Chronique : Le balai politique indispensable

Le dénominateur commun de tous les partis politiques et individus politiques qui veulent aller aux consultations chez Kassory Fofana : ils ont tous quelques suiveurs en attendant d’avoir des militants, une omniprésence dans les médias (réseaux sociaux) pour exister, une ligne politique hybride (parfois sans) pour faciliter le basculement saisonnier (les périodes des récoltes le plus souvent).
Peut-être qu’il est temps de conseiller les partis politiques guinéens de privilégier les coalitions/alliances politiques/électorales/parlementaires à la place des regroupements hybrides et inefficaces comme « Opposition Républicaine ». En procédant par une ouverture laxiste des adhésions et en privilégiant le nombre de partis adhérents aux convictions réelles des leaders, aux convergences d’objectifs et de valeurs, chaque retrait de partis, mêmes les plus insignifiants (mais médiatiquement bruyants), contribue à la fragilisation du groupe.
Quand vous offrez une tribune, une domiciliation à des girouettes politiques, ne soyez pas surpris de leur instabilité de mouvement.
Les grands partis politiques doivent reprendre l’initiative et éviter d’être parasité par des minuscules partis au positionnement politique douteux.

Sékou Chérif Diallo




Chronique : les plaisantins vous ressortiront la formule « la Guinée est un État souverain »

Après la prise de position du gouvernement américain en faveur « des transitions de pouvoir régulières et démocratiques, qui créeront des conditions de plus de responsabilités, et de développement d’institutions plus solides et moins entachées de corruption », les plaisantins de la mangeoire qui réclament un troisième dessert savent pertinemment que cette tentative de mise à mort de la démocratie embryonnaire guinéenne est une mission impossible.

Mais ils se disent, c’est la Guinée, un pays d’exception négative où il suffit d’acheter des consciences et le tour est joué. Ceux qui sont au pouvoir, ce cercle hybride restreint autour de Alpha Condé, les plus mauvais de l’ère Lansana Conté recyclés, quelques caciques du RPG qui ont peur de retourner dans leur anonymat habituel et une horde de « diaspouris » (fils/filles de…) prête à toutes les manœuvres pour s’enrichir et entretenir cette logique de « destin » trafiqué.
Sans rancune. Mais, après avoir bénéficié de grandes formations à l’extérieur avec l’argent public, le sens de la redevabilité envers ce peuple meurtri devrait inspiré leurs actions sur le terrain et non de se ranger du côté des oppresseurs. Bref, revenons à nos plaisantins autoproclamés communicants, courtisans engagés ou ceux en quête de repérage (qu’ils sachent que la communication est avant tout un métier et l’enfumage comme à l’époque où la RTG était la seule source de désinformation est aujourd’hui impossible). Brandir l’étendard de la souveraineté quand ça nous arrange, restez tranquille ! la Guinée est indépendante et son statut officiel est connu, donc inutile de continuer ce bavardage digne des années 60. Mais sachez bien que la démocratie est un principe universel et il faut être une puissance économique comme la Chine ou l’Arabie Saoudite pour survivre sans et être perçue comme « dictature acceptable » pour son marché et ses pétrodollars. Un pays qui célèbre la réception de dons insignifiants (quelques ordinateurs ou motos pour des directions nationales…) ou qui présente des budgets ministériels dont plus de la moitié nécessite la mobilisation des financements extérieurs, ne me dites pas que ce pays maîtrise son destin. Quand la production est sans valeur ajoutée (la bauxite) et la mobilisation des ressources internes est faible, le pays est soumis aux agendas des partenaires extérieurs. Les biberonnés à la soupe de Sékou Touré rétorqueront sans doute en me citant quelques passages des volumineux tomes de l’homme du 28 septembre 1958. Laissons cette histoire car elle ne changera pas et occupons-nous du présent et du futur.
Vous ne pouvez pas vendre la destination Guinée pour les affaires aux entreprises américaines et ignorer les injonctions politiques de démocratie des autorités américaines. Je répète, la Guinée n’est pas la Chine ou l’Arabie saoudite et les guinéens défendront leur constitution (même celle signée par un putschiste et adoptée par un CNT car tous les partis politiques y compris le RPG et la présidente du CNT étaient tous favorables à ce mode d’adoption pour écourter la transition militaire. À un an de la fin d’un dernier mandat, l’opportunité d’une nouvelle constitution ne se justifie pas).
Alpha Condé a deux choix : retirer son projet de 3ème mandat (nouvelle constitution) et désigner son dauphin (futur candidat du RPG) ou continuer l’entêtement avec ses corolaires d’instabilité, de défiance populaire, de suspension de financements extérieurs, d’isolement. Il n’y a pas d’autres alternatives.

