 28/02/2022





Cadre juridique du droit de propriété des personnes publiques en Guinée


Les opérations de récupération des biens de l’État suscitent un débat nourri sur la légalité des procédures mises en œuvre par les autorités de la transition. Compte tenu des arguments juridiques contradictoires avancés par les uns et les autres, une revue détaillée des textes applicables s’impose. Cette présentation pédagogique a surtout pour objectif de donner un avis éclairé sur la légalité ou non des transactions immobilières au titre desquelles la junte a adressé une sommation aux deux anciens Premier ministres, M. Cellou Dalein Diallo et M. Sydia Touré. Il sera ainsi abordé le cadre juridique encadrant la propriété d’une personne publique (I) et les sujets d’actualité qui découlent de ce débat (II).

1. Domaine public et domaine privé des personnes publiques

Il faut d’emblée préciser que le droit de propriété a toujours été garanti au plus haut niveau en Guinée. De la Loi fondamentale du 23 décembre 1990 à nos jours, un article lui est systématiquement consacré. C’est ainsi que l’article 13 de la Constitution du 19 avril 2010 dispose que « Le droit de propriété est garanti. Nul ne peut être exproprié si ce n’est dans l’intérêt légalement constaté de tous et sous réserve d’une juste et préalable indemnité ». La Charte de la transition actuellement en vigueur, et qui fait office de constitution provisoire, ne fait pas exception à la garantie accordée au droit de propriété.

Plus particulièrement, c’est l’ordonnance n° 92/019 du 30 mars 1992 portant Code foncier et domanial de la République de Guinée, qui constitue le cadre juridique qui régit l’administration des terres, aussi bien publiques que privées en Guinée. C’est ce texte qui s’appliquait au moment des cessions litigieuses, ce texte reste encore en vigueur aujourd’hui.

S’agissant des biens de l’État au sens large (État central, établissements publics et collectivités locales), appelés biens domaniaux, l’ordonnance opère dans son article 95, une distinction entre le « domaine public » et le « domaine privé ». Cette distinction est d’une importance capitale dans la mesure où elle détermine les règles applicables à chaque catégorie.

a) Domaine public

En effet, d’après les dispositions de l’article 96 de ce code, « le domaine public des personnes publiques est constitué par l’ensemble des biens de toute nature, immobiliers et mobiliers, classés ou délimités dans le domaine public, affectés à l’usage du public ou à un service public. Il comprend le domaine naturel et le domaine artificiel. »

Le domaine public naturel concerne par exemple l’espace aérien, les forêts du domaine forestier classé, les rivages de la mer… alors que le domaine artificiel concerne les routes, voies ferrées, ouvrages d’éclairages, emplacements des halles et marchés, bureaux des ministères, et de « manière générale, tous les biens affectés à l’usage du public ou un service public, sous réserve d’aménagements spéciaux » (article 98).

C’est tout naturellement que le domaine public de l’État est protégé : les biens relevant de cette catégorie sont inaliénables1 et imprescriptibles2 (article 101). Il est toutefois possible de procéder au déclassement, par décret, d’un bien public lorsqu’il ne « correspond plus à l’affectation qui lui avait été donnée » (article 113) pour le faire entrer dans le domaine privé de la personne publique. Il en découle que toute cession d’un bien public, sans déclassement préalable, est illégale, nulle et non avenu, et ne produit aucun droit pour le bénéficiaire.

b) Domaine privé

A l’inverse, « les biens des personnes publiques qui ne font pas partie du domaine public constituent le domaine privé » (article 114). Et à ce titre, « les biens du domaine privé sont soumis au régime de la propriété privée tel qu’il est défini par le Code civil… » (article 115).

Et par conséquent, « les biens du domaine privé des personnes publiques sont gérés comme les biens appartenant à des particuliers. L’amodiation, les locations, l’aliénation des immeubles du domaine privé, la prise en location et les acquisitions immobilières faites à l’amiable par les personnes publiques sont régies par les règles du Code civil » (article 121).

La première observation qui peut être faite consiste dès lors à constater que des habitations ou terrains nus se trouvant dans le portefeuille d’une personne publique relèvent de son domaine privé. Les biens que les deux anciens Premier ministres déclarent avoir acquis relevaient donc bel et bien du domaine privé de l’État.

Il ressort également de ces dispositions que les biens relevant du domaine privé de l’État sont soumis à un régime de droit privé et qu’ils sont, au contraire des biens du domaine public, aliénables et prescriptibles3 . Il en résulte également que tout contentieux né des transactions portant sur un bien du domaine privé de l’État relève de la compétence du seul juge civil et dans les mêmes conditions qu’un litige entre deux particuliers. Les règles du droit administratif sont inopérantes dans ce cas et un acte administratif sous forme d’injonctions adressées aux acquéreurs est donc illégale. Il va de soi que les courriers adressés à M. Cellou Dalein Diallo et M. Sidya Touré, les invitant à libérer les locaux qu’ils occupent, sont illégaux et n’ont aucune valeur juridique.

De la même façon, la sommation envoyée à la famille de Télly Diallo, qui aurait occupé la même bien depuis 1959 selon les informations publiées par la presse, seraient illégales sur la base de la prescription acquisitive.

Il est de la même façon évident que toute action unilatérale entreprise par un service de l’État pour déloger de force un particulier ayant acquis un domaine privé, et donc obtenu le titre de propriété, porte atteinte à des droits fondamentaux du domicile (articles 16 et 17 de la Charte) et de propriété (article 28 Charte), tous pourtant garantis par la charte octroyée par la junte. Par ailleurs, une telle action pourrait être qualifiée d’une voie de fait dans la mesure où il viole des libertés fondamentales susmentionnées et conduire à des actions en responsabilité de l’État qui pourraient aboutir au versement de dommages et intérêts au profit des victimes.

En outre, et tout comme les transactions immobilières entre particuliers, la mise en vente d’un bien du domaine privé de l’État n’est soumise à aucune mesure d’appel à la concurrence au contraire des obligations pesant sur les procédures des marchés publics formalisés dans le cadre des opérations d’achat de l’État ou de ses démembrements.

La seule obligation fondamentale qui caractérise la cession des biens du domaine privé porte sur l’interdiction de les vendre à un prix inférieur au prix de marché : « Aucune aliénation d’un bien du domaine privé ne peut être réalisée à titre gratuit ou à un prix inférieur à sa valeur vénale, sauf motif d’intérêt général. » (Article 123). De ce point de vue, si l’État est en mesure de démontrer que les cessions en cause ont été réalisées à un prix sous-évalué, ce motif peut conduire à faire annuler ces transactions.

2. Sujets d’actualités afférents

a) Enseignement historique du régime de la propriété publique en Guinée

Il est à rappeler à titre liminaire et pour des fins historiques que l’ordonnance de 1992 susmentionnée s’est substituée à la législation qui s’appliquait depuis la Première République. De façon étonnante, cette première législation accordait un « monopole de l’État sur l’ensemble des terres du pays, les particuliers jouissant de la terre grâce à des cessions à durée limitée, sous le principe de la concession. »4

Ce rappel historique permet d’affirmer que tous les terrains en Guinée ont appartenu à un moment ou un autre à l’État. Il va sans dire que toutes les terres et tous les biens immobiliers qui relèvent de la propriété privée aujourd’hui, relevaient autrefois du patrimoine privé de l’État, et pourraient par conséquent faire l’objet de récupération si l’on transpose la logique qui est aujourd’hui appliquée à ces anciens Premier ministres de la Guinée. Je peux affirmer sans risque de me tromper que tous les guinéens se seraient opposés, sans aucune exception, à une démarche des autorités de la transition visant à revenir à la situation de la Première République en Guinée. Pourquoi donc accepter un tel procédé des autorités actuelles, même s’il ne touche que quelques-uns, fussent-ils les puissants d’hier ?

b) Période d’exception

Certains de nos compatriotes font allusion à la période d’exception que constituerait la transition pour justifier la normalité de ces sommations et reconnaissent ainsi un droit au CNRD et au Gouvernement de transition pour procéder aux expropriations entamées.

Il faut répondre aux défenseurs d’une telle thèse qu’une période d’exception n’est pas une période de non-droit, mais au contraire, un passage de la vie de la République où le droit est aménagé. Aujourd’hui, en Guinée, cet aménagement est opéré, en guise de clin d’œil à l’histoire, par la « Charte octroyée » par « l’empereur Mamadi Doumbouya 1 er ». C’est d’ailleurs à ce titre que l’article 81 de ladite charte prévoit que « sauf abrogation expresse, les dispositions de la législation et de la règlementation en vigueur non contraires à la présente Charte demeurent entièrement applicables. » Et considérant qu’aucune disposition de ce Code foncier et domanial n’est contraire à la charte, ni même qu’aucune abrogation de ce code ne soit intervenue, ce texte reste par conséquent pleinement en vigueur et constitue la principale référence pour traiter des questions immobilières. Il s’en suit de là que le CNRD, le Président de la transition et le Gouvernement sont tous tenus au respect des dispositions et mesures contenues dans ce code. Cet argument de période d’exception est donc inopérant.

c) Privilège du préalable

D’autres encore, au rang desquels le ministre de l’Habitat et de l’urbanisme M. Ousmane Gaoual Diallo, convoquent la notion du privilège du préalable, pour expliquer que les citoyens concernés par ces sommations devraient d’abord s’exécuter, charge à eux de saisir un juge dans le cadre d’un éventuel litige à l’encontre de l’État. Il est vrai que ce privilège constitue une caractéristique fondamentale du droit administratif français – ainsi que celui de tous les pays qui s’en inspirent – et permet à l’État de faire exécuter, de force si nécessaire, ses actes relevant de prérogatives de puissance publique sans attendre une décision de justice.

Mais comme cela a été dit plus haut, cette notion ne s’applique que dans le périmètre du droit administratif et non du droit civil. Or, il a été démontré dans la première partie de cette note que les biens du domaine privé de l’État, selon les termes du Code foncier et domanial de 1992, sont soumis au droit civil. Il s’en suit de là que cette notion de privilège du préalable, cher à notre ministre, est aussi inopérante dans le conflit opposant l’État aux personnes ayant légalement acquis leurs domiciles, malgré leurs mises en demeure pour libérer ces mêmes biens.

Il faut par ailleurs préciser que même dans si le droit administratif devait s’appliquer, le champ d’application du privilège du préalable est circonscrit et ne s’applique pas à tous les actes de l’administration. Et à ce titre, toute exécution forcée de la décision administrative n’est valable que dans des cas limitativement prévus par la loi. D’abord, il faut qu’il existe une disposition réglementaire ou légale qui confère à l’administration le droit explicite de recourir à l’exécution forcée de sa décision contre l’administré. Il se trouve heureusement qu’aucune disposition de ce code foncier ne confère une telle compétence à l’État s’agissant de son domaine privé.

En conclusion et puisque le ministre Ousmane Gaoual Diallo cite Maurice Hauriou dans son étonnante sortie « Wikipédia », il m’appartient de lui rappeler que ce même doyen expliquait dans son précis de droit administratif et de droit public (1919) que si le droit devait s’opérer sur le terrain de la morale, alors on « verserait immédiatement dans l’inquisition et dans l’oppression des consciences ».

Fait à Paris, le 21/02/2022.

LJN


NOTES

1 Qui ne peut être aliéné ; qui ne peut être cédé, tant à titre gratuit qu’onéreux. Ce principe évite les démembrements dans le domaine public.

2 Que le temps ne peut abolir. L’imprescribilité permet de protéger le domaine public de l’acquisition de droits par les personnes qui l’utiliseraient de façon prolongée

3 La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer. On parle de prescription acquisitive lors qu’une possession s’est opérée de façon continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. En France cette durée est fixée à 30 ans.

4 Droit foncier, quelles perspectives pour la Guinée ? Réflexion sur la réforme foncière à partir de l’exemple de la Guinée Maritime – Pascal Rey





Guinée: les putschistes font bonne mine aux investisseurs

Gouvernance

Republication Alternatives Economiques n°416 – 10/2021


Les exemptions fiscales accordées aux investisseurs miniers privent l’Etat de recettes, estime le Fonds monétaire international. Les nouveaux maîtres du pays n’ont pas prévu d’y remédier.

On ne plaisante pas avec le portefeuille. Après avoir chassé du pouvoir le président Alpha Condé, qui avait été réélu l’an dernier pour un troisième mandat à l’issue d’un coup de force institutionnel, le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes se sont efforcés de rassurer la population guinéenne sur leurs intentions démocratiques.

Dans le même souffle, ils ont aussi envoyé un message aux investisseurs du secteur minier : les contrats signés par les précédentes autorités seront respectés. Et pour cause : les ventes de bauxite, d’or et de diamants à l’étranger représentent plus de 80 % des exportations de la Guinée. Et fournissent 30 % des recettes de l’Etat, selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Panique à Pékin

Rompant d’ailleurs de façon spectaculaire avec sa doctrine de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le gouvernement chinois s’est opposé au coup d’Etat le 6 septembre et a appelé à la libération du président Alpha Condé qui s’était rapproché du géant asiatique ces dernières années. De fait, Pékin est aujourd’hui extrêmement dépendant de la Guinée, qui lui fournit près de la moitié de son approvisionnement en bauxite, le minerai qui permet de fabriquer l’aluminium dont la Chine est le premier producteur mondial.

Si la bauxite représente environ 60 % de la production minière guinéenne, devant l’or (34 %), et que le pays détient un tiers des réserves mondiales connues, ce n’est pas le seul minerai dont la Guinée soit riche. Elle possède également le plus grand gisement de fer inexploité de la planète, celui de Simandou. Selon le Fonds monétaire international (FMI), lorsque ce gisement, pour lequel une concession de vingt-cinq ans a été accordée en 2019 à un consortium détenu à 90 % par des intérêts privés singapouriens, chinois et guinéens, sera exploité, le pays pourrait devenir le deuxième exportateur mondial. Mais cela suppose des investissements considérables (voie ferrée, tunnels, ponts…), Simandou étant distant de 650 kilomètres de la côte, point d’expédition vers les marchés étrangers.

Contrats juteux

Pour que les investisseurs continuent à mettre de l’argent dans les mines guinéennes, encore faut-il qu’ils aient confiance dans la stabilité du pays, et surtout des contrats. Des contrats qui, ces dernières années il est vrai, ont été fort avantageux pour les partenaires de la Guinée, souligne le FMI. Alors que le code minier a été réformé en 2013, nombre de dérogations, fiscales surtout, ont été accordées aux investisseurs. Aux yeux du FMI, elles ne se justifient guère, car les concurrents de la Guinée sur le marché de la bauxite n’accordent pas des conditions plus avantageuses et la qualité de son minerai est supérieure à celle de ses rivaux.

Evaluant la gestion publique du secteur minier, l’ONG américaine Natural Resource Governance Institute estime, de son côté, que « le gouvernement pourrait accélérer la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption en rendant opérationnelles la divulgation de la propriété effective des titres miniers et les déclarations des intérêts financiers des personnels de l’Etat dans les entreprises du secteur ». A coup sûr. En attendant, les exemptions fiscales accordées aux investisseurs privent l’Etat de recettes. Si elles étaient réduites, calcule le FMI, cela permettrait de multiplier par quatre le budget du ministère de l’Agriculture, par exemple. Or, l’agriculture emploie 60 % de la population, contre 6,5 % pour le secteur minier industriel, dans un pays qui en 2019 se classait au 178e rang mondial sur 189 pour l’indice du développement humain. Pas tout à fait au sous-sol donc, mais pas loin.


Cet article est republié à partir de alternatives-economiques.fr. Lire l’original ICI.





Bauxite en Guinée: enquête en France après une plainte visant Alpha Condé et des sociétés minières


Gouvernance


Une enquête a été ouverte à Paris après une plainte pour corruption dans l’exploitation de la bauxite en Guinée impliquant le président Alpha Condé, plusieurs de ses proches et des sociétés minières, dont une française, a-t-on appris mardi de source proche du dossier.

Une enquête a été ouverte à Paris après une plainte pour corruption dans l’exploitation de la bauxite en Guinée impliquant le président Alpha Condé, plusieurs de ses proches et des sociétés minières, dont une française, a-t-on appris mardi de source proche du dossier.

Cette enquête préliminaire, ouverte par le parquet national financier (PNF) en septembre, fait suite à la plainte pour « corruption, trafic d’influence et blanchiment de corruption », déposée en août par le Collectif pour la transition en Guinée (CTG).

« Nous avons des soupçons très forts de corruption entre le clan au pouvoir et des miniers », dont l’Alliance minière responsable (AMR) et la Société minière de Boké (SMB), a indiqué à l’AFP Ibrahime Sorel Keita, porte-parole du collectif qui regroupe des opposants d’Alpha Condé, président depuis 2010 et réélu en octobre pour un troisième mandat controversé.

L’AMR, fondée en 2015 par deux jeunes entrepreneurs, Romain Girbal et Thibault Launay, a obtenu un permis pour exploiter la bauxite, signé le 7 juin 2017 par le président Condé.

Une semaine plus tard, l’AMR a cédé ce gisement à la SMB, l’un des principaux exportateurs du pays, détenue par un consortium franco-sino-singapourien.

« En peu de temps, les dirigeants de l’AMR, des inconnus dans le domaine minier, ont récupéré un permis d’exploitation dans une zone importante et l’ont ensuite refilé à la SMB, moyennant une plus-value folle estimée à 200 millions de dollars », a commenté M. Sorel Keita.

L’AMR avait assuré, à l’annonce de la plainte, avoir en réalité conclu un contrat d’amodiation, « une pratique courante dans le secteur minier international, parfaitement conforme au Code minier guinéen ».

« Nous n’avons jamais fait quelque chose d’illégal en France ou en Guinée », assure désormais l’AMR, qui compte dans son conseil d’administration notamment l’ancienne patronne d’Areva Anne Lauvergeon et l’armateur Edouard Louis-Dreyfus.

« L’origine des accusations est un combat politique qui nous est étranger », ajoute l’AMR, dénonçant des attaques « incompréhensibles » et précisant tout ignorer de l’enquête.

Me Pierre-Olivier Sur, qui défend Alpha Condé, a critiqué « l’instrumentalisation de la justice tant en France qu’en Guinée » dans le cadre « d’un combat politique ».

« Je n’ai aucun élément pour me prononcer, n’ayant pas eu accès à cette plainte qui procède d’une organisation politique et s’inscrit ouvertement dans un calendrier électoral », a souligné Me François Zimeray, avocat du dirigeant de la SMB Fadi Wazni.

Le PNF n’a pas souhaité s’exprimer.

La Guinée, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, détient les plus grands gisements mondiaux de bauxite, minerai utilisé pour fabriquer l’aluminium.

Son extraction est considérée comme polluante et destructrice de terres agricoles, selon l’ONG Human Rights Watch.

Mediapart/AFP





[Repost] Remettre la locomotive de la décentralisation en marche


Gouvernance


Dans le contexte africain surtout subsaharien, la décentralisation « est perçue [  ] comme une voie par laquelle passeront l’élargissement, l’approfondissement et le raffermissement du processus démocratique, mais également comme le chemin accéléré du développement local[1]».

L’espoir ambitionné par les gouvernements africains est que les collectivités issues de ces reformes peuvent favoriser les initiatives locales en leur offrant un espace géographique et institutionnel de concertation et de dialogue. La participation des populations à la réalisation des politiques de développement dans les domaines qui les touchent est censée assurer leur adhésion à leur mise en œuvre, et du coup, une plus grande implication des populations à la prise de décisions les concernant[2]. Un des objectifs poursuivis par la politique de décentralisation est de rapprocher le processus de décision des citoyens et de favoriser ainsi l’émergence d’une véritable démocratie de proximité.

Comme l’écrivait Tocqueville dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique » publié en 1835 « un pouvoir central, quelque éclairé, quelque savant qu’on l’imagine, ne peut embrasser à lui tout seul tous les détails de la vie d’un grand peuple ». En d’autres termes, La décentralisation laisse aux individus le soin de s’occuper eux-mêmes de leurs affaires et préserve donc leur liberté.

Entre décentralisation et développement local, il y va plus que d’un accommodement entre deux modes de gestion – l’un, redistributif de compétences centrales vers les périphéries de l’État, l’autre, participatif à la base, des forces qui composent une communauté. La population, et donc le citoyen sont au centre du processus de décentralisation. Une démarche décentralisatrice purement juridique et administrative, ne pourrait prétendre produire du développement local. La décentralisation implique un partage du pouvoir, des ressources et des responsabilités[3].

Des acquis fondamentaux aux ratés institutionnels : les collectivités locales remplacent les pouvoirs révolutionnaires locaux

À l’accession à l’indépendance en 1958, les autorités guinéennes d’alors avaient optées pour un système de planification rigide et fortement centralisé sous un régime de Parti Etat : Le Parti Démocratique de Guinée (PDG). Ce parti politique avait sous son contrôle l’ensemble des structures administratives et politiques du pays à travers ses cellules politiques de base: les Pouvoirs Révolutionnaires Locaux (PRL). Ce système n’avait pas tardé à montrer ses limites qui découlaient essentiellement de la faible implication des populations dans l’identification et l’exécution des actions de développement.

Après la prise du pouvoir par l’armée en 1984, dans son discours programme du 22 décembre 1985, le nouveau président promettait l’instauration d’une démocratie et d’un État de droit en Guinée. Avec l’appui des bailleurs de fonds notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le gouvernement s’engageait dans un processus de libéralisation et de décentralisation axé sur la participation des populations au redressement socioéconomique du pays.

En matière de décentralisation, la Guinée devenait ainsi l’un des premiers pays de la sous-région à implanter, sur l’ensemble de son territoire, les formes de la décentralisation, soit aujourd’hui 38 communes urbaines et 304 communes rurales.

Mais c’est dans la méconnaissance des principes mêmes de la décentralisation, dans l’incompréhension des mandats des élus et dans un climat de tension autour du nouveau partage de pouvoir que les collectivités dites décentralisées furent instituées. Les cadres administratifs responsables de la formation et de l’encadrement des élus des collectivités ne disposaient ni des moyens techniques, ni des ressources humaines pour remplir cette mission qui leur était dévolue.

Certes, on reconnaissait dans les textes gouvernementaux cette volonté d’améliorer les conditions de responsabilisation des acteurs à la base pour atteindre les objectifs de développement et le renforcement de la démocratique locale. Dans les faits, l’administration publique n’avait pas forcément la capacité de procéder adéquatement au transfert graduel des compétences. La méfiance des populations à tout processus imposé par le « haut », ainsi que les tergiversations des entités administratives préfectorales et régionales, acceptant difficilement de perdre certains pouvoirs, ont nui à la décentralisation effective.

Un Code des collectivités locales pour préciser la décentralisation

Adopté le 5 mai 2006, le code des collectivités locales est l’instrument juridique qui précise le transfert de 32 compétences aux collectivités locales (Art. 29 du code des collectivités locales) avec des missions spécifiques concernant globalement : l’encadrement de la vie collective, la promotion et le renforcement de l’harmonie des rapports entre les citoyens, la gestion des biens collectifs, la promotion du développement économique, social et culturel de la communauté, et la fourniture aux citoyens de services pour satisfaire leurs besoins et leurs demandes.

Selon la constitution guinéenne, l’organisation territoriale du pays est constituée par les circonscriptions territoriales (préfectures et sous-préfectures) et les collectivités locales (régions, communes urbaines et rurales) (Art. 134 de la constitution). La création, l’organisation et le fonctionnement des circonscriptions territoriales relèvent du domaine réglementaire et quant aux collectivités locales leur création et réorganisation relèvent de la loi (Art. 135). Si les circonscriptions territoriales sont administrées par un représentant de l’État assisté d’un organe délibérant, les collectivités locales quant à elles s’administrent librement par des conseils élus, sous le contrôle d’un délégué de l’État qui a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois (Art. 136).

