Déclaration de Niamey en faveur de la limitation des mandats présidentiels

Un sommet sur le constitutionnalisme et la limitation des mandats présidentiels s’est tenu à Niamey, au Niger, du 2 au 4 octobre 2019 sous invitation du NDI et ses partenaires, notamment la Fondation Kofi Annan, OSIWA et le Africa Forum, avec la participation d’anciens Chefs d’État africains, leaders de la société civile et professionnels des médias, afin d’examiner le constitutionnalisme, la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir exécutif sur le Continent. Les participants remercient vivement le Gouvernement du Niger pour avoir accueilli ce sommet.

Nous, les participants, saluons les progrès accomplis dans les cadres constitutionnels d’une grande majorité des pays africains au cours des trois dernières décennies, notamment, l’adoption de la limitation des mandats présidentiels qui facilite le renouvellement du leadership politique, dans un Continent en pleine mutation démographique, économique et politique. A cela s’ajoutent les efforts de construction d’un Etat de droit à travers le Continent, avec ses corollaires de justice, d’efforts de réconciliation et de renforcement de la cohésion nationale.

Nous relevons cependant que l’on assiste à un recul démocratique suite à des modifications constitutionnelles intempestives, qui ont supprimé le verrou de la limitation des mandats adopté lors du renouveau démocratique des années 1990 qui a marqué la fin de la guerre froide après l’écroulement du Mur de Berlin. Selon le Africa Center for Strategic Studies, sur les 21 pays africains qui ont maintenu les limites de mandats, les chefs d’Etat ne sont au pouvoir que depuis 4 ans, en moyenne. Par contre, le temps moyen au pouvoir pour les 10 dirigeants africains qui ont éludé la limitation de mandats est de 22 ans. Or, la suppression de la limitation du mandat sape la confiance des populations, accroît la concentration du pouvoir entre les mains d’un ou d’une poignée d’individus et réduit de ce fait l’espace politique. Cette tendance entraîne finalement des risques accrus de tension, de violence politique et même de conflits civils.

Nous nous réjouissons que la jeunesse africaine, un groupe démographique important, soit désireuse de participer et de contribuer à son tour à la gouvernance démocratique et au développement du Continent. Cependant, nous regrettons que des chefs d’État ayant duré au pouvoir, limitent des opportunités de participation et de renouvellement du leadership politique, ainsi que de l’alternance démocratique.

Nous affirmons et nous nous engageons donc à :

Promouvoir et défendre les principes du constitutionnalisme, de l’Etat de droit et du respect de la limitation des mandats

Les actions concertées de tous les africains tant au niveau de la base qu’au niveau du sommet, doivent servir à promouvoir le constitutionnalisme et la limitation des mandats. Aussi, nous nous engageons à unir nos voix pour exiger le respect de la limitation des mandats présidentiels, de la règle constitutionnelle et de l’Etat de droit de manière généralisée partout en Afrique. C’est un facteur de paix, de stabilité et de développement.

Individuellement et collectivement, nous nous engageons à promouvoir les principes de constitutionnalisme et d’Etat de droit énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (ci-après “la Charte”) et les constitutions de divers pays africains, concernant notamment la limitation des mandats présidentiels et le renouvellement du leadership politique.

Nous soutenons les aspirations à la consolidation de l’ordre constitutionnel et à l’instauration d’une culture de démocratie et de paix, inscrites dans la Charte, visant aussi à établir des normes de changement politique pacifique à l’échelle continentale. La Charte soutient également la tenue d’élections régulières, crédibles et inclusives et le renforcement des institutions politiques.

Il est alors évident que les révisions constitutionnelles ou les modifications décidées au seul profit d’un individu ou d’une minorité par le biais de la suppression ou de la modification de la limitation des mandats présidentiels sont contraires aux aspirations démocratiques. Bien que de tels changements puissent cadrer avec la loi, ils ne respectent pas la parole donnée qui doit être sacrée et contrarient de ce fait l’esprit de la constitution originale.

Au-delà d’un instrument juridique, les constitutions doivent être considérées comme un engagement moral entre citoyens. Pour cela, des changements constitutionnels substantiels doivent être adoptés par voie référendaire et non pas par vote législatif uniquement.

Faciliter des transferts pacifiques du pouvoir

Nous réaffirmons à nouveau, que les chefs d’État africains, les partis politiques, la société civile, les médias et les citoyens en général ont le devoir de faciliter les transferts pacifiques du pouvoir et doivent créer des environnements propices à une transition sans heurts d’un régime et d’une administration à l’autre.

