Réponse à l’essai “Quel régime politique pour la Guinée ?” du Pr Bano Barry [Par Sylla, Aboubacar Sidiki Amara]


Point de vue


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara[1] [Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal]

La refondation du système politique et du système partisan de la Guinéecontributions au débat

Quel régime politique pour la Guinée ?

L’essai de Barry[2] est une invitation à la refondation du système politique et du système partisan guinéen. Il porte sur l’analyse de « la primauté du président sur toutes les institutions et [, la primauté] (…) des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale » [3].  Les origines de cette pratique se situeraient dans les dispositifs de l’article 25 des différentes constitutions guinéennes de 1958, de 1982, de 1990, de 2010 et de 2020[4].  Ensuite, l’auteur explore la question ethnique à travers une approche instrumentaliste. Il reproduit ici la thèse de sa thèse selon laquelle, la mobilisation de l’identité ethnique est un manœuvre essentiellement politique des élites politiques guinéennes dans le seul but d’accéder aux ressources de l’État[5].

De ces constats découlent plusieurs propositions entre autres : l’adoption d’un système de ticket aux élections présidentielles pour élire le président et le vice-président. Une mandature de sept ans (unique ou renouvelable). Un scrutin majoritaire aux élections à un tour —fortement inspiré du modèle ghanéen — pour pallier la primauté du président et des chefs de partis et surtout à l’instrumentalisation de l’identité ethnique[6].

Lire: Quel régime pour la Guinée?

Nous souhaitons revenir sur quelques éléments dans ses propositions. Il ne s’agit pas là de remettre en question ou de discuter de toutes les propositions de l’auteur, tant s’en faut. Par la suite, je vais proposer des alternatives inspirées des expériences d’autres régions du monde qui pourraient intéresser les ingénieurs électoraux guinéens.  

Les origines constitutionnelles de la primauté du président et des chefs de partis politiques.

Sur ce point je partage le constat. En effet, la suprématie du chef de l’État a bel et bien été consacrée dans les constitutions guinéennes de 1958, 1982, 1990, 2010 et 2020. Toutefois, il est confusion entre les causes et les effets, ce qui peut conduire à faire des prescriptions contreproductives.

 Le fait que ces constitutions, en l’occurrence celle de 1958 octroie dans son article 25 une primauté au président est d’une part, le résultat de la victoire du PDG-RDA sur les autres partis politiques à l’issue des luttes politiques entre 1939 et 1958. D’autre part, cet article informe sur le renoncement de la compétition politique au nom de l’unité nationale. Les périodes de lutte pour l’accession à l’indépendance ont été une expérience démocratique dans laquelle le pouvoir de décision revenait davantage à la base qu’au sommet dans nombre d’organisations politiques. Par exemple, c’est la base du PDG-RDA qui a poussé Sékou Touré à s’opposer à la fédération française de 1958. Et, c’est cette base de masse qui non seulement définissait les objectifs politiques du PDG-RDA, mais aussi et surtout façonnait les méthodes d’organisation, en utilisant des chansons, des symboles et des uniformes pour promouvoir le parti au sein d’une population largement analphabète [7]. Plusieurs analyses peuvent être tirées de cette observation. Une d’entre elles est que l’expérience démocratique n’est pas étrangère aux Guinéens. Quand la démocratie est compétitive, il y a moins le risque de la primauté ou la concentration du pouvoir auprès d’une seule personne. La compétitivité politique à cette période a permis de transcender les clivages ethniques et de faire des campagnes politiques sur des enjeux autres que l’ethnicité. Le clivage politique s’était transformé entre les progressistes et les conservateurs (Schmidt 2005 ; 2007).

Par conséquent, l’article 25 de la constitution de 1958 témoigne de la défaite des partis d’opposition et de l’ambition de Sékou Touré (et des autres présidents) de tenir l’essentiel du pouvoir politique [8]. Ce n’est donc pas la « prépondérance absolue du président de la République [qui,] a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne »[9]. Dans le cas de la Guinée, la prépondérance du président est une des conséquences de la disparition des organisations politiques, notamment les partis et les syndicats. Il serait donc essentiel pour lutter contre un présidentialisme fort qu’il y ait, au-delà de la séparation des pouvoirs, des organisations politiques, des partis politiques, des syndicats très puissants et compétitifs.

Brouiller ou consacrer le repérage ethnique ?

Pour brouiller le repérage ethnique, dit-il, la Guinée devrait se doter d’un système de ticket aux élections présidentielles. Ainsi, les candidats choisiront les colistiers dans une autre communauté, ce qui rendrait impossible l’étiquetage ethnique de ces derniers[10]. Le risque dans ce cas de figure est que le mariage, président vice-président issu de différentes ethnies, soit perçu par la population comme une coalition entre deux ethnies pour accéder au pouvoir. Ce qui n’est nullement différent de la situation actuelle du pays, il suffit de regarder la composition du sommet des partis politiques.  L’asymétrie démographique entre les groupes ethniques fera que les coalitions se forment entre les groupes ethniques relativement majoritaires.

Sachant qu’en soi les partis ethniques ne sont ni bons ni mauvais pour la démocratie[11]. M’est avis que la mobilisation de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale dans le contexte guinéen est problématique. (Cette problématique renseigne-t-elle sur l’avortement ou l’échec du projet de construction de la nation ?). Pour cause, nos identités sont source de discriminations dans l’accès aux services publics — dépendamment de, qui est au pouvoir et de, qui est à la tête du ministère — et dans la vie de tous les jours.

L’on sait que les politiques, et les institutions ont une grande responsabilité dans cette situation. D’où la nécessité d’agir à ce niveau. Une des stratégies permettant d’atténuer la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale serait la mise en place d’un système qui favorise la formation des partis politiques sur d’autres enjeux que l’ethnie. Notamment, la classe sociale, l’idéologie, la corruption, le népotisme, le développement, l’économie, etc. C’est à ce niveau que l’ingénierie électorale nous sera d’une grande utilité.

Sur le système électoral et l’ethnicité.

La question qui sous-tend les débats académiques sur le choix entre le système proportionnel, le système majoritaire et le système mixte est l’équilibre entre la démocratie (au sens de représentation égale de tous dans les instances politiques) et/ou la stabilité politique et institutionnelle. Les deux ne sont forcément pas exclusifs.

Le système majoritaire réduit-il l’instrumentalisation de l’identité ethnique ?

L’influence du système électoral sur la mobilisation de l’identité ethnique fait débat dans la littérature et demeure problématique[12]. L’argument traditionnel concernant l’ethnicisation de la vie politique des pays à forte diversité ethnique était que, dans les systèmes majoritaires, pour être plus précis, les systèmes uninominaux, contrairement aux systèmes proportionnels, atténuaient l’exacerbation de l’ethnicité dans la vie politique lors des élections[13]. Pour cause, les systèmes majoritaires induisent vers le dualisme dans les circonscriptions électorales[14] obligeant les partis qui veulent obtenir une majorité, d’aller au-delà d’un électorat strictement mono-ethnique en formant des coalitions, qui contribueraient à réduire le nombre de partis politiques [15]

Cependant, à regarder de plus près, les systèmes majoritaires conduisent à une représentation inégale des membres de la société au sein des organes représentatifs. Parce que dans les États où le vote est ethnique et où il y a des groupes ethniques relativement majoritaires, les systèmes majoritaires contribuent à l’exclusion des groupes minoritaires [16]. De plus, contrairement à l’argumentaire traditionnel sur le caractère nuisible des systèmes proportionnels dans les pays à forte diversité ethnique, les études récentes soulignent que les systèmes proportionnels contribuent moins à l’ethnicisation de la compétition électorale. En effet, dans la mesure où, dans les pays à forte diversité ethnique, les systèmes proportionnels facilitent la formation de plusieurs partis politiques qui, en ciblant les membres d’un même groupe ethnique, divisent le groupe et, ce faisant, obligent les partis à trouver d’autres thèmes de démarcation que l’identité ethnique [17]. Ainsi, l’étude de Fox (2018) sur l’Indonésie souligne l’effet du passage d’un système proportionnel à un système majoritaire, sur la politisation de l’identité ethnique. Ce passage a contribué à ce que les candidats recourent à leurs identités ethniques dans leurs circonscriptions électorales afin de recueillir plus de voix [18]

Sur le Ghana

Barry soutient un système partisan stable comme au Ghana, en affirmant qu’« on sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique […] Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour ». Il est vrai que le Ghana à un système partisan stable, institutionnalisé. Il est aussi vrai qu’il a un système majoritaire. Toutefois, cette stabilisation est moins liée au mode de scrutin majoritaire qu’à la nature du régime autoritaire qui a accompagné le processus de démocratisation. Les pays avec un régime autoritaire fort ayant réussi à incorporer les élites locales puissantes ont pu contrôler la participation politique et ont déterminé l’agenda de la transition, ce qui a influencé les formations des partis politiques, les règles du jeu politique et le système partisan, lors des élections fondatrices [19]. Par ailleurs, la stabilisation, l’institutionnalisation du système partisan n’a pas du tout empêché la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique[20].

Quel système électoral pour la Guinée ?

Dans cette dernière partie, les différents points soulevés ci-dessous seront des invitations à la prise en compte d’autres exemples certes lointains, mais riches en leçons pour surmonter la saillance de l’ethnicité dans la vie politique guinéenne.

Les propositions ici seront inspirées des expériences récentes des sociétés multiethniques, comme la Guinée, qui ont réussi à contraindre les partis à mobiliser d’autres enjeux que l’ethnicité tout en les incitant à collaborer.  

Les ingénieurs électoraux pourraient exiger les enregistrements transrégionaux des partis comme c’est le cas des pays de l’Amérique latine notamment, la Colombie, l’Équateur, le Guatemala, le Nicaragua, le Honduras, le Mexique et le Pérou. De même, ils peuvent exiger les seuils interrégionaux dans la formation des partis politiques. La Turquie et des pays d’Asie du Sud-Est tel que les Philippines, la Thaïlande et l’Indonésie peuvent servir d’inspiration aux ingénieurs électoraux guinéens.

L’Indonésie peut être une référence pour les ingénieurs guinéens. En effet, c’est l’un des pays les plus vastes et les plus complexes de par sa composition ethnique. Il s’était démarqué dans sa tentative d’ingénierie politique de son système partisan pour contrer le sécessionnisme ethnique et construire une démocratie stable[21].  Les ingénieurs politiques de ce pays ont élaboré un ensemble complexe d’incitations et de restrictions au développement du système de partis. Par exemple, tous les partis politiques devraient démontrer qu’ils disposaient d’une base de soutien nationale avant de participer aux élections. En Guinée, l’on peut requérir des partis politiques de prouver qu’ils disposent d’une structure établie et fonctionnelle dans toutes les préfectures et les sous-préfectures. Chaque unité de ces structures devrait avoir un seuil minimum d’adhérents, lequel pourrait être déterminé après le recensement national de la population. Une telle disposition obligera les partis ou les candidats individuels à recueillir des soutiens dans différentes régions du pays.

Par ailleurs, les règles de financement des partis pourraient être utilisées comme incitatifs pour favoriser la candidature des femmes et remédier à leur sous-représentation dans les partis et dans la vie politique.  La Papouasie Nouvelle-Guinée serait à cet égard une source d’inspiration intéressante. Dans ce pays, les partis qui présentent des candidates aux élections récupèrent une grande partie de leurs dépenses électorales[22]. Un tel aménagement dans un système où le financement des partis se fait seulement par la cotisation de ses membres et les subventions de l’État, tous les partis auront intérêt à présenter des femmes aux élections étant donné que les financements des membres ne seront pas suffisants pour faire campagne.

Une autre innovation du système électoral pourrait être la mise en commun des votes qui permettra aux électeurs de classer les candidats par ordre d’importance. Ensuite ces votes seront transférés en fonction de ces classements. Ces systèmes peuvent encourager la coopération entre les partis en rendant les politiciens de différents partis réciproquement dépendants des votes de transfert de leurs rivaux.

Ce papier est une contribution aux débats sur la refondation politique de la Guinée. Il s’inscrit dans la lignée des dialogues et propositions des citoyens de tout bord, mais plus précisément des chercheurs.


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal

NOTES

[1] Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal.

[2] Je résume certaines grandes lignes de l’essai. Néanmoins pour une mise en contexte j’exhorte les lecteurs qui n’ont pas encore lu cet essai de cliquer sur la suivante référence :  Alpha Amadou Bano Barry, « Quel régime pour la Guinée ? », Mosaiqueguinee.com (blog), 27 février 2023, https://mosaiqueguinee.com/quel-regime-pour-la-guinee-par-pr-alpha-amadou-bano-barry/.

[3] Barry.

[4] Barry.

[5] A. Amadou Bano Barry, Les violences collectives en Afrique: le cas guinéen, Études africaines (Paris ; L’Harmattan, 2000).

[6] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[7] Schmidt, Mobilizing The Masses: Gender, Ethnicity, and Class in the Nationalist Movement in Guinea, 1939-1958, Annotated edition (Portsmouth, NH: Heinemann Educational Books,U.S., 2005); pour comprendre les dynamiques politiques avant l’indépendance cet autre ouvrage est du même auteur est d’une richesse inégalée:

Elizabeth Schmidt, Cold War and Decolonization in Guinea, 1946-1958, Western African Studies (Athens: Ohio University Press, 2007).

[8] Cette concentration du pouvoir s’explique en partie de l’ambition des chefs d’État de l’Afrique à cette époque de vouloir construire une nouvelle nation avec une identité commune et unique. La phrase « Que la Nation guinéenne est née de l’État » s’inscrit dans cette logique. Voir dans le contexte africain après les indépendances : Daniel Bourmaud, « Aux sources de l’autoritarisme en Afrique : des idéologies et des hommes », Revue internationale de politique comparée 13, no 4 (2006): 625‑41.  Christof Hartmann, « Managing Ethnicity in African Politics », in Oxford Research Encyclopedia of Politics, par Christof Hartmann (Oxford University Press, 2019) ; Crawford Young, The African Colonial State in Comparative Perspective (New Haven: Yale University Press, 1994).

[9] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[10] Barry.

[11] Voir à ce propos les articles: Jan Rovny, « Antidote to Backsliding: Ethnic Politics and Democratic Resilience », American Political Science Review, 23 janvier 2023, 1‑19; Anika Becher et Matthias Basedau, « Promoting Peace and Democracy Through Party Regulation? Ethnic Party Bans in Africa », SSRN Scholarly Paper (Rochester, NY: Social Science Research Network, 1 janvier 2008) ; Jóhanna Kristín Birnir, Ethnicity and Electoral Politics (Cambridge: Cambridge University Press, 2006).

[12] Les arguments déployés dans cette partie sont issus de mon mémoire de maîtrise :  Aboubacar Sidiki Amara Sylla, « Institutionnalisation du système partisan à l’épreuve des partis ethniques en Afrique subsaharienne. Étude de cas de la Guinée. » (Mémoire de maitrise 2, Grenoble, Sciences Po Grenoble, 2021).

[13] VAN EVERA, Stephen. Hypotheses on Nationalism and War. International Security. 1994, Vol. 18, no 4, p. 1‑35  ; James R Scarritt et Shaheen Mozaffar, « The Specification of Ethnic Cleavages and Ethnopolitical Groups for the Analysis of Democratic Compe », 1999, 1‑37.

[14] Maurice Duverger, L’influence des systèmes électoraux sur la vie politique, Académique (Paris: Presses de Sciences Po, 1950).

[15] ORDESHOOK, Peter C. et SHVETSOVA, Olga V. Ethnic Heterogeneity, District Magnitude, and the Number of Parties. American Journal of Political Science. [Midwest Political Science Association, Wiley], 1994, Vol. 38, no 1, p. 100‑123 ;  CLARK, William Roberts et GOLDER, Matt. Rehabilitating Duverger’s Theory: Testing the Mechanical and Strategic Modifying Effects of Electoral Laws. Comparative Political Studies. Août 2006, Vol. 39, no 6, p. 679‑708. ; SELWAY, Joel Sawat. The Measurement of Cross-cutting Cleavages and Other Multidimensional Cleavage Structures. Political Analysis. Cambridge University Press, Ed 2011, Vol. 19, no 1, p. 48‑65.

[16] LIJPHART, Arend. Constitutional Design for Divided Societies. Journal of Democracy. 2004, Vol. 15, no 2, p. 96‑109.

[17] John D. Huber, « Measuring Ethnic Voting: Do Proportional Electoral Laws Politicize Ethnicity? », American Journal of Political Science 56, no 4 (2012): 986‑1001.

[18] FOX, Colm. Candidate-centric systems and the politicization of ethnicity: evidence from Indonesia. Democratization. Routledge, Octobre 2018, Vol. 25, no 7, p. 1190‑1209.

[19] Rachel Beatty Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa (Cambridge: Cambridge University Press, 2014), p.12.

[20] Nicholas Cheeseman et Robert Ford, « ETHNICITY AS A POLITICAL CLEAVAGE », Afrobarometer Working Paper., 2007, 1‑41; Matthias Basedau et Alexander Stroh, « How Ethnic Are African Parties Really? Evidence from Four Francophone Countries », International Political Science Review 33, no 1 (2011): 5‑24 ; Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa; Staffan Lindberg et Minion Morrison, « Are African Voters Really Ethnic or Clientelistic? Survey Evidence from Ghana », Political Science Quarterly 123 (12 septembre 2007).

[21] Benjamin Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies », Democratization 13, no 5 (1 décembre 2006): p.817.

[22] Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies ».





Quel régime pour la Guinée?


Point de vue


Par Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie)

Au regard de l’histoire politique guinéenne marquée par le même type de régime politique et trois transitions, cet essai se propose de dévoiler les constantes du système politique qui sont au nombre de deux : la primauté du président sur toutes les institutions et celle des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale. Ce texte a cherché aussi à déconstruire le fondement de la question ethnique en Guinée, sujet récurrent dans les échanges des salons et des bureaux, mais rarement en public. La question ethnique en Guinée est essentiellement politique et sert aux élites à assurer le contrôle de l’État et de ses ressources. Un président fort est le point central du dispositif du contrôle ethnique. Au regard de cette réalité, la Guinée gagnerait à expérimenter un autre système, celui du ticket aux élections présidentielles et d’un système électoral majoritaire à un tour et une forte décentralisation pour rendre le peuple plus responsable de son destin.

Cet essai est mon second sur la question du régime politique en Guinée. Le premier a été publié après 2010 et n’a servi, ni à doter le pays d’une constitution adaptée aux réalités sociologiques de Guinée, ni à éviter une troisième prise du pouvoir par les armes.

En 2023, je refais le même exercice tout en étant conscient que les intérêts sont si antagoniques dans ce pays qu’il est difficile d’arriver à soutenir ce qui ne favorise pas certains groupes. D’autres aussi n’aimeront tout simplement pas cette réflexion qui vient d’un ancien ministre[1] du régime précédent, car il a toujours été un crime de servir son pays en Guinée. Enfin, je sais aussi que les leaders politiques les plus représentatifs dans le paysage politique guinéen ne vont pas aimer. Car tous veulent un régime présidentialiste comme celui en vigueur depuis 1958 dans l’espoir qu’ils en seront les bénéficiaires. N’étant pas constitutionnaliste ni juriste, mon regard ne porte pas sur les règles du droit, mais sur leurs effets attendus ou imprévus sur le système politique et sur la société. Le regard du sociologue glisse en quelque sorte sur le droit, pour « obliquer» vers les contextes sociaux, économiques, politiques, culturels dans lesquels il prend naissance.

Au centre de la préoccupation du sociologue, c’est « l’esprit de la loi », c’est-à-dire ce qui serait le mieux en fonction des réalités sociologiques des populations et de ses élites à un moment donné de son histoire, la prise en compte de la réaction du milieu à la règle du droit avec un focus sur les acteurs et le processus de rédaction et d’adoption d’une constitution.

Durant le symposium organisé par le Conseil National de la Transition (CNT), j’ai eu le privilège d’écouter des sommités sur l’ensemble des composantes du système politique, de l’administration et de l’État. Il m’a été donné d’entendre par certains que la constitution des USA est la plus stable, car elle est dans les principes, la philosophie et laisse à la cour suprême le soin de trancher sur chaque cas qui pose un problème d’interprétation. Mais il est certain que le second amendement de la constitution américaine n’aurait pas été si ce pays n’a pas utilisé les armes pour conquérir son territoire, ni avoir des esclaves qu’il fallait dominer ni une guerre civile. Dans chaque constitution, l’histoire politique et les réalités sociologiques s’incrustent.

D’autres ont insisté pour faire valoir que le meilleur texte constitutionnel ne résoudra pas les problèmes d’éthique, de compétences et de courage des hommes et des femmes en charge d’appliquer et de faire appliquer le droit. On peut néanmoins ajouter que cela n’empêche pas d’avoir des « bons textes », c’est-à-dire des textes qui pourraient prendre en charge les réalités sociologiques et aider à corriger les lacunes. Car même si presque tous les conducteurs de mototaxis de Conakry ne respectent pas les feux de signalisation, personne ne se risquera à recommander qu’on élimine pour autant ces feux ou de ne pas prévoir des sanctions dans le code de la route.

La règle de droit est un discours normatif qui dit ce qui doit être, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et parfois comment le faire, et prévoit la sanction positive ou négative des actions permises, imposées ou prohibées.

Comme norme, la loi ne valide pas seulement une pratique en cours, elle peut aussi vouloir corriger une norme car elle possède une capacité de coercition pour amener la conduite individuelle vers ce qui est prescrit. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire la loi sur la polygamie, l’excision et beaucoup d’autres dispositions de normes sociales. Donc, une bonne règle de droit a aussi pour vocation d’imposer une norme juridique pour qu’elle devienne une norme sociale.

Certes, la meilleure constitution n’éliminera pas les « faux démocrates », mais une « bonne loi démocratique » permettra d’avoir des leviers sur lesquels compter pour lutter et protéger les règles démocratiques. Le meilleur exemple de texte de lois ayant changé radicalement les choses est le travail fait par Jerry Rawlings au Ghana avec un système politique qui a permis d’asseoir une alternance démocratique. Ma lecture du marxisme et ma compréhension de la réalité sociale me font admettre que les hommes ne sont pas « bons » ni « mauvais » de façon génétique, ils sont simplement le produit de leur milieu. Si le milieu change, l’environnement impose de nouvelles normes, les Hommes s’ajustent et s’adaptent.

