Guinée/ Mali: L’UE appelle au respect de feuilles de route claires débouchant sur des élections

Politique

Communiqué de presse

L’Union européenne salue le rôle de premier plan joué par la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) lors de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement consacrée à la situation politique en République de Guinée et en République du Mali, qui s’est tenue à Accra le 16 septembre dernier.

Dans ce cadre, l’Union européenne accueille favorablement la décision de la CEDEAO d’initier le processus de réexamen du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001, afin de renforcer la démocratie, la paix et la stabilité dans la région.

L’UE exprime sa profonde préoccupation au vu des situations politiques actuelles en Guinée et au Mali, réaffirme sa ferme condamnation des coups d’Etat, et exhorte l’ensemble des acteurs des deux pays à agir dans le respect de l’Etat de droit, de l’intérêt de la paix et pour le bien-être de leurs populations.

Dans cet esprit, l’UE réaffirme la nécessité que les acteurs politiques concernés garantissent des transitions inclusives et apaisées, notamment par le biais de réformes attendues par les populations. Le respect de feuilles de route claires débouchant le plus rapidement possible sur des élections libres, transparentes et équitables est à ce titre indispensable. L’UE est prête à envisager des mesures ciblées à l’encontre des dirigeants, politiques et militaires, faisant obstruction aux processus de transition.

L’Union Européenne se joint par ailleurs à la CEDEAO pour dénoncer fermement toute velléité des autorités maliennes de transition de recourir à la société paramilitaire Wagner au Mali, ce qui aurait des conséquences sur la relation entre l’Union européenne et le gouvernement de transition malien.

L’UE demeure disposée à accompagner les processus de transition en Guinée et au Mali, en étroite collaboration avec la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations Unies et ses autres partenaires.


Cet article est republié à partir de europa.eu. Lire l’original ICI





Mamady Doumbouya prête serment comme président de transition


Politique


Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre a été investi vendredi 1er octobre dans un contexte encore flou. 

Ce vendredi 1er octobre a été déclaré férié. Demain la Guinée va célébrer le soixante-troizième anniversaire de la déclaration d’indépendance vis-à-vis de la France. C’est la veille de cette date symbolique pour l’histoire du pays qu’a choisie le chef de la junte, le colonel Mamady Doumbouya, pour prêter serment comme président, au palais Mohammed-V de Conakry pour une période de transition à la durée et au contenu toujours inconnus.

Ce qu’il a promis

Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d’apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a juré, devant la Cour suprême et un parterre de personnalités guinéennes et de diplomates étrangers ainsi que sa mère et son épouse, « de préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ». 

Le colonel Doumbouya s’est de nouveau engagé au respect par la Guinée, pays pauvre mais aux considérables ressources minières, de tous ses « engagements nationaux et internationaux ». Il a par ailleurs assuré que, comme prévu par la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi, ni lui ni aucun membre de la junte ou des organes de transition ne serait candidat aux futures élections.

Avant de lui faire prêter serment, le président de la Cour suprême Mamadou Sylla a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ». Il l’a appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ».

Après deux coups de force au Mali voisin, le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, réalisé en quelques heures au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine à une vingtaine de morts.

Vers la restauration d’un pouvoir civil élu ?

Ce coup d’État s’inscrit dans l’histoire tourmentée de ce pays éprouvé, dirigé pendant des décennies depuis l’indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Largement condamné par la communauté internationale qui réclame la libération d’Alpha Condé, 83 ans, il a en revanche été salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression du régime déchu.

Dans l’assistance figuraient les ambassadeurs de Chine et de Russie et de pays africains, ainsi que le président de l’organe législatif de transition au Mali, le colonel Malick Diaw. Plusieurs pays occidentaux avaient limité leur présence à des diplomates de rang moindre. Le colonel Doumbouya a assigné pour mission à cette transition une « refondation de l’État », la rédaction d’une nouvelle Constitution, la lutte contre la corruption, la réforme du système électoral, l’organisation d’élections « libres, crédibles et transparentes » et la « réconciliation nationale ».

La junte a dit qu’elle rendrait le pouvoir aux civils après des élections à la fin d’une période de transition. Mais elle n’a jamais précisé la durée de cette transition, qui doit encore être fixée d’un « commun accord » entre les militaires et les forces vives du pays, ni précisé ses plans.

La junte s’affirme face aux exigences de la communauté internationale

Le colonel Doumbouya, colosse aux manières posées, toujours protégé de près par ses hommes et apparaissant toujours en public en treillis et coiffé de son béret, semble résolu à se laisser du temps, malgré les pressions internationales, conviennent les analystes.

La Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), inquiète de l’instabilité et d’un effet de contagion dans une région où un certain nombre d’États sont malmenés, a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.

Depuis son avènement, celui que les communiqués officiels désignaient déjà comme président de la République avant même son investiture, a multiplié les propos rassurants envers les investisseurs et des partenaires étrangers. Il a garanti le respect des contrats miniers et fait rouvrir toutes les frontières aériennes et terrestres.

La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’État et chef suprême des armées », qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances ». Le président Doumbouya nommera par décret un Premier ministre de transition, qu’il pourra révoquer.


Cet article est republié à partir de lepoint.fr. Lire l’original ICI





L’ONU demande que la lutte contre l’impunité soit au cœur de la transition politique en Guinée


Politique/Transition


La Représentante spéciale des Nations Unies sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, a demandé mardi que la justice et la lutte contre l’impunité pour les événements du 28 septembre 2009 en Guinée soient au cœur de la transition politique.

Aujourd’hui marque le 12ème anniversaire du massacre brutal commis à Conakry, la capitale de la Guinée, au cours duquel au moins 156 personnes ont été tuées ou sont portées disparues et au moins 109 femmes et jeunes filles ont été victimes de violences sexuelles, comme l’a documenté une Commission d’enquête internationale mandatée par le Secrétaire général de Nations Unies.

A cette occasion, Mme Patten voudrait rappeler l’engagement formulé par le Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD) dans sa première déclaration, suite au coup d’état militaire du 5 septembre 2021, de faire de la justice la boussole qui guidera chaque citoyen guinéen.

« Avec la conclusion des consultations nationales visant à déterminer les priorités de la transition et l’annonce, hier, de l’adoption d’une Charte de la transition, j’exhorte le CNRD à respecter ses engagements en faveur d’une justice impartiale et indépendante, y compris en ce qui concerne les événements du 28 septembre 2009 », a déclaré Pramila Patten dans un communiqué de presse.

Depuis sa création en 2009, le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée des violences sexuelles en période de conflit a activement plaidé pour que la responsabilité des auteurs soit établie pour ces crimes. En novembre 2011, le Bureau a signé un Communiqué conjoint avec le gouvernement de Guinée portant sur la lutte contre l’impunité pour les violences sexuelles.

Appui d’une équipe d’experts des Nations Unies

Depuis 2012, l’Equipe d’experts des Nations Unies sur l’Etat de droit et les violences sexuelles fournit un appui technique aux autorités nationales pour faire avancer la justice. Ceci a permis entre autres d’aboutir à la mise en accusation de hauts responsables de l’armée, dont l’ancien Président Moussa Dadis Camara, et la création, en avril 2018, d’un Comité de pilotage pour superviser les préparatifs des procès.

Cependant, malgré certains progrès, la Représentante spéciale regrette profondément que, douze ans après ces atrocités, les procès n’aient pas encore commencé. « Les besoins des victimes de violences sexuelles et d’autres crimes graves restent insatisfaits. Les survivantes continuent de demander justice et réparation, et souffrent de traumatismes physiques et psychologiques, aggravés par la stigmatisation et le rejet de leurs propres familles et communautés », a-t-elle déclaré.

Selon Mme Patten, la transition politique en cours offre une occasion unique de placer la justice et l’Etat de droit au centre du nouveau chapitre de l’histoire de la Guinée.

« J’appelle tous les acteurs concernés à placer la lutte contre l’impunité pour les événements du 28 septembre 2009 au coeur de la transition afin de garantir que les procès puissent se tenir dans les meilleurs délais, que les auteurs soient tenus responsables et que les victimes reçoivent justice, soutien et réparations. Ce n’est qu’en assurant la justice et la lutte contre l’impunité que l’Etat de droit, l’unité et la cohésion sociale seront renforcés et contribueront à garantir que les horreurs des événements du 28 septembre 2009 ne se reproduisent plus jamais », a dit la Représentante spéciale.

« Mon bureau et les Nations Unies expriment leur solidarité envers les victimes des événements du 28 septembre 2009 et réitérons notre engagement à soutenir les efforts en faveur de la justice et la lutte contre l’impunité », a-t-elle conclu.


Cet article est republié à partir de news.un.org. Lire l’original ICI





Charte de la Transition: ces dispositions (art. 46 et 55) ne sont susceptibles d’aucune révision

Dévoilée ce lundi 27 septembre 2021, la Charte de la transition est désormais le cadre juridique qui détermine la période de la transition en Guinée.

Ce qu’il faut retenir

Missions de la transition

Article 2 

  • La sauvegarde de l’intégrité du territoire national et la sécurité des personnes et de leurs biens ;
  • La refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique inclusif, apaisé et durable, gage d’un développement social, économique et culturel effectif ;
  • L’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif ;
  • Le renforcement de la cohésion nationale et la poursuite du processus de réconciliation nationale ;
  • Le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ;
  • La promotion et la protection des Droits de l’Homme et des libertés publiques ;
  • L’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable ;
  • L’élaboration d’une nouvelle Constitution et son adoption par référendum ;
  • L’organisation des élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes.


Président et membres du CNRD

Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 46 de la Charte de la transition


Les organes de la Transition

Article 36

  • Le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ;
  • Le Président de la Transition ;
  • Le Gouvernement de la Transition ;
  • Le Conseil National de la Transition.

Premier Ministre et membres du Gouvernement

Le Premier Ministre et les membres du Gouvernement ne peuvent faire acte de candidature aux élections locales et nationales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 55 de la Charte de la Transition


Durée de la Transition

La durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement.

Article 77 de la Charte de la Transition


Membres du gouvernement et des institutions dissoutes

Les membres du gouvernement et ceux des institutions dissoutes à la date du 05 septembre 2021 ne peuvent être désignés au Conseil National de la Transition.

Article 60 (dernier paragraphe)


L’intégralité de la Charte de la Transition, à télécharger ICI

Sékou Chérif Diallo




Edito: comment profiter de l’expertise de certains leaders politiques ?

Conduite de la transition

Les transitions politiques échouent parce qu’il y a une focalisation parfois naïve sur des schémas calqués et dont l’efficacité a déjà montré ses limites. « Gouvernement d’union nationale » « gouvernement de consensus » … tout tourne autour de : comment mettre en place un gouvernement de transition ? Certes, il faut bien sûr un gouvernement pour assurer la continuité de l’Etat. Mais, il faut surtout des hommes et femmes pour produire de la matière à agir permettant aux futurs ministres de travailler sur la base de recommandations précises. Pour ce faire, les leaders politiques peuvent aider. Non sur des questions strictement politiques, mais ils peuvent apporter leur expertise dans les domaines de la gestion de l’état en général. A cet effet, nous suggérons la mise en place de commissions spécifiques qui travailleront sur des questions spécifiques adaptées en période de transition politique.

Une commission dépenses et recettes de l’administration publique

Pour réussir une transition, il faudrait maitriser la gestion de l’argent public. Cette commission aura pour mission d’aider à la prise de décision concernant les dépenses essentielles en période de transition et proposer des solutions adaptées pour la mobilisation et la sécurisation des recettes publiques. Cette commission travaillera directement avec le ministre de l’économie et toutes les régies financières. Sidya Touré, leader de l’UFR pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois. Il sera accompagné dans cette mission par une équipe de dix experts nationaux. Son parti politique est assez bien structuré et regorge de compétences capables d’assurer la continuité des activités strictement politiques du parti durant cette période.

Une commission audits et anti-corruption

Pour plus d’efficacité, les acteurs de la transition doivent procéder à l’audit du régime déchu. Cette commission d’experts aura pour mission d’aider à enquêter sur les affaires de malversations financières des onze dernières années. Elle aura six mois pour présenter un rapport et permettre à la justice d’engager les procédures. Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG pourrait efficacement diriger cette commission. Comme l’UFR, l’UFDG peut être piloté sur le plan politique par d’autres cadres du parti durant cette période.

Une commission mines et partenaires techniques et financiers

L’assurance des acteurs miniers est essentielle pour permettre aux autorités de la transition de mener à bien leur mission. Cette commission, en plus de maintenir la confiance entre les acteurs du secteur et les nouvelles autorités, elle aura pour mission de procéder au toilettage du secteur. Depuis l’arrivée de Alpha Condé au pouvoir, ce secteur des mines a été au cœur des plus grands scandales financiers. La commission travaillera avec la commission audit pour établir une cartographie réelle des exploitations minières existantes et des permis miniers en circulation. Elle aura aussi pour mission d’aider à rassurer les partenaires techniques et financiers sur la nécessité d’accompagner le pays durant cette période de transition. Cette commission travaillera avec tous les ministres concernés. Lansana Kouyaté, président du PEDN pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois.

Une commission fichier électoral

Sa mission sera d’aider à l’élaboration d’un fichier électoral. Pour ce faire, la commission aura une branche technique et dirigera toutes les opérations. En utilisant les ressources du ministère de l’administration du territoire (qui sera chargé de l’organisation des prochaines élections), la commission remplacera la CENI (qui devrait disparaitre) en ce qui concerne l’élaboration du fichier électoral. L’ancien ministre et journaliste Justin Morel Junior pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée d’experts électoraux essentiellement.

