Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


A quelques jours de la reprise programmée des manifestations de l’opposition guinéenne sous la bannière du front national de défense de la constitution, (FNDC), il me semble opportun de lancer l’alerte, d’interpeler, de proposer des pistes de réflexion.

Je n’userai ni de langue de bois ni de propos laudateurs à l’image de certains louangeurs à la recherche de pitance : ces squatteurs qui ont induit plus d’un homme politique en erreur. Des encenseurs qui vous font croire que vous êtes déjà Président de la République alors que les temps sont au combat. Autant dire que je ne me préoccuperai point de caresser dans le sens du poil. J’essaierai en revanche de relever les failles sans trop insister sur les acquis.

Cette lettre ouverte est l’expression de mes craintes d’assister à nouveau à la reproduction du passé. Elle expose mes pressentiments face aux dangers qui menacent le futur de notre pays.

 Elle est, tout naturellement, l’expression de mon engagement politique, de mes convictions personnelles et de mon amour patriotique et inaliénable pour la Guinée d’hier et celle de demain. Ces sentiments nourrissent les propos qui suivent et qui s’adressent aux acteurs politiques de notre pays.

Donner de l’espoir ne suffit plus

Les responsables politiques, présidents ou leaders des différents partis politiques : UFDG, UFR, PEDEN, Bloc Libéral entre autres, ne doivent plus se contenter de donner de l’espoir. Ils doivent désormais apporter des solutions. La solution.

La même exigence s’applique aux représentants des mouvements civiques, membres ou non du FNDC. Les uns et les autres doivent tout simplement assumer la Guinée. Assumez un pays, c’est le comprendre, le prendre en responsabilité, le libérer ou le délivrer. C’est cela la mission de l’homme politique.

Cependant, en invitant les uns et les autres à assumer la Guinée, une question me taraude en tant qu’historien et analyste. Dans la classe politique actuelle qui s’en donnera les moyens ? Qui réalisera le rêve des Guinéens tant leurs espoirs se sont souvent évanouis au fil de notre histoire ?

Qui va assumer notre pays : ses turpitudes, ses victoires, ses défaites, son avenir face aux flots d’interrogations, aux innombrables rivières de sang et de larmes dans lesquelles nous nageons depuis plus d’un demi-siècle ?

J’en ai une idée : ne pourrait le faire que celui-là qui revêtira, au-delà du manteau d’un simple président de parti politique d’opposition, l’habit d’un grand homme au sens historique du terme.

De Gaulle a assumé la France par l’appel du 18 juin 1940. Sékou Touré, l’indépendance de la Guinée par le non du 28 septembre 1958. Nelson Mandela a assumé l’Afrique du Sud en mettant fin à l’apartheid.  En cela, ce sont des grands hommes. Celui qui voudrait s’inscrire dans cette lignée devra sortir des sentiers politiques empruntés ces derniers temps. Il devra inventer, imposer et ne pas se complaire de titres, fermer la porte, autant que l’adversaire le fait, aux dialogues creux et interminables.

Je ne doute point de la capacité de vous, hommes politiques de l’opposition d’adopter de telles initiatives ou attitudes. Loin s’en faut.

Je me dis juste qu’il va falloir dépasser le courage dont certains d’entre-eux ont fait preuve en exposant leur vie dans la lutte pour un système démocratique en Guinée. Il faudrait désormais plus que le simple courage : il faut l’audace d’antonien de 1789.  Et pour cause ?

Un dictateur, africain en tout cas, n’est jamais vaincu sur la table des négociations : Compaoré, Mugabe, El Béchir, Moubarak, j’en passe.

Qui voudrait ouvrir la nouvelle page de la lutte politique en Guinée devrait se fonder sur ce précepte de l’histoire politique du continent.

L’histoire comme repère politique pour façonner le futur

Se baser sur l’histoire générale de la Guinée pourrait préserver de la répétition d’écueils ou d’erreurs du passé.

Notre histoire politique, de 1958 à nos jours est jalonnée de fuite en avant, d’attitudes passives ou complices, des mea-culpa tardifs, d’omissions volontaires, du laisser-aller. Si ce n’est de larmes et de sang. A se demander si nos ancêtres n’ont pas emporté les secrets de la geste, ces hauts-faits, ces grands actes héroïques, qui fondent les grandes nations et font les grands hommes. 

A nos hommes politiques, je leur dis, l’état actuel de notre pays vous impose une interrogation collective. L’heure vous oblige à jeter un regard en arrière. De procéder à une rétrospective de vos combats, de vos parcours, de vos stratégies, de vos réussites et surtout de nos échecs. C’est la seule manière de vous conforter dans vos convictions ou provoquer une remise en cause.

Cela est d’autant plus nécessaire qu’un responsable politique qui ne se remettrait pas en question ne peut courir qu’à l’échec. La clé de vos victoires comme de vos défaites futures en dépendent.

Il faudrait vous remémorer, à chaque instant, les espoirs que vous avez faits naître et les ratages qui en ont découlé afin de mieux vous préparer à la nouvelle adversité.  Pour ce faire, un bilan d’étape s’impose. Il vous appartient de le faire ou pas. Mais pour guérir notre pays qui se gangrène de jour en jour, de grandes actions et de nouvelles stratégies sont incontournables et sont possibles.

Faire l’autopsie du passé pour un diagnostic du lendemain

Il est temps de procéder à l’autopsie des dix années de marches et de manifestations, de négociations et de dialogues, de tête-à-tête, de bras de fer avec le pouvoir en place. Mais aussi de vos alliances ou coalitions, de vos stratégies de conquête du pouvoir individuellement et collectivement. Les appels et attentes de solutions qui devraient venir de la communauté internationale ne sauraient non plus échapper à cette mise à plat.

Une telle démarche rétrospective, condition sine-qua-non de toute prospective, fait appel à une vision politique clairvoyante qui réponde à l’éthique de conviction et à l’éthique de responsabilité. (Max Weber).

Cette théorie wébérienne, qui se prête tout particulièrement aux échéances électorales décisives, que l’auteur conseille aux hommes politiques en « période de gros temps », comme c’est le cas chez nous, pose l’équation de la fin et des moyens en politique.

La proposition de la tenue de l’élection présidentielle le 18 octobre 2020, phase ultime de la stratégie du pouvoir, qui a toutes les chances d’être validée par un décret présidentiel met au centre du débat cette théorie. A l’opposition de voir quels moyens usés pour quels résultats : aller et perdre ; ne pas aller et sortie vainqueur ? Et comment ?

Quant au pouvoir, nul doute qu’il n’hésitera pas d’user, à nouveau, des moyens les plus condamnables pour parvenir à ses fins. Déjà, le piège habituel commence à s’ouvrir alors que l’étau est en train de se resserrer, peu à peu, autour de vous, chers membres de l’opposition.

Le resurgissement de la question du dialogue avec les pièges qu’il traine n’est pas hasardeux. Voilà que vous y avez déjà mis un pied et de la manière la moins adroite en égrenant des « si » ; des « on » et des « il faut que ». Du genre : « si je dois aller ; on n’a pas dit que… ; on n’ira lorsque… ; pour qu’on y aille… ».

Loin de propositions carrées, de refus catégoriques, ces conditionnelles n’ébranleront pas le dernier chef de quartier de notre pays. L’arrogance d’en face, celle du pouvoir, appelle des positions fermes et catégoriques. Si ce n’est radicales.

A défaut, rien n’empêchera les scénarios de 2010 et 2015. En tous les cas, celui qui est habitué à rouler sa bosse pour escalader la montagne, ne craint point la colline. Alors, comme je l’ai souligné plus haut, le système ne reculera devant aucun obstacle ni danger dans l’optique de la conservation du pouvoir dans les prochains mois.

La deuxième partie étayera les enjeux, les défis, les stratégies et les choix qui s’offrent à vous.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

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Alpha Condé ou la girouette opportuniste par excellence [Par Ibrahima SANOH]


Point de vue

Certains hommes sont des caméléons, ils prennent toutes les couleurs ; d’autres sont des reptiles qui se tortillent en mille façons. Ils font des gambades, arrivent  où  le soleil lut, profitent de la dépouille de ceux que l’orage a culbutés. Quand ils sont bien, ils veulent encore plus. Ils  sont malades et souffrent de cette vulgaire maladie : l’avidité. Ils veulent plus, mieux, ce qu’ils ne sauraient  trouver dans leurs certitudes, opinions actuelles ; ainsi, ils se meuvent,  ils bougent, ils culbutent  afin de posséder plus  et encore.

S’ils ont été ministres une fois, ils veulent encore venir à la soupe. Oui, être un ministre, ça paie.  S’ils ont  fait deux mandats légaux, ils veulent un troisième illégal et illégitime ; ils le veulent qu’ils soient prompts à l’exercer ou non, ils le veulent pour eux car sont malades : ils ne se contentent pas, ils sont incapables de réfréner leur appétit du pouvoir. Ce sont elles les girouettes opportunistes ; elles changent de verbe ; ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui pour elles, ce qu’elles ont défendu aux autres ne doit pas leur être opposé, elles  sont différentes. Voilà les déraisonnables ! Elles se disent : « Le peuple décidera, lui seul dira ». Elles  ne se laissent pas emporter par les soubresauts de l’opinion mais manipulent l’opinion en lui imposant un lexique, le leur, et des intentions.  Elles ont des  valets qui parlent en leur nom, font campagne pour elles ;   l’une d’elles, la grande girouette du pays   a dit : « J’écoute le peuple ». Si le peuple décide de tout en tout temps et tout lien, on ne vit  plus sous un régime démocratique. Elle reconnaît que son régime est le contraire de la démocratie.

La grande girouette s’est  acheté aussi des perroquets et des lévriers d’attache qui ne vivent que de guerre. Aux premiers, le deus ex machina dit : « Soyez prêts pour la confrontation d’idées, n’ayez peur de rien, il vous sera donné des  arguments  ». Aux seconds, le factotum dit : « Quand vous dansez avec un aveugle,  fasse  qu’il sente qu’il n’est pas seul ». Elle  entretient des jeunes qui ont une seule mission : invectivez contre les parents de son principal opposant. Elle leur donne des coupe-files  quand ils veulent accéder à son palais et mieux assure leur sécurité. Cette grande girouette, parrain des courtisans qu’elle débauche des rangs de l’opposition pour son bien,  c’est le Président-Professeur-Deus-Ex-Machina-Factotum Alpha Condé. Il  a aussi des paons qui déplaisent par leurs chants.

Oui, le deus ex machina est une girouette, la plus grande que le pays ait jamais  connu. Il est le maître des matois. Il est une girouette pour avoir dit, deux fois, qu’il respectera et fera respecté les termes de la constitution ayant fait de lui le premier président démocratiquement  élu dont il s’enorgueillit d’être et avoir fait parjure.  Il a été communiste, il a abjuré le communisme pour le socialisme qu’il a abjuré au profit de libéralisme sans humanisme qu’il a tardivement embrassé. Au malade Guinée, il administre de piètres et incommodes  remèdes.   Pendant  longtemps, il s’est battu pour qu’il accède au pouvoir et y  finisse le reste de ses jours. Investi de la confiance du peuple, pour qui il s’est battu, disait-il, il oublie l’honneur qu’est d’être un  président à un âge tardif.


Il a été communiste, il a abjuré le communisme pour le socialisme qu’il a abjuré au profit de libéralisme sans humanisme qu’il a tardivement embrassé.


Il avait dénoncé sans cesse les goûts forcenés du pouvoir de ses antécesseurs ; au pouvoir,  il marche sur leurs traces  et songe désormais à rebâtir la dictature à base professionnelle sur fond d’usurpation du pouvoir avec les matériaux constitutionnels.  Il entretient un humiliant contraste entre ses  engagements d’hier  et son mode d’exercice du pouvoir ; sa conduite et ses pensées. Il fusionne les contraires : les promesses nombreuses et les reniements successifs, le beau langage occasionnel et les  mauvaises pratiques, l’aspiration à la dictature et les éloges de son passé d’opposant à la dictature, l’amour de la médiocrité et l’espoir du progrès, le désir de dominer et l’aspiration à la justice sociale.

Oui, l’opinion de l’homme peut changer pourvu que sa conviction ne  se meuve pas ; oui,  il peut faire des palinodies  pourvu qu’il  ne  tronque pas sa conscience. Oui, il peut aimer les girouettes vénales, opportunistes, dogmatiques, cérébrales,  pourvu qu’il ne fasse pas l’apologie  de la corruption morale. Etait-il un homme de conviction ?  Il a pourtant fait  quatre décennies de combat ?  Pourquoi doit-il trainer dans la fange l’homme qu’il a été ? Le temps évente les supercheries et révèle l’ ; homme.

Il  a subordonné la compétence à la servilité, assassiné le travail qui est le pain de tous pour sustenter les flatteurs ;  il a préféré les mines qui procure des rentes plus grandes  bien qu’ayant de grandes externalités  négatives  plus grandes  encore  à l’agriculture qui nourrit ;   il a tué le citoyen  pour avoir  célébré la servilité politique , il a attaqué la constitution  qui a fait de lui celui qu’il s’enorgueillit d’être.  Il a porté l’estocade contre la République qui doit élever  chacun au rang de militant. 

Opportuniste, il sait tirer parti du pluralisme politique et de la famine qu’il sème depuis plus de  neuf ans  afin de  donner un semblant de légitimité à la forfaiture qu’il  prépare.  Sous ses mandatures, il sera dit : il ne suffisait  pas de travailler pour avoir son pain que le travail introuvable ne procure jamais, il fallait  être un  militant et un flagorneur, aussi  croire et  dire que seul lui est  capable.


Il  a trahi, pour avoir soutenu ce qu’il a défendu aux autres : le goût forcené du pouvoir. Les résultats de cette trahison sont là et la grande partie est différée. Est-il un homme d’Etat ou un combinard professionnel ?  Les résultats de sa trahison permettront de répondre à cette question.


Mandela, le vrai,  a dit : «  Je laisse ma place à la relève ». L’autre dit : « s’il y a référendum, il y a troisième mandat  ». Il a abjuré Mandela. Il  rêve de devenir Biya, Sassou ou Deby. C’est son choix ! La Guinée n’a pas besoin d’un autre dictateur  après soixante années de fourvoiement national, elle est à la recherche du temps perdu.  Il s’exprime par la bouche de ses courtisans qui nous disent : « Changement dans la continuité ! »   Changement impossible ! Il  faut le changer  afin que son œuvre de démolition de l’Etat et de démantèlement des symboles de la République prenne fin.  Voilà le seul changement qui fera le  salut national.


Ibrahima SANOH
Citoyen guinéen,
Président du mouvement Patriotes Pour l’Alternance et le Salut




Trois scénarios pour une sortie de crise en Guinée? [Par Ibrahima SANOH]


La Guinée est à la croisée des chemins et son avenir est plus que jamais en jeu. Le double scrutin du 22 mars 2020 a eu lieu et a rendu la réalité politique  plus compliquée. L’avènement de la crise sanitaire  liée  au COVID-19 qui nous affecte de diverses manières doit conduire à réfléchir dès maintenant sur l’avenir proche du pays d’autant plus qu’une échéance électorale, à l’occurrence la présidentielle, est prévue cette année.  Aura-t-elle lieu ?  L’opposition y prendra-t-elle part au cas où Alpha Condé  serait candidat ? Alpha Condé sera-t-il candidat ? Voilà  de petites  questions  qui n’ont pas de réponses toutes faites. Il faudra  les répondre si nous ne voulons pas  que notre avenir nous échappe. Ne pas prévoir demain, c’est aller les yeux bandés vers l’avenir imprédictible  et souvent, droit  dans l’abîme. Ne pas anticiper la survenue des évènements et faits qui feront demain, c’est vivre une vie de chien. Un  pays et ses citoyens doivent se l’éviter.

Dans le présent papier, mon dessein est d’esquisser quelques scénarii pour  la présidentielle de 2020 et d’amener la classe politique, les acteurs  de diverses   institutions  qu’elles soient nationales ou étrangères à réfléchir à l’avenir du pays et créer les conditions d’un dialogue inclusif, sincère et prompt  afin d’éviter à la Guinée le fourvoiement et une  impasse politique imminente. Le pays est la quête du temps perdu. Ne faudra-t-il pas  lui éviter les crises inutiles, procédant de nos excès de confiance  et de nos cécités politiques ?

Scénario I : Report de la présidentielle de 2020.

La  tenue du double scrutin du 22 mars  a eu des conséquences fâcheuses  et a fait des victimes collatérales.  Pour assez d’observateurs, j’en fais partie,  elle a aggravé  la crise sanitaire alors latente et a favorisé la propagation du coronavirus. Aujourd’hui, le nombre de contaminés augmente plus que celui des guéris  et  celui des cas contacts évolue à un rythme alarmant.  Ce qui conduit, sous certaines conditions,  à douter de la capacité du pays à venir à bout de la crise sanitaire à  moyenne échéance.  Peut-être apprendrons-nous à vivre avec le coronavirus. Il faut rappeler que la Guinée n’est venue à bout d’Ebola que lorsqu’un vaccin fut mis au point et  mis à la disposition des pays alors frappés par le virus à fièvre hémorragique. 

Dans ce contexte de crise sanitaire, il serait déraisonnable que la CENI  et même le Président de la République  tiennent la présidentielle à la date prévue. Les mesures adéquates pourraient être prises à cet effet, dira-t-on. Le  vote sera-t-il électronique et  les élections sans campagnes électorales ? Les mesures qui seront prises permettront-elles de protéger les Guinéens qui seront appelés aux urnes  contre le risque de contamination au coronavirus ? 

La date de la présidentielle est éloignée, diront certains. N’est-ce pas que l’organisation de la présidentielle de 2020 est tributaire  de  la capacité du pays à  triompher du coronavirus  qui  éprouve  la Guinée et le monde ?  A l’hypothèse que le coronavirus soit circonscrit, ne faudra-t-il pas un consensus  sur  certaines questions à savoir : la CENI qui n’inspire pas confiance à une certaine opposition, le fichier électoral  et d’autres questions subsidiaires.

Quand bien même Alpha Condé ne serait pas candidat  et  que la crise sanitaire due au Coronavirus serait finie, l’opposition qui n’a pas pris part au double scrutin du 22 mars 2020  acceptera-t-elle la CENI  qu’elle a décriée ?  Va-t-elle se renier et se dédire ? 

Il est des plus probables que la présidentielle  de 2020 connaisse un report !  Ce ne  serait pas un mal eu égard  aux réalités susmentionnées. Seulement, il faudra se mettre d’accord sur certaines questions qui divisent. Cela suppose que les différentes parties prenantes au processus électoral s’accordent sur le principe qu’elles doivent se parler  et dialoguer. Mais la confiance entre ces acteurs n’est-elle pas entamée ? Alpha Condé qui a eu  une grande peine à se faire  féliciter après  l’adoption par le pays d’une nouvelle constitution, aura-t-il le courage d’organiser la présidentielle en étant lui-même candidat  et cette année, sans que le coronavirus  soit vaincu ?   Cela semblerait absurde. Et, s’il venait à l’essayer, il sera de plus en plus isolé et donnera raison à tous ceux qui ont dit qu’il se donnait à travers la nouvelle constitution la possibilité de saper le principe de l’alternance en se portant candidat à un autre mandat.  Lui qui a survécu à de nombreuses crises politiques, à Ebola, aux nombreuses manifestations de rue, à la honte qu’aurait engendré l’échec de son double scrutin, voudra-t-il ouvrir un autre front de combat en temps de crise sanitaire mondiale ?  On le sait téméraire et entêté. Survivra-t-il  à cette autre épreuve ?

S’il y a report de la présidentielle, c’est que le pays connaîtra une nouvelle transition. Combien de temps durera-t-elle ? N’est-ce pas que les transitions aiguisent  les appétits  et conduisent souvent aux substitutions de priorités ?   Alpha Condé qui l’assurera pourra-t-il être candidat à un autre mandat ? Peut être que  l’apport de la communauté internationale  et aussi qu’une certaine pression étrangère   favoriseront  un dialogue  sur les questions   dont  les résolutions sont reportées : fichier électoral, présidence de la CENI et sa composition, candidature d’Alpha Condé à un autre mandat,   acceptation de la constitution du 22 mars 2020 par l’opposition au sein du FNDC. Peut-être  aussi, Alpha Condé aura-t-il des garanties  et  incitations qui l’emmèneront à ne pas se porter candidat  à la présidentielle.