Le défi de la Guinée est, dans cette transition, d’avoir « des textes adaptés à nos réalités ». C’est-à-dire des textes qui corrigent les effets des différentes constitutions sur la société guinéenne. Car certaines des dérives actuelles dans la vie politique ne proviennent pas seulement du « mauvais Guinéen » non courageux, mais des textes comme je vais le montrer dans l’analyse sociologique des constitutions de 1958 à 2020.

LES EFFETS DE CERTAINES DISPOSITIONS DES CONSTITUTIONS DE 1958 A 2020

La Guinée, depuis sa première constitution de 1958, s’est inscrite dans un régime avec une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République.

C’est la première constitution du 10 novembre 1958 qui a conféré au président de la République, en son article 25, l’autorité de nommer « […] à tous les emplois de l’administration publique. Il nomme à tous les emplois et fonctions militaires ». Cette disposition est restée intangible dans toutes les constitutions même si en 2010, un effort non abouti a été tenté pour donner un peu de pouvoir au premier des ministres avec deux articles contradictoires dont l’article 46 qui dit que le président : « nomme en conseil des Ministres aux emplois civils dont la liste est fixée par une loi organique » et l’article 58 qui dispose que : « Le Premier Ministre dispose de l’administration et nomme à tous les emplois civils, excepté ceux réservés au chef de l’État ».

Il était prévu que l’Assemblée Nationale, qui sortirait des urnes à la fin de la transition, devrait se charger de l’élaboration et de l’adoption de cette loi organique. Pendant les 11 ans, cette loi organique n’a jamais vu le jour et les nominations n’ont jamais été faites en Conseil des Ministres.

C’est la constitution de 1982 qui met au-dessus de l’édifice institutionnel le parti unique, le Parti Démocratique de Guinée (PDG) sur l’État et les institutions de la République avec la formule suivante :

a) Que la Nation Guinéenne est née de l’État ;

b) Qu’elle est engendrée par l’action des masses populaires mobilisées au sein du Parti Démocratique de Guinée ;

c) Que c’est le Parti qui a fondé l’État et que cet État ne peut donc que s’identifier au Parti qui l’organise, le dirige et le contrôle, en assumant réellement toutes les fonctions en tant que Parti-État et en œuvrant à la réalisation du Peuple-État.

Les constitutions de 1990 et les suivantes (2010 et 2020) ont aussi gardé les dispositions de l’article 25 de 1958 qui garantit la prépondérance du Président de la République dans l’agencement des pouvoirs, mais celle de 90 dans son article 3 (dans sa première version et dans sa version révisée de 2001) et celle de 2010 ont renforcé de leur côté la puissance des partis politiques en réservant aux seuls partis politiques, le droit de présenter « les candidats aux élections nationales », avec unsystème électoral qui fait élire les deux tiers des députés (76 sur les 114 députés) à la proportionnelle et seulement 38 à l’uninominal.

Les conséquences de l’article 25 et de la suprématie du parti unique ont fait du Président de la République un homme qui règne comme un monarque et qui gouverne seul et parfois avec des hommes de l’ombre qui deviennent plus puissants que ceux en position institutionnelle. Cette prépondérance absolue du président de la République a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne oubliant les remarques de Montesquieu qui disait que : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le droit accordé aux seuls partis politiques dans la désignation des candidats aux élections nationales (législatives et présidentielles) dans la constitution de 90 et le système électoral qui fait que les deux tiers des députés sont élus sous la bannière des partis politiques sur une liste nationale expliquent la toute-puissance des leaders des partis politiques et la subordination des élites administratives, commerciales et coutumières aux leaders politiques. Car ce sont les leaders des partis politiques qui déterminent les chances des uns et des autres à devenir député par leur positionnement sur la liste à la proportionnelle.

Élu sous la bannière d’une liste nationale d’un parti politique, sans aucun contact avec le peuple et avec la bénédiction des premiers responsables des partis politiques, les députés de la liste nationale n’ont aucune redevabilité envers la population, parce que n’étant pas élus directement par elle. C’est cette disposition qui explique la prolifération des partis politiques (186 semble-t-il). N’ayant pas d’ancrage local, ceux qui veulent devenir député et qui ne peuvent l’obtenir à partir d’un parti établi sont donc dans l’obligation de créer un parti et se présenter sur la liste nationale dans l’espoir de bénéficier du plus fort reste. Ce n’est pas le laxisme des fonctionnaires du ministère de l’administration du territoire dans la création et le contrôle de la fonctionnalité des partis politiques qui explique la prolifération des partis politiques. Ce sont les dispositions des constitutions guinéennes qui expliquent la prolifération des partis politiques et la tribalisation du jeu politique.

Pour corriger ces créations exponentielles des partis politiques, des solutions existent à travers les règles des systèmes électoraux[2] comme le font les pays anglophones et en particulier ce que Jerry Rawlings a fait pour le Ghana[3]. C’est donc en corrigeant ces dispositions institutionnelles dans la future constitution qu’il sera possible de solutionner certains dysfonctionnements actuels. C’est ce dispositif qui est exposé ci-dessous.

COMMENT RATIONNALISER LE NOMBRE DE PARTIS POLITIQUES DANS UN PAYS ?

Cette question sur le nombre de partis politiques en Guinée est dans le débat depuis 1990 avec la proposition du Président Lansana Conté de légaliser 2 partis politiques. Ce débat est redevenu actuel, polluant même la réflexion, après le retour de mission du Conseil National de la Transition (CNT) de l’intérieur du pays avec la demande de la population de réduire le nombre de partis politiques.

Le 5 septembre 2021, suite au changement de régime, avec la dissolution du gouvernement et de l’assemblée nationale, il aurait été plus compréhensible d’accompagner ces mesures par la dissolution des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile au nom de la « refondation ».

En ne le faisant pas à ce moment, il est devenu problématique de proposer dans la nouvelle constitution un système direct de réduction des partis politiques à 2 ou à 3. En 2023, plus de 15 mois après le changement de régime, toute tentative dans ce sens risque de ne pas bénéficier de consensus et pourrait soulever des revendications. D’autant que les plus farouches partisans de cette dissolution des partis politiques sont des leaders politiques qui ne pèsent presque rien sur l’échiquier politique. L’un pourrait justifier l’autre. De par l’expérience universelle, deux procédés existent pour réduire le nombre de partis politiques dans un pays. Il y a la formule directe et celle indirecte. Dans l’article de Jean Laponce (1962) ; « Bipartisme de droit et bipartisme de fait », Revue française de sciences politique, Paris, France, pp. 877-887, il est clairement mentionné que la restriction directe du nombre de parti politique est « d’établir par la loi le nombre des partis politiques autorisés à présenter des candidats aux élections ou bien encore de définir le nombre des partis autorisés à envoyer des représentants au Parlement ». Cet auteur met en évidence que « la limitation du nombre de parti n’est pas en contradiction avec les règles du jeu démocratique »,

De façon indirecte, il est possible d’y arriver aussi par des mesures législatives comme de restreindre le « droit de présenter des candidats aux deux seuls partis ayant obtenu le plus de voix à une élection primaire dans le cadre national ». De même, « la loi peut chercher à agir directement sur le nombre des partis en interdisant la représentation aux partis n’ayant pas obtenu un minimum de voix ». Dans ces conditions, « plus le minimum légal est élevé, plus grande est la pression sur les partis existants pour qu’ils se groupent » et donc se réduisent.

On peut aussi agir en changeant le système électoral. On sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique. Souvent pour obtenir une application stricte du bipartisme, d’autres dispositions complémentaires sont édictées sur les structures internes des partis, en imposant par exemple, comme c’est le cas aux Etats-Unis dans la majorité des États, l’élection des dirigeants du parti par l’ensemble non pas des membres du corps électoral mais seulement des électeurs du parti.

Le Ghana est, en Afrique, l’exemple typique d’un système indirect. Bien qu’ayant seize partis officiellement enregistrés, c’est deux partis politiques (National Democratic Congress, « NDC » et le National People’s Party « NPP ») qui s’alternent au pouvoir.

Le système électoral dans ce pays est fait de sorte qu’il apparaît difficile aux autres partis de remporter une élection. Au Ghana, les 230 membres du parlement du Ghana représentent les 230 circonscriptions du pays. Comme pour l’élection présidentielle, ils sont élus au suffrage majoritaire uninominal. C’est ce modèle qui donne le résultat de cette alternance démocratique tant vantée par les Guinéens.

Avec ce système indirect, le Ghana confirme la théorie de Maurice Duverger[4] qui démontre que le système électoral majoritaire à un tour est de nature à favoriser l’émergence d’un système bipartite. Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour.

Pour mettre en place ce dispositif, on devrait supprimer l’élection à la proportionnelle sur la liste nationale pour n’avoir que des députés élus dans une circonscription électorale et procéder au découpage du territoire national en circonscription électorale en tenant compte de certaines contraintes :

  1. Les préfectures qui ne remplissent pas le nombre d’électeurs requis pour atteindre le quorum doivent néanmoins se faire représenter à l’assemblée par un député élu à l’uninominal ;
  2. Dans les préfectures du pays qui dépassent ce quorum et ne font pas le double ou le triple ou quadruple, on procède toujours à l’arrondissement par le haut pour déterminer le nombre de députés qui sont tous élus à l’uninominal ;
  3. Les Guinéens de l’étranger devront être représentés par des députés élus dans des circonscriptions électorales. Ces circonscriptions peuvent regrouper plusieurs pays mis ensemble si le nombre d’électeurs n’atteint pas le quorum ou d’un seul pays si le nombre d’électeurs est conforme au quorum fixé.

D’ailleurs, personne ne devrait se soucier du nombre et de la gouvernance interne des partis politiques si l’article 3 disparaît. Sans cette disposition, chaque Guinéen qui remplit les conditions d’éligibilité devrait avoir la latitude de se présenter à toutes les élections nationales et locales. Dès que cette disposition sera adoptée, les partis politiques vont se vider de ceux qui y sont pour devenir député ou maire et se rempliront plus tard sur la base de la proximité idéologique.

La question de la tribalisation du débat politique en Guinée vient aussi du système politique avec un président élu seul à la tête d’un parti politique au suffrage universel à deux tours s’il n’a pas la majorité absolue au premier tour. C’est pour cette raison que je vais me permettre de dire quelques mots sur la question ethnique pour la déconstruire, car l’existence des ethnies ne signifie pas que les Guinéens sont des « ethnos ».

LA QUESTION ETHNIQUE EN GUINÉE

Les ethnies existent en Guinée et existeront pour toujours. Certains groupes ethniques actuels, ou qui se considèrent comme tels, n’existaient pas il y a de cela quelques siècles auparavant. D’autres groupes ethniques se sont détachés par la migration et se sont différenciés dans le temps avec des groupes qui les englobaient hier. D’autres enfin qui existaient jadis ont été absorbés au cours des siècles à travers les migrations, les cohabitations, les brassages et les assimilations.

Parmi ceux qui existent, certains vont disparaître, d’autres vont s’agrandir, d’autres enfin garderont l’étiquette et perdront certains de leurs attributs. Bref, les ethnies sont comme un corps : elles naissent, se développent, meurt et renaissent pour certaines et disparaissent pour toujours pour d’autres.

Tous les spécialistes de l’installation des populations que le colon a désigné par « Guinée », s’accordent à reconnaitre que les populations de la Guinée sont originaires du Sahel, à l’exception notable des Mandeyi et des Lomas, et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. Certains des membres de ces groupes ne sont même pas venus ensemble comme les Bagas, les Nalous et les Peuls.

Les groupes ethniques en Guinée (que l’on dénombre à 24) donnent l’illusion à leurs membres d’avoir une origine lointaine commune, un destin identique et des valeurs meilleures que celles des autres. C’est ce sentiment développé et véhiculé qui consolide l’unité du groupe et renforce la solidarité. Pourtant, il n’est pas rare de constater dans la même ethnie, la pratique de plusieurs religions et des variations du phénotype et des ressemblances entre des individus appartenant à des ethnies différentes.

Chaque groupe fait croire, par la socialisation de ses membres, que sa culture, la manière d’être et de vivre sont les seules valeurs respectables. Dans la réalité, les différences affichées et parfois revendiquées ne sont que variations d’adaptation.

Les Guinéens ont une longue histoire commune, une histoire antérieure à celle de l’État guinéen et même à la colonisation. On sait avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (vers 1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest.

Cette mobilité s’est poursuivie et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et États de la région (Mali au 13ème siècle, Songhaï au 15ème siècle, Ségou au 17ème siècle, Foutah Djalon et Macina au 19ème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

Cette histoire commune a façonné des liens (parenté à plaisanterie, liens matrimoniaux et autres liens de solidarité) qui soudent la société guinéenne et lui permet d’affronter les vicissitudes du « vivre ensemble ». Les ethnies qui habitent la Guinée sont semblables sur l’essentiel. Le mariage est le lieu privilégié de procréation, le système dominant est le patriarcat et la gérontocratie et la solidarité sont valorisées. Bref, les ethnies ont, pour l’essentiel, les mêmes valeurs. Les différences sont surtout linguistiques et organisationnelles, résultats des particularités historiques, démographiques et d’adaptation à l’environnement de vie. Même linguistiquement, ces 24 groupes ethniques se regroupent en deux familles de langues[5] pour parler comme les linguistes :

  1. Le groupe mandé qui regroupe le maninka, le Koniaka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et ;
  2. Le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

Les Guinéens n’ont aucun problème à vivre ensemble, au sein du même quartier, dans la même cour, se marier entre eux, sans aucune considération autre que les sentiments des prétendants et le revenu de l’un ou de l’autre. Certes, les hommes de certaines communautés ont plus de difficulté que d’autres à contracter des liens matrimoniaux dans toutes les communautés et surtout dans toutes les familles.

Dans la vie de tous les jours, la différence ethnique est moins importante que celle en lien avec les classes sociales (pauvres et riches) et aux stratifications sociales (castes et autres catégories stigmatisées).

Ce n’est pas pour rien qu’en dépit des tensions orchestrées par certains acteurs politiques au moment des seconds tours des élections présidentielles, la Guinée n’a jamais basculé dans la guerre civile, ni dans la tentation de la sécession régionaliste. C’est d’ailleurs l’une des particularités de la Guinée : pays fragile sans mouvement sécessionniste.

Ce que tous les Guinéens ont voulu et veulent, en dépit de la suspicion, de la méfiance et de l’instrumentalisation ethnique, c’est d’être des Guinéens avec des droits identiques, des possibilités réelles de s’épanouir, de se réaliser et de pouvoir bénéficier des mêmes droits dans le choix des dirigeants du pays, d’accéder à la présidence de la République, aux hautes fonctions de l’administration publique et aux marchés publics sans aucune discrimination.

On peut dire, et ma spécialité et ma connaissance de la Guinée me le permettent, le problème de l’ethnicité en Guinée porte essentiellement sur l’accès aux ressources de l’État, aux avantages qu’ils procurent, aux privilèges qui s’y rattachent, à savoir :

  1. La présidence de la République et les accessoires que ce régime présidentiel offre, car il est sans contrôle ; les postes de l’administration publique (le président de la République nomme et révoque du plus grand au plus petit fonctionnaire) ;
  2. Les marchés publics (le président de la République attribue, à sa guise, richesses et pauvreté à qui il veut, comme Dieu) ;
  3. Les services sociaux comme les évacuations sanitaires aux frais de l’État et les bourses d’études à l’étranger logées à la présidence de la République.

On peut donc dire que l’ethnicité au niveau des élites administratives, politiques et commerciales est une stratégie individuelle qui permet d’accéder aux ressources de l’État. C’est une stratégie identique qui a été utilisée par certains jeunes après le 5 septembre pour éliminer toute concurrence en obtenant du nouveau chef de l’État qu’il dise qu’il n’y a pas « une école d’expérience » et « pas de recyclage ». L’ethnie, la jeunesse, les femmes, les handicapés ne sont rien d’autres que des variables que certains activent pour éliminer la concurrence, en vendant une catégorie « naturelles » en lieu et place d’une compétence.

Cette stratégie peut devenir collective en raison du fait que celui qui contrôle le pouvoir suprême récompense les membres de son « groupe ethnique » pour service rendu, l’appui à accéder à la présidence.

Contrairement à une idée largement répandue, tous les partis politiques guinéens ne sont pas « ethniques », certains qui ont recours à l’ethnicité le font à leur corps défendant. Rares sont aussi les partis politiques qui ne jouent pas de la corde ethnique à un moment ou à un autre, en des circonstances particulières et en présence de certains enjeux.

Si les partis se servent du fait ethnique ou sont facilement identifiables à des groupes ethniques, c’est parce qu’en dépit de l’existence de la réalité ethnique, les règles juridiques de la Guinée soumettent les candidats à la présidence, surtout au second tour, à l’instrumentalisation de l’ethnie pour gagner l’élection.

Depuis notre indépendance, nous mimons d’autres pays comme si nous avions une même histoire, un même processus de construction étatique et les mêmes populations avec la même sociologie.Le fait de demander que la nouvelle constitution tienne compte de la dimension sociologique ne signifie pas que les Guinéens doivent avoir une « constitution ethnique » comme au Liban ou le Burundi avec un partage ethnique du pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les Guinéens sont des « ethnos », ni plus, ni moins que d’autres Africains dans la sous-région. Il s’agit simplement d’avoir une constitution qui renvoie l’ethnie dans la sphère privée et domestique. C’est ma proposition exposée ci-dessous.

QUELLE CONSTITUTION POUR LA GUINÉE

La configuration ethnique de la Guinée et le passé politique devraient amener le législateur « pouvoir constituant dérivé » à proposer une constitution qui brouille le repérage ethnique en choisissant un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un premier Ministre, comme dans le modèle des Etats-Unis ou du Nigéria.

Ce modèle est celui du Nigéria après la guerre de sécession, du Kenya après les violences ethniques post-électorales, de l’Afghanistan après la longue guerre civile, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire après les sanglantes guerres civiles dans ces deux pays.

Les critiques « juridiques » peuvent faire valoir que le vice-président dans le modèle américain est un président en réserve « un corps sans vie » jusqu’à l’empêchement de « l’autre », le président en exercice à la suite duquel il achève le mandat.

Dans la sociologie électorale de la Guinée, l’objectif n’est pas d’avoir un président « bis », mais plutôt d’avoir quelqu’un avec lequel on fait la campagne électorale pour éviter la « tribalisation » du débat électoral. Celui qui va aider son colistier à ne pas nommer seulement les membres de sa communauté, à ne pas tribaliser l’administration.

Dans une configuration institutionnelle pareille (président et vice-président), il serait suicidaire politiquement pour chaque candidat de choisir son colistier au sein de sa communauté. Quel que soit le nombre de candidats, on aura une configuration des tickets avec des combinaisons « mathématiques » de la Guinée dans sa diversité la plus large.

Dans ces conditions, il sera impossible de coller des étiquettes ethniques aux candidats en compétition. Et en même temps, on réduit la capacité des manipulateurs de la « chose ethnique », à trouver la faille à partir de laquelle ils pourraient l’instrumentaliser. En fait, ce type de régime aurait pour mérite de brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple.

Dans ce type de régime politique proposé et, pour permettre à l’équipe présidentielle d’avoir un bilan avant la fin de son mandat, il serait souhaitable d’avoir un mandat de 7 ans non renouvelable[6]. Un mandat de 7 ans devrait permettre à l’exécutif de faire un état des lieux des différents ministères, de monter des projets et des programmes, de mobiliser les ressources et de conduire les actions jusqu’au bout du mandat sans se soucier de l’élection à venir. Si la performance de ce mandat est probante, il serait possible que ce ticket dans sa combinaison actuelle ou dans une autre formule de se représenter après le mandat de ses successeurs afin de faire mieux lors du second mandat qui n’est possible que 7 ans après. Cette disposition a un double avantage à savoir :

  1. Ce mandat unique prédispose l’équipe présidentielle élue à se concentrer exclusivement sur son mandat et à la mise en œuvre de son programme (état des lieux, élaboration des projets, mobilisation des ressources et mise en œuvre, suivi et évaluation) et donner à voir les résultats avant de quitter le pouvoir ;
  2. Ce mandat unique empêche l’utilisation des ressources publiques par l’équipe sortante dans le cadre d’une nouvelle campagne électorale.

Si les Guinéens souhaitent deux mandats, il est préférable d’avoir deux mandats de 7 ans que deux mandats de 5 ans. Car dans un mandat de 5 ans, compte tenu du temps nécessaire pour des ministres de comprendre les rouages de l’administration publique, de faire un état des lieux objectif, de proposer une vision, de mobiliser des ressources[7], un gouvernement perd au minimum 18 mois avant de commencer de mettre en œuvre son programme. Dès la 4ème année, le président et son équipe retournent en campagne pour une année. S’il est reconduit, le processus recommence. De sorte que sur 10 ans, un président ne peut travailler réellement que 5 ans. Par contre, dans un mandat de 7 ans renouvelable, le président peut avoir 12 ans pour mettre en œuvre ses projets et programmes.

Une élection présidentielle et législative chaque 7 ans aurait l’avantage d’utiliser le budget national et l’appui budgétaire des partenaires techniques et financiers à autre chose qu’à financer des élections. Selon le rédacteur en chef[8] du Lynx, les élections législatives et présidentielles entre 2015 et 2020 ont « englouti pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens soit près de 139 millions d’Euros. Un budget qui vaut plus du tiers du montant pour la réalisation de la route Mamou-Dabola qui est en chantier. Car le coût de ce projet est de 357 millions 302 942 mille Euros pour 370 Km ».

Dans ce régime, il serait souhaitable de canaliser l’équipe présidentielle dans l’exercice de son mandat, car « tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Seul le pouvoir arrête le pouvoir », en indiquant dans la constitution le nombre maximum des membres du gouvernement, de conseillers à la présidence et en limitant les postes à nomination qui relèvent de l’autorité du président (les ministres, les ambassadeurs et les chefs militaires).

Les ministres et les ambassadeurs proposés par le Président de la République devraient se soumettre à l’obligation d’audition devant les députés pour décliner leur feuille de route et permettre aux députés de produire une fiche évaluative à l’attention du Président de la République sur leur capacité à présenter et à défendre leurs dossiers et leur vision du secteur avant la signature de leur décret. Le président n’est pas obligé de modifier sa décision de nomination, mais il a une évaluation objective sur le personnel le plus élevé de sa gouvernance.

Les ministres devraient bénéficier de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux y compris ceux du pool financier, des ressources humaines et de la passation des marchés[9]. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division.