Une commission poursuites judiciaires et proposition de reformes

Sa mission sera de faire l’état des lieux du secteur. Toutefois, vu le temps d’une transition, les grandes réformes de la justice viendront après la transition. Cette commission sera chargée essentiellement de faire des propositions notamment sur le choix du personnel judiciaire (procureurs, juges …). Ces procureurs, juges et auxiliaires de justice identifiés et nommés se chargeront de l’organisation des premiers procès notamment sur les dossiers économiques (détournements de deniers publics, corruption …). Quant aux dossiers criminels, les autorités post transition se chargeront des poursuites et de l’organisations des procès. Cette commission aura aussi comme mission, l’élaboration d’un document de propositions de réformes du secteur de la justice. L’avocat Maître Mohamed Traoré pourrait efficacement diriger cette commission.

Une commission constitution et referendum

C’est une commission centrale du dispositif de la transition. Sa mission sera d’aider à la rédaction d’une nouvelle constitution et sa soumission au referendum. Bah Oury, président de l’UDRG pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée essentiellement de juristes constitutionnalistes.

Une transition est limitée dans le temps. Il revient aux acteurs de définir un chronogramme réaliste en tenant compte de la gigantesque mission qui consiste tout d’abord à « fabriquer » un instrument juridique (Constitution) essentiel pour une nation. Deux ans suffiront pour mettre en place les bases indispensables pour sortir de cette série de crises multidimensionnelles. Il est important que la gestion de cette transition soit inclusive car l’exclusion alimente les suspicions et crée des tensions. En sollicitant les services des leaders politiques et autres personnes ressources, pour aider à gérer la transition, cela engendrera une dynamique collective qui brisera toutes les barrières fabriquées pour diviser les guinéens. Pour une fois, faisons les choses correctement.

Sékou Chérif Diallo




Chute de Alpha Condé : quelques titres de la presse internationale

Politique

Analitica


SBS NEWS


VOA STUDIO 7

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@Studio7VOA


LA CROIX

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En Guinée, Alpha Condé « seul responsable de sa chute »


France 24


Elcooperante


Courrier international


France 24


Seneplus

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Alpha Condé ou de Mandela à Mugabé


The east african

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Guinea putchists release first batch of ‘political detainees’


Le journal de l’Afrique


Arab News

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West African bloc holds crisis meeting after Guinea coup


The Africa Report

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Guinea Coup – the Fall of Alpha Condé


Revue de presse de Sékou Chérif Diallo




Edito : Après la chute du dictateur, le scénario de la suite

Politique

Se préparer à vivre une période de confusion, de suspicions et de dérapages avant de retrouver le bon chemin.

Les coups d’état ont un cheminement presque identique. 

Acte 1: les nouveaux maîtres cherchent l’adhésion populaire (facile à obtenir dans un contexte de ras-le-bol général).

Acte 2: il faut trouver les ressources humaines pour assurer la continuité de l’état. Les premiers couacs commencent à ce niveau. Les populations ont des préférences, des profils, voire des noms de cadres qui ont su garder une certaine crédibilité dans un environnement de “tous pourris”, mais elles ont surtout des noms à bannir, des cadres (fonctionnaires et autres courtisans de palais) à effacer du répertoire politique national. Le plus souvent, les nouveaux maîtres ont aussi des accointances avec certains de ces indésirables car les talents particuliers de ces derniers sont le plus souvent utiles pour une junte qui ambitionnerait de se “sucrer” avant de partir tout en assurant ses arrières par une transmission négociée du pouvoir. Le choix des collaborateurs sera le premier indicateur qui définira l’évolution du capital confiance. 

Acte 3: mobiliser les ressources financières. Ils le savent, les audits pour récupérer l’argent « détourné » prennent du temps, les investisseurs attendent d’avoir une certaine lisibilité, les partenaires financiers demandent des garanties…, le tout dans un contexte où l’état avait déjà du mal à mobiliser des ressources internes. La solution classique avec son lot d’opacité consiste à se tourner vers des potentiels parrains financiers nationaux ou étrangers ou les deux à la fois. En contrepartie, la main qui donne est celle qui dicte les choix politiques. Le plus souvent, ces choix politiques trahissent les objectifs de départ.

Acte 4: l’impossible collaboration avec l’opposition politique. Je pouvais dire “difficile collaboration”. Mais non, elle sera “impossible”. Même si, dans un premier temps, chaque camp jouera le jeu habituel du consensus de façade mais très vite, ils reviendront à leur nature “moi et personne d’autre”.

En prenant acte de la nouvelle situation, la classe politique compte jouer un rôle de premier plan dans cette nouvelle configuration. Elle part du principe qu’une transition est limitée dans le temps, et à terme, les nouveaux maîtres doivent quitter pour laisser les compétiteurs politiques “agréés” sur le ring avec un arbitrage impartial. Mais l’histoire politique guinéenne nous enseigne que rien ne se passe comme prévu. La durée de la transition (les premiers signes du divorce), les acteurs, les instruments, le chronogramme, les priorités, les manœuvres politiques … tous ces éléments contribuent à alimenter les suspicions et conduisent le plus souvent vers une impasse. Surtout si les nouveaux maîtres possèdent un agenda de transmission du pouvoir en torpillant les règles du jeu démocratique. C’est du déjà vu et du déjà vécu.

Acte 5: la conjoncture économique s’invite dans les ménages. Pour un spécialiste, les effets du changement se sentiront au bout de plusieurs mois voire des années. Pour le citoyen lambda, la chute du régime Condé doit se traduire par l’amélioration des conditions de vie des populations. La transition n’est pas une période de développement, c’est l’analyse de l’intellectuel. Le peuple qui est sorti le 6 septembre est le même peuple qui sortira pour exprimer de nouveau son ras le bol. L’attitude des nouvelles autorités face à une telle éventualité définira la trajectoire de cette nouvelle aventure aux innombrables incertitudes.

Acte 6: retour à la case départ ou le début d’une véritable rupture.

Et la justice ? Quand ? Avec quels acteurs (les nouveaux maîtres ou ceux post transition) ? Quels dossiers ? Quel ordre de priorité ?

Certes, des exceptions existent et j’espère me tromper. Cependant, il est évident qu’ils (les nouveaux maîtres) ne feront pas pire que le régime Alpha Condé car le record de ce dernier en termes d’exactions, de violences, de corruption, de médiocrité est difficilement atteignable.

Mais vu l’ampleur des dégâts incommensurables dans la société guinéenne, il nous reste encore des périodes de tâtonnements et d’errements politiques avant de retrouver le bon chemin, en d’autres termes, soigner une société profondément malade dans l’espoir de «fabriquer» le guinéen nouveau. Désolé de gâcher la fête au lendemain de la chute du dernier dictateur des rivières du sud mais gardons toujours notre lucidité tout en restant optimiste.

Sékou Chérif Diallo




Alpha Condé: la chute d’un dictateur


Politique


Plusieurs soldats mutins des forces spéciales guinéennes ont annoncé, dimanche, en Guinée, à la télévision nationale, la dissolution de la Constitution et du gouvernement dans ce qui s’apparente à un putsch. Mais le ministère de la Défense guinéen a déclaré que les forces de sécurité étaient en train de rétablir l’ordre.

En Guinée, des officiers des forces spéciales ont affirmé, dimanche 5 septembre, avoir capturé le chef de l’État Alpha Condé et avoir dissous les institutions, mais une grande confusion régnait à Conakry sur qui était maître de la situation.

Le ministère de la Défense a ainsi assuré avoir repoussé l’attaque des forces spéciales contre la présidence, malgré la diffusion d’une vidéo montrant le président Condé entre les mains des putschistes.

“Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions; nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes”, a déclaré le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au côté de putschistes en uniforme et en armes, dans une vidéo adressée à un correspondant de l’AFP.

Dans une interview exclusive accordée à France 24, Mamady Doumbouya a également affirmé que ses hommes détenaient Alpha Condé. “Le président est avec nous. Il est dans un lieu sûr. Il a déjà vu un médecin”, a-t-il déclaré. Dénonçant la “gabegie”, le lieutenant-colonel Doumbouya, drapé dans un drapeau guinéen, a ensuite réitéré cette déclaration à la télévision nationale peu après 14 h GMT, interrompant les programmes habituels.



Les putschistes ont également diffusé une vidéo, non authentifiée, du président Condé entre leurs mains. Ils lui demandent s’il a été maltraité, et Alpha Condé, en jeans et chemise froissée dans un canapé, refuse de leur répondre.

“Les forces de l’ordre affirment que les frontières sont fermées, que la Constitution est dissoute. Dans quelques heures, ils mettront un gouvernement de transition en place. [Mamady Doumbouya] a exigé qu’on signale qu’ils ne sont pas là pour s’éterniser au pouvoir mais pour planifier une transition”, a expliqué, dimanche, Malick Diakité, correspondant de France 24 à Conakry. 

Des tirs soutenus et des militaires dans les rues 

De son côté, le ministère de la Défense a affirmé dans un communiqué que “les insurgés (avaient) semé la peur” à Conakry avant de prendre la direction du palais présidentiel, mais que “la garde présidentielle, appuyée par les forces de défense et de sécurité, loyalistes et républicaines, ont contenu la menace et repoussé le groupe d’assaillants”.

Tôt dans la matinée, des tirs nourris d’armes automatiques avaient retenti sur la presqu’île de Kaloum, centre névralgique de Conakry, où siègent la présidence, les institutions et les bureaux d’affaires de ce pays d’Afrique de l’Ouest en proie depuis des mois à une grave crise économique et politique. 

La présence des forces armées dans les rues, a été confirmée par Malick Diakité notre correspondant. “La population est massivement sortie dans la rue. Les forces de l’ordre sont en train de se promener dans la rue avec des blindés et ils sont applaudis par la population”, rapporte-il. 

“J’ai vu une colonne de véhicules militaires à bord desquels des soldats surexcités tiraient en l’air et entonnaient des slogans militaires”, a déclaré à l’AFP une habitante du quartier de Tombo, proche du centre de la capitale. “Les soldats étaient tous cagoulés” et se dirigeaient vers Kaloum, a-t-elle précisé sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité.

Au moins deux blessés, selon des témoins

Un habitant de la banlieue de Coléah a indiqué à l’AFP avoir “entendu des tirs” tôt dans la matinée. “Je me suis précipité vers la fenêtre, j’ai vu des jeeps militaires qui roulaient à vive allure vers le centre de Kaloum”, a-t-il dit.

Les tensions pourraient avoir été provoquées par une tentative de mise à l’écart du commandant des forces spéciales, sur fond de jalousies au sein des forces armées envers cette unité bénéficiant de moyens supérieurs aux autres forces de sécurité, a expliqué un diplomate occidental s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.

Des habitants joints au téléphone à Kaloum ont fait état de tirs soutenus, disant avoir vu de nombreux soldats intimant aux résidents de rentrer chez eux et de ne pas en sortir. Selon des témoins contactés par Reuters, deux civils au moins ont été blessés par balles.

Alpha Condé, qui est âgé de 83 ans, a été réélu en octobre dernier pour un troisième mandat de cinq ans à la suite d’une réforme de la Constitution vivement critiquée par l’opposition. Plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans des violences liées au scrutin.


Cet article est republié à partir de france24.com sous le titre: Guinée : les forces spéciales affirment détenir le président Alpha Condé. Lire l’original ici. Avec AFP et Reuters





« [ ] le prix à payer si nous voulons bâtir une société véritablement démocratique » [Etienne Soropogui, prisonnier politique guinéen]


Politique


Chers compatriotes,

J’ai été particulièrement heureux d’apprendre que mes anciens codétenus Elhadj Chérif Bah, Cellou Balde, Ousmane Gaoual Diallo et Abdoulaye Bah, tous hauts responsables de l’UFDG avec lesquels j’ai été arbitrairement arrêté et injustement incarcéré, après avoir passé ensemble de longs mois de détention, ont pu finalement retrouver la chaleur du foyer familial.

Etienne Soropogui

Ma satisfaction est plus grande, pour le doyen Chérif avec lequel je partageais, avant son admission à l’hôpital, la même cellule et pour lequel je nourrissais de sérieuses inquiétudes en lien avec sa santé que je sais fragile, ainsi que son âge avancé, qui d’un point de vue éthique, est inadapté pour subir les rigueurs de la prison.

Chers compatriotes,

La direction morale que nous entendons donner à notre pays doit nous interdire de suivre ceux qui nourrissent une obsession maladive et une volonté dévorante de segmentation de notre pays en des enclaves ethniques en s’amusant à jouer avec la corde sensible qu’est l’ethnie.

Nous devons comprendre que cela fait partie de l’un des points d’appui de la monstrueuse doctrine cynique de ceux qui nous gouvernent et qui consistent à réduire notre combat, non pas en un affrontement entre visions divergentes, mais en une opposition et un conflit entre communautés.

Nous devons refuser de prêter le flanc à ce genre de piège facile. Combien de fois allons-nous rappeler à ce gouvernement que la politique du ressentiment, du cantonnement communautaire et de l’exacerbation des clivages identitaires n’est pas une recette pour gouverner.

Surtout que leur propension quasi-addictive consistant à nous mettre dans les enclaves ethniques n’affecte pas que notre vivre ensemble, elle nuit à notre sécurité et à notre avenir.

En ce qui me concerne, les valeurs auxquelles je crois m’interdisent d’entrer en collision ou en combine avec ce genre de turpitude morale, tout simplement parce que je veux sortir de prison pour sauver ma ‘petite tête’.

Chers compatriotes,

Comme vous le savez certainement, j’avais été transféré à partir de la prison, au service cardiologie de l’hôpital Ignace Deen le vendredi 27 novembre 2020 sur un tableau où on soupçonnait une embolie pulmonaire. À ma demande et celle de ma famille, un rapport médical retraçant le détail des pathologies diagnostiqués a été commandé.

