Démocratie en Afrique: entre transitions inachevées et résurgences autoritaires


Par Sékou Chérif DIALLO


L’Afrique de l’Ouest est confrontée depuis plusieurs années à une recrudescence inquiétante des coups d’État militaires. En 2023 seulement, les dirigeants du Niger et du Gabon ont été renversés par des putschs. Au total, six pays de la région ont vu leur régime déposé par l’armée en seulement quatre ans.

Cette instabilité politique sévère affecte particulièrement des États déjà fragilisés par la menace jihadiste et les crises économiques, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’insurrection islamiste qui déstabilise le Sahel depuis plusieurs années semble avoir catalysé les velléités putschistes de certains hauts gradés.

La Guinée illustre bien les causes profondes de cette résurgence des coups d’État. Avant d’être renversé en 2021, le régime du président Alpha Condé était confronté à une contestation grandissante en raison de la corruption, du népotisme et de la dérive autoritaire du pouvoir.

La Guinée a connu de nombreux coups d’État dans son histoire récente, reflétant l’instabilité politique et le manque de démocratie véritable dans ce pays. Cependant, légitimer ces prises de pouvoir par la force pourrait banaliser des pratiques dangereuses pour les droits humains et le bien-être des citoyens, comme l’ont montré les régimes autoritaires issus des coups d’État de 1984 et 2008.

Depuis les années 1990, une vague de démocratisation a pourtant traversé l’Afrique subsaharienne, rompant avec des décennies de régimes autoritaires hérités des indépendances. Plus de trente ans après le début de ce mouvement historique, il convient de dresser un premier bilan sur les progrès et les limites de la démocratisation en Afrique subsaharienne.

Si des progrès certains sont incontestables, de nombreux observateurs soulignent la fragilité des expériences démocratiques émergentes, régulièrement battues en brèche par des logiques autoritaires persistances. Entre espoirs suscités et résistances constatées, le processus chaotique de démocratisation semble donc loin d’être achevé et irréversible.

Entre avancées indéniables et fragilités persistantes

Sous la pression conjuguée des revendications citoyennes locales et de la communauté internationale, la plupart des régimes africains ont été contraints d’entreprendre des réformes politiques d’ouverture démocratique. Cette période a été marquée par l’adoption de nouvelles constitutions, la légalisation du multipartisme et l’organisation régulière d’élections pluralistes dans la grande majorité des pays du continent.

A première vue, ces changements peuvent apparaître comme les signes tangibles d’une transition démocratique profonde. Pourtant, de nombreux analystes politiques soulignent les importants revers qui sont venus tempérer ces avancées prometteuses.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique : succès et résistances”[1], Guèye dresse un bilan nuancé du processus de démocratisation engagé en Afrique depuis le début des années 1990. Il met en lumière des progrès notables mais insiste également sur les fragilités persistantes.

Parmi les succès, l’auteur relève l’adoption de nouvelles constitutions garantissant le pluralisme politique, la reconnaissance de l’opposition et les libertés fondamentales. Bien que ces textes restent parfois contournés dans les faits, leur seule proclamation marque une rupture symbolique avec le monolithisme des régimes précédents. Elle ouvre la voie à une participation légale des opposants aux élections.

De plus, la limitation du nombre de mandats présidentiels désormais inscrite dans la plupart des constitutions, de même que le renforcement des prérogatives des parlements, témoignent d’une volonté d’encadrer l’action politique et de limiter l’arbitraire du pouvoir exécutif. Cette ébauche d’État de droit contraste avec l’autoritarisme des décennies post-indépendances.

Mais le progrès le plus notable demeure l’organisation régulière d’élections pluralistes depuis 1990, avec une crédibilité croissante. L’observation internationale indépendante des scrutins s’est généralisée, renforçant leur légitimité. Surtout, dans plusieurs pays, ces élections ont permis une véritable alternance démocratique au pouvoir.

Ces exemples concrets de sanction électorale de gouvernants en place et de passage pacifique du pouvoir à l’opposition, constituent des avancées décisives. Ils sont le signe tangible d’une démocratisation réelle, au-delà des façades institutionnelles.

Les entraves à la démocratisation de l’Afrique

L’analyse de Guèye (2009) met en lumière des résistances qui fragilisent les expériences démocratiques sur le continent. Il pointe notamment la concentration excessive des pouvoirs entre les mains du président, au détriment du contrôle de l’action gouvernementale par l’opposition. Les modifications récurrentes des constitutions visant à abolir les limites de mandats présidentiels sapent l’enracinement de l’État de droit. Ces révisions ad hoc pour permettre à un chef de l’État sortant de se représenter indéfiniment sont clairement antidémocratiques.