Ce régime présidentiel doit l’être dans toute sa plénitude avec une séparation nette et étanche entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il faut trouver les mécanismes et des modalités visant à garantir l’indépendance et l’intégrité du judiciaire en réduisant de façon drastique l’instrumentalisation des cours et des tribunaux par l’exécutif.

Il existe aussi dans l’air du temps l’idée d’avoir deux chambres (Haute et Basse), personnellement, je suggère une véritable décentralisation comme le dit si bien Bérété[10] dans sa thèse de doctorat en proposant que « Ces réformes devraient consacrer la séparation réelle des pouvoirs et la clarification des compétences entre l’Etat et les structures administratives en milieu local. Elles devraient ensuite impliquer l’augmentation des échelons territoriaux, le transfert progressif des compétences et des ressources et la définition du rôle des nouveaux acteurs du développement à la base : les Organisations de la Société Civile »[11]. Il a été transféré à des collectivités de base, les communes, des compétences qu’il aurait fallu donner à la région et à la préfecture. Car elles sont mieux outillées pour assurer ce transfert de compétences que les communes en l’état actuel. Au niveau des partis politiques qui arrivent à avoir des députés à l’assemblée nationale, il serait souhaitable de prévoir une subvention de 5% pour les financer afin d’éviter le financement du président fondateur. Naturellement, ce financement devrait avoir comme conséquence le non-financement d’un parti par un leader et toute autre personne, entité et/ou société avec obligation d’assurer le contrôle des dépenses des partis politiques par la Cour des Comptes, comme n’importe quelle entité qui reçoit des finances publiques. Si les dons et legs sont acceptés, ceux-ci devraient passer par le bureau de l’assemblée nationale pour assurer leur traçabilité.

Dans ce cas de figure, on devrait prévoir et codifier une procédure démocratique interne à chaque parti politique. Un cadre organique devrait indiquer certaines modalités de gestion de chaque parti politique avec l’obligation d’avoir une carte du parti et de payer ses cotisations annuelles pour être électeur et éligible au sein du parti. Les élections internes devraient être régulières et précéder les consultations nationales. Ces élections devraient se faire par l’organisme national en charge des élections du pays qui doit être à l’image de celle du Ghana avec des commissaires techniques qui ont la sécurité de mandat : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». Dans ce système,aucun des élus ne devrait pouvoir changer d’étiquette politique en quittant son parti pour rejoindre un autre parti en cours de mandat ou créer un groupe politique.

En termes clairs, cette transition pour réussir doit rompre avec la trajectoire des précédentes pour que la démocratie ne soit ni communautaire, ni un moyen de créer et d’entretenir des dirigeants autoritaires, ni d’aider à avoir des politiciens de « chambre » d’accéder au pouvoir par le jeu de la transhumance et des allégeances de circonstances. De même, on ne devrait pas refaire les erreurs de 2010 en créant plusieurs organes[12] budgétivores pour caser le plus grand nombre de personnes.

On se doit de tirer les leçons des décisions sociologiquement erronées des deux premières transitions (1984 et 2009), pour éviter d’être schizophrénique, car “la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent” (Albert EINSTEIN).

CONCLUSION

Au terme de cet exposé, il me plait de dire en quelques mots les grandes lignes de ma réflexion sous la forme de propositions non noyées dans des considérations théoriques et académiques dans l’espoir que quelques-unes au moins trouveront une oreille attentive auprès des Guinéens.

  • Considérant que le régime politique guinéen a toujours été un régime marqué par une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République avec un pouvoir de nomination à tous les emplois militaires et civils, y compris ceux qui pourraient relever des ministres sectoriels ;
  • Constatant l’instrumentalisation ethnique et régionaliste lors du second tour des élections présidentielles ;
  • Soucieux de doter le pays d’un système politique qui corrige les erreurs du pays ;
  • Proposons un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un Premier Ministre, pour brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple ;
  • Suggérons que la durée du mandat présidentiel soit de 7 ans non renouvelable ;
  • Proposons qu’il soit prévu que le Vice-Président achève le mandat du Président en cas de vacance du pouvoir ;
  • Insistons pour que le nombre de ministres dans un gouvernement, de conseillers à la présidence et dans les cabinets ministériels soit déterminé dans une loi organique à adopter avant la constitution ;
  • Plaidons pour que les futurs ministres soient auditionnés par les députés, avant leur nomination, afin qu’il soit établi par les députés à l’attention du Président de la République une fiche d’avis technique ;
  • Demandons que le Président ne nome que les ministres, les conseillers à la présidence, les ambassadeurs et les chefs militaires ;
  • Suggérons que les ministres bénéficient de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux techniques et le pool financier, les ressources humaines et la passation des marchés. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division ;
  • Exigeons la possibilité de candidatures indépendantes à toutes les élections (présidentielle, législative et locales) ;
  • Demandons la refonte totale du code électoral pour l’adapter au mode électoral majoritaire et en supprimant en particulier plusieurs dispositions qui facilitent la fraude électorale du bureau de vote à l’organe de gestion des élections ;
  • Proposons un Organe de gestion des élections (OGE) technique avec des membres qui ont la sécurité de mandat comme au Ghana : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». On peut même y ajouter d’autres éléments de sécurité supplémentaire.

Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie) Enseignant-chercheur/Université de Sonfonia/Conakry/Guinée

NOTES

[1]En Guinée, on ne devient coupable que lorsqu’on a été ministre. Tous les autres, ceux au-bas de l’échelle administrative, ne sont coupables de rien.

[2]Le système électoral d’un État comprend l’ensemble des règles, normes et institutions régissant la préparation, l’organisation et la conduite des élections. Il peut difficilement être analysé en dehors du cadre institutionnel du régime politique en vigueur.

[3]Le Ghana a connu sa première alternance lors des élections présidentielles de 2000 qui vit la défaite de Jerry Rawlings en faveur de John Kufuor.

[4]Duverger, M (1976) ; « Les partis politiques » ; Armand Colin, Paris, France.

[5]Contrairement à ce que beaucoup « d’analphabètes » diplômés disent, une famille linguistique n’est pas une parenté ethnique ni une appartenance au même groupe ethnique.

[6]Dans tous les cas, on se souviendra que dans un mandat de 5 ans, la pré-campagne et de la post-campagne absorbent 2 ans et ont des effets réels sur la création et la gestion des ressources nationales.

[7]Si le financement vient des partenaires techniques et financiers et non d’un prêt que la FMI refuse au nom du principe du taux d’endettement admise pour ces gendarmes des pays pauvres, il faut compter 2 ans avant de voir la couleur de l’argent. Car avec ces partenaires, le processus est plus important que le résultat.

[8]Mamadou Siré Diallo.

[9]L’ancien président avait déjà acté la nomination du responsable de passation des marchés par chaque ministre de tutelle. Il faut aller plus loin en éliminant le fait que les ministres sectoriels (finances, budget et fonction publique) nomment du personnel au sein des autres ministères. Sur d’autres publications, je vais revenir plus en détail sur cette nécessité.

[10]Mohamed Bérété (2007) ; « La décentralisation et le problème de la monopolisation du pouvoir par l’appareil d’Etat en République de Guinée », Thèse de Doctorat, Université Robert Schuman, Strasbourg, France.

[11]Rares sont les cadres du ministère de l’administration du territoire qui ont lu ladite thèse et il aurait plus utile dans ce ministère qu’à la santé.

[12]11 ans plus tard, certains de ses organes (Haute Cour de la justice, Haut conseil des collectivités) n’ont pas vu le jour.





La chute du dictateur: l’épilogue d’une lutte guinéenne [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue

Le dimanche 5 septembre 2021, la longue lutte du peuple de Guinée contre l’ultime mandat d’Alpha CONDE a connu un épilogue avec l’intervention des Forces Spéciales. Cette unité, montée de toutes pièces par le despote Alpha CONDE dans le seul but de garantir la sécurité de son régime s’est rebellée contre lui. Quelle ironie du sort que cette unité mise en place pour mater toutes les contestations qui pourraient ébranler ce régime soit à l’origine de sa chute. Comme le disent les écritures « les voies du seigneur sont impénétrables ». En une matinée, Alpha CONDE est passé de ce président perché, méprisant, suffisant et incompétent à un président déchu, hagard, débrayé et pitoyable.

Voilà le triste sort qui attend les despotes qui veulent s’éterniser au pouvoir en dépit de l’opposition des peuples Africains qui aspirent à la démocratie.

L’OPPOSIDENT – L’OPPOSANT “HISTORIQUE” QUI N’AURA JAMAIS RÉUSSI A ENDOSSER LE COSTUME DE PRÉSIDENT

Les événements du 5 septembre 2021 remettent la Guinée dans une situation identique à celle de 2008 et qui avait conduit à l’élection de Alpha CONDE en 2010 après une transition chaotique dirigée par la junte du CNDD et le duo DADIS – KONATE. Alpha CONDE, qualifié « d’opposant historique », n’aura au final jamais réussi à transcender sa condition d’opposant pour endosser le costume de président. La mue de l’opposant vers le président n’aura jamais été complète faisant de lui une espèce de personnalité politique hybride opposant et président (OPPOSIDENT). En violation de tous les principes pour lesquels il se serait battu pendant plus de 40 ans de lutte politique, l’homme aura succombé à la tentation du mandat ultime. Le mandat de trop. Il aurait mieux fait d’écouter la mise en garde prémonitoire de feu Kéléfa SALL Président de la cour constitutionnelle :

« La conduite de la nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant ».

Alpha CONDE qui se voulait un mix de Mandela et Obama, le voilà qui finit comme ses compères IBK du Mali, COMPAORE du Burkina…

La Guinée doit mettre fin au cycle de l’impunité de ses dirigeants. Le jugement de Alpha CONDE est l’électrochoc dont notre justice a besoin pour qu’en fin l’assertion « Nul n’est au-dessus de la loi » soit une réalité dans notre appareil judiciaire.

Connaissant la capacité de nuisance de l’homme, sa rancune tenace, sa libération serait une erreur monumentale dans la conduite de la transition. Après avoir été au pouvoir pendant presque 11 ans, qu’il reste en Guinée, son pays. Il appartiendra au président élu à l’issue de la transition de le traduire en justice pour les crimes commis durant son magistère. S’il est reconnu innocent par la justice, il aura droit aux traitements et égards dus à un ancien chef d’état. S’il est reconnu coupable, il purgera sa peine dans l’une des prisons modernes qu’il a fait construire. La Guinée doit mettre fin au cycle de l’impunité de ses dirigeants. Le jugement de Alpha CONDE est l’électrochoc dont notre justice a besoin pour qu’en fin l’assertion « Nul n’est au-dessus de la loi » soit une réalité dans notre appareil judiciaire. C’est à ce prix que nous éviterons les éternels recommencements et mettrons fin à l’impunité.

LA GUINÉE À LA CROISÉE DES CHEMINS

La Guinée est encore à la croisée des chemins. Tout comme après les décès d’Ahmed Sékou TOURE en 1984 et Lansana CONTE en 2008, voilà que la Guinée est encore confrontée à une prise du pouvoir par l’armée.

L’expérience de notre pays montre que les deux précédentes irruptions de l’armée dans la sphère politique n’ont pas permis d’ancrer le pays durablement sur le chemin de la démocratie. Ces échecs s’expliquent par un déficit de volonté politique, une élite corrompue et une population attentiste et résignée.

La chute d’Alpha CONDE par l’intervention des forces spéciales nous donne l’opportunité de faire les choses mieux et différemment. Elle nous donne l’opportunité de réussir enfin à mettre le pays sur le chemin de la démocratie et de l’y ancrer durablement. Si le régime d’Alpha CONDE a un mérite, c’est celui d’avoir permis de décanter les Guinéens entre les opportunistes sans moralité et les patriotes qui aspirent à la démocratie.

Pour réussir cette transition, bien qu’elle soit sous la coupe de la junte du CNRD, il est indispensable qu’elle soit co-diriger par un Guinéen à la moralité irréprochable. La population doit être vigilante vis-à-vis de l’instance de la transition le CNRD. Cette instance doit avoir pour unique vocation, de conduire la transition et l’organisation d’élections libres, transparentes et inclusives. Pour atteindre cet objectif, voici une liste non exhaustive d’actions prioritaires à mettre en œuvre.

  • Réunir un collège de juristes pour faire le toilettage de la constitution de 2010.
  • Mettre en place une Assemblée Constituante de Transition (ACT) constituée des différentes couches sociales de notre société pour légiférer durant la période de transition.
  • Remeubler les différentes institutions de la République par des individus intègres et foncièrement patriotes.
  • Écarter de manière définitive de l’administration Guinéenne tous les ministres, hauts cadres et responsables d’institutions et de régies financières qui n’ont pas ouvertement désapprouvé le changement constitutionnel et le 3ème mandat.
  • Reconstruire à partir de zéro un nouveau fichier électoral et remeubler la CENI avec des commissaires techniques uniquement.
  • Faire des audits financiers des différents départements et régies financières en vu d’inculper les responsables indélicats.
  • Inculper l’ancien Président pour les crimes commis durant ses mandats ou à défaut l’assigner en résidence jusqu’à l’élection d’un Président démocratique.
  • Mettre en place un gouvernement de mission, des techniciens avec pour unique objectif la gestion des affaires courantes sans agendas politiques cachés.
  • Écarter et inculper les responsables de la sécurité en charge des unités qui réprimaient les manifestations politiques et sociales durant les 10 dernières années et contre le 3ème mandat.
  • Faire des enquêtes sur les patrimoines immobiliers des anciens dignitaires et remettre dans le portefeuille du patrimoine public tous les biens acquis frauduleusement durant les 10 dernières années.
  • Moraliser la vie publique.
  • Mettre en place une commission vérité réconciliation pour purger notre pays de son passé qui le hante.

Faire l’économie de ces actions serait nuire à la mise en place des bases indispensables à l’état de droit et l’instauration d’une véritable démocratie.

LA CEDEAO ET L’UA, QUELLE INDIGNITÉ

Ces institutions sanctionnent la Guinée en la suspendant. La CEDEAO et L’UA, voilà des organisations auxquelles le peuple martyr de Guinée a demandé secours pour empêcher le changement constitutionnel et le troisième mandat. Des organisations qui n’ont pipé mot lorsque Alpha CONDE massacrait les Guinéens pour imposer sa constitution sur mesure et un troisième mandat en violation des principes constitutionnels et de ses serments. Les voilà maintenant qui suspendent la Guinée et qui exigent la libération du despote responsable de la mort de près de 300 morts en 11 ans et le retour à l’ordre constitutionnel. À quel ordre constitutionnel la CEDEAO fait elle allusion ?! Même la pseudo constitution imposée en 2020 au prix du sang lors d’un référendum frauduleux a fait l’objet d’un faux lors de sa promulgation. Que la CEDEAO nous dise alors à quelle ordre constitutionnel elle fait allusion…

QUELLE INDIGNITÉ !

Il semble que, la délégation de « HAUT NIVEAU » dépêchée à Conakry par le syndicat de « FAYOTS » de la CEDEAO ait obtenu du CNRD, l’accord de principe pour la libération et l’exil d’Alpha CONDE. Cette information, si elle est avérée, serait une erreur d’appréciation de la part du CNRD.

Voilà de quoi sont capables ces organisations qui ont failli à leur mission. Au lieu d’être au service des peuples elles sont inféodées aux chefs d’états. À la place des chartes fondatrices de ces organisations, leurs actions sont surtout motivées par les intérêts égoïstes et mercantiles des chefs d’Etat. Pour la volonté des peuples : « circulez il n’y a rien à voir… »

Dans la composition de cette délégation de « HAUT NIVEAU », la CEDEAO n’a pas trouvé mieux que d’inclure Alpha BARRY ministre des AE du Burkina et Ex-conseiller spécial d’Alpha CONDE durant 5 ans (2011-2016). C’est vous dire tout l’intérêt que l’organisation porte à l’impartialité du compte rendu de cette délégation.

QUELLE INDIGNITÉ !!!

La CEDEAO et l’UA qui sont restées aphones aux souffrances et tueries des Guinéens devraient avoir un peu de décence et se taire. Elles étaient absentes durant la lutte du peuple martyr de Guinée. Maintenant qu’un membre de leur corporation de despotes est déchu, ces organisations ont soudain un intérêt pour le respect de l’ordre constitutionnel.

QUELLE INDIGNITÉ !

Le CNRD ne devrait pas céder à ces institutions qui n’ont jamais été du côté du peuple. La seule raison de leur implication est la volonté de libérer leur complice Alpha CONDE rien d’autre. Qu’elles ne lui (CNRD) imposent aucun agenda ni chronogramme. Elles sont totalement étrangères aux réalités de notre pays. Que le CNRD prenne le temps de faire les choses bien pour qu’enfin nous sortions du cycle des éternels recommencements.

Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné




Edito: comment profiter de l’expertise de certains leaders politiques ?

Conduite de la transition

Les transitions politiques échouent parce qu’il y a une focalisation parfois naïve sur des schémas calqués et dont l’efficacité a déjà montré ses limites. « Gouvernement d’union nationale » « gouvernement de consensus » … tout tourne autour de : comment mettre en place un gouvernement de transition ? Certes, il faut bien sûr un gouvernement pour assurer la continuité de l’Etat. Mais, il faut surtout des hommes et femmes pour produire de la matière à agir permettant aux futurs ministres de travailler sur la base de recommandations précises. Pour ce faire, les leaders politiques peuvent aider. Non sur des questions strictement politiques, mais ils peuvent apporter leur expertise dans les domaines de la gestion de l’état en général. A cet effet, nous suggérons la mise en place de commissions spécifiques qui travailleront sur des questions spécifiques adaptées en période de transition politique.

Une commission dépenses et recettes de l’administration publique

Pour réussir une transition, il faudrait maitriser la gestion de l’argent public. Cette commission aura pour mission d’aider à la prise de décision concernant les dépenses essentielles en période de transition et proposer des solutions adaptées pour la mobilisation et la sécurisation des recettes publiques. Cette commission travaillera directement avec le ministre de l’économie et toutes les régies financières. Sidya Touré, leader de l’UFR pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois. Il sera accompagné dans cette mission par une équipe de dix experts nationaux. Son parti politique est assez bien structuré et regorge de compétences capables d’assurer la continuité des activités strictement politiques du parti durant cette période.

Une commission audits et anti-corruption

Pour plus d’efficacité, les acteurs de la transition doivent procéder à l’audit du régime déchu. Cette commission d’experts aura pour mission d’aider à enquêter sur les affaires de malversations financières des onze dernières années. Elle aura six mois pour présenter un rapport et permettre à la justice d’engager les procédures. Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG pourrait efficacement diriger cette commission. Comme l’UFR, l’UFDG peut être piloté sur le plan politique par d’autres cadres du parti durant cette période.

Une commission mines et partenaires techniques et financiers

L’assurance des acteurs miniers est essentielle pour permettre aux autorités de la transition de mener à bien leur mission. Cette commission, en plus de maintenir la confiance entre les acteurs du secteur et les nouvelles autorités, elle aura pour mission de procéder au toilettage du secteur. Depuis l’arrivée de Alpha Condé au pouvoir, ce secteur des mines a été au cœur des plus grands scandales financiers. La commission travaillera avec la commission audit pour établir une cartographie réelle des exploitations minières existantes et des permis miniers en circulation. Elle aura aussi pour mission d’aider à rassurer les partenaires techniques et financiers sur la nécessité d’accompagner le pays durant cette période de transition. Cette commission travaillera avec tous les ministres concernés. Lansana Kouyaté, président du PEDN pourrait efficacement diriger cette commission pour une durée de 6 mois.

Une commission fichier électoral

Sa mission sera d’aider à l’élaboration d’un fichier électoral. Pour ce faire, la commission aura une branche technique et dirigera toutes les opérations. En utilisant les ressources du ministère de l’administration du territoire (qui sera chargé de l’organisation des prochaines élections), la commission remplacera la CENI (qui devrait disparaitre) en ce qui concerne l’élaboration du fichier électoral. L’ancien ministre et journaliste Justin Morel Junior pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée d’experts électoraux essentiellement.

Une commission poursuites judiciaires et proposition de reformes

Sa mission sera de faire l’état des lieux du secteur. Toutefois, vu le temps d’une transition, les grandes réformes de la justice viendront après la transition. Cette commission sera chargée essentiellement de faire des propositions notamment sur le choix du personnel judiciaire (procureurs, juges …). Ces procureurs, juges et auxiliaires de justice identifiés et nommés se chargeront de l’organisation des premiers procès notamment sur les dossiers économiques (détournements de deniers publics, corruption …). Quant aux dossiers criminels, les autorités post transition se chargeront des poursuites et de l’organisations des procès. Cette commission aura aussi comme mission, l’élaboration d’un document de propositions de réformes du secteur de la justice. L’avocat Maître Mohamed Traoré pourrait efficacement diriger cette commission.

Une commission constitution et referendum

C’est une commission centrale du dispositif de la transition. Sa mission sera d’aider à la rédaction d’une nouvelle constitution et sa soumission au referendum. Bah Oury, président de l’UDRG pourrait efficacement diriger cette commission. Elle sera composée essentiellement de juristes constitutionnalistes.

Une transition est limitée dans le temps. Il revient aux acteurs de définir un chronogramme réaliste en tenant compte de la gigantesque mission qui consiste tout d’abord à « fabriquer » un instrument juridique (Constitution) essentiel pour une nation. Deux ans suffiront pour mettre en place les bases indispensables pour sortir de cette série de crises multidimensionnelles. Il est important que la gestion de cette transition soit inclusive car l’exclusion alimente les suspicions et crée des tensions. En sollicitant les services des leaders politiques et autres personnes ressources, pour aider à gérer la transition, cela engendrera une dynamique collective qui brisera toutes les barrières fabriquées pour diviser les guinéens. Pour une fois, faisons les choses correctement.

Sékou Chérif Diallo




Sur le départ, le président du Niger appelle à ne pas “tripoter” les Constitutions


Afrique


“Fier” de son bilan, Mahamadou Issoufou, 68 ans, qui quitte volontairement le pouvoir à l’issue de ses deux mandats comme président du Niger, se veut “optimiste” pour l’avenir de son pays et du continent, qu’il aimerait voir émerger malgré le jihadisme, la démographique galopante ou la difficile intégration continentale.