S’il y a report de la présidentielle, c’est que le pays connaîtra une nouvelle transition. Combien de temps durera-t-elle ? N’est-ce pas que les transitions aiguisent les appétits et conduisent souvent aux substitutions de priorités ?


Tout cela ne sera pas sans conséquences. Il aura, lui  qui s’est toujours plaint d’avoir été empêché, la possibilité de rattraper quelques années perdues.  Mais cela lui permettra-t-il d’être performant ? Voilà un sophisme : celui de l’amortissement. Le temps écoulé ne se rattrape pas ! Le mandat d’une transition est contraignant . Aussi, il aura la possibilité de se mettre à l’abri de certains ennuis judiciaires si la communauté internationale venait à lui faire des propositions de poste au sein de certaines institutions.  Mais les récriminations de l’opposition sont plus grandes et vont au-delà de sa personne. On pourrait lui éviter certains procès en raison de son rang,  ce qui serait inadmissible pour d’autres présumés coupables de crimes de sang et économique. On pourrait lui accorder le pardon, mais  jamais l’amnésie à ses supposés suppôts.  Le RPG devra alors avoir un candidat pour lui éviter une triste fin et la justice des victorieux. Alpha Condé, Président de la transition, sera-t-il neutre ?  N’aura-t-il pas une inclination pour un candidat ? N’influera-t-il pas sur la sincérité du scrutin ?  On pourrait perdre d’autres années et la transition pourrait bien donner lieu à une confiscation du pouvoir.  Le risque d’une instabilité politique  est réel.

Scénario II : Candidature d’Alpha Condé à la présidentielle de 2020.

Ce scénario, me paraît improbable dans les conditions actuelles. Certaines raisons évoquées dans le scénario précédent  sont aussi en vigueur dans le présent cas.  L’hypothétique candidature d’Alpha Condé à la présidentielle de 2020 est liée à sa capacité à  venir à bout du coronavirus et aussi à faire accepter par une certaine communauté internationale sa réforme constitutionnelle. Le dernier trimestre de 2020 est encore loin et assez de choses peuvent encore se passer.

Si Alpha Condé se porte candidat  alors qu’il n’a pas  vaincu le coronavirus , c’est qu’il aura compris qu’il ne viendra jamais à bout de cette crise sanitaire  avant la découverte  d’un vaccin dont l’attente serait inconcevable  et aussi , qu’il n’a pas à chercher l’approbation d’une certaine communauté internationale. N’est-ce pas qu’il avait avant la réforme constitutionnelle reçu le soutien des dirigeants placés sous la même enseigne  que lui et qui l’ont  félicité  après le double scrutin : ceux  de la  Russie, de la Chine, de la Turquie ?   La CEDEAO, les pays occidentaux, certains  pays africains ayant une tradition démocratique avérée ne lui ont envoyé aucun message de félicitations.  Cherchera-t-il à leur plaire ?  Reculera-t-il  alors que le plus difficile est fait et qu’à présent, il a possibilité d’être candidat à un autre mandat ?

La  récente plainte  du FNDC contre le pouvoir guinéen  à la CPI pourrait avoir des conséquences insoupçonnées  que  les initiateurs  n’ont pas eux-mêmes soupesées. En effet, une nouvelle constitution veut dire : ne pas ouvrir la boîte de pandore. Si  plusieurs dirigeants sont tentés de  mourir au pouvoir, c’est qu’ils ont renoncé aux hypothétiques honneurs d’après règne pour se mettre à l’abri des ennuis judiciaires. Aussi longtemps qu’ils dirigent, ils le savent, ils jouissent d’une certaine  l’immunité les protégeant contre les actions judiciaires.  Si Alpha Condé n’est pas candidat alors  qu’il désespère, son parti avec, de trouver un dauphin  qui sera à même de remporter la présidentielle  à l’issue d’un scrutin dûment constitué. S’il n’a pas l’assurance qu’il  sera, après le pouvoir, exempt de poursuites judiciaires, eh bien, il sera tenter d’être candidat à un autre mandat et  voudra aller aux élections même dans les conditions les plus discutables.  


Si plusieurs dirigeants sont tentés de mourir au pouvoir, c’est qu’ils ont renoncé aux hypothétiques honneurs d’après règne pour se mettre à l’abri des ennuis judiciaires.


L’opposition au sein du FNDC doit entendre cela et entrevoir une lutte politique plus habile que celle des muscles dont les résultats sont très contrastés.  Impénitente, elle doit avoir son travail de conscience ! Les menaces  n’engendrent toujours pas les résultats escomptés. Elles peuvent  produire l’effet contraire : la fossilisation des dirigeants.

Scénario III : Désistement volontaire d’Alpha Condé à être candidat à un autre mandat.

Ce scénario est trop optimiste pour être des plus probables.  Les faits conduisent à croire qu’il est irréaliste.  Sa survenue  pourrait avoir des conséquences dont la mort  subite du FNDC et la révélation des contradictions au sein de l’opposition.  En effet, si Alpha Condé annonçait qu’il ne serait pas candidat à un autre mandat, cela apaiserait une certaine tension politique et  favoriserait un  dialogue sur certaines questions de l’heure et surtout celles électorales.  Une telle annonce sera  favorablement accueillie  par la communauté internationale qui lui aura prêté des intentions et qui, sans nul doute œuvrera à l’aider à s’acquitter de la promesse qu’il aura tenue : celle de ne pas être candidat à une autre échéance électorale. Là, il pourrait, intelligemment se soustraire  de certains ennuis judiciaires après le pouvoir et  se réconcilier avec ses combats historiques. Encore, il aura évité à sa postérité d’être dédaigneuse.  Saura-t-il dominé  le ressentiment  qu’il a vis-à-vis  de cette classe politique qui lui a livré un combat implacable pendant assez d’années ? Il ne faut pas désespérer qu’il puisse encore se révéler homme d’Etat et que, même dans les moments d’incertitudes, il puisse se montrer à la hauteur de ses combats historiques.


En effet, si Alpha Condé annonçait qu’il ne serait pas candidat à un autre mandat, cela apaiserait une certaine tension politique et favoriserait un dialogue sur certaines questions de l’heure et surtout celles électorales.


S’il venait à faire une telle annonce, l’opposition serait confrontée à deux opinions contradictoires. La première sera celle de ceux qui diront : «  Allons aux élections et sans préalables. »  La seconde, celle des circonspects qui diront : « Créons les conditions d’une élection inclusive et transparente dès lors que cela est possible et mettons-nous d’accord  sur les questions essentielles. »  Cette dernière frange  ne voudra pas se dédire alors qu’elle ne porte pas une grande admiration à la CENI, ne croit pas à la fiabilité du fichier électoral. Une telle annonce permettra d’acquérir une certitude que la nouvelle constitution tant décriée est acceptable et le sera et, qu’en supposant à lui, le FNDC  s’opposait à la possibilité qu’Alpha Condé soit candidat  à une autre échéance électorale.   !  Les déclarations cocardières et patriotardes  s’estomperaient. «  2020, Un autre  », voilà son  slogan dénotant de peu d’ambitions 

Que cette hypothèse soit validée ou non, il faut bien se poser la question qui est : au cas où Alpha Condé ne serait pas candidat,  et au cas où il se donnerait les chances de tenir des élections inclusives et transparentes, n’est-ce pas qu’il faudra que la classe politique s’accorde sur certaines questions ?

En définitive, quel que soit le scénario, une chose est claire, nous vivons une grande crise qui n’est pas que sanitaire. Elle est multidimensionnelle. Elle est  aussi politique.  La crise sanitaire a permis d’éluder les clivages politiques et de créer une harmonie de  façade, foncièrement  factice, de  réduire les angles de nos contradictions idéologiques et politiques, de rengainer l’expression de certaines méchancetés. Elle a favorisé la politique de temporisation. Elle ne résoudra pas nos problèmes politiques et ne mettra pas fin à nos contradictions, même si elle a la vertu de  reporter leurs résolutions.  N’est-ce pas qu’il faudra alors qu’il est grand temps de poser les bases d’un dialogue national en faisant les compromis forts pour éviter au pays une crise politique majeure ? N’est-ce pas qu’il faut asseoir les bases d’un dialogue politique national  sur le processus électoral ? Devons-nous reporter la présidentielle de 2020 ? Si oui, pourquoi ? A quelle échéance ?  Au cas contraire, avec quelle CENI, quel fichier électoral  et dans quelles conditions ?  L’opposition doit  s’intéresser à ce sujet et poser les conditions raisonnables pour un dialogue sincère et franc. La communauté internationale doit aider la Guinée  à réussir ce pari.

Ceux qui croient naïvement –  peut-être sont-ils forts d’autres choses que nous autres ignorons – que les muscles et la tactique  de la surenchère régleront les problèmes servent  de cautions politiques à Alpha Condé  et lui font le plus grand bien qu’ils ne peuvent imaginer : ils le  réconfortent dans ses positions  et hâteront  ses réactions par le mal de notre démocratie.  Cela suffira pour sacrifier l’idéal de l’alternance qui est un  triple impératif : moral, politique et constitutionnel.


Ibrahima SANOH
Citoyen guinéen
Président du Mouvement  Patriotes Pour l’Alternance et le Salut.

[NDLR] L’auteur avait proposé le titre : Comment éviter le piège de la transition qui trahirait l’alternance démocratique en Guinée ?





Monsieur le président «Il n’est jamais trop tard pour bien faire !» [Lettre ouverte – Par Mamadou Hassimiou Diallo]


Boite aux lettres de la présidence: Des citoyens écrivent à Alpha Condé


Monsieur le président

Si c’est seulement maintenant
que je vous adresse ces mots depuis le début des manifestations contre le
projet de nouvelle constitution et de votre éventuel troisième mandat c’est par
ce que je devais m’assurer de ne pas être l’un de ces charlatans qui prétendent
lire dans l’esprit des autres et prédire ce qu’ils vont dire ou faire dans
l’avenir. Je devais m’assurer de ne pas être le porte-flambeau des revanchards
qui ne cherchent qu’à assouvir leur vengeance. Je devais m’assurer d’abord que
les intentions qui vous sont prêtées soient réellement les vôtres. Je devais
m’assurer, d’abord’ que c’est le peuple de Guinée, fier de sa glorieuse histoire
et jaloux de sa liberté, de son unité et de ses acquis en matière de démocratie
dont l’alternance pacifique et légale au pouvoir est l’un des symboles
essentiels qui réclame son respect et le respect de sa constitution.

Monsieur le président, je ne vous crois pas naturellement mauvais. Dieu n’en a créé aucun qui le soit.

Une modification
constitutionnelle n’est pas forcément mauvaise, mais pourquoi est-ce que c’est
seulement à quelques mois de votre deuxième et dernier mandat que vous vous
rendez compte de cette nécessité ?

Pourquoi voulez-vous, Monsieur
le président, d’un troisième mandat coûte que coûte ? Pourquoi voulez-vous vous
accrocher, mordicus, à cette ʺcorvéeʺ ?

Pourquoi donc la préoccupation
du peuple de Guinée, votre peuple, ne vous fait, apparemment, ni chaud ni froid
?

Pourquoi est-ce que ces enfants qui tombent sous les balles de ceux qui devraient les protéger, ces femmes qui meurent en accouchant à la maison par ce qu’elles n’ont pas pu accéder aux hôpitaux à cause de ces manifestations ne vous font pas reculer?

Pourquoi ne pensez-vous pas aux
nombres d’heures, de jours et de mois de cours que perdent les futurs cadres de
notre pays à cause de cette pagaille qui y règne.

Ne savez-vous pas qu’un seul
jour de grève fait perdre des milliards à l’économie de la Guinée ?

Combien de guinéens, après des
années de dur labeur, perdent tous leurs biens et se retrouvent les mains vides
obligés de reprendre leur vie à zéro à cause de ces manifestations ?

Monsieur le président, le peuple de Guinée est certain de deux choses :

« Une opposition qui ne mise que sur la défaite du pouvoir en place est un virus pire qu’Ebola ou le Corona » et que « Un pouvoir qui n’écoute pas son peuple est un démon qui fait énormément de ravages mais qui finira, sans aucun doute, par périr. »

Monsieur le président le peuple de Guinée a tellement subi à cause de vous et de votre bande de l’opposition qu’il ne souhaite, aujourd’hui, que trouver un endroit où seul l’ange de la mort pourra vous retrouver le jour-j et de vous y amener vous et votre horde d’opposants.

Ne soyez pas, Monsieur le
président, pour le peuple de Guinée cet enfant dont la mère regrette de n’avoir
pas avorté !

Ne soyez pas le fouet par
lequel les ennemis de la Guinée la châtient !

N’acceptez
pas d’être cet unique fils qui permet au diable de perpétuer sa progéniture !

Monsieur le président « un homme qui se gouverne lui-même est plus grand que ceux qui gouvernent le monde entier ! »

Pourquoi acceptez-vous d’être
pris en otage par ces fous de gloire et de pouvoir sans mérite ?

Pourquoi préférez-vous la
satisfaction de la cupidité de quelques personnes au détriment du bonheur de
votre peuple ?

Pourquoi acceptez-vous d’être
le rempart de ces véreux qui profitent juste de votre nom et de votre statut
pour assurer leurs places au dépend des plus méritants ?

Monsieur le président votre statut ne vous permet pas d’avoir de vrais amis. Des profiteurs, ça vous en avez pleinement autour de vous et vous le savez très bien.

Vos seuls vrais amis,
aujourd’hui sont mes doigts qui vous écrivent ces vérités et celui/celle qui
vous les fera lire. Toutes ces hydres que vous engraissez n’attendent que la
première occasion pour vous dévorer. Tous ces faux griots qui font semblant de
chanter votre gloire vous tourneront le dos le jour où ils se rendront compte
que votre cause est perdue et vous le savez mieux que quiconque.

Tous ceux qui vous conseillent
de défier votre peuple ne sont pour vous que ce que Haman fut pour le Pharaon.

Profitez de la sagesse de votre
âge et des fruits de vos expériences. Ne faites pas anéantir des années de
combat juste pour le plaisir de quelques ingrats caméléons sans vergogne !

Rendez le peuple de Guinée fier
de lui en abandonnant tous ces projets controversés de nouvelle constitution et
de troisième mandat il vous pardonnera les erreurs et forfaitures commises au
cours de vos deux mandats par vous-même ou en votre nom car ce peuple est très
clément et compatissant. J’ai vu des guinéens se fondre en larmes au passage de
l’hélicoptère qui ramenait la dépouille du président Lansana Conté chez lui et
mes yeux, à moi, rougirent et j’eus le coeur serré par ce que cela me rappela
que tout finit par finir.

Monsieur le président vous
dites être le Mandela de la Guinée. Alors voici le discours que Nelson
Mandela
aurait tenu au peuple de Guinée en ce moment s’il était à votre
place, occupait les fonctions qui sont les vôtres. Prononcez ce discours
publiquement avant qu’il ne soit trop tard, vous deviendrez un véritable
Mandela aux yeux des guinéens et du monde entier !

Refusez de prononcer ce
discours, vous serez l’Hitler de la Guinée aux yeux des guinéens et du monde
entier pour toujours !

Discours

« Mes chers compatriotes,
guinéens et guinéennes. Après toute une vie de luttes acharnées que j’ai menées
pour que règnent la liberté, la démocratie et la cohésion sociale en Guinée
vous m’avez en fin investi des charges les plus exigeantes en 2010 et de cette
date à nos jours j’ai fait ce que j’ai pu avec les moyens que vous avez mis à
ma disposition pour vous rendre heureux et fiers.

Au cours de ces deux mandats,
j’avoue avoir fait beaucoup d’erreurs personnellement et beaucoup de
forfaitures ont été commises en mon nom. Parmi ces erreurs figurent la
proposition de la modification constitutionnelle, dont je reste convaincu de
l’utilité mais que j’aurai dû laisser sur la table de mon successeur puis ma
volonté de continuer à vous servir au-delà des limites fixées par la
constitution actuelle.

Chers
compatriotes, votre farouche opposition à ces deux propositions et votre
détermination à défendre la légalité, la démocratie et la justice n’ont fait
que me rendre fier d’être l’un des vôtres. Vous m’avez montré l’énormité de
l’égarement et de la profondeur des erreurs dans lesquelles j’étais.

Mes très chers compatriotes, je
prends aujourd’hui l’engagement solennel devant Dieu, devant vous et devant
l’histoire de vous rendre l’honneur, le respect et la grandeur que vous m’avez
accordés.

Je retire immédiatement ma
proposition de nouvelle constitution et vous promets de me retirer du pouvoir
le 31 Décembre 2020.

Cette décision n’est motivée ni
par la peur des menaces en l’air des hypocrites qui se croient les gendarmes du
monde ni pour consoler une opposition pleurnicheuse.

Cette décision est motivée par
ma volonté d’essuyer les larmes des guinéens endeuillés par la perte tragique
des leurs. De mettre fin aux cris de faim des enfants dont les parents
n’arrivent plus à travailler normalement pour les nourrir à cause de ces
manifestations. De mettre fin au souci des parents dont les enfants ne vont
plus à l’école. D’empêcher qu’une seule femme de plus ne meurt en accouchant à
la maison par ce qu’elle n’a pas pu aller à l’hôpital. De permettre à ces
courageux et valeureux guinéens de vaquer librement et en toute sécurité à
leurs occupation. De redorer l’image de la Guinée et des guinéens tant au
niveau national qu’international. …. Bref, de rendre mon peuple heureux et fier
de soi.

Peuple de Guinée, je sais que
ta blessure est encore béante. Je sais que les larmes brûlent encore tes joues.
Je sais que ta douleur et ta déception sont encore si profonde. Mais je sais
aussi que tu es assez fort et assez sage pour te maîtriser et pardonner au
moment de ta colère.

Je suis ton fils que tu as
honoré et grandi et qui t’a blessé dans ta dignité par égarement. Je te
présente mes sincères excuses. Ton pardon est plus grand que mes erreurs.

Permets-moi de passer ces dix
(10) mois qui restent de mon dernier mandat à réparer mes erreurs, à te
redonner confiance et à retisser les liens d’unité et de fraternité entre
toutes tes filles et tous tes fils. »

IL N’EST JAMAIS TROP TARD
POUR BIEN FAIRE !

QUE DIEU BÉNISSE, GUIDE ET PROTÈGE LES GUINÉENS !


Mamadou Hassimiou Diallo depuis Nouakchott




Cher Alpha Condé « L’État de droit exige soumission au droit » [Lettre ouverte – Par Mamadou Ismaïla KONATÉ]


À Monsieur Alpha CONDÉ

Président de la République de Guinée

Chef de l’État

Monsieur le Président,

Cher Alpha,

Depuis l’annonce de votre initiative de réforme
constitutionnelle, une énorme suspicion entoure cette initiative et nombreux
sont ceux, Guinéens ou autres citoyens du continent, qui vous accusent de vouloir
poursuivre le dessein funeste d’un troisième mandat, et ce en violation de tous
les engagements.

Au fur et à mesure que le terme de votre second et
dernier mandat approche, votre velléité de briguer un troisième mandat apparaît.
Il transcende encore plus nettement, contre le gré de nombreux Guinéens plutôt
déterminés à se dresser contre ce qui leur apparaît comme une violation
inattendue et inacceptable des règles qui vous lient à la Guinée. 

Cela est une évidence depuis votre annonce de coupler
élections législatives et révision constitutionnelle via référendum. Plus
personne ne doute de votre volonté de briguer un troisième mandat. 

D’ailleurs, interrogé au sujet d’une éventuelle
candidature, vous avez indiqué clairement à la presse qu’il revient plutôt à
votre Parti, le RPG, de désigner son candidat. J’imagine que vous ne diriez pas
non si ce choix se portait sur vous.

Sans ambages ni détours, votre volonté est constante de
détourner la loi fondamentale – à votre profit et pour votre intérêt
personnel -, pour atteindre votre objectif de vous maintenir au pouvoir sans
droit ni fondement.

Au-delà de la Guinée, c’est tout le continent et le
monde qui s’élèvent désormais contre le principe même de la violation du terme
constitutionnel des mandats politiques. Dans un continent comme l’Afrique, qui
ne conçoit plus que les actions de ses dirigeants franchissent le cadre légal, s’il
y a par nature et par essence une faute lourde et inexcusable c’est bien ce
type de geste et toutes les attitudes qui l’entourent.

Monsieur le Président, l’État et la République sont
régis par des principes, vous ne pouvez ni ne devez l’ignorer.

Monsieur le Président, le respect scrupuleux des
principes qui régissent l’État et la République s’impose à tous les gouvernants. 