Le présidentialisme autoritaire hérité de la période postcoloniale persiste: dans bien des pays, le chef de l’État conserve des prérogatives étendues lui permettant de contrôler étroitement le jeu politique. Les contre-pouvoirs du parlement et de la justice demeurent souvent limités face à un exécutif dominateur.

Par ailleurs, de nombreux scrutins depuis 1990, malgré un cadre formel multipartite, ont été entachés d’irrégularités suffisamment graves pour en fausser la validité. Fraudes électorales, obstacles aux candidatures d’opposants, pressions sur les électeurs, falsifications des résultats… ces pratiques perdurent et biaisent l’expression démocratique.

Ces dérives alimentent logiquement la contestation virulente des résultats par les perdants et des crises post-électorales parfois violentes comme au Kenya en 2007[2]

Loin de canaliser pacifiquement les antagonismes, les élections deviennent un facteur d’instabilité. Le recours fréquent à des juges politisés pour invalider des résultats contestés sape aussi l’indépendance de la justice.

Plus généralement, la montée de l’abstention traduit une désillusion croissante des citoyens. Les taux de participation chutent, révélant la lassitude face à des scrutins perçus comme de vaines mascarades. Cette « fatigue démocratique » montre que les élections n’ont pas encore acquis de pleine légitimité.

Dans la même veine, Sakpane-Gbati (2011) [3] offre un regard similaire, mettant en lumière une “démocratie à l’africaine” caractérisée par la concentration du pouvoir exécutif, des élections entachées de fraudes, une implantation superficielle des partis, le rôle déstabilisateur des armées, l’absence de véritable débat public, et la persistance de la corruption. Selon lui, ce modèle a apporté des progrès mais doit évoluer pour renforcer l’État de droit et ancrer une réelle culture démocratique.

Un constat largement partagé par Jacquemot (2022), dans son essai “Afrique : La démocratie à l’épreuve”[4], qui dresse un bilan nuancé des processus de démocratisation depuis 1990. Il note que le continent a massivement adopté le système électoral multipartite au cours des 30 dernières années, avec l’organisation de plus de 600 scrutins nationaux depuis 1990. Cette généralisation du vote multipartite témoigne d’une volonté réelle d’instaurer la démocratie à travers des élections libres et transparentes.

Cependant, Jacquemot souligne que de nombreux pays peinent à passer d’une “démocratie procédurale” limitée à l’organisation d’élections, à une “démocratie substantielle” intégrant pleinement les libertés fondamentales. En dépit de la multiplication des scrutins, les institutions démocratiques restent fragiles et l’alternance politique n’est pas garantie.

L’auteur identifie plusieurs résistances qui entravent l’enracinement d’une véritable culture démocratique sur le continent. Tout d’abord, la manipulation des élections est fréquente, à travers des fraudes sur les listes électorales, des entraves aux candidatures d’opposition, ou des falsifications des résultats. Ensuite, les résultats sont souvent contestés et débouchent sur des crises post-électorales. Les mandats des dirigeants ne sont pas toujours respectés, avec des modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. L’abstention croissante traduit aussi une désillusion démocratique des citoyens. Enfin, le retour récurrent des militaires au pouvoir par des coups d’État, comme récemment au Mali ou au Burkina Faso, remet en cause la démocratie électorale.

Au-delà des élections, les libertés fondamentales restent restreintes dans de nombreux pays et la justice manque d’indépendance. La corruption demeure un fléau qui sape les efforts de démocratisation. Cette “démocratie substantielle” tant attendue peine à advenir.

Face à ces limites, de nouvelles formes d’expression politique émergent en dehors des urnes, à travers la société civile et les réseaux sociaux. Jacquemot s’interroge toutefois, sur leur capacité à renouveler l’exercice démocratique.

Par ailleurs, le retour en force des militaires sur la scène politique à travers une série de coups d’État, notamment en Afrique de l’Ouest, sonne comme un sérieux rappel à l’ordre. Ces putschs témoignent d’une persistance de la « vocation politique de l’armée » que l’on croyait révolue.

S’intéressant plus particulièrement à l’Afrique de l’Ouest, Jacquemot (2022) constate le retour des coups d’État militaires. Ces putschs bénéficient souvent d’un large soutien populaire, reflétant la défiance envers les régimes civils en place, jugés corrompus et incompétents. Pour l’auteur, cette reprise en main autoritaire du pouvoir par les armées marque l’échec du modèle de la “démocratie électorale”. Incapables de répondre aux attentes des populations, les régimes civils laissent un vide que les militaires occupent en renversant des dirigeants discrédités. Les putschistes promettent une transition politique et un retour rapide des civils au pouvoir. Mais dans les faits, ils dissolvent les institutions existantes et contrôlent étroitement le processus selon leurs intérêts. Cette mainmise risque de reproduire un cycle infernal de coup d’État-élections-coup d’État, sans enraciner durablement la démocratie.