Sékou Chérif Diallo




Chronique: Kassory Fofana, sa liste d’invités ou comment rendre minoritaire une majorité

J’espère que vous vous rappelez des banderoles du RPG Arc-en-ciel entre les deux tours de la présidentielle de 2010. On y voyait sur une carte de la Guinée, une mosaïque de visages avec une inscription « plus de 150 partis politiques et associations soutiennent le candidat Alpha Condé ». Vous me direz qu’il n’y’a rien de manipulateur (certes, normal pour un parti politique) sur ces banderoles. Je vous explique. Le contexte politique guinéen vu de l’extérieur est injustement présenté comme l’opposition entre deux groupes politiques que certains esprits ont rajouté un dénominateur ethnique. Ce qui est évidemment une fausse lecture. Mais, cette lecture biaisée de la réalité, avait fait le bonheur de Alpha Condé et il compte recycler la recette pour s’octroyer un 3ème mandat. Le fait d’afficher à l’époque ce nombre de partis politiques et associations, qui, de l’extérieur peut impressionner, donnait l’impression que le mouvement de soutien est national donc représentatif de la majorité des guinéens même si dans la réalité, c’est de l’enfumage. Mais c’est l’impression renvoyée qui importe. La liste des invités de Kassory Fofana obéit à cette logique. Mélanger les grands partis politiques (pour légitimer la démarche) aux partis ou individus qui n’ont d’existence que dans les médias (des commentateurs politiques) mais qui sont des Alpha compatibles (pour jouer aux trouble-fêtes espérés) ou encore de procéder à des exclusions pour certains Alpha non compatibles. Les institutions républicaines sont acquises, les nombreuses organisations de la société civilo-politique sont favorables à ce projet, les religieux donneront une caution morale avec des déclarations d’apaisement et non d’opposition, les syndicats n’ont rien à faire ici, mais ils peuvent être importants pour le décompte final des pour et contre. L’objectif est d’arriver à la conclusion suivante : aux termes de larges consultations avec tous les acteurs politiques et sociaux, la majorité qui se dégage est en faveur de la nécessité d’une nouvelle constitution qui sera soumise à un referendum ou par la voie parlementaire à la tchadienne (la récente et curieuse sortie du président de la CENI où tout serait prêt à leur niveau).
Donner une caution démocratique à la démarche, telle est la dernière recette des promoteurs du 3ème mandat.
Je répète une fois encore : c’est un petit groupe, minoritaire, un système politique fragile géré par des amateurs. Leur seul salut vient de la division que ce groupe sème entre les guinéens.

Sékou Chérif Diallo




Chronique: Alpha Condé présente les conclusions de la mission de Kassory Fofana

Alpha Condé, Dieu et le peuple. Dans cette vidéo, l’ancien opposant historique, ancien prisonnier politique qui a eu le soutien du monde entier pour sa libération, devenu président en 2010, aujourd’hui âgé de 83 ans compte entamer une nouvelle carrière de dictateur. Une tristesse et un gâchis énorme.
Il avait toutes les chances de rentrer dans l’histoire politique de l’Afrique par la grande porte.

