Les racines coloniales de la division de la Guinée en quatre régions dites naturelles


Notes de lecture


L’article intitulé “Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique” de Odile Goerg, publié dans la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire en 2011, examine comment la colonisation a découpé l’Afrique selon des lignes arbitraires, souvent sans tenir compte des divisions préexistantes ou des besoins des populations locales.

L’auteur se concentre sur l’exemple de la Guinée, une ancienne colonie française en Afrique de l’Ouest.

L’article aborde la division administrative et ethnique de la Guinée en quatre régions, qui a été mise en place pendant la colonisation française et a persisté après l’indépendance en 1958. Cette catégorisation symbolique imprègne encore aujourd’hui le fonctionnement quotidien du pays et ses effets sur les identités régionales et locales, ainsi que sur les options politiques.

L’auteur plaide pour une histoire des héritages coloniaux pour comprendre comment cette catégorisation s’est développée et perpétuée. La Guinée a été divisée en quatre régions “naturelles” (Guinée maritime, Moyenne-Guinée, Haute-Guinée et Guinée forestière), qui ont été conçues selon un modèle français de division du globe basé sur des critères géographiques et sociaux plutôt qu’historico-politiques. Cette catégorisation a été utilisée par les voyageurs, les publicistes et les administrateurs pour proposer une vision de la colonie cadrant avec le modèle français et elle est devenue une évidence depuis les années 1920.

L’article explore les racines coloniales de cette catégorisation et en suit les avatars jusqu’à l’époque contemporaine pour comprendre comment elle a eu un impact sur la représentation du pays et de ses populations.

Extrait

« L’invention de la quadripartition était avant tout pratique : organiser la colonie en ensembles régionaux plus vastes que les « cercles », circonscriptions administratives de base. Alors que la Guinée n’a que sept ans et que la conquête est inachevée, un regroupement est esquissé, anticipant déjà les arrangements ultérieurs : certaines régions se détachent déjà. On y trouve la région maritime (avec quatre cercles : Rio Nunez, Rio Pongo, Dubréka, Mellacorée), le Fouta Djalon (cercles de Timbo, Labé et Kadé) et le bassin du Niger (cercle de Faranah) ; le reste est flou et morcelé : deux cercles dans la région montagneuse entre la côte et le Fouta Djalon (Friguiagbé, Ouassou) en plus des cercles de Dinguiraye, Kouroussa, Kankan, Kissidougou et Beyla, régions nouvellement annexées »

Goerg, Odile. « Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 111, no. 3, 2011, pp. 73-88.

L’article souligne également les conséquences néfastes de cette découpe de l’Afrique, notamment les conflits ethniques et politiques qui ont émergé après l’indépendance, la difficulté de construire des États-nations cohérents dans des territoires artificiellement créés, et les difficultés économiques et sociales qui en découlent. L’auteur conclut que la découpe de l’Afrique par les puissances coloniales européennes reste une caractéristique centrale de l’histoire de l’Afrique, qui continue d’avoir des conséquences profondes et durables sur le continent.


Lire l’article

Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique





Récits du camp Boiro: du témoignage à l’écriture de l’Histoire [Florence PARAVY]


Choix et partage de lectures


Avec une histoire glorieuse mais aussi douloureuse, la Guinée doit affronter son passé avec la plus grande lucidité. Le site Guinée Politique fait du partage de ses lectures, une rubrique pédagogique pour offrir à ses lecteurs de la matière à débattre.


« De 1958 à 1984, Ahmed Sékou Touré, dont la dictature fut l’une des plus sanglantes d’Afrique, fait vivre la Guinée au rythme des vagues de répression, liées à de multiples complots le plus souvent imaginaires. La période de terreur la plus intense s’étend de 1970 à 1977, le régime remplissant alors sans relâche les différentes prisons du pays, dont peu de détenus ressortiront vivants. Or les témoignages sur ces camps de la mort, notamment celui de Boiro, sont nombreux et d’autant plus intéressants que le statut de leurs auteurs est très différent, non seulement par rapport au régime de Sékou Touré, mais aussi à l’égard des faits même qu’ils rapportent. La confrontation de ces textes permet de mieux saisir jusqu’à quel point leur concordance peut ici faire office de preuve et leur donner le statut de documents « au premier degré », c’est-à-dire fournissant des données dont l’exactitude ne peut guère être mise en doute.

Cependant, certains auteurs n’échappent pas à la tentation du romanesque, à une forme de fictionnalisation qui tient à distance la lecture de type strictement historique. Enfin, la personnalité des auteurs et leurs partis pris idéologiques engendrent des différences sensibles quant à leur interprétation de l’histoire guinéenne. C’est à ce titre que les ouvrages sont alors des documents « au second degré », reflétant les traces diverses, voire divergentes, que cette histoire a laissées dans la mémoire collective. »

Florence PARAVY présente dans ce texte les incidences politiques de l’écriture, le témoignage, la tentation du romanesque, et l’écriture de l’Histoire.


« La diversité des analyses politiques et des regards portés sur la personnalité de Sékou Touré reflète toute la complexité d’une conscience collective où s’entremêlent adulation et haine, aveuglement et lucidité, aveu et déni de culpabilité, complexité qui perdure encore aujourd’hui [ ] »

Paravy, F. (2008). Récits du camp Boiro : du témoignage à l’écriture de
l’Histoire. Études littéraires africaines, (26), 34–41.


Lire l’intégralité du texte sur ERUDIT (en libre accès. Tous droits réservés).

La photo d’illustration de cette publication est un choix de notre rédaction.