Ce rapport a dressé le diagnostic suivant :

  1. Hypertension artérielle grade 2 (HTA Grade II)
  2. Broncho-Pneumonie bilatérale
  3. Hypertrophie surrénalienne droite

Nous avons appris par la suite que le rapport médical initialement établi par l’équipe soignante avait été volontairement écarté et éludé par les autorités de l’hôpital, pour enfin produire une version tronquée qui ne retracerait pas de manière honnête et sincère les pathologies diagnostiquées.

Ils ont donc insidieusement écarté dans ce rapport le diagnostic d’embolie pulmonaire, alors que de fortes probabilités militaient en faveur de cette pathologie qui est une grande urgence cardio-vasculaire.

J’avais été soumis à un traitement anticoagulant (Lovenox) qui a été interrompu en raison des difficultés à surveiller ce type de traitement en milieu carcéral.

Je ne suis donc pas à l’abri de faire d’autres épisodes de thrombose veineuse, voire d’embolie pulmonaire. Il s’agit là d’atteinte extrêmement grave à la déontologie médicale, que d’accepter d’aliéner son indépendance professionnelle sur l’autel des injonctions, des pressions et dividendes politiques.

En tout état de cause, nous nous réservons le droit, mes conseils et moi, de saisir le Conseil de l’ordre des médecins pour tentative d’homicide volontaire en lien avec un manque de loyauté à son serment et établissement de certificat tendancieux et complaisant pouvant porter préjudice à une personne privée de liberté.

Chers compatriotes,

Il vous est loisible de poser le constat par vous-même que nous sommes tous autant que nous sommes, malades à l’intérieur de cette forteresse.

De Ismaël Condé (qui a passé la nuit du samedi à dimanche aux urgences) à Fonikè Menguè (déjà hospitalisé), de Haba à Onivogui en passant par l’iman Baldé de Wanindara et tous les anonymes, tout le monde traîne une maladie.

Mais nous tenons parce que nous avons la conviction solidement ancrée que dans l’intérêt de la lutte pour une Guinée démocratique, débarrassée de la dictature, au-delà des beaux discours, il faut savoir faire don de sa personne en acceptant la pression des épreuves, en acceptant de souffrir et en acceptant de se sacrifier.

Ce sont là hélas les prix à payer si nous voulons bâtir une société véritablement démocratique. Et ce n’est pas le président Alpha Condé qui a représenté pour une génération de Guinéens, notre génération, un symbole national de ‘constance politique’ et de ‘fidélité à ses idéaux’ (même s’il les a hélas trahis) pour lesquels il s’était si longuement battu, parfois avec obsession et entêtement, souvent au prix de sa liberté, de sa santé et au prix de son équilibre familial, qui me dira le contraire.

Etienne Soropogui

Président du parti “Nos Valeurs Communes





Une volonté manifeste du pouvoir de mettre fin à la vie d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè [Tournons La Page Guinée]


Tournons La Page exprime ses vives inquiétudes concernant l’état de santé d’Oumar Sylla, coordinateur-adjoint de TLP-Guinée et responsable de la mobilisation du Front National pour la Défense de la Constitution. Arrêté à cause de ses opinions, entre le 17 avril et le 27 août 2020 puis le 29 septembre 2020, l’état de santé de Oumar Sylla se dégrade de jour en jour en raison des conditions carcérales très difficiles à la prison centrale de Conakry. Depuis janvier 2021, il a été hospitalisé sept fois.

Après une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès. Il a mis fin à sa grève le 8 janvier 2021, après que la date de son audience a été programmée. Très faible, il a dû être hospitalisé le jour même. En mars, il a contracté la Covid-19 à cause de la grande promiscuité dans les prisons guinéennes et n’a pu bénéficier d’assistance médicale que sous la pression de l’opinion publique et de ses avocats.

Le 27 juillet, Oumar Sylla a été évacué à l’hôpital de Ignace DEEN où un collège de médecins cardiologues ont exigé son hospitalisation d’urgence et immédiate à cause de la dégradation avancée de son état de santé, deux électrocardiogrammes ayant révélé de sérieux problèmes du cœur et l’impossibilité pour Oumar Sylla de marcher. Mais les autorités guinéennes ont refusé de donner suite à cette injonction des médecins en dépit de l’urgence, des constatations et recommandations des médecins, en maintenant Oumar Sylla en détention. Aujourd’hui 2 août 2021, Oumar Sylla a de nouveau été interné à l’hôpital suite à une crise.

Cette attitude du pouvoir guinéen de refuser les soins de l’activiste montre une volonté manifeste de le laisser mourir. En outre, son épouse craint un risque d’empoisonnement comme l’avaient subi les quatre opposants morts en prison en début d’année.

Tournons La Page exige que le ministère de la justice permette à Oumar Sylla de recevoir les soins dont il a besoin.

La coalition Tournons La Page Guinée

Contact Presse : Ibrahima Diallo – pdhguinee2011@gmail.com





« Je suis inquiète pour la vie de mon mari » [Par l’épouse de Foniké Menguè, prisonnier politique]


Tribune


J’écris ces mots dans une situation inimaginable dans un pays qui se dit démocratique en ce 21eme siècle. J’écris ces mots avec un cœur qui bat dans une totale inquiétude. Depuis que j’ai quitté mon mari à l’hôpital mardi, mon cœur ne cesse de battre et mes larmes couler chaque fois que je pense à ce que Alpha Condé, Kassory et leur ministre de la justice veulent faire de mon mari. Je suis inquiète pour la vie de mon mari, inquiète pour nos enfants, inquiète pour moi-même. 

Hawa Djan DOUKOURE

Quand l’état de santé de mon mari s’est dégradé mardi à cause des conditions de détention inhumaines qu’il subit depuis plus de 15 mois, il a été évacué à l’hôpital Ignace Deen en ma présence.

Malgré la conclusion du collège des médecins cardiologues qui exigeaient une hospitalisation d’urgence, Alpha Condé à travers son ministre de la justice Mory Doumbouya et son directeur de l’hôpital Ignace Deen Dr Awada ont refusé d’accéder à cette demande. Les médecins ont pourtant précisé qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort, jusqu’à ce qu’un médecin conseille à mon mari de se déplacer dans une chaise roulante, avec le risque qu’il ne tombe en marchant. 

Cet acte prouve davantage que ce pouvoir, après avoir échoué à convaincre mon mari à joindre leur complot contre le peuple, veut maintenant ôter sa vie ou le contraindre à demander pardon en mettant sa vie à risque. Toute la Guinée se rappelle encore la mort de notre camarade Roger Bamba (Paix à son âme), dont la femme est actuellement en veuvage avec des bébés orphelins. 

Je tiens à préciser que mon mari a fait l’objet de deux diagnostics en électrocardiogrammes qui ont tous confirmé qu’il a un problème sérieux au niveau du cœur qui nécessité une hospitalisation d’urgence et immédiate. Mais ce pouvoir sans pitié a ordonné son maintien en prison, certainement dans l’objectif de l’obliger à demander pardon pour un crime qu’il n’a pas commis. Mais c’est mal connaître mon mari qui est un homme de courage et de dignité, et qui a mon soutien indéfectible. Par ailleurs, le premier test de mon mari a été retardé d’une journée malgré l’urgence, parce que le fameux Dr Awada, sans cœur et sans foi, a dit que son hôpital n’a pas 650.000 FG pour faire le bilan cardiaque pour voir si mon mari ne souffre pas d’un infarctus. Il mettait ainsi la vie de mon mari en danger à cause de 50 euros en quelque sorte. Mon mari a décidé de ne plus payer les frais médicaux que nous avons toujours supportés depuis sa détention. Il leur a rappelé ceci avant hier en ces termes :

« Je ne paye plus rien, chaque fois que je tombe malade, vous me faites payer de l’argent et pourtant c’est votre pouvoir qui m’a mis en prison, qui m’empêche de travailler pour nourrir ma famille, c’est donc lui qui doit payer pour mes soins quand je tombe malade, je ne paierai plus rien, j’ai déjà payé beaucoup d’argent en prison ces mois pour mes soins, c’est terminé. » 

Ce premier jour donc, malgré l’insistance des médecins, mon mari est retourné en prison dans une chaise roulante, sans savoir que son cœur tiendra jusqu’au lendemain. C’est hier que le ministre de la justice aurait payé les frais pour le prélèvement. En dépit de l’urgence et de la recommandation que les médecins ont signalé pour son hospitalisation, jusqu’à présent mon mari n’a entamé aucun traitement. Le résultat de son diagnostic n’est aussi pas transmis aux médecins.

C’est sûr qu’ils ont décidé de le tuer à petit feu sous les ordres d’Alpha Condé, son PM et son ministre de la justice. 

Nous prenons le peuple de Guinée et la communauté internationale à témoin sur la volonté de ce régime à éliminer physiquement mon mari. Aujourd’hui, le garder illégalement et injustement ne leur suffit plus, donc il faut l’éliminer stratégiquement à petit feu comme ils l’ont fait à Roger Bamba et plusieurs autres compatriotes.

Qui sait s’ils ne sont pas en train de l’empoisonner en ce moment même car depuis une semaine je ne contrôle plus la chaîne de repas de mon cher époux à cause de la présence d’une équipe mixte composée des gendarmes et policiers dans les mains desquels les repas passent. Depuis la présence de cette équipe mixte et illégale, tout est devenu encore pire. Il faut rappeler que ce sont ceux qui l’ont kidnappé et déféré en prison qui sont actuellement les mêmes qui contrôlent la chaîne de repas. Ce qui est un conflit de compétence et un risque direct pour lui.

Je finis cette tribune par informer l’ensemble du peuple de Guinée que mon mari reste serein car il sait que la justice populaire et la justice de Dieu sont plus fortes qu’une justice aux ordres d’un seul homme. Nous sommes une famille de croyants, et avons la foi en Dieu. Devant Dieu et les hommes, ce régime est en train de priver mon mari de son droit fondamental aux soins sanitaires, en violation des droits universels. L’histoire en est témoin !

Hawa Djan DOUKOURÉ, épouse de Fonikè Manguë, prisonnier politique





Les États-Unis dénoncent la poursuite des arrestations de membres de l’opposition politique en Guinée [Déclaration]


Politique


L’ambassade des États-Unis se félicite de la récente libération provisoire de quatre membres de l’opposition politique après huit mois de détention provisoire. Il s’agit d’une étape positive vers la réconciliation nationale.

Ce geste contraste fortement avec l’arrestation et la détention de la figure de l’opposition Kéamou Bogola Haba le 14 juillet par le gouvernement guinéen. Cette dernière détention suggère que le gouvernement guinéen continue à arrêter et à réduire au silence les voix politiques de l’opposition.

Les États-Unis réaffirment que l’État de droit et la liberté d’expression sont au cœur d’une démocratie stable, fonctionnelle et crédible.

Chacun mérite le droit de s’exprimer, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les États-Unis appellent le gouvernement guinéen à renforcer le pluralisme politique et le respect des droits de l’homme, notamment la liberté d’expression et la tenue d’audiences publiques et équitables sans retard excessif pour les personnes qui restent en détention provisoire.

Mettre fin à l’apparence de détentions pour des raisons politiques contribuera à restaurer la confiance du public et de la communauté internationale dans la démocratie guinéenne et à encourager le dialogue politique, qui ne peut réussir que si toutes les parties sont convaincues qu’il peut y avoir une issue positive.





Guinée: La récente libération de prisonniers ne doit pas faire oublier le maintien en détention de près de 60 autres depuis la période électorale


Politique


  • La décision de non-lieu pour 40 détenus décrispe l’espace civique
  • Des opposants politiques renvoyés devant le tribunal
  • Le militant pro-démocratie Oumar Sylla doit être libéré

La décision de non-lieu ou de renvoi en procès concernant 97 personnes en détention provisoire depuis leur arrestation dans le contexte de la contestation de l’élection présidentielle d’octobre dernier est un pas positif vers le respect des libertés et des principes de procès équitable en Guinée, a déclaré Amnesty International jeudi 8 juillet 2021.

Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations. 

Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Nous saluons l’avancée des procédures concernant les personnes arrêtées pendant la période électorale. C’est un pas positif pouvant contribuer à la décrispation de l’espace civique, caractérisé depuis le début de la période électorale par des arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, et une répression de presque toutes leurs manifestations », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Une ordonnance de renvoi datée du 29 avril 2021, consultée par Amnesty International, a acté la libération de 40 personnes à la suite d’un non-lieu, sur un total de 97 en détention provisoire depuis octobre dernier pour différents chefs d’inculpation en lien avec des discours ou des actions prises durant la période électorale. Les 57 autres détenus ont été renvoyés devant le tribunal de Dixinn dans la capitale Conakry pour être jugés.

Par ailleurs, une grâce présidentielle a été accordée les 18 et 22 juin, à quatre personnes, dont trois s’opposaient au troisième mandat du président Alpha Condé. Il s’agit de Mamadi Condé, Souleymane Condé et Youssouf Diabaté. Leur libération intervient à la suite de demandes de pardon qu’elles ont exprimées après plusieurs mois de détention.

Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. 

Samira Daoud

« Ces libérations ne doivent néanmoins pas faire oublier que des dizaines d’autres personnes sont en détention provisoire depuis plus de sept mois, dont des opposants politiques, et qu’un activiste pro-démocratie, Oumar Sylla, est détenu arbitrairement, simplement pour s’être exprimé. Ce dernier doit être libéré immédiatement et sans conditions, tandis que les autres personnes doivent être jugées sans délai selon des procédures justes et équitables, ou libérées », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les personnes renvoyées devant le tribunal de Dixinn pour être jugées, se trouvent quatre responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition), Ibrahima Chérif Bah, Ousmane « Gaoual » Diallo, Mamadou Cellou Balde et Abdoulaye Bah, ainsi qu’Etienne Soropogui, président du mouvement politique allié Nos valeurs communes. Amadou Djouldé Diallo, membre de la cellule de communication de l’UFDG, a lui aussi été renvoyé devant le tribunal.

