« Alpha Condé peut encore sortir par la grande porte », affirme Kabine Komara

De retour du Forum de Rhodes en Grèce, l’ancien Premier ministre de Guinée, Kabine Komara, a rendu visite à L’Opinion pour évoquer la situation politique dans son pays. Il appelle au calme et met le pouvoir devant ses responsabilités à la suite des violences des derniers jours. L’opposition et la société civile manifestent contre le projet d’adoption d’une nouvelle constitution qu’elles perçoivent comme un moyen du président Alpha Condé de se représenter devant les électeurs en 2020 après son deuxième et dernier mandat (conformément à la Constitution actuelle).

Le 16 octobre, les Nations Unies, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), les délégations de l’Union européenne, des Etats-Unis, de France, de Belgique, d’Italie, d’Allemagne et du Royaume-Uni, ont fait part de leur préoccupation à la suite des violences enregistrées. « L’insuffisance de dialogue entre les différents acteurs politiques provoque une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques, expliquent-elles dans un communiqué conjoint. Nous appelons tous les acteurs à renouer le dialogue… Le droit de manifester est un élément essentiel de l’expression démocratique, au même titre que la liberté de la presse. Il appartient aux différents acteurs de faire preuve de calme et de retenue en bannissant tout recours à la violence ou un usage disproportionné de la force. Il importe que les libertés fondamentales soient respectées et que le gouvernement guinéen veille à garantir le respect de l’Etat de droit.»

lopinion.fr




Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée (Par Bah Oury)

Dans un mémo relatif à son entretien avec le premier ministre Kassory Fofana, publié sur son site Internet, Bah Oury, ancien ministre, Président de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), souligne que « le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays »

Extrait

« [  ] Une nouvelle constitution : des risques et des menaces pour la stabilité de la Guinée

Une nouvelle constitution c’est-à-dire une « autre République » qui aurait pour conséquence de contourner ou rendre caduc les « intangibilités » n’est pas envisageable, car, contraire aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Persister dans la voie pour « une nouvelle constitution » reviendrait à l’abolition de l’actuelle République pour une autre. Ce serait anticonstitutionnel. Cette possibilité ouvrirait des risques sérieux pour la paix civile et détériorerait immanquablement la stabilité et la cohésion nationales. Les répercussions de ce choix bouleverseraient nos relations avec nos voisins de l’espace CEDEAO, et entraveraient durablement nos relations de coopérations avec nos partenaires stratégiques comme l’Union Européenne y compris la France d’une part et les Etats-Unis d’Amérique d’autre part.

La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ratifiée par notre pays en son article 23 stipule : « Les Etats parties conviennent que l’utilisation entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriés de la part de l’Union Africaine : les putsch, les interventions de mercenaires et les interventions de groupes dissidents ou rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ainsi que tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ».

Il en est de même pour « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». Dans ce cas de figure le Conseil de Paix et de Sécurité peut prendre la décision de suspendre les droits de participation de l’Etat partie concerné aux activités de l’Union Africaine en vertu des articles 30 de l’acte constitutif et 7 (g) du protocole. Le Conseil de Paix et de Sécurité a même prévu des sanctions individuelles pour les promoteurs des faits relatés dans l’article 23.

Monsieur le Premier Ministre

Comme vous le savez sans doute, le projet de changement constitutionnel dans les circonstances actuelles s’avère périlleux pour la stabilité institutionnelle de notre pays. Coincée entre des pays convalescents suite aux guerres civiles qui les ont déchirés comme la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra-Léone et adossée à l’Est sur des pays épicentres du terrorisme au Sahel et à des tueries intercommunautaires, la Guinée est un verrou pour conforter une paix relative dans la sous-région.

Il est par conséquent primordial de veiller à surseoir à toute initiative qui pourrait mettre en danger notre pays. Les périls sont grands [  ]».

Lire l’intégralité du mémo




Villes minières : question de survie après la fermeture de mines


En Afrique, lorsqu’une mine ferme, elle laisse souvent derrière elle désarroi, pauvreté, chômage et d’importants problèmes sociaux.


Tel est le constat de chercheurs de plusieurs pays lors d’une récente rencontre à Fria (Guinée) sur l’avenir des villes minières après la fermeture des mines.

Selon les participants, les problèmes soulevés par ces fermetures révèlent les limites du modèle minier en vigueur dans plusieurs pays.