Son pays, parmi les plus pauvres du monde, est en proie aux attaques jihadistes récurrentes qui ont fait des centaines de morts. Il a aussi le record mondial de fécondité avec 7,6 enfants par femmes, ce qui entrave le développement d’un pays, marqué de sucroît par les coups d’Etat.

“C’est la première fois depuis 60 ans qu’il y a un passage de témoin d’un président démocratiquement élu vers un autre démocratiquement élu. On est en train d’asseoir une tradition démocratique”, se réjouit-il, à l’issue des deux mandats, maximum prévu par la Constitution.

Il assure ne pas avoir eu à résister aux sirènes d’un troisième mandat, comme certains de ses pairs africains, qui s’accrochent au pouvoir.

“On ne peut pas avoir des institutions fortes en tripotant les Constitutions, en changeant la règle du jeu en cours de jeu. Je ne peux pas m’engager dans l’aventure d’un troisième mandat. Cela aurait affaibli les institutions que nous sommes en train de construire”, souligne-t-il.

Le grand favori de la présidentielle dont le second tour se tiendra le 20 février n’est autre que Mohamed Bazoum, son dauphin et bras droit, qui a bénéficié de l’appareil d’Etat pour sa campagne.

Mahamadou Issoufou balaie les accusations des opposants nigériens qui taxent le pays de “démocrature”, regrettant des interdictions de manifester ou des arrestations fréquentes de militants de la société civile: “La démocratie c’est la liberté et l’ordre”, répond le président. “Il y pas de démocratie sans ordre, de la même manière qu’il n’y a pas de démocratie sans liberté”.

Sur le plan de la lutte contre le jihadisme, il demande une “coalition internationale”, un de ses leitmotiv.

– “L’Afro-pessimisme est derrière nous” –

“Tout le Sahel est infesté. La sécurité est un bien public mondial. Ce qui se passe au Sahel concerne le reste du monde. Si le terrorisme arrive à prendre pied en Afrique, il prendra pied en Europe”, estime M. Issoufou, alors que son pays a subi samedi la plus meurtrière attaque jihadiste contre des civils avec 100 morts.

Le président se fâche quand on évoque les critiques locales à l’égard de la présence des forces étrangères, notamment françaises, au Sahel: “Ce ne sont pas des interventions étrangères ce sont des interventions d’alliés, Nous avons une guerre contre un ennemi. Dans toutes les guerres il y a des alliances”.

Et il dit “s’étonner” que ceux-là même qui critiquent les opérations étrangères “ne dénoncent pas les terroristes”.

Sur le plan économique et social, M. Issoufou, qui a été très actif sur le dossier de la zone de libre échange économique africaine (Zlecaf), croit fermement en l’intégration régionale pour faire “émerger le Niger et le continent”.

“L’Afro-pessimisme est derrière nous”, promet-il, appelant à “des politique ambitieuses (et) l’approfondissement de certaines valeurs notamment démocratiques et des droits de l’homme”.

“La zone de libre échange dont les échanges vont commencer le 1er janvier va créer le marché le plus vaste du monde avec 1,2 milliard de consommateurs”, se réjouit-il.

“Cela mettra fin aux marchés balkanisés que l’Afrique a connus et qui ont été à la base d’échecs de beaucoup de politiques industrielles en raison de marchés trop étroits”.

Mais dans ce nouveau marché promis, “il faut avoir de quoi échanger”, assurant qu'”on a prévu un plan de développement industriel” et “un plan de développement agricole afin que l’Afrique puisse se nourrir”.

– Nécessaire transition démographique –

“Avec l’immensité des terres arables qu’on a, il faut que l’Afrique soit capable de produire son alimentation”, déclare M. Issoufou.

“En ce qui concerne le CFA, nous avons fait des réformes qui montrent notre volonté d’aller vers la monnaie unique. (A terme) je vois une monnaie unique au niveau Cédéao”, pense-t-il en estimant que pour “la monnaie unique africaine il faudra attendre plusieurs décennies”.

Le président est aussi optimiste quant à la démographie de son pays, affirmant qu’il est “sur la bonne voie”.

Le Niger, qui n’avait que 3 millions d’habitants à l’indépendance en 1960, en compte aujourd’hui 23 millions. Avec un taux de croissance annuel de la population de 3,9% par an (record mondial), la population atteindra 70 millions en 2050 si rien ne change.

“Nous avons fait baisser le taux de fécondité. C’est une action de longue haleine (…), nous avons mobilisé les leaders religieux et traditionnels avec des arguments religieux qui justifient la nécessité de la transition démographique”.

“La croissance démographique mange une bonne partie de la croissance économique” de 6 à 7% ces dernières années, ajoute le président qui martèle: “Nous arriverons à maitriser cette croissance exponentielle qui malheureusement rend difficile le progrès rapide du Niger vers l’émergence”.

Parmi les axes prioritaires, “il faut maintenir les jeunes filles à l’école au moins jusqu’à 16 ans afin d’éviter mariages et grossesses précoces”, précise-t-il.

A l’heure du bilan, Issoufou sourit: “Je suis fier de l’ensemble, les promesses que j’ai faites au peuple nigérien je les ai tenues”.

Et la suite? “Jusqu’au 2 avril, je continue d’être au gouvernail mais il n’y a pas de vide, il y a une vie après le pouvoir”.


Cet article est republié à partir de information.tv5monde.com. Lire l’original ici





Les 8 juges de la Cour constitutionnelle qui mettent les guinéens dans une insécurité juridique [Par Sow Rousseau]


Point de vue


LES 8 JUGES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE GUINÉENNE

La Cour constitutionnelle structure la dictature, c’est-à-dire, elle donne une assise, un soubassement, un fondement juridique à la dictature. La Cour constitutionnelle appose un cachet de légitimité à la dictature.

Les 8 juges ne rendent pas des arrêts, des décisions de justice au nom du peuple de Guinée, ils rendent des services au Président de la république. Leurs « arrêts » constituent des comptes rendus au président de la république, constituent des prestations de service pour le Président. Les 8 juges ne se soumettent pas à la loi, ils se soumettent au Président de la république.



En effet, de façon générale, le juge crée la norme à partir d’une règle de droit (règle posée par le législateur), c’est-à-dire, c’est en appliquant la règle de droit, en l’interprétant, que le juge créé la norme (la norme, c’est le résultat de l’interprétation par le juge de la règle de droit, la sève que le juge extrait de la plante, c’est-à-dire de la règle de droit).

Cependant, les juges de notre Cour constitutionnelle n’interprètent pas les règles de droit pour créer la norme, ils créent celle-ci par leur seule volonté. Ainsi, par couches successives, à travers leur jurisprudence (leurs décisions), ils ont posé le fondement de la dictature dans notre pays.

A titre d’illustration, citons :

  • Leur décision d’exclusion de l’ancien président de la CC, feu Kelefa SALL ;
  • Leur décision approuvant la volonté du Président à changer la Constitution de mai 2010 ;
  • Leur  récente décision N°AC 014 du 11 juin 2020 portant sur la falsification de la Constitution adoptée par referendum le 22 mars 2020. Cette décision mérite une explication pour que nos compatriotes comprennent la délinquance des juges de la CC.

Dans cette décision, les juges constatent l’irrecevabilité des recours formés devant elle par la Plateforme Nationale de Participation et d’Initiative Citoyenne (PNACIP), et le recours du président de l’Assemblée nationale agissant au nom de 15 députés.

Normalement, quand une juridiction constate qu’une requête est irrecevable, elle n’a plus à examiner, à se prononcer sur le fond de celle-ci, or, c’est exactement ce que vont faire les 8 juges de la plus haute juridiction de notre pays.

Les juges disent que les recours sont irrecevables, mais ils jugent le fond des recours en décidant que la Constitution publiée au JO le 14 Avril 2020 est bien celle qui a été  adoptée le 22 Mars 2020.

Or, cela est matériellement faux, des juristes comme Maitre Antoine pépé LAMAH et Maitre TRAORE ont brillamment démontré la différence (ajouts et suppressions) notable entre les deux textes.

Pourquoi les juges se sont-ils prononcés sur le fond de l’affaire alors qu’ils ont constaté l’irrecevabilité des recours ? C’est pour tout simplement faire taire toute contestation de la Constitution du Président de la république, pour la valider définitivement.

Pour mieux vulgariser ce que les juges ont fait dans cette affaire pour nos compatriotes non juristes, prenons l’exemple suivant :

-Une salle de sport à Conakry, n’admet que des filles, exclusivement celles ayant au moins 18 ans, et ayant une tenue adéquate.

-Si un homme quelconque, débarque devant cette salle de sport, le portier va simplement constater qu’il n’est pas une femme et lui refuser l’accès à la salle de sport. Le portier ne cherchera même plus à connaitre l’âge de cet homme, ou à juger si la tenue de cet homme est adéquate ou non pour la pratique du sport.

Or, notre portier (les juges de la CC), bien qu’ayant remarqué qu’il s’agit bien d’un homme, donc irrecevable, inadmissible dans la salle de sport, se permet quand même de vérifier l’âge et la tenue de cet homme. Ceci n’est pas du droit.

Toutes ces décisions démontrent que les juges n’appliquent pas le droit, mais la volonté du président, autrement dit, lorsqu’ils reçoivent une requête, ils l’interprètent selon ce qu’ils pensent être le vœu du président.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Dans notre pays, il y a une tribune ou sont installés confortablement ceux qui nous font tourner en rond, et les juges de nos juridictions suprêmes (Cour suprême et Cour constitutionnelle) occupent la loge VIP de cette tribune.

Le rôle de la cour Constitutionnelle et de la Cour suprême est de tout temps, d’affaiblir l’opposition politique et les citoyens face au pouvoir, et de renforcer le pouvoir en place.

En quoi faisant ?

  • En rendant des décisions d’irrecevabilité à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions d’incompétence à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions de conformité au droit des actions et actes de l’exécutif.

Autrement dit, quelle que soit la configuration, l’opposition et les citoyens perdent toujours contre le pouvoir.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Quelle est l’importance du droit ?

En chaque individu, couvent une violence, des passions, et des ambitions. Le droit intervient en guise d’amortisseur afin que la vie en société soit possible.

Dans un pays éclaté en une multitude d’ethnies, c’est le droit et la justice qui  rassemblent toute cette multitude pour former une seule entité, c’est le droit qui fait sentir aux différentes ethnies qu’elles ont quelque chose de commune et au-dessus de leurs tribus.

Cependant, si les juges, chargés d’appliquer le droit, ne se soumettent pas au droit, aux procédures, aux méthodes d’interprétation du droit connues de tous, méprisent les citoyens, alors les amortisseurs de la violence sautent, et les portes de l’enfer s’ouvrent pour tout le monde.

Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent. Or l’un des caractères du droit est d’être prévisible, c’est-à-dire, lorsque nous  formons un recours devant un tribunal, nous pouvons avec notre avocat, en vertu des textes de droit et de la jurisprudence, estimer sans être sur à 100%, notre pourcentage de gagner ou de perdre, il y a une rationalité du droit, une calculabilité du droit, mais avec les juges de la CC, tout se fait selon leur simple volonté, le droit n’est plus ce qui est écrit, mais l’expression de leur seule volonté, et leur volonté coïncide toujours avec celle du Président de la république.


Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent.


MADAME ET MESSIEURS LES JUGES

Derrière vos amples et impressionnantes robes, derrière les bureaux luxueux de votre juridiction, derrière toute cette tapisserie et vitrerie de vos locaux, derrière cette solennité et ce mystère qui vous entourent, derrière cette impression de grandeur et d’honorabilité que vous dégagez face aux populations, se cachent en réalité : le mensonge, la lâcheté, le larbinisme, l’irresponsabilité, le manque de courage et d’indépendance.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Chaque citoyen de notre pays doit considérer les 8 juges de la Cour constitutionnelle, comme les auteurs intellectuels de tous les crimes politiques à venir, si une guerre civile survient dans notre pays, les 8 juges de la CC doivent être considérés comme les auteurs intellectuels de celle-ci, si la dictature se renforce et perdure dans notre pays, les 8 juges doivent être considérés comme les maçons de la dictature. Et en cas de changement de régime, en cas de révolution, ils doivent être arrêtés, jugés et condamnés proportionnellement à leurs actes.

Enfin, en ce qui concerne le Président de la Cour constitutionnelle, Mohamed lamine Bangoura, cet homme ne mérite même pas de siéger dans un simple tribunal d’instance (ceci pas pour insuffisance scientifique), cet homme ne devrait siéger dans aucune institution judiciaire, arbitrale, juridique, bref, partout où le droit et la justice se rendent, cet homme ne devrait pas y entrer.

Cet homme doit être éloigné de la sphère juridico-judiciaire, tout comme on éloigne les pédophiles, des structures qui accueillent des enfants, à savoir les crèches, les écoles, les espaces de jeux dédiés aux enfants… Cet homme doit évoluer dans le monde des affaires, dans le monde ou règnent combines et roublardises, dans le monde de la nuit fait de trafics, prétentions et excès. C’est son âme même refuse le droit, donc le droit et la justice ne peuvent s’incorporer en lui, l’habiter. Tout comme il y a des tueurs en série, des violeurs en série, Mohamed lamine Bangoura est un tueur en série du droit, et doit être éloigné du droit.

Cet homme n’habite pas sa fonction de président de la plus haute juridiction du pays avec gravité, en se disant : « J’ai une lourde responsabilité, une tâche difficile et compliquée, je dois être à la hauteur, les décisions rendues par ma juridiction impactent les 13 millions de Guinéens, ces décisions étant insusceptibles de tout recours, je dois veiller à respecter le droit ». Mais son inconscience, son immaturité, son caractère superficiel, le font habiter sa fonction en se disant « Dans ce pays, c’est moi qui décide, ce que je décide est le droit pour les 13 millions de Guinéens, dans ce pays, après moi, c’est Dieu ». Telle est la psychologie  du président de la Cour constitutionnelle de notre pays.


SOW ROUSSEAU




Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue


Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?


1. Quels choix pour nos politiques dans ce contexte de crise?

L’année 2020 comme l’anticipaient les observateurs avertis de la scène politique Guinéenne est l’année de tous les dangers. En effet, l’année 2020 devait être celle de la confirmation ou non de l’ancrage de notre pays dans le rang des pays dits démocratiques. 2020 devait être l’année du renouvellement de l’Assemblée Nationale (AN) et également celle qui devait conduire à la première alternance démocratique depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1958 (Passation de pouvoir entre vifs). Enfin, nous l’espérions en tout cas considérant les conditions de ‘‘l’érection’’ et de ‘‘réérection’’ du PRAC-MATIQUE à la magistrature suprême de notre pays en 2010 et 2015 respectivement.

Cet espoir hélas semble hors de portée suite à l’érection d’un « ENSEMBLE NATIONAL » et au REFERENDRAME DE CONSTIPATION organisés dans les conditions que nous connaissons tous. Ce REFERENDRAME qui a conduit à l’adoption d’un « PQ » constitutionnel. Oui, j’ai ouïe dire que les nombreuses versions sont utilisées dans les WC « Waters » des différents ministères et autres services de l’administration publique. En même temps, il faut dire qu’il n’y a pas d’eau dans les robinets donc on fait comme on peut ! N’nallah. « Rien ne se crée rien ne se perd tout se transforme » disait LAVOISIER. AFAKOUDOU ! qui est fou.

Selon les détracteurs de la constitution du CNT de 2010, cette dernière souffrait d’un déficit de légitimité à cause des conditions de son adoption (par le CNT) et sa promulgation (par un président de transition désormais exilé depuis 10 ans ! Si je mens qu’il rentre au pays pour prouver le contraire) … « What goes around come around » disent les Anglais. Le karma de DADIS n’est pas loin je dis ça, je ne dis rien.

Alors que dire de leur nouvelle constipation, je veux dire le « PQ Constitutionnel ». Lors du « REFERENDRAME », ils ont fait « voter » un texte et le PRAC-MATIQUE a « promulgué » un autre texte. La cours anticonstitutionnelle, consultée par les DÉPITÉS COVID floués dans cette affaire a trouvé les considérants qu’il fallait pour légitimer cette forfaiture. Du moins, c’est ce qu’elle croit mais AMOULANFÉ !

Du jamais vu dans l’histoire du droit constitutionnel selon l’avis d’un éminent professeur de droit de l’UCAD lors d’une émission sur RFI. Un vrai professeur celui-là, pas comme l’autre imposteur. « Y’ai pas dit nom de quelqu’un hein » comme disent les Ivoriens, parce qu’on se connaît dans pays-là ! Ne venez pas manger vos piments dans ma bouche Allahbè.

J’imagine les discussions et argumentations dans les amphis de droit sur cette singularité Guinéenne qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les étudiants de droit vont s’amuser…

Finalement, le déficit de légitimité est encore plus important avec ce PQ constitutionnel de 2020 par rapport à la constitution du CNT de 2010 qui l’a précédée.

« ALIFA PUISSANCI A MAGNIN DEEEEE ! »

2. Quelles décisions doivent prendre les leaders de l’opposition?


Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection.


Selon des indiscrétions, les états-majors des principaux partis politiques envisagent sérieusement de participer à l’élection du 18 octobre 2020. Il est vrai qu’ils sont dans une position difficile et en plein doute vu qu’ils n’ont pas pu empêcher le « REFERENDRAME DE CONSTIPATION » et l’érection des nouveaux « DÉPITÉS COVID ». De mon point de vue, leur participation légitimerait cette pseudo élection envisagée pour le 18 octobre 2020. Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection. S’ils veulent gouverner ce pays, qu’ils aient le courage de leurs ambitions. Ils doivent affronter ce pouvoir corrompu, demander la désobéissance civile à la population, paralyser l’Etat. Que chacun manifeste dans son quartier, sa commune, sa ville, son village. Que les représentants de l’Etat soient mis en déroute s’ils ne se rangent pas du côté du peuple. Une telle démarche permettra d’empêcher la concentration des forces de répression (FDS et armée) à des endroits stratégiques d’un hypothétique itinéraire de marche. Les leaders doivent faire en sorte d’infiltrer l’appareil d’état et l’appareil sécuritaire comme le PRAC l’avait fait du temps du Général CONTE. De toute façon, ils ne sont composés que de mercenaires qui se vendent aux plus offrants. Faites vaciller cette administration de kleptocrates. Il y va de la survie de notre pays en tant que nation. Soyez prêts au sacrifice ultime, déjà, 200 jeunes reposent au cimetière de Bambeto depuis 2010. Ne trahissez pas leur lutte, ils doivent être réhabilités pour que plus jamais de pareilles choses ne se reproduisent.

Ne vous laissez pas enfermez chez vous lors des mouvements sociaux, sortez affrontez les FDS qui bloquent l’accès à vos domiciles. On ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs chers leaders. Soit, vous êtes libre de vos mouvements ou bien en état d’arrestation. Ayez le courage de vos militants qui affrontent les FDS dans les quartiers. Sachez que souvent, la prison est un raccourci vers la Présidence et que l’arrestation d’un Homme politique n’a pas le même impact et la même résonance que celle d’un individu lambda.

Sortez de votre zone de confort !!! OSEZ, JE VOUS CONJURE OSEZ !!!

3. De la nécessité d’une transition !

Il est clair pour tout démocrate ayant un minimum de discernement, qu’une transition est indispensable pour nettoyer le merdier du PRAC-MATIQUE. Pour avoir des élections libres, transparentes et inclusives en Guinée, il y’a des préalables dont on ne peut pas faire l’économie.

  • La suspension de la pseudo nouvelle « constipation » ;
  • La suspension du pseudo parlement des « DEPITES COVID » ;
  • Un nouveau recensement des électeurs qui soit le reflet du corps électoral Guinéen ;
  • La recomposition de la cour constitutionnelle par des hommes intègres. Ils pourraient faire l’objet de désignation à vie à l’image de ce qui est fait aux USA pour éviter la pression et garantir leur indépendance, dans le cadre d’une modification (pas un changement) à la constitution de 2010 ;
  • La recomposition de la CENI sur la base de l’impartialité et la compétence et non plus de la complaisance ;
  • La diligence d’enquêtes concernant les tueries d’innocents lors des différentes manifestations politiques ;
  • La mise en place d’une commission vérité-réconciliation pour purger toute cette frustration et les ressentiments qui empoisonnent le quotidien de notre jeune nation ;
  • La mise en place d’institutions inébranlables avec des hommes de conviction au service de la nation et non des laquais au service de celui qui les a nommés ;
  • Une justice impartiale au service du citoyen ;

Il est indispensable que ces éléments soient mis en place pour éviter l’éternel recommencement dans notre pays (Pays des occasions manquées). A chaque fois qu’on a cru pouvoir remettre notre pays sur les rails, nous n’avons pas fait le bon choix et voilà où nous en somme en 2020.

62 ans après notre indépendance :

  • Nous n’avons ni eau, ni électricité alors que notre pays est Le Château d’Eau de l’Afrique de l’Ouest ;
  • Nous n’avons ni infrastructures routières, ni hôpitaux, ni écoles et universités qui soient valables ;
  • Nous n’avons ni administration efficace, ni dirigeants au service de la population ;
  • Notre système éducatif est à l’article de la mort, il met sur le marché de l’emploi des gens dont le niveau décroît d’année en année. Ce qui compromet dangereusement la capacité des jeunes à prendre la relève ;
  • Aucun projet minier d’envergure n’a été réalisé malgré le scandale géologique de notre sous-sol qui regorge de minerais recherchés et indispensables aux industries ;
  • Les micro-industries que nous avions lors de notre accession à l’indépendance se sont comme évaporées ;
  • Des cadres véreux et corrompus vampirisent notre administration et empêchent toute réforme de nature à mettre à évidence leur incompétence manifeste et chronique ;
  • Des hommes politiques sans conviction, qui comme des girouettes tournent à gré du vent et nous font perdre du temps. Ils n’offrent aucune alternative crédible à un pouvoir moribond ;
  • Les FDS et l’armée qui auraient été réformées à coup de millions de Dollar après la transition et l’érection du PRAC-MATIQUE ciblent et tuent impunément la population. Il faut croire, que l’impunité érigée en système de gouvernance par un éternel opposant, devenu par accident un Président rancunier, n’est pas de nature à faire des FDS et de l’armée des services républicains ;
  • Nous ne sommes même pas capables de nourrir notre population sans faire recours à l’importation alors que nous disposons de surfaces cultivables qui ne demandent qu’à être aménagées et mises en valeur.