Enfin, l’auteur nuance l’idée d’un “vote ethnique” systématique sur le continent. Il souligne la complexité de ce phénomène, qui n’est pas toujours déterminant dans les choix électoraux. Pierre Jacquemot constate que l’ethnicité ressort surtout en période de tensions, mais tend à s’estomper avec la modernisation de la société.

Une adoption laborieuse aux racines anciennes

Bien avant la colonisation et l’importation des modèles politiques occidentaux, certaines sociétés précoloniales africaines intégraient des éléments pouvant être rapprochés de pratiques démocratiques modernes : élections de chefs, destitution des dirigeants jugés illégitimes ou tyranniques, délibérations collectives, etc.

Ainsi, chez les Igbo[5] du Nigeria ou les Mossi[6] du Burkina Faso, des formes de gouvernement consultatif existaient. Les Akan[7] considéraient que le pouvoir du chef émanait du peuple et pouvait lui être retiré. Ces exemples attestent que des conceptions du pouvoir intégrant une dimension participative ou contrôlée n’étaient pas étrangères aux cultures politiques locales antécoloniales. Certains intellectuels et leaders nationalistes du 20ème siècle s’appuieront d’ailleurs sur ce passé idéalisé pour revendiquer l’existence d’une « démocratie à l’africaine » authentique.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle”[8], Quantin présente le modèle controversé de la “démocratie à l’africaine”. Selon ce modèle, il existait dans les sociétés précoloniales des éléments démocratiques tels que l’élection des chefs ou la destitution des dirigeants. Certains y voient la preuve d’une démocratie authentiquement africaine.

Démontrant que l’idée d’une inaptitude congénitale de l’Afrique à la démocratie relève du cliché, le politologue Fred Eboko retrace dans un article intitulé “L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie”[9], extrait de “L’Afrique des idées reçues” (2006), l’histoire chaotique mais bien réelle de la démocratisation du continent depuis la période précoloniale.

C’est avec la colonisation et l’introduction du modèle occidental que seront posées les bases de la démocratie moderne en Afrique. Dès les années 1920, les puissances coloniales mettent en place des assemblées représentatives localement élues. Puis dans les années 1950, de véritables élections pluralistes sont organisées. Malgré son contexte colonial, cette adoption précoce du suffrage marquera durablement les esprits.

Cependant, après les indépendances des années 1960, la plupart des nouveaux régimes mettent en place des partis uniques, verrouillant le jeu politique. Le modèle dominant devient alors celui d’un « socialisme africain » autoritaire. Les élections perdent leur sens démocratique pluraliste.

Dans un article paru en 2000, intitulé «Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation» [10] Quantin retrace l’histoire mouvementée de la démocratie électorale en Afrique depuis les indépendances. Son analyse nuancée bat en brèche l’idée que le vote serait étranger aux traditions politiques africaines. Il montre que l’institutionnalisation laborieuse des élections n’est pas propre à l’Afrique et appelle à une analyse comparative avec l’Occident.

Plus de trente ans après les transitions démocratiques des années 1990, les systèmes politiques africains demeurent hybrides, oscillant entre ouverture et autoritarisme. Cette hybridation atteste de la difficulté du modèle libéral à s’implanter tel quel. Pour Quantin (2009), le référentiel démocratique en Afrique est composite, fait de différentes strates historiques, sans qu’un modèle unique ne s’impose. Le processus chaotique de démocratisation en Afrique n’est pas si différent de celui qu’ont connu les démocraties occidentales.


NOTES

[1] Guèye, B. (2009). La démocratie en Afrique : succès et résistances. Pouvoirs, 129, 5-26. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0005

[2] Somerville, K. (2011). Violences et discours radiophoniques de haine au Kenya: Problèmes de définition et d’identification. Afrique contemporaine, 240, 125-140. https://doi.org/10.3917/afco.240.0125

[3] Biléou Sakpane-Gbati, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2 | 2011 http://journals.openedition.org/ethiquepublique/679

[4] Pierre Jacquemot. Afrique, la démocratie à l’épreuve. Fondation Jean-Jaurès. Fondation jean-Jaurès-Edition de l’Aube, 2022. https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/04/Essai-Afrique-democratie.pdf

[5] Uchenna Osigwe, « Démocratie et consensus: le cas igbo », Revue Phares, Vol 6, 2006, Université Laval. https://revuephares.com/wp-content/uploads/2013/08/Phares-VI.pdf

[6] Tiendrebeogo Yamba. Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou. In: Journal de la Société des Africanistes, 1963, tome 33. https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1963_num_33_1_1365

[7] PERROT, Claude-Hélène. Le pouvoir du roi et ses limitations dans un royaume akan de Côte d’Ivoire In : Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui.Presses universitaires de Rennes, 2015. https://books.openedition.org/pur/62371?lang=fr