Dotées de la personnalité morale, d’autorités propres et de ressources, les collectivités locales possèdent un patrimoine, des biens matériels et des ressources financières propres, qu’elles gèrent au moyen de programmes et de budgets ; elles sont sujettes de droits et d’obligations. Elles s’administrent librement par des Conseils élus qui règlent en leur nom, par les décisions issues de leurs délibérations, les affaires de la compétence de la collectivité locale. Elles concourent avec l’État à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu’à la protection de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie (Art. 2 du code des collectivités locales).

Dans la Constitution du 19 avril 2010, il est prévu la mise en place d’un Haut conseil des collectivités locales, organe supérieur consultatif, a pour mission de suivre l’évolution de la mise en œuvre de la politique de décentralisation, d’étudier et de donner un avis motivé sur toute politique de développement économique local durable et sur les perspectives régionales (Art. 138).

L’organisation des élections locales : la longue marche vers les bureaux de vote

Maintes fois reportées, les dernières élections communales ont eu lieu en 2005 sous le règne du président Lansana Conté. Cette situation est la résultante d’un contexte politique marqué par une instabilité politique (disparition en décembre 2008 du président Lansana Conté, début d’une transition militaire avec le capitaine Moussa Dadis Camara puis le général Sékouba Konaté).

Élu en 2010, le président Alpha Condé procédera en 2011 au remplacement des élus locaux dont le mandat avait expiré depuis 2010, par des délégations spéciales. Selon l’opposition, les collectivités locales sont désormais dirigées par des personnes nommées par l’exécutif et non élues par les populations. Une décision qui sera dénoncée par l’opposition à travers des manifestions de rues, de séries de revendications et de dialogues. Le 17 août 2015, après une rencontre entre le leader de l’UFR Sidya Touré et le président Alpha Condé, ce dernier accepte le principe de recomposition des conseils communaux au prorata des résultats obtenus par chaque parti politique lors des législatives de 2013, pour remplacer les 28 délégations spéciales installées en 2011 et les autres élus locaux dont les mandats avaient expiré en 2010. Au total, 128 communes sur 342, dont 38 rurales et 90 urbaines, seront recomposées.

Comme les violations des lois électorales et les contestations de l’opposition se suivent et se ressemblent en Guinée depuis plusieurs années, le nouveau code électoral promulgué le 27 juillet 2017 par Alpha Condé, fruit de l’accord politique du 12 octobre 2016 signé entre la mouvance et une partie de l’opposition n’échappera pas à cette logique de rapport de forces.

Cet accord prévoit que le conseil de quartier ou district soit désigné au prorata des résultats obtenus par les listes de candidatures à l’élection communale. L’argument avancé est la complexité que représente l’organisation des élections dans les 3 763 quartiers et districts du pays. Dans son arrêt 023 du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle avait relevé l’inconstitutionnalité de plusieurs dispositions du nouveau code électoral. Toutefois le réexamen du code électoral a été soumis à l’Assemblée nationale non pas en séance plénière mais au niveau de la commission des lois. Ce qui constitue une autre entorse à la procédure parlementaire.

Douze ans après les dernières élections locales de 2005, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a fixé la date de ces élections au 4 février 2018, une date approuvée par toutes les parties en compétition. Malgré les quelques difficultés signalées lors du dépôt des candidatures ou encore de la distribution des cartes d’électeurs, la CENI maintient son chronogramme et rassure les acteurs de la tenue effective de ces élections à la date indiquée.

Mobilisation politique, manque de moyens et influence négative de la tutelle rapprochée : des collectivités locales affaiblies

La finalité de la mise en œuvre d’un processus de décentralisation est de réussir le développement socio-économique dans des domaines qui souffrent trop souvent de l’inefficacité des administrations publiques et d’un pouvoir décisionnel trop centralisé.

En Guinée, le clientélisme politique a fini par transformer les collectivités locales en bastions politiques au service de la mobilisation partisane. Cette politisation à outrance dans la gestion des collectivités locales est préjudiciable à la mobilisation de la dynamique locale.

Dans un rapport publié en 2012 intitulé « Débats locaux sur le processus de décentralisation » publié conjointement par le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, le conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) et l’association nationale des communes de Guinée (ANCG) il ressort des dysfonctionnements importants dans la gestion des collectivités locales. On peut lire dans ce rapport que les élus locaux, dans leur grande majorité considèrent que la décentralisation a été un transfert de compétences qui n’a pas été suivi de transfert de moyens leur permettant d’exercer les compétences qui leur sont transférées. Une réalité qui contraste avec les mesures annoncées dans la lettre de politique nationale de décentralisation et de développement local où on peut lire : « La décentralisation ne prendra corps, que si les transferts prévus dans le code des collectivités sont opérationnalisés, que les collectivités disposent des moyens de les assurer ».

Les élus locaux se plaignent du manque de subventions de l’État et de la faiblesse des ressources mobilisables au niveau local. C’est ce qui, selon eux, explique le faible taux d’exécution de leurs plans de développement local (PDL).

Ils dénoncent aussi leur marginalisation, par la tutelle, dans la mobilisation et la répartition des recettes locales. Selon leurs dires, ils ignorent généralement l’étendue de l’assiette fiscale sur la base de laquelle ils perçoivent leur part de ressources partagées.

Ils soutiennent que les collectivités locales sont également victimes d’abus d’autorité de la part de la tutelle rapprochée. Dans la plupart des cas, les élus locaux sont inféodés à la tutelle rapprochée de crainte de sanctions. Pour illustrer cet état de fait, un élu d’une commune urbaine affirme :

« On n’ose pas refuser de donner de l’argent à un Préfet ; on est obligé de laisser une bonne partie de la taxe superficiaire à la préfecture ; les maigres ressources sont souvent utilisées pour la prise en charge de missions et de délégations qui viennent à tout moment et on n’ose pas présenter une facture ; il y a des secrets profonds que je ne peux pas dénoncer ». Il poursuit: « Je dis, en parlant de la pression financière exercée par l’administration territoriale sur les maigres ressources des collectivités, que : au lieu que l’enfant tète la mère, c’est plutôt la mère qui tète l’enfant ». Un autre élu soutient en ces termes : « Lorsque l’autorité au sommet vient affamée, la base est obligée de subir ».

Pour maintenir de bons rapports avec leurs tutelles, les collectivités locales acceptent d’être soumises à des dépenses extra budgétaires. Dans la plupart des localités, les dépenses effectuées par les sous-préfets, préfets et gouverneurs sont effectuées à partir des cotisations imposées aux collectivités locales. C’est par exemple le cas lorsqu’il s’agit d’organiser des festivités ou de recevoir des hôtes de marque.

Concernant le déficit d’autorité dont souffrent les collectivités locales, les interrogés soulignent que l’absence de critères de choix basés sur la compétence des élus a permis à des élus locaux âgées et pour la plupart analphabètes d’être à la tête de bon nombre de collectivités locales. À cause de cet état de fait, les multiples formations dont ont bénéficié les collectivités locales ont eu très peu d’impact sur la capacité des élus locaux. Dans ce contexte, le code des collectivités locales qui est peu diffusé est faiblement maitrisé par les élus.

Décentralisation en Guinée, une expérience inachevée mais peut mieux faire

Face à l’optimisme de Alhassane Condé, ancien ministre et auteur de l’ouvrage « la décentralisation en Guinée, une expérience réussie » publié en 2003, nous pensons que la décentralisation en Guinée est une expérience inachevée. Le code des collectivités locales qui l’instrument juridique de mise en œuvre de la décentralisation souffre du manque de textes d’application pouvant faciliter son appropriation par les élus locaux. Du coup, sa maîtrise par les acteurs locaux est insuffisante. Un autre facteur est le taux élevé d’élus analphabètes au sein des conseils locaux et l’âge relativement élevé de ces élus qui expliquerait aussi cette faible connaissance du contenu des textes réglementaires de la décentralisation.

Malgré les nombreux programmes de renforcement de capacité des collectivités locales, les résultats obtenus sont en deçà des attentes exprimées. Cette réalité est d’ailleurs reconnue dans la lettre de politique nationale de décentralisation et de développement local où des recommandations sont formulées en ces termes : « Le renforcement de capacité n’est pas la somme de programmes de formation et d’équipements. Renforcer les capacités implique de prendre en compte trois niveaux interdépendants : le niveau individuel qui concerne les compétences des individus, le niveau organisationnel qui concerne la performance des organisations et le niveau systémique qui touche à la gouvernance (institutions et normes) ».

Un autre axe qui soutient ce constat d’expérience inachevée de la décentralisation en Guinée concerne le transfert de moyens permettant aux collectivités locales d’exercer les compétences qui leur sont transférées. Selon le rapport de 2012 du ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, le conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) et l’association nationale des communes de Guinée (ANCG), les dotations et subventions de l’État sont quasi-inexistantes aussi bien pour les collectivités locales que pour la tutelle chargée de veiller à leur bon fonctionnement. Les ressources financières mobilisées ou mises à la disposition des collectivités locales sont partout insuffisantes.

Au lendemain des élections locales du 4 février 2018 et la récurrente tradition de contestations des résultats électoraux en Guinée, nous formulons le vœu qui est aussi un défi lancé aux acteurs nationaux de la décentralisation d’œuvrer pour un nouveau départ de la locomotive de la décentralisation avec à son bord le développement local.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com

Cet article a été publié pour la première fois en 2018





Affaire 200 milliards GNF: les Associations de presse dénoncent la citation à comparaître délivrée à l’encontre de trois journalistes


Gouvernance


Déclaration

Les Associations de presse AGUIPEL, URTELGUI, AGEPI, REMIGUI, UPLG ont été surprises d’apprendre que les journalistes, Youssouf Boundou Sylla de Guineenews, Ibrahima Sory Traoré de Guinee7 et Moussa Moise Sylla de l’Inquisiteur, ont reçu une « citation à comparaitre devant le tribunal correctionnel » de Kaloum, pour le 15 décembre 2020.

Cette « convocation » fait suite à la requête de Madame Zénab Dramé, ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle qui accuse ces journalistes des faits de « diffamation » sur sa personne.

Les Associations de presse soutiennent les journalistes « convoqués » et condamnent les agissements de Mme Dramé, qui n’a pas attendu les conclusions de l’enquête ouverte par le procureur pour détournement de deniers publics, suite aux révélations de la presse, pour porter plainte contre les journalistes pour « diffamation », comme si, elle était déjà blanchie par la justice. 

En tout état de cause, les Associations de presse rappellent que les  lanceurs d’alerte et les dénonciateurs de corruption et infractions assimilées doivent bénéficier d’une protection spéciale de l’Etat contre les actes de représailles ou d’intimidation, selon l’article 100  de la Loi /L2017/041/AN du 4 juillet 2017 portant Prévention, Détection et Répression de la Corruption et des Infractions Assimilées.

Elles considèrent que la démarche de la Ministre est une manœuvre dilatoire pour empêcher l’instruction en cours pour détournement de deniers publics et une action d’intimidation de la presse.

Elles exhortent les autorités judiciaires à préserver leur indépendance et à respecter leur serment en évitant d’appliquer les consignes de punition des journalistes données par le Premier Ministre dans un communiqué du gouvernement.

Elles réaffirment leur soutien aux journalistes concernés et continueront à dénoncer les détournements des derniers publics, la corruption, la gabegie, comme l’a souhaité le Président de la République.

Les Associations de presse condamnent, vigoureusement, cette tentative d’intimidation de la presse, et défendront de toutes leurs forces la liberté de la presse chèrement acquise.

Conakry, le 6 décembre 2020

Ont signé:

L’Association Guinéenne de la Presse en Ligne (AGUIPEL)

L’Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée (URTELGUI)

L’Association Guinéenne des Editeurs de la Presse Indépendante (AGEPI)

Le Réseau des médias en ligne en Guinée (REMIGUI)

L’Union de la Presse Libre de Guinée (UPLG)


Pour comprendre cette actualité





Système éducatif guinéen: l’autre grand corps malade de la République


Gouvernance


Il est largement admis que l’éducation est un moyen de lutter contre toutes les formes de pauvreté. Plus une population est éduquée, plus elle est productive. L’éducation conditionne la modification des comportements sociaux. Elle est le jalon de la compétitivité des États.

François Dubet et Danilo Martucceli dans leur ouvrage intitulé A l’École : sociologie de l’expérience scolaire, rappellent que l’institution scolaire n’a pas qu’une fonction instrumentale à savoir produire simplement des qualifications, mais selon eux, elle « produit aussi des individus ayant un certain nombre d’attitudes et de dispositions ». Ils soutiennent qu’être citoyens, non seulement ça s’apprend, mais ce doit être aussi un désir partagé pour assurer « la pérennité d’une communauté de destin ». D’un autre point de vue, on relie souvent la vitalité démocratique d’une société à la qualité de l’éducation citoyenne promue par son système éducatif.

La population guinéenne est caractérisée par un faible niveau d’instruction. Selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2014, environ 32% des personnes âgées de 15 ans et plus sont alphabétisées, contre 68% de personnes non alphabétisées. Le système éducatif guinéen est confronté à des problèmes structurels qui accentuent son incapacité à améliorer la qualité de l’offre et son attractivité.

Financement du secteur en deçà de la moyenne des pays de la sous-région

Le système éducatif guinéen dans son ensemble souffre de sous-financement depuis une longue période. Selon le document Programme sectoriel de l’éducation 2015-2017, en 2005, la part des dépenses courantes du secteur sur les ressources propres de l’État (hors dons et hors secteur minier) était de 14%. En 2012, la même donnée s’établit à 14,8%, une valeur peu différente.

Sur le financement public du secteur de l’éducation, une note de l’AFD nous apprend qu’en 2013, le budget de l’éducation a représenté 3,2 % du PIB (par rapport à 4,7 % au niveau mondial) et 15,2 % du budget de l’État (contre une moyenne de 17 % pour l’Afrique subsaharienne). La même note souligne que l’arbitrage entre sous-secteurs n’était pas favorable à l’éducation de base et en deçà des objectifs fixés par la communauté internationale (la part du budget allouée au primaire était relativement faible, de 43,3 %, tandis que celle allouée au supérieur s’élevait à 32,5 %). La part de l’enseignement primaire dans les ressources publiques allouées au secteur a diminué de 51% en 2002 à 47% en 2008 puis à 43% en 2013. Malgré un certain effort croissant de consacrer au secteur de l’éducation des ressources publiques, cela reste en deçà de la moyenne des pays de la sous-région.

Dans un rapport d’analyse sectorielle publié en 2019 par l’UNESCO intitulé Guinée : Analyse du secteur de l’éducation et de la formation, Pour l’élaboration du programme décennal (2019-2028), les auteurs révèlent que le peu de ressources matérielles et financières disponibles sont dirigées principalement vers les services dont les activités sont les plus urgentes (préparation des examens, statistiques) et non les plus importantes en termes de qualité de l’éducation (formation du personnel administratif, des enseignants, élaboration des plans annuels).

La qualité, un des objectifs de l’Éducation pour tous

Dans une publication intitulée Perspectives : L’école au service de l’apprentissage en Afrique, publiée en 2018, la Banque Mondiale dresse un constat alarmant sur la qualité de l’éducation en Afrique. Selon l’institution, l’Afrique a fait d’incontestables progrès pour augmenter la scolarisation dans le primaire et le premier cycle du secondaire. Pourtant, près de 50 millions d’enfants restent non scolarisés et la plupart de ceux qui fréquentent l’école n’y acquièrent pas les compétences de base indispensables pour réussir dans la vie.

Elle souligne que la faiblesse des acquis scolaires dans la région [Afrique] est préoccupante : « trois quarts des élèves de deuxième année évalués sur leurs compétences en calcul dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne étaient incapables de compter au-delà de 80 et 40 % ne parvenaient pas à effectuer une addition simple à un chiffre. En lecture, entre 50 et 80 % des élèves de deuxième année ne pouvaient pas répondre à une seule question tirée d’un court passage lu et un grand nombre étaient incapables de lire le moindre mot. »

Si le défi de la scolarisation dans le primaire est en passe d’être gagné en Afrique avec plus de 80 % des enfants qui achèvent ce cycle, la qualité de l’enseignement proposé reste un défi.  

Au cours d’une conférence sur l’école de demain pour l’Afrique organisée par l’AFD en 2018 à Paris, le péruvien Jaime Saavedra, directeur pour l’Éducation de la Banque mondiale résumera les enjeux en ces termes « La scolarisation n’est pas l’apprentissage ». En d’autres termes, sans une éducation de qualité, la scolarisation ne suffit pas. Les chiffres sont inquiétants : « parmi les enfants scolarisés en Afrique subsaharienne, 93 % n’ont pas acquis les compétences de base en lecture et 86 % en mathématique. »

Dans un article intitulé Les défis de l’éducation dans les pays riverains de la méditerranée, Jean-Claude Vérez soutiendra que « privilégier la qualité de l’éducation plutôt que la quantité revient à dissocier acquis des élèves et taux de scolarisation, formation d’une élite et fuite des cerveaux, hausse du nombre de diplômés et chômage massif de ces mêmes diplômés, formation générale et employabilité, etc. » Chimombo cité par Fatou Niang dans un article intitulé L’école primaire au Sénégal : éducation pour tous, qualité pour certains, soutiendra cependant que « s’il est théoriquement admis que l’élargissement de l’accès à l’éducation devrait aller de pair avec l’amélioration de la qualité, réaliser conjointement ces deux objectifs peut être difficile pour les pays d’Afrique subsaharienne ».


« La scolarisation n’est pas l’apprentissage »

Jaime Saavedra


Depuis la conférence mondiale sur l’éducation pour tous de Jomtien en 1990, les organisations internationales ont adjoint à l’objectif d’expansion quantitative de l’éducation l’impératif d’amélioration de la qualité. Mais il a fallu attendre le Forum mondial sur l’éducation pour tous de Dakar en 2000 pour que la « qualité » soit au centre du débat sur le développement de l’éducation particulièrement en Afrique subsaharienne. À cet effet, l’objectif 6 de l’Éducation pour tous illustre l’importance d’intégrer l’enjeu « qualité de l’éducation » dans les politiques publiques des États « Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables – notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante. »

Le défi de l’éducation pour tous que la communauté internationale s’est engagée à relever à Dakar, en 2000, a entraîné une hausse importante des besoins en personnel enseignant. L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à cette réalité. Non seulement elle manque de ressources enseignantes, mais elle constitue aussi une partie du monde qui fait face à une croissance rapide de sa population en âge de fréquenter l’école.

Faible qualification du personnel de l’éducation, difficiles conditions d’enseignement et corruption

De façon générale, l’insuffisance de personnel qualifié pour assurer une bonne gestion administrative courante et conduire les politiques de réformes est une problématique majeure en Guinée. Le secteur de l’éducation n’échappe pas à cette réalité.

Dans un rapport synthèse de 2019 sur les ODD intitulé Les pays sont-ils en bonne voie d’atteindre l’ODD 4 ?, les auteurs du rapport soulignent que la proportion d’enseignants formés chute en Afrique subsaharienne.

Rappelons que la cible 4.c des ODD vise « D’ici à 2030, accroître considérablement le nombre d’enseignants qualifiés, notamment au moyen de la coopération internationale pour la formation d’enseignants dans les pays en développement, surtout dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement ».

Cependant, en Afrique subsaharienne, selon ce même rapport de 2019 sur les ODD, seuls 64 % d’enseignants du primaire et 50 % d’enseignants du secondaire ont reçu les formations minimum organisées requises, et ce pourcentage est en baisse depuis 2000 à la suite du recrutement d’enseignants contractuels sans qualifications pour combler les déficits à un coût moindre.

En Guinée, selon le rapport d’Évaluation sommative de l’appui du GPE à l’éducation au niveau des pays publié en mai 2020, « des mesures ont été prises pour introduire de nouvelles méthodologies et de nouveaux modes de formation des enseignants ». Mais selon les auteurs du rapport, « ces mesures sont en partie demeurées au stade d’essai et ne s’étendent pas encore à l’ensemble du pays. Elles comprenaient, entre autres : la mise à l’essai d’un programme de formation initiale de trois ans pour enseignants de niveau préscolaire dans trois centres de formation des enseignants; l’introduction d’une formation des enseignants en cours d’emploi sur la pédagogie de la lecture dans les petites classes; le soutien à quatre centres de formation des enseignants ». Les données dans ce rapport du Partenariat mondial pour l’éducation, indiquent une pénurie d’enseignants formés (seulement 19,5 pour cent) dans les écoles secondaires publiques et, dans une moindre mesure, dans les écoles primaires.

Sur la problématique de la défaillance du système éducatif guinéen et les faibles taux de réussite au baccalauréat, l’ancien ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Bailo Teliwel, dans une interview en 2019 soulignait que « Le plus important n’est pas la régression des taux d’admission mais bel et bien la régression de la qualité de l’enseignement ». Il faut rappeler que la Guinée a connu en 2018 (26,04 %) et 2019 (24,38 %) les taux de réussite au baccalauréat les plus faibles de son histoire. Pour ce professionnel et ancien acteur du système éducatif guinéen, « l’admission et le taux qui le chiffre sont les résultats d’un système et d’un processus qui est bien antérieur à l’examen. » Selon lui, cette situation est la résultante de plusieurs facteurs « les équipements, les infrastructures, la pédagogie, la qualité de l’administration, les activités scolaires et extra scolaires, l’encadrement parental et social, les politiques éducative, sociale et économique, les comportements, notamment des élites etc. »


Il faut rappeler que la Guinée a connu en 2018 (26,04 %) et 2019 (24,38 %) les taux de réussite au baccalauréat les plus faibles de son histoire.


Pour illustrer les conditions d’enseignement et la dévalorisation du métier d’enseignant en Guinée, EsterBotta Somparéet AbdoulayeWotem Somparé dans un article intitulé La condition enseignante en Guinée : des stratégies de survie dans le champ scolaire et universitaire guinéen, racontent des anecdotes qui ironisent la pauvreté de ces acteurs essentiels du système éducation « Je ne donnerai jamais ma fille à un enseignant, c’est un gendre trop pauvre » déclare un père, ou encore « Vous n’êtes qu’un enseignant, vous ne pourrez jamais acheter ça ! » réponse à un professeur d’université qui demande le prix d’une voiture à un vendeur. Ces auteurs rappellent le contraste du métier d’enseignant aujourd’hui en Guinée avec « le prestige dont cette profession était entourée à l’époque coloniale. »

La question du salaire des enseignants et son impact sur la qualité de l’éducation reste problématique. Il n’est plus à démontrer la corrélation entre un salaire attrayant et l’attractivité de la profession. Un salaire attrayant permet d’attirer et de retenir les diplômés les plus qualifiés dans la profession d’enseignant. Le salaire a toujours été au cœur des revendications du syndicat des enseignants guinéens avec son corollaire de grèves quasi permanentes ces dernières années.

Sur le matériel pédagogique dérisoire voire inexistant, il est rapporté dans un article publié dans Jeune Afrique intitulé Guinée : pourquoi les enseignants sont-ils en grève ?, les interrogations d’un enseignant guinéen « Avec les cours théoriques seulement, les élèves comprennent difficilement. Mais comment effectuer des travaux pratiques sans laboratoire ? », « Il n’y a même pas de bibliothèque ! » poursuit-il. Se prononçant sur les effectifs pléthoriques dans les salles de classe, l’enseignant témoigne qu’ils s’élèvent à « 130 élèves, voire plus » par salle de classe.