4. Quel rôle pour la population ?

L’exigence est le maître mot du rôle que doit jouer la population. Soyons exigeants vis à vis de ceux-là qui nous gouvernent. Ils sont à notre service et pas le contraire. S’ils ne font pas l’affaire, qu’ils dégagent.

Nous sommes au moins 12 millions de Guinéens et il y’a forcément parmi nous des gens valables et honorables pour occuper ces fonctions et qui seront au service de la population. Les hommes et femmes qui aspirent à diriger notre pays doivent savoir que la fonction, à laquelle ils veulent accéder, consiste à servir (le peuple) et non se servir (du peuple).

Chers compatriotes, faisons le bilan des 10 ans de gouvernance de l’éternel opposant devenu président.

Après 10 ans sous la présidence du PRAC et de son RPG, évaluons sans complaisance et en toute objectivité, les changements qualitatifs et quantitatifs que nous observons dans notre vie quotidienne. Evaluons, si ces changements sont à mettre à l’actif de la gouvernance du PRAC?

  • Nos enfants sont-ils mieux scolarisés ?
  • Nos hôpitaux sont-ils mieux équipés et plus à même de nous fournir les soins dont nous avons besoin ?
  • Notre pouvoir d’achat s’est-il amélioré ?
  • Les routes que nous empruntons au quotidien lors de nos déplacements sont-elles dans un meilleur état ?
  • La desserte en eau et électricité dans les ménages dans nos foyers s’est-elle améliorée ?
  • Nous sentons nous plus en sécurité avec la supposée réforme des FDS et de l’armée qui continuent à endeuiller nos familles ?
  • Ressentons-nous plus de liberté, de démocratie et de droit de l’homme ?
  • L’administration publique est-elle plus performante au service de la population ?
  • La corruption qui caractérisait l’administration Guinéenne a-t-elle baissée ou s’est-elle amplifiée ?
  • Les cadres corrompus qui manipulaient le Général CONTE, le sulfureux capitaine DADIS, et le Général maquisard KONATE, ont-ils été écartés des arcanes du pouvoir ?
  • Des gros projets miniers qui étaient à l’étude, lequel a été mis en œuvre en 10 ans de pouvoir du Président stagiaire aka le PRAC ? Quels bénéfices pour la population ?
  • Nous sentons nous toujours proche de nos amis, voisins, collègues et connaissances des autres communautés ethniques comme ce fut le cas avant la Présidence du PRAC et sa politique tribale ?
  • Pour faire simple, notre vie et celle de nos parents amis et voisins est-elle plus facile et mieux aujourd’hui grâce à cette administration ?

Personnellement, je réponds par la négative à l’ensemble de ces questions.

Chers compatriotes, il est encore temps d’agir. Agir pour nos enfants. Pour nous, il est trop tard, mais nous pouvons encore faire en sorte que nos enfants bénéficient des avantages et ressources dont notre beau pays est doté.

Agir en quoi faisant me diront certains !

En s’engageant, chacun à son niveau, selon ses moyens pour faire échouer l’homicide programmé de notre démocratie. C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires. La nature a horreur du vide à ce qu’il parait. Aujourd’hui, ces kleptocrates décident de notre avenir et compromettent dangereusement l’avenir de notre mère patrie la Guinée. Je veux chers compatriotes que nous nous approprions cette réflexion : « Nous n’héritons pas notre pays de nos parents, mais nous l’empruntons à nos enfants ».  Alors, faisons-en sorte de leur rendre le pays dans une situation meilleure que celle dans laquelle nous l’avons trouvé. Mettons les Hommes qu’il faut aux places qu’il faut. Sortons de ces considérations tribales qui n’apportent rien de bon. « Au lieu du champagne pour quelques-uns, nous voulons l’eau potable pour tous » comme le disait Thomas SANKARA.


C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires.


Sachez chers compatriotes, que le peuple qui n’assume pas sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort.

L’Occident ou la communauté internationale ne viendront pas résoudre nos problèmes à notre place. Ils sont confrontés eux-mêmes à des défis auxquels ils doivent faire face. Notre situation de pays assisté arrange la puissance coloniale. Les discours souverainistes, pompeux et creux de notre PRAC national qui vient ensuite faire la révérence à l’Élysée devant son petit-fils MACRON devraient nous éclairer sur la personnalité de l’homme, sa duplicité.

Il est grand temps d’envoyer le PRAC à la retraite dans un EHPAD là où est sa place. Et au-delà du PRAC et consort, il est grand temps de mettre fin à ce système qui condamne des générations et met des millions d’espoirs sous verrous.

« Refusons de manger avec ceux qui mangent la Guinée » comme l’avait fait Thierno Monenembo lors de son invitation au diner d’état offert par François Hollande au PRAC a l’occasion de sa visite d’Etat en France.

5. Les conséquences du maintien de cette administration au-delà d’octobre 2020

En 10 ans de pouvoir PRAC-MATIQUE, nous avons tous vu les résultats de cette administration. Plus haut nous avons fait le bilan des changements qualitatifs et quantitatifs dans nos vies. Allons-nous continuer dans cette direction en espérant des résultats différents ? Albert EINSTEIN disait que : « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». J’ose espérer qu’on n’est pas tous déments dans ce pays. Les Ivoriens eux disent que : « Premier gaou n’est pas gaou, c’est deuxième gaou qui est niatta ».

L’administration de ces 10 dernières années est la représentation même de « L’INAPTOCRATIE » que JEAN D’ORMESSON définit ainsi : « système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle ». C’est à croire que c’est l’administration du PRAC qui a inspiré l’auteur.

Supposons maintenant, que ces « INAPTOCRATES » se maintiennent au pouvoir au-delà d’octobre 2020, imaginons les conséquences :

  • Un Président sénile de plus de 90 ans qui n’est même plus audible lorsqu’il s’exprime lors de ses allocutions ;
  • Un tissu social déjà fortement éprouvé qui va définitivement se déchirer ;
  • Le maintien de cadres corrompus sans aucune compétence à des postes qu’ils ont eus en récompense de leur adoration au PRAC ;
  • La perte des acquis démocratiques que nous pensions avoir obtenus lors de mouvements sociaux successifs des années 2000 à 2010 et au lendemain des massacres du 28 septembre date doublement symbolique pour notre pays ;
  • Le maintien du soutien, du financement et de la protection par une administration aux abois, d’individus n’ayant aucune fonction officielle et dont le rôle est de promouvoir des discours haineux aux relents ethniques pour compromettre l’unité nationale ;
  • Le statut quo des FDS et d’une armée d’opérette au service d’un homme et non au service d’une nation ;
  • L’enrichissement illicite des membres de l’administration au détriment de la réalisation d’infrastructures de base pour la population qui manque cruellement de tout ;
  • La stigmatisation de notre pays comme un État paria parmi les nations démocratiques ;
  • Le maintien en statut quo d’un fichier électoral tellement tronqué, qu’il rendra impossible ad vitam aeternam, toute alternance dans le pays tellement il est biaisé pour favoriser le RPG arc en ciel ;
  • Le maintien en statut quo d’une cours constitutionnelle qui dit tout sauf le droit, ce qui aura pour conséquence un appareil judiciaire inopérant ou qui rendra tout sauf la justice ;
  • Le maintien d’un parlement dont les membres mal élus n’ont aucune légitimité vu les conditions du scrutin ;
  • Une constitution qui n’a pas l’adhésion de la majorité de la population et qui lors de sa promulgation a fait l’objet d’un faux lui enlevant tout son caractère de norme juridique ultime au sein d’un Etat ;
  • Cautionner auprès de notre jeunesse, l’idée selon laquelle, la politique n’a ni morale, ni éthique en érigeant en modèle des individus qui se sont reniés et qui ont ravalé leur vomi pour être conviés au festin de ce « gouverne-et-ment » de voleurs.
  • Donner l’illusion à cette même jeunesse, que la réussite s’obtient dans la roublardise et non dans le travail et l’abnégation ;
  • Continuer l’exploitation abusive de nos ressources (sol et sous-sol) par des sociétés étrangères qui détruisent notre environnement et dont les profits, sont domiciliés dans des comptes offshore détenus par les membres corrompus de l’administration du PRAC et qui ne bénéficient donc pas à la population ;
  • La dégradation continue de nos conditions de vie et de subsistance dans un pays scandaleusement doté par la nature de toutes les richesses du sol et du sous-sol ;
  • La poursuite par un président sénile de promesses fallacieuses et de poses de premières pierre alors que les projets lancés pendant les 10 dernières années à la veille de consultations électorales n’ont jamais vu le jour.

Sommes-nous prêts pour ce statut quo ?

J’espère que non !

J’espère un sursaut national pour sauver notre mère commune la Guinée de la main de ces gangsters dont l’unique dieu est l’argent et l’unique religion est le pouvoir pour le pouvoir.

Vaillant peuple du NON de 1958 au Général De Gaulle, tu ne peux courber l’échine devant un président tel qu’Alpha CONDE jadis connu sous le nom d’Alfa Grimpeur.

Frantz FANON disait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir »

Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?

La décision nous appartient !

Ne pas faire de choix c’est aussi faire un choix !


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné




Alpha Condé, «Après moi le déluge»


Désigné candidat du RPG pour un troisième mandat présidentiel lors du congrès du parti tenu à Conakry ce jeudi 6 octobre 2020, Alpha Condé hésite à faire le saut dans l’inconnu.

À 82 ans, l’ex prisonnier politique compte entamer une carrière d’autocrate. Quelle triste trajectoire d’un homme politique africain qui a été longtemps perçu comme une alternative crédible pour l’instauration de la démocratie en Guinée. À 82 ans, il n’aura ni le temps ni les moyens ni la légitimité pour diriger un pays qu’il a contribué à affaiblir sur tous les plans.

Lansana Conté faisait cet effort de se conformer au jeu démocratique en préservant les bases de la légalité institutionnelle. Avec Alpha Condé, l’homme de droit, c’est l’hécatombe institutionnelle avec une flagrance jamais égalée dans la violation des lois de la république et un archaïsme jamais atteint dans les pratiques de gouvernance.

L’ancien opposant historique a réussi la reconversion la plus triste pour un homme politique. L’homme a tout perdu. En plus d’endosser la responsabilité des centaines de morts, tués pour la plupart dans des manifestations politiques, il a perdu la sympathie de tous ces africains qui se sont levés, ont manifesté, ont écrit, ont chanté pour dénoncer son arrestation et son emprisonnement en 1998 par le régime de Lansana Conté. Aujourd’hui, le régime de Alpha Condé détient le record d’arrestations extrajudiciaires, de kidnapping, de violences policières et d’exactions de la force publique sous toutes ses formes. En quelque sorte, il s’est vengé. Se venger de ses ex-geôliers ? Non ! Ils sont nombreux à travailler avec lui aujourd’hui. Alors pourquoi un tel acharnement contre ses opposants ?

Sur internet, il a réussi à faire disparaître des recherches « l’opposant historique » « le prisonnier politique victime d’injustice » et il est aujourd’hui plus facile de trouver dans les résultats de recherches « Alpha Condé veut un 3ème mandat » « manifestants contre Alpha Condé tués ».

Ce type est malheureux mais avec un égo démesuré qui lui joue des tours, il sombre lentement dans l’irrationnel. Sa mauvaise gestion de l’adversité en politique impacte son jugement au point de réduire tous rapports de forces comme une offense. Il n’hésite pas à utiliser les moyens les plus détestables notamment en surfant sur les sensibilités éthno-régionalistes au risque de fissurer davantage le tissu social. Peu importe la dangerosité de la manœuvre, pour lui, seul le résultat compte.

Ces conseillers sont incapables de lui faire comprendre qu’il est le seul perdant dans son duel avec ses opposants. Ces derniers sont dans leurs rôles et ils n’ont pas de compte à rendre au peuple de Guinée.

Aujourd’hui, le jusqu’au-boutisme du fugitif de Piné est un signe de désespoir, une attitude d’un kamikaze qui se dit « après moi le déluge ». C’est pour cette raison qu’il faut le stopper car il devient dangereux pour la stabilité du pays.

En revanche, pour ses collaborateurs, c’est le « président parfait ». Non pas parce qu’il est bon pour le pays, mais parce qu’il est le président du laxisme, du laisser-aller, du « laisser-voler », de l’impunité, de la corruption et des détournements de deniers publics. Il est « parfait » parce qu’il est incompétent. Il est « parfait » parce qu’il gouverne par tâtonnement. Aujourd’hui, le vieux et malheureux président a peur.

Mais, avec les garanties fragiles des courtisans, le pronostic des marabouts, l’attentisme défavorable de la communauté internationale, les prêches de l’imam de Conakry, les centaines de familles endeuillées qui maudissent chaque jour ce régime, son âge et ses maladies connues et cachées, le vieux sait pertinemment que son projet de 3ème mandat est un saut dans l’inconnu. Wait and see !


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




D’une impasse politique à une crise sociale, comment construire le pont consensuel?


Chronique


Une marmite bouillante, des ingrédients de toutes saisons (cherté de la vie, corruption, l’éducation des enfants compromise, difficultés pour se soigner, le calvaire des citoyens par manque d’infrastructures routières, l’obscurité qui aurait couté des milliards de francs guinéens) et au milieu des casseroles de la république, un apprenti cuisinier qui joue au Chef. Souffler constamment sur les braises sociales, il en a fait son sport favori. Manipuler le pauvre guinéen pour étouffer toute prise de conscience collective, il n’hésite pas à franchir la ligne rouge. S’il n’est pas stoppé dans sa folie incendiaire, il risque de faire cramer la baraque nationale. Il est le problème, le peuple a la solution.

Erik Neveu dans son ouvrage Sociologie des mouvements sociaux souligne qu’une « action collective suppose un travail sur les représentations », autrement dit une nomination et une problématisation d’une réalité sociale. Selon lui, il faut doter la mobilisation d’un langage en transformant le malaise en injustice, le légitimer au regard d’un système de valeurs et de normes.

La mobilisation autour des problématiques qui font consensus, une option à privilégier. L’opposition politique, pour être plus audible, devrait désexpertiser sa communication autour de son offre politique pour faciliter sa compréhension auprès des populations qui ont du mal à cerner certains enjeux nationaux. Dans une interview, le politologue Philippe Braud soulignait « Quand le suffrage universel est le seul moyen légitime d’accéder au pouvoir, il est impossible de tenir aux électeurs le seul langage d’expert. Celui-ci serait inaudible non seulement à ceux qui ont un faible bagage économique ou culturel, mais aussi à tous les citoyens ». Les questions autour d’une constitution, son importance restent pour une majorité de guinéens, un langage extraterrestre. Il faut privilégier plus de pédagogie, plus de proximité et plus d’appels aux émotions des citoyens. Les profils des électeurs sont difficiles à saisir car l’électeur est aussi un citoyen émotionnel. Philippe Braud a tenté d’expliquer les types de profils qu’on pourrait rencontrer. L’auteur de L’Émotion en politique note que certains électeurs donnent leurs voix à un candidat familier et rassurant même s’il est peu convaincant. D’autres en revanche, préfèrent le vote sanction. Ces derniers « verront dans le geste électoral le moyen de libérer une agressivité nourrie de frustrations accumulées, d’origine sociale, professionnelle ou même privée ».

Casser l’amalgame par l’éducation électorale

Le rapport de force engagé entre les guinéens qui défendent la démocratie et les autres témoigne de la nécessité d’éducation politique de proximité. C’est assez réducteur que la question de la défense de la constitution soit perçue par la majorité comme une compétition politique entre acteurs. D’ailleurs, c’est la perception préférée des promoteurs de cette forfaiture. Dans une telle configuration, certaines questions méritent une attention particulière. Comment faire comprendre à la majorité que ces promoteurs ne représentent pas 1% de la population guinéenne ? Comment lui faire comprendre qu’il n’y aura pas d’électricité parce que tout simplement le financement mobilisé est détourné par ce petit groupe ? Comment expliquer à la majorité qu’il est impossible pour un ministre de faire partie des plus riches du pays car son salaire et autres avantages liés à la fonction sont connus ? Comment faire comprendre à la majorité qu’une constitution est la boussole d’une nation ? Comment expliquer à la majorité que la fraude électorale est un détournement de leurs voix ? Et défendre sa voix est une garantie pour voir ses aspirations qui ont motivé son choix, prises en compte.

En dehors des clivages politiques assez prononcés et entretenus par une forte dose d’appréhensions et de mensonges historiques, les problématiques qui font consensus sont légion en Guinée car la pauvreté est la denrée la mieux partagée dans ce pays. C’est l’heure du bilan. Pour contrer l’enfumage d’état en cours sur des projets à venir (sur fond d’ouvrages de maquettistes), il est essentiel de dresser une liste des promesses non tenues par le régime et de travailler sur les éléments de langage dans le cadre d’une vaste campagne de sensibilisation citoyenne. En plus de l’argument contre un 3ème mandat pour Alpha Condé, il faut sensibiliser davantage autour des conditions de vie inacceptables des guinéens dans sa très grande majorité. Établir et expliquer la corrélation entre les scandales financiers (aux ramifications internationales) enregistrés depuis 2010 et la pauvreté grandissante des populations guinéennes, permet de construire un argumentaire solide pour une sensibilisation citoyenne autour de la forfaiture en cours en accentuant le discours sur le risque d’aggravation de cette pauvreté avec un régime qui a déjà montré ses limites.

Ce “cluster” gouvernemental est dangereux. Nous observons ces derniers temps, la formation d’un “foyer de contagion” par l’achat des consciences autour de Alpha Condé pour « recruter par décret » (pour reprendre l’expression du journal satirique Le Lynx). Face à cette imposture endémique, il est essentiel de marteler cette évidence : ces guinéens qui s’activent et s’agitent pour faire avaler à la majorité la pilule de la forfaiture usent et abusent de l’argent public.

Démultiplier les « Kankan » et s’inspirer des mobilisations historiques récentes en Afrique

Kankan, les aléas de la sortie de l’hypnose mal négociée

Le signal est donné. C’est toute la Haute Guinée, autrefois fief du pouvoir (la nuance est nécessaire à ce niveau, le RPG a perdu son fief traditionnel depuis très longtemps. C’est par la fraude qu’il entretient cette illusion de base politique locale imprenable) qui se réveille de la longue séance d’hypnose entretenue par Alpha Condé et certains fils de la localité. Les promesses ont une date de péremption car le peuple te rappellera toujours l’échéance.

Les populations de la Haute Guinée observent médusées l’insolente richesse bradée par certains de leurs enfants avec pour seul exploit, avoir réussi ces dix dernières années à manipuler par le mensonge et les fausses promesses toute une région. Ces gens-là ne se battent pas pour une région ou un groupe ethnique. Ils se battent pour leurs propres intérêts. 

Les manifestations de ces derniers temps pour réclamer l’électrification de Kankan et la réaction de panique des autorités nationales témoignent l’importance d’opérer une mutation intelligente des revendications pour une mobilisation générale des populations guinéennes.

Des exemples africains

Omar el-Béchir et le prix du pain

En triplant le prix de la farine, El-Béchir ne pouvait pas imaginer qu’il allait perdre le pouvoir après 30 ans de règne sans partage. Même si le glaive du pain maudit a été la goutte qui a fait déborder le vase, il faut rappeler que la situation économique du pays était très difficile.

Mohamed Bouazizi, et le printemps arabe

Les exactions policières de trop. Pour ce jeune vendeur de fruits et légumes tunisien, la coupe des frustrations était pleine ce 17 décembre 2010 quand il se voit confisquer sa marchandise par des policiers. S’immoler par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid était non seulement un acte de désespoir face à un système oppresseur mais surtout un acte de résistance et de révolte. Le monde entier assistait à la naissance de ce qu’on a appelé le printemps arabe et la chute de plusieurs régimes dans le monde arabe.

Les ingrédients pour un mouvement social d’ampleur en Guinée sont dans la marmite, il revient aux acteurs leaders de faire preuve d’intelligence et de savoir appuyer sur Cook pour libérer le pays.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




SCAN : «[ ] les deux constitutions qui se catapultent… Il faut les retirer» Sidya Touré


SCAN POLITIQUE [des paroles et des écrits]


Sidya Touré, Président de l’UFR (les conditions pour un éventuel dialogue avec le pouvoir) – 4 Juillet 2020

Les conditions : « la première chose, il faut qu’il (le pouvoir, ndlr) renonce au troisième mandat d’Alpha Condé qu’on n’en veut pas. La deuxième, les deux constitutions qui se catapultent… Il faut les retirer. L’Assemblée Nationale qui a été votée dans les conditions qu’on connaît, avec une distribution de députés, il faut la reprendre. Voilà les conditions dans lesquelles nous irons à un dialogue. Si ce n’est pas le cas, … nous continuerons à nous y opposer »

La source ici


Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFDG (à l’occasion de l’inhumation des huit jeunes tués lors des manifestations du FNDC) – 3 juillet 2020

« Depuis qu’Alpha Condé est au pouvoir, nous avons enterré 194 jeunes personnes dont la plupart ont moins de 20 ans. Ce qui se passe aujourd’hui est plus grave par rapport à ce qui s’est passé au stade du 28 septembre où il y a eu 159 morts en 2009 ».

La source ici


Aliou Bah, Président de l’organe provisoire du MoDeL – 5 juillet 2020

« Au lieu de rester dans la critique passionnelle, l’indifférence naïve et l’équilibrisme hypocrite, regardons objectivement d’où nous venons et faisons ce que nous pouvons, autant que possible, pour faire bouger les lignes dans la bonne direction ».

Lire la suite







Trois scénarios pour une sortie de crise en Guinée? [Par Ibrahima SANOH]


La Guinée est à la croisée des chemins et son avenir est plus que jamais en jeu. Le double scrutin du 22 mars 2020 a eu lieu et a rendu la réalité politique  plus compliquée. L’avènement de la crise sanitaire  liée  au COVID-19 qui nous affecte de diverses manières doit conduire à réfléchir dès maintenant sur l’avenir proche du pays d’autant plus qu’une échéance électorale, à l’occurrence la présidentielle, est prévue cette année.  Aura-t-elle lieu ?  L’opposition y prendra-t-elle part au cas où Alpha Condé  serait candidat ? Alpha Condé sera-t-il candidat ? Voilà  de petites  questions  qui n’ont pas de réponses toutes faites. Il faudra  les répondre si nous ne voulons pas  que notre avenir nous échappe. Ne pas prévoir demain, c’est aller les yeux bandés vers l’avenir imprédictible  et souvent, droit  dans l’abîme. Ne pas anticiper la survenue des évènements et faits qui feront demain, c’est vivre une vie de chien. Un  pays et ses citoyens doivent se l’éviter.