[8] Quantin, P. (2009). La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. Pouvoirs, 129, 65 76. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0065

[9] Eboko Fred. L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. In : Courade Georges (dir.). L’Afrique des idées reçues. Paris : Belin, 2006, p. 197-204. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers21-03/010038499.pdf

[10] QUANTIN, P., Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation, Bordeaux, Centre d’Étude d’Afrique Noire/I.E.P. de Bordeaux, 2000, p. 2. http://polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/quantin1.pdf


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




Les putschistes demandent un délai à la Cédéao pour fixer la durée de la transition


Politique/Transition


Les deux pays, suspendus des instances de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, avaient jusqu’au lundi 25 avril pour proposer un calendrier.

Le Burkina Faso et la Guinée, où des militaires ont pris le pouvoir par la force, ont demandé à leurs voisins ouest-africains un délai supplémentaire afin de présenter un calendrier pour la transition après l’expiration d’un ultimatum lundi, a indiqué mercredi 27 avril la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

« Le Burkina Faso a souhaité disposer d’un délai supplémentaire par rapport à l’échéance du 25 avril » fixée par les chefs d’Etat ouest-africains un mois auparavant, « afin de poursuivre les consultations sur diverses questions », selon un communiqué de la Cédéao. De son côté, « la Guinée a présenté les évolutions récentes concernant le processus de transition et souhaité également avoir davantage de temps par rapport à l’échéance du 25 avril », afin de « permettre la poursuite des consultations », ajoute l’organisation.

La Cédéao annonce qu’elle enverra des missions dans ces deux pays avant un prochain sommet des chefs d’Etat, à des dates non précisées. Publiquement, les autorités des deux pays ont clairement indiqué qu’elles n’entendaient pas se soumettre aux exigences de la Cédéao, au risque de se voir imposer de nouvelles sanctions.

Sanctions économiques

« La question du délai [pour la transition], nous, Burkinabés, nous l’avons déjà tranchée et c’est trois ans », a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement burkinabé, Lionel Bilgo, à la sortie du conseil des ministres. « Le Burkina Faso a fait des choix, parmi lesquels définir la durée de la transition […] consensuellement avec les forces vives de la nation [et en tenant] compte du contexte de sécurité nationale », a-t-il ajouté, indiquant que le pays « n’a pas reçu de notification de la part de la Cédéao ».

Du côté de Conakry, le gouvernement guinéen a martelé mardi qu’il n’agirait pas « sous des contraintes ou sous le diktat de qui que ce soit »« Rien n’est exclu », a répondu le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual, à une question sur l’éventualité que la Guinée se retire de la Cédéao.

Le colonel Mamady Doumbouya est à la tête de la Guinée depuis septembre 2021 après avoir renversé Alpha Condé. Au Burkina, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a pris le pouvoir fin janvier lors d’un coup d’Etat qui a fait tomber Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’être incapable d’enrayer la violence djihadiste qui frappe le pays. Les deux pays ont été suspendus des instances de la Cédéao et la Guinée frappée de sanctions économiques. Un autre pays de la région, le Mali, qui a connu deux putschs depuis août 2020, est également suspendu et touché par d’importantes sanctions.


Cet article est republié à partir de lemonde.fr. Lire l’original ici.





Forces spéciales en Afrique: de la lutte contre le terrorisme aux coups d’État, histoire d’une imposture

Transition/Afrique


« … J’ai demandé l’année dernière des munitions pour entraîner mes troupes au tir, mais [je] ne les ai jamais reçues parce que mes dirigeants [politiques] craignent que je m’en serve pour provoquer un coup d’État… », ainsi s’exprimait le commandant Mamadi Doumbouya dans le cadre d’un témoignage livré à l’occasion du colloque organisé à l’école militaire de Paris le 27 novembre 2017 sur le thème de la prise en compte de l’interculturalité dans les actions militaires.

Ironie du sort, un coup d’État militaire, perpétré par le Groupement des forces spéciales (GFS), a renversé le régime du président Alpha Condé le 5 septembre 2021, après que ces fameuses munitions destinées à l’entrainement ont été mises à la disposition du désormais colonel Mamadi Doumbouya. De façon analogue, le double coup d’État intervenu au Mali est l’œuvre du Bataillon autonome des forces spéciales (BAFS) dirigé par le colonel Assimi Goïta. À ce même titre, ce sont les éléments de l’armée burkinabè directement en charge de la lutte contre le terrorisme qui ont pris le leadership dans le coup d’État intervenu dans ce pays.

Ces trois exemples illustrent un paradoxe ouest-africain. Ces unités d’élite des armées mises en place pour défendre leurs pays respectifs contre le terrorisme et d’autres types de menaces, se retrouvent aujourd’hui à la tête de ces États à la faveur des coups d’État, et exercent des fonctions politiques pour lesquelles elles ne sont pas formées.