Cette situation renvoie à la problématique du financement du secteur et l’utilisation des fonds d’appui au secteur de l’éducation. Selon le rapport du Partenariat mondial pour l’éducation publié en mai 2020, en Guinée, comme dans de nombreux pays à faible revenu, le secteur est essentiellement financé par l’État, mais la majorité des dépenses d’investissement sont financées par des organismes externes. Par conséquent, les principales réalisations en matière de mise en œuvre des plans sectoriels dépendent du soutien des bailleurs de fonds. Toujours selon ce rapport, « L’aide publique au développement (APD) consacrée à l’éducation en Guinée est passée de 38,1 millions de dollars américains en 2015 à 47,1 millions de dollars américains en 2017 ».

La corruption affecte négativement la disponibilité et la qualité des biens et services éducatifs. Elle réduit les dépenses d’éducation, favorise le gaspillage et la mauvaise allocation des recettes de l’État.

Dans Écoles corrompues, universités corrompues : que faire ? publié en 2009, Hallak et Poisson définissent la corruption dans le secteur de l’éducation comme « une utilisation systématique d’une charge publique pour un avantage privé, qui a un impact significatif sur la disponibilité et la qualité des biens et services éducatifs et, en conséquence, sur l’accès, la qualité ou l’équité de l’éducation. »

Ces auteurs énumèrent les conséquences de la corruption dans le milieu éducatif selon trois principaux aspects : l’accès à la ressource éducative, la qualité du système éducatif et l’équité du système éducatif. Il ressort des conclusions de ces auteurs que la corruption influence négativement ces trois aspects et est un frein au développement social.

Lamia MOKADDEM dans un article intitulé La corruption compromet elle la réalisation de l’éducation pour tous ? : les canaux de transmission, souligne quant à elle, que  « plusieurs études et données empiriques mettent en évidence que les pays où les niveaux de corruption sont les plus faibles tendent à avoir des services publics très efficaces et à réaliser les meilleures performances éducatives. »

Classée parmi les pays les plus corrompus dans le monde, la Guinée occupait la 130e place sur 180 pays de l’Indice de la Perception de la Corruption dans le secteur public de Transparency International 2019. Selon une enquête Afrobarometer de 2020, une écrasante majorité (82%) des Guinéens évaluent la performance du gouvernement dans la lutte contre la corruption comme étant « plutôt » ou « très » mauvaise. Toutes les formes de corruption ont cours en Guinée, aussi bien la corruption active que la corruption passive. Le phénomène touche tous les secteurs de l’administration avec une ampleur plus grande dans les services de l’économie et des finances (douane, impôts, marchés publics…).


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Le niveau de la gouvernance recule en Afrique [Indice Mo Ibrahim]


Gouvernance


La Fondation Mo Ibrahim vient de publier son rapport 2020 sur la bonne gouvernance en Afrique. Pour la première fois depuis 2010, on note un recul de la performance continentale dans le domaine.

Selon le nouveau rapport, la moyenne africaine en ce qui concerne l’indice Mo Ibrahim de la bonne gouvernance est de 48,8 en 2019 contre 49 sur 100 en 2018 soit un recul de 0,2 point de pourcentage d’une année à l’autre. Cela n’était jamais arrivé depuis le début de la décennie.

L’étude indique que cette situation est due à la détérioration des performances dans trois des quatre catégories de l’indice, à savoir : participation, respect des droits et inclusion des citoyens ; sécurité et Etat de droit ; puis développement humain. En effet, ces dernières années, la progression des pays du continent dans ces secteurs a ralenti avec une baisse plus marquée à partir de 2015.

Entre 2010 et 2019, la performance des pays africains en matière de développement humain s’est améliorée de 3% (51,9 sur 100 en 2019) tandis que celle en matière de fondements pour les opportunités économiques a augmenté de 4,1% (47,8 sur 100 en 2019).

Cependant, le niveau des pays africains a reculé de -1,4% en ce qui concerne la participation, le respect des droits et l’inclusion des citoyens (46,2 sur 100 en 2019), et de – 0,7% en ce qui concerne la sécurité et l’Etat de droit (49,5 sur 100 en 2019). La faute notamment aux crises politiques et sécuritaires qui ont secoué plusieurs pays du continent.

Maurice reste le meilleur pays africain en termes de gouvernance avec un indice de 77,2 tandis que la Somalie est le pire pays du continent en la matière avec un indice de 19,2. Au cours de la dernière décennie, c’est la Gambie qui a réalisé la plus forte progression (+9,2) alors que la Libye détient la palme de la plus forte détérioration avec -5,5. L’Algérie arrive à la 15ème place (+3,3).

En ce qui concerne les régions, c’est l’Afrique australe qui réalise en 2019 la meilleure performance en matière de bonne gouvernance avec un indice de 53,3 suivie de l’Afrique de l’Ouest (53,1), l’Afrique du Nord (52), l’Afrique de l’Est (46,2), et l’Afrique centrale (38,8)

Notons que seuls huit pays ont amélioré leurs performances dans les quatre grandes catégories de l’indice Mo Ibrahim au cours de la dernière  décennie à savoir, l’Angola, le Tchad, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, Madagascar, les Seychelles, le Soudan et le Togo.

AFP

Lire le rapport complet ici





“Le mystère des 700 millions de dollars de Rio Tinto” en Guinée, les révélations de Libération


Gouvernance


Dans un article publié ce jeudi 30 juillet 2020 dans Libération, Agnès Faivre et Akoumba Diallo apportent un nouvel éclairage sur la destination des 700 millions de dollars empochés par la Guinée à l’issue de l’accord d’avril 2011 signé avec la compagnie minière Rio Tinto.


Republication de contenu Libération


L’accord signé en 2011 entre Conakry et le groupe minier aurait dû renflouer les caisses de l’Etat. Mais du côté du fonds censé gérer cette somme, le compte n’y est pas.

Un magot de 700 millions de dollars. C’est à peu près l’équivalent du budget de l’Etat en 2010 qu’empoche la Guinée à l’issue de l’accord d’avril 2011 signé avec la compagnie minière Rio Tinto. Mais «où sont passés les 700 millions ?» Depuis des années, la question est lancinante à Conakry. Libération est en mesure d’apporter un nouvel éclairage sur la destination (ou la disparition) d’une partie de l’enveloppe. Et sur son véritable montant. Ousmane Kaba, ex-conseiller à la présidence qui a planché sur les négociations entre le gouvernement et le géant minier, témoigne pour la première fois : «Rio Tinto a payé 750 millions de dollars sur un compte spécial géré par le gouverneur de la Banque centrale et le président de la République», affirme-t-il à Libération. Une information corroborée par deux autres sources proches du dossier. Rio Tinto maintient de son côté que 700 millions de dollars (et non 750) ont été versés directement au Trésor public guinéen. Soit. Mais à quoi a donc servi cette richesse tirée – enfin – du gisement de fer inexploité de Simandou ? Aux médias guinéens qui lui posent la question, le président Alpha Condé détaille lors d’une conférence de presse en juillet 2016 : «J’ai pris 125 millions pour entamer le barrage hydroélectrique de Kaleta. Nous avons commandé des groupes électrogènes avec 120 autres millions. C’est pourquoi nous avons eu l’électricité si rapidement.» Puis ajoute, le 29 janvier dernier à l’occasion de l’inauguration d’une agence d’Etat : «Le reste, on était obligé de le mettre sur un compte et c’est le Fonds monétaire international (FMI) qui décidait combien on devait dépenser par an.»

Bilan lapidaire

Quand l’institution financière revient officiellement en Guinée en janvier 2011, l’économie nationale est exsangue. «Compte tenu du défi de dépenser de manière efficiente ces recettes exceptionnelles, les autorités ont requis l’aide du FMI et de la Banque mondiale pour créer un fonds spécial», explique le FMI à Libération. Cette intervention aboutit à la création d’un fonds spécial d’investissement (FSI), mentionné le 23 décembre 2013 au Journal officiel. Mais étonnamment, aucune instance, internationale ou guinéenne, n’est en mesure de produire un document sur ce fonds et sur la gestion des 700 millions de dollars. Le FMI, lui, fournit un bilan lapidaire, reprenant pour l’essentiel un paragraphe de son «Programme de référence Guinée» de juillet 2011 : «185,5 millions de dollars ont été affectés au budget 2011» et 214 millions en 2012, pour des «investissements publics urgents surtout dans le secteur de l’électricité», tandis que 50 millions de dollars ont été versés à la Banque centrale. «Les 250 millions de dollars restants ont servi à financer le programme d’investissement public 2013-2015», écrit le FMI à Libération. Or la consultation des lois de finances 2011-2015 ne permet pas d’identifier de tels mouvements. Seul apparaît en 2012 un financement non bancaire de 348 millions de dollars pour combler le déficit budgétaire. Quant au FSI, l’affectation de ses fonds au budget de l’Etat est bien mentionnée dans les lois de finances 2013 et 2014, pour un montant total, ces deux années, de 254 millions de dollars. 232 millions issus de cette enveloppe ont été réellement dépensés, selon un document récapitulatif. Les plus gros postes d’investissement sont les infrastructures et l’énergie (construction et réhabilitation de routes, de ponts, construction de quatre microbarrages, travaux d’électrification) – des projets livrés ou en chantier, et parfois introuvables sur le terrain.

Flou sur le pactole

Le total des dépenses attribuées au «fonds Rio Tinto» dans les lois de finances atteint en réalité, au maximum, 580 millions de dollars. Restent environ 120 millions dont la trace s’est volatilisée. Ni le ministère guinéen de l’Economie et des Finances, ni la Banque mondiale, sollicités par Libération, n’ont répondu à nos questions sur la destination de ces recettes minières exceptionnelles. Recontacté, le FMI renvoie la balle à la Guinée. Il précise qu’il a, avec la Banque mondiale, aidé «à établir les procédures comptables régissant le FSI», mais pas «à gérer le fonds». Un peu court pour une institution supposée incarner la rigueur et qui, dans son «Programme de référence Guinée» de 2011, note qu’elle sera amenée «à donner des avis sur l’utilisation du FSI».

Ce flou sur le pactole de Simandou a aussi régné à l’Assemblée nationale. «Nous avons réclamé avec beaucoup de véhémence une commission d’enquête parlementaire, notamment sur l’utilisation des fonds de Rio Tinto, mais notre demande, prévue par la loi organique, n’a pas abouti, déplore l’ex-membre de la commission des lois Ousmane Gaoual Diallo. Par ailleurs, la loi de finances exige la production d’une loi de règlement qui détaille l’utilisation du budget annuel. Or elle n’a jamais été produite sous la gouvernance d’Alpha Condé.»


Cet article est republié à partir de liberation.fr. Lire l’original ici





Guinée: les juges et les magistrats sont perçus comme étant la frange des fonctionnaires la plus corrompue [Enquête Afrobarometer]


Gouvernance


La Guinée est classée parmi les pays les plus corrompus dans le monde, occupant la 130e place sur 180 pays de l’Indice de la Perception de la Corruption dans le secteur public de Transparency International (2019).

Pourtant, le Président Alpha Condé a montré une volonté de lutter contre la corruption avec la nomination de Me Cheick Sako au poste de ministre de la justice, qui a impulsé des réformes judiciaires pour éradiquer l’impunité. C’est dans ce cadre qu’en juillet 2017, une loi relative à la lutte contre la corruption a été adoptée, et il est souligné que désormais « les crimes économiques sont imprescriptibles » (Freland, 2019). Cette volonté de combattre la corruption s’est notamment traduite par l’éviction en juin 2018 des directeurs généraux de l’Office Guinéen des Chargeurs et celui de l’Office Guinéen de Publicité ainsi que leurs agents comptables pour suspicions de malversations (Nations Unies, 2018).

Malgré cela, comme l’a souligné en décembre 2019 le ministre guinéen en charge des investissements et des partenariats publics-privés, Gabriel Curtis, « la corruption est encore persistante en Guinée » (Diallo,2019), et aujourd’hui, avec la crise économique et sociale aggravée par la pandémie de la COVID-19, les besoins des populations confinées, et les ressources colossales que le gouvernement compte mobiliser, les risques de détournement des fonds sont réels.

L’enquête d’Afrobarometer en fin 2019 montre que la plupart des Guinéens pensent que le niveau de la corruption est à la hausse et les efforts du gouvernement de lutter contre ce fléau sont insatisfaisants. Les juges et magistrats, les agents des impôts, et les policiers sont perçus respectivement comme étant les corps les plus corrompus pendant que les chefs religieux et traditionnels ont plus de crédibilité que le personnel du service public. Par conséquent, la confiance des citoyens envers les institutions est faible, ce qui est susceptible d’entraîner des défiances populaires.

La corruption est aussi aggravée par une peur grandissante de représailles si les citoyens signalent les cas de corruption. D’ailleurs, une bonne partie des citoyens ont fait recours à la corruption pour obtenir des services et avantages dans le secteur public.


Lisez le document complet: La corruption en hausse selon les Guinéens, qui craignent des représailles s’ils en parlent


Quelques résultats choisis par notre rédaction


Sept Guinéens sur 10 (70%) affirment que les gens risquent des représailles s’ils signalent des actes de corruption aux autorités. La peur des conséquences négatives a connu une hausse de 7 points de pourcentage depuis 2017.


Le gouvernement répond « plutôt mal » ou « très mal » à la problématique de la corruption au sein de l’administration publique, selon huit Guinéens sur 10 (82%).




Afrobaromètre est un projet d’enquête et de recherche, non partisan, dirigé en Afrique, qui mesure les attitudes des citoyens sur la démocratie et la gouvernance, l’économie, la société civile, et d’autres sujets.





[Révélations] Françafrique: Parfum de corruption en Guinée


Un projet français capable de séduire des pontes du CAC 40 pour exploiter une mine de bauxite en Guinée tourne au vinaigre : entre paradis fiscaux et corruption, dictature tropicale et néocolonialisme, récit d’un incroyable scandale, au cœur d’une Françafrique qui ne veut pas mourir.

  • En 2013, un jeune entrepreneur français, Romain Girbal, acquiert de manière douteuse un permis d’exploitation d’un gisement de bauxite en Guinée.   
  • En 2015, Girbal crée en France l’Alliance minière responsable (AMR), qui devait révolutionner le secteur minier par des pratiques éthiques et respectueuses de l’environnement. Le projet a séduit l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, qui a ouvert à Girbal son carnet d’adresses, et lui a permis de faire entrer au capital de l’AMR Anne Lauvergeon ou encore Xavier Niel.
  • Mais très vite, l’entreprise française se montre incapable de lever les fonds nécessaires à l’exploitation de la mine. Elle va alors céder de manière déguisée son gisement à une entreprise à capitaux majoritairement chinois, la Société minière de Boké (SMB). La SMB est cornaquée par des proches du président guinéen, Alpha Condé. De plus, elle pollue allégrement l’environnement et appauvrit les populations locales.   
  • Les bénéfices de la cession du gisement de bauxite, qui se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d’euros (certains parlent même d’un montant total de 171 millions d’euros), se perdent dans les paradis fiscaux. En exclusivité pour l’enquête du Média, Arnaud Montebourg fait part de sa colère et de ses soupçons : d’après lui, cet argent aurait pu enrichir le clan d’Alpha Condé. Un dictateur qui multiplie les violences à l’égard de sa population et se trouve dans le viseur de la Cour Pénale Internationale. 

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« Nous devons tout abandonner » Impact du barrage de Souapiti sur les communautés déplacées en Guinée [HRW]


Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.


RÉSUMÉ

Le barrage de Souapiti, qui devrait à terme fournir 450 mégawatts après sa mise en service en septembre 2020, est le projet d’énergie hydraulique le plus avancé parmi plusieurs nouveaux projets planifiés par le gouvernement du président guinéen Alpha Condé. Le gouvernement guinéen estime que l’énergie hydraulique peut accroître considérablement l’accès à l’électricité, dans ce pays où seule une fraction de la population peut y accéder de façon fiable.

La production par le barrage de Souapiti, néanmoins, a un coût humain. Le réservoir du barrage va entraîner le déplacement d’environ 16 000 habitants de 101 villages et hameaux. Fin 2019, le gouvernement guinéen avait déplacé 51 villages et, selon ses déclarations, il prévoyait de réaliser les réinstallations restantes en un an. Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.

Le projet de Souapiti met en lumière le soutien de la Chine à l’énergie hydraulique dans le monde ainsi que le rôle des investissements chinois dans des projets d’infrastructure de grande échelle en Afrique. La China International Water and Electric Corporation (CWE) — filiale en propriété exclusive de l’entreprise publique chinoise Three Gorges Corporation, deuxième constructeur de barrage au monde — construit le barrage et elle en sera la détentrice et l’opératrice conjointement avec le gouvernement guinéen.

Le barrage de Souapiti fait aussi partie du projet « Initiative Ceinture et route » (Belt and Road Initiative, BRI) de la Chine, qui consiste à investir plus d’un trillion de dollars US dans des infrastructures situées dans quelque 70 pays et qui a soutenu d’importants projets hydroélectriques en Afrique, en Asie et en Amérique latine. La banque publique chinoise d’export-import (China Eximbank) a prêté plus de 150 milliards de dollars US (plus d’un trillion de yuans) pour soutenir les projets BRI et finance le barrage de Souapiti par le biais d’un prêt de 1,175 milliard de dollars US. En réponse aux critiques que soulève l’impact environnemental et social des projets BRI, le président chinois Xi Jinping a promis en avril 2019 que les projets BRI soutiendrait « un développement ouvert, propre et écologique ». 

Ce rapport décrit les impacts du barrage de Souapiti sur l’accès des populations déplacées aux terres, à l’alimentation et aux moyens de subsistance. Il se fonde sur plus de 90 entretiens avec des personnes déjà déplacées, des communautés qui doivent l’être et des villages sur les terres desquelles ces personnes sont réinstallées, ainsi qu’avec des chefs d’entreprise et des responsables gouvernementaux engagés dans le processus de réinstallation. Il formule des recommandations quant à la façon d’améliorer les réinstallations à l’avenir, et décrit les voies de recours dont les communautés déjà déplacées ont besoin.

Le processus de réinstallation de Souapiti est le plus important que connaisse la Guinée depuis son indépendance. Les personnes déplacées sont déjà, pour la plupart, extrêmement pauvres : selon les estimations tirées d’une évaluation de 2017, le revenu quotidien moyen dans cette région est de 1,18 dollar US par personne. Le barrage, s’il avait été construit selon les plans initiaux, aurait causé le déplacement de 48 000 personnes, mais l’agence gouvernementale qui supervise les déplacements, dénommée « Projet d’aménagement hydroélectrique de Souapiti » (PAHS), a décidé de réduire sa hauteur et donc la taille de son réservoir afin de faire diminuer le nombre de personnes à réinstaller.

Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes. Les déplacements rompent des liens sociaux et culturels de longue date entre les familles vivant dans cette région. « Dans notre culture, les liens sociaux et familiaux sont essentiels », a expliqué un habitant déplacé. « Des familles élargies sont déchirées. À chaque fois que nous avons quelque chose à fêter ou que nous devons faire un deuil en famille, la distance se fait sentir. »


Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes.


Les moyens de subsistance des communautés sont en outre menacés par les inondations causées par le réservoir de Souapiti, qui touchent de vastes zones de terres agricoles. Le réservoir du barrage va en définitive inonder 253 kilomètres carrés de terres. Selon les estimations, cette surface inclut 42 kilomètres carrés de cultures et il y pousse plus de 550 000 arbres fruitiers. Un document de projet de 2017 avertissait sans ambages : « Les populations déplacées auront en général des terres moins favorables que celles qu’elles cultivent depuis plusieurs générations ».

Des dizaines d’habitants déplacés ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils éprouvaient déjà des difficultés à nourrir adéquatement leurs familles. « Les gens ont faim ; parfois, je ne mange pas pour pouvoir nourrir mes enfants », a confié une femme déplacée du village du district de Tahiré en 2019. Les habitants de plusieurs villages ont affirmé qu’avant leur déplacement, ils cultivaient leur propre nourriture, alors qu’à présent, ils devaient trouver assez d’argent pour l’acheter sur les marchés locaux. « Maintenant que nous n’avons plus nos champs, nous vendons peu à peu notre bétail afin de joindre les deux bouts », a livré un éleveur et agriculteur local. « Nous sommes fragiles comme des œufs à cause de la souffrance qui règne ici », a estimé un leader communautaire réinstallé en 2019. « Ce n’est que grâce à Dieu que nous survivons. »

Les représentants du PAHS ont reconnu que les déplacements constituaient une menace pour les moyens de subsistance des communautés. « Lorsque l’on déplace un village, on casse la chaine de vie qu’il faut tenter de rétablir », a expliqué le directeur environnement et développement durable du PAHS. Le PAHS a affirmé vouloir ramener les communautés vers un niveau de vie égal ou supérieur à celui dont elles bénéficiaient avant leur réinstallation. Bien qu’il n’offre pas de terrains agricoles de substitution aux populations déplacées, il a affirmé qu’il les aiderait à cultiver leurs terrains restants de façon plus intensive et à trouver de nouvelles sources de revenus comme la pêche ou l’élevage.

Les habitants déplacés, cependant, n’ont encore reçu aucune assistance de ce type. « Nous ne demandons rien d’extraordinaire. Préparer le terrain pour que nous puissions poursuivre nos activités, une zone de pâturage pour élever notre bétail. Tenir les promesses qui ont été faites », a affirmé le président du district de Tahiré, qui englobe plusieurs villages réinstallés en juin 2019.

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi. Les plans d’action préparés en 2015 et 2017 pour piloter la réinstallation recommandaient que le PAHS commence son travail sur les programmes de restauration des moyens de subsistance dès le début de la construction du barrage, en 2015. Cependant, fin 2019, le PAHS n’avait toujours pas commencé à mettre en œuvre les mesures de rétablissement de moyens de subsistance, et les populations déplacées ne recevaient aucune assistance pour les aider à restaurer leurs vies agricoles anciennes. Le PAHS a affirmé à Human Rights Watch qu’« [il] est en train de redoubler d’efforts pour investir sur la restauration des moyens de subsistance dans les prochains mois, et ce, pour les années à venir ».

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi.

Le PAHS a souligné qu’à court terme, le gouvernement a fourni une assistance alimentaire (deux livraisons de riz durant une période de six mois et des espèces pour couvrir les besoins essentiels de base) aux familles déplacées. « Cela aide les gens à se remettre sur pied », a ajouté un représentant du PAHS. Mais les habitants ont répliqué qu’étant donné le temps qu’il faudrait pour trouver de nouveaux moyens de subsistance, cela ne suffisait pas. « Nous avons consommé l’aide distribuée en un peu plus d’un mois à peine », a précisé le père d’une famille de cinq enfants qui a dû quitter Warakhanlandi pour être réinstallée en juin 2019. Les normes internationales recommandent que les communautés déplacées reçoivent une assistance jusqu’à ce qu’elles atteignent les niveaux de vie qui étaient les leurs avant leur réinstallation.

Le PAHS a également affirmé offrir aux habitants une indemnisation pour les arbres et les cultures qui poussaient sur les terrains inondés, mais il ne fournit aucun paiement compensant la valeur du terrain lui-même. Par conséquent, ni les terres en jachère des agriculteurs pratiquant la rotation des cultures ni les terrains de pâturage n’ont fait l’objet d’indemnisations.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité. D’autres ont affirmé avoir été indemnisés pour leurs cultures pérennes, telles que les arbres fruitiers, mais n’avoir rien reçu pour leurs cultures annuelles telles que le riz ou le manioc. « Le gouvernement nous a donné ce qu’il voulait. Nous avons accepté l’argent sans négocier parce que nous ne connaissions pas la valeur de nos ressources », a déploré un chef de village. Plusieurs femmes ont ajouté que la majorité des indemnisations a été payée aux pères de famille ou aux personnes endossant la fonction de leader communautaire, les femmes n’ayant donc qu’un rôle limité concernant l’utilisation de l’argent.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité.