Dans le présent papier, mon dessein est d’esquisser quelques scénarii pour  la présidentielle de 2020 et d’amener la classe politique, les acteurs  de diverses   institutions  qu’elles soient nationales ou étrangères à réfléchir à l’avenir du pays et créer les conditions d’un dialogue inclusif, sincère et prompt  afin d’éviter à la Guinée le fourvoiement et une  impasse politique imminente. Le pays est la quête du temps perdu. Ne faudra-t-il pas  lui éviter les crises inutiles, procédant de nos excès de confiance  et de nos cécités politiques ?

Scénario I : Report de la présidentielle de 2020.

La  tenue du double scrutin du 22 mars  a eu des conséquences fâcheuses  et a fait des victimes collatérales.  Pour assez d’observateurs, j’en fais partie,  elle a aggravé  la crise sanitaire alors latente et a favorisé la propagation du coronavirus. Aujourd’hui, le nombre de contaminés augmente plus que celui des guéris  et  celui des cas contacts évolue à un rythme alarmant.  Ce qui conduit, sous certaines conditions,  à douter de la capacité du pays à venir à bout de la crise sanitaire à  moyenne échéance.  Peut-être apprendrons-nous à vivre avec le coronavirus. Il faut rappeler que la Guinée n’est venue à bout d’Ebola que lorsqu’un vaccin fut mis au point et  mis à la disposition des pays alors frappés par le virus à fièvre hémorragique. 

Dans ce contexte de crise sanitaire, il serait déraisonnable que la CENI  et même le Président de la République  tiennent la présidentielle à la date prévue. Les mesures adéquates pourraient être prises à cet effet, dira-t-on. Le  vote sera-t-il électronique et  les élections sans campagnes électorales ? Les mesures qui seront prises permettront-elles de protéger les Guinéens qui seront appelés aux urnes  contre le risque de contamination au coronavirus ? 

La date de la présidentielle est éloignée, diront certains. N’est-ce pas que l’organisation de la présidentielle de 2020 est tributaire  de  la capacité du pays à  triompher du coronavirus  qui  éprouve  la Guinée et le monde ?  A l’hypothèse que le coronavirus soit circonscrit, ne faudra-t-il pas un consensus  sur  certaines questions à savoir : la CENI qui n’inspire pas confiance à une certaine opposition, le fichier électoral  et d’autres questions subsidiaires.

Quand bien même Alpha Condé ne serait pas candidat  et  que la crise sanitaire due au Coronavirus serait finie, l’opposition qui n’a pas pris part au double scrutin du 22 mars 2020  acceptera-t-elle la CENI  qu’elle a décriée ?  Va-t-elle se renier et se dédire ? 

Il est des plus probables que la présidentielle  de 2020 connaisse un report !  Ce ne  serait pas un mal eu égard  aux réalités susmentionnées. Seulement, il faudra se mettre d’accord sur certaines questions qui divisent. Cela suppose que les différentes parties prenantes au processus électoral s’accordent sur le principe qu’elles doivent se parler  et dialoguer. Mais la confiance entre ces acteurs n’est-elle pas entamée ? Alpha Condé qui a eu  une grande peine à se faire  féliciter après  l’adoption par le pays d’une nouvelle constitution, aura-t-il le courage d’organiser la présidentielle en étant lui-même candidat  et cette année, sans que le coronavirus  soit vaincu ?   Cela semblerait absurde. Et, s’il venait à l’essayer, il sera de plus en plus isolé et donnera raison à tous ceux qui ont dit qu’il se donnait à travers la nouvelle constitution la possibilité de saper le principe de l’alternance en se portant candidat à un autre mandat.  Lui qui a survécu à de nombreuses crises politiques, à Ebola, aux nombreuses manifestations de rue, à la honte qu’aurait engendré l’échec de son double scrutin, voudra-t-il ouvrir un autre front de combat en temps de crise sanitaire mondiale ?  On le sait téméraire et entêté. Survivra-t-il  à cette autre épreuve ?

S’il y a report de la présidentielle, c’est que le pays connaîtra une nouvelle transition. Combien de temps durera-t-elle ? N’est-ce pas que les transitions aiguisent  les appétits  et conduisent souvent aux substitutions de priorités ?   Alpha Condé qui l’assurera pourra-t-il être candidat à un autre mandat ? Peut être que  l’apport de la communauté internationale  et aussi qu’une certaine pression étrangère   favoriseront  un dialogue  sur les questions   dont  les résolutions sont reportées : fichier électoral, présidence de la CENI et sa composition, candidature d’Alpha Condé à un autre mandat,   acceptation de la constitution du 22 mars 2020 par l’opposition au sein du FNDC. Peut-être  aussi, Alpha Condé aura-t-il des garanties  et  incitations qui l’emmèneront à ne pas se porter candidat  à la présidentielle.


S’il y a report de la présidentielle, c’est que le pays connaîtra une nouvelle transition. Combien de temps durera-t-elle ? N’est-ce pas que les transitions aiguisent les appétits et conduisent souvent aux substitutions de priorités ?


Tout cela ne sera pas sans conséquences. Il aura, lui  qui s’est toujours plaint d’avoir été empêché, la possibilité de rattraper quelques années perdues.  Mais cela lui permettra-t-il d’être performant ? Voilà un sophisme : celui de l’amortissement. Le temps écoulé ne se rattrape pas ! Le mandat d’une transition est contraignant . Aussi, il aura la possibilité de se mettre à l’abri de certains ennuis judiciaires si la communauté internationale venait à lui faire des propositions de poste au sein de certaines institutions.  Mais les récriminations de l’opposition sont plus grandes et vont au-delà de sa personne. On pourrait lui éviter certains procès en raison de son rang,  ce qui serait inadmissible pour d’autres présumés coupables de crimes de sang et économique. On pourrait lui accorder le pardon, mais  jamais l’amnésie à ses supposés suppôts.  Le RPG devra alors avoir un candidat pour lui éviter une triste fin et la justice des victorieux. Alpha Condé, Président de la transition, sera-t-il neutre ?  N’aura-t-il pas une inclination pour un candidat ? N’influera-t-il pas sur la sincérité du scrutin ?  On pourrait perdre d’autres années et la transition pourrait bien donner lieu à une confiscation du pouvoir.  Le risque d’une instabilité politique  est réel.

Scénario II : Candidature d’Alpha Condé à la présidentielle de 2020.

Ce scénario, me paraît improbable dans les conditions actuelles. Certaines raisons évoquées dans le scénario précédent  sont aussi en vigueur dans le présent cas.  L’hypothétique candidature d’Alpha Condé à la présidentielle de 2020 est liée à sa capacité à  venir à bout du coronavirus et aussi à faire accepter par une certaine communauté internationale sa réforme constitutionnelle. Le dernier trimestre de 2020 est encore loin et assez de choses peuvent encore se passer.

Si Alpha Condé se porte candidat  alors qu’il n’a pas  vaincu le coronavirus , c’est qu’il aura compris qu’il ne viendra jamais à bout de cette crise sanitaire  avant la découverte  d’un vaccin dont l’attente serait inconcevable  et aussi , qu’il n’a pas à chercher l’approbation d’une certaine communauté internationale. N’est-ce pas qu’il avait avant la réforme constitutionnelle reçu le soutien des dirigeants placés sous la même enseigne  que lui et qui l’ont  félicité  après le double scrutin : ceux  de la  Russie, de la Chine, de la Turquie ?   La CEDEAO, les pays occidentaux, certains  pays africains ayant une tradition démocratique avérée ne lui ont envoyé aucun message de félicitations.  Cherchera-t-il à leur plaire ?  Reculera-t-il  alors que le plus difficile est fait et qu’à présent, il a possibilité d’être candidat à un autre mandat ?

La  récente plainte  du FNDC contre le pouvoir guinéen  à la CPI pourrait avoir des conséquences insoupçonnées  que  les initiateurs  n’ont pas eux-mêmes soupesées. En effet, une nouvelle constitution veut dire : ne pas ouvrir la boîte de pandore. Si  plusieurs dirigeants sont tentés de  mourir au pouvoir, c’est qu’ils ont renoncé aux hypothétiques honneurs d’après règne pour se mettre à l’abri des ennuis judiciaires. Aussi longtemps qu’ils dirigent, ils le savent, ils jouissent d’une certaine  l’immunité les protégeant contre les actions judiciaires.  Si Alpha Condé n’est pas candidat alors  qu’il désespère, son parti avec, de trouver un dauphin  qui sera à même de remporter la présidentielle  à l’issue d’un scrutin dûment constitué. S’il n’a pas l’assurance qu’il  sera, après le pouvoir, exempt de poursuites judiciaires, eh bien, il sera tenter d’être candidat à un autre mandat et  voudra aller aux élections même dans les conditions les plus discutables.  


Si plusieurs dirigeants sont tentés de mourir au pouvoir, c’est qu’ils ont renoncé aux hypothétiques honneurs d’après règne pour se mettre à l’abri des ennuis judiciaires.


L’opposition au sein du FNDC doit entendre cela et entrevoir une lutte politique plus habile que celle des muscles dont les résultats sont très contrastés.  Impénitente, elle doit avoir son travail de conscience ! Les menaces  n’engendrent toujours pas les résultats escomptés. Elles peuvent  produire l’effet contraire : la fossilisation des dirigeants.

Scénario III : Désistement volontaire d’Alpha Condé à être candidat à un autre mandat.

Ce scénario est trop optimiste pour être des plus probables.  Les faits conduisent à croire qu’il est irréaliste.  Sa survenue  pourrait avoir des conséquences dont la mort  subite du FNDC et la révélation des contradictions au sein de l’opposition.  En effet, si Alpha Condé annonçait qu’il ne serait pas candidat à un autre mandat, cela apaiserait une certaine tension politique et  favoriserait un  dialogue sur certaines questions de l’heure et surtout celles électorales.  Une telle annonce sera  favorablement accueillie  par la communauté internationale qui lui aura prêté des intentions et qui, sans nul doute œuvrera à l’aider à s’acquitter de la promesse qu’il aura tenue : celle de ne pas être candidat à une autre échéance électorale. Là, il pourrait, intelligemment se soustraire  de certains ennuis judiciaires après le pouvoir et  se réconcilier avec ses combats historiques. Encore, il aura évité à sa postérité d’être dédaigneuse.  Saura-t-il dominé  le ressentiment  qu’il a vis-à-vis  de cette classe politique qui lui a livré un combat implacable pendant assez d’années ? Il ne faut pas désespérer qu’il puisse encore se révéler homme d’Etat et que, même dans les moments d’incertitudes, il puisse se montrer à la hauteur de ses combats historiques.


En effet, si Alpha Condé annonçait qu’il ne serait pas candidat à un autre mandat, cela apaiserait une certaine tension politique et favoriserait un dialogue sur certaines questions de l’heure et surtout celles électorales.


S’il venait à faire une telle annonce, l’opposition serait confrontée à deux opinions contradictoires. La première sera celle de ceux qui diront : «  Allons aux élections et sans préalables. »  La seconde, celle des circonspects qui diront : « Créons les conditions d’une élection inclusive et transparente dès lors que cela est possible et mettons-nous d’accord  sur les questions essentielles. »  Cette dernière frange  ne voudra pas se dédire alors qu’elle ne porte pas une grande admiration à la CENI, ne croit pas à la fiabilité du fichier électoral. Une telle annonce permettra d’acquérir une certitude que la nouvelle constitution tant décriée est acceptable et le sera et, qu’en supposant à lui, le FNDC  s’opposait à la possibilité qu’Alpha Condé soit candidat  à une autre échéance électorale.   !  Les déclarations cocardières et patriotardes  s’estomperaient. «  2020, Un autre  », voilà son  slogan dénotant de peu d’ambitions 

Que cette hypothèse soit validée ou non, il faut bien se poser la question qui est : au cas où Alpha Condé ne serait pas candidat,  et au cas où il se donnerait les chances de tenir des élections inclusives et transparentes, n’est-ce pas qu’il faudra que la classe politique s’accorde sur certaines questions ?

En définitive, quel que soit le scénario, une chose est claire, nous vivons une grande crise qui n’est pas que sanitaire. Elle est multidimensionnelle. Elle est  aussi politique.  La crise sanitaire a permis d’éluder les clivages politiques et de créer une harmonie de  façade, foncièrement  factice, de  réduire les angles de nos contradictions idéologiques et politiques, de rengainer l’expression de certaines méchancetés. Elle a favorisé la politique de temporisation. Elle ne résoudra pas nos problèmes politiques et ne mettra pas fin à nos contradictions, même si elle a la vertu de  reporter leurs résolutions.  N’est-ce pas qu’il faudra alors qu’il est grand temps de poser les bases d’un dialogue national en faisant les compromis forts pour éviter au pays une crise politique majeure ? N’est-ce pas qu’il faut asseoir les bases d’un dialogue politique national  sur le processus électoral ? Devons-nous reporter la présidentielle de 2020 ? Si oui, pourquoi ? A quelle échéance ?  Au cas contraire, avec quelle CENI, quel fichier électoral  et dans quelles conditions ?  L’opposition doit  s’intéresser à ce sujet et poser les conditions raisonnables pour un dialogue sincère et franc. La communauté internationale doit aider la Guinée  à réussir ce pari.

Ceux qui croient naïvement –  peut-être sont-ils forts d’autres choses que nous autres ignorons – que les muscles et la tactique  de la surenchère régleront les problèmes servent  de cautions politiques à Alpha Condé  et lui font le plus grand bien qu’ils ne peuvent imaginer : ils le  réconfortent dans ses positions  et hâteront  ses réactions par le mal de notre démocratie.  Cela suffira pour sacrifier l’idéal de l’alternance qui est un  triple impératif : moral, politique et constitutionnel.


Ibrahima SANOH
Citoyen guinéen
Président du Mouvement  Patriotes Pour l’Alternance et le Salut.

[NDLR] L’auteur avait proposé le titre : Comment éviter le piège de la transition qui trahirait l’alternance démocratique en Guinée ?





L’heure est grave pour la Guinée [Centre d’études stratégiques de l’Afrique]


Faisant fi des manifestations de masse, des mises en garde des responsables de la CEDEAO et des critiques internationales, le président Alpha Condé a imposé la tenue d’un référendum constitutionnel en Guinée le 22 mars. Le référendum, ainsi que les élections législatives, ont été boycottés par l’opposition qui les juge illégitimes du fait qu’ils ont été autorisés uniquement par le président de l’Assemblée nationale, un allié de Condé, mais non par le Parlement, comme l’exige la Constitution. Au moins 32 manifestants ont été tués par les forces de police avant la tenue du vote. Arguant du non-respect manifeste des règles électorales et de la validité douteuse des listes électorales, les observateurs électoraux internationaux ont refusé d’y prendre part.

Au cœur de la controverse, la demande du président de 82 ans de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels qui aurait dû mettre fin à son « règne » au mois d’octobre, après 10 ans d’exercice du pouvoir, et permettre à la Guinée de connaître enfin sa toute première succession dans le respect des règles démocratiques. En vertu de la nouvelle Constitution, Alpha Condé pourrait prétendre rester en fonction pendant encore 12 ans. Le pays ayant enduré pendant 50 ans despotisme et abus de pouvoir avant d’entamer sa transition démocratique en 2010, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels revêt une importance particulière pour la plupart des Guinéens. Cette longue période de mauvaise gouvernance vaut aujourd’hui à la Guinée d’être l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.

L’heure est grave pour la Guinée. En effet, l’expérience montre que les chefs d’État africains qui sont restés au pouvoir pendant plus de 10 ans ont accumulé les actes de répression et de corruption et généré instabilité financière, sous-développement et conflits dans le pays. Le régime de Condé a été marqué par un autoritarisme grandissant, qui s’est traduit par le remplacement du responsable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le limogeage du président de la Cour constitutionnelle et la destitution forcée du Ministre de la justice (hostile à ces changements constitutionnels), mais aussi par la mise sous contrôle des médias et l’arrestation de représentants de l’opposition.

Le non-respect des règles de cumul des mandats et le recul démocratique en Guinée constituent un défi pour la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui s’efforce d’instituer des contrepouvoirs et d’obliger à rendre des comptes comme l’exige toute démocratie. Ces efforts s’attaquent à la tendance antidémocratique récente observée dans les 15 États membres de l’organisation. La Cour de justice de la CEDEAO est d’ailleurs actuellement saisie d’une affaire dans laquelle une coalition de l’opposition allègue la violation par le gouvernement Condé de droits de l’homme et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

Cette régression de la Guinée vers un pouvoir de type autoritaire est source d’instabilité politique et de difficultés économiques dans ce pays de 12 millions d’habitants dont les ressources minérales n’ont pas prémuni contre la pauvreté. Les implications pourraient être graves dans les pays voisins qui seront directement affectés par cette instabilité.

Crédibilité et pluralisme, les grands absents du processus

Selon les organisations non gouvernementales de Guinée, de nombreux citoyens ont suivi l’appel au boycott du référendum lancé par l’opposition, le taux de participation n’ayant pas dépassé les 30 % en province, pour tomber à moins de 15 % dans la capitale, Conakry, alors que ce taux atteignait par le passé 75 % au niveau national. Le jour du référendum, les médias et les réseaux sociaux ont indiqué que le nombre de bulletins « non » était insuffisant dans certains bureaux de vote. D’autres se sont vu confisquer leur carte électorale et ont dû attendre à l’extérieur pendant qu’un autre votait pour eux. D’autres encore ont signalé avoir été contraints de voter « oui ». Au moins 12 morts sont à déplorer, et des dizaines de personnes ont été arrêtées, notamment des représentants de l’opposition. En Guinée forestière, un conflit autour du vote a suscité des violences entre groupes religieux menant à l’incendie de plusieurs églises et mosquées faisant plus de 15 morts. Par ailleurs, les forces de l’ordre auraient confisqué des urnes afin de procéder elles-mêmes au dépouillement du scrutin. Selon les déclarations officielles du gouvernement, le référendum aurait été adopté à 89 % des voix, avec une participation de 58 %.

Avant le vote, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la CEDEAO ont conclu à la participation au scrutin de plus de 2,5 millions d’« électeurs fantômes ». Lorsqu’Alpha Condé a consenti à un report symbolique de deux semaines pour corriger le problème, les observateurs internationaux de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’UE ont annoncé leur retrait.

Les irrégularités du processus électoral sont venues se greffer sur une série de mesures qui ont mené au référendum en l’absence de crédibilité et de soutien populaire. Alpha Condé s’était attelé pendant des années à transformer les institutions chargées d’organiser le vote et de valider les résultats, notamment la CENI et la Cour constitutionnelle. À la veille du référendum, trois des propres ministres de Condé, le Ministre de la justice Cheik Sako, le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Abdoulaye Yero Baldé et le Ministre de la citoyenneté Gassama Diaby avaient même démissionné pour protester contre son projet d’adoption d’une nouvelle Constitution.

Après le référendum, les principaux acteurs internationaux, dont la CEDEAO, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), les États-Unis, la France et l’Union européenne, ont exprimé d’une même voix leurs inquiétudes quant à la crédibilité du processus et son caractère pluriel. D’autres pays dépourvus de traditions démocratiques comme la Chine, la Russie et la Turquie se sont par contre empressés de féliciter le président.

La nouvelle Constitution comme outil de consolidation du pouvoir

La nouvelle Constitution, qui est entrée en vigueur le 7 avril, comporte plusieurs dispositions de nature à affaiblir les contre-pouvoirs démocratiques en Guinée. Elle porte d’abord la durée du mandat présidentiel de 5 à 6 ans et révise les limites de cumul des mandats, permettant ainsi à Condé de briguer un troisième mandat.

Elle modifie ensuite la structure de la Cour constitutionnelle afin d’accroître le contrôle du président sur cette institution cruciale. Le nombre de juges nommés par le président passe notamment de un à trois (sur un total de neuf). Par ailleurs, la responsabilité de désigner le président de cette Cour n’incombe plus à ses membres mais au chef de l’État. Le président de l’Assemblée nationale (un allié de Condé) ayant également la faculté de désigner deux juges, Condé peut ainsi choisir jusqu’à cinq des neuf juges qui composent la Cour.

La nouvelle Constitution supprime également plusieurs articles clés en matière de responsabilité. Selon certains des de l’ancienne Constitution, la corruption, la criminalité financière et les atteintes aux droits de l’homme échappaient à la prescription. Ainsi, si les présidents étaient couverts par une immunité pendant leur mandat, ils pouvaient dès la fin de celui-ci être poursuivis pour abus de pouvoir. Cette disposition est désormais supprimée. De la même manière, un article qui garantissait aux citoyens un droit de recours en cas d’atteintes aux droits de l’homme commises par des membres du gouvernement a également été retirée. La nouvelle Constitution élargit donc en substance le champ de l’impunité.

Elle accroît également le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif. L’ensemble des nouvelles lois doivent ainsi être promulguées par le Président, lui donnant de fait un droit de véto face à l’Assemblée. La seule possibilité serait pour le président de l’Assemblée nationale de saisir la Cour constitutionnelle afin de permettre l’adoption d’une loi en l’absence de promulgation du Président. Cette option a toutefois peu de chance de s’appliquer en pratique. En effet, le parti RPG de Condé détenant 79 des 116 sièges du Parlement après les élections boycottées qui ont été couplées au référendum, il est peu probable que des lois auxquelles Condé est opposé voient le jour, compromettant ainsi l’indépendance du pouvoir législatif. La nouvelle Constitution supprime également des dispositions qui interdisaient au Président de dissoudre le Parlement plus d’une fois au cours d’un même mandat présidentiel ou après la troisième année de la législature. Par ailleurs, elle supprime une autre disposition qui contraignait le Président à démissionner si, après que le Parlement a été dissous par suite d’un désaccord sur une question, son parti ne parvenait pas à rallier une majorité dans le cadre des nouvelles élections.

Autre point non négligeable, la nouvelle Constitution supprime les articles 141 à 145 du titre XV de la Constitution de 2010 qui concernent la finalité et le rôle du secteur de la sécurité. Outre qu’ils interdisaient les milices privées, ces articles stipulaient que :

« Les forces de défense et de sécurité sont républicaines. Elles sont au service de la Nation. Elles sont apolitiques et soumises à l’autorité civile. Nul ne doit les détourner à ses fins propres. Les forces de défense sont chargées de la défense du territoire national. Les forces de sécurité sont chargées de la protection civile, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes et de leurs biens et du maintien de l’ordre public ».