https://www.facebook.com/sekoucherif.diallo/videos/10215652072800318/

Après avoir confié à son premier ministre d’engager des consultations avec les acteurs politiques et sociaux du pays, Alpha Condé annonce lui-même les conclusions de ces consultations : Dieu et le peuple. Cette croyance religieuse et surtout populaire chez nous qui sous-tend la philosophie selon laquelle c’est Dieu qui donne le pouvoir a encore des longs jours devant elle, surtout chez les dictateurs ou aspirants dictateurs. En attendant, rappelons toutefois, qu’en démocratie des règles existent, des échéances sont connues, des démarches sont définies, loin des considérations d’un déterminisme religieux insaisissable pour le commun des mortels. Concernant le “peuple”, c’est le fourre-tout manipulable à dessein. Ils parlent tous au nom du peuple, ils mettent tout sur le dos du peuple, ils agissent tous au détriment du peuple. Il est où ce peuple imaginaire ?
Les règles du jeu démocratique sont claires : après deux mandats présidentiels, on quitte pour laisser la place à un autre. Ceux qui pensent qu’on s’oppose à ce projet de 3ème pour simplement permettre à un opposant de venir au pouvoir se trompent. La question de savoir qui remplacera Alpha Condé en 2020 ne se pose pas actuellement, commençons d’abord par respecter les règles du jeu en sauvant cette démocratie embryonnaire. S’accorder sur l’inviolabilité des règles du jeu démocratique, constitue la première étape. Ensuite, les joueurs politiques (actuels ou nouveaux) entameront leur match politique dans la sérénité avec un arbitre électoral neutre (un autre défi à relever).
La lutte doit être menée sur le plan du développement désormais et non revenir constamment sur les règles du jeu démocratique. Les indicateurs de développement humain dans ce pays sont alarmants et la Guinée a besoin de stabilité politique pour penser de façon intelligente son développement. Il ne sert à rien d’opposer les uns aux autres, cette façon de faire de la politique est improductive. Entamons dans la sérénité notre première alternance politique pacifique en 2020 après plus de 60 ans d’indépendance. Le plus dur est le premier pas, le reste du chemin sera plus facile.

Sékou Chérif Diallo




Chronique: le Premier ministre Kassory Fofana et son cabinet de consultations

Ce qui est drôle avec ce régime c’est quand ils (Alpha Condé et son gouvernement) inventent une crise de toutes pièces et le premier ministre vient vous faire une déclaration philosophique sur l’avenir de la Guinée du genre « C’est pendant les heures difficiles qu’on reconnait les grands hommes ». Ces « heures difficiles » M. le PM, résultent de votre entêtement à vouloir changer les règles du jeu démocratique. Vous voulez des consultations ? Mais sur quoi ? Les modalités d’organisation des élections législatives et la présidentielle, le fichier électoral ? Oui. Sur le draft de votre nouvelle constitution ? Non. Commencer d’abord par nommer et délimiter les champs d’actions de ces fameuses consultations. Si Alpha Condé a eu le courage de prononcer dans un seul passage le mot Constitution de façon subtile et évasive en ces termes « y compris la constitution », son premier ministre, à aucun moment de son discours ne l’a prononcé. Il se contente de parler de « préoccupations nationales ». Non M. le premier ministre, les préoccupations nationales actuelles sont : la pauvreté grandissante, le manque de couverture sociale, la déliquescence du système éducatif, la corruption, le manque de visibilité sur l’organisation d’élections apaisées, les risques d’instabilité si vous persistez … Mais ne vous en faites pas, on ne vous demandera pas plus car votre système a déjà montré ses limites, le prochain président se penchera sur ces problématiques. En aucun cas, le peuple n’a exprimé la volonté de changer sa constitution surtout si ce projet cache un agenda permettant à un président de s’éterniser au pouvoir. Ces deux communications (Alpha Condé et Kassory Fofana) portent en elles les germes de la manipulation et du manque de sincérité.
Il revient alors aux acteurs politiques sérieux de répondre à l’invitation du PM par un courrier demandant une précision pour délimiter les champs d’actions des consultations. Surfer sur les généralités c’est le terrain favori des manipulateurs. Exigez des précisions et déclinez l’offre quand la question de la constitution s’invite aux débats.
Mais bon sang ! Retirez ce projet de 3ème mandat (nouvelle constitution) et tout sera comme avant.