  • L’État de droit et la démocratie sont
    essentiels à une époque où la gouvernance est confrontée à des choix ultimes et
    difficiles pour la lutte contre la terreur, le développement, la bataille
    contre les pandémies. Les incidences politiques et institutionnelles sont souvent
    imprévisibles. 

N’est-ce pas le cas pour vous aujourd’hui en Guinée ? 

Je ne préjuge guère quant à la véritable posture qui
sera en définitive la vôtre durant les derniers jours qui vous séparent encore
de la date fatidique que vous avez fixée pour tenir ce double scrutin. 

Je ne préjuge pas non plus du sort de la Guinée et des
Guinéens le lendemain de ce double scrutin.

Je ne suis pas devin non plus pour prédire ce que sera
votre propre sort, Monsieur le Président, mais dans tous les cas, j’imagine qu’il
sera tout pour vous sauf le bonheur.

Un proverbe de la culture mandingue, qui nous est si chère
à tous les deux et que nous partageons, ne dit-il pas que lorsque vos amis ne
sont plus capables de vous dire la vérité en face, il faut aller implorer vos
ennemis et les payer s’il le faut pour qu’ils vous disent cette vérité.

Monsieur le Président, votre décision de réviser la
Constitution guinéenne est un droit qu’il vous revient de mettre en œuvre en
votre qualité de Président de la République. Une telle décision est même légale
puisque la Constitution que vous voulez anéantir l’a prévue.

En
homme averti, pensez-vous que cette décision vers laquelle vous vous dirigez aujourd’hui
est véritablement légitime ?

Toujours en pays mandingue, il est dit que lorsqu’une
situation vous embarrasse, prenez soin de regarder à gauche et à droite et
scrutez les regards et les visages de ceux qui vous entourent.

En ce qui vous concerne, regardez à votre gauche et
vous vous rendrez compte qu’en Guinée, ceux qui s’opposent à votre révision
constitutionnelle sont nettement plus nombreux que ceux qui vous y encouragent.
À votre droite, vos vrais amis, en Guinée et ailleurs, ne cessent de vous
alerter et vous appellent à la retenue. Ils vous invitent à suspendre votre
initiative et à reculer.

Ne rajoutez pas à la témérité l’arrogance et le dédain !

Monsieur le Président, je vous sais homme déterminé, à
la limite de l’acharnement et de la témérité. Pensez-vous qu’une telle
détermination vous aurait conduit à sortir de prison, tout seul et sans aucune aide,
après une mise en cause inique et un procès injuste dont vous avez été l’objet,
et durant lequel j’ai été auprès de vous, aux côtés de plusieurs autres avocats ?

Au-delà, nombreux sont vos amis qui sont inquiets pour
vous et mal à l’aise. Ils ont mal dans leur être et leur conscience de vous
laisser tout seul, face à votre détermination à affronter le feu qui finira sans
aucun doute par vous brûler.

Pouvais-je rester insensible dans une atmosphère
politique guinéenne si délétère et invivable, qui donne un signal de danger de mort ?

Je n’en suis pas si sûr dans la mesure où, jusque-là,
je me suis abstenu de m’exprimer publiquement sur ce sujet pour ce qui vous
concerne. Je me suis abstenu de vous mettre personnellement en cause pour des
raisons que vous devinerez aisément.

Devant l’insupportable, je prends l’option de m’adresser à vous aujourd’hui. J’en appelle au militant que vous êtes. Je m’adresse à votre conscience première, la plus ardente, celle de l’époque des combats d’antan, épiques et légitimes, menés contre la dictature, la tyrannie de la violation du droit et la négation des libertés fondamentales qui ont anéanti l’homme africain.J’ose imaginer, Monsieur le Président, qu’il vous reste encore quelque jugeote pour prendre la mesure, toute la mesure, du danger qui vous guète, pour arrêter la marche fatale qui vous conduit plus vers la décadence que vers la gloire. 

Monsieur le Président, je vous imagine capable d’un sursaut
et vous sais incapable de résister longtemps à l’appel des bisaïeuls, qui
vous demandent de changer de côté et de chemin.

Vos pairs d’Afrique sont mécontents du niet insoutenable
que vous leur avez signifié aujourd’hui lorsqu’ils ont souhaité venir en
Guinée, pour palabrer avec vous et les autres protagonistes de ce qui apparait
aujourd’hui comme la crise guinéenne. 

L’Organisation Internationale de la Francophonie, la
Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la Communauté économique des
États de l’Afrique de l’Ouest, et peut-être bientôt l’Union Africaine, vous ont
tourné le dos ou le feront. Le spectre de la Guinée de Sékou TOURÉ renaît avec
vous et par vous. Êtes-vous devenu subitement un adepte de Sékou TOURÉ et de ses méthodes sanguinaires ? Êtes-vous
devenu celui qui mènera la Guinée vers l’abîme ?

Monsieur le Président, vous avez encore le temps et
l’occasion de faire mentir tous vos détracteurs en leur disant qu’il s’agit là
d’une vilaine rumeur. Dressez-vous contre cela et rejoignez Jacques ATTALI, qui
affirme que la « rumeur agit comme un virus » et qu’elle est « le
pire » de tous les virus puisqu’elle « détruit les défenses
immunitaires de sa victime ».

Monsieur le Président, ne soyez victime d’aucune
rumeur ni d’aucun entêtement, ne soyez pas téméraire ni obtus. 

Monsieur le Président, agissez vite contre cette
rumeur et tuez-la au plus vite, avant qu’elle ne devienne virus… pour vous
emporter.

Parce que, Monsieur le Président, en laissant plus
longtemps ce virus vivre et se propager, il viendra très vite assombrir de
nuages le ciel pourtant dégagé de la Guinée. C’est vous qui le dites, en partie
du fait de votre leadership. Vous aspirez encore à éclairer la Guinée, mieux et
plus que la lampe à pétrole.

Monsieur le Président, la Guinée et les Guinéens ont-ils
plus besoin de lumière ou de modification de la Constitution ? Y incorporer
des dispositions nouvelles, alors même que sa mise en œuvre n’a signalé aucune
anomalie ? L’anéantir d’un coup, au profit d’une autre que l’on imagine
meilleure puisque relookée ?

Monsieur le Président, n’est-ce pas cette même Constitution qui vous a installé au pouvoir et vous a permis d’exercer paisiblement un pouvoir absolu depuis une décennie ?

Monsieur le Président, le confort constitutionnel
actuel dont vous jouissez est le premier signe évident de l’expression par les Guinéens
de leur liberté. C’est leur volonté affirmée et jamais démentie de ne pas cautionner
un pouvoir indéfini, qui perdure dans le temps et n’a pas d’autre limite que l’infini.

Avant votre ère, Monsieur le Président, les Présidents
Ahmed Sékou TOURE et Lansana CONTÉ se
sont renouvelés au pouvoir autant qu’ils l’ont voulu. Pour y parvenir, ils ont
fait passer leur souhait personnel de demeurer au pouvoir comme émanant du
peuple entier, « dévoué » pour la Guinée. Vous avez personnellement
pâti de cette suprématie et de cette manière prégnante d’exercer le pouvoir en
Guinée. 

Monsieur le Président, cette époque est révolue en
Guinée, mais également en Afrique, et vous avez contribué à l’enterrer.

L’heure est à l’affirmation du droit et à la suprématie de la loi, qui doit être scrupuleusement respectée !

Monsieur le Président, j’affirme ces exigences
nouvelles. En les évoquant, j’ai le souvenir de deux douzaines d’avocats,
alignés au tribunal de Conakry, pour vous, à l’entrée du bureau du procureur de
la République. C’était la veille de l’ouverture du procès qui vous a fait comparaître,
pour exiger des autorités du ministère public guinéen de vous rencontrer
préalablement et impérativement, sous peine de boycotter l’audience du
lendemain. 

Ce fut fait comme demandé !

Cette demande, exprimée avec insistance, presque par
la force, par vos avocats-défenseurs dont j’étais, vous a permis de les
rencontrer. Plus de la moitié de ces défenseurs, venus de l’étranger, étaient
révoltés à la vue de cette ignoble prison de Conakry dans laquelle vous avez
été gardé, en violation sans cesse répétée de vos droits fondamentaux de
citoyen et des libertés de l’homme politique que vous étiez, injustement
emprisonné et bafoué.

Vous êtes devenu, après toutes ces péripéties,
Président de la République, Chef de l’État, et vous avez prêté serment pour respecter
la Constitution guinéenne et l’observer scrupuleusement.

Monsieur le Président, l’État de droit exige
soumission au droit, y compris lorsqu’il s’agit du premier personnage de Guinée,
que vous êtes devenu aujourd’hui. 

Dans ce pays, il est aujourd’hui question de
modification et/ou de révision constitutionnelle. Dans un tel cadre, faut-il aller
jusqu’à penser ou croire que les exigences de l’État
de droit, notamment la soumission au droit, ne concerneraient plus que les autres ?
Elles ne concerneraient donc jamais ceux qui, comme vous, ont à cœur de servir
le pays et la nation en suivant leur seule conception du pouvoir et du devoir,
même si elle est aux antipodes de ce que ressent la plus grande partie du
peuple ? 

Faut-il dans ce cas poursuivre le bon service à la
nation sans fin ni aucune limite, contre la volonté du peuple dont on dit être le
représentant ?

Monsieur le Président, la modification de la
Constitution devient dans ce cas la nouvelle trouvaille politico institutionnelle
du génie politique africain. Le but visé devient celui de clouer le bec à la
limitation de mandat, acquis depuis les années 1990, pour passer par le
changement de régime et faire le bond de la limitation du mandat.

L’homme politique est au pouvoir sans fin, sa volonté
est supra humaine et infra divine.

Monsieur le Président, même si dans leur rêve le plus
démoniaque des fils de Guinée en venaient à vous demander de mettre en œuvre un
tel dessein, il vous reviendrait d’y renoncer d’entrée de jeu. Il faudrait
mettre en avant les exemples douloureux des première et seconde républiques
guinéennes, qui n’ont pas apporté que du bonheur sur ce plan.

Monsieur le Président, il vous reviendra également de
reculer face à une telle offre, en rappelant aussi le sort de vos pairs
africains qui se sont frottés à cette modification-changement de régime et qui en
ont eu pour leur grade.

Enfin, Monsieur le Président, le sort préoccupant des
jeunes de Guinée devrait vous inquiéter plus encore. Ne pas rajouter à leurs
douleurs de l’ignorance, du désœuvrement et de la déperdition, celle de l’exode
ou du sang. Ce serait la seule issue qui s’offrirait à eux dans un pays
disloqué de votre fait par les effets d’une crise aux relents politiques et sociaux.

Face à un tel scénario, j’ai été incapable de rester silencieux et de ne pas réagir vis-à-vis de vous. Il fallait que je vous parle. De vous à moi… n’y allez pas, c’est dangereux !

Je me suis persuadé de vous adresser la présente pour
en appeler à votre esprit d’antan, mais également à votre responsabilité ultime.
Elle m’apparaît être celle qui vous engagera demain et fera évoquer votre nom
et votre personne en bien ou en pire. Comme ceux qui vous ont précédé à la
place qui est la vôtre aujourd’hui, vous ne serez alors, comme eux, plus de ce
monde.

Monsieur le Président, il est encore temps de cesser ce qui peut encore être considéré comme une méprise de votre part, avant que cela ne soit la source de discordes. Cette Guinée a besoin d’aller de l’avant, plus loin que vous ne l’avez menée.

Monsieur le Président, la fonction suprême que vous
avez incarnée et assumée dans ce pays ne vous autorise pas à aller à
contre-courant de l’histoire de la Guinée et de l’Afrique. La vocation ultime des
institutions est désormais la construction de l’État de droit et de la
démocratie, l’affermissement de la paix et de la concorde.

Monsieur le Président, entendez ma voix quand elle
sonnera dans vos oreilles avec des milliers d’autres, qui viendront vous dire
la même chose… Si vous les entendiez de manière plus véhémente, ce ne serait
pas de votre goût et vous laisserait moins de répit pour agir et vous ressaisir.

Monsieur le Président, que les voix et les esprits
d’Afrique vous parlent et que vos actions soient ultimement dirigées vers le
bonheur du peuple de Guinée. Pour cela, vos efforts doivent inspirer l’Afrique
et ses fils.

Mamadou Ismaïla KONATÉ

Avocat aux barreaux du Mali et de Paris

Ancien garde des Sceaux et ministre de la Justice du Mali

Ancien défenseur d’Alpha CONDÉ, opposant politique de Guinée





La solution à la crise politique guinéenne [Par Lamarana Petty Diallo]


Depuis
l’arrivée au pouvoir, en 2010 de Monsieur Alpha Condé, qui aime qu’on l’appelle
plutôt professeur que président, la Guinée va de crise en crise.

Durant les 10 ans à la tête de son parti, au détriment de la République, M. Condé professe la haine, la division, l’ethnocentrisme et les conflits de tout genre. Il ne préside en réalité que le RPG et son arc qui dégaine depuis une décennie, non pas des simples flèches, mais du gaz lacrymogène et de balles réelles contre les citoyens.

Cette
réalité politique pose nombre de questions tant aux Guinéens, partis politiques
compris, qu’aux organisations internationales. Il me parait opportun de leur donner
la réponse.

En effet, le sigle « RPG » du Rassemblement du Peuple de Guinée, renvoie à une arme bien connue : le fusil lance-grenade (ou lance-roquette). En anglais : « Rocket Propelled Grenades ». Cela explique que le RPG soit plutôt un parti belliqueux, va-t’en guerre et non pacifique. Dès lors, tous nos malheurs, déboires, échecs et conflits tiennent à ces trois lettres : R-P-G.

Autant dire que la guerre, du moins le
conflit, est l’ADN du parti au pouvoir. Son histoire, sur laquelle nous ne
reviendrons pas, le prouve à suffisance. Les discours enflammés de ses responsables
politiques, plus bellicistes les uns que les autres, prônent la haine tout en rivalisant
d’injures et d’arrogance. Le premier d’entre-eux à appeler, on s’en souvient,
ses militants à « se préparer à l’affrontement ». Son système
continue de s’armer et à militariser le pays.

Face à cette situation, nous devons montrer
que notre ADN, c’est la paix, la cohésion sociale et la tolérance. Que nos gênes
s’appellent unité, fraternité et coexistence ethnique et culturelle.

Cela ne signifie pas que le peuple doit être
défaitiste ou capituler. Mais la lutte de l’opposition et du FNDC, des
organisations régionales ou corporatistes n’est pas facile. Comme le faisait
remarquer un de mes lecteurs « il est très difficile de parler de
changement, de dignité et de conviction face à l’implication des autorités
locales à servir le pouvoir pour conserver leurs postes et une population
majoritairement illettrée et pauvre ».

En dépit de tout, la voie est tracée. Aux
actions du front national de la défense de la constitution, se sont ajoutées
celles des coordinations régionales de la Basse, Moyenne et Guinée-Forestière.

En se réunissant chez El Hajj Sékouna, les
représentants desdites coordinations ont officiellement annoncé leur farouche opposition
aux projets du pouvoir : nouvelle constitution et référendum, prélude à
une présidence à vie. Malgré les intimidations, ils ont affiché sans aucune
ambiguïté, leur détermination à contribuer à sauver le pays des dangers
auxquels le pouvoir l’expose : conflit ethnique, présidence à vie, etc.

Le FNDC est sur la même voie depuis sa mobilisation historique du 14 octobre 2019. Il ne doit n’a pas faillir à la mission car les Guinéens semblent lui avoir donné carte blanche. Il doit les mener à la victoire du combat pour le respect des valeurs de la République incarnée par la constitution. Il le fait certes bien. Il nous reste désormais d’adapter la méthode à la finalité.

Dans tous les cas, face au FNDC, le pouvoir guinéen
s’est montré impuissant. Le recours à la force par l’usage d’armes de guerre contre
des citoyens désarmés est une preuve de faiblesse.  Lancer les milices du pouvoir et, sûrement
celles de Malick Sankhon, qui a affirmé haut et fort avoir plus de trois milles
hommes armés, n’a en rien entamé la détermination populaire.

L’atteinte des autorités morales, pour ne pas
dire leur profanation, symbolisée par la violation du domicile du Khalife de la
Moyenne-Guinée et celui d’El Hajj Badrou, Premier Imam de Labé, n’est qu’un
degré de plus dans la violence d’Etat.

Plus besoin de prouver que les Guinéens vivent depuis 2010 sous la violence d’Etat. Plus de 140 morts, soit une dizaine de différence avec le chiffre officiel de 157 victimes des massacres du 28 septembre 2009.

Le reste dépasse l’entendement : refus de réception des corps des victimes des forces de sécurité dans les hôpitaux, assassinat d’un ambulancier, brimades et tirs à balles réelles dans les cimetières, appréhension d’un imam sur la route de la mosquée.

Le comble de l’horreur, c’est l’utilisation d’une femme, nourrice de surcroît, comme bouclier humain. Bref, on aura tout vu avec M. Condé et son pouvoir.

Il y a de quoi être fatigué et dire ça
suffit.  Le peuple de Guinée l’a fait
savoir en exprimant son ras-le-bol contre les projets de nouvelle constitution
et de troisième mandat. C’est aussi une manière de dire qu’il en a assez des
systèmes qui se suivent et qui sont plus catastrophiques les uns que les
autres. Qu’il ne supporte plus l’arrogance des mêmes têtes, souvent de la même
lignée, qui ne changent que pour asservir, mépriser les citoyens et exacerber
les tensions.

Le
FNDC doit prendre encore plus en compte la portée du message des Guinéens. Il
lui appartient de montrer ce
dont il est réellement capable car ses adhérents attendent de voir la
matérialité des manifestations. Additionner le nombre des morts ?
Mettre fin, comme cela s’est fait ailleurs : Burkina-Faso, Egypte,
Tunisie, Algérie, à toutes velléités d’un homme de s’éterniser au pouvoir ?

La
réponse réside en 2 mots : « Renoncer
ou Démissionner » qui pourraient bien être le mot d’ordre des
manifestations des 12 et 13 février. 

En tout état de cause, de nouvelles méthodes
devraient être adoptées tant en ce qui concerne les manifestations que leur
itinéraire et point de rassemblement. Kaloum ne fait-elle pas partie de Conakry
commune tout autre commune, pourrait-on se demander.

Quelle que soit l’option la solution à la
crise doit être trouvée avant qu’il ne soit trop tard.  On ose espérer que le rapprochement de toutes
les organisations qui luttent pour la défense de la nation sera bientôt
effective. Ainsi, sans se fondre dans le FNDC, les organisations syndicales
pourraient faire comme le Groupe Organisé des Hommes d’Affaires (GOHA) en
affichant ouvertement leur participation aux actions du front.

Le FNDC et tous les acteurs de la vie sociale et politique, surtout le pouvoir en place, qui fait encore preuve d’obstination, devraient comprendre que les Guinéens ne se laisseront plus faire. On ne pourra plus jamais rien leur imposer. A multiplier par 7 les 7 millions 7 cents mille électeurs (couvés pour les machines de la CENI), il n’en sortira aucun résultat car d’élections il n’y en aura pas. Si telle est la volonté de la majorité. En revanche, la solution sera trouvée d’ici le premier mars.

Il
est grand temps d’avoir désormais présent à l’esprit que le peuple débout a
compris que, bien pire que les despotes et le mal qu’ils imposent, le silence
est encore plus coupable. D’où la lutte inlassable qu’il livre pour le respect
de la constitution.

Le FNDC et les leaders politiques de l’opposition doivent être à la hauteur des enjeux et des finalités. Ils incarnent l’espoir face à un système qui se montre de plus en plus pernicieux et inhumain. Ils doivent se montrer capables de porter l’espoir et le rêve d’un meilleur avenir.

En tout état de cause, les Guinéens ont la détermination de prendre en main leur destin dans les plus proches échéances. Ils ont conscience que, c’est maintenant ou jamais.


M. Lamarana Petty Diallo Guinéen- Professeur Hors-Classe lettres-histoire – Orléans- France




Souveraineté ! Mais et la responsabilité de protéger ? [Par Fodé Baldé]


TRIBUNE. Toutes les dictatures ont le même refrain : elles chantent et brandissent avec arrogance le principe de la souveraineté quand elle réalise avoir commis l’irréparable. Ainsi, elles tentent d’éveiller les sentiments nationalistes pour empêcher tout interventionnisme. 