Nous pensons que des cadres juridiques efficaces permettant des élections transparentes et crédibles, et prévoyant des mécanismes de résolution pacifique des contentieux électoraux, empêchent les désaccords politiques de dégénérer en violence. Par ailleurs, nous apportons notre soutien aux lois adoptées dans plusieurs pays africains qui facilitent le transfert pacifique du pouvoir exécutif et permettent une collaboration constructive entre les gouvernements successifs.

Nous encourageons les pays à adopter les procédures appropriées permettant aux Présidents en exercice de procéder à un transfert pacifique du pouvoir au prochain gouvernement, avec une redevabilité effective en matière de transfert d’actifs et d’autorité administrative. Nous exhortons les Présidents en exercice à établir des délais rapides pour faciliter le respect de ces procédures.

Encourager un consensus national et continental sur le respect des limites du mandat présidentiel 

Nous appelons tous les africains à réaffirmer leur volonté de soutenir les progrès démocratiques   réalisés sur le Continent en souscrivant à cette Déclaration de principes en faveur du constitutionnalisme, de l’Etat de droit et du respect de la durée du mandat présidentiel.

Nous appuyons la ratification, la domestication et la mise en œuvre de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et de tout instrument conventionnel pertinent renforçant le constitutionnalisme sur le Continent. Cela permettrait le renforcement de l’Etat de droit et l’établissement des institutions dans leur esprit et dans la lettre. Nous encourageons également la création ou le renforcement de mécanismes de dialogue politique et social à l’intérieur des différents pays.

Nous exhortons les anciens dirigeants, à travers leurs bons offices et en collaboration avec la société civile et les médias, à poursuivre leurs efforts pour renforcer la démocratie sur le Continent et, le cas échéant, à servir de médiateurs et de pacificateurs. Ces actions confirmeront aux Présidents en exercice qu’il existe une vie digne et utile après le Palais présidentiel.

Nous soutenons l’utilisation de cette déclaration comme outil de plaidoyer pour mettre à la disposition des peuples africains les moyens de tenir leurs dirigeants responsables et de les inciter à s’engager pleinement en faveur de la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels.

Fait à Niamey, le 4 octobre 2019

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Plusieurs anciens chefs d’états, des constitutionnalistes de renommée mondiale sont à Niamey dans le cadre d’une Conférence internationale sur le Constitutionnalisme et la Consolidation de la Démocratie en Afrique.

Nicéphore Soglo du Benin, Goodluck Jonathan du Nigeria, Mahamane Ousmane ,ancien président du Niger, ainsi que l’ancienne présidente du Liberia Ellen Johnson Searlef sont invités à la réunion.

Le chef de l’état nigérien Issoufou Mahamadou hôte du sommet a réaffirmé son engagement à ne pas se représenter en 2021.

« Je respecterai scrupuleusement les dispositions de la République du Niger. Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu, ce sera une première dans notre pays depuis son accession à l’indépendance » à déclaré le président Issoufou Mahamadou.

Tout en faisant remarquer qu’en Afrique, 35 pays ont limité les mandats, 12 n’ont aucune limitation, six ayant aboli la limitation et deux ayant modifié la limitation Issoufou Mahamadou a ajouté que « le peuple aspire au changement de manière périodique et la limitation de mandats lui offre cette opportunité ».

Selon un participant, l’objectif de la rencontre de Niamey est d’amener les dirigeants africains notamment ceux de la sous-région à éviter de modifier la constitution de leur pays pour s’éterniser au pouvoir.

Un signal fort pour dissuader certains présidents de la sous-région qu’il “y a une vie après la présidence” dira le participant.

Les discussions qui dureront trois jours, sont organisées par le National Democratic Institute (NDI) en partenariat avec Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), Africa Forum et la Fondation Koffi Annan.

Le Niger se prépare à des élections présidentielles en 2021 au cours desquelles interviendra pour la première fois , une passation du pouvoir entre deux présidents élus démocratiquement.

Lire la source : Non à un troisième mandat sur le continent en discussion à Niamey (NB: le titre et les illustrations sont différents)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Villes minières : question de survie après la fermeture de mines


En Afrique, lorsqu’une mine ferme, elle laisse souvent derrière elle désarroi, pauvreté, chômage et d’importants problèmes sociaux.


Tel est le constat de chercheurs de plusieurs pays lors d’une récente rencontre à Fria (Guinée) sur l’avenir des villes minières après la fermeture des mines.