Selon l’ordonnance de renvoi, les charges pour « meurtre et complicité de meurtre » ont été abandonnées contre eux mais ils sont inculpés chacun pour tout ou partie des charges suivantes : « atteinte aux institutions de la république », « trouble à l’État par la dévastation et le pillage », « participation à un mouvement insurrectionnel », « menace de violence ou de mort par le biais d’un système d’information », et « production, diffusion et mise à disposition d’autres de données de nature à troubler l’ordre public ou la sécurité publique. »

« Aucune date d’audience n’a encore été fixée, des visites leur ont été refusées, leur mandat de dépôt, arrivé à expiration, n’a pas été renouvelé, en violation du Code de procédure pénal », a déclaré à Amnesty International l’un des avocats du collectif de la défense.

Ce collectif avait annoncé en février 2021 la suspension de sa participation à la procédure, au motif du « caractère fallacieux des chefs d’inculpation, des détentions arbitraires prolongées, et de la violation répétée et intolérable des droits de la défense. »

Également parmi les 57 personnes renvoyées devant le tribunal, huit le sont pour l’attaque d’un train de la compagnie minière russe Rusal, le 23 octobre 2020 à Sonfonia (Conakry), au cours de laquelle quatre agents des services de défense et de sécurité ont trouvé la mort.

Oumar Sylla en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois

Le militant pro-démocratie du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) Oumar Sylla, demeure en détention arbitraire depuis bientôt 10 mois. Arrêté le 29 septembre 2020 à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat, il a été condamné lors de son procès en appel le 10 juin 2021 à trois ans de prison ferme pour « communication et divulgation de fausses informations, menaces notamment de violences ou de mort ».

Après trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla avait entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès.

Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression. 

Samira Daoud

« Les autorités doivent immédiatement et sans conditions libérer Oumar Sylla, ainsi que toutes les personnes arbitrairement détenues pour avoir voulu exercer leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Samira Daoud.

Parmi les cinq responsables de l’UFDG et de Nos valeurs communes détenus, Ibrahima Chérif Bah, 73 ans, Abdoulaye Bah, et Ousmane « Gaoual Diallo », ont été hospitalisés ces derniers mois pour des problèmes de santé, tandis que Ismaël Condé, autre opposant en détention, a été admis à l’hôpital après s’être « volontairement ébouillanté le visage et le torse avec de l’eau chaude, » selon le ministère de la Justice.

Selon des membres de la famille de Ibrahima Chérif Bah – détenu depuis le 30 novembre 2020 – contactés par Amnesty International, une évacuation d’urgence à l’étranger lui a été refusée, bien qu’il ait « des difficultés à suivre son traitement car il est compliqué de lui faire parvenir ses médicaments en raison des restrictions de voyages. »

Le ministère de la Justice avait annoncé le 20 avril 2021 son admission à l’hôpital, en rapportant que son état avait été jugé « médicalement stable » par « une équipe médicale composée d’éminents cardiologues. »

Amnesty International s’associe à l’appel formulé le 25 mars 2021 par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, demandant aux autorités d’examiner les moyens de libérer les personnes particulièrement vulnérables à la COVID-19, notamment les détenus les plus âgés et ceux malades.

Entre décembre 2020 et janvier 2021, Amnesty International avait documenté et communiqué sur la mort de quatre personnes, dont trois militants ou sympathisants de l’UFDG, pendant leur détention provisoire à la prison centrale de Conakry.

Menaces contre des opposants politiques

Des pressions et menaces continuent par ailleurs d’être exercées contre des opposants politiques.

Le président et l’un des vice-présidents de l’UFDG ont ainsi été interdits de sortie du territoire à plusieurs reprises, et le passeport du président du parti a été confisqué par les autorités sans base légale, en violation de leur droit à la liberté de mouvement.

Morlaye Sylla, militant de l’UFDG en Guinée-Bissau, a reçu en 2019, 2020 et 2021 des menaces de mort de la part d’un responsable de l’ambassade de Guinée et d’un proche du consul dans ce pays, en raison de ses activités politiques et de ses publications critiques envers le pouvoir.
En dépit d’une plainte déposée en 2020 à la police judicaire de Bissau suite à une agression, le militant a déclaré à Amnesty International qu’aucune suite n’a été donnée à ses alertes jusqu’à présent.

Amnesty International appelle les autorités bissau-guinéennes à prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la liberté d’expression, et faire cesser ces menaces.

Complément d’information

Après les violences consécutives à la tenue de l’élection présidentielle contestée du 18 octobre 2020, le procureur général de la Cour d’appel de Conakry avait annoncé le 31 octobre 2020 l’interpellation de 325 personnes. D’autres avaient ensuite été arrêtées au mois de novembre, dont plusieurs membres de l’UFDG et de Nos valeurs communes.

Une semaine après l’élection présidentielle organisée dans un contexte de répression du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, Amnesty International avait conclu à des tirs à balles réelles sur des passants et des protestataires à Conakry la capitale et Labé au nord du pays, par les forces de défense et de sécurité.


Amnesty International





Guinée : légitimité et confiance, les deux «institutions invisibles» qui empêchent le dialogue politique


Politique


Le 2 juin dernier, dans une tribune, trois responsables du parti d’opposition, Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), arrêtés après la présidentielle de 2020 et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage, atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » clamaient une fois de plus leur innocence en réfutant « toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions ».

Dans ce dossier politico-judiciaire, les trois détenus politiques signataires de la tribune appellent à « l’impartialité de l’institution judiciaire, mais aussi à la neutralité de l’Exécutif ». Ils formulent l’espoir que, le « déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique ». Ils estiment « que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif ». Enfin, les trois responsables politiques pensent « qu’il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale ».

Face aux diverses interprétations de cet « appel » au « dialogue » (résultat d’un curieux emballement médiatique) qui est plutôt un appel à l’institution judiciaire pour un traitement impartial du dossier, la direction de l’UFDG publie une déclaration dans laquelle, elle réitère la position du parti par rapport au dialogue politique qui, selon elle, « relève exclusivement de la direction nationale du parti et de ses instances compétentes ». Il n’en fallait pas plus pour alimenter les débats sur des « dissensions » qui mineraient ce parti d’opposition notamment, autour de la question d’un éventuel dialogue avec le pouvoir. Divisés sur la question, les acteurs politiques du pays font le tour des médias pour défendre les arguments qui sous-tendent leur positionnement. Rappelons que le 27 janvier dernier, un décret a été publié, instaurant un « dialogue politique et social » entre acteurs institutionnels, politiques et sociaux. Dans un contexte d’impasse politique et de difficultés financières (les récentes conclusions du FMI convergent dans ce sens), le gouvernement guinéen se voit contraint de rééditer sa recette traditionnelle, une fois le dos au mur : l’appel au dialogue. Après avoir bravé tous les interdits de la démocratie (modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir, violation des droits de l’Homme), le pouvoir de Conakry s’est retrouvé isolé sur la scène internationale et souffrirait d’un manque de légitimité auprès d’une grande majorité des populations.

Comme en 2015, l’appel au dialogue est avant tout une contrainte pour le pouvoir qui se trouve acculé de toute part. La décrispation du climat politique, gage de confiance des investisseurs et d’autres partenaires financiers, devient une conditionnalité pour la normalisation des relations bi et multilatéraux. Pour ce faire, la participation à ce dialogue des ténors de l’opposition politique est un gage de crédibilité et le gouvernement est conscient du poids réel des partis d’opposition (le rétropédalage dans le projet mort-né de fabriquer une nouvelle opposition avec son chef de file est un exemple éloquent).

L’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo est catégorique sur la question du dialogue. Pour ce parti de l’opposition, le dialogue n’est pas d’actualité. Lors d’une réunion extraordinaire du conseil politique du parti, le 9 juin dernier, il a été décidé ce qui suit : le parti s’abstient de tout commentaire sur la question du dialogue politique tant que « Les cadres et militants de l’UFDG de l’ANAD et du FNDC seront maintenus en prison ; les bâtiments de l’UFDG abritant son siège et ses bureaux seront fermés et occupés par les forces de défense et de sécurité ; le président du parti, son épouse et ses proches collaborateurs seront arbitrairement privés de leurs droits et libertés de voyager ».

En revanche, pour l’union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, le dialogue est la seule issue possible pour résoudre la crise que traverse le pays. Dans une déclaration publiée le 30 décembre dernier, l’UFR lance « un appel à la concertation pour qu’au moins, le travail recommence et que les Guinéens puissent voir le bénéfice de tous ces débats politiques qui n’en finissent pas ».

Quant au parti de l’espoir et le développement national (PEDN) de Lansana Kouyaté, son parti « n’ira pas à ce dialogue ». Invité de l’émission « Sans Concession » de Guinéenews le 8 juin dernier, Lansana Kouyaté reste sceptique sur les véritables objectifs de ce dialogue : « Comment voulez-vous qu’on parte au dialogue dont on sait d’avance que c’est pour peut-être avoir du temps, pour que les choses se calment et qu’on passe à autres choses ».

Député et président de l’union des forces démocratiques (UFD), Baadiko Bah, dans un entretien accordé à Guineenews au mois de janvier dernier, est encore plus dubitatif sur la sincérité de cet appel au dialogue. Pour cet opposant, le dialogue est « un gadget pour amuser la galerie, faire semblant qu’on est ouvert à dialoguer sans que ça n’ait aucune portée pratique pour résoudre les véritables problèmes auxquels font face la Guinée ».

Dans une déclaration rendue publique le 20 juin dernier, le parti MoDel dirigé par Aliou Bah, exprime sa position sur la question du dialogue et reste ferme « il [le parti] ne se sent ni intéressé ni concerné par un simulacre de dialogue tel qu’il est annoncé et se déroule actuellement ».

Dialogue politique inter-guinéen, un espace d’insincérité

En août 1993, l’archevêque de Conakry, le cardinal Robert Sarah, dans une déclaration intitulée « la Guinée, une famille à construire » présentait un diagnostic assez critique de la société guinéenne dans son ensemble. Il disait ceci : « Le guinéen ne respecte plus rien, ni sa vie, ni la vie des autres, ni le bien des autres, ni les coutumes ou valeurs traditionnelles, ni les principes sacrés de la religion. Plus rien n’arrête le guinéen quand il a décidé de détruire, d’assassiner, de voler. Nous vivons, en conséquence, dans une société anarchique. [  ] Nous n’avons pas de projet de société cohérent. Nous naviguons à vue, inventant et improvisant des solutions, à la merci des évènements et des situations. » Dans un contexte de tensions politiques sur fond de violences au moment où la Guinée s’apprêtait à organiser ses premières élections (présidentielle et législatives) multipartistes, ces propos décrivent une société guinéenne malade.

Pour ce très respecté responsable religieux, cette Guinée peut s’en sortir car elle dispose des ressources nécessaires, mais il faudrait qu’il y ait une « vigoureuse volonté d’application du pouvoir judiciaire [ ] de façon à ne plus laisser impunis les grands crimes et à défendre efficacement les droits des plus faibles » Selon lui, sans volonté d’application, « la forêt des lois ne résout pas les problèmes essentiels ».

Vingt-huit ans après cette déclaration, la Guinée d’aujourd’hui semble fidèle à ce diagnostic et les acteurs sont presque les mêmes, à quelques exceptions près.

Les élections en Guinée ont toujours été des périodes d’exacerbation des violences. D’un côté nous avons une machine répressive de l’Etat qui n’hésite pas tirer sur sa population et de l’autre, des oppositions de plus en plus déterminées à se faire entendre en usant des seuls moyens dont elles disposent, à savoir, les manifestations de rue et les recours devant les tribunaux du pays même si elles savent à quoi s’attendre de l’appareil judiciaire. Lors de ces élections, deux facteurs contribuent à la cristallisation des tensions : la légitimité et la validité du processus. Toutes les tentatives et actions de contournement et d’instrumentalisation des règles du jeu électoral engendrent des contestations et ces dernières produisent de la violence.

Pour reprendre la formule de Carlos Santiso, de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale, une organisation intergouvernementale dont la mission est de promouvoir la démocratie durable dans le monde : « Les élections ne sont pas l’égal de la démocratie ». En observant la situation de la démocratie dans de nombreux pays, Santiso arrive à la conclusion que « les processus de démocratisation empruntent assez souvent des voies irrégulières, imprévisibles et parfois réversibles dans des environnements politiques changeants ».

Dans son ouvrage, La contre-démocratie, publié en 2006, Rosanvallon présente trois piliers qui, selon lui, compose l’expérience démocratique : le gouvernement électoral-représentatif qui assure l’assise institutionnelle, la contre-démocratie qui assure une certaine vitalité contestataire et le travail réflexif du politique qui assure une densité historique et sociale à la démocratie. Cependant, souligne l’auteur, ces trois dimensions intègrent des pathologies qui doivent pouvoir être surmontées. Selon lui, le gouvernement électoral-représentatif tend à se transformer en aristocratie élective, la contre-démocratie serait hantée par le populisme et l’antipolitique et le travail réflexif du politique risque d’être selon lui, aspiré par la facilité « décisionniste ».

Célébrée par tous les observateurs comme un tournant démocratique majeur, l’élection en 2010 de l’ancien opposant historique guinéen, avait suscité un immense espoir chez les guinéens et africains en général, même si les conditions de son accession au pouvoir laissaient déjà présager le jusqu’auboutisme du personnage pour arriver à ses fins, même par les moyens antidémocratiques. Plus de dix ans après, la déception est le sentiment le plus partagé par les guinéens. Les tendances autocratiques du régime sont bien réelles. Si la cour suprême guinéenne (symbole de la complaisance des contre-pouvoirs institutionnels) a bien entériné la « victoire » (certains diront plutôt le maintien) de Alpha Condé après la présidentielle contestée et surtout violente d’octobre 2020, force est de reconnaitre que le régime peine à asseoir son autorité parce qu’il souffre d’un manque de légitimité auprès de nombreux guinéens qui, par cet acte de la plus grande institution judiciaire du pays, ont le sentiment d’assister impuissant à une confiscation du pouvoir et redoutent de revivre un remake des dix dernières années avec ses corollaires  de violations des règles et principes démocratiques. Cette panne judiciaire (une réalité guinéenne) a pour cause une carence criarde d’indépendance de la justice, mise sous tutelle par un pouvoir exécutif oppressant.