Par conséquent, il nous appartient de nous interroger si la lutte antiterroriste ou les dérives dictatoriales dans un pays suffisent pour s’accaparer du pouvoir civil sans jamais donner une visibilité sur le retour à l’ordre constitutionnel tel qu’il résulte des transitions malienne et guinéenne. En d’autres termes, au regard des volontés de confiscation du pouvoir politique qui se manifestent dans ces deux pays, sommes-nous en droit de considérer ces forces spéciales comme une imposture ? et Comment les pouvoirs civils peuvent-ils se renouveler pour éviter les coups d’État à l’avenir ?

Forces spéciales, des résultats limités dans la lutte anti-terroriste

Les conséquences directes de la guerre en Libye se sont traduites par l’émergence avec acuité de nouveaux problèmes de sécurité et de stabilité dans notre sous-région. La colonne de blindés qui se dirigeait tout droit vers Bamako en 2013 n’a été arrêtée qu’avec le concours de l’armée française. Ce terrorisme, naguère présent dans la zone sahélienne sans représenter un danger direct pour l’État central, est devenu aujourd’hui une menace existentielle beaucoup plus importante pour la survie même de nos États ouest-africains à l’image de ce qui s’est produit sur les parties des territoires de la Syrie et de l’Irak sous le joug de l’État islamique. Rien pourtant ne préparait nos États à cet enjeu de sécurité et de stabilité.

C’est à cet instar que les forces spéciales ont été instituées un peu partout en Afrique de l’Ouest dans le cadre de vastes programmes de réformes des secteurs de la sécurité touchant à la fois la police, la gendarmerie et les armées. La coopération internationale a été d’une grande aide dans cette démarche.  Particulièrement, des forces spéciales, unités d’élite des forces armées surentraînées et bien équipées pour tenir tête aux djihadistes ont été constituées et rendues opérationnelles à travers notre sous-région.

Mais il faut avouer tout d’abord que les résultats militaires ne sont pas au rendez-vous, en partie en raison de leur manque d’expérience dans la lutte antiterroriste.

Le terrorisme est une guerre non conventionnelle, qui nécessite des stratégies et techniques particulières, et nos armées se retrouvent souvent dépassées par ce phénomène, notamment au Mali, avec un bilan humain et matériel loin d’être satisfaisant. Il faut rappeler que même les armées les plus puissantes au monde continuent de mener cette lutte, sur leurs territoires et ailleurs dans le monde, en se servant régulièrement des expériences acquises de façon très douloureuse pour améliorer continûment leurs méthodes et techniques de lutte contre le terrorisme. C’est en ce sens qu’il est primordial de renforcer nos partenariats avec ces puissances occidentales pour continuer à former et équiper nos militaires et leur inculquer un savoir-faire indispensable aux échanges d’informations et à l’obtention des résultats palpables pour nos forces de défense et de sécurité.

Dans le cas guinéen, c’est davantage le manque de professionnalisme des forces de défense et de sécurité qu’il convient de souligner. C’est un fait qui caractérise notre armée depuis l’accession à l’indépendance de notre pays et en dépit de tous les investissements réalisés dans ce domaine par les gouvernements successifs. Beaucoup de pays voisins ont pourtant réussi à améliorer le professionnalisme de leurs forces armées notamment le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire pendant que la Guinée se démène encore sur ce sujet. Les forces spéciales n’ont pas réussi à changer cette image peu reluisante.

Les forces spéciales, une solution erronée pour des problèmes réels

Depuis quelques années désormais, ces unités d’élite des forces armées se sont peu à peu éloignées de leur mission initiale et fondamentale de lutte contre le terrorisme et de sauvegarde de l’intégrité territoriale pour se reconvertir de facto en politiques par le truchement des renversements de gouvernements élus. Ce fut le cas au Mali, en Guinée et au Burkina Faso comme évoqué plus haut. Aussitôt arrivé au pouvoir, ces juntes revêtent une forme de pseudo-nationalisme, se drapent dans une sorte de panafricanisme du dimanche, et s’érigent contre la communauté internationale, simplement parce que celle-ci dénonce par principe tous les coups d’État et appelle à un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Cet état de fait pose un sérieux problème, empêche dans nos pays des alternances politiques et pacifiques régulières et altère les acquis démocratiques précédemment enregistrés.