Sékou Chérif Diallo




Chronique: Alpha Condé aux États-Unis, l’enfumage d’un système à bout de souffle

Je pense qu’il (Alpha Condé) ne pourra pas vendre son projet de nouvelle constitution (qui est surtout un projet pour s’octroyer un 3ème mandat) auprès des autorités américaines. Cette époque où des puissances étrangères soutenaient des projets de ce genre est révolue. Elles peuvent continuer à soutenir des régimes dictatoriaux qui sont déjà là depuis des décennies pour des raisons de préservation de leurs intérêts (Déby au Tchad, Biya au Cameroun ou Sassou au Congo) mais pas la naissance de nouvelles dictatures car elles n’ont rien à y gagner. Je pense que Alpha Condé est conscient de cela. Pour les promoteurs de ce projet de 3ème mandat, il faut agir au niveau national à travers les mouvements de soutien fortement médiatisés et les consultations des acteurs politiques et sociaux (si toutefois les interlocuteurs acceptent la récente proposition de Alpha Condé) pour donner l’impression d’une démarche démocratique aboutissant à la proposition d’une nouvelle constitution. C’est en ce moment qu’intervient l’expression favorite des dictateurs ou aspirants dictateurs « je reste convaincu que le peuple a toujours raison et que nul ne peut aller à l’encontre de sa volonté et de ses aspirations profondes ». Avec une RTG au service de la propagande nationale, des institutions acquises, certains acteurs politiques (insignifiants sur le plan électoral) en ordre de positionnement, une certaine société civile militante, une horde de communicants/courtisans confirmés et aspirants courtisans…. les promoteurs de cette forfaiture fabriqueront leur Peuple fictif et virtuel. Mais ne soyez pas impressionné par ce petit groupe, il est minoritaire et le système Condé est assez fragile, c’est de l’enfumage tout simplement.

Sékou Chérif Diallo




Guinée: fraude à la Constitution en cours


Très tôt « Sacralisée » « Fétichisée », la Constitution en Afrique est « devenue un texte ordinaire voire banal. L’entêtement d’Alpha Condé de vouloir instrumentaliser la Constitution pour briguer un troisième mandat expose la Guinée aux démons des crises politiques majeures dans une sous-région confrontée à la montée du terrorisme dans un contexte de pauvreté grandissante.

« Le Président de la République a pris acte de la volonté librement exprimée par la totalité de membres du Gouvernement de s’inscrire résolument dans la dynamique du Référendum pour une nouvelle Constitution reflétant l’aspiration légitime du Peuple de Guinée à se doter d’institutions et de lois plus adaptées à l’évolution de la situation socio-économique ». Ce compte rendu du Conseil des ministres de ce jeudi, 27 juin 2019 est la suite logique d’un projet qui connait déjà plusieurs épisodes (démission du ministre de la justice dans une lettre publiée le 27 mai 2019, création d’un front national pour la défense de la constitution le 3 avril 2019, répressions de membres de ce front à N’Zérékoré le 14 juin 2019 soldées par de morts et plusieurs blessés, organisations de mouvements de soutien au projet de nouvelle constitution par les membres du gouvernement…).

Depuis plusieurs mois, ce débat fait rage en Guinée. Élu président de la République en 2010 dans des conditions invraisemblables émaillées de fraudes, puis réélu en 2015 pour un deuxième et dernier mandat de 5 ans, Alpha Condé, « opposant historique », labelisé « premier président élu démocratiquement de la Guinée » est aujourd’hui âgé de 83 ans. S’il ne s’exprime pour l’instant sur le sujet que de manière très elliptique, Alpha Condé lors d’un entretien télévisé accordé à des journalistes sénégalais en avril 2019, affirmait « S’il y a modification de la Constitution, il y a troisième mandat. S’il n’y a pas de modification de la Constitution, il y a mandat ou pas ».On comprend aisément la démarche. Une gymnastique juridique déjà expérimentée dans d’autres pays, qui consiste à proposer une nouvelle Constitution à la place de la modification de celle en vigueur. L’objectif visé est de permettre aux législateurs de jouer sur la notion de non-rétroactivité de la loi.