Cette stratégie est connue et, a, pendant longtemps, fait échouer des missions de paix dans le monde. Voilà pourquoi en 2005 le principe de « la responsabilité de protéger » [lien, ndlr] a été entériné par la Commission Internationale de l’intervention et de la souveraineté des États de l’Organisation des Nations Unies. Alors désormais le devoir d’ingérence est consacré quand il y’a de graves violations des droits de l’homme dans un pays. Mieux quand l’Etat est producteur de violence contre ses populations, il y’a nécessité d’apporter protection à ses dernières. 

Aujourd’hui la Guinée se trouve dans ce schéma : où les populations n’ont pas de protecteurs car les forces de sécurité et de défense, censées les protéger, les répriment. Les jeunes sont assassinés, leurs dépouilles refusées dans les morgues du pays, d’autres sont kidnappés puis mis en prison sans procès, les uns sont blessés avec des handicaps à vie, les cortèges funèbres sont attaqués de la mosquée au cimetière : la société guinéenne se déshumanise. La dictature sévit juste pour se pérenniser. 

Face à ce
dont les populations guinéennes sont victimes et à un moment où le pouvoir de
Conakry brandit avec fierté la souveraineté de notre pays : il faut lui
rappeler que cette souveraineté s’exerce conformément à la constitution. Étant
donné que toutes les lois sont violées, les institutions assujetties, les
populations martyrisées, tous les espoirs sont désormais tournés vers la
communauté internationale. À elle, d’amener les populations à lui réaffirmer sa
confiance car, à cette allure, elles se sentent abandonnées et trahies pour
avoir cru et défendu des valeurs universellement partagées telles que la
démocratie, l’alternance.

En
conclusion, aucun principe de souveraineté ne peut empêcher l’International
d’agir et ce, au nom du principe onusien : « la responsabilité de protéger »,
pour protéger des vies. Et le cas échéant, elle aura ces morts sur sa
conscience ! Dans tous les cas, l’histoire de notre communauté de destin
s’écrit et continuera de s’écrire avec chacun sa responsabilité ! A chacun
d’agir ou de trahir la mission qui lui est dévolue.


Fodé BALDE
Homme Politique Guinéen LA GUINÉE D’ABORD




Massacre du 28 septembre 2009 : La Guinée à l’épreuve du principe de complémentarité


Par Catherine Maia, professeure de droit à l’Université Lusófona de Porto et Ghislain Poissonnier, magistrat.


Le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry a connu un fort retentissement médiatique tant en Afrique de l’Ouest que dans le monde, justifiant un intérêt particulier de la communauté internationale et imposant une réponse judiciaire. Plus de dix ans après ce massacre, alors que l’information judiciaire sur les faits est close et que l’ouverture d’un procès en Guinée se fait toujours attendre, les inconnues autour d’un futur jugement des responsables du massacre demeurent nombreuses. La situation en Guinée constitue ainsi un test quant à la possibilité de mettre en œuvre le principe de complémentarité selon lequel la Cour pénale internationale n’intervient qu’en cas de manque de volonté ou de capacité d’un État à juger les responsables de crimes internationaux.

Le 28 septembre 2009, un meeting de l’opposition tournait au drame dans la capitale guinéenne. Alors qu’une foule d’opposants s’était réunie dans le stade de Conakry pour manifester contre la candidature à l’élection présidentielle du capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte au pouvoir – le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) –, les forces de sécurité réprimaient violemment le rassemblement. Le jour même et les jours suivants étaient commises diverses exactions, notamment des meurtres, des coups et blessures volontaires, des séquestrations et actes de torture, des viols et des pillages par les membres des forces de sécurité déployés dans les quartiers d’où était issue la majorité des sympathisants de l’opposition.

Ces évènements sont connus comme le « massacre du 28 septembre ». En raison de leur gravité, ils ont eu un retentissement médiatique tant en Afrique de l’Ouest que dans le monde, justifiant un intérêt particulier de la communauté internationale (I) et imposant une réponse judiciaire nationale (II). Plus de dix ans après ce massacre, alors que l’ouverture d’un procès en Guinée se fait toujours attendre, les inconnues autour d’un futur jugement des responsables restent très nombreuses (III). Elles le sont d’autant plus que, depuis l’ouverture en 2009 par la Cour pénale internationale (CPI) d’un examen préliminaire concernant la situation de la Guinée, sera ici mis à l’épreuve l’application du principe de complémentarité, imposant que la Cour n’intervienne qu’en cas de manque de volonté ou de capacité de l’État.

Lire la suite sur revuedlf.com [Revue des droits et libertés fondamentaux]





La perversion de la transition de décembre 2008 sous Dadis Camara


Politique

C’était hier 2008-2010.

Nous republions un extrait de l’article de Dominique Bangoura intitulé : Le coup d’État de décembre 2008 et la Transition controversée en Guinée, publié dans la revue Cairn en 2015. Ce rappel de l’histoire récente de la Guinée est important dans un contexte d’amnésie collective où les événements d’aujourd’hui ont tendance à enterrer ceux d’hier.


Extrait

À son arrivée au pouvoir, Moussa Dadis Camara (MDC) a pris des
engagements et a promis à l’opinion nationale et internationale qu’il
organiserait des élections et ne serait pas candidat. Le samedi 27 décembre
2008, devant une salle comble du Camp Alpha Yaya Diallo, MDC a rencontré tous
les acteurs (partis politiques, société civile, syndicats etc.) et leur a
expliqué ses intentions. À cette occasion, il a précisé : « Je ne me
présenterai pas à une élection ».

MDC a pris les mêmes engagements devant le Groupe
International de Contact pour la Guinée (GIC-G) créé à l’initiative de la
Commission de l’Union africaine et dont la première réunion a eu lieu le 16
février 2009 à Conakry. Cependant, au fil des mois, le capitaine Moussa Dadis
Camara a montré son incapacité à honorer ses engagements.

Les premiers signes de rupture

Les premiers éléments troublants proviennent des discours
de Moussa Dadis Camara, notamment le Discours-programme du 14 janvier
2009 qui s’apparente à un programme d’un chef d’État élu, en début de mandat.

Le second indice qui sème le doute dans les esprits est
le Discours de Boulbinet du 15 avril 2009. À cette date, MDC s’en
prend sans raison justifiée aux partis politiques et menace d’« enlever la
tenue » pour se porter candidat s’ils ne le ménagent pas. Ce discours-test
a pour objet de mesurer jusqu’où il peut aller. Il fait l’effet d’une bombe
tant les désapprobations fusent de toutes parts. À tel point que MDC se ravise
et se réengage à ne pas se présenter à travers les déclarations de la
délégation du CNDD reçue à Bruxelles à l’Union européenne le 29 avril. Dans ce
prolongement, il réitère ses engagements auprès du GIC-G lors de la troisième
session du Groupe tenue à Conakry les 5 et 6 mai 2009.

Les autres motifs d’inquiétude reposent sur la multiplication des mouvements de soutien à Moussa Dadis Camara. Les délégations se succèdent au camp Alpha Yaya pour aller le féliciter ou l’encourager. Chefs coutumiers et religieux, notables, parents, ressortissants de sa région natale et d’autres régions de la Guinée, hommes en uniforme, ils sont nombreux à venir faire la cour au chef de la junte. Il est difficile, dans ces conditions, de déceler la part de sincérité et de calcul, mais toujours est-il que ces comportements de séduction troublent et biaisent le jeu politique de la transition. Des formes d’allégeance politique se mettent rapidement en place avec les meetings organisés par le gouverneur de Conakry, manipulant une faction de jeunes et de femmes. En outre, un Bloc des Forces Patriotiques est créé, comprenant d’anciennes forces conservatrices et de nouveaux groupuscules se ralliant au pouvoir. Enfin, un facteur de crainte, et non le moindre, apparaît avec les volte-face intempestifs du chef de la junte, ses signaux contradictoires, ses colères à l’emporte-pièce en public. Le coup de grâce porté à la transition en Guinée est finalement donné en présence du GIC-G lors de sa sixième session les 3 et 4 septembre 2009 à Conakry. À cette date, revenant à la charge et faisant voler en éclats tout espoir d’apaisement, Moussa Dadis Camara rompt son serment. En aparté, il glisse aux diplomates présents : « Je vais me présenter parce que tout le peuple me le demande. Si je ne le fais pas, je risque de perdre la confiance du peuple ».

La concentration des pouvoirs entre les mains du capitaine

MDC accapare le pouvoir exécutif entre ses mains. Il gouverne par décrets et ordonnances. Le pouvoir judiciaire est délaissé. Les cours et tribunaux fonctionnent au ralenti par manque de moyens humains et matériels.

Le ministre de la Justice est un militaire, ce qui représente une violation du principe d’indépendance du droit. Les magistrats ont fait grève en juin 2009 pour dénoncer les dérives du régime ainsi que la création d’un Secrétariat d’État chargé des conflits, une structure parallèle qui applique non pas le droit mais les prescriptions dictées par la junte. En outre, Moussa Dadis Camara adopte une posture de procureur dans la lutte très médiatisée et sélective contre la corruption et les narcotrafiquants. Sur ce point, si la lutte est justifiée sur le fond, en revanche, la méthode utilisée est contestable. Tous les présumés coupables ne sont pas recherchés avec la même rigueur et toutes les garanties en matière de présomption d’innocence ne sont pas remplies. En septembre 2009, un collectif d’avocats dénonce les pratiques en cours et les mauvais traitements infligés aux détenus. Le pouvoir législatif n’existe pas. L’Assemblée nationale a été dissoute au moment de l’arrivée de la junte au pouvoir. Certes, il y a un projet de création d’un organe législatif provisoire appelé Conseil national de transition (CNT), mais bien des interrogations et doutes subsistent sur son mandat, sa composition, sa durée, son indépendance vis-à-vis du CNDD, qui dispose lui-aussi de compétences similaires.

L’absence de restauration du cadre constitutionnel

Une constitution, des lois organiques et un code
électoral sont nécessaires pour organiser les élections. Or, fin septembre
2009, dix mois après le coup d’État et quatre mois avant l’élection
présidentielle prévue pour fin janvier 2010, rien n’a encore été fait dans ce
sens, alors que le chronogramme de Moussa Dadis Camara, présenté au
Palais du Peuple à Conakry le 16 février 2009 devant le Groupe international de
contact pour la Guinée (GICG), prévoyait quatre étapes, avec notamment la mise
en place des « organes », du « cadre » et des
« instruments de la Transition ».

La transition subit des blocages importants :
mi-septembre 2009, il n’y a toujours pas de Premier ministre de transition, de
gouvernement de transition, de Parlement de transition ou de Conseil national
de transition (CNT). De plus, le pays n’est toujours pas doté de constitution.
Il conviendrait de réviser la Constitution de 1990 qui posait les principes
d’un État de droit démocratique et prévoyait la limitation du pouvoir (durée du
mandat présidentiel à 5 ans ; nombre de mandats limité à deux, le premier
étant renouvelable une seule fois ; un âge des candidats fixé à quarante
ans minimum et soixante-dix ans maximum) en réaménageant quelques articles,
dans un souci d’inclusion. La révision de la Constitution devrait se faire par
un Conseil National de Transition (CNT) compétent, ayant vocation législative
et siégeant en tant que Parlement de la transition. L’adoption de la
Constitution devrait se faire soit par référendum soit par vote des membres du
CNT à la majorité qualifiée (les deux tiers des députés selon l’article 91 de
la Constitution). Toutefois, rien de tel n’est engagé.

Populisme et insécurité

L’action de Moussa Dadis Camara s’apparente à du populisme.

Il prend le peuple à témoin, l’interpelle pour telle ou telle nomination, révoque sur le champ collaborateurs, cadres et ministres en public. Il insulte son Premier ministre et les images passent en boucle à la télévision d’État. Cette pratique montre son aversion pour l’administration, pour l’exercice de la politique par les gouvernants. Cela s’explique par son absence d’expérience politique et son incompétence à gouverner. D’ailleurs, s’il a choisi de mettre l’accent sur la lutte contre la corruption et les narcotrafiquants, c’est parce que c’est un domaine qu’il connaît pour l’avoir côtoyé. Il tient également par ce biais à mettre ses protégés à l’abri. Cette façon de se mettre en scène est populaire, et cela plait au peuple qui croit qu’enfin les choses changent. Mais en réalité, les conditions de vie et de travail restent aussi difficiles qu’auparavant, et en quelques mois, c’est au tour de la junte de se prendre elle-même au jeu de la corruption.

Par ailleurs, le comportement des forces de défense et de
sécurité dans les quartiers, en ville et à l’intérieur du pays est très
préoccupant. Les exactions à l’encontre des populations civiles et des hommes
d’affaires se sont intensifiées en 2009. L’insécurité est partout. Un rapport
de l’ONG Human Rights Watch intitulé « Guinée : Le gouvernement doit
discipliner ses soldats. Vols à main armée, extorsions et intimidations sous le
nouveau gouvernement » fait état du récit de victimes et de témoins
d’incidents commis par des soldats lourdement armés portant des bérets rouges
et se déplaçant dans des véhicules tant civils que militaires.

Malgré les appels répétés des organisations de défense
des droits de l’Homme, la Commission nationale d’enquête sur les massacres de
2006 et de 2007 (dont la loi portant création avait été votée en mai 2007)
n’est toujours pas effective. Moussa Dadis Camara avait pourtant promis, pour
l’étape n°4 de son Chronogramme, « la mise en place d’une
Commission Vérité, Justice, Réconciliation, la poursuite de l’enquête sur les
événements de juin 2006, janvier et février 2007 » (répression meurtrière
de manifestations). Mais rien n’est entrepris dans ce sens.

En conclusion, le constat ne souffre d’aucune ambiguïté.
Le régime de Moussa Dadis Camara viole le principe démocratique de séparation
des pouvoirs ; il n’engage aucune action pour la restauration du cadre
constitutionnel ; il ne respecte ni les droits de l’Homme ni les libertés
publiques, en particulier celle des médias ; il entrave le fonctionnement
des partis politiques, des organisations de la société civile et des syndicats.
Il menace les dirigeants civils et politiques.

Le spectre de la candidature du capitaine Camara à l’élection
présidentielle

Depuis l’indépendance en 1958, la Guinée n’a connu aucune
élection libre, crédible et transparente du fait des régimes politiques
successifs qui s’y sont violemment opposés. Par conséquent, le pays a besoin
d’un profond renouveau politique et les Guinéens ont massivement montré qu’ils
voulaient ce changement lors des grèves, manifestations et émeutes de
2006-2007. Or, le changement n’est pas possible sous Moussa Dadis Camara. Le
véritable changement ne peut venir que par une alternance au pouvoir et
l’avènement d’un régime démocratique. L’alternance signifie l’élection d’un
nouveau dirigeant sur la base de son projet de société, de son programme de
gouvernement, de son intégrité morale, de son sens des responsabilités, de ses
compétences avérées pour mettre en œuvre un projet de refondation. Cependant,
une alternance démocratique n’est possible que si les conditions d’un scrutin
libre, ouvert et juste sont réunies.

Le scénario d’une alternance démocratique permettant le
retour à un régime civil et légitime ne peut survenir que si deux défis sont
relevés : la volonté politique du chef du CNDD d’aller dans ce sens et
l’indépendance ainsi que le fonctionnement régulier de la Commission électorale
nationale indépendante (CENI). Or, le constat est clair : le président du
CNDD n’a pas la volonté politique d’organiser une élection présidentielle juste
et honnête pour le début de l’année 2010. De plus, il y a un risque de
manipulation de la CENI étant donné son statut et sa composition.

En réalité, ces deux obstacles à une alternance
démocratique ne peuvent être surmontés que par une union sacrée des Forces
vives. Pour la première fois en Guinée, les Forces vives, qui sont composées
des partis politiques, des dirigeants syndicaux et des organisations de la
société civile, se concertent et prennent des positions communes pour la
gestion de la transition. C’est ainsi que d’un commun accord, elles décident de
l’organisation d’un grand meeting pacifique le 28 septembre 2009, ayant pour
objectif de montrer leur capacité de mobilisation face à la junte d’une part,
et de protester contre l’éventuelle candidature du capitaine Moussa Dadis
Camara à la prochaine présidentielle d’autre part.

Le choix de tenir un meeting pacifique au Stade du 28
septembre est à la fois symbolique et sécuritaire : la date rappelle celle
du référendum historique ayant conduit le pays à l’indépendance en 1958 ;
et surtout, les Forces vives veulent éviter une marche ou des mouvements de rue
qui pourraient amener des débordements et des dérives de la part des forces
armées et de sécurité, comme ce fut le cas en 2006-2007.

Dominique BANGOURA est diplômée de l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg, est docteur d’État en science politique et habilitée à diriger des recherches (HDR). Après avoir été Secrétaire général de l’Institut africain d’études stratégiques (IAES) au Gabon puis avoir enseigné au Département de Science politique de la Sorbonne, elle dirige les recherches à l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique (OPSA) et enseigne dans les Universités de Yaoundé, Abidjan ainsi qu’à l’Université Panafricaine. Elle est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont le premier Les Armées africaines (1960-1990), est un résumé de sa thèse. En tant que spécialiste de l’Afrique, elle a publié plus de quatre-vingts articles scientifiques ainsi qu’une dizaine de rapports pour des organismes nationaux, régionaux et internationaux. Elle est experte en gouvernance, stratégie, sécurité, justice et RSS et a effectué des missions dans vingt-sept pays sur le continent africain.


Le titre de cette republication est un choix de notre rédaction. L’intégralité de l’article ici





Deux phrases pour éviter le chaos [Par Lamarana Petty Diallo]


Depuis un certain temps, la situation socio-politique guinéenne est des plus préoccupantes car elle met en danger la paix sociale. Elle menace les fondements de la nation, la sécurité des citoyens, le vivre- ensemble souvent mis à mal par les systèmes politiques successifs.

A
nouveau, notre peuple est face à de grands défis et enjeux à relever pour de
nouvelles perspectives d’avenir. Il a su les relever par le passé en empruntant
la voie de l’indépendance en 1958 et de la démocratie dans les années 90.

Le
chemin à emprunter pour les atteindre serait des plus aisés si ce n’est
l’obstination d’un système, d’hommes et de femmes qui semblent être sourds aux
bruits alentours, aux voix de l’histoire et à la toute-puissance de la force du
verbe : c’est-à-dire le dialogue.

Ces
tares ont leur corollaire en mode de mauvaise gouvernance : corruption,
gabegie, laisser-aller, immoralité intellectuelle et professionnelle. Des
méthodes et pratiques de gouvernance qui semblent avoir fait leur temps car un
nouveau soleil pointe à l’horizon et commence à illuminer la Guinée.

Le mur de la peur est
tombé

Les
Guinéens ont très longtemps subi la mal-gouvernance et ses conséquences sur
l’épanouissement de la nation et la consolidation des valeurs démocratiques.

Au
fil du temps, ils ont eu l’intime conviction que les systèmes passent et les
pratiques restent. De déceptions à soubresauts, ils sont désormais en phase de
passer de la frustration à la revendication et à la révolte.  Si ce n’est à la révolution sociale tout
simplement.

Les
mouvements de contestation, sources d’inspiration du changement qui pointe en
Guinée font lésion : les printemps arabes (2010-2011) ; « La
tempête de Ouaga » (c’est de moi) ou la deuxième révolution burkinabé, qui
mit fin en 3 jours au pouvoir de Blaise Compaoré. Encore plus frais et en
cours, la « Révolution du Sourire » ou le printemps algérien (février
2019- novembre 2019).

Autant dire que la situation actuelle que connait la Guinée ne tombe pas du ciel. Le pouvoir aurait mieux fait de comprendre que le peuple ne peut plus se murer dans la peur, le silence complice et la subordination coupable. Ainsi mettrait-il fin à sa surdité, son indifférence, son arrogante et son cynisme en apportant la réponse aux maux qui rongent le pays.

Mais
les attitudes et propos de certains caciques du système qui banalisent la mort
des citoyens montrent que nous en sommes loin. Leur raisonnement belliqueux est
le corollaire des répressions macabres des forces de l’ordre qu’ils justifient
dans ces termes : « Si une manifestation est violente, l’État a
aussi le devoir régalien de maintenir l’ordre public ». On ne peut mieux
se montrer complice des actes criminels qui ont coûté la vie à plus d’une centaine
de citoyens.  

Ces derniers jours, ce sont les chantages et les discrédits qui ont fait surface. Des personnes, de la même trempe que la précédente, qualifient l’opposition républicaine et le FNDC de djihadistes.  Oublient-elles que nul ne les écoute plus tant elles n’inspirent pas confiance. 