Un président de la République avec un statut privilégie au-dessus de tous les autres pouvoirs. C’est cette relation, caractéristique des régimes africains que Claude Momo et Eric-Adol Gatsi dans un document intitulé L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des Etats d’Afrique noire francophone, publié en 2020, tentent d’expliquer. Selon ces auteurs, la relation entre le président de la République et les autres pouvoirs « rame quasiment à contre-courant de l’idée de checks and balances chère à Montesquieu qui fait du pouvoir le contre-pouvoir du pouvoir et justifie l’étiquette de « monarque républicain » ou de « président impériale »

Pour celui qui avait promis de faire « disparaître » l’opposition de la scène politique guinéenne, la désillusion est aujourd’hui grande chez ses partisans. La lecture simpliste qui consiste à réduire « les oppositions » à l’opposition politique et plus particulièrement aux leaders de certains partis d’opposition, s’est révélée erronée. Ces dernières années, l’espace politique guinéen a connu l’émergence d’autres acteurs issus de la société civile, avec de nouvelles stratégies de lutte et une nouvelle dynamique d’engagement citoyen. Une preuve que l’exigence démocratique est de plus en plus grande chez les citoyens.

Ce citoyen n’est pas celui décrit par Richard Balme, c’est-à-dire, qui se cantonne dans un rôle minimal de pourvoyeur de voix. Il est ce citoyen qui surveille. Rosanvallon, dans un ouvrage collectif intitulé Chroniques de la gouvernance publié en 2009, explique qu’au « peuple-électeur s’ajoute le peuple-surveillant, le peuple-veto et le peuple-juge qui se manifestent dans des institutions ou de manière plus spontanée et informelle. À l’élection s’ajoute la surveillance, l’empêchement et le jugement ».

Du manque de légitimité au déficit de confiance, un « titre à gouverner » obsolète 

Dans son intervention lors du colloque « la justice du XXIe siècle » en 2014 à l’UNESCO, Pierre Rosanvallon disait qu’un pays ne fonctionne pas simplement avec des institutions et des valeurs. Il fonctionne aussi avec des « institutions invisibles », un concept développé par le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow dans son ouvrage Les limites de l’organisation publié en 1974.

Pour ce sociologue et professeur au Collège de France, une société dans laquelle la confiance se délite, est une société dans laquelle le fonctionnement des institutions, le rapport entre les citoyens, le rapport des citoyens aux institutions, est rendu plus difficile.

La confiance occupe une place importante en démocratie. Comme nous le fait remarquer les auteurs d’un rapport de recherche publié en 2019 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) sur la crise de la confiance politique en France, où ils soutiennent que la confiance « est la valeur cardinale de la démocratie ». Selon ces auteurs, la « démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d’autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s’exerce ». Si le citoyen vote, il ne choisit pas simplement un candidat mais soutient la démocratie.

S’il y a bien une réalité dont l’évidence saute aux yeux, c’est bien le manque de confiance entre les acteurs politiques guinéens (un euphémisme, pour ne pas dire qu’ils se haïssent). D’ailleurs, cet environnement de détestation réciproque est propice à la fabrication de dictateurs, car ces derniers, se nourrissent des divisions. Quant aux relations de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, elles sont aussi exécrables. Pour le citoyen, nous rejoignons Richard Balme, dans son ouvrage Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique, publié en 2003, quand il explique qu’aujourd’hui, « le citoyen aurait l’impression d’être cantonné dans un rôle minimal, se limitant à choisir épisodiquement un représentant, sans avoir la certitude que celui-ci prendra les bonnes décisions ni pouvoir l’y contraindre ».

En ce qui concerne la légitimité, elle revêt plusieurs facettes. Selon le petit Larousse, elle est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Dans son ouvrage intitulé, La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, publié en 2008, Rosanvallon explique que « Si la légitimité est au sens général du terme un simple économiseur de coercition, sa variante démocratique a pour fonction plus exigeante de tisser des liens constructifs entre le pouvoir et la société ». Dans la démocratie représentative, le vote est le principal mode de légitimation des gouvernants. Toutefois, si le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, souligne l’auteur, il fait cependant remarquer que le verdict des urnes ne peut être le seul étalon de la légitimité. Pour lui, un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire.

Lipset, quant à lui, soutient que la légitimité implique la capacité d’un système politique à engendrer et à maintenir la croyance que les institutions politiques existantes sont les plus appropriées pour le bon fonctionnement de la société.

Eichholtzer Marie, dans un mémoire intitulé Transparence, légitimité et confiance dans la gouvernance européenne, soutenu en 2010 à Institut d’Études Politiques de Lyon, distingue deux types de légitimité : la légitimité formelle et la légitimité sociale. La première découle du bon respect des règles et des procédures. La seconde, est le lien affectif, la loyauté qui relient les citoyens à leurs institutions sur la base d’une identité collective forte et d’intérêts communs. Dans le même ordre d’idées, Rosanvallon, quant à lui, distingue trois types de légitimité : une légitimité procédurale qui est issue de l’élection qui donne un « permis de gouverner » ; une légitimité substantielle qui tient à des qualités intrinsèques, autrement dit, c’est le fait qu’en soi-même on représente quelque chose d’important ; et enfin une légitimité d’exercice qui repose sur la prise de conscience du fait que la volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral.

Quand Alain Laquièze affirme dans un article intitulé Élection des gouvernants et légitimité démocratique, publié en 2018, que : « le gouvernant est légitime démocratiquement parce qu’il est légitime électoralement », il ressort la place prépondérante de l’élection dans l’acquisition de la légitimité. Par ailleurs, Thiébault Jean-Louis, dans un article intitulé Lipset et les conditions de la démocratie, publié en 2008 cite Larry Diamond dans son ouvrage intitulé Developping Democracy. Toward Consolidation, publié en 2000, qui établit un lien entre la légitimité et le niveau de démocratie dans un pays. Ce dernier soutient que « la légitimité est fortement corrélée avec le niveau de démocratie dans un pays. Plus une nation est démocratique, plus le système politique tend à être légitime. Les facteurs politiques (libertés civiles et politiques) sont plus importants que la simple performance économique pour prédire la légitimité d’un régime démocratique dans une nation ». Thiébault Jean-Louis, dans le même article souligne, quant à lui, que la légitimité peut être considérée comme un stock de crédibilité qui peut retarder ou réduire l’intensité des crises dans une démocratie.

Un point de vue partagé par Lipset, qui soutient que, les systèmes politiques, mêmes ceux qui sont autoritaires, ne reposent pas d’abord sur la force. L’alternative à la force est la légitimité, un « titre à gouverner » largement accepté ».

La pilule au goût amer du compromis

Polysémique, avec une certaine ambiguïté dans son interprétation, la notion de compromis selon Paul Ricœur « intervient lorsque plusieurs systèmes de justification sont en conflit ».

Si le conflit est un trait inhérent à la vie politique, comme le soutient Lipset dans son ouvrage intitulé L’Homme et la Politique, publié en 1963 (traduction française de Political Man paru en 1960), la démocratie doit être perçue comme un moyen « de canaliser ou de structurer, et non pas d’éradiquer, le conflit ». Selon cet auteur, « les luttes et rivalités pour la conquête des postes de direction, l’affrontement des partis et leur alternance dans l’exercice des fonctions de gouvernement sont les conditions d’une démocratie stable. Et sans un accord préalable sur la règle du jeu politique, sans la soumission des minoritaires aux décisions de la majorité réversible, sans la reconnaissance de la légitimité de ces décisions, il ne saurait y avoir de démocratie ».

Dans le même ordre d’idées, Paul Ricœur, dans une interview publiée par la revue Alternatives Non Violentes en 1991, souligne, quant à lui, que « le compromis est [  ] lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits ». Pour ce penseur de « l’éthique du compromis », il n’existe pas de super-règle pour résoudre les conflits, mais « on résout les conflits à l’intérieur d’un ordre homogène où les gens se reconnaissent ».

Dans le cadre d’un compromis, soutient quant à lui le professeur Thomas Meyer de l’université de Dotmund, dans une publication de 2012 intitulée L’art du compromis : le chemin vers la réalisation des idéaux dans une véritable démocratie, deux ou plusieurs parties s’engagent à renoncer à leur droit de faire valoir complètement leurs intérêts personnels, de manière à permettre à toutes les parties d’atteindre le maximum de leurs objectifs politiques. Pour cet universitaire, « la prise en compte du maximum d’intérêts et de valeurs est un objectif important de la démocratie. » Selon lui, la capacité de prendre en compte le maximum d’intérêts légitimes et de les intégrer dans les processus de délibérations et de prise de décision en politique est un principe fondamental d’une démocratie bien comprise.

En procédant à l’arrestation, à la condamnation et à l’incarcération de responsables politiques de son principal challenger, Alpha Condé fait ce que les autocrates font, à savoir, se servir de ses prisonniers comme monnaie d’échange à présenter lors d’un éventuel dialogue. Dans un tel contexte, l’envie d’atteindre un objectif politique l’emporte sur la nécessité d’aboutir à un compromis. Nous pensons que la manifestation d’une volonté réelle d’une décrispation doit venir du côté du pouvoir. Au-delà de la formalisation d’un cadre de dialogue, il est surtout important d’œuvrer pour la création de conditions favorables à un dialogue politique sincère. D’un compromis à une compromission, la frontière de l’amalgame est très étroite. En acceptant d’aller à un dialogue dans ces conditions, les partis concernés jouent leur survie en termes de crédibilité et de cohérence.

Sur les connotations péjoratives qui entourent l’idée de compromis et qui suscitent le plus souvent chez certains, une réaction de méfiance ou de rejet, Nachi Mohamed dans un article intitulé La vertu du compromis : dimensions éthique et pragmatique de l’accord publié en 2001 dans la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, défend toutefois, « un compromis qui se distingue nettement de la compromission ». Une position que partage Ricœur dans un entretien publié en 1991 par la revue Alternatives Non Violentes où l’auteur souligne « qu’il y a méfiance à l’égard du compromis, parce qu’on le confond trop souvent avec la compromission. La compromission est un mélange vicieux des plans et de principes de références. Il n’y a pas de confusion dans le compromis comme dans la compromission. Dans le compromis, chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de son ordre de justification ». Par ailleurs, dans ce même entretien, Paul Ricœur pose la question : « Comment empêcher que les différends, les litiges, les conflits ne dégénèrent en violence ? ». Pour lui, le compromis est une barrière entre l’accord et la violence. Il soutient que c’est en absence d’accord que nous faisons des compromis pour le bien de la paix civique. Ce penseur du compromis, soutient que « l’intransigeance rend malheureusement impossible toute recherche de compromis ». Car, selon lui, le compromis exige la négociation.

Dans le même ordre d’idée, Daniel Weinstock, dans un article intitulé Compromis, religion et démocratie publié en 2005 dans la revue Bulletin d’histoire politique souligne qu’un « compromis se produit lorsque tous les participants à la délibération se rallient à une position qu’ils estiment inférieure à celle qu’ils adoptaient au départ. Ils s’y résignent à cause du poids indépendant qu’ils accordent à la résolution pacifique du conflit. Un compromis émerge ainsi lorsque tous estiment que le sacrifice qu’ils effectuent par rapport à leur position idéale est justifié par l’avantage que représentent le règlement du conflit et le maintien de relations pacifiques avec leurs partenaires. » Pour cet auteur, « une première condition du compromis est par conséquent que tous les citoyens et les groupes de citoyens accordent une importance suffisante au maintien du lien social. Si la préservation d’une certaine cohésion sociale est vue de manière indifférente par un ou plusieurs participants, ou si la volonté de préservation n’est pas également distribuée au sein de la société, le compromis devient impossible. »

Trop souvent pris pour de la faiblesse, l’art du compromis, comme le dénonce Frédéric Says dans un billet politique sur France culture, c’est comme s’il fallait forcément un « perdant terrassé » et un « gagnant triomphant ».

Concept paradoxal, le compromis est tantôt objet de méfiance, dévoiement du rapport à autrui, règlement sous-optimal qui aboutit à l’abandon de ses prétentions, tantôt considéré comme la meilleure option de gestion des conflits pour parvenir à une coexistence pacifique.

Dans Eloge du compromis. Pour une nouvelle pratique démocratique, Nachi Mohamed, souligne que le terme de compromis fut trop longtemps « coincé entre deux faux amis que l’on croyait proches par le sens mais qui, dans les faits, se sont avérés souvent éloignés de lui: le marchandage, la négociation habile et calculatrice entre des intérêts désincarnés ; la compromission, le renoncement aux valeurs, l’abandon des idéaux sur l’autel de l’arrangement ». Le compromis en tant que concept commun peut donc être considéré comme un mode de résolution de conflit ou, plus généralement, comme une forme de régulation sociale, c’est-à-dire un moyen de maintien de la paix civique entre des partenaires en situation de désaccord ou de conflit.

Dans le contexte guinéen, la question est : les acteurs concernés devraient-ils avaler cette pilule du compromis au goût amer ? La réponse est la formulation d’une question préalable : comment dialoguer avec un acteur dont la légitimité est remise en question ? En attendant de trouver des réponses, libérez tous les prisonniers politiques, des plus anonymes aux plus célèbres. À la justice guinéenne sous Alpha Condé, nous nous abstenons de demander l’ouverture des enquêtes sur les cas des centaines de guinéens tués ces deux dernières années, car nous savons ce qu’elle vaut : une machine répressive au service d’un autocrate. Il y aura un moment où il faudra vider tous les placards et refaire la décoration intérieure de la maison Guinée.