Faire ce constat ne signifie pas qu’il faille occulter les problèmes posés par les régimes civils. La véritable problématique, résultant de l’incapacité de ces pouvoirs élus à satisfaire les besoins primaires de leurs populations, reste tout entière. En ce sens, le tripatouillage constitutionnel et la mauvaise gouvernance doivent être combattus sous toutes ses formes. Comme en Guinée, la modification constitutionnelle irrégulière a représenté la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce fut le prétexte parfait pour ceux-là mêmes qui ont pourtant été le bras armé du pouvoir d’Alpha Condé pour réprimer les militants opposés à ces révisions constitutionnelles. Au Mali et au Burkina-Faso, c’est l’absence de moyens et de résultats dans la lutte antiterroriste et les problèmes de gouvernance qui ont été évoqués pour justifier les putschs. Il faut avouer que c’est un bien curieux procès fait au pouvoir civil par ceux-là même qui sont formés pour apporter des solutions et mener cette lutte contre le terrorisme.

On retrouve encore des éléments de ces forces spéciales en grand nombre se balader dans les rues avec des équipements tactiques et des engins de guerre, en dehors de tout cadre légal, contribuant au passage à renforcer le sentiment d’insécurité dans nos pays.

Par ailleurs, le fait que nous nous retrouvons, après plusieurs mois déjà, dans un processus de transition où on ne parle encore que de la durée de la transition et du chronogramme en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, notamment en Guinée et au Mali, prouve à suffisance que le recours à ces forces spéciales n’est pas une bonne solution pour diriger un État. Il ne pouvait s’agir au mieux que d’une solution temporaire. Nous observons en outre le mépris opposé par ces autorités militaires à l’égard de la main tendue de la classe politique, la société civile et la communauté internationale afin de collaborer à la définition d’un agenda pour favoriser la sortie de la transition par l’organisation d’élections inclusives, libres et transparentes.

En tout état de cause, nous pouvons effectivement considérer ces forces spéciales comme une double imposture. Une imposture pour avoir délaissé les missions qui leur ont été confiées et pour lesquelles elles ont été chèrement formées aux frais du contribuable, avec un faible résultat dans la lutte contre le terrorisme notamment au Mali et au Burkina-Faso. Ce délaissement expose ces pays à des risques non maitrisés. Mais plus grave encore, une imposture politique pour avoir trahi les espoirs qu’ils ont fait naitre au lendemain des coups d’États.

Forces spéciales et classe politique, quelles solutions pour éviter ces dépassements de fonctions?

Si ces problèmes d’imposture des forces spéciales d’un côté et quelquefois l’inefficacité du pouvoir politique de l’autre restent prégnants, des solutions vigoureuses s’imposent pour arrêter ce mouvement de balancier entre coup d’État militaire et régimes issus d’élections.

Sur le plan militaire, les actions peuvent porter sur 3 points complémentaires :

  • Il convient tout d’abord de continuer et approfondir les réformes des forces de défense et de sécurité en vue de sa plus grande efficacité et professionnalisation. Les académies militaires au Nigeria peuvent servir de référence en terme de formation.
  • Sur le plan sociologique et surtout en Guinée, il convient de travailler sur les procédures de recrutement dans l’armée. L’image d’une armée perçue comme corps de recyclage des hommes irrécupérables pour la société doit changer. L’armée ne doit plus être une deuxième ou troisième chance pour les gens qui ont un comportement déviant pour la société.
  • Et enfin, sur un plan purement symbolique, les honneurs militaires doivent être renforcés et multipliés au titre de la démonstration d’une soumission séculaire du pouvoir militaire au pouvoir civil, indispensable à l’instauration durable de la démocratie.

Sur le plan politique, nous proposons un substitut démocratique au coup d’État.

Nous appelons, en effet, à doter nos pays d’outils démocratiques dont l’existence décrédibiliserait et disqualifierait tout recours à la force au nom du peuple. La procédure de révocation des dirigeants vis-à-vis desquels les mécontentements du peuple subsistent peuvent être un recours à cet effet. C’est un moyen de donner au peuple la possibilité d’écourter par lui-même le mandat d’un élu déviant.

Il s’agira notamment en Guinée de prévoir dans la prochaine Constitution, une telle disposition, qu’il conviendra toutefois d’encadrer et de faire accompagner par des mesures rendant possible sa mise en œuvre effective sans obstruction possible des dirigeants concernés. Un tel procédé existe dans l’État américain de Californie sous l’appellation de « Recall. »

La stabilité de notre sous-région et la hausse de la pauvreté sont en jeu. Les élites militaires et les forces spéciales doivent se contenter de satisfaire leurs missions de défense et de protection de nos États au prix de la mise à leur disposition des moyens nécessaires à la réalisation de celles-ci.

Les pouvoirs civils doivent, quant à eux, se montrer plus démocratique au bénéfice de leurs populations tout en veillant à couper l’herbe sous une quelconque possibilité de renversement avec l’onction populaire. Cela passe aussi par une très grande culture de transparence dans la gouvernance, l’indépendance de la justice et le renforcement des institutions démocratiques.