Dans tous les villages visités par Human Rights Watch, les habitants ont raconté qu’ils s’étaient plaints auprès des représentants du PAHS ou de l’administration locale concernant le processus de réinstallation, mais qu’ils n’avaient reçu aucune réponse, ou que les réponses qui leur avaient été faites étaient sans rapport avec leurs préoccupations. « Quelqu’un vous dit de transmettre [votre réclamation] à un tel. Ils vous demandent d’attendre. Il y a son supérieur, aussi. À qui sommes-nous supposés nous adresser ? », s’est interrogé un leader communautaire du district de Konkouré. Le PAHS a confié à Human Rights Watch qu’il avait « pris du retard » dans la mise en place d’une politique officielle relative aux réclamations, et qu’il ne l’avait fait qu’en septembre 2019, alors que 50 villages avaient déjà été déplacés. Le PAHS n’a pas fourni d’explications concernant ce retard. En décembre 2019, 110 réclamations avaient déjà été soumises au nouveau mécanisme de plainte.

Le PAHS a précisé que pour les réinstallations à venir, des accords sont en cours de négociation avec les communautés, afin de stipuler les responsabilités du PAHS durant le processus. Cette démarche pourrait en principe aider à clarifier les droits des personnes déplacés, mais dans l’accord transmis par le PAHS à titre d’exemple, les obligations de ce dernier sont résumées en un seul paragraphe, et les questions clés telles que la pénurie de terres cultivables et l’appui à la restauration des moyens de subsistance ne sont pas abordées de façon détaillée. Le PAHS devrait aussi garantir qu’avant de signer les accords, les habitants auront pu consulter des conseillers juridiques indépendants, choisis par leurs soins.

Par ailleurs, pour résoudre les problèmes de fond que rencontrent les villages déjà réinstallés, le PAHS devrait négocier des accords avec les ménages déjà déplacés, décrivant comment le PAHS traitera les questions d’accès aux terres et aux moyens de subsistance, ainsi que toute autre question liée à la qualité des logements et des infrastructures sur les sites de réinstallation. Le PAHS devrait également examiner les indemnités versées jusque-là et expliquer clairement comment elles ont été calculées. Tout paiement insuffisant devrait être immédiatement complété.

Le processus de réinstallation défectueux lié à la construction du barrage de Souapiti prouve également la nécessité, pour les sociétés chinoises, les banques chinoises et leurs ministères tutelle, de garantir que les projets BRI et les autres investissements chinois à l’étranger respectent les droits humains. CWE, dans un message électronique adressé à Human Rights Watch, a affirmé que le processus de réinstallation est à la charge du gouvernement de la Guinée mais a ajouté qu’en tant qu’actionnaire dans le projet de Souapiti, la compagnie, « participe à la réinstallation et joue un rôle de superviseur. » CWE, ainsi que China Eximbank, devraient utiliser leur influence afin d’assurer que les représentants du PAHS apportent des réponses aux problèmes soulevés dans le présent rapport.

Enfin, d’autres projets hydrauliques se pointant à l’horizon, le processus de réinstallation lié au barrage de Souapiti devrait alerter le gouvernement guinéen sur la nécessité de se doter d’une réglementation et d’une procédure de supervision plus solides. Le gouvernement devrait, après consultation avec la société civile et les communautés impactées, rédiger et adopter des réglementations qui définissent clairement les droits de quiconque perd l’accès à son terrain ou est réinstallé en raison de projets de développement de grande ampleur.

« Nous quittons notre maison pour le développement de la Guinée », a résumé un leader communautaire du centre de Konkouré pour Human Rights Watch. « Nous voulons que le gouvernement nous aide, sinon, nous allons souffrir. »


L’intégralité du rapport


hrw.org





La justice a une « responsabilité dans la rupture de la cohésion sociale » en Guinée [Rapport CPRN ]


Extrait du rapport des consultations nationales en appui au processus de réconciliation nationale (juin 2016)


L’histoire socio-politique de la Guinée depuis son accession à l’indépendance en 1958 , a été marquée par de graves violations des droits de l’homme qui ont fortement porté atteinte à l’unité et à la cohésion nationales, conditions sine qua non pour la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit.

Face
à cette situation, la Guinée, pour un traitement en profondeur de son passé, a
décidé de mener une réflexion afin de connaître les causes profondes de ses
crises devenues récurrentes et trouver les modalités idoines de réconciliation
de ses fils et filles. Mais comment atteindre un tel objectif sans la
participation des populations en général et des nombreuses victimes ? Tel est
le cadre dans lequel se sont déroulées, après une phase préparatoire de trois
ans, du 7 mars au 11 avril 2016, les consultations nationales objet du présent
rapport. Ces consultations, tout en capitalisant sur les expériences
antérieures déjà menées dans le domaine de la réconciliation nationale, mettent
en relief les desiderata des populations sur le traitement d’un passé qui n’a
malheureusement pas été que glorieux.

Reposant sur les mécanismes de la justice transitionnelle que sont
les droits à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non
répétition, le recueil des avis des populations s’est effectué à travers des
méthodes qualitatives et quantitatives avec un accent particulier sur
l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la
communication.

A cet effet, la population consultée a été définie suivant une
approche composite de catégories de personnes et de groupes, permettant ainsi
de disposer d’un échantillon représentatif de la population du pays.
Concrètement, les opérations ont permis de réaliser 4898 enquêtes quantitatives
(soit 109% des prévisions), 732 interviews individuelles (soit 102% des
prévisions), 104 focus groups (soit 97% des prévisions) et 56 rencontres
communautaires (soit 102% des prévisions). Il en résulte que le taux de
réalisation des enquêtes sur l’ensemble du territoire national a été
globalement satisfaisant.

Des réflexions menées, il ressort que les piliers de la justice
transitionnelle doivent être au coeur de toute démarche de réconciliation
nationale en Guinée. S’agissant du droit à la vérité, les consultations ont
permis de relever qu’il est fondamental pour faire la lumière sur les
violations des droits de l’homme du passé, et ce, de 1958 à 2015. A ce titre,
les Guinéennes et les Guinéens sollicitent qu’une institution composée de 5 à 9
membres soit créée et dotée du mandat et des prérogatives nécessaires pour
piloter le processus de réconciliation nationale.

Sur le droit à la justice, la grande majorité des personnes interviewées (75.9%) optent pour la poursuite judiciaire des auteurs présumés des actes de violations graves des droits de l’homme qui ont marqué l’histoire du pays.

En ce qui concerne le droit à la réparation, les indemnisations
(62%), la restitution des biens confisqués (54.6%), les excuses publiques
(47%), les hommages aux victimes (43.3%), la demande de pardon de la part des
personnes impliquées (58.3%), la demande de pardon de la part de l’Etat (51.9%)
ont été retenus par les personnes consultées comme modalités de réparation des
préjudices subis. Les réformes institutionnelles quant à elles, représentent
une des attentes majeures des personnes enquêtées et ce, dans de nombreux
secteurs et prioritairement ceux du système judiciaire, de l’administration
publique, des forces de défense et de sécurité.

Sur l’avenir, les personnes consultées sont confiantes par rapport au lendemain du pays, à condition que soient engagées de véritables réformes institutionnelles ainsi que des mesures idoines pour lutter contre les discriminations de toutes sortes en général et celles fondées sur l’ethnie en particulier.

Afin de faciliter l’opérationnalisation du processus de
réconciliation nationale et pour répondre aux attentes des populations, et dans
le respect scrupuleux des réalités de la Guinée, la mise en oeuvre du processus
de réconciliation par l’Etat pourrait suivre des étapes clés telles que l’éducation
citoyenne sur le processus de réconciliation nationale, le renforcement des
capacités des acteurs, l’adoption d’une panoplie de mesures touchant la
recherche de la vérité, des poursuites judiciaires, des réparations, la
dynamisation des réformes institutionnelles en cours et la conduite de
nouvelles réformes afin de recréer la confiance entre les citoyens et l’Etat

A terme, l’objectif ultime poursuivi est de transformer la République de Guinée, d’en faire un pays stable, démocratique et prospère fondé sur les valeurs de tolérance qui cimentent les relations de ses différentes composantes depuis des temps immémoriaux. Il s’agit là, d’un défi qui requiert un engagement de chaque guinéen et de chaque guinéenne en dépit de son appartenance politique, ethnique, philosophique ou religieuse, à faire de ce joyau, un havre de paix. La réussite d’un tel processus requiert l’appui et l’accompagnement de partenaires techniques et financiers, des organisations de la société civile, ainsi qu’un fort engagement de l’Etat à tous les niveaux.

Perception de la justice et propositions de changements

Des
critères composites ont été pris en compte pour évaluer l’institution
judiciaire, selon la manière dont la population la perçoit.

  • Sur la performance : 68,32% des personnes enquêtées pensent que la justice n’est pas performante. 19,63% pensent le contraire. Cette appréciation montre simplement que les justiciables enquêtés ne croient pas en l’efficacité de la justice.
  • Sur l’équité: 13,38% des enquêtés jugent la justice équitable, contre 76,59%. L’appréciation relativement sévère tend néanmoins à prouver un manque de confiance des citoyens dans cette institution. Ils estiment que l’égalité devant les cours et tribunaux n’est pas effective.
  • Sur l’exécution des décisions de justice : 66,52% des personnes trouvent qu’elle n’est pas rapide. Par contre, 17% trouvent que l’exécution des décisions est rapide, quand une frange similaire indique ne rien savoir de cet aspect du fonctionnement de la justice. Plus loin, 68,30% des personnes disent que les décisions de justice ne sont pas exécutées. Elles sont contredites par 16,39% d’enquêtés et le même taux de personnes déclarent tout ignorer de ce critère d’appréciation.
  • Sur le traitement des dossiers : 80,43% des enquêtés soutiennent qu’il est lent. 11,55% des personnes approchées ne savent rien de ce domaine. La lenteur dans le traitement des affaires est un critère d’appréciation de la performance. Il a un caractère général et ne peut valablement renseigner sur la qualité spécifique ou le niveau de défaillance indexé.
  • Sur l’indépendance de la justice : les opinions sont sans appel. 80,76% des hommes et des femmes interrogés soutiennent que « la justice est corrompue». 69,80% disent qu’elle est aux ordres des politiques.
  • Prise en charge des usagers : 63,58% des personnes estiment que la prise en charge (incluant l’accueil) des usagers est mal faite. Cet avis est significatif et caractérise un des critères importants de performance quant à l’accès des citoyens et citoyennes au service public de la justice. Mais la prise en charge peut recouvrir des aspects plus larges et cela nécessite d’être documenté au niveau des différentes juridictions pour cerner l’étendue de l’insatisfaction des usagers.
  • Organisation et fonctionnement : Les personnes consultées ont une opinion largement négative sur l’organisation et le fonctionnement des services de la justice, vus sous l’angle de la perception globale de ces domaines. 47,39% déplorent l’absentéisme du personnel de justice, alors que 36,21% des enquêtés disent ne rien savoir de cette question (une frange significative caractéristique de la familiarité des citoyens et citoyennes avec les services de la justice). 55,35% déplorent le « manque d’organisation des services) quand 32,66% disent n’en rien savoir. Ce critère mesure un des aspects importants du management des juridictions qui nécessite une série de dispositions pratiques se rapportant aussi bien aux qualifications des magistrats et personnel non judiciaire qu’aux procédures en vigueur.

Responsabilités de la justice dans les contentieux du passé

85,34% des personnes enquêtées affirment que la justice a une « responsabilité dans la rupture de la cohésion sociale » ; par contre 14,66% soutiennent le contraire. Ces points de vue sont étayés par des arguments dont la pertinence peut être appréciée à l’aune des crises que le pays a vécues.

Ceux qui indexent la justice mettent en évidence des comportements et attitudes tels que :

  • La libération des auteurs de violences par la justice
  • L’impunité dans plusieurs cas de violences graves,
  • Les juges ne disent pas le droit;
  • La justice ne défend pas les victimes;
  • La justice est faite en fonction des personnes jugées et non du droit;
  • Les juges sont corrompus/le personnel de justice prend de l’argent aux justiciables;
  • La justice est partiale, source de haine et de révolte;
  • La Justice à la solde du pouvoir politique;
  • La Justice au service des riches;
  • Le manque d’équité dans les décisions;
  • Des jugements faits pour la forme, les décisions ne sont pas exécutées;
  • La justice manque d’indépendance;
  • Le laxisme dans les jugements;
  • Les procédures trop longues créent la frustration chez les victimes;
  • La justice donne raison aux plus forts au détriment des victimes de violations;
  • La justice est devenue commerciale.

Les personnes qui ne croient pas en la responsabilité de la justice ne manquent pas d’arguments non plus. En général, elles soutiennent que :

  • La justice seule ne peut pas être responsable de la rupture de la cohésion sociale, c’est la mauvaise gouvernance économique, sociale et sécuritaire qui est en cause;
  • L’ignorance de la mission assignée à la justice par la population;
  • Des améliorations en cours grâce aux réformes;
  • Les tribunaux manquent de moyen pour travailler efficacement;
  • Les dirigeants exercent trop de pression sur les juges;
  • Les magistrats ont peur de dire le droit dans un pays où prévaut la violence perpétuellement;
  • Le pouvoir judiciaire n’est pas réellement séparé du pouvoir exécutif;
  • La justice fait ce qu’elle peut.

Les appréciations des citoyens et citoyennes sur la qualité et le
fonctionnement de la justice, au-delà de tout jugement de valeur (et en tenant
compte des approximations dues à la capacité d’analyse d’un grand nombre
d’enquêtés sur ce domaine de gestion publique qui est d’une complexité
certaine) donne une photographie sans équivoque de ce que les guinéens et
guinéennes pensent du pouvoir judiciaire.

L’enquête
a donné l’occasion aux populations d’apprécier d’autres éléments en lien avec
l’institution judiciaire.

Propositions de réformes

Sept (07) propositions d’amélioration ont été proposées à l’appréciation
des groupes et personnes enquêtés. Les avis sont édifiants :

Dans l’ordre décroissant, les propositions retenues sont :

  • Sanctionner les magistrats qui violent la loi,
  • Informer et sensibiliser les populations sur toutes les lois réprimant les crimes,
  • Séparer effectivement les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire,
  • Exécuter les décisions rendues dans le délai prévu par la loi,
  • Favoriser un meilleur accès des groupes vulnérables et défavorisés à la justice,
  • Améliorer la prise en charge des personnes qui ont recours à la justice,
  • Renforcer le régime pénitentiaire en vue de l’adapter aux normes internationales.

L’enjeu consisterait pour les pouvoirs publics guinéens à apprécier l’adéquation de ces centres d’intérêt avec les efforts actuels de réformes du système juridique et judiciaire du pays et en assurer leur connaissance et leur jouissance à toutes les populations.





Exploitation du fer du mont Nimba: le sine qua non écologique [Par Akoumba Diallo]


L’Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture invite l’État
guinéen à annuler immédiatement le certificat de conformité environnementale et
le permis d’exploitation minière accordés à Zali mining (ex West Africa
Exploration) et la soumission de la nouvelle convention minière entre la
Société des mines de fer de Guinée et le gouvernement, pour examen par l’UICN
avant sa signature (…).

La 43e
session du Comité du patrimoine mondial de l’organisation des Nations Unies
pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) tenue à Bakou en
Azerbaïdjan du 30 juin au 10 juillet 2019, demande à la Guinée de soumettre,
d’ici le 1er  février 2020, un
rapport actualisé sur l’état de conservation de la réserve naturelle intégrale
du mont Nimba et la mise en œuvre de ses recommandations, pour examen lors de
sa 44e  session prévue à
Fuzhou en Chine du 29 juin au 9 juillet en 2020.

Le 24 juillet
2019, Mechtild Rössler, directrice du Centre du patrimoine mondial à l’UNESCO a
écrit à Amara Camara, ambassadeur de la Guinée en France (délégué permanent de
la Guinée auprès de l’UNESCO). Pour l’informer que, lors de la 43e  session (Bakou, 2019), le Comité du patrimoine
mondial a examiné l’état de conservation de la réserve naturelle intégrale du
mont Nimba. Mechtild Rössler insiste: «Je voudrais également appeler à vos
autorités à faire leur possible pour respecter le délai statutaire mentionné
ci-dessus pour la soumission du rapport, et ainsi assurer suffisamment de temps
d’échange et dialogue entre vos autorités, le Centre du patrimoine mondial et
les organisations consultatives sur les problématiques en jeu, avant que le
prochain rapport pour le Comité ne soit produit

Entre temps, le
11 décembre 2019, l’ancien Premier ministre guinéen, Mamady Youla a été nommé
au poste de Président directeur général de la Société des mines de fer de
Guinée (SMFG). Cette filiale de HPX est chargée d’exploiter les gisements de
fer des monts Nimba, suivant les dispositions de la convention de concession
minière amendée et consolidée, signée par le gouvernement le 5 septembre avant
d’être ratifiée par le Parlement le 3 décembre.

Cette convention
prévoit, dans les 12 prochains mois, une production anticipée de 5 millions de
tonnes par an, afin de saisir les opportunités et accélérer la mise sur le
marché international du minerai de fer guinéen, en attendant la réalisation de
l’objectif de production initiale de 20 millions de tonnes par an.

L’investissement
total requis (étude réalisée et approuvée par les parties en 2008), pour la
mise en œuvre du projet de fer des monts Nimba est estimé à 3,6 milliards
dollars US. En plus de fonds propre, ce financement sera conclu avec un
syndicat bancaire de 1er plan.

L’adoption de
cette convention par le Parlement guinéen a d’office validé le rachat des
actions de Euronimba (BHP, Newmont et Orano) par HPX, société américaine
d’exploration géophysique appartenant à un groupe de promotion et de
développement minier contrôlé par l’Américano-canadien Robert Martin Friedland.

Le 11 novembre,
le ministre guinéen des Mines et de la Géologie, Abdoulaye Magassouba, son
homologue libérien des Mines et de l’Énergie, Gesler E. Murray, ont signé, au
Libéria, un accord de mise en œuvre du protocole de facilitation du transport
des ressources naturelles d’origine guinéenne.

Selon le rapport
du 3 décembre de la commission Mines et Industrie à l’Assemblée nationale,
rapport présenté par Mme Diakhaby Eva Cros, les coordonnées des sociétés
bénéficiaires des dispositions de cet accord de mise en œuvre sont: celles
situées totalement sur les périmètres actuels de la SMFG pour l’exploitation du
minerai de fer des monts Nimba, de Zali mining SA (ex West Africa Exploration)
pour l’exploitation du minerai de fer en lisière des monts Nimba, de Sama
ressources Guinée et CC Energy minerals pour l’exploitation du graphite de
Lola, ainsi que le périmètre de minerai de fer de Zogota sous licence de Niron
Metals Guinea.

En cas de
transit par le Libéria, la Guinée percevra une redevance additionnelle. Cette
redevance sera applicable à toute tonne. Elle variera de 0,825 dollar US à 2
dollars, selon le cours mondial de fer.

L’accord de mise
en œuvre du protocole de facilitation du transport des ressources naturelles
d’origine guinéenne voté par les députés a exclu de son périmètre d’application
le projet de minerai de Simandou. Les termes de cet accord ne sont profitables
qu’aux projets de petite et moyenne taille, proche de la frontière libérienne
et qui n’ont pratiquement aucune chance d’être développés à court et moyen terme
s’ils ne sont pas autorisés à évacuer leur production par le territoire
libérien.

M. Youla s’y
connait en matière de mines, il a été successivement un haut cadre de la Banque
centrale, du ministère des Mines et de la Géologie, de la Primature. Il a développé
le projet de construction et d’exploitation de la raffinerie de Sangarédi sous
le label de Guinea alumina corporation (GAC). Il a été président de la chambre
des mines de Guinée avant d’occuper le poste de Premier ministre.

Pour appuyer,
assister et accompagner les entreprises, États et organisations de toutes
sortes, dès son départ de la Primature, Youla a créé le 22 août 2019, le
cabinet M.Y. Consultants et Associés SARLU (n°formalité/RCCM/ GN.TCC.2019.0
3541 et n° entreprise/RCCM/GN.TCC.2019. B.0 3064) au capital de 50 millions de
francs (il est associé unique).

Le Comité du
patrimoine mondial regrette que l’État guinéen n’ait fourni aucune information
sur les projets miniers des sociétés Zali mining SA (ex WAE) et SMFG. Tous ces
deux projets sont situés à proximité du patrimoine. Le Comité a demandé au
gouvernement de soumettre, avant sa signature, au centre du patrimoine mondial
la nouvelle convention minière entre la SMFG et le gouvernement pour examen par
l’UICN pour s’assurer que sa mise en œuvre n’impacte pas la valeur universelle exceptionnelle
du bien.

Le Comité du
patrimoine mondial exprime sa vive préoccupation quant à la délivrance d’un
certificat de conformité environnementale ainsi qu’un permis d’exploitation à
la société Zali mining SA (ex WAE) pour le bloc minier immédiatement adjacent
au bien et prie instamment l’État partie d’annuler immédiatement ce certificat
de conformité environnementale et le permis d’exploitation octroyés. «Qu’une
version révisée de l’EIES réalisée en 2015 soit soumise au centre du patrimoine
pour examen par l’UICN avant de prendre une nouvelle décision sur l’octroi d’un
certificat de conformité environnementale
».

Rössler prend
note de l’information fournie par la Guinée sur le nouveau permis d’exploration
accordé à la société Sama Resources. Ce permis se situe en dehors des limites
de la réserve naturelle et de la zone tampon de la réserve de biosphère. Une
EIES est en cours de réalisation afin d’évaluer les impacts du projet, y
compris sur la valeur universelle exceptionnelle.

Rössler demande aussi la soumission des résultats de l’EIES au Centre du patrimoine mondial pour examen par l’UICN avant la délivrance d’un certificat de conformité environnementale à Sama Resources.


Par Akoumba Diallo Journaliste/Analyste au cabinet Mineral Merit SARL/Ancien membre de l’ITIE-Guinée akoumba2000@yahoo.fr




SIMANDOU Blocs 1 & 2 : Comment SMB a remporté l’offre [Par Akoumba Diallo]


Par une lettre du 14 novembre 2019 au gouvernement guinéen, la directrice générale adjointe de Fortescue Metals Group, Julie Shuttlewroth, a pris acte de la décision de la commission d’évaluation des offres d’attribuer les blocs 1 & 2 de Simandou au consortium conduit par la Société Minière de Boké.


Pour cette praticienne du secteur
minier d’Australie, de la Chine et de la Tanzanie depuis plus de 19 ans, « bien
que nous soyons déçus de ce résultat, nous sommes reconnaissants d’avoir pu
participer à cet appel d’offre et établir par la même occasion un lien
privilégié et étroit avec la Guinée. Nous estimons que le processus d’appel
d’offres est bien géré et nous sommes impatients d’en apprendre davantage à
mesure que le processus avance. Fortescue continue d’espérer qu’il existe
toujours un moyen significatif de contribuer au succès de la Guinée et de ses habitants
».

Après leur réunion du 23 août 2019,
les membres de la commission d’évaluation des offres pour l’octroi de la
concession des gisements de minerai de fer des blocs 1 & 2 de Simandou,
s’étaient réunis le 4 octobre, pour l’ouverture des plis. Le premier constat
des évaluateurs a été que toutes les sociétés qui avaient acheté des cahiers
des charges n’avaient pas soumissionné. L’assemblée des évaluateurs avait dû
mentionner que le retrait des cahiers de charges avait été opéré par trois
sociétés : la Société Minière de Boké (SMB), Vale et Fortescue Metal Group
(FMG), pour une période de préparation des offres de 45 jours. Et de s’accorder
qu’à la date du 4 octobre, seules la SMB et la FMG avaient déposé leurs offres
(composées globalement de 20 formulaires). Les évaluateurs avaient noté en
outre que les offres de la SMB étaient arrivées à temps, contre 15 minutes de
retard pour celles de FMG. Retard qui serait dû à de difficultés
d’identification du lieu de dépôt officiel des offres.