Loin
de comprendre que le sens de l’histoire a pris une autre tournure, de telles
personnes se confortent dans le déni de l’imminence d’un changement de mode de
gouvernance.

La Guinée attend son printemps

Depuis 1958, la Guinée a fait de grands pas en avant. Certes, elle a été freinée dans sa marche par les maux évoqués plus haut. Cependant, nul ne peut nier la vaillance de notre peuple dans son combat pour la démocratie et l’Etat de droit.

 Un peuple qui a envoyé le Parti Démocratique de Guinée (PDG) au musée et conduit le Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) à la morgue. L’obstination dont font preuve certains idéologues du RPG risque d’avoir les mêmes conséquences.

En
tout état cause, l’évolution ne saurait s’interrompre. Les systèmes politiques
guinéens n’ayant su s’adapter ni aux marqueurs historiques, démographiques, politiques,
sociaux ni aux nouvelles aspirations des jeunes générations doivent céder la
place.

Le
chômage des jeunes est galopant. L’école et le système scolaire sont délaissés.
Les perspectives d’avenir sont bouchées alors que l’exode interurbain (ou rural)
est des plus élevé.

Les
jeunes guinéens empruntent les routes de la mort plus que quiconque. Leur
nombre est effarant en Europe : il dépasse de loin ceux des pays
en guerre du proche et moyen orient ou d’ailleurs. A contrario, la population
guinéenne est parmi les plus jeunes.

L’opportunité
de changement découle de cette réalité. Si les tentatives ont échoué par le
passé, elles ne montrent pas moins que les Guinéens connaissent le chemin de la
démocratie. Qu’ils ont été des artisans de la lutte contre les pouvoirs
oppressifs coloniaux et post-indépendances.

Si
le FNDC n’est pas directement lié à cette généalogie historique et
politique de
combat pour la défense des droits et devoirs, il n’en est pas moins un
élément du chaînon. Il est une nouvelle étape de la lutte pour
l’émancipation. En tant que
tel, il peut être exposé aux risques d’échec. Je ne reviendrai pas
là-dessus
(voir mon article : « Troisième mandat, la messe serait-elle dite » ?
in Le Populaire, n°698, 23/12/2019).

Si
ce n’est pas la première fois que nous vivons une coalition entre force
politique, civile et/ou syndicale, les revendications actuelles semblent annoncer
la fin d’un cycle. En effet, depuis
les premières mobilisations d’octobre 2019, les Guinéens bravent la pluie, la poussière,
la faim, la soif et les misères quotidiennes en quête de la réponse à la
question qu’ils se posent : le président Alpha Condé veut-il un troisième
mandat ? L’annonce du 31 décembre a levé un coin du voile. Depuis, la
liste de morts ne fait que s’alourdir. Pourtant, à défaut d’être évité, on peut
y mettre fin.

Deux
phrases, deux simples phrases peuvent suffire

Monsieur
Alpha Condé peut éviter le pire à la Guinée s’il est resté celui qu’il était dans les années 70. Celui qui
faisait le tour des universités françaises pour convaincre les étudiants
africains de lutter contre les pouvoirs à vie et les dictatures. 

S’il
est resté le même homme qui combattit pour le panafricanisme, il donnera
l’exemple aux générations africaines, actuelles et futures.

Mais, bon nombre d’analystes pensent que l’homme n’a pas seulement changé. Il s’est métamorphosé, estiment-ils. Au cas contraire, il n’aurait jamais tenté d’imposer une nouvelle constitution, premier pas vers un troisième mandat, aux Guinéens.

Ceux
qui ont connu M. Alpha Condé sont persuadés que le président guinéen a changé de
cap et de vision en se lançant dans une perspective qui pourrait faire basculer
son pays dans un conflit aux conséquences imprévisibles. En dépit de tout, ils
sont encore nombreux à croire qu’il peut encore rattraper la balle au bond.

Pour
cela, il a une seule chose à faire. Un seul acte qui effacerait tous les
ratages, toutes les déceptions et lui donnerait l’image de l’homme auquel
il s’est toujours identifié en se qualifiant « le Mandela de la Guinée ».

Dès lors, il rentrerait dans l’histoire au
sens noble du terme. Il ouvrirait une nouvelle page de l’histoire guinéenne et
au-delà dans laquelle s’identifieront ses contemporains et les générations
futures. Il n’a qu’un pas à franchir avec des mots simples et salvateurs :

« Je
renonce au changement de constitution ».

« Je
ne suis pas candidat à un troisième mandat ».

Ces
deux phrases vaudront toutes les phrases célèbres de l’histoire. Les Guinéens échapperont
alors à la dimension dramatique qui se joue
actuellement pour lui donner une tournure humaine et fraternelle. Ainsi, notre
pays aurait pallié au pire.

Tendons
les oreilles d’ici-là pour accueillir l’Aube nouvelle.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




Débat Constitutionnel: Pour le juriste Mohamed Camara, « l’Avis de la Cour Constitutionnelle a porté sur la ‘’régularité’’ au détriment de la conformité»


Sur sa page Facebook, le juriste Mohamed Camara, ancien chef de cabinet du ministère des Affaires étrangères et des guinéens de l’étranger, débarqué de ses fonctions le 27 novembre dernier, livre son analyse sur le débat autour du projet de nouvelle constitution dans le pays.


Analyse sur la crise née du débat constitutionnel en Guinée et approches de solutions

Face à la persistance des crises en Guinée (électorale, sociale, constitutionnelle,…), il est opportun de faire des propositions de solutions.

Avant l’annonce officielle faite par le Président de la République sur la volonté d’aller au référendum constitutionnel, le débat était sans objet, par précaution d’avoir des preuves juridiquement administrables, pour éviter la spéculation et son corollaire d’argutie juridique.

Après l’annonce officielle faite à ce sujet le 19 décembre 2019, au-delà des avis des doctrinaires, le débat juridique devait être tranché en dernière instance par la Cour constitutionnelle en application combinée des articles 80 et suivants de la Constitution du 7 mai 2010 et en vertu de la loi organique L/2011/06/CNT du 10 mars 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Le sujet est maintenant à débat à la suite logique de l’invitation officielle faite par le Son Excellence Monsieur le Président de la République, aux citoyens de s’approprier le contenu dudit projet.

Ce projet de Constitution avec l’Avis N°002/2019/CC du 19 décembre 2019 de la Cour Constitutionnelle, m’inspire une analyse aux plans de la forme et du fond, sur le fondement de l’article 739 alinéa 2 de la Loi N° 2016/059/AN du 26 octobre 2016 portant Code pénal qui admet les commentaires techniques.

Sur la forme

D’entrée, la Cour Constitutionnelle a eu le mérite d’avoir montré très clairement dans son Avis que le référendum législatif prévu à l’article 51 est totalement différent du référendum constitutionnel, objet de la demande d’avis de conformité du Président de la République.
En clair, la simple lecture désintéressée de l’article 51 de la Constitution en vigueur, permet de savoir très clairement que cette disposition ne traite pas du référendum constitutionnel et est de ce fait, inopérante en l’espèce.

Mais, en matière de procédure, il aurait été salutaire que la Cour Constitutionnelle indique dans son appréciation au préalable, les conditions en temps normal ou anormal, nécessitant l’adoption d’une nouvelle Constitution. Autrement dit, s’il y a ou non un vide constitutionnel occasionné par la suite d’évènements importants (accession à l’indépendance, création d’un Etat, construction d’un Etat fédéral, fusion d’Etats,…) ou d’évènements exceptionnels (révolution, coup d’Etat, guerre, occupation, crise institutionnelle majeure et aigüe,…) pour justifier la nécessité d’adopter ou non, une nouvelle Constitution.

Malheureusement, la Cour Constitutionnelle ne l’a pas fait. Elle est passée outre en donnant son Avis favorable sur la régularité de l’initiative alors qu’elle a été saisie pour avoir son Avis de conformité à la Constitution en vigueur. D’où sa difficulté à trouver une solution juridique.

A rappeler qu’au plan procédural, il y a lieu de souligner que les populations n’ont pas été informées par un acte officiel de la mise en place ni d’un constituant au plus, ni de la Commission technique au moins, avant la rédaction et la diffusion dudit projet pour des fins de transparence et d’ouverture aux contributions citoyennes pouvant l’enrichir à l’instar de l’appréciable approche participative faite par le Conseil National de la Transition (CNT) en 2010.

C’est autant dire qu’il aurait fallu présenter ledit projet en Conseil des Ministres étant donné que la Commission technique aurait travaillé sous la conduite du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux.
Car, même une simple codification à droit constant qui obéit à une procédure impliquant l’exécutif de bout en bout, ne pouvait y déroger de la sorte.

Mais paradoxalement, si la Cour Constitutionnelle a écarté et à bon droit, l’article 51 de la Constitution, elle s’est axée sur le même article en partie, pour motiver la recevabilité de la demande d’avis du Président de la République. La Cour Constitutionnelle, à la recherche d’une source constitutionnelle introuvable, a élargi son raisonnement aux formulations du genre, (Conformément à l’esprit général de la Constitution et les principes généraux du droit) sans donner la moindre précision sur leur contenu, ni sur leur portée, encore moins sur leur champ d’application.

Aussi, la Cour Constitutionnelle a invoqué l’article 51 de la Constitution quoiqu’inopérant en intervertissant les termes liés à la « régularité » qui se rapporte aux opérations du référendum et la « conformité » qui concerne le projet ou la proposition par rapport à la Constitution. Le juge constitutionnel sait très bien que veiller sur la régularité des opérations du référendum législatif est différent de l’émission de son avis sur la conformité à la Constitution. Cette inversion de termes est peut-être due au fait que l’article 51 de la Constitution en vigueur, écarte de son champ d’application, l’idée de contrôle de conformité d’une nouvelle Constitution à celle existante qui n’est ni suspendue, ni détruite, tant la Cour était dans le besoin de motiver son Avis favorable par un fondement juridique.

Ainsi, l’Avis de la Cour Constitutionnelle a porté sur la ‘’régularité’’ au détriment de la conformité. Or, elle a été saisie pour avoir son Avis de conformité et non son Avis de régularité. A préciser qu’à l’article 51 de la Constitution, la régularité se rapporte aux opérations du référendum qui n’ont pas encore débuté, alors que l’Avis de conformité est liée à l’examen du projet de loi par rapport à la Constitution en vigueur et non d’un projet de nouvelle Constitution par rapport à une Constitution en vigueur (qui ne se fait pas en droit constitutionnel).

La demande d’avis qui a été soumise ne portait pas sur une régularité des opérations du référendum, mais plutôt sur l’Avis de conformité du projet législatif à la Constitution (article 51 alinéa 3).
Il s’y ajoute que l’article 51 de la Constitution ne traite pas de la régularité d’initiative de référendum constitutionnel en son alinéa 3, mais plutôt, de régularité des opérations de référendum législatif (dans leur déroulement).
Elle dit s’être prononcée sur la régularité de l’initiative du référendum sans décrire la procédure.

En bref, le fait de n’avoir pas examiné le contenu du projet joint, la Cour Constitutionnelle a privé les autorités et les populations de son expertise en la matière, étant donné que sa jurisprudence s’impose à tous.

Sur le fond

La Cour Constitutionnelle a mentionné clairement au Considérant n°2 de son Avis N°002/2019/CC du 19 décembre 2019 qu’elle n’a pas porté son appréciation sur le contenu du projet de Constitution joint qui constitue pourtant, la substance référendaire.
Elle dit avoir porté « son appréciation sur la régularité de l’initiative du référendum constitutionnel et non sur le contenu de projet de Constitution».

Pourquoi elle dit n’avoir examiné le projet joint.
Pourtant, quatre (4) sur les six (6) Considérants mentionnés dans son Avis, portent sur ledit projet, objet de la saisine. Elle sait aussi que « l’accessoire suit le principal en droit ».

La Cour Constitutionnelle invoque ensuite sélectivement l’article 2 alinéa 1 de la Constitution en évitant soigneusement l’alinéa 7 du même article 2 qui dispose que « Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet ».

De plus, en invoquant l’article 21 alinéa 1 de la Constitution qui dispose que « Le peuple de Guinée détermine librement et souverainement ses Institutions et l’organisation économique et sociale de la Nation », la Cour Constitutionnelle aurait pu être complète en expliquant aux autorités et aux populations que la souveraineté pour aussi libre qu’elle soit, son exercice demeure encadré par la Constitution en application de l’article 2 alinéa 6 de la Constitution qui la balise en ces termes : « La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi suprême de l’Etat ». Elle encadre aussi le suffrage en le rendant « universel, direct, égal et secret » à l’article 2, alinéa 3. Puis, l’article 22, alinéa 1 de la Constitution en vigueur pose l’exigence selon laquelle « Chaque citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements ». Le vote est tout aussi encadré par la loi en vigueur.

La Cour Constitutionnelle étant gardienne de la Constitution conformément à l’article 1er de la loi organique L/2011/06/CNT du 10 mars 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, elle ne devait pas se limiter à la recevabilité de la demande d’avis sans examiner le document joint pour les besoins de la cause. Car, en donnant son avis favorable, parce que redoutant le reproche de déni de justice en matière de recevabilité, elle n’est pas exempte de reproche de déni de justice ou de refus d’assumer une responsabilité constitutionnelle pour n’avoir pas porté son appréciation sur le contenu d’un projet censé être la loi suprême du pays et devant déterminer la vie de la nation au sens de l’article 2 alinéa 6 de la Constitution du 7 mai 2010.

Or, en application de l’article 14 du Décret D/98/N° 100/PRG/SGG du 16 juin 1998 portant Code de procédure civile, économique et administrative, « Le juge doit examiner tous les chefs de demande qui lui sont soumis. Il est tenu de statuer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé ».

C’est autant dire que le juge ne doit statuer ni infra petita ni ultra petita. C’est-à-dire, en statuant, le juge ne doit aller ni en deçà, ni au-delà de ce qui lui est demandé.

La Cour Constitutionnelle a-t-elle voulu se protéger contre la critique de vouloir défendre sa propre cause sur le point concernant le mode de désignation nominative de son Président par l’Exécutif qui remplacerait le mode de désignation élective à l’article 111 du projet joint ?
La Cour constitutionnelle voit-elle là une source certaine d’affaiblissement accru de son indépendance à l’article indiqué ci-dessus dudit projet ?

La Cour Constitutionnelle a peut-être voulu éviter d’indisposer les rédacteurs (méconnus des populations) du projet de Constitution tant il est vrai que ce document au-delà du problème de sa légalité, est plein de problèmes juridiques, syntaxiques, sémantiques, orthographiques,…. A titre d’exemples, les rédacteurs ont mis à l’article 21 dudit projet que « L’État a le devoir de promouvoir les épidémies et les fléaux sociaux… ». Peut-être que les rédacteurs du projet ont voulu écrire prévenir. Puis, à l’article 16 dudit projet, il est écrit : « Toute citoyen personne ». Assez de fautes et de lapsus calami qui sont révélateurs de sa rédaction inexperte, incomparable de loin au jargon juridique haut de gamme utilisé à bien des égards, par les rédacteurs de la Constitution du 7 mai 2010.

La Cour Constitutionnelle a-t-elle évité d’y mettre à découvert, les problèmes en techniques rédactionnelles (légistique), d’impertinence, d’incomplétudes en système de renvoi aux lois organiques ou d’omissions ?
Le cas de la Haute Autorité de la Communication en est une illustration. Ils n’ont pas prévu d’âge minimum pour les candidats à l’élection présidentielle, alors qu’ils ont diminué l’âge des candidats (primo votants et primo éligibles) aux législatives de 25 à 18 ans pour examiner et adopter les textes de lois de la République. Il est bon de promouvoir la jeunesse. Mais, il y a une nette différence entre la majorité pénale et la maturité d’esprit pour l’examen et l’adoption des lois de la République ou même, de la consolidation législative.

Dans le but d’accroître la plus-value de sa jurisprudence, la Cour Constitutionnelle gagnerait à privilégier les sources constitutionnelles et légales pour motiver ses décisions en lieu et place des formulations du genre : ‘’Selon l’esprit général de la Constitution’’, sans en préciser leur contenu, ni leur source de rattachement.

Les prémices de cette tendance remontent à son Arrêt AC N° AE 05 du 31 octobre 2015 relatif à la proclamation des résultats des élections présidentielles de 2015. Lorsqu’il a été reproché au Président de la CENI d’avoir prorogé les heures de fermeture des bureaux de vote, au lieu de s’en tenir aux fondements constitutionnels et légaux, la Cour Constitutionnelle a sans la moindre exception, a dit que : « qui peut le plus peut le moins », pour vider le contentieux, (Arrêt AC N° AE 05 cité ci-dessus, page 8 sur 17).

Si l’Avis de la Cour Constitutionnel découlait d’une jonction avec l’examen du contenu du projet joint, il pouvait être un référentiel pour toutes et tous. Il allait aussi servir d’outils d’aide à la décision permettant aux autorités de reconsidérer leur choix en réorientant leur volonté de réformes textuelles vers une simple révision. Car, l’adoption de l’essentiel des points contenus dans ce projet pourrait se faire au moyen d’une simple révision pour corriger en tant que de besoin, les faiblesses de la Constitution adoptée le 19 avril 2010 par vote des 159 membres du Conseil National de Transition (CNT) et promulguée par Décret D/068/PRG/CNDD/SGPRG/2010 du 7 mai 2010, au lieu de procéder à un changement constitutionnel.

Aussi, la Cour Constitutionnelle pouvait dire à l’Exécutif que la procédure a été inversée tout en indiquant celle appropriée en jurisprudence constante. Si elle examinait le projet joint avant de donner son Avis, la Cour Constitutionnelle aurait évité de laisser, advienne que pourra, le soin incertain aux électeurs de recourir à leurs propres connaissances constitutionnelles et quelques fois inexpertes, face à la forte probabilité de vices juridiques cachés qui pourraient difficilement être réglés à l’avenir par elle-même.

En clair, cet Avis de la Cour Constitutionnelle est un mauvais précédent qui pourrait favoriser la déconsolidation des acquis garantis par l’effet cliquet face à tout(e) futur(e) Président(e) de la République.

Étant émis par la gardienne habilitée de la Constitution, cet Avis est doublement insuffisant en ce sens qu’ il ne sert pas de référentiel pour l’intérêt supérieur du pays et n’offre pas de garantie à même de rassurer les populations sur le contenu du projet joint qui, au-delà du problème de sa légalité, a un souci de rédaction et est moins riche en valeur ajoutée pour justifier un changement constitutionnel.

Au regard des positions extrêmement tranchées, je sollicite humblement auprès des sages réputés pour leur neutralité et leur attachement aux valeurs (sous la conduite du 1er Imam Eh Hadj Mamadou Saliou CAMARA et de Monseigneur Vincent KOULIBALY) avec l’appui des partenaires étrangers, leur intermédiation auprès des parties prenantes pour une sortie de crise concertée, dans l’intérêt supérieur et paisible du pays, sous l’autorité de Son Excellence Monsieur le Président de la République.

Je le souhaite dans la suite logique de la dernière phrase du discours de Son Excellence Président de la République du 19 décembre 2019, lorsqu’il disait en ces termes : «Je vous invite, chers compatriotes, à placer au-dessus de toutes autres préoccupations et considérations, les intérêts supérieurs du peuple et la sauvegarde de notre nation ».

Cette intermédiation contribuera à détendre ce climat délétère, consolider la concorde sociale et l’unité nationale qui constituent prioritairement, les intérêts supérieurs d’un peuple voulant vivre dans un havre de paix, avec ses précieuses potentialités pour amorcer son développement.

Aussi, en raison de la gravité de la crise politique cyclique guinéenne à dominante électorale superposée, mal faite, inachevée ou non tenue à date échue, les parties prenantes doivent surseoir à toutes formes de manifestations en privilégiant les voies de recours légales dès qu’elles satisfont aux quatre (4) conditions nécessaires pour pouvoir intenter une action. C’est-à-dire : le droit ; l’intérêt, qu’il soit pécuniaire ou moral ; la qualité ou le titre juridique nécessaire pour pouvoir figurer dans une procédure et la capacité d’agir en Justice et ce, conformément à l’article 9 du Décret D/98/N° 100/PRG/SGG du 16 juin 1998 portant Code de procédure civile, économique et administrative.