La chercheure Bonnie Campbell. Crédit photo: SciDev.Net

La chercheure Bonnie Campbell, spécialiste des industries extractives et directrice sortante du Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société à l’Université du Québec à Montréal, analyse la situation.

Quel est aujourd’hui l’enjeu des fermetures de mines en Afrique?

Tout d’abord les fermetures des mines sont inévitables et elles deviendront de plus en plus fréquentes. De plus, si l’on écoute les témoignages provenant que ce soit de Guinée ou d’Afrique du Sud à titre d’exemples, on apprend que lorsque les opérations cessent, le plus souvent le gouvernement dit ne rien pouvoir faire et la population a l’impression d’être prise en otage.

Concrètement, quels sont les problèmes qui se posent?

Pour expliquer ce phénomène il faut tenir compte du modèle minier qui a été introduit et institutionnalisé en Afrique à travers les réformes successives des réglementations minières au cours des 30 dernières années et qui ont donné lieu à ce qui pourrait s’appeler le “tout minier”. On a misé presque exclusivement sur l’activité minière. Ce qui s’est longtemps traduit par de généreuses mesures d’incitation et dérogations parce que l’idée de base consistait à voir dans l’activité minière un moteur de développement et de réduction de la pauvreté.

Il est aussi aisé de constater que ces réformes et politiques sont mises en place en tenant compte avant tout des besoins des compagnies minières sans forcément intégrer le développement national ou local à long terme. Pendant longtemps, il y avait aussi très peu de considération pour les impacts environnementaux et sociaux des activités minières. Ce modèle voyait dans l’industrie minière le propriétaire et l’opérateur des activités. Ce qui a entraîné un retrait et parfois une absence sélective des États de la gestion du secteur, laissant la place à l’investissement privé. Ceci a eu pour conséquence un certain transfert des fonctions publiques (services, routes, sécurité, etc.) vers les acteurs privés.

Du coup lorsque les mines ferment, l’absence de l’État se fait sentir durement. Souvent, les populations perdent l’accès à l’eau, à l’électricité et aux services sociaux parce que tout cela était fourni par la mine. De plus, elles subissent souvent les impacts environnementaux non maîtrisés pendant la vie de la mine. Les fermetures de mines sont en quelque sorte révélatrices des limites du modèle minier en place. Et ce n’est pas l’apanage de l’Afrique.

Quelles solutions sont-elles envisageables face à ce problème?

Depuis plus d’une dizaine d’années en Afrique, chercheurs et décideurs travaillent ensemble et notamment à la Commission économique pour l’Afrique, pour contribuer au renouvellement de la réflexion sur les politiques et stratégies dans le domaine minier. Ainsi, notons l’adoption en 2009 par l’Union africaine de la Vision minière africaine qui est un appel à la transformation majeure du rôle et de la place du secteur dans le développement en Afrique. Une de ses idées-clés est que les activités d’exploitation minière devraient contribuer à un processus entretenu de transformation structurelle des sociétés en créant des liens intersectoriels en amont et en aval, afin de réduire la dépendance des communautés vis-à-vis d’un seul secteur. Si l’activité minière ne suscite pas ce type de résultat, il est recommandé de laisser le minerai dans la terre jusqu’au moment où de telles conditions seront réunies.

Bref, il s’agit d’abandonner l’ancien modèle minier mono-sectoriel, extraverti et colonial, en faveur d’un nouveau qui prend en compte les activités de développement de façon plus générale. Un tel renouvellement implique de mettre au premier plan les pouvoirs publics pour impulser les changements nécessaires et pour qu’ils soient des acteurs de la livraison des services; question d’être certain qu’en cas de fermeture des mines, les populations ne seront pas privées des services essentiels.

Quelle est la place de la recherche dans cette dynamique?

Entre autres, la recherche peut analyser des perspectives comparatives et permettre aux pays d’apprendre des autres cas de fermeture afin de prévoir et amortir les impacts négatifs qui accompagneraient le phénomène là où il ne s’est pas encore produit et surtout de tirer exemple des meilleures pratiques mises en place ailleurs. Nous pouvons aussi aider à la création de bases de données pour comprendre ce qui se passe sur le terrain.

Cet article a été publié pour la première fois le 04/01/18 sur le site scidev.net