Malgré ce constat, les deux offres
avaient été déclarées recevables par la plénière de la commission d’évaluation.
A cette date, des membres de cette commission avaient rapporté que les offres
de la SMB semblaient être plus alléchantes, en ce sens qu’elles prenaient en
compte la construction du chemin de fer Trans-guinéen et celle d’un port en eau
profonde, à Forécariah, en vue de l’exportation du minerai de fer vers les
marchés. Le tout dans un délai de cinq ans, à compter de la ratification des
conventions (1ère phase).

Les 12 et 13 novembre, les
candidats à l’appel d’offres avaient respectivement reçu leur lettre de
notification. Et c’est la Société Minière de Boké qui a remporté la double
évaluation faite séparément par la commission interministérielle d’évaluation
et le cabinet E&Y (Ernst & Young). Selon une source interne à la
commission, «Fortescue Metals Group n’a pas soumis d’offres sur les
infrastructures» et s’est juste contentée de mentionner «qu’elle est prête à
accompagner l’État guinéen dans la recherche des solutions infrastructurelles».
Par contre «la Société Minière de Boké a identifié des acteurs et des fonds
allant jusqu’à 50% des charges nécessaires pour la première phase».

Pour se protéger contre une
éventuelle contestation, des membres de la commission disent avoir sollicité
les services de E&Y pour une contre-évaluation portant sur les deux offres
en examen. «Après notre évaluation et classement, la commission a demandé à ce
que E&Y évalue de manière indépendante. Les deux résultats se sont situés
dans les mêmes ordres de grandeur. C’est ainsi que nous avons notifié aux
concurrents le résultat final». 

Sur certains paramètres des offres soumises, «les deux concurrents ont proposé un ticket d’entrée d’environ 100 millions USD avec modalités de paiement presque identiques ». Les évaluateurs n’auraient pas examiné cette facette de la concurrence. Selon toujours un évaluateur, le consortium conduit par la Société Minière de Boké a proposé sur les points n°2 et n°4, un processus axé sur «la construction de la mine, d’un chemin de fer Trans-guinéen de 679 km et d’un port en eaux profondes d’une capacité totale de 80 millions de tonnes par an à Matakong sur les côtes guinéennes et d’une aciérie ».

La prévision en investissements
cumulés soumise par la SMB avoisine les 14 milliards USD pour les deux phases
du projet Simandou, blocs 1 et 2 (formulaire n°4, 6, 7 etc). Contrairement à la
SMB, les offres de Fortescue Metals Group proposeraient (formulaire n°7) qu’«
outre le financement des études de faisabilité qu’elle évalue à près de 200
millions USD pour lesquelles FMG s’engage sur fonds propres de respecter un
ratio de dettes/fonds propres de 70/30 pour un investissement total d’environ 4
milliards USD. En dehors du financement des études de faisabilité, tout autre
financement du projet est soumis à la direction des investissements qui ne sera
prise qu’au bout d’un délai de 34 mois, à compter de la date d’entrée en
vigueur».

Le grand écart entre les deux
soumissions se justifierait  surtout par
l’absence de proposition concrète relative au développement des infrastructures
et des installations portuaires pour l’évacuation du minerai des blocs 1 &
2 de Simandou par Fortescue Metals Group alors que SMB aurait proposé la
construction d’un chemin de fer d’une longueur de 679 km reliant la mine à un
port en eaux profondes d’une capacité finale de 80 millions de tonnes par an
situé dans la localité frontalière de Matakong sur les îles Kabak, près de la
Sierra Leone.

L’autre élément déterminant dans la
préférence des évaluateurs pour l’offre de SMB semble avoir été «la
disponibilité et l’engagement à commencer dès que possible les études de
faisabilité et le développement de la mine et des infrastructures à travers
l’engagement d’importants fonds propres disponibles alors que FMG privilégie la
levée des capitaux sur les marchés internationaux comme source principale de
financement de ses activités ».

Pourtant, Fortescue Metals Group
semblait avoir été favorite dans ce processus d’appel d’offres. La candidate à
la reprise des blocs 1 & 2 de Simandou avait dépêché le 22 août 2019, une
équipe sur le site des blocs en jeu. Après plusieurs reports, pour cause de
mauvaises conditions météorologiques, la délégation de Fortescue avait
finalement foulé le  sol de la
sous-préfecture de  Damaro, dans la
préfecture de  Kérouané, ce 22 août.
Damaro, où elle avait été accueillie par les autorités préfectorales et du
ministère des mines avec lesquelles elle s’était entretenue.

La mission de Fortescue avait
visité la cartothèque des échantillons des blocs 1 et 2 de Simandou, en vue
d’identifier le contenu des caisses à travers des numéros de certaines sections
spécifiques de forages sur les blocs 1 et 2, réalisés par la société VBG,
filiale conjointe de BSGR et Vale.

Après cette étape de terrain, la
mission s’était rendue dans le village de Damaro pour une visite de courtoisie
aux sages et aux autorités locales. Où M. Patrick Highsmith de la société
Fortescue avait remercié les sages du village, avant de présenter les valeurs
et les nombreuses expériences de Fortescue, ainsi que de leur engagement sans
faille dans la promotion et le développement du contenu local.

Prenant la parole à cette occasion,
le directeur préfectoral des mines et carrières de Kérouané, Nouman Kanté,
avait au nom de la délégation du ministère des mines, remercié la notabilité du
village pour la mobilisation et l’accueil chaleureux. M. Kanté avait enfin
rappelé l’objectif de la mission de Fortescue qui était la visite technique sur
les blocs 1 et 2, précisant que la société est soumissionnaire à l’appel
d’offres sur les blocs 1 et 2 de Simandou. C’était apparemment une visite de
terrain…miné.


Akoumba Diallo/ Journaliste/ Analyste au cabinet Mineral Merit SARL/ Ancien membre de l’ITIE-Guinée / akoumba2000@yahoo.fr





La répartition spatiale de la population guinéenne


Du 1er mars au 2 avril 2014, un troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH-3) a été réalisé sur toute l’étendue du territoire national. Par un décret du 31 décembre 2015, les résultats définitifs du RGPH-3 ont été publiés. Par rapport aux recensements de 1983 et 1996, les données du RGPH-3 ont fait l’objet d’une analyse par l’institut national de la statistique.

Il faut toutefois souligner que l’opposition politique a contesté les résultats de ce recensement accusant le pouvoir d’avoir trafiqué les données à des fins électoralistes.


Nous vous proposons un extrait du rapport d’analyse des données du RGPH3 diffusé en décembre 2017 par l’Institut National de la Statistique (Rapport officiel).


La République de Guinée compte sept régions administratives et la zone spéciale de Conakry. Chaque région administrative est subdivisée en préfecture. L’analyse portera sur la répartition de la population selon les régions et les préfectures de résidence.

Répartition de la population totale selon le sexe par milieu de résidence

La population totale de Guinée en 2014 est de 10.523.261 habitants. Les femmes représentent 51,7% et les hommes 48,3% soit un rapport de masculinité de 93,5. En milieu urbain, la population résidente totale est de 3.657.122 habitants soit 34,8%. Les femmes représentent 50,2% contre 49,8% pour les hommes. En milieu rural, la population résidente totale est de 6.866.139 habitants dont 52,5% de femmes et 47,5% d’hommes (voir tableau 2.03).

Répartition de la population totale par région de résidence

Répartition de la population résidente de 2014 par région

Les résultats du RGPH-3 montrent que la population est inégalement répartie entre les régions administratives du pays. En effet, les régions administratives de Kankan (18,7%), Conakry (15,8%) et N’Zérékoré (15%) sont les plus peuplées. Elles comptent à elles seules près de la moitié de la population guinéenne (49,5%). Les régions les moins peuplées sont respectivement celles de Mamou (6,9%), Faranah (8,9%) et Labé (9,5%). Comparé au recensement de 1996, on note un rééquilibre démographique en faveur de la région de Kankan. En effet, en 1996, la région de N’Zérékoré qui était la plus peuplée certainement à cause de la présence des réfugiés libériens et Sierra léonais passe en troisième rang après Kankan et Conakry. Les régions de Labé, Faranah et Mamou restent toujours les régions les moins peuplées et surtout perdent en termes de proportion.

En observant la proportion de femmes qui est de 51,7% au niveau national, on constate que quatre régions administratives ont une proportion de femmes supérieure à la moyenne nationale. Ces régions sont Labé (54,9%), Mamou (54,6%), Faranah (52,1%) et Kindia (52%). Seule dans la région de Conakry (capitale du pays) on constate un léger surnombre des hommes dû à l’afflux des immigrants en grande partie des hommes pour les études ou pour la recherche de l’emploi.

Évolution de la population de 1983 à 2014

Le calcul de l’accroissement moyen intercensitaire met en évidence la dynamique de la population. Il exprime l’accroissement annuel moyen pour la période séparant les recensements (1983-1996 et 1996-2014). Les résultats des trois recensements montrent que la dynamique de la population guinéenne a été plus importante entre les deux premiers recensements qu’entre le deuxième et le troisième recensement. L’accroissement intercensitaire était de 3,1 entre 1983 et 1996 puis de 2,2 entre 1996 et 2014. Selon les régions naturelles, on note qu’en Guinée Forestière, le taux d’accroissement entre 1983 et 1996 était de 4,1 à cause de la présence des réfugiés libériens et léonais. Il tombe à 1,0 entre le deuxième et le troisième recensement. La Basse Guinée avait enregistré un taux de 3,6 entre les deux premiers recensements il tombe aussi à 2,6 entre le deuxième et le troisième RGPH. La Haute Guinée quant à elle avait un taux de 3,1 entre les deux premiers et sa population croit plus fortement entre le deuxième et le troisième avec un taux de 3,5. La Moyenne Guinée accuse un léger fléchissement de l’accroissement de sa population passant de 1,9 à 1,2.

Selon les régions administratives, on constate une disparité importante entre les différentes régions. L’accroissement le plus élevé est observé dans la région de Kankan (3,8) suivi de celui des régions de Kindia (2,9) et de Faranah avec 2,5. Les régions de Boké, Labé, Mamou et N’Zérékoré connaissent un taux d’accroissement faible et inférieur à la moyenne nationale qui est de 2,2. Le taux passe ainsi de 2,0 pour Boké à 0,9 pour la région administrative de N’Zérékoré.

Population des préfectures

Les préfectures de la Guinée ont des effectifs de population de taille très variables. Elles vont de 96 700 habitants à Fria à 687 002 habitants pour la préfecture de Siguiri. Sur les trente-trois préfectures, seulement dix ont une population supérieure à 300 000 habitants totalisant 46% de la population totale du pays. Ces dix préfectures sont inégalement réparties entre les régions administratives : trois dans la région de Kankan, deux à Kindia et à N’Zérékoré et une dans chacune des régions de Boké, Labé et Mamou. Des disparités importantes sont observées dans la répartition de la population des autres préfectures. Elle varie de 96 700 pour la préfecture de Fria à 290 611 habitants pour Gueckédou. Cette inégalité de taille de la population des préfectures montre que l’effectif de la population n’est pas l’unique critère de création des préfectures. Cette situation pose le problème de la rentabilisation de certaines structures collectives qui nécessitent un certain effectif de population desservie pour leur utilisation optimale. C’est notamment le cas des infrastructures scolaires, sanitaires et d’adduction d’eau.

Le graphique 2.03 montre l’importance numérique des effectifs de la population des préfectures de Siguiri (qui occupe la première place avec 7,8% de la population), de Kankan (5,3%), Boké (5,1%) et de Kindia (5%). Par contre, les préfectures les moins peuplées qui occupent les quatre dernières places sont : Tougué (1,4%), Yomou (1,3%), Koubia (1,1%) et Fria (1,1%).

Analyse de la concentration de la population

La densité dont il est question dans ce chapitre est la densité physique qui tient compte de toutes les superficies du territoire. La densité globale du pays est de 42,8 habitants au kilomètre carré. La ville de Conakry enregistre une densité exceptionnelle (3691 habitants au kilomètre carré) liée à son statut de capitale administrative, politique, économique et sociale. Elle est aussi le principal point de chute des migrants venant des préfectures. La densité nationale était de 29,1 habitants au kilomètre carré au recensement de 1996. Cet important accroissement est le résultat de l’accroissement démographique enregistré dans le pays au cours de cette période. La densité nationale masque par ailleurs d’importantes disparités régionales.

Densité des régions

Hormis Conakry (capitale du pays) qui a une densité très élevée (3691 habitants au kilomètre carré), les autres régions enregistrent des densités relativement modestes. Deux régions ont des densités supérieures à la densité nationales. Il s’agit de Kindia (58,9) et Labé (43,5). La région de Mamou a la même densité que le niveau national. Par contre, les régions de Boké, Kankan et Faranah ont de très faibles densités. Il n’existe pas de relation entre la superficie des régions et le niveau de peuplement. Avec 44% de la superficie du territoire national, les régions de Kankan et Faranah n’abritent que 27% de la population totale du pays.

Par ailleurs, la densité des différentes régions a beaucoup évolué entre 1996 et 2014. Hormis Conakry, l’augmentation la plus forte a été enregistrée dans la région administrative de Kindia où la densité est passée de 35 habitants au kilomètre carré à 58,9 habitants au km2. Ceci pourrait expliquer par leur proximité à la capitale, donc on peut constater que ces deux préfectures sont les zones de refoulement de la population de Conakry.

Densité de la population des préfectures

La densité de population est très variable entre les préfectures, allant de 19,1 habitants au kilomètre carré pour la préfecture de Kouroussa à 206,9 habitants au Km2 pour la préfecture de Coyah. Sur les trente-troispréfectures, quinze ont une densité supérieure à la moyenne nationale. C’est essentiellement dans les régions de Faranah, de Kankan et dans quelques préfectures de Boké (Fria, Gaoual et Koundara) que l’ontrouve les préfectures les moins densément peuplées. Les préfectures les plus densément peuplées par ordre décroissant sont : Coyah (206,9), Labé (142,3), Forécariah (120,5), N’Zérékoré (109,5), Dubréka (76,0) et Pita (60,1). Les préfectures de Labé, N’Zérékoré et de Pita sont des zones de commerce attirant des populations des préfectures voisines. Quant à Coyah, Forécariah et Dubréka elles constituent les portes d’entrée de Conakry et aussi des zones d’intenses activités agricoles liées à la fertilité des sols. On y trouve de nombreuses plantations de bananes, d’ananas et d’agrumes. Les préfectures les moins densément peuplées sont Kouroussa (19,1), Faranah (21,6) Fria (22,1), Koundara (24,8) et Gaoual (25,0). La perte de la population de Fria peut s’expliquer par la fermeture de l’usine d’alumine entrainant ainsi le chômage pour nombreux chefs de ménage et la paupérisation de la population.


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La pauvreté s’est aggravée ces dernières années en Guinée


Dans une approche pédagogique, la rédaction de guineepolitique.com juge nécessaire de republier par thématique les différentes parties du document intitulé : Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020, élaboré par le gouvernement guinéen. Cette démarche journalistique se fixe pour objectif la facilitation de la lecture, la compréhension et l’appropriation dudit document par les populations guinéennes, pouvant servir d’éléments d’appréciations des actions gouvernementales en confrontant l’information officielle à celle indépendante.


En dépit des énormes potentialités naturelles de la Guinée, la majorité de sa population reste confrontée à des conditions de vie difficiles. En plus de ce qu’aucune cible des OMD n’a été atteinte, la pauvreté s’est aggravée ces dernières années tant dans sa composante monétaire que dans sa composante multidimensionnelle fragilisant le développement humain du pays. Cette section fait le bilan de la mise en oeuvre de l’axe 2 « lutte contre la pauvreté, poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et valorisation des ressources humaines ». Elle est organisée en trois sous-sections : (i) le profil de la pauvreté ; (ii) les impacts socio-économiques d’Ebola ; et (iii) le bilan des OMD.

Profil de la pauvreté  

Selon les résultats de l’ELEP-2012, plus de la moitié (55,2%) des guinéens vit en-dessous du seuil de pauvreté monétaire. Quant à la pauvreté multidimensionnelle, elle touche 60,7% de la population en particulier les femmes et les enfants (INS & World Bank 2016). Ce qui signifie qu’environ trois cinquièmes de la population guinéenne (soit 7,5 millions de personnes) souffrent de privations multiples en termes de biens durables et de services sociaux de base (éducation, eau potable, assainissement, électricité, logement, etc.).

Ces chiffres globaux cachent de fortes disparités entre les régions et les milieux de résidence. La pauvreté multidimensionnelle est plus présente en milieu rural (89,3%) qu’en milieu urbain (18,6%). En dehors de la région de Conakry (5,8%), toutes les autres régions enregistrent chacune une proportion élevée de populations confrontées à des multiples privations (cf. Graphique 1, ci-dessus). En particulier, les régions de Labé, Mamou et Faranah sont affectées à plus de 75% par la pauvreté multidimensionnelle.

Même si les résultats des enquêtes nationales indiquent, une baisse de l’incidence de pauvreté multidimensionnelle de 71,5% en 2002 à 60,7% en 2014 (cf. Graphique 2, plus bas), le nombre d’individus vivant dans cette situation a plutôt augmenté sur la période considérée, passant de 6,07 millions en 2002 à 7,5 millions d’individus en 2014.

Quant à la pauvreté multidimensionnelle chez les enfants, l’analyse montre que la quasi-totalité des enfants (97,1%) de 0 à 17 ans sont privés dans au moins une dimension et que presque un enfant sur deux (47,3%) est privé dans au moins 3 dimensions dont : éducation, eau et assainissement.

En termes d’évolution, il ressort des enquêtes sur les conditions de vie des ménages une tendance à l’aggravation de la pauvreté monétaire dont l’incidence est passée de 49% en 2002 à 53% en 2007 puis à 55,2% en 2012. Ce qui signifie que la proportion des individus vivant avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté (estimé à 1,25 dollars par jour et par personne en 2012) s’est accrue sur la période 2002-2012 en Guinée.

Impacts d’Ébola sur la pauvreté

Même s’il n’existe pas de valeurs actualisées des indices de pauvreté après l’épisode d’Ebola, les résultats de l’enquête téléphonique sur les impacts socio-économiques de la MVE, réalisée en 2015, (cf. Encadré 2, ci-dessous), suggèrent une aggravation de la pauvreté monétaire.

La Guinée a enregistré 3 678 cas dont 2 388 décès, soit un taux de létalité de 65%. La quasi-totalité des régions sanitaires (7/8) et des districts sanitaires (31/38), ont été touchées par la MVE. L’épidémie de la MVE a eu un impact non négligeable sur l’utilisation, l’accès et l’offre des services sociaux de base, dégradant encore plus des indicateurs sociaux déjà alarmants. Les femmes sont plus exposées à la maladie du fait de leur rôle comme dispensatrices de soins. Les enfants sont plus exposés aux risques d’exploitation et de travail dans les zones affectées, à cause de la baisse de la fréquentation scolaire, mais aussi aux risques de traumatismes psychologiques bien souvent ignorés, et de vulnérabilité accentuée par le fait que ces enfants ont souvent perdu un ou deux de leurs parents. Quant au marché de l’emploi, plus de 2 000 emplois ont été détruits. L’épidémie a aussi eu un impact négatif sur l’entraide sociale, et a entrainé la stigmatisation des ménages contaminés mais aussi des malades guéris.

Pour enrayer la MVE, le Gouvernement a mis en place un plan national de riposte avec les objectifs stratégiques ci-après : (i) interrompre la chaîne de transmission communautaire sur l’ensemble du territoire national, (ii) stopper l’apparition en Guinée de nouveaux cas de contamination internes ou importés, (iii) renforcer le système national de santé (offre de soins, surveillance et prévention des épidémies).

Bilan des OMD  

Comme tous les autres documents de référence, le Plan Quinquennal a pris en compte les huit (8) Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Dans le cadre de sa mise en oeuvre, les résultats ci-après ont été enregistrés, OMD par OMD.

OMD1 : « Réduire l’extrême pauvreté et la faim »

En termes de résultats l’objectif de réduire l’extrême pauvreté n’a pas été atteint (cf. Sous-section 1.1.2.1). Le taux d’emploi est élevé (66,5% en 2012), reflétant la prédominance des emplois précaires (indépendants et aides familiaux) sur le marché du travail. En matière de lutte contre la faim, la situation reste aussi préoccupante au vu des taux de malnutrition élevés dans le pays. 17% de la population totale sont en insécurité alimentaire et plus de 0,5% sont en insécurité alimentaire sévère. Les régions  les plus touchées, sont : Kindia, N’zérékoré, Boké, Kankan, Labé et Faranah. Plus de la moitié des personnes en insécurité alimentaire sont à Labé et N’zérékoré. 

Selon l’enquête démographique de 2012, plus de sept enfants sur dix (77%) sont atteints d’anémie ; et dans l’ensemble du pays, seulement 41% des enfants de moins de cinq ans ont reçu des suppléments de vitamine A. Les différentes formes de malnutrition ont des conséquences néfastes et parfois irréversibles sur la santé, la survie, le développement des capacités cognitives de l’enfant et de l’adolescent, ainsi que sur les capacités productives, reproductives et intellectuelles à l’âge adulte.

L’enquête SMART, de 2015 a révélé qu’en Guinée, 25,9% des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique (modérée et sévère) dont 16,7% sous la forme modérée et 9,2% sous la forme sévère. Selon la même enquête, 8% des enfants de moins de 5 ans sont atteints de malnutrition aiguë dont 2% sous la forme sévère et 6,1% sous la forme modérée. La prévalence de la malnutrition aigüe est quatre fois plus élevée que celle que l’on trouve dans une population en bonne santé et bien nourrie et trente-six fois plus élevée pour la forme sévère (0,1%). Les enfants qui souffrent de malnutrition aiguë sévère (SAM) sont 5 à 20 fois plus à risque de décès que les enfants bien nourris ; la malnutrition aiguë sévère est une cause directe de mortalité infantile et augmente la morbidité chez les enfants souffrant de maladies courantes telles que la diarrhée et la pneumonie.

OMD2 « Assurer une éducation primaire pour tous »

L’objectif visé n’a pas été atteint (cf. Tableau 1, ci-dessous). Au-delà de l’éducation primaire c’est tous les ordres d’enseignement qui ont enregistré de faibles performances au cours de la période 2011-2015.

Le taux d’accès à l’éducation préscolaire en 2015 était de 8,4% dont 8,6% pour les filles. Les écoles maternelles sont à 98%, des écoles privées et essentiellement situées en zones urbaines. En 2014-2015, le TBPS était de 8,4% contre 12,5% en 2013-2015, dont 4,8% en zone rurale. Le taux net de scolarisation s’est situé à 64% en 2015, avec une disparité prononcée entre le milieu urbain (89%) et le milieu rural (51%). Le TBS de 2014-2015 est de 79%.

Au niveau secondaire, tous les indicateurs ont évolué à la baisse entre 2011 et 2015. Le taux brut de scolarisation est passé de 38,5% en 2013 à 36,1% en 2015 pour le collège et de 29,9% à 28% pour le lycée. Aussi, la transition entre les cycles reste encore faible : 44,9% pour le primaire/collège et 32,8% pour le collège/lycée. Ces résultats sont liés à la faible dotation des élèves en manuels (environ 1,2 manuels/élève), à l’insuffisance de ressources humaines qualifiées (seulement 44% d’enseignants ont la formation professionnelle requise), ainsi qu’à l’insuffisance des capacités d’accueil. 