Ensuite, l’article 2 alinéa 3 de la Loi organique L/2017/039/AN du 24 février 2017 portant Code électoral consacre que : « Les Cours et tribunaux veillent à la régularité des élections, règlent le contentieux électoral et prescrivent toutes mesures qu’ils jugent utiles au bon déroulement des élections ». Pourvu que le juge tranche en rendant justice sous l’empire des lois en vigueur en application de l’article 107 de la Constitution qui dispose que : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. La justice est rendue exclusivement par les Cours et Tribunaux ».
A l’Exécutif aussi d’exécuter les décisions de Justice vu le caractère erga omnes de la loi.

Il est impérieux que tout le monde respecte la législation en vigueur. La violation de la loi résulte d’une des trois (3) situations suivantes : le refus de l’appliquer, l’excès dans son application et l’inobservation de la procédure y afférente.

Encore une fois, on ne se rend compte de l’impact de la violation de la loi que lorsqu’elle nous touche. Vivement, pour la culture du respect de la loi dans le pays.

Enfin, le respect des lois est une source de développement, une garantie de sécurité pour tous, un facteur d’encouragement des Partenaires Techniques et Financiers à soutenir davantage les projets de développement, à travers un partenariat mutuellement bénéfique.

Fait à Conakry, le 10 janvier 2020.

Mohamed CAMARA Juriste.
Doctorant en Droit à l’Université de Strasbourg.
Chargé de Cours de droit et de Sciences Politiques (UGLC, Mahatma Gandhi, Koffi Annan et UNC)
.




Ne laissons pas Alpha Condé brûler la Guinée [Par Tierno Monénembo]


Avec la divulgation de la Constitution-bidon que ses sordides officines viennent de lui concocter, Alpha Condé nous prouve que rien ne le fera reculer: ni la force du peuple, ni le regard réprobateur de la communauté internationale.

Il lui aurait fallu pour cela un minimum de pudeur, qualité qu’il n’a assurément pas. Il tient à son troisième (voire son quatrième ou cinquième) mandat.  Et il l’aura, quitte à cracher sur la morale et le droit et à brûler le pays. Quand, à la faveur du hasard, des crève- la- faim comme lui parviennent au pouvoir, ils ne le quittent plus. Ils oublient tout : leur passé, leurs amis, leurs idéaux et leurs serments. Plus rien ne compte, que la folie du pouvoir et le goût effréné pour le diamant et l’or, les palaces de luxe et les gros bolides.  Quitte à tout perdre : leur vie, leur âme, leur honneur et leur patrie !

N’est-ce pas Bokassa, n’est-ce pas Mobutu, n’est-ce pas Compaoré, n’est-ce
pas Dos Santos ?

Il reste que le Rubicon est franchi, qu’il n’y a plus de point-de non-
retour. Plus besoin de questions ou de tergiversations. Les choses sont claires
dorénavant : le problème n’est plus Alpha Condé. Le problème, c’est nous !
Nous, Guinéens ! Allons-nous laisser ce fou brûler ce pays comme par notre
fatalisme et notre lâcheté collective, nous avons laissé faire tour à tour,
Sékou Touré et Lansana Conté, Dadis Camara et Sékouba Konaté ?

A qui appartient la Guinée ? A Alpha Condé, à son père, à sa mère, aux miliciens du RPG ? Non, la Guinée appartient au peuple de Guinée, je veux dire à tous ses citoyens sans aucune exception. Et quand elle est en danger, qui doit la défendre ? Le peuple, tout le peuple, c’est-à-dire tous les citoyens. Je ne vais pas vous faire un dessin, mes chers compatriotes, je ne vais passer par quatre chemins, je ne vais même pas m’encombrer de précautions littéraires : LE PAYS EST EN DANGER DE MORT !

Une mort voulue, que dis-je, une mort passionnément désirée, une mort
minutieusement programmée par Alpha Condé et par ses sataniques collaborateurs.
Cet homme sait exactement ce qu’il fait et il le fait exprès.  C’est pour
cela que nous devons l’arrêter tout suite avant qu’il ne soit trop tard. 
Cet homme se fout de notre gueule. Il ne fait que ça depuis que la mafia
françafricaine l’a hissé au sommet de notre Etat en dépit de tous les principes
démocratiques et moraux.

Il a refusé de déclarer ses biens durant tout son premier mandat alors la Constitution l’y oblige. Il continue de présider les réunions du RPG alors que la Constitution le lui interdit formellement. Il a refusé de mettre en place la Haute Cour de Justice alors que la Constitution l’y oblige. Ce qui fait que dans l’état actuel des choses, aucun membre du gouvernement ne peut être traduit en justice. Tant de laxisme de notre part ne pouvait nous conduire que là où nous sommes aujourd’hui : dans le vide juridique et dans la pagaille institutionnelle.

Ressaisissons-nous Guinéens ! Attention, le monde entier nous regarde ! Nous avons tout notre honneur à sauver. Notre comportement depuis 1958 manque cruellement de courage et de dignité. Le glorieux peuple du 28 Septembre a dégénéré en une populace de mollassons taillable et corvéable à merci. N’importe quel crétin venu au pouvoir se croit tout permis parce que nous avons appris à tout subir sans gémir, sans pleurer, sans prier. Non pas avec le splendide stoïcisme du loup de Vrigny mais avec la consternante passivité des éponges et des limaces.

Encore une fois, réveillons-nous, Guinéens ! Faisons au moins aussi bien que nos frères du Burkina Faso quand ils ont fait fuir le sinistre Compaoré en 2014 ! Refusons cette imposture, disons non à Alpha Condé, quitte à tomber sous les balles de ses sbires !

C’est le moment ou jamais de prouver que nous sommes toujours les fiers
descendants des grands guerriers qui ont fondé ce pays.

Tierno Monénembo, in Le Lynx


Cet article est republié à partir de visionguinee.info. Lire l’original ici





Putsch constitutionnel: le peuple n’a pas dit son dernier mot! [Par Hadiatoullaye DIALLO]


Plus
personne ne doute désormais de l’intention du Président de la République de
Guinée de rester à vie au pouvoir. Chaque citoyenne et chaque citoyen de notre
pays, y compris, les partisans du régime en place, savent aujourd’hui que le
projet de Nouvelle Constitution est une supercherie, qu’il n’a pas pour objet
de contribuer à une quelconque amélioration du système de gouvernance mais
plutôt le maintien illégal au pouvoir du Président et de l’élite corrompue et
servile qui l’entoure et ce, quel que soit le prix humain à payer par des
populations déjà meurtries par l’analphabétisme, le chômage endémique, la
pauvreté généralisée et les problèmes de santé.

Mais, alors, me direz-vous, pourquoi
chacune et chacun de nous croient inconsciemment ou non que le référendum
scélérat aura lieu et que le Président actuel arrivera à ses fins?

Parce
que, au fond, tout le monde est épuisé, épuisé par la rhétorique politique
permanente et les mensonges quotidiens qui nous sont servis depuis bientôt dix
ans; épuisé par l’absence de pause depuis plus de
soixante et un ans dans le matraquage psychologique et les répressions
mortelles de toute velléité de contestation du Pouvoir; épuisé par le sentiment
que le combat entre les politiciens ne repose que sur le besoin d’accéder au
pouvoir pour partager le gâteau des deniers publics sur le dos de l’écrasante
majorité des citoyens ; épuisé par l’absence d’incarnation du véritable
patriotisme par un parti politique ou par une personne providentielle; épuisé
par la confiscation des droits; épuisé par la corruption structurelle; épuisé
par ce sentiment diffus qu’il n’y a pas d’espoir
et qu’il faut s’en remettre à «Dieu»; épuisé par les politiques du fait
accompli et du court terme pour parer au plus pressé, illustration d’un manque
criard de Vision; épuisé par l’acharnement du Pouvoir en place à diviser les
Guinéens pour régner et pour mieux se servir ; épuisé par le manque de
perspective pour les jeunes; épuisé par la saleté; épuisé par les mauvaises
conditions de transport; épuisé par les coupures ou l’absence d’électricité;
épuisé par le manque d’eau; épuisé par le manque de travail; épuisé par la
perte des valeurs et principes; épuisé par…l’épuisement!

Faut-il pour autant renoncer à lutter
contre cette injustice flagrante et l’insulte faite au Peuple de Guinée ?

La
réponse est sans ambiguïté, Non! Pourquoi ? Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement le fait que nous sommes devenus un peuple qui ne retient
pas les leçons de notre propre histoire ; Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement le fait que notre pays a vocation à n’être dirigé que
par des élites corrompues qui n’ont besoin de rendre compte à personne ;
Parce qu’en renonçant, nous validerons définitivement le fait qu’un groupuscule d’élites corrompues et
leurs familles ont le droit de disposer d’à peu près tous les droits et tous
les biens de plus de douze millions d’âmes ; Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement l’ancrage de notre pays dans le sous-développement
moral, culturel, économique, social, environnemental et politique.

Enfin, Que faire?

  1. Opposer
    un refus individuel et collectif au niveau de chaque personne et de chaque
    groupe constitué
  2. Résister par tous les moyens, y compris la
    désobéissance civile, à toute tentative d’imposition d’une nouvelle
    constitution,
  3. Refuser de participer à toute élection tant
    que:
  • Le fichier électoral n’est pas assaini, avec la certification d’un organisme neutre formellement agréé conjointement par les différents acteurs du processus électoral,
  • Le recensement du corps électoral ne s’effectue pas dans un délai jugé raisonnable par toutes les parties prenantes, et sous un contrôle conjoint de tous les acteurs du processus,
  • Le processus des élections locales et communautaires n’est pas entièrement clos conformément à la loi,
  • Le Président persiste dans sa volonté d’officialiser le parjure qui est à la base de cette Nouvelle constitution dont le caractère autocratique et dictatorial n’échappe à personne.

Pour
conclure, tout Citoyen Guinéen qui a peur doit se rappeler ces paroles de
Sénèque dans les Lettres à Lucilius, au milieu du premier siècle après
Jésus-Christ : «Il n’est pas de vent
favorable pour celui qui ne sait où il va”! Le Peuple de Guinée
doit montrer à ces «Dirigeants» qui confisquent leurs droits, qu’il est enfin
mûr et qu’il sait où il veut, où il doit aller.


#Amoulanfé


Par Hadiatoullaye DIALLO Étudiante en Communication à Paris




Appel au FNDC pour une lecture plus audacieuse des enjeux [Par L. Petty Diallo]


Les Guinéens
sont tenus en haleine depuis près d’un an par l’affaire du troisième mandat méticuleusement,
soigneusement et presqu’obsessionnellement montée par le RPG- et le
gouvernement.

Hésitante,
indécise et tatillonne aux premières rumeurs méthodiquement distillées par le
pouvoir, l’opposition guinéenne semblait avoir pris la mesure de l’enjeu : sa
survie ou sa mort politique.

Depuis trois
mois, elle mobilise militants et sympathisants mais aussi tout guinéen opposé à
la modification de la constitution actuelle ou à la mise en place d’une
nouvelle, prélude à un troisième mandat.

Le solde des
mobilisations des mois passés s’élève à 26 morts et des dizaines de
blessées : un nombre qui alourdit le bilan macabre de plus de cent morts
depuis « l’élection d’Alpha Condé » à la présidence.

Dans son
combat contre toutes perspectives de violation de la constitution de mai 2010,
l’opposition et la société civile se sont regroupées en front national de
défense de la constitution (FNDC).

L’engouement
soulevé par cette nouvelle entente n’a pas permis de bien creuser quelques
failles : l’absence des organismes syndicaux et la manière de cooptation
des différentes entités politico-associatives qui constituent le FNDC semblent
le démontrer.

Quand on
voit des jeunes désœuvrés dénoncer le front, accuser les anciens premiers
ministres ou ministres de tous les maux, on comprend aisément qu’il s’agit de
petits opportunistes infiltrés.  Cela conforte l’idée d’absence de
sélection, de contrôle tout au moins, qui aurait justifié ou empêché
l’appartenance au FNDC. Mais les failles et les insuffisances ne se limitent pas
à cet aspect des choses.

L’annonce,
le 19 décembre 2019 d’une nouvelle constitution, la marche vers un troisième
mandat pour M. Alpha Condé, soulève bien de questions sur la solidité et les
limites du FNDC.

En effet, la
réaction du front au lendemain du discours du président guinéen, n’est pas,
pour bon nombre de Guinéens à la hauteur de l’enjeu et ne semble pas répondre
leurs attentes.

La seule
initiative envisagée par l’opposition et le FNDC repose encore sur les
manifestations qui, de surcroit, ne sont pas immédiates. Non seulement, il
faudrait attendre la fin de Pacques et de la Saint Sylvestre (le 31 décembre
2019) mais aucune autre action d’envergure n’est programmée.

Entre temps, la nouvelle constitution est là : elle a pointé son nez
dans un premier temps. Aujourd’hui, elle est dans la maison de tout Guinéen.
Elle risque de diviser les familles, de s’interposer entre les époux, les amis,
les frères et les sœurs, de monter dans les lits et les plafonds. Elle rôde
déjà autour des voisinages avant de les opposer. Espérons juste à couteau tiré
et non en bruit de canon.

Pourtant,
que n’avons-nous entendu : « Si Alpha Condé osait ; le jour
où Alpha Condé dira qu’il est candidat ; le jour où… » Et il est bien
arrivé ce jour. L’éléphant n’a pas accouché d’une souris du côté du pouvoir.

La souris
semble venir du FNDC car les Guinéens s’attendaient à autre chose que :
« vu que ; compte tenu de ceci et cela, en raison de l’approche des
fêtes… ; dès début janvier ; on n’est pas d’accord ; on ne
laissera pas faire ; il n’y aura pas telle ou telle chose tant que telle
ou telle exigence n’est pas satisfaite… ».

Toute une
litanie de menaces qui n’ébranleraient pas un chef de quartier à plus forte
raison un Président de la République. Même si ce n’était la nôtre.

Le temps
n’est plus au discours. Les blablateries ne feront pas partir le président
guinéen, ni les danses, les folklores, les Mamayas en l’honneur de nos leaders.
Pas plus que l’hymne du FNDC. Il faudrait bien autres choses et le FNDC
doit : 

– Montrer clairement
quelle est sa finalité.
Son objectif est bien connu. D’après ce qu’il
dit, c’est : « s’opposer à toute nouvelle constitution ;
empêcher le troisième mandat pour M. Alpha Condé ». Mais la constitution
nouvelle (qui n’apporte de nouveau que les 6 ans à la place des 5 et la fin du
statut de chef de file).

Une finalité n’est pas un objectif : le dernier fixe un but. Le second détermine l’issue, la manière, la méthode, la stratégie d’y parvenir. Si les marches et autres manifestations ont pour objectif ce qui est énoncé plus haut, les Guinéens ont besoin de connaitre qu’elle est la finalité fixée.

-Se poser
les bonnes questions :
tout bon résultat dépendant de la
manière de se questionner, le FNDC doit savoir s’il doit continuer à appeler à
marcher pour continuer de mourir ou s’il doit changer d’optique et de stratégie
politique.

On sait bien
que les marches se sont révélées, jusqu’à présent, improductives, dépensières,
meurtrières. Qu’elles ont apportés plus de morts que de solutions.

Cela
sous-entend qu’il ne sert plus à grand-chose d’aller manifester pour marcher
vers sa tombe. En clair, le FNDC doit appliquer le principe
politique : « à situation nouvelle, orientation et stratégie
nouvelles ».

-Se remettre
en cause : 
toutes les organisations qui composent le FNDC
devraient non seulement faire leur autocritique mais aussi accepter la
critique.

Se
débarrasser de certaines habitudes en cours au sein des partis
traditionnels 
: très souvent les louangeurs occupent le haut du pavé
en Guinée. Leur langue mielleuse, leur vocabulaire laudatif avec tous les
superlatifs inimaginables, leur médiocrité est bien accueillie et prime sur les
réflexions des cadres et intellectuels. Dès lors, la médiocratie instaurée en
système, tout bord politique confondu, plombe l’avenir du pays.

-Se donner
une lecture plus audacieuse des enjeux du pays
. Le premier
enjeu pèse sur le FNDC sur lui-même en tant que porte- flambeau des Guinéens
déçus du pouvoir en place et qui cherchent une alternative. Le tout est de
savoir s’il peut satisfaire cette perspective en évitant la reproduction du
passé.

-Dépasser
les enjeux liés aux simples relations entre partis politiques traditionnels de
certaines habitudes en cours :
dans cette perspective, les
présidents des partis politiques qui concourent à l’accession au pouvoir
devraient avoir un nouvel état d’esprit en dépassant les égos personnels :
être à l’affût tout en se disant, si ce n’est pas moi, ce ne sera pas toi.

-Se révéler
réellement comme une nouvelle structure qui tranche avec les anciennes :
les forces
vives ont combattu pour un idéal bien connu à l’époque. Le combat du FNDC ne
peut s’assimiler à celui-là.

Aujourd’hui, on est face à un pouvoir bien installé qui se fait prévaloir d’être démocratique alors qu’il est viscéralement dictatorial et ethnocentrique. Les armes ne peuvent pas être les mêmes. Tout comme les méthodes. Il faut plus de détermination, d’audace. Surtout de clarté dans la ligne suivie.

-Les
discours et les manifestations récurrentes doivent céder le pas à l’action
immédiate.
Les Guinéens ont entendu toutes sortes de menaces
comme soulignées plus haut. Ils se disent où sont-elles passées ? Des
jours se sont écoulés.

M. Alpha
Condé a lancé le pavé dans la mare. Il s’en est allé papoter tranquillement
avec ses pairs. D’aucuns aussi avides de troisième mandat qu’il ne l’est
tendaient l’oreille. Ils seront désormais plus attentifs et sûrement très
avenants au cas où le triple mandat passe. Surtout s’il était agrémenté à la
guinéenne de 2 fois 6 ans.

-Les partis
politiques membres du FNDC doivent arrêter toute participation à quelque
processus électoral que ce soit.
Il est absurde de vouloir la
fin d’un système et siéger avec lui dans les institutions nationales. Il est
tout autant contradictoire et inconséquent de réclamer des élections,
d’assister impuissant à l’arrêt du processus sans qu’il ne soit achevé et
vouloir y participer pour gagner.

Aucune
élection ne devrait (ne doit tout simplement) avoir lieu dans les conditions
actuelles. Mais ce ne sont pas les déclarations à l’emporte-pièce qui les
empêcheront. Il faut s’en donner les moyens. Tous les moyens.

Si certaines
de ces préconisations n’étaient pas prises en compte, il est fort à craindre
que la messe ne soit dite pour le FNDC, les partis politiques et associations
qui le composent.

Une telle
éventualité est d’autant plus probante que la réaction du FNDC à la déclaration
du président Alpha Condé n’est pas, au risque de me répéter, à la hauteur ni
des enjeux ni des attentes.

Le FNDC
risque fort bien de se dévoyer et de rejoindre la longue lignée des mouvements,
soit mort-nés, soit de feu de paille et sans lendemain qui ont déçu les
guinéens après les avoir tant fait rêver. Pour l’éviter, il doit se montrait plus
conséquent, plus ferme, plus réactif et de la bonne manière.

Il doit prendre la mesure afin de ne pas rater le coach en se
diluant dans des annonces et des marches sans lendemain. En se contentant de
discours et de prévenances face aux actions concrètes du pouvoir.

La FNDC
devrait savoir qu’au-delà du troisième mandat, c’est l’enjeu du pays et de
l’opposition guinéenne, dont il est partie prenante, qui se joue depuis jeudi
19 décembre 2019.

A l’opposition toute entière de faire peau neuve pour survivre et sauver le pays. C’est la seule manière de montrer aux Guinéens qu’ils n’ont pas perdu du temps en se battant à ses côtés.

Enfin, une
chose est sûre : M. Alpha Condé et son système ne perdent pas de temps et
ne s’embarrassent de rien : ni de leur survie ni du devenir du pays.

Mais le peuple de Guinée saura jouer sa partition avec ou sans les uns et les autres.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

NB: Le titre initialement choisi par notre contributeur était Troisième mandat: La messe serait-elle dite ?





Législatives de février 2020 : l’ombre des élections passées plane [Par Lamarana Petty Diallo]


La Guinée
parle encore d’élections comme en 2010, 13 et 15. Autant dire qu’on en a
l’habitude. Et de quelle manière ?


Les Guinéens
ont toujours payé le prix fort avant, pendant et après toute élection en y
laissant leur vie. Ils meurent, plutôt sont tués, pour des résultats, le plus
souvent, futiles, inutiles et puérils. Les revendications post-électorales, les
unes plus sanglantes que les autres n’ont jamais rien donné. A moins que ce ne
soient des négociations stériles et contre-nature.