La suppression de ce libellé est des plus problématiques car la Guinée souffre depuis longtemps de la politisation et du manque de responsabilité des acteurs de la sécurité, situation qu’Alpha Condé a fait perdurer en se servant des forces de sécurité comme d’un instrument pour écraser la dissidence. La suppression de ces clauses de responsabilité rend moins probable encore la tenue du procès longtemps reporté des forces responsables du massacre du stade de Conakry en 2009. Cet incident, où plus de 150 manifestants furent tués et de nombreuses femmes et jeunes filles violées, reste un symbole d’impunité qui suscite beaucoup d’émotion. Ces nouvelles conditions auront pour effet de mettre en échec les efforts de réforme du secteur de la sécurité et ne feront que creuser le faible niveau de confiance des citoyens guinéens à l’égard des acteurs de la sécurité, qui atteint selon les sondages 41 % pour la police et 52 % pour les forces armées. La suppression de cette clause est une manière pour Condé de s’assurer la loyauté des acteurs de la sécurité au détriment des citoyens ou de l’État.

Solidité de l’opposition et de la société civile

Le fait de redéfinir les limites applicables au cumul des mandats et d’accroître les prérogatives présidentielles est contraire aux vœux de la population guinéenne, dont 82 % se sont prononcés, dans un sondage d’Afrobaromètre, en faveur d’une limitation à deux mandats. La société civile et l’opposition politique guinéennes ont fait preuve d’une vigueur et d’un leadership remarquables dans la lutte contre la mise en œuvre du projet de Condé et ce, malgré la brièveté de l’expérience démocratique dans le pays. L’opposition a commencé à organiser des manifestations publiques et pacifiques dès mars 2018, alors que Condé tentait pour la première fois de remplacer le président alors en place de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, qui avait publiquement dissuadé le président de modifier la Constitution. Les forces de sécurité ont systématiquement répondu par une violence meurtrière : les groupes de défense des droits de l’homme évaluent à plus de 100 le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition réunissant des partis politiques de l’opposition et des organisations non gouvernementales, a orchestré l’opposition au projet de Condé en dépit de l’interdiction faite à ses responsables de participer à des manifestations (contrôle des forces de sécurité autour de leur domicile) et des détentions arbitraires dont ils font l’objet. La presse a également montré une certaine résistance, malgré les arrestations de journalistes et les mesures de suspension et d’interdiction qui la frappent.

À l’approche du référendum, le FNDC a saisi la Cour de justice de la CEDEAO en guise de recours. Dans le cadre de cette saisine, le FNDC a allégué que toute modification de la Constitution entraînerait une violation de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, mais aussi du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Le FNDC soutient également que la Guinée a porté atteinte aux droits de l’homme de ses citoyens en réprimant avec violence les manifestations, ce qui constitue une nouvelle violation des chartes de l’UA et de la CEDEAO. La Cour de justice de la CEDEAO doit se prononcer sur l’affaire le 30 avril.

La voie à suivre

Condé, premier dirigeant démocratiquement élu de Guinée, semble vouloir poursuivre l’exercice de son pouvoir après son second mandat, alors même que sa façon de l’exercer se teinte de plus en plus d’autoritarisme. Son mode opératoire a déçu les citoyens qui espéraient que le pays tournerait enfin la page de son passé autoritaire.

Malgré l’opposition suscitée par l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé a réussi à porter un coup aux contrepoids démocratiques en Guinée. L’histoire des transitions démocratiques est toutefois marquée par une succession de périodes de progrès et de reculs, avant que la reprise ne se fasse vers de nouveaux progrès. Les aspirations démocratiques de la Guinée ne sont par conséquent pas déplacées. La clé des progrès futurs réside dans la persévérance des réformateurs de Guinée et dans le soutien des acteurs locaux et internationaux.

Les Guinéens ont fait la preuve de leur volonté constante de défendre les valeurs démocratiques par des moyens pacifiques et légaux. Il s’agit de protéger les droits qui doivent être les leurs dans une démocratie digne de ce nom. Cet engagement remonte directement au temps de l’opposition au régime de Dadis Camara, auteur d’un coup d’État, durant lequel a eu lieu le « massacre du stade » de 2009. L’une des priorités essentielles pour aller de l’avant sera par conséquent de donner à la société civile et aux réformateurs démocratiques l’espace nécessaire pour exprimer leur volonté de changement, mais aussi de s’atteler à rechercher des solutions en faveur d’un véritable dialogue politique national. Il conviendra notamment de libérer l’ensemble des opposants politiques emprisonnés pour cause d’opposition au gouvernement ou d’organisation de manifestations.

La réforme du secteur de la sécurité en Guinée doit être l’autre priorité. Le processus de dialogue politique est mis à mal lorsque des dirigeants s’appuient sur les acteurs de la sécurité pour favoriser leurs intérêts politiques. Le respect l’État de droit et des droits de l’homme est par ailleurs indispensable à la stabilité et au développement économique. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les violences commises par l’armée et la police contre les chefs de l’opposition et les manifestants n’ont pas cessé. Il incombe par conséquent aux partenaires locaux et internationaux d’accentuer leurs efforts pour que les institutions chargées de la sécurité en Guinée améliorent leur connaissance des règles de professionnalisme applicables à l’armée sur son territoire ainsi que du rôle qu’elles jouent dans la sécurité des citoyens.

La CEDEAO a un rôle décisif à jouer à deux égards : maintenir la Guinée sur les rails de la démocratie et institutionnaliser le processus de succession politique afin d’apporter une stabilité au plan local. Le protocole de la CEDEAO de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance fournit un certain nombre d’options que l’entité régionale peut exercer lorsqu’un État porte atteinte aux éléments inhérents à toute démocratie. Elle pourrait d’abord organiser des échanges à un haut niveau avec Condé afin de le persuader de renoncer à ses fonctions en vue d’une transition dans la dignité. Une délégation de chefs d’État avait prévu une visite avant le référendum, une initiative annulée à la dernière minute après que Condé a indiqué qu’il se refuserait à les recevoir. En l’absence d’efforts de la part de la Guinée pour nouer de bonne foi un dialogue avec ses voisins, la CEDEAO pourrait interdire les voyages et geler les actifs des dirigeants guinéens, leur retirer les droits de vote ou exclure temporairement la Guinée de cet organe régional. La CEDEAO avait déjà procédé ainsi lors de crises précédentes, notamment en Gambie, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Les exemples des présidents Mahamadou Issoufou au Niger et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, qui quitteront tous deux leurs fonctions cette année au terme de leur second mandat, donneront à la CEDEAO des moyens de pression accrus sur cette question.

Les acteurs démocratiques internationaux doivent également concourir au dialogue national et aux efforts diplomatiques de la CEDEAO. Leur intervention permettra d’opérer une transition sans heurt et de faire respecter les normes démocratiques en Guinée. Elle pourrait aussi favoriser l’engagement diplomatique, le retrait de certaines aides financières mais aussi des sanctions ciblées. Les organes bilatéraux et multilatéraux qui œuvrent en faveur de la démocratie, parmi lesquels l’OIF et la Communauté des démocraties, devraient également envisager de retirer à la Guinée sa qualité de membre et de ne pas reconnaître la validité du référendum ou des élections législatives.

Il est difficile de rompre avec cet héritage d’un pouvoir présidentiel incontrôlé en Guinée. Le pays est maintenant à la croisée des chemins et se doit de faire un choix parmi différentes conceptions de l’avenir. En orchestrant l’adoption d’une nouvelle Constitution, Condé cherche bien évidemment à consolider son propre pouvoir présidentiel. Les citoyens quant à eux aspirent à une gouvernance démocratique où règne la séparation des pouvoirs. La capacité de résistance des réformateurs nationaux et le soutien qu’ils recevront des acteurs locaux et internationaux dicteront la vision qui prévaudra à l’avenir.


Cet article a été initialement publié sur le site africacenter.org (4 mai 2020) sous le titre “Désamorcer la crise politique en Guinée”


Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique est un organisme du Département de la défense des États-Unis, créé et financé par le Congrès américain, pour l’étude des problèmes de sécurité se rapportant à l’Afrique et sert de forum de recherche bilatérale et multilatérale, de communications, d’échange d’idées et de formations ouvert aux civils comme aux militaires.





Guinée: Un référendum entaché de violences [HRW]

Les autorités devraient enquêter sur les abus et strictement contrôler les forces de sécurité.


En Guinée, les forces de sécurité ont réprimé dans la violence des partisans de l’opposition avant et pendant la tenue, le 22 mars 2020, du référendum constitutionnel et des élections législatives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.                                                                                              

Les forces de sécurité ont tué au moins huit personnes, dont deux enfants, et blessé une vingtaine d’autres. Depuis la mi-février, les forces de sécurité ont également arrêté des dizaines de partisans présumés de l’opposition et fait disparaître de force au moins 40 autres. Selon des responsables gouvernementaux, neuf membres des forces de sécurité au moins ont été blessés par des manifestants, qui ont également vandalisé des bureaux de vote, brûlé du matériel électoral et menacé les électeurs le jour du scrutin. Le 22 mars, des soldats armés, des gendarmes et des policiers ont été déployés, dans des camionnettes et à pied, dans la capitale guinéenne, Conakry. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles sur des manifestants, faisant au moins six morts, dont une femme, et blessant au moins huit hommes.

« Les forces de sécurité guinéennes ont répondu aux manifestations massives par une violence brutale », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les manifestations se poursuivront vraisemblablement à l’approche des élections, et donc le gouvernement guinéen devrait immédiatement imposer un strict contrôle aux forces de sécurité nationales. Les dirigeants de l’opposition devraient aussi faire tout leur possible pour aider à mettre fin à la violence. »

L’intention prêtée au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat présidentiel lors des élections prévues pour la fin de l’année est à l’origine des manifestations. En décembre 2019, Condé, âgé de 81 ans, a rendu public le texte du nouveau projet de constitution qui, selon ses partisans et ses opposants, ouvrirait la voie à la mise en œuvre d’un troisième mandat. En conséquence, une coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques a appelé à des manifestations régulières depuis la mi-2019 et boycotté le référendum. Le 27 mars, la commission électorale guinéenne a annoncé que le nouveau projet de constitution avait été adopté avec plus de 90 % des voix.

Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur des entretiens téléphoniques menés en mars et début avril avec 60 victimes, membres des familles des victimes et témoins de violations, ainsi qu’avec 15 personnels soignants, journalistes, avocats, membres des partis d’opposition et représentants de la société civile. Human Rights Watch a analysé des photographies et des séquences vidéo pour corroborer les récits des victimes et des témoins. Nous avons également contacté Albert Damatang Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, par téléphone et WhatsApp, et partagé avec lui par e-mail nos conclusions le 23 mars, en lui posant des questions spécifiques, auxquelles Camara n’a pas répondu.

D’après plusieurs témoins, les forces de sécurité étaient parfois accompagnées de civils armés de couteaux et de machettes, qui s’en sont pris aux manifestants, tuant au moins un jeune homme, Diallo Nassouralaye. Certains partisans de l’opposition ont lancé des pierres et autres projectiles sur les forces de sécurité. Des violences ont également éclaté à l’extérieur de la capitale, notamment à Kindia, au nord-est de Conakry, à Kolaboui et Sangaredi, dans l’ouest du pays, et à Nzérékoré, dans le sud-est.

Un témoin a décrit les circonstances au cours desquelles un gendarme a tué à bout portant Issa Yero Diallo, une femme âgée de 28 ans résidant dans le quartier d’Ansoumanyah plateau, à Conakry : « Le gendarme a menacé cette femme avant de lui tirer dessus. Les gens qui se trouvaient là ont essayé de le dissuader, mais il lui a tiré une balle dans le cou. » Selon les habitants, la femme a été prise pour cible après avoir contribué à obtenir la remise en liberté d’un homme arrêté par les gendarmes plus tôt dans la journée. Le ministre Camara a déclaré aux médias le lendemain qu’un gendarme soupçonné du meurtre avait été arrêté.

Le 20 février et le 5 mars à Conakry, les forces de sécurité ont tué deux adolescents et, le 6 mars, arrêté deux membres en vue de l’opposition. Les 11 et 12 février, 40 hommes, dont au moins deux enfants et trois adultes atteint de déficience intellectuelle, ont fait l’objet d’arrestations arbitraires par des membres des forces de sécurité lors de raids menés à Conakry, avant d’être conduits dans une base militaire située à environ 700 kilomètres de Soronkoni, dans l’est de la Guinée. Ils y ont été détenus en l’absence de tout contact avec le monde extérieur, les autorités ayant refusé de reconnaître leur détention jusqu’au 28 mars, date à laquelle 36 d’entre eux ont été remis en liberté et quatre autres transférés à la prison centrale de Conakry où ils sont toujours en détention.

Dans un communiqué de presse en date du 22 mars, le ministre Camara soutient que le référendum « s’est déroulé dans des conditions pacifiques sur l’ensemble du territoire », mais que « certains militants ont tenté de semer la terreur » à Conakry et dans d’autres villes. Dans un entretien accordé aux médias le 31 mars, il a confirmé que six personnes avaient perdu la vie à Conakry le 22 mars, dont une personne ayant succombé à un accident vasculaire cérébral, précisant que les autorités avaient ouvert des enquêtes.

Alors que davantage de manifestations sont prévues dans la perspective des élections plus tard cette année, les autorités guinéennes devraient demander aux forces de sécurité nationales de faire preuve de retenue et de respecter les Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique, adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. En vertu de ces instruments, les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à l’usage de force que lorsque cela est strictement nécessaire et en vue d’atteindre un objectif légitime de maintien de l’ordre.

La CADHP, le Représentant spécial du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne, la France et les États-Unis ont tous condamné ou exprimé leur inquiétude devant les violences suscitées par le référendum. Le 4 mars, le Rapporteur spécial de la CADHP pour la Guinée a appelé le gouvernement à respecter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à garantir des élections libres, équitables et transparentes. Dans une résolution en date du 11 février, le Parlement européen s’est déclaré préoccupé de la montée des tensions politiques et des violences en Guinée.

Les partenaires internationaux de la Guinée et autres institutions, en particulier l’Union africaine, la CEDEAO, le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UE et les États-Unis devraient accroître la pression sur le président Condé et son gouvernement et exiger l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires crédibles pour les violations récentes, a préconisé Human Rights Watch.

En cas d’échec des autorités guinéennes à répondre à ces préoccupations relatives aux droits humains, les États-Unis devraient envisager des sanctions ciblées contre les hauts responsables gouvernementaux responsables de violations, notamment des interdictions de voyager et des gels d’avoirs.

L’UE et ses États membres devraient envisager d’élargir le régime de sanctions en vigueur à l’encontre de la Guinée et rappeler aux autorités du pays les conséquences d’un échec à prendre en compte de façon adéquate les préoccupations relatives aux droits humains.

« Des mesures vigoureuses sont nécessaires dès à présent avant que la situation ne se détériore davantage et qu’une force disproportionnée ne soit utilisée contre les manifestants à l’approche des élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les partenaires de la Guinée devraient indiquer clairement que des conséquences seront tirées si des manifestants se font tirer dessus ou des partisans de l’opposition sont portés disparu. »

Contexte

Les débats sur la révision de la constitution guinéenne de 2010 ont commencé début 2019, le parti au pouvoir RPG-Arc-en-ciel ayant appelé en mai les citoyens à soutenir le projet de constitution. Bien que le texte présenté par Condé en décembre 2019 maintienne une limite de deux mandats présidentiels, ses partisans ont déclaré qu’il reprenait tout à zéro, ce qui lui permettrait donc de se présenter en 2020. Condé a déclaré le 10 février que, en cas d’adoption d’une nouvelle constitution, « [son] parti décidera » s’il sera candidat à sa propre succession.

Le 28 février, Condé a reporté le référendum constitutionnel et les élections législatives, initialement prévus le 1er mars, au 22. Les organisations internationales et régionales, dont l’UA, l’Organisation internationale de la Francophonie et la CEDEAO, ont refusé d’envoyer sur place des observateurs, affirmant que la liste électorale manquait de crédibilité.

Depuis octobre 2019, une coalition d’organisations non gouvernementales et de partis d’opposition, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), a organisé de nombreuses manifestations contre le référendum constitutionnel en Guinée.

Bien que le gouvernement ait dans certains cas autorisé la tenue de ces manifestations, la plupart du temps, les forces de sécurité les ont dispersées en arrêtant des participants ou en usant de gaz lacrymogènes et en leur tirant dessus à balles réelles. Human Rights Watch avait précédemment signalé qu’au moins 30 personnes avaient été tuées pendant les manifestations entre octobre 2019 et janvier 2020. Le FNDC estime que les forces de sécurité ont tué 44 personnes depuis octobre 2019. Les manifestants auraient également tué au moins un gendarme lors de manifestations en octobre, selon le gouvernement, bien que les manifestants affirment que celui-ci a été abattu par un autre gendarme.

Violence le jour du référendum à Conakry et dans d’autres villes

Le 22 mars, de violents affrontements ont éclaté à Conakry, notamment dans les quartiers de Wanindara, Hamdallaye, Coza, Sofonia, Ansoumania, Cimenterie et Simbaya, entre des dizaines de groupes favorables au référendum et d’autres qui lui étaient opposés, et entre opposants au référendum et forces de sécurité. Des manifestants ont brûlé des pneus, dressé des barricades dans les rues et lancé des projectiles sur les forces de sécurité qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles. Le ministre de la Sécurité a déclaré que des manifestants violents avaient saccagé des bureaux de vote, menacé des électeurs et brûlé du matériel électoral, une information confirmée par Human Rights Watch.

Deux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que des soldats, des gendarmes, des policiers et des civils armés de machettes avaient lancé des pierres sur une maison du quartier de « Petit Simbaya », où vivaient des partisans de l’opposition connus. Lorsque Diallo Nassouralaye, âgé de 19 ans, qui vivait à proximité, est sorti pour vérifier ce qui se passait, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur lui. « Il a été touché à l’abdomen », a précisé un témoin. « Je l’ai emmené dans un centre de soins tout proche, mais il est décédé sur place. » Le médecin qui s’est occupé de la victime a confirmé à Human Rights Watch que Nassouralaye est arrivé vers 13 heures et est décédé 10 minutes plus tard d’une blessure par balle à l’abdomen.

Selon deux témoins, des gendarmes ont abattu Thierno Oumar Diallo, un homme âgé de 25 ans, lors d’affrontements entre partisans du référendum et des opposants dans le quartier de Kakimbo vers 15 heures. Une source médicale a confirmé que l’homme était décédé des suites d’une blessure par balle au cou. L’un des témoins, frère de la victime, a déclaré :

Des gendarmes sont intervenus lors des affrontements et ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Des témoins m’ont dit qu’en plus de mon frère, ils avaient tué deux autres hommes et blessé quatre autres. Mon frère est mort instantanément ; d’une balle dans le cou. J’ai emmené son corps dans un centre de soins proche puis à la morgue, mais le personnel médical a refusé de le prendre en charge. J’ai donc ramené sa dépouille à la maison et nous l’avons enterré le lendemain.

Deux témoins ont expliqué que des gendarmes avaient tiré à balles réelles lors d’affrontements entre des partisans du référendum et des membres de l’opposition dans le quartier Hamdallaye de Conakry, tuant Hafiziou Diallo, un homme âgé de 28 ans. Un parent de la victime a été témoin du meurtre :

Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre le vote. Il y avait des partisans du référendum en tenue civile, armés de couteaux, et des gendarmes. Nous leur avons jeté des pierres et les choses ont dégénéré. Les gendarmes, une dizaine d’entre eux, ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Les gens se sont enfuis, mais mon oncle a été touché par une balle et s’est effondré devant moi. Il a été touché à la poitrine.

Human Rights Watch a examiné les photographies du corps et consulté des sources médicales qui ont corroboré ces témoignages.

Un policier a tué Thierno Hamidou Bah, âgé de 25 ans, lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier de Kinifi, selon deux témoins entendus par Human Rights Watch. L’un d’eux a déclaré :

Nous étions dans la rue pour dire non au référendum. Nous étions là pour exprimer notre colère. Nous avons lancé des pierres sur la police. Elle a tiré sur la foule à balles réelles et touché trois personnes, dont mon ami, qui a été atteint à la poitrine et s’est effondré devant moi. Je l’ai transporté dans un centre de soins, où il est décédé.

Un médecin qui a examiné le corps a confirmé que l’homme avait reçu une balle dans la poitrine. Human Rights Watch a également consulté des photographies de la blessure.

Des violences sporadiques se sont poursuivies à Conakry le 23 mars, notamment dans les quartiers de Cosa et Wanindara, où des émeutes ont été signalées, et à Baylobaye, où les forces de sécurité ont tiré sur un homme après être entré par effraction chez lui. « Trois policiers sont entrés chez moi à 15 heures. Je m’y trouvais avec ma femme et mon fils. Ils nous ont accusés de ne pas nous rendre aux urnes. L’un d’eux m’a passé à tabac à l’aide de sa matraque et saisi mon téléphone. Mon fils s’est disputé avec eux et a reçu une balle dans le bras. Je l’ai emmené dans un centre de soins où elle lui a été retirée », a relaté le père de la victime. Human Rights Watch s’est également entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Des violences ont éclaté dans d’autres villes et villages de Guinée le 22 mars. Selon les médias, des manifestants ont saccagé des bureaux de vote à Kindia, au nord-est de Conakry, et à Kolaboui à l’ouest, et harcelé le personnel électoral de Télimélé. Des habitants et des journalistes ont également signalé qu’à Nzérékoré, capitale de la Guinée forestière, des incidents liés aux élections ont déclenché des affrontements intercommunautaires et confessionnels entre des membres armés de la communauté de Guerze, formée majoritairement de chrétiens ou d’animistes, et l’ethnie armée Konianke, principalement musulmane, plusieurs personnes ayant été tuées et des propriétés incendiées.