Selon les participants, les problèmes soulevés par ces fermetures révèlent les limites du modèle minier en vigueur dans plusieurs pays.

La chercheure Bonnie Campbell. Crédit photo: SciDev.Net

La chercheure Bonnie Campbell, spécialiste des industries extractives et directrice sortante du Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société à l’Université du Québec à Montréal, analyse la situation.

Quel est aujourd’hui l’enjeu des fermetures de mines en Afrique?

Tout d’abord les fermetures des mines sont inévitables et elles deviendront de plus en plus fréquentes. De plus, si l’on écoute les témoignages provenant que ce soit de Guinée ou d’Afrique du Sud à titre d’exemples, on apprend que lorsque les opérations cessent, le plus souvent le gouvernement dit ne rien pouvoir faire et la population a l’impression d’être prise en otage.

Concrètement, quels sont les problèmes qui se posent?

Pour expliquer ce phénomène il faut tenir compte du modèle minier qui a été introduit et institutionnalisé en Afrique à travers les réformes successives des réglementations minières au cours des 30 dernières années et qui ont donné lieu à ce qui pourrait s’appeler le “tout minier”. On a misé presque exclusivement sur l’activité minière. Ce qui s’est longtemps traduit par de généreuses mesures d’incitation et dérogations parce que l’idée de base consistait à voir dans l’activité minière un moteur de développement et de réduction de la pauvreté.

Il est aussi aisé de constater que ces réformes et politiques sont mises en place en tenant compte avant tout des besoins des compagnies minières sans forcément intégrer le développement national ou local à long terme. Pendant longtemps, il y avait aussi très peu de considération pour les impacts environnementaux et sociaux des activités minières. Ce modèle voyait dans l’industrie minière le propriétaire et l’opérateur des activités. Ce qui a entraîné un retrait et parfois une absence sélective des États de la gestion du secteur, laissant la place à l’investissement privé. Ceci a eu pour conséquence un certain transfert des fonctions publiques (services, routes, sécurité, etc.) vers les acteurs privés.

Du coup lorsque les mines ferment, l’absence de l’État se fait sentir durement. Souvent, les populations perdent l’accès à l’eau, à l’électricité et aux services sociaux parce que tout cela était fourni par la mine. De plus, elles subissent souvent les impacts environnementaux non maîtrisés pendant la vie de la mine. Les fermetures de mines sont en quelque sorte révélatrices des limites du modèle minier en place. Et ce n’est pas l’apanage de l’Afrique.

Quelles solutions sont-elles envisageables face à ce problème?

Depuis plus d’une dizaine d’années en Afrique, chercheurs et décideurs travaillent ensemble et notamment à la Commission économique pour l’Afrique, pour contribuer au renouvellement de la réflexion sur les politiques et stratégies dans le domaine minier. Ainsi, notons l’adoption en 2009 par l’Union africaine de la Vision minière africaine qui est un appel à la transformation majeure du rôle et de la place du secteur dans le développement en Afrique. Une de ses idées-clés est que les activités d’exploitation minière devraient contribuer à un processus entretenu de transformation structurelle des sociétés en créant des liens intersectoriels en amont et en aval, afin de réduire la dépendance des communautés vis-à-vis d’un seul secteur. Si l’activité minière ne suscite pas ce type de résultat, il est recommandé de laisser le minerai dans la terre jusqu’au moment où de telles conditions seront réunies.

Bref, il s’agit d’abandonner l’ancien modèle minier mono-sectoriel, extraverti et colonial, en faveur d’un nouveau qui prend en compte les activités de développement de façon plus générale. Un tel renouvellement implique de mettre au premier plan les pouvoirs publics pour impulser les changements nécessaires et pour qu’ils soient des acteurs de la livraison des services; question d’être certain qu’en cas de fermeture des mines, les populations ne seront pas privées des services essentiels.

Quelle est la place de la recherche dans cette dynamique?

Entre autres, la recherche peut analyser des perspectives comparatives et permettre aux pays d’apprendre des autres cas de fermeture afin de prévoir et amortir les impacts négatifs qui accompagneraient le phénomène là où il ne s’est pas encore produit et surtout de tirer exemple des meilleures pratiques mises en place ailleurs. Nous pouvons aussi aider à la création de bases de données pour comprendre ce qui se passe sur le terrain.

Cet article a été publié pour la première fois le 04/01/18 sur le site scidev.net