Les élections qui s’annoncent ne semblent pas vouloir déroger à la règle. Les prémices sont là : visibles, connues mais paradoxalement ignorées de tous. Pourtant, le professeur a déjà dit haut et fort ce qu’il en est. A ses ouailles d’appliquer la sentence et les Guinéens sont avertis :

« Dans les autres pays où il y a de nouvelles constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait ».

Alpha Condé, dans une interview au Monde – 24 octobre 2019

Le message
est on ne peut plus clair. Les législatives qui se dessinent sont le prélude
des présidentielles. Comme tel, il faut utiliser, comme à l’accoutumée,
l’ultime recours. Résultats, une vingtaine de morts qui s’additionnent à la
centaine enregistrée entre 2010 et maintenant. Toujours pour les mêmes raisons :
les élections. Les mêmes résultats : l’échec.

Telle est la
logique guinéenne : les uns se font tuer pour que les autres règnent de
père en fils. Si ce n’est mourir pour des hommes et des femmes sans conviction
et sans idéal.

Les uns se battent, meurent et d’autres sont élus. Les familles pleurent, des personnes, souvent non méritantes sont élevées au rang de titres ronflants : « Honorable », « Excellence ».

Certains
pleurent du moment que d’autres chantent, gambadent sur tous les coins du
territoire pour crier victoire.

Parmi les
élus figurent, le plus souvent, des transfuges du pouvoir ou de l’opposition.
Certains sont de simples chefs de partis familiaux ou de meneurs de bandes de
quartiers, des opportunistes tout poil qui se font élire sur la liste de partis
politiques auxquels ils n’ont jamais appartenu.

Élus, ils plastronnent quelques temps sur les tribunes des assemblées générales de leurs partis adoptifs avant de se barrer pour rejoindre le grand manitou.

A force de
lécher bottes et bottines, de se frotter au sol jusqu’à l’usure du dernier
pantalon, ils se voient bombarder ministre, souvent avec le statut tant
convoité de « ministre d’Etat ». Aujourd’hui, c’est eux qui sont
envoyés discuter avec leur mentor d’hier.

Mais
attendons car si l’épine négocie avec la plante- du pied, on verra bien qui
choisira la partie qu’il faut piquer ou épargner.  Dans tous les cas,
aucun résultat ne serait être pire que les précédents.

Dorénavant,
les points non négociables sont connus par l’une et l’autre partie. La question
du troisième mandat et ses avenants. Inutile d’en débattre car la chose est
déjà dans l’escarcelle de l’adversaire à moins que le FNDC passe à la vitesse
supérieure en fixant une finalité plus audacieuse à ses revendications.

Troisième
mandat ou pas, une chose est claire. Si en Guinée, il y a enrôlement des
électeurs pour les législatives, à l’étranger, il y a « enroulement.
 Terme dont l’usage scientifique signifie : unité déviable convenant à la
manipulation ».

Dans
plusieurs pays où vivent les Guinéens tant en Afrique, en Europe qu’ailleurs,
on n’enrôle pas. On roule dans la farine. Il est fort à craindre que tel ne
soit le cas dans le territoire guinéen aussi. Les faits sont parlants par
eux-mêmes.

  • Les ordinateurs et autres outils informatiques utilisés sont obsolètes et d’usage aussi hésitant qu’un pas de caméléon. Ils ne permettent pas d’enrôler plus de vingt (20) personnes par jour. Ils s’arrêtent au beau milieu des opérations comme un baudet qui refuse de porter le fardeau de son maître. A croire que nos machines informatiques sont télépathiquement liées à la CENI.  A moins qu’il ne s’agisse d’une lenteur humainement orchestrée.
  • Quant aux consommables, on pourrait se demander si certains agents recenseurs ne les prennent pas au mot : en consommant tout simplement ce qui est consommable par nature.
  • Les passeports non biométriques ne sont pas autorisés alors que leur délivrance a été stoppée depuis longtemps. Dans tous les cas, combien de Guinéens en disposent à l’étranger ?
  • A défaut de passeports, c’est la carte consulaire qu’il faudrait présenter. Mais la signature et la délivrance journalière ne doivent pas dépasser le nombre magique de vingt par jour : histoire de ménager les phalanges de son excellence qui souffriraient peut-être d’arthrose. Dans tout ça, la priorité revient à certains. Deviez lesquels ?
  • Les demandes ont rarement de suite favorable. L’absence de réponse touche tout particulièrement les provinces (départements et régions) hors Paris et sa région.
  • Le tâtonnement dans la rédaction sur papier des noms et prénoms vient alourdir les handicaps soulevés. La lenteur des recenseurs parachève celle des machines et renforce la longue chaine des blocages.
  • La dichotomie entre manifestations du FNDC, l’appel des leaders politiques à participer au processus d’enrôlement, la négociation avec le pouvoir et la demande d’arrêt de l’enrôlement des électeurs a sans aucun doute impacté la motivation.

Par
conséquent, l’annonce fondée ou non de la demande d’arrêt de l’enrôlement, qui
a été publiée sur le net et jamais démentie par l’opposition, a quelque peu
semé le trouble dans les esprits des Guinéens vivant loin du pays.

Tout semble
indiquer que rien n’a été ménagé pour que le processus d’enrôlement reproduise
les méthodes du passé. Les cas de la France, du Sénégal, de l’Angola et
d’ailleurs illustre parfaitement cette hypothèse.

A bien
observer, on se rend compte qu’on est plus dans une opération- marketing dont
le but est de clamer au monde entier : ” il y a eu un enrôlement au
niveau national et à l’extérieur. Par conséquent, tous les ingrédients d’une
bonne élection sont réunis. Prendre pour preuve les missions qui sillonnent
actuellement les pays étrangers sera d’autant plus approprié. Les scènes de
contestation à l’ambassade de Guinée au Sénégal ne suffiront pas à ternir
l’image du processus. Pourtant, des cas de blocages se sont produits loin des
écrans dans d’autres pays.

Si la
situation générale du processus de recensement est un peu partout similaire à
celle de l’étranger, l’opposition guinéenne prendrait de grands risques de
participer aux législatives de février 2020. Elle devrait bien réfléchir pour
savoir quelle option adopter : aller aux législatives dans la
quasi-assurance de perdre ? Revendiquer, comme d’habitude une victoire
qu’elle ne peut avoir dans les circonstances actuelles ?

Cette fois-ci, plus que par le passé, au rythme où vont les choses et à quelques jours de la clôture des opérations d’enrôlement, aucun parti ne peut se faire prévaloir d’un taux élevé de militants ou sympathisant enrôlés. En outre, le scénario mis en place permettrait difficilement à l’opposition de contester les résultats. Une méthode beaucoup plus affinée, réfléchie et extérieurement bien colorée en « recensement transparent » semble avoir été pensée en amont par l’adversaire.

Pour 2020,
il semble avoir s’être penché n’aura sur la manière de gagner par le
recensement des électeurs. Un recensement entamé bien avant celui en cours.

Par
conséquent, s’il gagnait par la manipulation des résultats, fraudait dans les
unes et, vraisemblablement, durant les décomptes, il n’aura plus besoin de la
faire. Si tout se passe comme à l’étranger, le nombre potentiels de votants
recensés le met loin devant. Cela lui donne plus de crédibilité face à la
communauté internationale : notre médecin post-mortem.

Dans la
logique actuelle et au vu des faits déjà dénoncés, le panier de la victoire ne
semble pas pencher du côté des adversaires du régime en place. L’enrôlement des
mineurs constaté dans certaines régions de la Guinée et qui ne serait que la
part visible de l’iceberg, pourrait bien avoir son pendant à l’étranger. D’une
autre manière, avec des pratiques plus abruptes, voit-on.

Dans tous les cas, les échéances électorales qui s’annoncent risquent d’être source d’un double avènement : enfantement des uns et enterrement, politiquement parlant, des autres.

Aux
différents partis de l’opposition de savoir comment s’inscrire dans l’une des
perspectives.


M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France/ lamaranapetty@yahoo.fr




« Non, vous n’avez pas le droit ! » : des journalistes écrivent au président Alpha Condé [Par Bachir Sylla et Nouhou Baldé]


Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha Condé

Au regard de la situation de crise sociopolitique qui prévaut dans notre
très cher pays, il nous a paru opportun, en tant que journalistes et citoyens
guinéens à part entière, d’utiliser cette forme populaire de lettre ouverte
pour nous adresser à vous, Excellence Monsieur le Président de la République.

En le faisant ainsi, nous espérons tout simplement contribuer à notre
manière à vous montrer la porte de sortie honorable qu’on voudrait vous voir
emprunter à l’orée de la fin de votre dernier mandat constitutionnel à la tête
de notre cher et beau pays. Nous estimons qu’en tant qu’ancien opposant
historique, vous n’avez pas le droit de sacrifier votre long combat pour
l’instauration de la démocratie et l’Etat de droit en Guinée.

– Vous n’avez pas le droit de renier votre passé et de décevoir vos anciens
camarades de lutte depuis les bancs de l’école jusqu’à votre élection à la tête
de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) que vous aimez
à présenter comme votre plus grande réussite durant votre parcours
universitaire.

– Vous n’avez pas le droit de donner tort à ceux qui ont cru en vous depuis
toujours pour incarner les idéaux de paix, de justice et d’équité dans notre
pays qui n’a que trop souffert des régimes autocratiques depuis son
indépendance, le 02 octobre 1958.

– Vous n’avez pas le droit de donner raison aux anciens dictateurs : Ahmed Sékou Touré et Général Lansana Conté, qui vous ont fait condamner (respectivement à mort par contumace et à cinq ans de prison ferme) parce qu’ils voyaient en vous un assoiffé de pouvoir, guidé par ses intérêts personnels.

– Vous n’avez pas le droit de trahir la mémoire de vos anciens compagnons de
la CODEM (Coordination de l’opposition démocratique), du FRAD (Front pour
l’alternance démocratique) et des Forces vives de la nation dont les plus
illustres ne sont plus de ce monde : Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Professeur
Alfa Sow, Ahmed Tidjani Cissé, Jean Marie Doré, Charles Pascal Tolno… Avec eux,
vous vendiez l’idée d’une Guinée libre et prospère une fois que vous seriez
arrivés aux affaires. Nous (coauteurs de cette lettre) étions là, en tant que
journalistes (historiens du présent) pour le témoigner.

– Vous n’avez pas le droit de briser le rêve de millions de jeunes et de femmes d’ici et d’ailleurs qui vous avaient porté dans leurs cœurs sans jamais vous avoir vu à l’œuvre avant votre avènement à Sékhoutouréya.

– Vous n’avez pas le droit de démériter votre titre de premier président
démocratiquement élu de la Guinée qu’on vous affuble.

– Vous n’avez pas le droit de plonger notre nation dans l’incertitude et le
chaos, en engageant la Guinée dans un tripatouillage constitutionnel ! Même si
l’objectif était d’aider et de protéger la Guinée et les futures générations de
ce pays, vous vous êtes déjà très mal pris et ne réussirez pas anéantir toutes
les forces sociopolitiques qui défendent la Constitution actuelle.

– Vous n’avez pas le droit de refuser à notre chère Guinée que son premier président démocratiquement élu organise des élections dans la paix et la quiétude pour passer la main à un autre président tout aussi démocratiquement élu.

– Vous n’avez pas le droit d’être insensible à l’assassinat d’au moins 25
Guinéens depuis le début des manifestations contre votre hypothétique projet de
nouvelle constitution.

– Vous n’avez pas le droit d’ignorer les sages conseils de feu Kèlèfa Sall,
le très respecté ex président de la Cour Constitutionnelle qui, en recevant
votre serment pour votre second mandat en cours vous demandait humblement «
d’éviter les chemins interdits en démocratie » pour ne pas « succomber aux
mélodies des sirènes révisionnistes ».

– Vous n’avez pas le droit de minimiser les cadres de votre parti, le RPG,
et la coalition arc-en-ciel qui vous ont aidé à gagner- sur le fil- la
présidentielle de 2010 et à rempiler 5 ans plus tard, au point de ne pas avoir
un présidentiable parmi eux.

– Vous n’avez pas le droit d’empêcher les jeunes cadres et les enfants des
martyrs du RPG de jouir (même sans vous) des privilèges du pouvoir, en refusant
de vous faire remplacer par un d’entre eux à la tête du parti et aussi du pays.

– Vous n’avez pas le droit de fouler au pied votre panafricanisme affiché et vos discours qui revendiquent la rupture d’avec les pratiques rétrogrades qui ont miné notre pays.

– Vous n’avez pas le droit de faire regretter à des activistes des droits
humains et à des artistes comme Tiken Jah Fakoly dont la chanson « Libérez
Alpha Condé » défie le temps et l’espace pour s’imposer comme un hymne à la
liberté qu’on pourrait dédier à tout détenu politique.

– Vous n’avez pas le droit de sortir par la petite porte comme vos anciens
homologues : Laurent Gbagbo, Blaise Compaoré, Omar El Béchir et autres Yaya
Jammeh que vous avez aidé à exfiltrer de Banjul, grâce aux bons offices de
votre ministre conseiller, Tibou Kamara, pendant que les forces de la CEDEAO
menaçaient de frapper le cœur du pouvoir gambien.

– Vous n’avez pas le droit de denier aux 12 millions de Guinéens la possibilité
de vous trouver un remplaçant, à la fin de votre dernier mandat, en 2020. «
J’ai beau chercher, je ne trouve aucun argument qui justifierait que je me
sente irremplaçable… », disait votre homologue nigérien, Mahamadou Issoufou,
avant de s’interroger : « Nous sommes 22 millions de Nigériens, pourquoi
aurais-je l’arrogance de croire que nul ne peut me remplacer ? ».

– Vous n’avez pas le droit de ne pas vous inspirer des cas de Nicéphore
Soglo (ancien président Bénin) et de Goodluck Jonathan (ancien président du
Nigéria), actuellement déployés à Conakry pour une mission de bons offices par
le National Democratic Institute et la Fondation Koffi Anan. Le choix de ces
deux anciens présidents qui ont volontairement quitté le pouvoir à la fin de
leurs mandats constitutionnels n’a rien de fortuit. Il vise notamment à vous
démontrer, personnellement, qu’il y a une vie après la présidence.

Monsieur le président, votre silence assourdissant dans le débat que vous imposez à la Guinée, au-delà des morts et des pertes économiques, rétrécit chaque jour davantage le boulevard d’une sortie honorable qui marquerait les générations futures.

Pourtant, parmi les dates les plus symboliques de votre histoire, votre fin
de règne occupera une place de choix. Des Guinéens presqu’anonymes il y a
quelques mois sont devenus des héros de la République pour simplement avoir
subi ce qu’une bonne partie de l’opinion publique estime être des effets
pervers d’une justice aux ordres.

Espérant n’avoir heurté ni votre sensibilité ni commis un péché de
lèse-majesté, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la
République, l’expression de notre haute considération.

Conakry, le 11 décembre 2019


Bachir Sylla Administrateur du site Guinee-eco.info
Nouhou Baldé Administrateur Général du site Guineematin.com

Cet article est republié à partir de guineematin.com. Lire l’article original





Lettre ouverte : Ne nous laissez pas seuls [Par L. Petty Diallo]


Lettre Ouverte à la Communauté internationale

-Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO)

-Organisation
des Nations-Unies, (ONU)

-Union
Africaine, (UA)

-Organisations
de la Mano River Union et de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal, (OMVS)

A Messieurs les
présidents :

-En exercice de
l’Union Africaine, Abdel Fattah al-Sissi

-De
la République Française, Emmanuel Macron

-Des Etats-Unis
d’Amérique, Donald Trump


Messieurs les Chefs d’État et Représentants des Organisations Internationales

Cette lettre n’a nullement la prétention de
dire ce qui serait méconnu ou ignoré. Elle se vent en revanche d’être un appel
à la conscience des nations, à leurs dirigeants ou représentants. Elle est un rappel
du passé de la Guinée faite de tumultes souvent dramatiques, parfois tragiques.
  

Une fois de plus, la Guinée renoue avec son
passé fait de violences politiques dans toute leur dimension et, comme à
l’accoutumé, dans l’indifférence totale. Une fois de plus, les Guinéens sont
submergés par les flots menaçants de lendemains incertains mais sûrement
obscurs.

Vos représentants, ambassades, corps consulaires et autres institutions ont sûrement dû, mesdames, messieurs les chefs d’États et représentants des institutions susmentionnées, vous remonter les informations de l’actualité politique guinéenne marquée par des : manifestations, répressions, arrestations, séquestration de leaders politiques, violations de domiciles privées, meurtres, etc.

Au-delà des informations officielles que vous
devriez avoir reçues, les médias guinéens et internationaux relayent la réalité
du terrain.

 Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Depuis lundi 14 octobre 2019, une vague de
violences déferle sur la Guinée à cause de la volonté manifeste ou supposée du
président Alpha Condé d’imposer une nouvelle constitution en violation
flagrante de celle en vigueur. Une constitution qui ne souffre d’aucune
illégitimité car l’expression librement consentie du peuple de Guinée sur
laquelle le président Condé a prêté serment à son élection de 2010 et à sa
réélection de 2015.

Les violences engendrées ces derniers jours, lors de manifestations pacifiques de la société civile et des partis politiques de l’opposition réunis au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), dépassent les bornes. Elles sont en voie de précipiter la Guinée dans le gouffre et aucune limite ne semble se dessiner pour empêcher cette éventualité.

Les conséquences pourraient être
dévastatrices car les prévisions actuelles ne sont pas les plus optimistes. Les
dates des prochaines manifestations sont déjà annoncées et le peuple pourrait
bien répondre massivement alors que la répression coutumière des forces de
l’ordre ne fait l’ombre d’aucun doute.

Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Le temps des hypothèses est dépassé en Guinée. Nul ne peut nier que le pays peut basculer d’un moment à un autre face à un pouvoir répressif qui met en avant l’arrogance à la place du dialogue, une société civile déterminée et légitimée par l’appui populaire.  

Les partis politiques de l’opposition longtemps méprisés et forcés au repli par l’interdiction de toutes manifestations depuis un an, reprennent du poil de la bête. Leur appel au dialogue longtemps ignoré ne leur donne plus aucun crédit de s’asseoir à nouveau sur la table de négociation avec le pouvoir. Le parti politique qui s’y hasarderait risque de perdre tout soutien de la base tant son acte apparaitrait comme une trahison. Face à cette situation, plus le chrono tourne, plus les lendemains s’assombrissent et les positions se durcissent.

D’autre part, les digues ethniques par
lesquelles le pouvoir semblait tenir les Guinéens sont en train de sauter et
plus aucun obstacle ne semble empêcher les populations de manifester leur
opposition à un troisième mandat générateur des conflits actuels. Seulement,
acculé, apparemment dépassé par la réalité, le pouvoir ne veut rien cédé,
encore moins la société civile et les partis d’opposition unis dans un élan de
refus et de revendication.

Les effets sont visibles et malheureusement
guère étonnants : armer les forces de sécurité pour réprimer des
manifestants désarmés est la seule solution que semble trouver le système en
place. En face, retranchés et acculés, ces derniers répondent en se servant de
tout ce qui leur tombe entre les mains.

En outre, les répressions ne se limitent pas
aux lieux de manifestations : les paisibles citoyens sont violentés dans
leur domicile, victimes de brimades, de jets de bombes lacrymogènes et de tirs
à balles réelles. Les meurtres, si ce n’est les assassinats, se multiplient de
jour en jour. On en dénombre neuf (9) morts et d’innombrables blessés. Et la
violence semble monter crescendo à chaque manifestation, veille ou lendemain de
celle-ci. Dès lors, plus aucun citoyen ne se sent en sécurité ni chez lui, ni
travail, au marché ou ailleurs.

Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Nul n’a besoin de dire que la situation actuelle de la Guinée fait planer le spectre de la guerre civile et, dans une moindre mesure, du retour à un pouvoir qui ne serait pas issu de la volonté populaire.

Aujourd’hui, plus qu’hier, tout guinéen se
pose la question de savoir si sa vie vaut moins que celle d’un autre être
humain. Il se demande s’il compte encore parmi le petit chainon qui constitue
la longue chaine de l’humanité. Il se questionne sur le devenir de son pays et
de l’importance de celui-ci face au destin des autres nations.