Des gendarmes ont blessé un homme âgé de 20 ans lors d’une manifestation anti-référendum à Sangaredi, dans l’ouest de la Guinée. Un témoin et un proche de la victime ont indiqué à Human Rights Watch que des gendarmes avaient tiré à balles réelles sur la foule : « Il était 10 heures du matin ; nous étions dehors pour protester contre le vote. Les gendarmes ont tenté de nous disperser. Certains leur ont jeté des pierres. J’ai entendu au moins deux coups de feu. Mon frère a été touché d’une balle à l’épaule et s’est cassé le bras en tombant. »

N’ayant pu être hospitalisée à Sangaredi, la victime a été conduite le lendemain à Conakry. Human Rights Watch a examiné les dossiers médicaux et s’est entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Violences et arrestations préréférendaires

Le 20 mars, la police a tiré à balles réelles lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier Bomboly de Conakry, blessant un homme âgé de 18 ans. La victime s’est entretenue avec Human Rights Watch : « Je me rendais au domicile de mon frère quand je me suis retrouvé au milieu d’une manifestation. Certains participants se sont montrés violents et s’en sont pris à la police en lui jetant des pierres. Celle-ci a riposté en lançant des grenades lacrymogènes puis en tirant à balles réelles. Tout le monde a pris la fuite. J’ai également couru pour me mettre en sécurité. J’ai entendu quatre coups de feu avant de m’effondrer au sol. Une balle m’avait atteint à l’épaule droite. »

Le 6 mars, les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation arbitraire de Sekou Koundouno et Ibrahima Diallo, deux membres de premier plan de la direction du FNDC, au domicile de Diallo. Celui-ci a déclaré qu’au moins 20 policiers, dont certains étaient masqués, sont entrés par effraction chez lui à Conakry vers 19 heures, procédant à leur arrestation en l’absence de mandat. La loi guinéenne prévoit pourtant qu’un mandat est nécessaire, à moins que l’individu ne soit pris en flagrant délit. L’épouse de Diallo, qui a été témoin de l’arrestation, a décrit la scène à Human Rights Watch :

J’ai demandé aux policiers s’ils avaient un mandat. Cela les a contrariés. L’un d’eux m’a attrapé par le col de ma chemise et poussé contre un pot de fleurs. Puis ils ont mis la maison sens dessus dessous avant d’arrêter mon mari et Koundouno, qui a été escorté à moitié nu, sans son pantalon ni ses chaussures.

Diallo a déclaré que ses yeux étaient bandés dès qu’il est monté à bord du véhicule de police et que lui et Koundouno ont été détenus à la Direction de la police judiciaire, à Conakry, sans accès à leurs avocats pendant une semaine. Les juges d’instruction ont inculpé les deux membres du FNDC d’ « outrages envers les fonctionnaires » et d’« atteinte et menace à la sûreté et à l’ordre publics », avant de les remettre en liberté sous caution le 13 mars, en l’attente de nouvelles enquêtes. Les deux hommes ont été invités à comparaître devant les juges chaque semaine.

Lors de manifestations à Conakry le 5 mars, deux témoins ont déclaré que les forces de sécurité, dont des policiers et des gendarmes, avaient lancé des gaz lacrymogènes sur des partisans de l’opposition et tué un garçon âgé de 17 ans, heurté à la tête par une grenade. Human Rights Watch a également reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont blessé neuf autres hommes lors de ces manifestations. Les gendarmes ont agressé un journaliste français après qu’il les a filmés en train de passer à tabac un homme non armé, avant de l’expulser du pays. Les participants ont déclaré que certains manifestants violents avaient blessé des policiers en leur jetant des pierres.

Le 4 mars, vers 13 heures, une dizaine de policiers et de gendarmes sont entrés par effraction au domicile d’un imam de 51 ans dans le quartier de Wanindara à Conakry, et l’ont roué de coups ainsi que d’autres membres de sa famille. Ils ont ensuite procédé à l’arrestation arbitraire de trois des membres de sa famille et d’un voisin. Selon des témoins et des résidents, les forces de sécurité recherchaient l’auteur d’une vidéo qui montrait la police en train de se servir d’une femme comme bouclier humain à Conakry le 29 janvier. L’imam a déclaré à Human Rights Watch :

Des policiers et des gendarmes sont entrés par effraction dans ma résidence, ont tiré un coup de feu et défoncé la porte d’entrée. Ils ont fouillé les neuf maisons du complexe résidentiel, les ont mises sens dessus dessous. Un gendarme m’a frappé à la tête avec une louche qu’il avait prise à mes femmes. « Je vais te casser la tête », m’a-t-il dit. Les gendarmes ont également frappé deux de mes voisins, dont une femme de 80 ans souffrant de problèmes de surdité et de vue. Puis ils ont arrêté mes fils, mon frère et un voisin. Ils n’avaient aucun mandat. »

Les quatre hommes arrêtés ont été conduits dans deux postes de gendarmerie des quartiers de Matoto et Cosa. Les fils et le frère de l’imam ont été remis en liberté le même jour après le paiement d’un million de francs guinéens (environ 104 dollars). Son voisin a été relâché le lendemain après le versement de 250 000 francs guinéens (environ 26 dollars).

Le 19 février, des gendarmes et des policiers ont violemment réprimé une manifestation menée par le FNDC dans le quartier de Wanindara en lançant des grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles. Ils ont blessé au moins un manifestant, un chauffeur âgé de 26 ans, alors qu’il tentait de prendre la fuite : « Certains gendarmes sont descendus de leur véhicule et ont pourchassé des manifestants à pied. J’ai couru et tenté de me cacher, mais un gendarme m’a tiré dans la cuisse. J’ai été conduit à l’hôpital, où je suis resté alité 10 jours. La balle se trouve toujours dans ma jambe. » Cet homme a également confié qu’il était à peine en état de marcher et ne pouvait plus travailler. Human Rights Watch a également interrogé un de ses amis qui a été témoin de l’incident, ainsi que le médecin qui l’a soigné.

Disparitions forcées

Human Rights Watch s’est entretenu avec 10 hommes victimes de disparitions forcées pendant une quarantaine de jours à la suite de leur arrestation arbitraire par les forces de sécurité à Conakry les 11 et 12 février. Ils ont déclaré avoir été détenus sans aucun contact avec le monde extérieur avec 30 autres personnes, dont au moins deux enfants et trois hommes atteints de déficience intellectuelle, dans une base militaire de Soronkoni, à 700 kilomètres de Conakry. Human Rights Watch a également parlé à leurs avocats et à plusieurs membres de leurs familles et amis qui ont corroboré leurs témoignages. Pendant leur détention, les autorités ont refusé de reconnaître qu’elles savaient où se trouvaient ces hommes.

En vertu du droit international, une disparition forcée est toute forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. La Guinée n’a pas signataire de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

D’anciens détenus et avocats ont déclaré que, à l’exception de quatre personnes transférées à la prison centrale de Conakry, les 36 autres avaient été remises en liberté le 28 mars, sans inculpation ni document attestant de leur arrestation et de leur détention.

Les dix hommes avec qui s’est entretenu Human Rights Watch ont déclaré qu’on ne leur avait jamais fourni d’explication quant aux raisons de leur arrestation et de leur détention. Mais ils ont affirmé que les forces de sécurité qui les avaient arrêtés, comme les militaires qui assuraient leur détention à Soronkoni, les avaient accusés de soutenir l’opposition. Selon l’un de ces ex-détenus, âgé de 20 ans, un policier lui a dit au moment de son arrestation : « C’est vous qui barricadez les routes, semez le trouble et vous opposez au pouvoir en place. » « Ils m’ont accusé d’être un criminel et de faire souffrir mon pays. Je leur ai répondu que je n’étais qu’un chauffeur de taxi. Tiens-toi tranquille et tais-toi, m’ont-ils rétorqué », a témoigné un autre ex-détenu, âgé de 36 ans.

En vertu du droit guinéen et du droit international, les individus arrêtés doivent être directement incarcérés dans des lieux de détention reconnus, comme des postes de police ou de gendarmerie, et avoir immédiatement accès à leur avocat et à leurs familles. Toutes les personnes détenues devraient être conduites rapidement devant un juge pour l’examen de la légalité et la nécessité de leur détention.

Cependant, les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été détenus dans une base militaire et privés de contact avec le monde extérieur. « Détenir quelqu’un dans un camp militaire est contraire à notre législation », a indiqué à Human Rights Watch un avocat guinéen défendant les détenus. « Les autorités devraient cesser de penser que la Guinée est une autre planète. Nous avons des lois interdisant la détention de suspects en dehors des lieux officiellement prévus à cet effet ». Âgé de 26 ans, un ex-détenu a déclaré : « Ma famille ignorait où je me trouvais. Ils pensaient que j’étais mort. »

D’autres ont décrit les conditions de leur détention comme sordides. « Nous étions 40 dans une cellule comportant une seule porte, fermée la plupart du temps, avec deux petits trous dans le mur », a déclaré l’un d’entre eux, âgé de 23 ans. « C’était insuffisamment aéré, il faisait très chaud. Beaucoup se sont sentis mal à cause de la chaleur, certains se sont effondrés ». Un autre a expliqué qu’on ne leur donnait pas assez d’eau, et qu’il dormait sur le sol sans matelas et n’était souvent pas autorisé à se rendre aux toilettes situées à l’extérieur, ce qui l’obligeait à uriner dans des bouteilles.


hrw.org





Mascarade électorale et référendaire en Guinée: l’union européenne remet en question la validité du processus


Le caractère non inclusif et non consensuel de ces scrutins et du fichier électoral porte atteinte à la crédibilité de ces élections. L’absence d’observation régionale et internationale reconnue remet également en question la validité du processus.

Déclaration de la Porte-parole de l’UE sur les élections législatives et le référendum constitutionnel du 22 mars 2020 en Guinée


Guinée: déclaration de la Porte-parole sur les élections législatives et le référendum constitutionnel du 22 mars

Le
double scrutin du 22 mars s’est tenu dans un climat de forte tension
émaillé par des violences causant plusieurs morts. Ces actes de violence
et l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre sont
inacceptables.

Le caractère non inclusif et non consensuel de ces scrutins et du
fichier électoral porte atteinte à la crédibilité de ces élections.
L’absence d’observation régionale et internationale reconnue remet
également en question la validité du processus. Les clivages
intercommunautaires se creusent dangereusement.

L’Union européenne renouvelle son soutien aux initiatives de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) susceptibles de réhabiliter le processus électoral, de désamorcer les tensions et de renouer un dialogue entre toutes les parties.

Virginie BATTU-HENRIKSSON Spokesperson for Foreign Affairs and Security Policy + 32 (0)470 18 24 05


eeas.europa.eu





Violences électorales en Guinée: la CEDEAO condamne et «relève toute la pertinence de ses recommandations»


La Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a pris acte du double scrutin des élections législatives et référendaire tenu le 22 mars 2020 en République de Guinée.

Communiqué de la CEDEAO sur la Guinée (25 mars 2020)





Le FNDC appelle «les forces de défense et de sécurité à se mettre du côté du peuple»


Il est hors de question pour le FNDC de reconnaître une Institution ou une Constitution issue de cette mascarade électorale. Le peuple de Guinée ne reconnaît que la Constitution de 2010.

Déclaration N°92 du FNDC (25/03/2020)


Déclaration

En pleine épidémie de coronavirus, Alpha Condé a organisé un
simulacre de vote malgré des cas avérés d’infection, exposant ainsi les
populations guinéennes à la pandémie.

Le FNDC félicite le peuple de Guinée pour avoir massivement suivi, sur l’ensemble du territoire national, le mot d’ordre de s’opposer au coup d’état constitutionnel que Alpha Condé avait décidé de perpétrer le 22 mars 2020.

Le FNDC se réjouit de la détermination et du sens élevé de responsabilité avec lesquels le peuple de Guinée a empêché cette forfaiture.

Le FNDC déplore et condamne énergiquement les violences exercées sur les populations civiles par les forces de défense et de sécurité puissamment appuyées par les unités spéciales de l’Armée et une milice aux ordres du Pouvoir.
Ces violences inouïes ont entraîné la mort, dans des conditions atroces, de 9 personnes à Conakry, une à Dubréka, une à Mamou, plus de 21 personnes à Nzérékoré selon un bilan provisoire et une centaine de blessés par balles.

Au cours de ces tristes journées de terreur, des lieux de culte ont été incendiés et des bâtiments publics et privés ont été pillés et vandalisés par les forces de l’ordre et la milice aux ordres du Pouvoir.
Le FNDC présente ses condoléances aux familles éplorées et à tout le peuple de Guinée. Nous réaffirmons notre soutien et notre solidarité à toutes les victimes de ces violences, à toutes les personnes torturées, blessées et emprisonnées pour avoir défendu notre Constitution.

Nul besoin de démontrer l’échec du coup d’état constitutionnel du 22 mars 2020 grâce au combat mené par le peuple de Guinée uni et rassemblé autour du FNDC et des valeurs essentielles de la Nation.

Il est hors de question pour le FNDC de reconnaître une Institution ou une Constitution issue de cette mascarade électorale. Le peuple de Guinée ne reconnaît que la Constitution de 2010.

Le FNDC remercie la communauté internationale pour son soutien à la lutte légitime du peuple de Guinée en vue de l’instauration de la démocratie et l’État de droit.

Enfin, le FNDC appelle :
• le peuple de Guinée à plus de détermination dans la lutte pour la préservation des acquis démocratiques et pour la restauration de la dignité et de la fierté du guinéen.
• la communauté internationale à la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante sous l’égide des Nations Unies pour faire la lumière sur les crimes commis dans le cadre des manifestations pour la défense de la Constitution guinéenne.
• les forces de défense et de sécurité à arrêter les violences contre les citoyens et à se mettre du côté du peuple dont elles tirent exclusivement la légalité et la légitimité de leur mission.
• le peuple de Guinée à rester uni et mobilisé pour mettre un terme au régime dictatorial d’Alpha Condé et à faire face au défi de la lutte contre le coronavirus.

Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons !

Conakry, le 25 mars 2020





Vote du 22 mars en Guinée: les États-Unis condamnent la violence et expriment leur inquiétude


La communauté internationale s’est déclarée vivement préoccupée par le processus d’enrôlement électoral, et par l’absence de dialogue public sur la nouvelle constitution que le gouvernement de guinéen a manqué de régler.


Les États-Unis condamnent la violence et expriment leur inquiétude à l’égard du vote du 22 mars en Guinée

Les États-Unis expriment leurs vives inquiétudes face à la violence
qui a entouré le vote en Guinée le 22 mars, et condamnent fermement
toutes les exactions. Nous demandons au gouvernement guinéen d’enquêter
de manière rapide et transparente sur tous les décès liés aux
manifestations et aux élections, que les résultats de ces investigations
soient rendus publics dès que possible. La communauté internationale
s’est déclarée vivement préoccupée par le processus d’enrôlement
électoral, et par l’absence de dialogue public sur la nouvelle
constitution que le gouvernement de guinéen a manqué de régler. Nous
partageons ces préoccupations.

Les États-Unis sont un ami et un soutien indéfectible de la Guinée sur son chemin vers la démocratie et le développement depuis son indépendance en 1958. Nous continuerons à soutenir les objectifs de la Guinée pour renforcer sa démocratie et assurer la prospérité de tous ses citoyens.


gn.usembassy.gov





Mohamed Ibn Chambas «Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence [ ]» en Guinée


« Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence, l’usage excessif de la force qui ont provoqué des pertes de vie humaines et de nombreux blessés, ainsi que les violences à connotation intercommunautaire qui se sont déroulés dans la région de Nzérékoré »

Mohamed Ibn Chambas, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS)


Le
Représentant spécial Mohamed Ibn Chambas condamne tous les actes de
violence, l’usage excessif de la force et appelle les Guinéens à se
mobiliser contre les violences intercommunautaires

Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef
du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel
(UNOWAS), Mohamed Ibn Chambas, suit avec une grande préoccupation le
développement de la situation en Guinée.

Dans le communiqué
qui a suivi sa dernière mission en Guinée, le 12 mars 2020, le
Représentant spécial avait appelé avec insistance les autorités
nationales, les acteurs politiques et ceux de la société civile à
recourir exclusivement au dialogue pour trouver une solution pacifique
et constructive à leurs différends.

La journée des consultations législatives et référendaires du 22 mars dernier a été malheureusement marquée par une recrudescence d’une violence abjecte.

«
Je condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violence,
l’usage excessif de la force qui ont provoqué des pertes de vie humaines
et de nombreux blessés, ainsi que les violences à connotation
intercommunautaire qui se sont déroulés dans la région de Nzérékoré » a
déclaré le Représentant spécial.

«
Dans un moment inédit où le monde entier se mobilise pour protéger des
vies humaines contre la pandémie du COVID-19, les autorités guinéennes
et tous les acteurs nationaux ont la responsabilité politique, morale et
éthique de s’unir pour protéger les citoyens de la pandémie et de la
violence », a-t-il ajouté.

«
Je présente mes sincères condoléances aux familles des victimes et au
peuple guinéen. J’appelle, en ces moments difficiles, les autorités
nationales, les leaders religieux et communautaires, les responsables
politiques, les acteurs de la société civile et tous les citoyens, à se
mobiliser contre la violence et à s’engager dans le dialogue pour sortir
de la crise. Plus que jamais, un sursaut de tous les guinéens est
urgent pour refuser la violence et s’unir pour consolider la paix, la
stabilité et le développement en Guinée », a déclaré Mohamed Ibn
Chambas.

Les Nations Unies sont prêtes à soutenir les efforts des guinéens pour un dialogue constructif, garant d’une solution pacifique à la crise.


unowas.unmissions.org





Pour la France «le caractère non inclusif de ces élections [ ] n’a pas permis la tenue d’élections crédibles» en Guinée


Guinée – Point de presse de la porte-parole (24 mars 2020)

La France suit avec préoccupation la situation en Guinée, après
l’organisation, ce dimanche 22 mars, d’élections législatives et d’un
référendum en vue d’un changement de Constitution. Elle condamne les
actes de violence qui ont entraîné, durant cette journée, la mort de
plusieurs Guinéens.

Le caractère non inclusif de ces élections et non consensuel du
fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de
sécurité et de défense excédant la simple sécurisation du processus,
n’ont pas permis la tenue d’élections crédibles et dont le résultat
puisse être consensuel. La France relève aussi l’absence d’observation
régionale et internationale à l’occasion de ce double vote.

La France soutiendra les initiatives de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’OIF pour désamorcer les tensions en Guinée et restaurer rapidement un dialogue entre toutes les parties. Elle appelle tous les acteurs guinéens, quels qu’ils soient, à la responsabilité et à la plus grande retenue.


diplomatie.gouv.fr





Guinée: les acquis de la démocratisation de 2010 remis en cause [FIDH]


Comme
redouté, le référendum constitutionnel et les élections législatives du
22 mars ont donné lieu à de nouvelles violences. Au moins 10 personnes
ont été tuées par des forces de l’ordre et forces armées, qui ont une
nouvelle fois tiré à balles réelles contre les manifestants, des bureaux
de votes ont été saccagés et des personnes souhaitant se rendre aux
urnes agressées. Alors que les militaires ont joué un rôle central dans
ce double scrutin entâché de graves irrégularités, boycotté par
l’opposition et dénoncé à l’avance par les organisations régionales et
internationales, nos organisations demandent à ce que les militaires
restent cantonnés dans leurs casernes, et que des enquêtes judiciaires
soient systématiquement diligentées, afin de poursuivre et sanctionner
les auteurs de ces violences.

Les résultats du double scrutin partiellement boycotté du 22 mars semblent connus à l’avance. Ils semblent également consacrer la voie vers une nouvelle mandature du Président Alpha Condé, 82 ans, en levant l’interdit constitutionnel d’une troisième candidature, et en lui offrant un parlement très majoritairement acquis à sa cause. En verrouillant ainsi l’espace politique, ces élections contribueront sans doute à isoler le pays sur la scène internationale, tout en faisant peser sur lui le risque d’un nouveau cycle de violences politiques graves.

« Le rôle croissant joué par les forces militaires tout au long des élections nous laisse craindre un retour à la militarisation de la vie politique Guinéenne et aux années de répression. Nous appelons le gouvernement guinéen et les forces d’opposition à tout faire pour éviter de nouvelles violences, à renouer avec un dialogue politique constructif, et à œuvrer dans l’intérêt des populations guinéennes dans leurs ensemble »

Drissa Traoré, Secrétaire général de la FIDH.

Le rôle joué par les forces armées dans ces élections est-elle un indicateur sur le rôle qui leur sera assigné dans les prochains mois ? Après que toutes les unités de l’armée de terre aient été « mises en alerte » et déployées dans l’ensemble du pays dès le 25 février en prévision des échéances électorales, les forces militaires ont étroitement accompagné les élections du 22 mars. Elles étaient non seulement largement présentes, mais contrairement à l’article 80 et suivants du code électoral, qui exige que le dépouillement des votes soit effectué dans les bureaux de vote, plusieurs urnes contenant ces bulletins ont été transportées, soit dans les mairies, soit dans les préfectures, soit dans des garnisons militaires pour y être dépouillées.

Les forces armées ont également participé à la répression contre les manifestants,
alors que la sécurisation des élections aurait dû relever des seules
forces de police et d’unités spécialisées chargées de veiller à la
sécurisation des élections. Des bérets rouges, unité s’étant illustrée
lors des massacres du 28 septembre 2009, auraient selon plusieurs
témoignages tiré à balles réelles contre les manifestants.

Dans la région Est du pays, notamment à N’Zérékoré, la ficelle ethnico-religieuse a été utilisée par certains pour opposer les populations.

Des affrontements entre communautés, entraînant des pertes en vies
humaines et des destruction de lieux de culte (deux églises et une
mosquée) ont été signalés.

La société civile a également été ciblée, le travail de certains
journalistes entravé. Le domicile d’un des leaders du Front National
pour la Défense de la Constitution (FNDC) : Mamadou Bailo Barry, a ainsi été attaqué le jour de l’élection à Ratoma, par un groupe de jeunes militants du parti au pouvoir, accompagnés des forces de l’ordre.

Enfin, le siège de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre : l’AVIPA, qui lutte depuis 10 ans avec nos organisations pour que les responsables civils et militaires du massacre du stade soient enfin traduits en justice, a fait l’objet d’une tentative d’intrusion par des agents de l’unité spéciale de sécurisation des élections, qui ont proféré menaces et injures.

« Nous dénonçons l’attaque du siège de l’AVIPA le jour des élections et appelons les autorités à ouvrir une enquête pour situer les responsabilités et en poursuivre les responsables. Ces tentatives d’intimidation des acteurs de la société civile guinéenne luttant contre l’impunité sont graves et inacceptables. Nous continuerons à documenter les violences commises, saisir les autorités judiciaires, et à lutter contre l’impunité, endémique dans notre pays »

Abdoul Gadiry DIALLO, Président de l’OGDH.


FIDH (24/03/2020)