Faure Gnassingbé, Idriss Déby … des mandats présidentiels limités mais prolongés

Au Togo, les députés issus des élections législatives controversées du 20 décembre 2018, ont voté le 8 mai 2019 une révision constitutionnelle prévoyant la limitation du nombre de mandats présidentiels. Mais les législateurs togolais ont tout simplement pris soin de mentionner que la nouvelle réforme n’est pas rétroactive. « Les mandats déjà réalisés et ceux qui sont en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ne sont pas pris en compte dans le décompte du nombre de mandats pour l’application des dispositions des articles 52 et 59 relatives à la limitation du nombre des mandats », ajoute l’alinéa 2 de l’article 158. Autrement dit, l’actuel président, Faure Gnassingbé au pouvoir depuis 2005 peut encore se représenter aux deux prochains scrutins, en 2020 et 2025.

Depuis le 19 août 2017, date du début des contestations populaires exigeants le départ de Faure Gnassingbé, la crise togolaise a mobilisé les organisations africaines notamment la CEDEAO pour trouver une sortie de crise. Les présidents de la Guinée et du Ghana, Alpha Condé et Nana Akufo-Addo désignés par leurs homologues pour mener la médiation ont peiné à trouver une issue à la crise togolaise. Accusé de faire le jeu de son homologue togolais, Alpha Condé, le médiateur de circonstance, semble susciter de la méfiance auprès d’une partie de l’opposition togolaise. Pour l’opposant togolais Nicolas Lawson, président du Parti du Renouveau et de la Rédemption (PRR), le Président guinéen n’est pas un modèle pour assurer la facilitation dans la crise togolaise. Il estime qu’en Guinée les droits de l’homme ne sont pas respectés. « Celui qu’on appelle aujourd’hui le deuxième facilitateur, je vois ce qu’il fait chez lui, des femmes qui sont tabassées, des enfants qui sont tabassés, des jeunes gens en chômage et dans la misère. Alors que ce pays est riche en ressource minière. Vous, vous avez eu la chance, par la grâce de Dieu, au-delà de 70 ans, de devenir Président de ce pays béni et vous ne voulez plus partir. Des gens manifestent et on les tue » a indiqué l’opposant togolais.

Dans un article publié le 14 décembre 2018 dans le Monde, l’auteur cite un diplomate de la région sur la médiation dans la crise togolaise « le président togolais n’a pas grand-chose à craindre de la CEDEAO. Nana Akufo-Addo [le président ghanéen], qui accueille des opposants, ne veut pas se retrouver accusé de collusion avec ceux-ci et Alpha Condé [le président guinéen] ne va pas faire pression sur Faure Gnassingbé quand lui-même tente de se présenter à un troisième mandat en 2020. »

Au Tchad, la nouvelle Constitution promulguée le 4 mai 2018 par Idriss Déby qualifiée par l’opposition de « coup d’Etat constitutionnel », renforce les pouvoirs du président tchadien à la tête du pays depuis 1990 et qui est à son cinquième mandat qui doit s’achever en 2021.  Avec la mise en place d’un régime présidentiel intégral, sans Premier ministre ni vice-président, adoptée par le parlement et non par référendum, la nouvelle Constitution tchadienne qui marque le passage à la IVe République pourrait permettre à Idriss Déby de rester au pouvoir jusqu’en 2033.

« Sacralisée » « Fétichisée », la Constitution en Afrique est « devenue un texte ordinaire voire banal

La limitation du nombre de mandats apparait comme l’une des principales caractéristiques des constitutions africaines adoptées au début des années 90. Dans un contexte de présidents à vie, le choix d’une telle option reposait sur l’impérieuse nécessité de favoriser l’alternance au pouvoir. Près de trois décennies après, les pouvoirs politiques dans certains pays africains peinent à respecter le texte fondamental de leur nation : la Constitution.

Un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l’État et qui organise leurs relations, la Constitution est considérée comme la règle la plus élevée de l’ordre juridique de chaque pays.