Les Guinéens se sentent abandonnés et livrés à un pouvoir qui ne montre aucun état d’âme quant à sa capacité répressive. Un pouvoir impuissant de dialoguer et qui se radicalise au seul motif d’ambition personnelle d’un homme élu par son peuple pour le protéger et non pour le punir, le réprimer ou le faire tuer.

Ce bref rappel de la situation guinéenne et
du sentiment que semble éprouver chaque Guinéen pose un certain nombre de questions.
Cette lettre ouverte qui en est l’objet les décline en quelques points.

 La communauté
internationale :

– Serait-elle si indifférente au sort du
peuple de Guinée pour qu’elle soit aussi inaudible depuis tant de jours de
violences en cours en Guinée ?

-Se serait-elle lassée des efforts antérieurs
qu’elle a fournis, même à minima, face à la situation guinéenne qui
perdure ? 

 -Méconnaitrait-elle
les risques de reproduction sur la Guinée du passé récent de pays limitrophes :
Sierra-Leone, Liberia, Côte-d’Ivoire et, dans une moindre mesure, la
Guinée-Bissau ?

-Serait-elle incapable de paroles franches et
fermes face à un chef d’Etat qui, non seulement viole la charte des
organisations régionale et/ou continentale en matière de durée de mandat et qui
laisse (ou fait) tuer ses concitoyens ?

-Des intérêts partisans sacrifieraient-elles
la vie et la sécurité des populations guinéennes ? Autrement dit, les
richesses minières, halieutiques, forestières et autres du pays valent-elles
mieux que la vie d’un Guinéen ? 

-Ignorerait-elle l’effet domino du
non-respect de la durée du mandat présidentiel (un quinquennat renouvelable une
seule fois) sur la sous-région ouest-africaine ?

-Enfin, serait-elle indifférente aux risques
qu’en court la Guinée face à la menace qui pèse sur la sécurité et la vie des
leaders politiques et du FNDC ?

J’appelle par ces mots à mettre fin aux maux
du peuple de Guinée rongé depuis des décennies par de multiples souffrances.

Il est dur de se sentir seul. Les Guinéens ont de plus en plus le sentiment d’être seuls. Alors, je dis, ne nous laissez pas seuls. Ne nous abandonnez pas au bord du gouffre. La vie de tout peuple, le devenir de toute nation vaut la peine d’être défendue.

Je terminerais en paraphrasant Sir Wilson Churchill : « Donnez aux Guinéens les instruments de la démocratie véritable, ils termineront la tâche ». Je vous remercie.

M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




Halte aux machinations, M. Le Président [Par Pr. Lansiné Kaba]


M. Le Président, vous venez de rentrer
de votre voyage en Russie. Bonne arrivée. Vous retournez dans un pays,
en émoi, vous le savez. Par conséquent, vous n’ignorez pas que ce séjour
en Russie, quoi que vos conseillers disent, n’était pas plus nécessaire
que votre séjour de septembre au Texas. Il était inutile. Ce sont des
déplacements coûteux et infructueux pour l’État et la nation. De plus,
le pays traverse une phase extraordinaire de son histoire depuis 1958.

Le « Navire national » guinéen chavire
depuis un bon moment. Vous le savez, vos thuriféraires, affabulateurs et
cupides, ne peuvent pas le cacher. Ce drame national se transforme
chaque jour en une tragédie déplorable et catastrophique. Le
« Commandant » qui oriente et dirige un bateau ne l’abandonne pas pour
répondre à l’invitation d’un autre capitaine, lui aussi, acharné à
rehausser le prestige de son « Paquebot »! La bonne gouvernance
requiert  de l’adresse et de la sagacité dans l’exercice des
responsabilités. Votre régime manque bien de ces qualités, M. le
Président, il faut se l’avouer.

Nul n’ignore que les services publics
fonctionnent mal depuis des années . Tout va à la dérive au pays. Aussi,
votre désir d’un troisième mandat est-il impossible. Pourquoi vous
est-il difficile de respecter la loi? Votre intention de briguer un
autre mandat se défend mal. L’intention crée l’épouvante. Le pays mérite
bien mieux sous un commandement, considéré au départ éclairé et sage.
Le projet correspond à la recherche et à l’imposition future d’une
dictature! Ce projet répand la terreur de Kaloum aux fonds fins de la
Forêt. Pour de bonnes raisons, tout le monde a raison de s’effrayer.

Car, M. le Président, votre régime, celui du RPG, sème la souffrance morale et physique. Les signes, visibles un peu partout, ne trompent pas. Le fonctionnement de l’administration déraille, depuis de longues années.

Les populations de la capitale sont sorties en grand nombre en octobre; elles ont courageusement manifesté leur mécontentement face aux répressions des forces de l’ordre. Bien sûr, elles sont ainsi sorties par pure conviction patriotique, scandant, si les bombes lacrymogènes ne heurtaient pas, la libération immédiate de Doura Sanoh et de ses compaganons que votre système a fait arrêter arbitrairement.

M. le Président, vous savez que Cellou Dalein Diallo,Sidya Touré, Ousmane Kaba et bien des autres de l’opposition, qui sont porteurs d’espoir pour des lendemains meilleurs, n’ont pas dépensé des milliards de FG pour faire sortir des milliers de protestataires en octobre. Votre gouvernement peut s’attendre à voir une foule encore plus formidable. Ces citoyennes et citoyens de diverses origines exigent la libération inconditionnelle des prisonniers mis dans vos geôles sans raison. Elles demandent aussi les corps des victimes des répressions policières de Conakry. Cette foule et les parents des victimes veulent récupérer et disposer, comme nos traditions le conseillent, des corps des victimes.

M. le Président, il y a de quoi rire que des camions partent de
Conakry dans les bastions du R.P.G pour démontrer à l’opinion
internationale votre popularité et la puissance de votre Parti! Nul ne
se trompe désormais; personne n’est dupe des machinations de votre
« machine ». Ce n’est autre chose que de faire sortir des milliards et
de renflouer les comptes de vos serviteurs, connus pour leur manque de
probité politique et morale.

Garde à vos forces de l’ordre! Si elles osent s’attaquer à cette foule de protestataires pacifiques, il y aura un tollé immense et dans le pays et au-delà dans la région. Votre projet de troisième mandat recevra et méritera alors encore plus d’opprobre.

Et, la Communauté internationale, dans son ensemble, saura comment votre régime est brutal, anti-démocratique, corrompu et inefficace dans la gouvernance judicieuse des ressources humaines et matérielles. La condamnation à l’échelle globale donnera raison aux opposants, nous tous qui rejetons vigoureusement votre projet de constitution et de troisième mandat.

Pr. Lansinè Kaba

Ledjely




Crise guinéenne ou la guerre des suppositions : Du mensonge à la violence [Par A. Akoumba Diallo]


A. Akoumba Diallo

Le harcèlement suivi de l’assassinat d’une dizaine de guinéens, de multiples «kidnappings» et d’une série de condamnations à des peines privatives, contre des «héros» du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), opposés à un éventuel 3ème  mandat présidentiel pour M. Alpha Condé, ont redonné toute la vitalité aux arguments de Oskar Slingerland et Maarten Van Mourik co-auteurs de «La crise incomprise » dans laquelle il a été admis que «quand le diagnostic est faux, les politiques sont néfastes».

D’abord et ici,
la lumineuse formule du 32ème président américain Franklin D. Roosevelt
consignée dans «Roosevelt» de la collection les constructeurs : «Le seul
rempart solide de la liberté est un gouvernement assez fort pour protéger les
intérêts du peuple, et un peuple assez fort et assez bien informé pour
maintenir son souverain contrôle sur son gouvernement».

Idéalement, tel
devait être «le contrat social» tant développé par la philosophe moderne si
chère au maître de conférences Thierry Ménissier, en le désignant comme étant
l’alliance politique de tous les citoyens par le moyen d’un accord explicite.
Qui rassemble les individus sous «une puissance publique souveraine». Et là, de
cœur avec J.J. Rousseau, le contrat est social parce «qu’il consacre le geste
politique de réunir les hommes». Par-là, il donne son sens à l’instrument de
leur rassemblement, l’État, qui, «sous peine de dérive despotique, doit
obligatoirement entretenir des liens avec la volonté des citoyens».

Cette série de manifestations de rue à l’appel du FNDC depuis le 14 octobre 2019 a tendance à prendre la forme «d’une désobéissance civile». Qui n’est autre que l’attitude de ceux qui désobéissent à la loi ou aux prescriptions gouvernementales, parce qu’ils suivent une cause qu’ils estiment supérieure à ces dernières: «La dignité de l’homme, la justice bafouée ou la libération de leur peuple». Véritables traits de leadership des hommes qui ont «rendez-vous avec la destinée» comme George Washington en 1776, Abraham Lincoln en 1861 et Franklin D. Roosevelt en 1933.

M. Abdourahamane
Sano et compagnie, ces héros de «la nouvelle donne» se sont crus détenteurs de
la citoyenneté guinéenne. Qui est participative de sorte que «le citoyen soit
quelqu’un qui gouverne», au sens du traité international de droit
constitutionnel (Suprématie de la constitution, Tomme 3 : 2012) « pour être
citoyen, il faut pouvoir gouverner ».

Étant donc
participative, la citoyenneté, de ces 10 morts, de Sano et Cie n’est-elle pas,
ainsi, essentiellement démocratique ? Aristote précise que cette définition,
selon laquelle le citoyen est titulaire de fonctions de gouvernement, concerne
surtout le citoyen en démocratie, mais ajoute-t-il que, en général, «il ne
faudrait pas appeler citoyens ceux qui ne prennent pas part au gouvernement ou
qui ne contribuent aux avantages communs».

Sans ambages, Platon fait dire à l’Hippias que pour le citoyen: «exercer la puissance politique dans son pays est ce qu’il y a de plus beau, tandis qu’il est souverainement  honteux de ne rien pouvoir dans un État».

La citoyenneté
dévolue aux héros du FNDC devrait être fondamentalement égalitaire: La justice
politique réside dans l’égalité. En effet, les citoyens sont comme des associés
et désirent être d’une nature similaire, mais s’ils ont un tempérament
différent. Dans ce contexte, Rousseau aurait-il raison de dire qu’«à l’égard
des associés, ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en
particulier citoyens, comme participant à l’autorité souveraine»?

Donc, la
citoyenneté n’est fondamentalement possible «qu’entre égaux en dignité juridique et en conditions sociales».
Toutefois, l’égalitarisme, selon Aristote, est intrinsèque à la nature de
l’institution politique qui gouverne le pays. «Dans la plupart des régimes où
gouvernent des citoyens, ceux-ci sont alternativement gouvernants et gouvernés,
car tous tendent par leur nature à une égalité sans aucune différence».

Sur ce point, la
philosophie kantienne ne s’écarte pas tellement de la perspective
Aristotélicienne. Kant distingue trois statuts fondamentaux du membre d’une
communauté politique («République») à savoir celui d’«être humain», celui de
«sujet», et celui de  «citoyen». Ces
trois statuts sont régis par trois principes différents : (a) la liberté pour
ce qui relève de la situation d’être humain ; (b) la soumission à une loi
commune, dans le cas du sujet; (c) l’égalité pour ce qui concerne la situation
de citoyen.

La situation devient grave, dans un pays où l’institution politique a opté pour l’ordre au détriment de la loi, alors que la liberté nous échoit donc en tant qu’hommes, l’obéissance en tant que sujets et l’égalité en tant que citoyens.

Dénis Diderot
dans «le citoyen» dit que le sujet est dirigé par un commandement, le citoyen
par la loi. Le premier est soumis au pouvoir et le second au droit. Et dans la
pensée de Platon celui qui légifère pour lui-même et son propre profit est
qualifié de «partisan», ce qui est pire qu’étranger : «ce ne sont pas des lois
bien faites, celles qui ne l’ont pas été dans l’intérêt de toute la cité, ne
l’ont-elles pas été qu’en faveur de quelques-uns, nous appelons ceux-ci
partisans et non pas citoyens, et le droit qu’on prétend leur attribuer, une
vaine prétention».

On sait que le tyran est celui qui légifère dans son propre intérêt, en vue de son profit personnel : «La tyrannie n’a jamais en vue le bien commun, si ce n’est pour son profit personnel». La différence entre le tyran et le roi réside dans leur conception respective de la supériorité. «Le tyran ambitionne la richesse, tandis que le roi préfère ce qui contribue à son honneur».

Ceci dit, Platon
sait plus que quiconque que le gouvernement ne doit pas concentrer trop de
pouvoirs. En effet, «moins les rois ont d’attributions souveraines, plus leur
pouvoir doit nécessairement durer longtemps dans l’intégrité». Ajoutant que la
tyrannie, c’est encore « avoir un pouvoir souverain dans trop de domaines et
avoir le pas sur la loi».

Même le républicain Machiavel voudrait que, celui qui gouverne ne puisse pas se considérer au-dessus des lois, échapper à tout contrôle, se soustraire au juge et au procès. Cette formule convaincante de Machiavel garde encore cette quintessence, « il n’est pas bon non plus que les citoyens qui ont l’État entre les mains n’aient personne qui les observe et qui les contraigne de s’abstenir d’œuvres mauvaises, en leur retirant cette autorité qu’ils utiliseraient à mauvais escient».

Selon Thomas
Paine «chaque homme est propriétaire du gouvernement» ajoutant que «le
gouvernement n’est pas une entreprise qu’un homme ou un groupe d’hommes aurait
le droit de créer et de gérer à son profit».

Machiavel fait
observer qu’une position de privilégié ne peut résulter que de la rupture de la
réciprocité et de la relation civique. «Si vous notiez la façon de procéder des
hommes, vous découvririez que tous ceux qui parviennent à des grandes richesses
et à un pouvoir, y sont parvenus soit par la fraude, soit par la force afin de
dissimuler la brutalité de leur acquisition, ils les justifient grâce à un
titre de propriété falsifié.»

Des guinéens,
dans les rangs du FNDC, ont appelé à des mouvements collectifs «non-violents»,
pour disent-ils résister contre la volonté gouvernementale «de changer la
constitution du 7 mai 2010, pour contourner la rigueur des éternités qu’elle
impose à la classe dirigeante». Une telle mission n’était pas aisée.

Parce que les
adeptes de l’Abbé Siyiès retiennent de lui que « (…), une nation est
indépendante de toute forme, et de quelque manière quelle veuille, il suffit
que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle, comme
devant la source et le maître suprême de tout droit positif».

Ainsi les héros du FNDC, dans l’expression de leur droit, à l’image de Gandhi et Martin Luther King (Ils en incarnent le modèle d’action : le premier en Inde par sa résistance civile au colonisateur britannique qui déboucha à l’indépendance nationale, le second aux États-Unis dans son combat pour la revendication des droits civiques des noirs) avaient cru à l’efficacité de cette pratique, fréquemment utilisée par les citoyens dans les sociétés démocratiques.

En décidant
d’une telle action, le FNDC a certainement intégré que le concept de
citoyenneté a une longue histoire, parfois tortueuse et obscure, mais très
intrigante. Les héros du FNDC n’ignoraient non plus, l’analyse de Hannah Arendt
portant sur la désobéissance civile américaine dans « du mensonge à la violence
». En tout cas, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation,
M.Bouréma Condé, a fait sien ce beau titre de cet essai, «qui est contemporain
du combat des intellectuels américains pour la reconnaissance des droits
civiques et la révolte des étudiants des années 60».

Certainement que
M.Bouréma Condé ignore encore que Aristote et Platon, malgré leurs divergences,
sont néanmoins d’accord qu’ «aucun homme ne peut, de par sa nature, régler en
maître absolu toutes les affaires humaines sans se gonfler de démesure et
d’injustice».

La condition
humaine, ne deviendrait-elle pas plus précaire quand des responsables de
l’institution politique fonctionnent suivant des suppositions sources de
conflits ? Alors que Don Miguel Ruiz conseille fortement dans la voie de la
liberté personnelle, «ne faites pas de suppositions ». Précisant que chaque
fois qu’on fait des suppositions, qu’on prête des intentions à autrui, on crée
des problèmes.


Akoumba Diallo

Journaliste

Analyste au cabinet Mineral Merit SARL

Ancien membre de l’ITIE-Guinée

akoumba2000@yahoo.fr





Chronique : Alpha Condé, un président au-dessus de tout soupçon [Par Tierno Monénembo]


Le mythe savamment monté de l’exception Alpha Condé n’aura duré que le temps d’un bluff, l’espace d’un cillement.


Pourtant, les plus lucides avaient déjà ouvert les yeux pour faire tomber le masque de celui que les officines parisiennes tiennent à faire passer pour « l’opposant historique, le premier président démocratiquement élu, le Mandela de son pays : la Guinée. Hélas, cela ne se pas passe comme ça aujourd’hui : les juments de course sortent des meilleurs haras et les grands leaders, des meilleures agences de communication. Le produit est fignolé, l’emballage impeccable. Mais le manant a vite fait de montrer ses zones d’ombre, ses lignes de faille et sa part cousue de fil blanc.

À l’aise dans une démocratie du troisième type

La baudruche « Mandela guinéen » se dégonfle le jour même de sa confection, je veux dire le jour même de son élection. Péniblement arrivé au second tour avec 18 % contre 44 à son adversaire, Alpha Condé sera déclaré vainqueur (53 %) au second, alors qu’entre-temps, cinq mois se seront écoulés et que le fichier électoral aura été ravagé par un feu venu de nulle part ! Ne rigolons pas : c’est cela, la démocratie du troisième type ! Vérité des urnes ou pas, l’essentiel est fait : il est investi président de la République de Guinée. Sous les doux cieux d’Afrique, point besoin de mérite pour accomplir ce genre de prouesse. Quelques amis bien placés suffisent largement. Et des amis riches et puissants, Alpha Condé en a à revendre : Bernard Kouchner, Michèle Alliot-Marie, Abdou Diouf, Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, François Soudan, Jacob Zuma, François Hollande, Eduardo Dos Santos, Vincent Bolloré, Tony Blair, etc. Des gens de bien, des gens comme il faut, surtout les gens qu’il faut : à eux seuls, ils pèsent plus lourd que la vérité des urnes.

Une réincarnation de ses prédécesseurs

Les plus pessimistes pensaient que notre président-professeur se dépêcherait de nous faire oublier sa désastreuse élection en s’occupant de guérir les Guinéens des méfaits de ses prédécesseurs. C’était mal le connaître. Au contraire, le tribalisme et la corruption, le pouvoir personnel et les violences policières ont repris de plus belle. À croire que Sékou Touré, Lansana Conté et Dadis Camara se sont ligués pour redoubler de férocité. Dix ans de mandat et rien de bien positif. L’économie ? À vau-l’eau. La démocratie et les droits de l’homme ? Le cadet de ses soucis. Son parti, le RPG, fonctionne sur le modèle du PDG de Sékou Touré, le parti-État type. C’est là que se prennent les grandes décisions. Il en est toujours le chef, en violation totale de la Constitution qui lui interdit d’occuper une charge autre que celle de chef de l’État. On puise davantage dans les caisses de l’État qu’au temps de Lansana Conté et la police a la gâchette aussi facile qu’au temps de Dadis Camara. Cent vingt manifestants tués à bout portant, neuf rien que la semaine dernière ! Et tenez-vous bien, les massacres du 28 Septembre n’ont toujours pas fait l’objet d’un procès au grand dam de l’ONU et des organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Un président comme les autres et même pire

Bref, les masques sont tombés, « l’opposant historique » est devenu un chef d’État africain comme un autre. Il fait ce qu’il veut, fût-ce au mépris de la morale et du droit. La date des élections législatives n’est toujours pas fixée alors que le mandat des députés a expiré depuis un an et demi. Les municipales, elles ont eu lieu depuis le 4 Février 2018, mais les conseils de quartier, les conseils municipaux de certaines villes et les conseils régionaux ne sont toujours pas formés. C’est vrai que le gouvernement a intérêt à lambiner sinon l’opposition emporterait 5 conseils régionaux sur 8 et à Conakry, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, à elle seule, occuperait 75 sièges de conseil de quartier sur 128. Et puis, de toute façon, « le Mandela de la Guinée » a un autre souci en tête : s’octroyer coûte que coûte un troisième mandat, quitte à marcher sur des monceaux de cadavres. Je vous le disais, (les slogans lénifiants des cabinets de communication n’y peuvent rien), Alpha Condé est un vrai chef d’État africain : le pouvoir, tout le pouvoir, le pouvoir par tous les moyens, le pouvoir pour le pouvoir, le pouvoir pour toujours.


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