En matière d’alphabétisation et éducation non formelle (AENF), les progrès enregistrés sont très insuffisants sur la période 2010-2015. Seulement 25,31% d’adultes de 15 ans et plus ont été alphabétisés en 2010 selon l’UNESCO. Selon la même source, en 2015, ce taux a grimpé à 30%. Pour les femmes, il se situe à 22,9%.

Dans le domaine de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (ETFP), les capacités d’offre se sont accrues au cours de la période 2011-2015. Le nombre d’institutions d’ETFP est passé de 80 en 2011 à 162 institutions en 2014. Il s’en est suivi une augmentation des effectifs. Il est à noter que 46,9% des institutions d’ETFP sont à Conakry et 61,5% d’apprenants sont dans les filières du secteur tertiaire, contre respectivement 32,2% et 6,3%, dans les filières du secteur secondaire et du secteur primaire. L’effectif des apprenants de l’ETFP ne représente que 1,7% de l’effectif du système éducatif guinéen dont 1,1% des jeunes de 15 à 35 ans et 0,7% de la population en âge de travailler (15-64 ans). Il est à mentionner également que la période 2011-2015 a été caractérisée par le développement de l’enseignement supérieur privé, l’ouverture de programmes de master et la création de trois écoles doctorales. L’indice de parité fille/garçon au supérieur est de 0,4 en 2013.

OMD3 : « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes »

La mise en oeuvre des mesures préconisées dans le PQ a abouti aux performances indiquées dans le tableau 2 ci-dessous pour ce qui est de l’indice de parité fille/garçon.

Au nombre de ces mesures, il peut être cité la mise en oeuvre du projet d’appui à la promotion du genre, dont l’objectif fondamental est de lutter contre les disparités entre les sexes et dont les principaux acquis sont l’élaboration et l’adoption d’une Politique Nationale du Genre assortie de son plan d’action stratégique de mise en oeuvre, et la mise en place des cellules genre dans les départements ministériels.

A cela, il faut ajouter d’autres importantes initiatives prises au cours de la période à savoir : le Projet d’Appui à la Promotion du Genre, le Programme pour la Santé Maternelle et Infantile (PROSMI), le Fonds d’Appui aux activités génératrices de revenus pour les femmes et les jeunes, la Politique Nationale pour la Scolarisation de la Jeune Fille.

S’agissant de l’autonomisation des femmes, seulement un peu plus d’une femme sur cinq (21,5%) en 2012 est salariée dans le secteur non agricole (ELEP, 2012). Cette proportion a faiblement augmenté depuis 1994 (18,6%) du fait de la structure même du marché du travail, de la faible qualification de la main d’oeuvre féminine et de la survivance de certaines pesanteurs socioculturelles.

Par ailleurs, il est noté que les femmes continuent d’être sous représentées dans la vie publique et politique ainsi qu’aux postes de décision : en 2012, les femmes ne représentaient que 22% des députés (25 sur 114) au sein de l’Assemblée Nationale nouvellement élue, contre 20,6% au sein du Conseil National de la Transition qui a fait office de Parlement entre 2010 et début 2014. Au niveau du Gouvernement, en 2014, seulement 14,7 % des ministres sont des femmes.

OMD4 : « Réduire la mortalité infanto-juvénile »

Les progrès ici sont notables. De 163 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2005, le taux a chuté à 150 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2015. En matière de mortalité infantile, le taux est passé de 67 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2012 à 63 en 2014 pour se maintenir à 61 en 2015. Par ailleurs, un enfant a 2,5 fois plus de risque de décéder avant l’âge de 5 ans lorsqu’il naît dans un ménage très pauvre.

OMD5 : « Améliorer la santé maternelle »

La cible de 250 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2015, visée pour cet objectif, n’a pas été atteinte, en dépit d’un léger progrès qui s’est traduit par une baisse de la mortalité maternelle de 724 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2012, à 695 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2015.

En ce qui concerne la cible « rendre l’accès à la médecine procréative universel », les avancées, sont plus modestes. La prévalence contraceptive déjà faible, a globalement diminué, allant de 6,8 % en 2005 à 4,6 % en 2012. Cette baisse est plus marquée en zone urbaine (de 11,4% à 7,4% dans les centres urbains de l’intérieur et de 13,9% à 7,6% à Conakry). En 2012, la fécondité des adolescentes (indicateur indirect utilisé pour mesurer la natalité dans ce groupe d’âge de 15 à 19 ans), était de 28% pour tout le pays (35,3% en milieu rural et 17,9% en milieu urbain, 39,8% chez les plus pauvres et 13,8% chez les plus riches) contre32% en 2005. La couverture des soins prénatals a augmenté et est passée de 82% à 85,2% (95,2% en zone urbaine et 83,2% en milieu rurale). La proportion des besoins en planification familiale non satisfaits a marqué une augmentation, en passant de 21,2% à 23,7%, ce qui contribue à l’éloigner de la cible (8,2%) en 2015 avec des variations en défaveur du milieu rural, des pauvres et de certaines régions administratives.

OMD6 : « Combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies »

Le VIH/SIDA demeure un problème de santé publique avec une prévalence de 1,7% en 2012 en deçà de l’objectif de moins 1,5%. Ce taux est de 2,1% chez les femmes et 1,2% chez les hommes. S’agissant des personnes atteintes, 30 040 ont accédé aux traitements antirétroviraux soit un taux d’accès de 59,1%.

Les zones urbaines, et en particulier Conakry, enregistrent les taux de prévalence les plus élevés (2,7%). La prévalence du virus chez les femmes enceintes est plus élevée que celle de la population générale. En effet, le taux d’accès aux ARV pour les femmes enceintes est passé de 17% en 2011 à 62% en 2014.. Chez les enfants, la couverture en ARV est de 21%.

La prévalence de la tuberculose, de 178 TPM+ pour 100 000 habitants, reste encore élevée avec sa double charge de coïnfection avec le VIH/SIDA. La prévalence et la mortalité due à la tuberculose a régulièrement baissé mais de façon modeste. L’ensemble des cas détectés (100%) ont été soumis au traitement de court terme sous surveillance directe, et le taux de succès a atteint l’objectif visé en 2015.

Le paludisme demeure une maladie endémique et constitue une cause importante de décès. Il représente 40,8% des consultations, 45,3% des hospitalisations dans les formations sanitaires publiques et 36% des décès hospitaliers. Le taux de prévalence du paludisme est de 44% chez les moins de 5 ans.

Parmi les principales causes de mortalité, il importe de mentionner les infections respiratoires aigües et les maladies diarrhéiques représentant respectivement les deuxième et troisième causes de mortalité chez les moins de 5 ans. A cela s’ajoute la malnutrition qui constitue l’une des principales causes de décès des enfants.

OMD7 : « Assurer un environnement durable »

La cible visée à l’horizon de 2015, était d’intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux, et inverser la tendance actuelle de la déperdition des ressources environnementales, d’améliorer sensiblement, les conditions de vie de la population habitant les taudis et de réduire de moitié, le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.

En matière d’intégration des principes de durabilité dans les politiques, le Gouvernement, a doté le pays d’instruments clés de préservation de l’environnement et de lutte contre sa dégradation. Ces instruments sont : (i) le Plan National d’Investissement en Matière d’Environnement (PNIE) 2013-2017, adopté en 2012; (ii) la Stratégie Nationale sur la Diversité Biologique pour la mise en oeuvre des objectifs d’Aichi pour la Guinée (SNDB); (iii) la Politique forestière, le Code Forestier, le Code de protection de la faune sauvage et de la réglementation de la chasse. Ces efforts de l’État guinéen appuyés par les PTF ont permis d’améliorer la note CPIA/Banque Mondiale du pays, relative aux politiques et institutions pour la durabilité environnementale qui est passée de 2,5 sur 6 en 2011 à 3,5 sur 6 en 2014.

S’agissant de la déperdition des ressources naturelles, il est à noter un recul du couvert forestier du pays au cours de la période 2011-2015. Estimé à 26,5% de la superficie du pays en 2011, le couvert forestier de la Guinée s’est réduit à 25,9% en 2015 (Banque mondiale, WDI 2016). Si au vu de ces chiffres la situation n’est pas aussi alarmante pour parler de péril environnemental, elle requiert cependant une attention particulière en termes de réponses adéquates à y apporter dans le futur.

Selon le RGPH, 2014, environ 97% des ménages utilisent du bois de chauffe ou du charbon de bois comme source d’énergie pour la cuisson, contre 95% environ en 1996. Ce qui témoigne d’une forte pression sur les ressources forestières.

Au cours de la période 2011-2015, la Guinée a enregistré des résultats assez mitigés dans le domaine de l’eau, en dépit de la réalisation par l’Etat de 2 054 forages entre 2011 et 2013. Le taux d’accès à l’eau potable dans les zones rurales est de 67% sur la base des chiffres collectés en 2015. En milieu urbain le taux d’accès est de 72%. Ce taux exclut les pompes manuelles et les puits traditionnels mais comprend : les connexions domestiques, 60% ; et l’accès par le biais de borne-fontaine, 12%. La fiabilité de l’approvisionnement et la qualité de l’eau demeurent des préoccupations majeures. En effet, le faible accès à l’eau potable et à une hygiène adéquate dans un environnement à forte densité de population a également contribué à la propagation de la MVE et a même été un facteur critique dans les écoles.

Dans le domaine de l’assainissement, le taux global d’accès à l’assainissement amélioré est estimé en 2015, à 34% dans les zones urbaines (contre 12% dans les zones rurales). Pour  l’assainissement partagé, le taux d’accès est de 45% dans les zones urbaines contre 9% respectivement dans les zones rurales. Pour d’autres services d’assainissement non améliorés, les taux d’accès sont respectivement de 21% pour les zones urbaines et de 55% pour les zones rurales. La défécation à l’air libre est particulièrement fréquente dans les zones rurales où le taux est encore de 24%. 

Les facteurs explicatifs de la situation de l’accès d’eau et d’assainissement, sont : (i) des taux de panne élevés (supérieurs à 20%) ainsi que les vols de pompes en milieu rural, (ii) l’insuffisance des investissements en matière d’hydraulique et d’assainissement, (ii) la faiblesse du système de gestion de l’information sur l’eau et l’assainissement, (iii) l’inexistence d’un système de suivi de l’eau ; (iv) le non-respect des normes et standard de construction des ouvrages d’assainissement, (v) les faibles capacités de prise en charge de l’hygiène et de l’assainissement dans les centres de santé et dans les écoles. En plus de ces facteurs, il y a des considérations sociologiques qui constituent des contraintes à l’adoption des bonnes pratiques en matière d’eau, d’hygiène et d’assainissement.

Pour les déchets solides, 14,4% des ménages ont un système sain de débarras des ordures dont 4,5% en milieu rural. Environ 80% des ménages au plan national et plus de la moitié (52,6%) des ménages en milieu urbain se débarrassent de leurs ordures ménagères dans la nature, la mer, les cours d’eau, la rue, les caniveaux (RGPH-3).

OMD8 « Mettre en place un partenariat mondial pour le développement »

La période 2011-2015 a été marquée par le rétablissement de la coopération avec les principaux bailleurs de fonds de la Guinée. Deux considérations majeures ont permis cette évolution. Il y a tout d’abord les élections présidentielles de 2010 ayant mis fin à la transition consécutive au coup d’État de 2008, et permis le retour à l’ordre constitutionnel. Il y a ensuite les réformes macroéconomiques et structurelles engagées par les autorités de la 3ème République ayant conduit à l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE en 2012.

Il est à rappeler que la plupart des programmes de coopération ont été suspendus après la prise du pouvoir par la junte militaire en décembre 2008 et des sanctions prises à l’encontre de la Guinée suite aux évènements du 28 septembre 2009. Pour un pays fortement dépendant de l’aide, cette situation a eu des conséquences néfastes sur la dynamique de la croissance économique en Guinée, sur les grands équilibres financiers de l’État et partant sur les conditions de vie des populations comme reflétés par les indicateurs socio-économiques présentés supra.

En plus de l’annulation de sa dette en 2012 au titre de l’Initiative PPTE, la Guinée a bénéficié dans le cadre de la crise d’Ébola, et suite aux conférences de Bruxelles en mars, de Washington en avril et de New York en juillet 2015, d’un important appui de la Communauté internationale, de l’ordre de 705 millions USD dont 161 millions USD sont exécutés et/ou en cours d’exécution. Plus récemment (septembre 2016), pour renforcer la mobilisation effective des ressources, le Gouvernement a décidé de mettre en place un Fonds National de Relance et de Résilience Post-Ébola (FNRPE), comme mécanisme spécifique de financement et de mise en oeuvre des interventions prioritaires requises et qui ne sont pas encore couvertes ni prises en charge. Ce fonds sera abondé à hauteur de 500 Millions USD.

La Guinée entretient des relations de coopération bilatérale avec les pays de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie, de la Péninsule arabique et persique, ainsi que de l’Amérique. La coopération multilatérale concerne les relations avec les institutions de Bretton Woods, de la BAD, de la BID, de la BADEA, du PNUD, des Agences du Système des Nations Unies, de l’UE et les ONG internationales.

Au titre de la période 2011-2015, la contribution de ces partenaires au développement du pays s’élève à près de 1,5 milliards USD en termes de mobilisation non inclus les IDE. La part des partenaires bilatéraux au financement de développement s’établit comme suit en USD : (i) 2011 : 275 millions ; (ii) 2012 : 300 millions ; (iii) 2013 : 325 millions ; (iv) 2014 : 450 millions ; (v) 2015 : 450 millions.

Traditionnellement, l’ensemble de l’aide au développement de la Guinée est mis en place suivant quatre modalités : l’aide-projet, l’appui à la balance des paiements ou aide programme, l’assistance technique et l’aide alimentaire et humanitaire. A quelques variations près, l’aide est octroyée à hauteur de 49% sous forme de dons et à 51% sous forme de prêts concessionnels. La répartition sectorielle, montre que les secteurs sociaux ont bénéficié de 40% de l’aide extérieure entre 2011 et 2015. Sur la même période, les ressources allouées à l’agriculture ont atteint 25% de l’aide totale. Les secteurs industriels et des infrastructures ont reçu environ 30% de l’aide totale.

En dépit des efforts déployés pour encadrer la gestion de l’aide, le diagnostic révèle des difficultés qui contrecarrent les ambitions du Gouvernement à en assurer une coordination et une gestion efficaces. Au nombre de ces difficultés, il y a : (i) la faiblesse de l’appropriation nationale, (ii) l’insuffisance d’alignement de l’aide, (iii) le déficit des capacités, (iv) la fragmentation des structures, (v) l’insuffisance des données sur l’aide, (vi) la faible prise en compte de la gestion axée sur les résultats, (vii) les difficultés liées aux procédures de gestion de l’aide, (viii) la faible prévisibilité et ponctualité de l’aide, (ix) le volume insuffisant de l’aide, etc.

Sur le plan diplomatique, les relations que la Guinée entretient avec plusieurs États du monde datent de son indépendance acquise en 1958. Cette présence guinéenne sur la scène mondiale représente un atout majeur pour le développement socio-économique du pays. Aujourd’hui, avec l’avènement de la 3ème République, la diplomatie guinéenne s’est recentrée sur la recherche des meilleures opportunités économiques en vue du développement du pays. De plus en plus, en effet, le concept de diplomatie du développement est mis au goût du jour avec cette volonté fortement exprimée du Gouvernement de valoriser les immenses potentialités économiques, culturelles et sociales du pays.

La diplomatie guinéenne accuse cependant des limites qui freinent considérablement la réalisation de cette ambition qui pourrait grandement contribuer à faire de la Guinée un pays émergent à l’horizon 2040. L’une des causes principales de ces limites tient aux résultats mitigés enregistrés par le pays sur le plan de la gouvernance et qui ont affaibli les capacités de l’État. L’absence de schéma de carrière pérenne pour les diplomates, la faible insertion des Guinéens dans les institutions internationales, l’absence de mécanismes d’incitations adéquats pour favoriser le transfert des ressources de la diaspora, sont en outre, des facteurs qui plombent l’apport de la diplomatie au développement.

Les défis à relever dans ce domaine sont : la mise en place d’une diplomatie politique, économique, environnementale, culturelle et sociale capable de drainer les investissements ; la restructuration des services extérieurs et centraux du Ministère en charge de la diplomatie ; le renforcement des capacités des personnels diplomatiques ; le renforcement de la coopération bi et multilatérale ; l’élaboration et la mise en oeuvre de la politique de gestion des Guinéens de l’étranger.





Bilan officiel du plan quinquennal 2011-2015


Dans une approche pédagogique, la rédaction de guineepolitique.com juge nécessaire de republier par thématique les différentes parties du document intitulé : Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020, élaboré par le gouvernement guinéen. Cette démarche journalistique se fixe pour objectif la facilitation de la lecture, la compréhension et l’appropriation dudit document par les populations guinéennes, pouvant servir d’éléments d’appréciations des actions gouvernementales en confrontant l’information officielle à celle indépendante.


Aperçu global des performances économiques

A la faveur du renouveau politique instauré par la troisième République, le Gouvernement a entrepris dès 2011 de grandes réformes économiques et financières. Ces réformes ont permis de stabiliser le cadre macroéconomique, d’améliorer le climat des affaires, de renouer les relations avec les PTF et d’atteindre le point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Il en a résulté une reprise économique et partant une amélioration de la situation macroéconomique et financière du pays. Malheureusement, cette dynamique a été contrariée par la baisse des cours des minerais sur le marché international, l’apparition de la maladie à virus Ebola (MVE) et des difficultés socio-politiques, provoquant un ralentissement de l’activité économique et une décélération de la croissance du PIB.

Indicateurs macroéconomiques et financiers  

La période 2011-2015 a enregistré une croissance de 2,3% du PIB en moyenne par an. L’activité économique a connu une reprise à partir de 2011, qui s’est poursuivie en 2012 et 2013 avec un taux de croissance annuel moyen de 3,9%. Mais en raison des agitations socio-politiques et la maladie à virus Ebola6 qui ont fortement perturbé le cours normal des activités économiques en Guinée, ce rythme a décéléré faisant chuter la croissance à 1,1% en 2014 puis à 0,1% en 2015. Il en a résulté un recul net du revenu par tête d’environ 0,5% durant la période. Ainsi, l’économie guinéenne n’a pas encore amorcé un sentier de croissance soutenue et durable permettant d’atteindre le niveau de 7% requis dans les pays les moins avancés pour réduire significativement la pauvreté. 

La période 2011-2015 a en outre enregistré une meilleure tenue des indicateurs macroéconomiques et financiers par rapport à l’année 2010 au cours de laquelle, l’économie affichait un taux de croissance de 1,9%, un taux d’inflation de 20,8%, un niveau de réserves de change inférieur à un (1) mois d’importations, des ratios respectifs de 67% pour la dette et de 32% pour le service de la dette.7 

Les finances publiques ont fait l’objet d’une gestion prudente se traduisant par une amélioration des principaux soldes budgétaires liée principalement à une plus grande maitrise des dépenses publiques et à un accroissement des recettes budgétaires. Le déficit global hors dons et le déficit global dons compris se sont améliorés pour représenter respectivement 6,5% et 3,3% du PIB en moyenne au cours de la période 2011-2015, contre 14,4% et 14,0% du PIB en 2010.

Au plan monétaire, les réformes entreprises au cours de la période 2011-2015 ont permis de réduire la liquidité, limiter l’inflation et stabiliser le taux de change. La masse monétaire a en effet progressé de 56% entre 2011 et 2015, après une hausse de 74,4% sur la seule année de 2010. Cette progression résulte notamment de l’amélioration de la position extérieure nette du pays (0,3% du PIB) et du raffermissement des crédits à l’économie.

Le taux l’inflation en glissement annuel s’est situé à 7,3% en décembre 2015, contre 20,8% en décembre 2010. Le taux de change s’est stabilisé à environ GNF 8 004 pour 1 dollar US et GNF 8745 pour 1 Euro au 31 décembre 2015. Les primes de change entre les marchés officiel et parallèle se sont fixées à 7,8% pour le dollar américain et 5,9% pour l’Euro à la même date, contre 17,2% et 14,5% respectivement à fin 2010.

Les crédits à l’économie ont atteint GNF 7 583,37 milliards à fin décembre 2015 contre GNF 3 161,9 milliards à fin 2011, soit une hausse de 140%. Cet accompagnement de l’économie a été possible grâce à l’assouplissement de la politique monétaire et à l’amélioration de l’environnement des affaires. Le secteur des Bâtiments et Travaux Publics (BTP) a été le plus grand bénéficiaire des crédits à l’économie après les produits pétroliers.

Les créances nettes de la Banque Centrale sur l’État se sont fortement accrues au cours des deux dernières années à cause de l’apparition de la maladie à virus Ebola qui a entrainé l’utilisation d’une partie des recettes exceptionnelles de l’État. Elles sont passées de GNF 1 598,18 milliards en fin 2010 à GNF 7 353,26 milliards en fin 2015.

La circulation fiduciaire a augmenté de 59% au cours de la période 2011-2015, après une explosion de 88,1% entre 2009 et 2010. Ainsi, la monnaie en circulation représente 29% de la masse monétaire à fin 2015 contre 38,5% au 31 décembre 2010 ; ce qui traduit un regain de confiance au système bancaire. Au cours de la période, les dépôts en devises ont augmenté de 50% et les dépôts en francs guinéens ont progressé de 57%.

En dépit du ralentissement de l’activité économique observée à partir de 2013, la situation macroéconomique de la Guinée est restée globalement stable, au cours de la période 2011-2015. 

Politiques économiques  

Au cours de la période 2009-2010, les principaux indicateurs macroéconomiques de la Guinée se sont dégradés. Pour juguler cette situation, les autorités ont eu recours dès 2011, à différents instruments de politique économique, pour rétablir les grands équilibres financiers de l’État et stabiliser le cadre macroéconomique.

En matière de politique monétaire, la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a dès 2011, utilisé à fond les instruments de politique monétaire pour réguler la liquidité du système bancaire. C’est ainsi que pour absorber le surcroît de liquidité dans l’économie, le coefficient de réserves obligatoires ainsi que le taux directeur ont été relevés au cours de l’année 2011, respectivement de 9,5% à 22% pour le premier et de 16,75% à 22%, pour le second. En 2013, dans un contexte de recul notable de l’inflation, ces instruments de la politique monétaire ont été revus à la baisse en guise de mesures d’assouplissement des conditions monétaires. Toujours au cours de l’année 2011, le montant des dépôts sur les comptes sur livret a été déplafonné afin d’encourager la mobilisation de l’épargne nationale. En 2015, la Banque Centrale a mis en place un second guichet d’injonction de liquidité par appel d’offres, permettant aux banques de se refinancer.

En matière de politique de change, la BCRG a également mené plusieurs actions visant à stabiliser le taux de change de la monnaie nationale par rapport aux principales devises. Un marché interbancaire des changes (MIC) a été institué entrainant : (i) une appréciation du franc guinéen ; (ii) une reconstitution des réserves de change qui sont passées de deux (2) semaines à six mois d’importation à fin 2011 ; et (iii) la maîtrise de la liquidité bancaire et de l’inflation. Malheureusement, avec la survenue de la maladie à virus Ebola à fin 2013 et la chute des prix des matières premières, le franc guinéen s’est déprécié.