Très tôt « Sacralisée » « Fétichisée », la Constitution en Afrique est « devenue un texte ordinaire voire banal. Pourtant, l’on avait cru, à la faveur ou à l’issue des transitions démocratiques, à la résurrection de la Constitution » écrit le juriste Karim Dosso. Dans le même ordre d’idées, le professeur de droit Fabrice Hourquebie dans un article intitulé : le sens d’une Constitution vu de l’Afrique affirme : « Norme suprême tantôt instrumentalisée par le pouvoir en place ; tantôt déstabilisée par la banalisation des révisions en dépit de la rigidité affichée ; ou encore menacée de l’intérieur par un contenu crisogène ; voire même concurrencée par des accords politiques à la portée juridique discutable ».

La désacralisation de la Constitution trouvait son explication dans l’irruption de l’armée dans la vie politique, où « le coup d’Etat emporte (  ) à la fois le chef de l’Etat, les institutions, la Constitution ». Ces derniers temps, nous assistons au développement d’une nouvelle forme de prise ou de conservation du pouvoir : les coups d’Etat civils.

Aujourd’hui, une stratégie plus ingénieuse caractérise l’instrumentalisation juridique des constitutions en Afrique, celle qui consiste à solliciter l’avis du peuple pour rester au pouvoir. C’est ce que le chercheur Alioune Badara Fall explique en ces termes : « Les présidents africains utilisent un processus démocratique pour contourner « légalement » une règle démocratique normalement contraignante. La limitation des mandats est conforme à l’esprit démocratique parce qu’il garantit ou favorise l’alternance dans un pays ». Assane Thiam, dans le contexte sénégalais, désignera de « coups juridiques » cette intensité de l’activité constitutionnelle. Dans un essai intitulé : Essai d’explication du déficit de garantie de la liberté politique au Togo, Sassou Pagnou souligne que « le génie politique a développé (  ) au moins trois types de stratagèmes : les révisions constitutionnelles à l’objet peu licite et controversé, les interprétations de la constitution trahissant son objet et l’abstention de voter les lois organiques devant compléter la constitution ».

« Respect de la forme pour combattre le fond, c’est la fraude à la constitution »

La fraude à la Constitution est en passe de devenir une redoutable pratique pour nombre de gouvernants africains. La modification de l’esprit de la constitution par le pouvoir de révision constitutionnelle tout en respectant la forme régulière de la révision constitutionnelle constitue une « fraude à la constitution ». C’est Georges Liet-Veaux qui a pour la première fois, utilisé cette notion en 1943. Il définit la fraude à la constitution comme le procédé « par lequel la lettre des textes est respectée, tandis que l’esprit de l’institution est renié. Respect de la forme pour combattre le fond, c’est la fraude à la constitution ». En d’autres termes, dans ce procédé, le pouvoir de révision constitutionnelle utilise ses pouvoirs pour établir un régime d’une inspiration toute différente, tout en respectant la procédure de révision constitutionnelle. Dans sa thèse de doctorat intitulée : La lutte contre la fraude à la constitution en Afrique noire francophone, Séni Ouedraogo, explique quant à lui que « La redistribution illicite des ressources participe de la stratégie de conservation du pouvoir. Ainsi, les courtisans des gouvernants qui désirent toujours conserver les avantages tirés du système sont obligés de s’investir dans l’instrumentalisation des règles afin de conserver le pouvoir. Et comme le respect des règles s’impose, la fraude devient un moyen pour créer une situation juridique à l’effet de servir une fin collective ». Sur les éléments de facilitation de cette fraude, l’auteur souligne qu’elle « est facilitée par la caution des peuples abusés et désabusés ». Selon lui, « la majorité des fraudes pratiquées n’est possible qu’avec la caution des peuples qui ne perçoivent ni les enjeux des débats politiques, ni la portée des actes qu’ils sont appelés à accomplir de sorte que les gouvernants profitent de leur ignorance pour parvenir à leurs fins ». Il poursuit, « c’est la méconnaissance par le peuple des enjeux de la démocratie qui expliquent la tendance des gouvernants à les mettre de plus en plus à contribution, à travers des référendums de révisions savamment contrôlés et organisés, pour certifier leurs forfaitures ».