Se résigner face à ces juntes serait suicidaire pour notre sous-région et contribuerait à normaliser les coups d’État. Dans une telle situation, aucun pouvoir civil ne sera jamais à l’abri d’un coup d’État, peu importe ses performances démocratiques. Car n’importe quel chef militaire avec des armes et quelques éléments sera capable de renverser n’importe quel pouvoir civil avec le soutien de toute l’armée.

Il est donc temps de mettre fin à cette spirale. D’où les propositions formulées ci-dessus pour faire face à cette double imposture des forces spéciales.

Karamoko Kourouma et LeJour LaNuit (profil facebook)


Ndlr cet article a été initialement publié par les auteurs avec le titre Forces spéciales : de l’espoir à l’imposture.





« Non au pouvoir à vie en Guinée Conakry ! » [Balai Citoyen ]


Depuis le
mois d’octobre 2019, le vaillant et digne peuple de la Guinée est debout
contre l’ambition affichée et démesurée du Président Alpha CONDE
d’instaurer un pouvoir à vie par le truchement de la modification de la
clause limitative du mandat présidentiel.

A cette
lutte légitime du peuple pour la démocratie et le respect de l’Etat de
droit, le pouvoir autocratique d’Alpha CONDE oppose une répression
féroce par l’instrumentalisation des forces de défense et de sécurité.

A 81 ans révolus censés lui conférer sagesse et responsabilité, Alpha CONDÉ, autrefois opposant historique, s’est aujourd’hui, mué en bourreau historique sous l’effet des délices et des sirènes du pouvoir personnel.  

Depuis le début des manifestations, à l’appel du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), des leaders d’organisations de la société civile et des opposants sont régulièrement intimidés, agressés et certains croupissent injustement dans les geôles du régime scélérat d’Alpha CONDÉ. Au nombre de ces vaillants et irréductibles défenseurs de la démocratie qui croupissent actuellement dans les geôles de CONDÉ, figure les camarades Abdourahamane Sanoh, coordinateur du FNDC, Sékou Koundouno, Coordonnateur du Balai Citoyen Guinée et responsable des stratégies et de la planification du FNDC, Ibrahima Diallo, responsable des opérations, le reggaeman engagé Elie Kamano, Mamadou Baïlo Barry et Alpha Soumah. Ils ont été condamnés le 22 octobre dernier à des peines allant de 06 à 12 mois de prison ferme à l’issue d’une parodie de justice orchestrée par le régime et ses juges acquis aux ordres.  Pire, plusieurs dizaines de jeunes ont péri sous les balles assassines des forces de sécurité et sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit diligentée en vue de rendre justice aux victimes.   

Le mouvement le Balai Citoyen du Burkina Faso, suit avec consternation et non sans intérêt particulier, l’évolution dramatique de la situation en Guinée. Aussi, Il constate avec regret que malgré son parcours politique pour lequel la jeunesse africaine était pleine d’admiration jusqu’à un passé récent, de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) à l’opposition et aujourd’hui au pouvoir, Alpha CONDÉ n’a malheureusement encore tiré aucune leçon de l’histoire récente des mouvements contre les velléités de tripatouillage constitutionnel en Afrique. Professeur de son état, il n’a jamais assimilé la leçon historique selon laquelle, dans le face-à-face avec leur peuple, les hommes dits forts finissent pourtant toujours dans la poubelle de l’histoire ; quand bien même les exemples sont légions. La déchéance morale et politique de l’homme n’a d’égal que l’espoir qu’il a incarné à un moment donné de sa vie politique.

C’est pourquoi, le mouvement Balai citoyen, solidaire du combat de tous les peuples en lutte pour la liberté et la démocratie et résolument engagé contre toute forme de pouvoir à vie, condamne sans réserve aucune la répression barbare à laquelle se livre le régime obscurantiste et moribond du renégat CONDÉ contre le vaillant peuple de Guinée dont la glorieuse histoire constitue à jamais une source d’inspiration intarissable pour tous les peuples épris de liberté. Nous avons la ferme conviction que ce peuple de Guinée, fort de sa tradition de lutte, triomphera inexorablement de cette épreuve de force à lui imposé par cette poignée d’aventuriers politiques.   

Au regard de ce qui précède, le Balai Citoyen :

  • Met en garde Alpha CONDÉ et ses sbires sur leurs responsabilités devant l’histoire face aux exactions en cours en Guinée ;
  • S’insurge contre le silence complice des organisations sous-régionales, panafricaines et internationales sur le risque que fait courir Alpha CONDÉ à la Guinée et à l’Afrique tout entière ;
  • Exige l’arrêt immédiat des violences à l’encontre des populations et la libération sans condition de toutes les personnes injustement embastillées dont le seul crime est d’avoir défendu la démocratie ;
  • Apporte son soutien sans faille au peuple Guinéen en lutte et exhorte tous les démocrates sincères à joindre leur voix à celle du peuple Guinéen pour dire non au troisième mandat de CONDÉ.