Face à cette situation, la BCRG a dû intervenir davantage sur le MIC et accompagner le gouvernement dans son programme d’investissement dans les secteurs prioritaires tels que l’énergie et les travaux publics. Ceci a entraîné une réduction des réserves de change de la BCRG et l’élargissement de l’écart entre les taux des marchés officiels et parallèles. C’est pour redresser la situation que sur recommandation du FMI, la BCRG a procédé à la suppression du MIC et son remplacement par un nouveau système d’adjudication bilatérale de devises dès janvier 2016. L’instruction n°056/DGCC/DCH/16 du 04 janvier 2016 a été prise dans ce sens et la première séance a eu lieu le 08/01/16. Cela a réduit la prime de change de 7,94 % à 1,17 % consacrant ainsi l’unification des deux marchés selon les principes du FMI. Toutefois, le GNF s’est à nouveau, fortement déprécié (environ de 12 %) à fin juin 2016.

En matière de politique budgétaire, dès le premier trimestre de 2011, et en collaboration avec la Banque Centrale, plusieurs mesures de redressement économique et financier ont été mises en oeuvre notamment : l’arrêt du financement monétaire systématique du déficit budgétaire pour faire fonctionner le Trésor public strictement sur base caisse et la création d’un compte unique à la Banque Centrale pour transférer les multitudes comptes du Trésor public qui se trouvaient au niveau des banques primaires.

Réformes structurelles

Plusieurs réformes ont été engagées par les autorités au cours de la période pour améliorer les performances de l’économie, au nombre desquelles : (i) l’adoption d’un nouveau code des investissements qui accorde des avantages fiscaux et douaniers aux investisseurs pendant la phase d’installation et de production, (ii) l’adoption d’un nouveau code des marchés publics et la création de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) afin d’assurer plus de transparence dans l’attribution des marchés publics, (iii) l’adoption du nouveau code du travail qui exempte l’embauche des travailleurs étrangers de l’espace CEDEAO de l’autorisation préalable du service public d’emploi, (iv) la mise en place d’un centre de formalité des entreprises permettant notamment de réduire le délai de création d’entreprise à 72 heures.

Dans le cadre de la gestion des ressources naturelles, il est à souligner la mise en vigueur en 2011, d’un nouveau code minier conforme aux normes internationales en matière de protection de l’environnement. Entre autres dispositions, le Code Minier prévoit de verser les paiements des revenus miniers dans un compte avec la clé de répartition de : 80 % pour le budget national, 15% pour le budget des collectivités locales et 5% dans le nouveau Fonds Stratégique d’Investissement, censé promouvoir l’investissement et le développement du secteur minier. Ce Code met l’accent sur la transparence des contrats et permis miniers et des paiements des sociétés minières reçus par le gouvernement. Par ailleurs, la Guinée a réintégré le 1er mars 2011, le processus de l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) qu’elle avait volontairement suspendu en décembre 2009.

S’agissant des autres mesures structurelles, il est à mentionner : (i) la formalisation dans le cadre d’un décret, des arrangements institutionnels entre la SOGUIPAMI et l’administration publique (la SOGUIPAMI est chargée de la gestion des parts de l’Etat dans le secteur minier) ; (ii) le renforcement et l’assainissement du cadre juridique minier afin que les miniers opèrent sur une base solide, stable, transparente et équitable ; (iii) l’adoption par l’Assemblée Nationale, du projet de Loi portant gouvernance financière des entreprises publiques : et (iv) l’élaboration et l’adoption du code pétrolier.

Tendances sectorielles

Les tendances sectorielles du PIB sont analysées en considérant les composantes à fort potentiel de croissance du secteur primaire, du secteur secondaire et du secteur tertiaire.

Agriculture

La valeur ajoutée du sous-secteur agricole a connu une croissance de 4,7% en moyenne annuelle contre 5,8% projetée par le plan quinquennal. En termes de réalisations dans ce sous-secteur, il est à noter : (i) l’émergence et la promotion des organisations paysannes ; (ii) l’approvisionnement en intrants aux producteurs (engrais, semences, produits phytosanitaires) et équipements à des prix subventionnés ; (iii) la création d’un centre de prestation agricole dans toutes les préfectures du pays pour faciliter l’accès aux équipements ; (iv) la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation de l’impact du soutien. Ces actions de promotion du sous-secteur ont favorisé la construction et la réhabilitation de nombreuses pistes rurales dans les quatre régions naturelles ; et l’aménagement de 1 000 hectares dans la plaine de Koundian.

Malheureusement, la survenue de la MVE a négativement affecté la production et la commercialisation de toutes les spéculations, tout en compromettant les intentions de mise en valeur des terres. Grace aux actions d’assistance technique entreprises par le Gouvernement dès 2015, la production agricole s’est relativement améliorée, et cela s’est traduit par une amélioration des productions des 5 principales spéculations (riz, mais, fonio, manioc, arachide).

Plusieurs contraintes d’ordre structurel, technique et financier empêchent le développement du sous-secteur. Il s’agit de : (i) l’insuffisance des infrastructures de maîtrise de l’eau pour assurer l’intensification agricole ; (ii) l’absence des établissements de crédits spécialisés dans le financement agricole ; (iii) la prédominance d’une agriculture de type familial et de subsistance et utilisant des techniques traditionnelles ; (iv) l’inefficacité des systèmes de commercialisation liés, notamment à l’enclavement de certaines zones de production et le faible accès au marché des petits producteurs ; (v) les perturbations agro-climatiques dans certaines zones agricoles, notamment de la région maritime, du septentrion, du plateau central et de la Guinée Forestière ; (vi) le faible niveau d’accès aux intrants agricoles ; et (vii) le taux élevé des pertes post-récoltes. 

Élevage

Les performances du sous-secteur ont été bridées par le retard enregistré dans l’exécution de certaines actions du projet de gestion durable du bétail ainsi que du niveau insuffisant des investissements. Au lieu du taux de 5,0% prévu, la croissance du sous-secteur a été de 2,9% en moyenne.

Au nombre des actions ayant contribué à ce résultat, il est à noter : (i) le renforcement du cadre institutionnel ; (ii) le développement des infrastructures de commercialisation du bétail et des produits animaux ; (iii) les programmes de vaccinations des bovins (contre la péripneumonie contagieuse, la dermatose nodulaire et les maladies telluriques) et des petits ruminants (contre la peste) en vue d’améliorer la santé animale ; (iv) la sécurisation du cheptel et l’amélioration de l’alimentation du bétail ; (v) l’amélioration génétique et l’intégration agriculture-élevage ; (vi) la structuration du milieu éleveur et l’appui au secteur privé…

Bien qu’il contribue à la réduction de la pauvreté surtout en milieu rural, le développement du secteur de l’élevage est confronté à de nombreuses contraintes dont : (i) le faible niveau de financement des programmes de développement du sous-secteur ; (ii) la faible capacité technique et managériale des organisations professionnelles d’éleveurs ; (iii) les difficultés d’alimentation et d’abreuvement du bétail, notamment en saison sèche ; (iv) l’insuffisance des infrastructures et des équipements de commercialisation du bétail et des produits animaux ; (v) l’insuffisance de la coopération sous-régionale permettant de produire localement, pour un marché plus vaste, les aliments pour les bétails et les produits vétérinaires à des coûts compétitifs ; (vi) le faible niveau d’organisation des circuits de commercialisation du bétail ; (vii) le faible niveau de développement des filières courtes.

Pêche

Le sous-secteur a été confronté aux mesures prises par l’UE interdisant aux navires européens de pêcher dans les eaux territoriales guinéennes ainsi qu’à l’embargo sur les importations de produits halieutiques en provenance de la Guinée. Cela a significativement ralenti les activités dans ce sous-secteur dont le taux de croissance s’est établi à 3,1% contre un objectif initial de 5,1%.

En matière de pêche, de nombreux efforts ont été réalisés pour le renforcement du cadre institutionnel et règlementaire (révision des codes de la pêche maritime et continentale; l’élaboration d’outils de politique tels que la Lettre de Politique de Développement de la pêche, le Plan d’investissement pour le développement des pêches et de l’aquaculture, l’élaboration du Plan d’aménagement et de gestion des pêcheries, la mise en place d’un comité consultatif de gestion et de délivrance des licences de pêche industrielle…). Dans le souci d’assurer une meilleure conservation et protection des ressources, une période de repos biologique de 2 mois a été instituée depuis 2014. De plus, ces mêmes efforts se sont aussi traduits par (i) la construction et la réhabilitation d’infrastructures de conservation ; (ii) la mise en place d’un dispositif d’énergie hybride qui permet un fonctionnement continue de son système de surveillance satellitaire, un suivi, un contrôle et une surveillance des activités des navires 24 heures sur 24 ; (iii) la création de l’Office National de Contrôle Sanitaire des produits de la pêche et de l’aquaculture (ONSPA) ; (iv) les travaux d’aménagement de sites et d’assistance technique aux pisciculteurs…

En dépit de ces performances, le sous-secteur enregistre des sérieuses difficultés qui retardent son décollage. Il s’agit principalement : (i) de l’absence d’équipements de navigation et d’infrastructures modernes, notamment l’absence de port de pêche industrielle, de chaîne de froid, d’infrastructures de débarquement, de traitement, et de conservation; (ii) du niveau très limité des compétences humaines, leur mauvaise répartition géographique, et le vieillissement de l’expertise nationale ; (iii) de la faible structuration de la pêche artisanale ; (iv) de la faiblesse des moyens navigants de surveillance ; (v) du laxisme dans la lutte contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée ; (vi) du non aménagement des débarcadères de pêche artisanale ; (vii) de la non vulgarisation des textes réglementaires… 

Mines

L’arrêt de la production d’alumine par la société ACG (Alumine Company of Guinea) a provoqué une diminution de 0,8% des revenus du sous-secteur minier pour un objectif d’augmentation initial de 5,9%. Pour autant, des efforts ont été engagés par le gouvernement guinéen pour la relance du secteur minier. Ces efforts ont été orientés vers l’amélioration de la gouvernance minière et la signature de nombreuses conventions. Il s’agit entre autres de : (i) la modernisation du cadastre minier; (ii) l’appui à l’initiative de transparence des industries extractives en vue maintenir la Guinée un pays conforme ; (iii) la finalisation de l’étude portant sur la parcellisation des zones d’exploitation artisanales, ainsi qu’une étude portant sur le diagnostic de l’exploitation artisanale de l’or et du diamant sur financement du Projet d’Appui à la Gouvernance du Secteur Minier (PAGSEM).

Toutefois de nombreux obstacles empêchent le développement du secteur et la valorisation du potentiel minier, notamment, (i) : la faible qualité de la gouvernance ; (ii) l’absence d’infrastructure de base indispensables pour la réalisation des projets de développement minier ; (iii) le manque de suivis et de contrôles des projets et sociétés ; (iv) la faiblesse des capacités technique et opérationnelle des ressources humaines, et structures décentralisées et déconcentrées; (v) l’asymétrie d’informations par rapport aux partenaires au cours des processus de négociation ; (vi) l’inventaire partiel du potentiel minier du pays ; (v) le manque d’ un laboratoire moderne de référence internationale.

Commerce

La fermeture des frontières ainsi que des marchés hebdomadaires ont fortement perturbé les activités commerciales dont la progression n’a été que de 1,5% pour un objectif initial de 6,1%. Pour autant, des efforts de développement ont été réalisés à travers : (i) la gestion et le contrôle des déclarations descriptives des importations et des exportations (DDI/DDE) ; et (ii) l’apport en devises versé directement à la BCRG. De même, les travaux sont en cours pour la construction de marchés à travers le pays.

Par ailleurs, le développement du secteur reste confronté à de nombreuses contraintes parmi lesquelles : (i) l’absence d’une bonne stratégie de promotion des exportations des produits locaux ; (ii) la mauvaise définition des circuits de commercialisation des produits ; (iii) le poids important du secteur informel (plus de 75% des activités commerciales) ; (iv) le long délai de livraison des marchandises et les frais élevés des transactions commerciales ; (v) le non-respect de la réglementation et des exigences de qualité ; (vi) le dysfonctionnement fréquent du marché parallèle des changes; (vii) la faiblesse des moyens financiers, humains et techniques…

Tourisme et hôtellerie

En la matière, des mesures importantes ont été prises, suite à un diagnostic du sous-secteur. Ces efforts ont amélioré la crédibilité du pays et ont permis d’amorcer un bond remarquable au niveau des infrastructures hôtelières à travers: (i) la réalisation de 55 établissements hôteliers ; et (ii) la reconstruction de la Cité du Niger à Faranah avec une capacité de 36 chambres. Cela a permis d’enregistrer plus d’arrivées touristiques sur la période (déjà plus de 100 000 en 2011, contre moins de 50 000 arrivées en 2010).

Toutefois, le sous-secteur du tourisme reste confronté à des difficultés dont : (i) la faiblesse des ressources financières allouées et la faible promotion des activités/produits touristiques ; (ii) le faible aménagement des infrastructures touristiques ; (iii) la faible capacité de ressources humaines ; et (iv) la faible fréquence et le coût élevé de la desserte aérienne.





L’apport du secteur minier au développement économique de la Guinée


Une étude publiée en mars 2011 intitulée « Les enjeux de la gouvernance du secteur minier en Guinée ». Avec un mandat de la coopération internationale allemande de faire un état des lieux sur les enjeux de la gouvernance du secteur minier en identifiant des pistes pour une assistance à l’Etat et aux institutions non étatiques dans le domaine de la bonne gouvernance dans le secteur, les auteurs de l’étude ont développé un aspect important dans le contexte guinéen qui est l’apport du secteur minier au développement économique.


La rédaction de guineepolitique dans sa rubrique « Rapports » a jugé nécessaire d’extraire cette partie du rapport pour une large diffusion. Il faudrait cependant replacer les données dans leur contexte.


Le poids du secteur minier dans le développement économique peut être analysé d’une part au niveau national à travers les ressources mobilisées par l’Etat et injectées dans le développement et d’autre part à partir des ressources fiscales locales et philanthropiques mobilisées et investies dans le développement communautaire.

L’apport du secteur aux finances publiques

En moyenne, les recettes minières ont représenté 21,94% des recettes globales de l’Etat sur les 10 dernières années. Le graphique ci-dessous montre que les recettes minières ont été maintenues à un niveau acceptable entre 2000 et 2001 (moyenne de 24%). Entre 2002 et 2004, le niveau s’est fortement détérioré pour se retrouver à un plancher de 14,04% en 2003. Par la suite le taux s’est fortement amélioré et c’est ce qui s’est traduit par un pic de 27,97% en 2006 et il s’en est suivi une tendance à la baisse jusqu’en 2009.

Il apparaît clairement que l’Etat n’a pu profiter entièrement des avantages financiers du secteur minier en raison de la nature des accords conclus avec les sociétés minières. Les recettes fiscales générées par le secteur ont sensiblement diminué durant les trois premières années de la décennie alors qu’elles étaient de l’ordre de 40% dans les années 90. Ce déclin est la résultante de l’allègement de la taxation du secteur minier après l’adoption du code minier de 1995 dont l’objet était de libéraliser le secteur. Ainsi, le niveau actuel d’imposition et de réglementation est déterminé par une approche cas par cas. Le code minier n’est utilisé que comme une référence. Toutes les conventions qui ont été négociées dans la décennie 2000 ont été réalisées sur une base ad hoc souvent avec des acteurs pas toujours imprégnés du secteur. En outre, dans certains cas les régimes d’imposition ont changé considérablement sur une base provisoire ou ad hoc, alors que les conventions existantes étaient en vigueur. La résultante de ces pratiques est que les conditions d’imposition n’ont jamais été les mêmes pour les sociétés minières. Des changements généralement négociés dans des conditions non transparentes se sont toujours produits.

La conséquence de ces pratiques est, pour le moment, la non-conformité des revenus tirés de l’industrie minière guinéenne aux standards internationalement acceptés. En effet, le taux moyen des recettes de l’Etat par rapport aux exportations minières sur les 10 dernières années est de 12,47% (voir graphique ci-dessous). Les revenus miniers représentent 21,94% des revenus globaux de l’Etat, en dessus du taux des mines par rapport au PIB (5,2%). De manière notoire ces taux cachent une performance faible et une décroissance de la capacité de taxation de l’Etat.

Parmi les six sociétés minières actuellement en activité en Guinée, une seule la CBG, avec une participation étatique de 49%, paie environ 85% du total des revenus miniers que l’Etat perçoit. Les autres sociétés versent des impôts et taxes qui représentent en moyenne entre 3 et 5% de leurs ventes brutes. Cette situation constitue un problème réel et résulte d’une mauvaise gestion du secteur qui a prévalu durant les 10 dernières années. Ainsi, les revenus sont largement en deçà de la moyenne internationale de 15%.

Certaines sociétés minières sont soupçonnées de manipulations comptables pour dissimuler leurs bénéfices réels. Ces faits sont souvent combinés avec le transfert injuste de prix qui est souvent pratiqué dans la chaine de valeur de la bauxite. Car, les groupes miniers qui opèrent dans ce secteur sont aussi les leaders mondiaux dans la chaine bauxite-alumine-aluminium. Ainsi, ils transfèrent des coûts entre les éléments de la chaine de valeur et font apparaître des profits là, où la fiscalité est plus souple. Pour le moment l’Etat guinéen ne dispose pas des ressources humaines nécessaires pour lui permettre de maîtriser les coûts de production réels des sociétés minières et de déceler ainsi ces pratiques. Les solutions doivent comporter la relecture du code minier, la mise en place de la réglementation requise et le renforcement des capacités du MEF et du MMG pour qu’ils jouent efficacement leurs rôles autant lors des négociations que lors du contrôle et du suivi des opérations.

Par l’intermédiaire des recettes budgétaires de l’Etat, le secteur minier assure l’équivalent de 15,88% des dépenses pro-pauvres (santé, éducation, eau potable, développement des infrastructures et autres secteurs prioritaires). Ce niveau des dépenses est largement en deçà des standards de la sous-région de 40%.

L’apport au développement socioéconomique des zones minières

Avant d’analyser les interventions des différents acteurs dans le développement communautaire au niveau des zones minières, il est important de se pencher sur l’existence d’une stratégie nationale.

Stratégie de développement économique durable des zones minières

Actuellement la seule stratégie nationale de développement communautaire qui est considérée comme une politique nationale est l’approche développée par le Programme d’Appui au Communautés Villageoises (PACV). Elle est orientée sur le déroulement d’un processus de planification participative qui permet à la communauté d’élaborer son Plan de Développement Local (PDL) et un Plan d’Investissement Annuel (PIA) dont la mise en oeuvre relève exclusivement de la responsabilité du Conseil Communal. L’aspect le plus important pour cette approche est l’apprentissage de la maîtrise d’ouvrage et de la maitrise d’oeuvre exercée par les structures communales et les liens de redevabilité entre ces structures et les communautés locales. Cette approche a été mise en oeuvre par le PACV lors de la phase pilote et durant les deux phases de mise en oeuvre (PACV 1 et 2), et les résultats ont été assez éloquents.

Lors de la conception de la deuxième phase du PACV, des réflexions assez poussées ont été entamées quant à la possibilité de mettre en place un deuxième guichet pour financer les activités économiques locales dont les porteurs sont les acteurs dynamiques économiques privées (activités agropastorales, petites transformations, autres activités génératrices de revenus etc.). Cette ouverture du PACV à la prise en charge du développement économique local a nécessité la révision du schéma institutionnel avec l’introduction des départements ministériels en charge des activités agropastorales à travers leurs démembrements au niveau régional et préfectoral en vue d’appuyer et d’accompagner la demande du guichet productif émanant essentiellement des organisations agropastorales. La complexité de la mise en oeuvre de ce nouveau mécanisme, utilisant les structures de gestion de la commune, a amené le gouvernement et les principaux bailleurs de fonds à abandonner cette ouverture du Programme aux activités économiques.

La même problématique de promotion d’un développement durable se pose avec acuité au niveau des zones minières. Même s’il reste évident que les besoins en infrastructures sociocommunautaires (écoles, postes et centres de santé) restent assez importants, la présence de la société minière s’accompagne avec l’apparition d’autres besoins (aménagement et développement urbain, gestion de l’environnement, création d’emplois, développement de petites et moyennes entreprises locales pour répondre à des sollicitations de la société minière, développement des activités agropastorales pour répondre aux besoins de consommation urbaine, fermeture de mines etc.). C’est dans ce cadre que le MMG, en partenariat avec la Chambre des Mines de Guinée (CMG) a été appuyé par la Banque Mondiale à travers l’utilisation des fonds CommDev pour réaliser une étude portant sur « le Cadre de Développement Communautaire pour le Secteur Minier en Guinée ». Cette étude a abouti à la proposition d’une approche qui se décompose en cinq phases :

  • Des études référentielles de base favorisant une meilleure connaissance du contexte,
  • Un plan d’engagement multipartenaire décrivant les contraintes, les actions à entreprendre et les engagements de tous les partenaires,
  • Une évaluation de l’impact environnemental et social qui permet d’établir les impacts positifs et négatifs sur les communautés et de préparer un plan de gestion de ces impacts,
  • Un plan d’action de réinstallation des communautés, et
  • Un plan de développement communautaire qui est la synthèse des différentes phases.

A notre avis, la problématique du développement communautaire des zones minières doit être une préoccupation du MMG et du Ministère chargé de la décentralisation. Il ne s’agit pas de créer une direction spécifique qui risque d’être plombée par des entraves bureaucratiques.

La structure idéale serait de créer une Cellule de Coordination d’un Comité Consultatif rattachée au Secrétariat Général du MMG, dont la mission se limite à servir de Secrétariat au Comité en charge du développement économique des zones minières. Ce comité aura la charge, entre autres, de :

  • Réfléchir sur une stratégie nationale de développement des zones minières en se basant sur les stratégies nationales et sectorielles ;
  • Promouvoir la mise en oeuvre de la stratégie lors de la phase développement d’un projet minier ;
  • Promouvoir les approches PPP pour le développement des zones minières ;
  • Appuyer la mise en oeuvre des projets de développement des zones minières ;
  • Renforcer les capacités des structures déconcentrées de l’Etat dans les zones minières pour un meilleur suivi de la mise en oeuvre des projets de développement dans les zones minières ;
  • Assurer le suivi et l’évaluation des projets de développement des zones minières ;
  • Capitaliser les différentes expériences en vue d’améliorer de façon permanente la stratégie.

Pour réaliser ces différentes activités, le comité sera présidé par le Secrétaire Général du MMG et sera composé de la CMG, des directeurs nationaux des structures du MMG qui sont impliquées dans cette problématique (DNM et le CPDM), de la Direction Nationale de la Décentralisation (DND), de la Direction Nationale du Développement Local (DNDL), de la Direction Nationale de l’Environnement (DNE), de la Direction Nationale de l’Urbanisme (DNU) et de la Direction Nationale du Budget (DNB).

La base de réflexion pour la stratégie et l’approche de développement communautaire sera celle du PACV. La mission du Comité sera de l’adapter aux besoins spécifiques des zones, notamment dans les domaines suivants : aménagement et développement urbain, gestion de l’environnement, création d’emploi, développement de petites et moyennes entreprises (PME) locales pour répondre à des sollicitations de la société minière, développement des activités agropastorales pour répondre aux besoins de consommation urbaine et fermeture de mines. Ce qui implique que l’approche en matière de formulation de la demande sera de type participatif et le PDL sera aussi l’outil de planification pour la mise en oeuvre des activités. Cela nécessite aussi qu’en plus des approches participatives classiques, des approches thématiques visant l’identification des besoins spécifiques soient réalisées pour permettre à la collectivité de disposer d’un PDL global.

Les ONGs internationales et locales qui disposent de réelles capacités dans la mise en oeuvre des projets et programmes de développement communautaire seront sollicitées pour la maîtrise d’oeuvre et la réalisation des activités.