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




«Persuadés de notre innocence» [lettre de trois responsables de l’UFDG détenus politiques]


Politique


Dans une lettre publiée par le site guineematin, trois responsables du parti d’opposition UFDG, arrêtés après la présidentielle et inculpés pour « trouble à l’État par la dévastation et le pillage atteinte aux institutions de la République, participation à un mouvement insurrectionnel, menace de violences ou mort par le biais d’un système informatique, diffusion et la mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre public » demandent à tous les acteurs politiques « d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. »

L’intégralité de la lettre


Chers compatriotes,

Comme vous le savez, nous sommes incarcérés à la Maison Centrale de Conakry depuis plusieurs mois.

Prisonniers politiques pour les uns, prisonniers d’opinion ou otages politiques pour les autres, prisonniers tout court pour certains. Une chose est incontestable, nous sommes avant tout des Guinéens dont l’engagement et la lutte politique n’ont jamais été dirigés contre un individu ou un quelconque groupe de Guinéens.

Nous avons toujours mené notre combat avec le strict objectif de servir la démocratie, le respect de l’État de droit et la recherche du bonheur de nos concitoyens.

Il est important de rappeler que nous avons exclu, dès les premières heures de notre engagement politique, la conquête du pouvoir par la violence en choisissant, la voie des urnes qui demeure encore notre unique option. Ce choix démocratique est motivé par le fait que chacun d’entre nous considère que la violence ne peut être la solution et lorsqu’elle survient, nous l’avons toujours condamnée sans aucune ambiguïté. D’autant plus qu’au cours de ces dernières décennies, ce sont nos compatriotes qui ont payé le lourd tribu, du fait des violences politiques et sociales qui affectent directement de nombreuses familles et la cohésion sociale.

Pourtant, on nous accuse d’atteintes aux institutions, de pillages et même de participation à des mouvements insurrectionnels, etc. Quel fut notre stupeur à s’entendre dire être mêlés à de tels actes. Persuadés de notre innocence, nous nous sommes tous rendus volontairement devant les instances judiciaires espérant qu’elle agira avec impartialité et objectivité. De fait, nous n’avons opposé ni résistance, ni violence aux forces de défense et de sécurité, qui sont venues interpeler l’un de nous à son domicile.

Il est clair que notre probité, mais aussi les responsabilités que nous avons assumées à divers niveaux, nous empêchent tout comportement ou attitude incivique.

On comprendra aisément qu’il est impossible de remettre en cause notre engagement politique ; l’idéal qui les fonde et les nourrit. C’est pourquoi, nous rejetons toutes les accusations de violence quelles qu’elles soient et qui seraient susceptibles de mettre en danger la paix sociale, de menacer la sécurité de nos compatriotes et de nos institutions. Cela ne nous ressemble point.

S’il est établi que le procès d’hommes politiques permet de juger un État sur le plan de la démocratie et du respect des libertés fondamentales, nous souhaiterions que ce défi soit relevé par l’institution judiciaire. Que peu d’entre nous puissent croire et miser sur le succès de cette volonté n’enlève aucunement notre foi en la justice. Il revient aux autorités de notre pays et, si nécessaire, avec l’appui des pays amis, d’en être le garant ; de veiller à l’équité et l’impartialité de l’institution judiciaire ; mais aussi à la neutralité de l’Exécutif.

Bien évidemment, c’est aux magistrats de mesurer l’importance et la portée des actes qu’ils sont appelés à engager dans le cadre de « l’affaire » nous concernant. Qui pourrait douter que son déroulement et l’issue qui en sortira constitueront un jalon essentiel dans la volonté de décrispation du climat politique récemment exprimée par tous les acteurs politiques, les ONG de défense des Droits humains, les pays partenaires de la Guinée et d’une certaine manière les autorités guinéennes. Dès lors, un consensus s’est dégagé pour considérer que ce serait là, un des premiers gages d’ouverture d’un dialogue constructif, consensuel et inclusif.

Pour nous, il est fondamental d’œuvrer dans ce sens afin d’amorcer le processus d’apaisement par le dialogue et la concertation dans le souci de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale. Nous espérons pouvoir apporter notre contribution en continuant de jouer encore notre rôle sur la scène politique au service de notre pays. Nous sommes persuadés que cela est possible si chacun veillait au respect des règles d’impartialité de nos institutions et des représentants qui exercent au nom du peuple.

Nous estimons que le moment est probablement venu ; qu’une situation opportune est là et qu’il faut la saisir. Nous pensons qu’il est temps que chaque Guinéen prenne résolument l’engagement de promouvoir l’exercice d’une démocratie apaisée, l’unité et la réconciliation de tous les fils et filles de notre Guinée.

  • Ibrahima Chérif BAH Vice-président, membre du Conseil politique.
  • Ousmane Gaoual DIALLO Directeur de la Communication, Membre du Conseil politique, ancien Député.
  • Mamadou Cellou BALDÉ Coordinateur des fédérations de l’intérieur, Membre du Bureau Exécutif, ancien Député.




Oumar Sylla «Foniké Mengué», sept mois de détention arbitraire


Politique


Guinée. Après sept mois de détention arbitraire, le militant Oumar Sylla doit être libéré

Ce 29 avril marque les sept mois de détention arbitraire d’Oumar Sylla, coordinateur national adjoint de Tournons La Page Guinée et responsable de la mobilisation et des antennes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) arrêté en pleine rue à Conakry alors qu’il se rendait à une manifestation contre le projet de troisième mandat du président sortant Alpha Condé.

Tournons La Page, ACAT-France, Amnesty International, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT), et Agir ensemble pour les droits humains demandent la libération immédiate et inconditionnelle d’Oumar Sylla, de tous les défenseurs des droits humains et autres personnes détenues arbitrairement en Guinée.

Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition. 

Les organisations signataires

« Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition », ont déclaré les signataires.

Le 29 septembre 2020, Oumar Sylla a été arrêté avec violence par des hommes en civil en pleine rue dans la commune de Matoto à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation organisée par le FNDC pour protester contre la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat.

Emmené à la Direction de la Police Judiciaire (DPJ), il a été interrogé sans que ses avocats n’aient pu l’assister, ce qui est une atteinte aux droits de la défense. Quelques heures plus tard, le procureur du tribunal de Mafanco a décidé de poursuivre Oumar Sylla pour « attroupement illégal, trouble à l’ordre public, destruction de biens publics et atteinte à la sûreté de l’État », de le placer en détention provisoire et de le faire incarcérer à la prison centrale de Conakry.

Une prison qu’il connaît hélas bien pour y avoir déjà fait quatre mois de détention arbitraire entre le 17 avril et le 27 août 2020, accusé de « communication et diffusion de fausses informations » après avoir participé à l’émission de grande écoute « Les Grandes Gueules » sur Radio Espace FM, au cours de laquelle il a dénoncé les arrestations arbitraires et les exactions survenues dans la ville de N’Zérékoré le 22 mars 2020. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées en août 2020.

Une grève de la faim pour être jugé

Après près de trois mois de détention provisoire, Oumar Sylla a entamé une grève de la faim le 25 décembre 2020 pour exiger la tenue de son procès. Il a mis fin à sa grève le 8 janvier 2021, après que la date de son audience a été programmée. Très affaibli, il a dû être hospitalisé le jour même.

Le 28 janvier 2021, Oumar Sylla a été condamné à 11 mois de prison ferme par le tribunal de Mafanco à Conakry pour « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public ». Ses avocats ont immédiatement fait appel de la décision et la date de son appel est fixée au 20 mai 2021.

Oumar Sylla a également contracté le Covid-19 en mars 2021 et n’a pu bénéficier d’assistance médicale que sous la pression de l’opinion publique et de ses avocats.

Organisations signataires

1. ACAT-France
2. Agir ensemble pour les droits humains
3. Amnesty International
4. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
5. Mêmes Droits pour Tous (MDT)
6. Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH)
7. Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs de droits de l’Homme
8. Tournons La Page


Amnesty International





Pétition: Appel à la libération des prisonniers politiques en Guinée ! [Par Tierno Monénembo]

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Politique


Depuis l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, la répression, ce mal endémique de la Guinée, a resurgi avec une virulence qui rappelle les années noires, celles des pendaisons publiques et du Camp Boiro.  On attendait de celui qui passe pour « le premier président démocratiquement élu de la Guinée » qu’il nous fasse oublier le fouet de Lansana Conté et la terreur de Sékou Touré. On attendait de l’ancien prisonnier politique la réhabilitation des Droits de l’Homme, assortie d’un respect scrupuleux de la vie humaine. Par ses paroles comme par ses actes, il se situe hélas aux antipodes de toute valeur juridique et morale.

De Décembre 2010, date de sa première élection, à aujourd’hui, les organisations des Droits de l’Homme dénombrent 260 morts et 2 000 blessés. Ces chiffres ne concernent que les personnes fauchées à balles réelles dans les manifestations de rue. Ils seraient deux fois plus élevés si l’on y ajoutait les détenus victimes de leurs conditions de détentions et les dizaines de personnes qui ont succombé aux massacres de Womé, Zogota et Galapaye.

Ces derniers mois ont été particulièrement sanglants. Sortis massivement pour faire barrage à la modification de la constitution lui permettant de briguer un troisième mandat, les Guinéens ont dû affronter non plus seulement les balles des gendarmes et des policiers mais aussi celles des soldats que le régime, pris de panique, a réquisitionnés pour aider  au rétablissement de l’ordre. 60 morts, rien que d’Octobre à Janvier ! Parallèlement, plus de 400 personnes ont été arrêtées pour les raisons les plus fallacieuses : fabrication et stockage d’armes de guerre, assassinats, complicité d’assassinats, insurrection, complicité d’insurrection, atteinte aux intérêts supérieurs de la nation etc.

Cette vague d’arrestation n’a épargné aucun quartier, aucune classe d’âge, aucune catégorie sociale. Voilà maintenant six mois que ces 400 personnes végètent à  la Maison Centrale de Coronthie sans jugement. On y trouve  des hommes politiques, des journalistes, des cadres de haut niveau mais aussi des anonymes (des familles entières parfois) cueillis nuitamment chez eux alors qu’ils dînaient ou dormaient du sommeil du juste. Mais le cynisme d’Alpha Condé ne s’arrête pas là : 150 mineurs font partie du lot. A ce jour, 20 d’entre eux ont bénéficié d’une libération conditionnelle, les autres ont été déférés devant le tribunal militaire qui en Guinée sert de siège au tribunal pour enfants.

Cette série de violences vise un objectif clair : intimider le peuple mais aussi et surtout, réduire au silence les opposants les plus irréductibles :

  • Oumar Sylla dit Foyinké Mengué, repsoonsable de la mobilisation et des antennes du FNDC (qui se retrouve pour  la troisième fois derrière les barreaux).
  • Ousmane Gaoual Diallo, ancien député, directeur de la communication du parti d’opposition, UFDG
  • Malick Condé, maire-adjoint de Matam
  • Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale
  • Etienne Soropogui, leader du mouvement « Nos valeurs communes »
  • Cellou Baldé, ancien député
  • Abdoulaye Bah, ancien maire de Kindia
  • Mamadi Condé dit Madic 100 frontières, militant de l’UFDG.
  • Souleymane Condé président de la section FNDC de Boston (USA)
  • Amadou Diouldé Diallo, journaliste, historien

 Détenus arbitrairement et dans des conditions inhumaines (certains sont gravement malades, d’autres même, atteints de Coronavirus), ces martyrs ne doivent pas être oubliés. J’appelle toutes les consciences, tous les démocrates épris de justice et de liberté en Afrique et ailleurs dans le monde,  à signer cette pétition pour demander la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques en Guinée.

Fait à Conakry le 25 Avril 2021.

                                                           Tierno Monénembo écrivain guinéen


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Kouroussa: les racines et les manifestations du malaise social guinéen


Chronique


Les faits : Le 17 avril 2021, une manifestation éclate dans la ville de Kouroussa. Des orpailleurs revendiquent un site d’exploitation concédé à la société Kouroussa Mining. Bilan : deux morts, plusieurs blessés, la résidence du préfet et le domicile du maire saccagés.

Parti pris. Si les manipulations des communautés et le recours à l’ethno stratégie sont les recettes les plus partagées par les autorités guinéennes, il est toutefois, difficile d’anticiper les réactions des populations guinéennes, même des plus fidèles partisans, quand la misère généralisée semble élire domicile en Guinée depuis l’arrivée au pouvoir d’un certain Alpha Condé. Ces populations de l’intérieur du pays qui payent au plus fort l’errance sans visibilité de la gouvernance actuelle et qui, jusque-là semblent se resigner en attendent la « révolution » venir de Conakry, commencent à cerner les enjeux globaux de la politique et de ses impacts sur le quotidien du citoyen. Cette fois-ci, elles semblent déterminer à jouer leur partition en refusant de se laisser « berner autrement » (en réponse au slogan « Gouverner autrement »). Conscientes de l’illégitimité des autorités issues de la forfaiture du 3ème mandat, les catégories socioprofessionnelles comptent maintenir la pression jusqu’à la satisfaction de leurs revendications sectorielles. Pour ce faire, certaines n’hésitent pas à user du chantage si nécessaire pour faire plier les imposteurs en quête de légitimité.