Le peuple de Guinée ne courbera pas l’échine devant cette forfaiture car un peuple uni n’est jamais vaincu.

Vive la Guinée !

Vive les peuples en lutte !

N’an laara, an saara (Si nous nous couchons, nous sommes morts !) !

Notre nombre est notre force !

Ensemble, on n’est jamais seul !


Pour le Balai Citoyen, la Coordination Nationale





Condamnation d’activistes en Guinée


Petit à petit, Alpha Condé est en train de tomber le masque. Quant à son intention de briguer un nouveau mandat. C’est le moins que l’on puisse dire. En effet, après une semaine de manifestations sur fond de répression violente, le président guinéen, par le biais de la justice, vient de condamner des activistes opposés à son projet de révision constitutionnelle à des peines des peines d’emprisonnement ferme, et cela alors que l’opposition et la société civile appellent à de nouvelles manifestations. 

On se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours

En tout cas, alors que l’on croyait que le sang versé des Guinéens à l’occasion des journées de protestation de la semaine dernière, serait un signal suffisamment fort pour amener le président Condé à jouer balle à terre, c’est avec surprise que l’on a appris ces condamnations en séries. Si ce n’est pas jeter de l’huile sur le feu en aiguisant la polémique, cela y ressemble fort. On a l’impression que l’opposant historique devenu président a opté pour la stratégie de la terre brûlé. Car à entendre le chef de l’Etat guinéen qui, à défaut de se taire, s’est fendu d’arguments si spécieux qui convaincraient difficilement même ses partisans les plus crédules, l’on se demande si le poids de son âge et son obnubilation du troisième mandat ne lui jouent pas des tours au point de lui faire perdre toute lucidité. Car, c’est peu de dire que si le Professeur n’était pas mû par la volonté irrépressible de goûter au fruit défendu du troisième mandat dans le jardin …du Fouta Djallon, la Guinée aurait certainement fait l’économie des pertes en vies humaines de la semaine écoulée. Aussi, loin de lui dénier le droit de recourir à l’arbitrage du peuple, l’on se pose des questions sur l’opportunité d’une telle démarche quand la moitié de la population, voire plus, est déjà vent debout contre son projet. Comment, dans ces conditions, peut-il raisonnablement penser pouvoir organiser un référendum et recueillir l’assentiment du peuple guinéen si ce n’est qu’en Afrique, on n’organise pas des consultations électorales pour les perdre ? C’est pourquoi l’on est fondé à croire, à la suite de l’artiste-musicien reggae man ivoirien, Tiken Jah Fakoly, qu’«Alpha Condé devient fou ». Ce d’autant qu’il continue de jouer l’autruche, en tentant de réduire l’ampleur de la contestation à quelques poches résiduelles de la capitale et dans quelques rares villes, alors que la contagion est en train de gagner visiblement tout le pays.

A 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir

Mais moins qu’une attitude irrévérencieuse à l’endroit du chef de l’Etat guinéen, cette interpellation énergique de l’artiste est une invite à un examen de conscience, pour éviter au Professeur de dresser le bûcher contre son peuple. D’autant qu’à 80 ans révolus, Alpha Condé devrait suffisamment craindre le Ciel pour ne pas se laisser aveugler par le pouvoir. Déjà, son obstination à vouloir jouer les prolongations à la tête de l’Etat guinéen, a entraîné la mort de bien de ses compatriotes. Refuser de voir la réalité en face en se croyant suffisamment fort pour résister à la bourrasque de la colère de son peuple, c’est faire preuve d’une folie aventurière ou d’une myopie politique qui pourrait être fatale à son pouvoir. L’expérience humiliante en 2014 de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, devrait lui servir de leçon. Mais si malgré ce rappel de l’Histoire, et malgré les appels à la raison de personnalités politiques du continent comme le Sénégalais Abdoulaye Bathily et d’anciens chefs d’Etat africains signataires de l’appel de Niamey, le chef de l’Etat guinéen se montre autiste au point de ne pas reconnaître sa responsabilité et de rejeter la faute à autrui, il faut croire que rien ne le fera reculer dans sa volonté de tenir son référendum querellé pour s’ouvrir le chemin d’un troisième mandat.  En tout état de cause, comme le dit l’adage, « il n’est jamais tard pour bien faire ». Et Alpha Condé a encore toutes les cartes en main, pour sortir de l’histoire politique de son pays par la grande porte. Mais, pour paraphraser un autre dicton,  s’il choisit malgré tout de semer le vent, qu’il s’attende à récolter la tempête. Car, dans l’histoire du monde, aucun dictateur n’est jamais venu à bout d’un peuple déterminé.


Le Pays