Contribution du secteur au développement communautaire

A défaut d’une stratégie nationale de développement des zones minières, les sociétés et les acteurs locaux ont développé des approches assez variées pour appuyer le développement de leurs zones d’intervention. Trois types d’interventions ont été recensés : les interventions par le biais de l’administration locale, les approches projets et les interventions directes qui sont proches du philanthropisme.

 Interventions par le biais de l’administration locale

Cette approche consistait à verser chaque année un montant déterminé à la structure administrative qui assure la tutelle (région ou préfecture) sur une base contractuelle (convention minière) ou sur la base d’une entente entre la société minière et l’Etat. Cette structure est chargée de répartir ce montant aux autres collectivités territoriales (préfectures et CRD) suivant des clefs de répartition qui ne répondent pas nécessairement à une logique prédéfinie.

C’est cette situation qui a prévalu dans la préfecture de Boké avec la CBG de 1987 à 1998 et dans les deux sites miniers gérés par Rusal (Rusal / Friguia à Fria et Rusal / Débélé à Kindia).

Cette approche est actuellement dénoncée par les organisations de la société civile et les collectivités locales des zones d’intervention. Car, ceux-ci ne disposent d’aucune information sur les critères qui permettent de fixer les montants (Fria et Kindia) et sur les critères de répartition des montants entre l’administration préfectorale et les collectivités locales. Or, ces dernières sont les plus touchées par les effets négatifs des activités minières. C’est aussi le cas de la CRD de Sangarédi qui reçoit moins de 17,5% des 200 millions GNF versés chaque année par la CBG, alors que toutes les activités d’extraction se déroulent sur son sol.

A Fria et Kindia, cette forme de gestion de la contribution au développement local sur laquelle l’Etat a une grande responsabilité a toujours entrainé une frustration des communautés et conduit souvent aux blocages des carrières d’extraction ou à des soulèvements comme ce fut le cas, en 2009, de la mine de Débélé et qui s’est soldé par des pertes en vies humaines.

Approches projets

Dans le but de prévenir une situation conflictuelle qui risque de porter atteinte aux activités des sociétés minières, des projets de développement communautaire ont été initiés au niveau de quatre sites miniers :

  • A Siguiri avec la SAG,
  • Dans la préfecture de Boké avec Rio Tinto / Alcan et l’AFD pour un projet de construction d’une usine d’alumine,
  • A Beyla avec Simfer (Rio Tinto) et
  • A Kouroussa avec la SEMAFO.

Ces projets ont utilisé l’approche participative dans le processus d’identification des actions à réaliser. La différence entre ces quatre se situe au niveau de l’ancrage institutionnel pour la mise en oeuvre des actions. Dans le projet Rio Tinto / Alcan avec AFD qui intervient au niveau des trois CRD de Kolaboui, Kamsar et Sangarédi, c’est l’approche PACV qui est mise en oeuvre. La maîtrise d’ouvrage pour la réalisation des activités est assurée par la CRD qui

utilise son Fonds d’Investissement Local (FIL) alimenté par elle-même (quote-part de la CRD) et les bailleurs fonds (Rio Tinto, Alcan et l’AFD) avec l’appui technique du CECI en qualité de maîtrise d’oeuvre. Il en est de même au niveau de la SEMAFO qui verse la contribution locale au développement local au Programme de Développement Local en Guinée (programme du PNUD / FENU) qui utilise la même approche que le PACV.

A Siguiri et Beyla, les sociétés minières utilisent une approche plus ou moins similaire. Il s’agit de s’appuyer sur des comités locaux de développement pour la sélection des projets devant être financés par les fonds affectés au développement communautaire. A Siguiri, la SAG et les autres acteurs locaux se sont basés sur une structure légale prévue par les textes sur la décentralisation : le Comité Préfectoral de Développement (CPD), présidé par le Préfet et composé des Présidents des CRD et le Maire de la CU, des responsables des structures déconcentrées de l’Administration, des représentants de la société minière et des représentants de la société civile locale. Au niveau de Beyla, le Comité est composé uniquement des Présidents des CRD, des représentants de la société civile et ceux de la société minière. Sur le plan financier, les ressources sont gérées par la société minière dans les deux sites et les décaissements sont faits sur présentation de factures de prestations accompagnées d’une demande émanant des comités de sélection. Il est important de signaler qu’à Beyla, Rio Tinto décaisse des fonds provenant de sa fondation (Simfer / Simandou est à l’état de projet) et qu’à Siguiri les fonds proviennent des 0,4% du chiffre d’affaires qui constituent la contribution au développement local.

Sur le plan technique, ces deux initiatives sont soutenues par des opérateurs externes : Le CECI à Siguiri et le Bureau d’Entraide pour le Développement (BED) à Beyla, ceci en qualité de maîtrise d’oeuvre. La mission de ces prestataires est de former les acteurs locaux membres des comités pour qu’ils maîtrisent le processus de sélection et de mise en oeuvre des projets. Le constat global est que, tant que les prestataires assument cette mission, la transparence est toujours assurée. Ce qui n’est pas toujours le cas à la fin du contrat de l’opérateur. C’est le cas qui est actuellement observé dans la gestion de la contribution au développement local au niveau de Siguiri.

Interventions directes 

En plus de ces deux types d’intervention, toutes les sociétés minières investissent des fonds assez importants provenant généralement des fondations dans le développement communautaire de leurs zones d’intervention. L’objet de ces fonds dénommés « licence sociale » servent généralement à apaiser le climat social dans leur zone d’intervention et sécuriser les importants investissements réalisés et l’exploitation. Ces financements sont souvent réalisés sur la base d’une demande provenant des associations de jeunes ou des ressortissants et ciblent pour la plupart des cas la construction d’infrastructures culturelles, sanitaires, scolaires ou la réalisation de forages ou des puits améliorés. Il arrive aussi souvent que ces ressources servent à financer des activités génératrices de revenus au profit des associations féminines.

Ces types d’interventions viennent souvent compléter les deux autres types cités ci-dessus dans la plus part des sites miniers. Il est nécessaire de signaler que sur les sites de Rusal, ces pratiques sont très courantes. Malheureusement, les infrastructures réalisées ne correspondent pas toujours avec les besoins réels des communautés des zones d’extraction.

L’appropriation de ces types de projets par les communautés n’est toujours pas évidente. Car dans la plupart des cas, les bénéficiaires ne participent pas à la réalisation. Ce sont les sociétés minières qui engagent et suivent tout le processus de réalisation. Ainsi, il est fréquent d’observer le fait que les promoteurs se retournent vers la société minière en cas de dégradation de l’infrastructure ou de pannes des équipements.

Autres interventions des sociétés minières

Dans le but de mieux apaiser le climat qui prévaut dans sa zone d’intervention et pour répondre à une demande sociale croissante, la CBG a lancé un projet pilote assez innovateur de promotion de petites entreprises créées par les jeunes formés dans les écoles professionnelles. Ce projet dénommé « Projet Pilote Promotion des TPE (Toutes Petites Entreprises) » a comme objectif général la réduction de façon significative du chômage des jeunes garçons et filles dans les CRD de Kamsar, Kolaboui et Sangarédi. De façon spécifique, il s’agit de :

  • Réduire le chômage des jeunes par le biais de la facilitation à l’accès à la sous-traitance locale de la CBG,
  • Promouvoir l’entreprenariat féminin en offrant des opportunités de revenus aux femmes et
  • Contribuer à l’éclosion et au développement d’un tissu de PME locales pouvant offrir des prestations de qualité à la CBG et aux futures sociétés industrielles.

C’est dans ce cadre que des corps de métiers correspondant aux besoins locaux de la société minière dans des domaines comme l’entretien, la petite maintenance et l’assainissement ont été sélectionnés. Ce projet cible à impliquer les jeunes à travers leurs entreprises dans les activités de la société minière. Cette approche a des avantages certains pour la société car elle permet d’abaisser les coûts des sous-traitants locaux et permet aussi de lutter contre le chômage.

Actuellement l’expérience vient juste de démarrer. Elle paraît intéressante et les responsables de la société minière ont déjà identifié certaines contraintes comme la faible capacité des promoteurs en management et dans les domaines techniques (gestion de la qualité, respect des normes de sécurité etc.). Dans le domaine technique, la société dispose des ressources humaines pour assurer une meilleure qualification des dirigeants des TPE. C’est dans les domaines liés au management comme l’esprit d’entreprise, la gestion administrative, la gestion comptable et financière, etc., qu’elle souhaite l’appui des bailleurs de fonds institutionnelles.

Dans le même ordre d’idées, lors de la formulation de la deuxième phase du Programme de Développement Local en Haute Guinée (PDLG II), un protocole de partenariat avait été signé avec la SEMAFO qui avait décidé de mettre en place une ligne de crédit auprès d’une institution de micro finance en vue d’appuyer les projets des dynamiques économiques de la CRD de Kiniéro (groupements de producteurs et productrices, entreprises rurales, etc.).

L’identification, la formalisation et le renforcement des capacités des bénéficiaires devait être assurés par le PDLG avec les fonds du PNUD. Mais ce processus n’a pas été mise en oeuvre en raison des problèmes liés au fonctionnement du PDLG : contexte politique et retards dans la mise en oeuvre de l’outil d’analyse du FENU, à savoir du Système d’Analyse Institutionnelle et Financière des Collectivités Locales (SAFIC). Actuellement, la disponibilité de la Direction Générale de la SEMAFO de mettre en oeuvre son projet est toujours d’actualité, car l’objectif ciblée est de mieux insérer les entreprises rurales spécialisées dans la production de produits agricoles dans le secteur des BTP et l’assainissement dans les chaînes de valeur. Mais c’est l’appui d’une institution professionnelle pour accompagner ce processus qui fait toujours défaut. Histoire à suivre.

Impacts et contraintes liés aux interventions dans le développement communautaire

Les effets des interventions des sociétés minières dans le développement communautaire sont assez variés. Ils dépendent surtout du type d’intervention.

Impacts des interventions dans la lutte contre la pauvreté

Les interventions par le biais de l’administration publique ont des effets limités dans le développement économique des communautés locales et notamment dans la lutte contre la pauvreté.

Généralement, elles sont caractérisées par des pratiques de mal gouvernance qui affectent la répartition des fonds entre les différentes circonscriptions administratives et la gestion des fonds au niveau de chaque collectivité territoriale. Les autorités régionales ou préfectorales, qui ne sont que des représentants de l’Etat au niveau de la circonscription administrative concernée (région ou préfecture), s’attribuent la part la plus importante (entre 40% et 47% en moyenne des fonds versés), alors qu’il est rare qu’elles investissent ces sommes dans une infrastructure collective. Par contre, les collectivités locales qui abritent les installations de la société minière et les autres se partagent le reste des fonds. Il n’est pas possible d’obtenir des explications sur les critères de répartition des ressources au niveau de la société minière et de l’administration locale, Il a été aussi constaté que la capacité de gestion des autorités locales est faible. Généralement, elles cherchent à faire valoir un minimum de transparence en respectant certaines procédures du code des collectivités locales (convocation du Conseil Communal pour décider de la priorisation des investissements etc.). La situation qui prévaut dans les collectivités des zones d’extraction se comprend d’autant plus étant donné que le seul programme national de développement communautaire qui existe en Guinée, le PACV avait exclu de sa zone d’intervention les zones minières. Ceci avec comme argument l’existence de ressources assez importantes par rapport aux autres collectivités locales. Par conséquent et contrairement à celles qui ont été appuyées par le PAVC, les structures de gestion des collectivités des zones minières n’ont pas bénéficié des formations dans certains domaines clés comme : i) la gestion administrative et financière d’une collectivité locale, ii) les procédures de passation de marchés au niveau communautaire et iii) la gestion des infrastructures communautaires. Ceci dit, on peut bien comprendre que les pratiques de mal gouvernance rencontrées dans les collectivités locales des zones d’extraction relèvent aussi bien de l’analphabétisme assez élevé que de la méconnaissance des textes et règlements qui régissent la décentralisation.

Les interventions directes réalisées par les sociétés minières sous la forme de financements philanthropiques n’ont que des effets limités dans la lutte contre la pauvreté. Les infrastructures réalisées par ces types de financements ciblent particulièrement les jeunes et les femmes. L’objectif de ces actions n’est pas d’assurer le développement durable des zones d’extraction, mais il s’agit plutôt de chercher à se prémunir des éventuels soulèvements sociaux dans lesquels les jeunes jouent un rôle primordial.

Par contre, les interventions dans le développement communautaire des zones d’extraction portées par les projets et programmes ont des effets positifs dans la lutte contre la pauvreté. Leurs approches pour la détermination de la demande permettent d’impliquer les bénéficiaires dans tout le processus (identification, planification, mobilisation des ressources, mise en oeuvre, suivi et évaluation). Cette démarche permet aux communautés des zones d’extraction de résoudre leurs contraintes et d’améliorer leurs conditions de vie.

Contraintes des interventions

A la suite de l’analyse ci-dessus portant sur les interventions des sociétés minières dans le développement communautaire et leur capacité à promouvoir la lutte contre la pauvreté, des contraintes ont été mises en évidence. Les plus importantes sont : i) l’absence d’une stratégie nationale de développement des zones minières, ii) l’opacité de la gestion des ressources destinées à financer le développement des collectivités locales, iii) la faible implication des organisations de la société civile dans la gestion des ressources locales, iv) le faible niveau de la concertation entre les sociétés minières et les communautés, v) la faible capacité en management des structures de gestion des collectivités et vi) l’absence d’une stratégie dynamique des sociétés minières de promouvoir les entreprises locales dans leurs chaînes de valeur.

Absence d’une stratégie nationale de développement des zones minières

L’absence d’une stratégie nationale de développement des zones minière capable de promouvoir un développement durable intégré a été notoire. Cette situation a amené de grandes sociétés minières qui disposent d’une ligne de conduite proche des normes et standards internationaux les plus élevés en matière de développement durable à dérouler leur propre approche au niveau de leurs zones d’intervention. C’est le cas de BHP Billiton qui compte intervenir dans l’exploitation du fer du Mont Nimba – un milieu agroécologique disposant d’une biodiversité rare et très fragile – et de Rio Tinto pour l’exploitation d’une partie du Mont Simandou. Cette dernière société, bien qu’elle n’existe qu’à l’état de projet, projette dans le cadre de développement communautaire de s’investir dans tous les secteurs du développement durable de la zone de Beyla : Cet appui vise, entre autres, le développement urbain de la ville de Beyla et de la CRD de Nionsomorodou, le développement agropastoral dans 19 villages de la zone d’intervention et la promotion des PME locales en partenariat avec l’IFC et des institutions de formation et de micro crédit.

Par contre dans les autres sites miniers, chaque société minière déroule son approche suivant les trois types d’intervention décrits ci-dessus. Cette multiplicité dans les approches conduit souvent à des résultats très mitigés. Même celle qui est jugée actuellement la plus appropriée (approche projet) est confrontée à des problèmes de pérennisation. Dès la fin de la période d’assistance technique, le respect des procédures et des pratiques de bonne gouvernance est relégué au second plan.

Opacité de la gestion des ressources destinées à financer le développement des collectivités locales 

La confusion a toujours été entretenue par les problèmes liés à la production des textes d’application du code minier de 1995. Selon l’article 142, « les droits, redevances et taxes cidessus sont répartis entre les budgets de l’Etat, des collectivités locales et du Fonds de Promotion et de Développement Minier. Les taux de répartition sont fixés par arrêté conjoint du Ministre chargé des finances et du Ministre chargé des mines ».

Dans l’esprit d’expliciter l’article 142 du code minier, la note de service N° 0020/MMGE/03 en date du 31 juillet 2003, signé par le Secrétaire Général du MMG, fixe la répartition des taxes minières et celles de l’exploitation des carrières comme suit :

  • Budget national : 20% ;
  • Budget préfectoral : 25% ;
  • Budget CRD : 25% (dont 10% pour le district concerné) ;
  • Fonds Minier : 30%.

Par la suite, l’arrêté conjoint N° A/2007/033/MEDE- MMG/SGG du 29 janvier 2007 fixant les taux de répartition des droits fixes, des taxes et redevances résultant de l’octroi, du renouvellement, de la prorogation, du transfert et/ou de l’amodiation des titres miniers, exclu la collectivité locale de la répartition des droits taxes et redevances payés par les détenteurs de titres miniers. C’est uniquement l’arrêté conjoint N° 3765/MEF/MMG/SGG en date du 10 octobre 2008 fixant les taux et tarifs des droits fixes et taxes et redevances résultant de l’octroi, renouvellement de la prorogation du transfert et l’amodiation de titre minier qui affecte l’intégralité de la taxe superficiaire à la collectivité locale de la zone d’extraction.

Cette situation a favorisé l’installation d’une cacophonie dans la gestion des ressources locales provenant de l’exploitation minière et des carrières. Ainsi, dans chaque région ou préfecture, l’autorité administrative applique les textes qui correspondent à ses intérêts particuliers. Il est important de savoir que les structures de gestion des collectivités territoriales administratives telles que la région administrative et la préfecture sont des démembrements de l’Etat. Par conséquent et conformément à l’esprit de l’article 142 du code minier, elles sont exclues des bénéficiaires des impôts, taxes et redevances payées par les sociétés minières.

Même le recouvrement de la taxe superficiaire pose souvent des problèmes alors qu’elle est réservée à réparer les dommages occasionnées par l’ouverture des puits (recherche), des mines (exploitation) ou des carrières. Selon l’arrêté conjoint N° A/2007/033/MEDEMMG/SGG du 29 janvier 2007, la société minière ou l’exploitant de la carrière doit verser directement le montant de la taxe à la collectivité locale. Dans les zones ou le Président de la CRD ou le Maire dispose d’une forte influence et maîtrise les textes, il arrive à s’imposer et à faire valoir les droits de sa collectivité. Dans les autres cas, c’est la préfecture, par le biais du Chef du Service Préfectoral des Mines et Carrières, qui collecte ces taxes et les répartit en fonction des directives de l’autorité préfectorale.

Faible implication des organisations de la société civile dans les mécanismes de gestion des ressources locales

Elles jouent un double rôle, à savoir : (i) la promotion de la transparence dans la gestion des taxes et redevances minières et (ii) la formation des membres des structures de gestion des collectivités locales dans les domaines de la gouvernance administrative et financière.

Dans le domaine de la promotion de la transparence dans la gestion des taxes et redevances minières, la coalition nationale « Publiez Ce Que Vous Payez » (PCQVP) a installé des antennes dans les zones minières avec comme mission la promotion de la transparence dans la gestion des ressources provenant du secteur minier. Dans certaines zones comme Sangarédi, l’antenne est très dynamique et entretient des relations de partenariat avec le bureau de la CRD et la direction décentralisée de la CBG qui l’utilise dans la sensibilisation des communautés pour une meilleure gestion de l’eau et de l’électricité. Par contre, dans les autres sites miniers, ces antennes ne sont pas encore opérationnelles.

Il a été aussi constaté l’existence de quelques ONG locales qui sont appuyées par le Programme concerté de Renforcement des capacités des Organisations de la société civile et de la Jeunesse Guinéenne (PROJEG). Ces ONG jouent un rôle assez important dans la promotion de la gestion transparente des redevances minières et le renforcement des capacités des membres des structures de gestion des collectivités locales dans des domaines comme la gestion administrative et financière ainsi que la passation des marchés. Mais elles ne sont pas bien structurées.

Faible niveau de concertation entre les sociétés minières et les communautés

La capacité des sociétés minières à prévenir les conflits avec les communautés des zones d’extraction varie d’un site à un autre. Dans certaines zones minières comme Fria, Débélé (Kindia) et Kiniéro (Kouroussa) le niveau de concertation entre les sociétés minières et les communautés est faible. Cela résulte le plus souvent de l’absence d’une politique de communication et d’une certaine méfiance des responsables de la société par rapport aux communautés locales. Ces sociétés pensent que les rencontres avec les communautés risquent de se transformer en tribune destinée à la réclamation d’un certain nombre de doléances. C’est la raison pour laquelle les sociétés ne sont pas très intéressées par ce genre de rencontre.

Par contre, dans d’autres localités comme Siguiri et Sangarédi, l’existence de cadres de concertation entre la société minière, l’engagement de l’administration préfectorale et des responsables des CRD qui représentent les communautés permet de régler les problèmes identifiés et de prévenir d’éventuels conflits. La périodicité des rencontres est fixe- Dès qu’un acteur identifie un problème qui risque de perturber la paix sociale, il a la latitude de convoquer une réunion du cadre de concertation.

Dans certaines localités comme Kiniéro, la situation conflictuelle qui prévaut dans la zone et qui a pris des dimensions inquiétantes (avec des vols et la destruction des équipements de la société minière) est animée et entretenue par des acteurs externes, s’agissant surtout d’hommes d’affaires originaires de la zone, qui instrumentalisent certains acteurs communautaires comme le conseil des sages pour des raisons personnels. C’est pour cette raison qu’il est important, afin de créer un environnement pacifié, d’intégrer les associations des ressortissants dans la concertation car elles jouent un rôle important dans leur milieu d’origine.

Faible capacité en management des structures de gestion des collectivités locales

Malgré les efforts effectués par l’Etat dans le cadre du renouvellement des conseillers communaux, le niveau d’analphabétisme est toujours très élevé dans les collectivités locales des zones minières. La conséquence de cette situation est le fait que c’est dans ces zones où l’on rencontre les conflits entre les sociétés minières et les communautés locales les plus aigus – conflits généralement attisés par des acteurs externes qui manipulent les structures de gestion (conseil des sages ou conseil communautaire) ou les associations des jeunes.

Dans la plupart des collectivités locales des zones minières, il y a peu de membres des structures de gestion des collectivités locales qui ont bénéficié des formations nécessaires dans les différents domaines liés à la gestion communale (gestion administrative et financière, passation de marché etc.). C’est ce qui explique souvent les défaillances constatées dans le faible niveau de mobilisation et de gestion des ressources. Cette spécificité des collectivités locales des zones minières est la conséquence, au moins en partie, de la décision du PACV de ne pas les couvrir. 

Absence d’une stratégie dynamique des sociétés minières de promouvoir les entreprises locales dans la chaîne des valeurs 

Dans certaines sociétés minières comme la CBG et la SEMAFO, il a été constaté une réelle volonté de promouvoir les entreprises locales dans les chaines de valeur de l’industrie extractive. Dans tous les cas, ces expériences ciblent un double objectif. Il s’agit de prévenir les conflits avec les communautés locales dont les jeunes constituent la classe la plus sensible et de réduire le coût de la sous-traitance qui dès fois coûte très cher. C’est dans ce cadre que la CBG a mis en place son projet de promotion des toutes petites entreprises (TPE) et la SEMAFO cherche un appui institutionnel pour développer les organisations de producteurs et les petites entreprises rurales de la CRD de Kiniéro. Même si la première expérience (celle de la CBG) semble être très avancée, toutes les deux sont marquées par l’absence d’une stratégie réelle de développement des PME. Ainsi, le projet de la CBG est déjà confronté à des problèmes liés à la qualification des dirigeants des TPE dans certains domaines comme le contrôle de la qualité et la gestion comptable et financière alors qu’au niveau de la SEMAFO, le projet n’arrive pas à voir le jour.

Toutes ces contraintes qui bloquent l’émergence d’un développement durable intégré dans les zones minières sont les facteurs essentiels qui favorisent la pauvreté des communautés locales dont le corollaire est la persistance d’une situation conflictuelle qui n’est pas profitable à aucun des acteurs. Pour ces raisons, il est important que l’Etat et les sociétés minières conjuguent leurs efforts pour résoudre ces entraves.


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