Quand les populations réclament de l’électricité, le gouvernement et son président augmentent la puissance (en kWh) des promesses avec une aisance consternante dans l’art de mentir sans sourciller. Quand ces mêmes populations réclament des écoles, des hôpitaux, des routes, ils s’empressent d’envoyer des missions de terrain pour le rituel d’enfumage de la « pose de la première pierre » et jamais une deuxième. Quand elles dénoncent la violation des lois de la république, ils répliquent par la violence d’état et s’activent (aidés par une horde de courtisans du net) pour entretenir leur « jardin ethnique fleuri de Alpha », qui est sans doute la seule réussite en 10 ans d’égarement de la république avec une unité nationale qui se fissure chaque jour davantage. Alpha Condé et son parti ont toujours entretenu l’illusion de détenir un bastion politique « imprenable » qui serait la Haute Guinée. Si dans les années 90, cette revendication était légitime et qu’il (Alpha Condé) pouvait continuer depuis la France à faire croire au monde entier qu’il était la seule alternative au régime militaire, il est évident que l’entrée en scène de nouveaux acteurs avec de nouvelles offres politiques depuis le début des années 2000 a été un grand désenchantement pour un parti (RPG) piloté de l’extérieur par une figure vestige du monde d’hier qui a montré ses limites à pouvoir s’adapter à cet environnement nouveau où on assiste sans cesse à l’émergence de nouveaux paradigmes politiques et une nouvelle façon de faire de la politique. Cette région de la Haute Guinée, comme toutes les régions d’ailleurs du pays, sont aujourd’hui des espaces géographiques et politiques partagés où le pluralisme politique est réel car les populations dans leur grande majorité commencent à comprendre les enjeux liés au choix éclairé des dirigeants. Le seul paramètre qui explique la survivance de cette illusion de bastion imprenable est la fraude électorale ou l’art de trafiquer la volonté des populations exprimée dans les urnes. Les populations choisissent et les arbitres électoraux désignent les vainqueurs. D’où ce manque de légitimité dont souffrent les dirigeants du pays et qui est un handicap majeur pour un régime même si les acteurs concernés entretiennent un semblant d’autorité.

Distributeur automatique de promesses

Très généreux en promesses dont la formulation porte en elle-même les germes de la rodomontade politique, le responsable du squat de Sekoutoureya est aujourd’hui rattrapé par cette manipulation à outrance qui est sa marque de fabrique assez désuète d’ailleurs parce qu’elle a fini par décrédibiliser la parole de l’homme d’état qu’il est censé incarner. 

Pour vendre la forfaiture du 3ème mandat, ils n’ont pas hésité de rééditer les mêmes promesses complètement saugrenues de 2010 qui, à force de les radoter, sans gêne et sans résultats observables, sont devenues aujourd’hui des classiques de gags politiques en Afrique. De l’usine de bonbons pour les enfants (qui d’ailleurs attendent toujours le premier bonbon) aux logements sociaux qui sont restés à l’étape « pose de la première pierre », Alpha Condé qui s’est révélé être un distributeur automatique de promesses (DAP) est aujourd’hui la risée des réseaux sociaux pour le caractère risible dans la formulation de ses promesses.

Après 10 ans d’apprentissage à sekoutoureya, l’incohérence dans les choix des politiques publiques, les faibles capacités de mobilisation des ressources et la médiocrité des prestations d’une administration publique nourrie par des théories anachroniques sur la gestion publique ont fini par conforter les sceptiques dans leur position critique sur les qualités très discutables de dirigeant de l’actuel occupant illégal de sekoutoureya.

Pendant toute cette période d’égarement de la république qui semble sans fin (même si des signes apparaissent aujourd’hui et permettent une comparaison avec certains évènements majeurs qui ont abouti à des changements de régime), les populations guinéennes quant à elles, ont été englouti par une coulée de boue politique jamais enregistrée dans le pays. Un torrent de manipulations multidimensionnelles sans précédent a déferlé sur la Guinée réveillant sur son passage les stigmates de la division semée et entretenue au lendemain des indépendances. Des pratiques politiques d’un autre âge refont surface avec un objectif qui est celui d’instaurer la terreur pour contraindre les citoyens à l’obéissance au monarque illégitime.

Détournements de deniers publics et misère des populations

Pourtant, les conséquences de la forfaiture du 3ème mandat étaient prévisibles. Un régime qui a été incapable de mobiliser et de sécuriser des ressources internes et externes en 10 ans pour financer son plan de développement, sera dans l’incapacité de faire tourner une machine d’Etat dans un contexte de réajustement des priorités chez les traditionnels partenaires au développement et chez les « amis » du monarque, affairistes miniers (ceux qui ont tiré le gros lot lors de la foire aux permis d’exploitation minière organisée à huis clos au lendemain de l’accession au pouvoir de Alpha Condé). Au détriment des petits exploitants (orpailleurs), le gouvernement n’hésite pas à vendre tout et n’importe quoi au plus offrant, quitte à sacrifier le développement des collectivités locales pour plusieurs décennies à cause du caractère contraignant des contrats pluriannuels signés par les dirigeants actuels.

Aujourd’hui la corrélation est évidente entre les multiples scandales de détournements de deniers publics et la faible capacité de l’Etat à fournir des services sociaux de base aux populations guinéennes. Plus le scandale financier est important plus la personne présumée coupable reçoit le soutien du gouvernement et en premier lieu Alpha Condé. Et le comble du « Sahara » judiciaire dans ce pays, ils sont capables d’engager une procédure judiciaire contre les lanceurs d’alerte. La diligence avec laquelle la machine judiciaire s’emballe dans ce genre de dossier est tout simplement effarant.

Les évènements de Kouroussa sont la résultante d’une gouvernance économique gangrenée par la corruption et les détournements de deniers publics. Du train de vie ostentatoire des dirigeants du pays, à la misère des populations, les compétences reconnues de manipulateur du monarque illégitime ne suffiront pas à maintenir ces populations dans l’ignorance. L’inégale redistribution des richesses issues du sous-sol guinéen, injustement accaparées par les autorités publiques et leurs « amis » miniers et le manque d’accompagnement des petits exploitants locaux, poussent les populations locales à réclamer de sites d’exploitation et à défendre cette économie de survie pour plusieurs familles.

Le problème est à Sekoutoureya et « la solution est entre nos mains ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




RSF demande la libération du journaliste guinéen Amadou Diouldé Diallo


Politique


Inculpé pour “offense au chef de l’Etat”, un journaliste de la Radio télévision guinéenne (RTG) est emprisonné depuis plus de deux semaines alors que la Guinée a dépénalisé les délits de presse. Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate et sans condition et exhorte les autorités à mettre fin aux emprisonnements arbitraires de journalistes.

Le journaliste sportif de la RTGAmadou Diouldé Diallo, reste en prison. La Cour d’appel de Conakry a refusé le 10 mars dernier sa demande de libération conditionnelle. Interpellé sans convocation préalable, le samedi 27 février, à la suite de son passage dans l’émission “L’œil du Lynx” de la radio privée Lynx FM où il s’était exprimé sur le président Alpha Condé et les violences ethniques dans le pays, le journaliste qui est détenu depuis le 1er mars, est inculpé pour “offense au chef de l’Etat”. En mauvaise santé, il a dû être évacué le lendemain de son incarcération dans un hôpital de Conakry.

Contactés par RSF, deux de ses avocats, Alseny Aïssata Diallo et Mohamed Traoré, ont dénoncé une violation de la loi sur les médias, insistant sur le fait que les délits de presse sont dépénalisés dans le pays et ne doivent ainsi pas donner lieu à un emprisonnement. Il ont également annoncé avoir introduit une nouvelle demande de mise en liberté, qui est en cours d’examen.

Rien ne peut justifier le maintien en détention de ce journaliste, dont nous demandons la libération immédiate et sans condition, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Assane Diagne. Les délits de presse étant dépénalisés depuis 2010, l’incarcération de Amadou Diouldé Diallo est illégale et témoigne de la volonté des autorités guinéennes de censurer les voix discordantes. Nous les exhortons à se conformer au respect des dispositions de la loi sur les médias et à libérer ce journaliste qui est actuellement en mauvaise santé.”

En Guinée, les journalistes sont régulièrement arrêtés ou gardés à vue en raison de leur travail. Le mois dernier, le journaliste sportif Ibrahima Sadio Bah a été condamné à six mois de prison ferme et à payer une amende de 500 000 francs guinéens (environ 40 euros) pour ‘’diffamation, injures publiques et dénonciation calomnieuse’’ à l’encontre du président de la Fédération guinéenne de football (FEGUIFOOT), Mamadou Antonio Souaré.

En janvier dernier, la condamnation sur la base du code pénal de trois journalistes de la radio Nostalgie, avait suscité de vives réactions poussant le ministre de la Justice à instruire le parquet de faire une déclaration d’appel contre la décision.

La Guinée occupe la 110e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

RSF 17 mars 2021





En deux mois, quatre prisonniers politiques morts en détention en Guinée [Human Rights Watch]


Politique


Depuis novembre 2020, quatre partisans présumés de l’opposition politique sont décédés après avoir été emprisonnés

Quatre hommes détenus en tant que partisans présumés de l’opposition politique en Guinée sont décédés entre novembre 2020 et janvier 2021, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les quatre hommes faisaient partie des centaines de partisans ou sympathisants présumés de l’opposition arrêtés lors du référendum de mars 2020 et de l’élection présidentielle d’octobre 2020.

Les autorités guinéennes ont imputé ces décès à des maladies ou à des causes naturelles, mais des membres des familles des victimes, leurs avocats et des militants des droits humains ont déclaré que les quatre personnes étaient mortes à la suite de torture ou d’autres mauvais traitements, notamment de mauvaises conditions de détention et du manque d’accès à des soins médicaux adéquats pour de graves problèmes de santé. Le gouvernement guinéen devrait garantir une enquête approfondie, indépendante et transparente sur les circonstances de ces décès.

« Ces décès dans des circonstances suspectes soulèvent de graves préoccupations et devraient faire l’objet d’une enquête rapide et approfondie », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient établir la cause de ces décès, fournir tous les détails pertinents aux familles et poursuivre de manière appropriée tout individu responsable d’actes répréhensibles. »

Entre le 21 janvier et le 7 février 2021, Human Rights Watch s’est entretenu par téléphone avec neuf membres des familles des victimes, une voisine de l’une d’entre elles, quatre avocats et trois membres d’organisations guinéennes de défense des droits humains. L’organisation a également examiné six photographies révélant des lésions sur le corps de l’une des victimes. Human Rights Watch a écrit au ministre guinéen de la Justice, Mory Doumbouya, le 5 mars, pour partager ses conclusions et demander des informations relatives à des questions spécifiques, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication de ce communiqué.

Roger Bamba, âgé de 40 ans, membre du conseil des jeunes de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le principal parti d’opposition du pays, est décédé le 17 décembre. Le porte-parole du ministre de la Justice a déclaré que la cause de la mort était une cirrhose du foie, mais l’épouse de Bamba a accusé le gouvernement de « crime d’État », affirmant que Bamba n’avait pas reçu les soins médicaux adéquats après être tombé malade pendant sa détention.

Ibrahima Sow, âgé de 62 ans, est décédé un mois plus tôt, le 16 novembre. Les autorités guinéennes ont déclaré que sa mort était liée à un diabète, mais sa famille affirme qu’il est décédé des suites de sa torture en détention.

Le 5 décembre, Lamarana Diallo est décédé à l’âge de 22 ans au domicile de sa sœur, le jour de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Des membres de sa famille et un témoin ont assuré que les gardiens de prison avaient ramené Diallo chez lui dans un état de santé déplorable et qu’il était mort des suites de sa torture en détention, une accusation rejetée par le gouvernement.

Oury Barry, 21 ans, est décédé le 16 janvier. Sa famille et son avocat ont déclaré que sa mort était survenue dans sa cellule et qu’il n’avait pas reçu de soins médicaux appropriés pour les mauvais traitements et la maladie dont il avait souffert en détention, mais les autorités ont soutenu qu’il était mort à l’hôpital de « causes naturelles ».

Quatre proches de trois des victimes ont déclaré à Human Rights Watch avoir été menacés par les autorités pour leur dénonciation des abus que ces trois hommes auraient subis derrière les barreaux. « Depuis que nous avons dit aux médias que mon père avait été torturé en prison, les autorités et les forces de sécurité sont à nos trousses », a confié l’un des proches de Sow. « Des hommes en tenue civile sont venus dans notre quartier poser des questions sur moi et ma famille. Mon frère a quitté le pays de crainte d’être arrêté. J’ai reçu des appels anonymes me demandant de rencontrer un colonel concernant le cas de mon père. J’ai peur. »

Les quatre hommes se trouvaient tous en détention provisoire à la Maison centrale de Conakry, notoire pour ses mauvaises conditions d’incarcération et sa surpopulation : conçue pour 300 détenus, elle en accueille actuellement plus de 1 500.

« La surpopulation est un grave problème dans nos centres de détention », a déclaré à Human Rights Watch l’avocat guinéen des droits humains Thierno Souleymane Baldé. « Elle est causée, entre autres, par le recours généralisé à la détention provisoire. On estime que 60% des prisonniers en Guinée font l’objet d’une détention provisoire prolongée. »

La principale prison de Conakry regorge de centaines de membres de l’opposition et de sympathisants arrêtés par les forces de sécurité au moment de la tenue du référendum constitutionnel de mars 2020 et des élections présidentielles d’octobre 2020. « Les gens sont entassés dans des conditions inhumaines et la hausse du nombre de morts est une conséquence prévisible », a constaté un avocat guinéen des droits humains représentant plusieurs détenus politiques.

Selon les médias guinéens, le 7 février, Mamadou Aliou Diaby, un détenu sourd et muet de la Maison centrale de Conakry, avait été retrouvé pendu, un drap noué autour du coup, et le 31 janvier, le corps de la cheffe cuisinière de la Maison centrale de Conakry, Mamadou Hawa Baldé, a été retrouvé sans vie dans un débarras de la prison. Les autorités ont promis de procéder à son autopsie pour établir les circonstances de sa mort, mais toujours selon les médias, Baldé fut inhumée le 1er février sans que ce fût le cas. Les autorités n’ont pas fait de déclaration publique au sujet de la mort de Diaby.

Human Rights Watch documente depuis des années les mauvaises conditions de détention à travers toute la Guinée, ainsi que les arrestations arbitraires, détentions, poursuites judiciairesmeurtresdisparitions forcées, menaces, harcèlement et intimidation dont sont victimes opposants et critiques du gouvernement.

Le 19 janvier, l’ambassade des États-Unis en Guinée s’est dite préoccupée par « les retards pris par les garanties de procédure régulière et le ciblage de l’opposition politique par le gouvernement », déclarant que la mort en détention de membres de l’opposition « remettait en question l’attachement de la Guinée à l’état de droit ». Le 21 janvier, l’Union européenne a exhorté les autorités à ouvrir des enquêtes sur la mort d’opposants politiques en détention et à rendre justice. Cet appel a été réitéré le 27 janvier par le ministre français des Affaires étrangères, qui a demandé aux autorités guinéennes de « faire la lumière » sur les décès survenus en détention, agitant la menace de « mesures » à l’encontre de Conakry.

Le 8 février, des membres de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH) se sont vus refuser l’accès à la Maison centrale de Conakry. « Les autorités pénitentiaires ont dit qu’une autorisation était nécessaire, mais les détenus ont le droit de recevoir des visites », a rappelé un représentant de l’OGDH à Human Rights Watch.

En vertu du droit national et international, notamment les Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique de 2014 (« Lignes directrices Luanda »), adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, les autorités guinéennes sont tenues de fournir aux détenus les mêmes soins de santé qu’aux personnes en liberté et, selon les normes internationales, la détention provisoire ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. En vertu du droit international des droits humains, les autorités guinéennes ont l’obligation de mener une enquête crédible, approfondie et indépendante et de rendre compte de tout décès survenu en détention. Elle devrait identifier toute personne responsable si le décès était dû à une négligence ou à une action illégale et devrait conduire à des poursuites. L’absence d’enquêtes et de poursuites contre les responsables constituerait une violation des obligations de la Guinée de protéger les personnes contre la privation arbitraire de la vie et de fournir un recours utile.

Human Rights Watch a appelé l’ONU et l’Union africaine, y compris le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial de l’UA sur les prisons et les conditions de détention, à fournir une assistance technique et autre dans le cadre de l’enquête guinéenne, ou de mener leurs propres enquêtes si les autorités guinéennes n’agissent pas.

« La mort en détention de quatre prisonniers politiques en seulement deux mois montre que la santé et la sécurité des prisonniers sont gravement menacées en Guinée », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les autorités guinéennes, avec le soutien de partenaires internationaux, devraient enquêter de toute urgence sur les décès récents de prisonniers et remettre en liberté tous ceux qui sont détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits garantis par la Constitution à manifestement pacifiquement et à s’exprimer politiquement. »

Pour lire des informations plus approfondies et des témoignages, veuillez consulter la section ci-dessous.

Ibrahima Sow

Ibrahima Sow, un commerçant âgé de 62 ans, est décédé le 16 novembre à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, à la suite de son transfert depuis la Maison centrale de Conakry. Selon sa famille, il avait été arrêté le 24 octobre à son domicile du quartier Haifa Minière par des gendarmes qui l’accusaient d’appartenir à l’opposition politique.

L’arrestation a eu lieu le jour même où le président sortant Alpha Condé a été confirmé par la commission électorale guinéenne comme étant le vainqueur de l’élection présidentielle, sur fond de troubles publics dans plusieurs quartiers de Conakry, dont celui de Haifa Minière, où les partisans de l’opposition se sont livrés à des affrontements avec ceux du parti au pouvoir et les forces de sécurité.

Accusé de « rassemblement violent et illégal », Sow a été transféré le 25 octobre d’un poste de gendarmerie à la Maison centrale de Conakry, selon les membres de sa famille.

Après sa mort, le porte-parole du ministre guinéen de la Justice a déclaré dans un communiqué que Sow avait été testé positif au Covid-19 à son arrivée à la Maison centrale de Conakry. Le porte-parole a ajouté que Sow y avait été soigné au centre de santé pour les malades du coronavirus jusqu’à son rétablissement le 13 novembre, lorsqu’il a été ramené dans sa cellule. Selon le porte-parole, l’état de santé de Sow était surveillé par les médecins de la prison qui ont décidé de le transférer le 14 novembre à l’Hôpital Ignace Deen, où il a succombé à un diabète deux jours plus tard.

Cependant, quatre membres de la famille de Sow, ainsi que des organisations guinéennes de défense des droits humains et Amnesty International, affirment que la mort de Sow a été causée par des actes de torture ou des mauvais traitements subis en détention.

La fille de Sow, âgée de 32 ans, a confirmé que son père était atteint du Covid-19, pour lequel il avait été soigné au centre de santé de la prison. Mais selon elle également, celui-ci présentait de graves lésions indiquant des maltraitances et des actes de torture infligés la veille de sa mort :

Je suis allée à la Maison centrale pour rendre visite à mon père et lui apporter de la nourriture. Il était en bonne santé. La veille de sa mort, j’y suis retournée et j’ai été choquée de le trouver dans un état catastrophique. Il ne pouvait pas parler ; il ne pouvait ni bouger ni se lever. Ses bras étaient couverts de lésions, comme des brûlures. J’ai immédiatement appelé le médecin de la prison et lui ai demandé de faire quelque chose. Il a décidé de le transférer à l’Hôpital Ignace Deen. Je suis restée avec mon père jusqu’à son décès le lendemain vers 23 heures, à l’hôpital. Mon père n’a jamais souffert de diabète. Je ne sais pas pourquoi le médecin et les autorités ont dit qu’il était mort du diabète. Je pense que mon père a été torturé en détention.

Un médecin légiste qui a analysé six photographies des blessures sur les bras de Sow a déclaré qu’il avait observé « un ensemble de lésions qui semblent linéaires, parallèles les unes aux autres, et avec des cloques », suggérant selon lui des brûlures.

Lamarana Diallo

Lamarana Diallo, un chauffeur âgé de 22 ans, est décédé le 4 décembre, le jour même de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Il avait été arrêté le 2 avril dans le quartier de Wanindara, à Conakry, lors des troubles ayant suivi le référendum controversé du 22 mars, mais était  disparu  depuis, selon des membres de sa famille qui se sont entretenus avec les médias et Amnesty International.

Les membres de la famille de Diallo ont déclaré aux médias que des gardiens de prison l’avaient ramené au domicile de sa sœur dans le quartier de Wanindara, à Conakry, le 4 décembre, expliquant qu’il venait juste d’être libéré de la Maison centrale. Des proches ont déclaré que Diallo était en très mauvaise santé, qu’il présentait des lésions sur tout le corps et que manquaient certaines de ses dents de devant. Une information confirmée à Human Rights Watch par une femme de 29 ans qui a aidé Diallo à son arrivée au domicile de sa sœur :

J’étais dans la rue quand j’ai vu deux gardiens de prison avec Diallo. L’un d’entre eux posait des questions sur la sœur de Diallo. J’ai proposé mon aide parce que je connais la sœur de Diallo. C’est une commerçante, comme moi. Nous vendons tous les deux nos produits sur le même marché. La sœur me disait que son frère, que j’avais vu une fois, avait disparu depuis son arrestation. […] J’ai dit aux gardiens où était la sœur. Quand j’ai regardé Diallo, j’ai été surpris de voir qu’il pouvait à peine marcher et parler. Il avait l’air extrêmement fatigué et ses dents de devant avaient disparu. Les gardiens ont escorté Diallo chez sa sœur qui l’a ramené à la maison. J’y suis allée pour aider, parce que Diallo avait l’air vraiment malade. Sa sœur et moi l’avons lavé et essayé de l’aider, tandis que le frère de Diallo appelait un médecin. Son corps était couvert de blessures ; sa main gauche paralysée. Il avait besoin d’aide pour se lever. Il nous a dit que les gardiens de prison l’avaient passé à tabac. « Ils m’ont frappé, mais je n’ai rien fait », a-t-il dit. La sœur de Diallo pleurait. Lorsque le médecin est arrivé vers 21 heures, je suis rentré chez moi. La sœur de Diallo m’a appelé après minuit pour m’informer que Diallo était décédé.

Selon les médias locaux, le corps de Diallo a été inhumé le 5 décembre au cimetière de Wanindara.

Roger Bamba

Membre éminent de l’UFDG, le principal parti d’opposition guinéen, et assistant parlementaire, Roger Bamba est décédé à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, où il avait été transféré de la Maison centrale de Conakry aux premières heures du 17 décembre.

Selon le porte-parole du ministre guinéen de la Justice, Bamba aurait succombé à « une cirrhose du foie ». Mais des membres de sa famille, des amis proches, des avocats et des membres de l’UFDG ont déclaré à Human Rights Watch que Bamba ne souffrait pas de cirrhose préalablement à son arrestation, estimant qu’il s’était vu refuser des soins de santé indispensables en détention. Le président de l’UFDG, Cellou Diallo, a également corroboré cette absence de soins.

L’épouse de Bamba a déclaré à Human Rights Watch :

Mon mari était en bonne santé avant son arrestation. Je lui ai rendu visite en prison et il était en bonne santé. Il m’a appelé de là vers 20 heures, en disant : « Je suis malade. » Je suis allé à l’hôpital et pouvais à peine le reconnaître. Il avait changé, son visage et son corps avaient changé. Son ventre était enflé. J’étais sous le choc. Le médecin a dit qu’il avait besoin d’une transfusion sanguine. Je suis allé chercher le sang et suis rentrée à l’hôpital vers 22 heures avec [le sang]. Le médecin a dit qu’il devait attendre avant de procéder à la transfusion. Roger souffrait vraiment. J’étais à côté de lui. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas respirer. Il est mort après minuit.

Selon deux membres de l’UFDG et deux de ses proches, Bamba avait été arrêté en septembre par des policiers au bureau du Secrétaire général de l’Assemblée nationale guinéenne, à la suite d’un échange de messages avec un membre du parti au pouvoir. Accusé de « produire, diffuser et rendre disponibles des déclarations susceptibles de causer des troubles à l’ordre public et à la sécurité », il avait été détenu au commissariat de police judiciaire de Conakry pendant une journée avant d’être transféré à la Maison centrale.

Le 22 décembre, sa famille et ses avocats ont écrit au président du Tribunal de première instance de Dixinn pour demander qu’une autopsie soit pratiquée afin d’établir les circonstances du décès de Bamba. Le 28 décembre, cependant, la famille et les avocats ont retiré cette demande.

« Lorsqu’un représentant du ministre de la Justice déclare publiquement et dit aux médias que Bamba est mort d’une cirrhose, quel intérêt à pratiquer une autopsie ? », a déclaré à Human Rights Watch un ami proche et collègue de Bamba. « [Les autorités] semblaient déjà connaître les causes du décès avant qu’un médecin légiste ne puisse les établir. Cela a découragé la famille, la poussant à renoncer à l’autopsie. »

Le corps de Bamba a été inhumé le 10 janvier dans son village natal de Lola, en Guinée forestière.

Mamadou Oury Barry

Le 5 août, dans le quartier de Coza de Conakry, des gendarmes ont arrêté Mamadou Oury Barry, un chauffeur âgé de 21 ans, soupçonné d’avoir participé à des manifestations violentes antigouvernementales dirigées par l’opposition. Il a été placé en détention dans une brigade de gendarmerie à Conakry jusqu’au 7 août, date à laquelle il a été transféré à la Maison centrale. Selon son avocat, Barry a été accusé « d’agression volontaire et de coups et blessures ».

Trois membres de la famille de Barry ont déclaré à Human Rights Watch que Barry n’avait pas reçu de soins médicaux suffisants en détention, et était décédé dans sa cellule le 16 janvier. La mère de Barry a fait le récit suivant :

Le 14 janvier, mon fils m’a appelé et m’a dit qu’il avait mal au ventre. Je suis allée à la prison et j’ai demandé aux gardiens de l’emmener à l’hôpital. Ils ont répondu qu’ils le conduiraient au centre de santé de la prison. Mais je savais que le centre de santé n’était pas optimal et qu’il n’y avait pas de médicaments disponibles. Alors, j’ai acheté des médicaments avec l’intention de les ramener à la prison pour mon fils le lendemain. Mais quand j’ai apporté le médicament, le 15 janvier, j’ai été refoulée. Les gardiens de prison ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas les accepter en l’absence d’ordonnance. Le 16 janvier, vers 14 heures, un détenu qui partageait la cellule avec mon fils m’a appelée pour me dire que mon fils était mort. Alors, j’ai appelé un gardien de prison qui a confirmé l’information et m’a dit que le corps avait été transporté à la morgue de l’Hôpital Ignace Deen.

D’après un membre de la famille qui a identifié le corps à la morgue de l’hôpital le 16 janvier, les employés lui ont dit que le corps de Barry y avait été déposé depuis la Maison centrale de Conakry. Mais les autorités ont déclaré qu’il était décédé à l’hôpital de « causes naturelles ».

Après la mort de Barry, les membres de sa famille se sont adressés aux médias locaux pour dénoncer sa mort en détention et le manque de soins médicaux adéquats. L’oncle de Barry a déclaré à Human Rights Watch avoir rencontré, le 18 janvier, le directeur de la Maison centrale de Conakry dans son bureau pour discuter de la manière de récupérer le corps de Barry à la morgue. L’oncle a poursuivi : « Il m’a dit que, compte tenu des déclarations publiques de la famille, il serait compliqué de récupérer le corps. Il a suggéré que la famille publie une rétractation publique ou amende ses déclarations initiales disant que Barry n’était pas mort à l’hôpital, mais en prison. »

Le 19 janvier, la famille de Barry a déposé une demande officielle auprès du procureur du Tribunal de première instance de Dixinn pour récupérer le corps de Barry à la morgue. La famille a finalement pu l’inhumer le 2 février.

Human Rights Watch 17 mars 2021