« des corrections nécessaires à apporter à des textes qui sont apparus à l’usage, imparfaits, incomplets, inadaptés », le prétexte facile

Le prétexte pour justifier les révisions constitutionnelles en Afrique est toujours le même. Le chercheur Gaudusson cité par Ndiaye dans un article intitulé La stabilité constitutionnelle, nouveau défi démocratique du juge africain, souligne « des corrections nécessaires à apporter à des textes qui sont apparus à l’usage, imparfaits, incomplets, inadaptés ». Quant au professeur d’université Albert Bourgi cité par le même auteur, il explique que « même lorsque la tentation est forte chez certains dirigeants de revenir à des pratiques autoritaires et de s’octroyer des attributions plus larges, ils sont le plus souvent contraints de leur conférer un fondement juridique et de leur donner une apparence de conformité à la constitution ». Toujours, selon cet auteur, ces révisions sont le moyen de donner une vitrine de légalité à des pratiques politiques visant à fausser le jeu démocratique. Les aspects qui sont en permanence retouchés, concernent les dispositions liées à la durée et le nombre des mandats présidentiels qui se trouvent au cœur du débat politique dans nombre de pays.

Toutefois, il existe quelques rares exemples de « résistance » des institutions aux manipulations constitutionnelles. Céline Thiriot dans un article intitulé Transitions politiques et changements constitutionnels en Afrique, cite le cas du Sénat nigérian qui a bloqué la tentative du président Obasanjo de concourir pour un 3ème mandat en 2006, celui du parlement du Malawi qui a refusé la tentative du président Molutsi de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels ou encore celui du président zambien Chiluba qui a dû faire marche arrière sur le même sujet.

En Guinée, s’attendre à une telle démarche de la part des institutions (assemblée nationale, cour constitutionnelle) est tout simplement chimérique. Le parti au pouvoir, majoritaire à l’assemblée nationale a sorti une déclaration le 18 mai 2019 où il demande au Président Alpha Condé de « doter le pays d’une loi fondamentale votée par référendum par le peuple souverain ». Au niveau de la Cour constitutionnelle, l’ancien président de l’institution, Kèlèfa Sall, célèbre pour la mise en garde contre toutes velléités révisionnistes prononcée lors de la prestation de serment de Alpha Condé en 2015 a été évincé le 3 octobre 2018 par un décret présidentiel.

Les jeunes, en première ligne des mouvements contestataires

Dans un contexte où les autres institutions de la République sont soumises au diktat de l’exécutif, c’est la société civile qui se mobilise pour contrer les velléités de manipulations et d’instrumentalisation de la constitution. En première ligne de ces mouvements contestataires, les jeunes. Les mouvements Y’en a marre, au Sénégal ; Balai citoyen, au Burkina Faso ; Filimbi et Lucha, en République démocratique du Congo (RDC), ont apporté un souffle nouveau à l’engagement politique des jeunes si on les compare à une classe politique africaine terne dont les éléments sont interchangeables.

Au Sénégal, face à la colère de la rue en 2011 menée par Y’en a marre, Abdoulaye Wade a fini par renoncer à son projet de réforme constitutionnelle. Son fameux « ticket présidentiel », destiné, selon l’opposition, à préparer une succession dynastique, avait suscité une vive contestation. Au Burkina Faso, le Balai citoyen, était en première ligne dans les contestations populaires qui ont mis fin au règne de Blaise Compaoré.

Composé de partis politiques et des associations de la société civile, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), ce mouvement guinéen est essentiellement animé par des jeunes de la société civile qui n’hésitent pas à mettre en garde « contre le recul démocratique et les graves risques encourus par la stabilité et la sécurité en Guinée et dans la sous-région, ainsi que le chaos qui pourrait en résulter ». Dans sa première déclaration, le FNDC « appelle toutes les Guinéennes et tous les Guinéens à la mobilisation en vue d’une farouche opposition au troisième mandat, par une manœuvre de quelques individus véreux qui vivent de la misère de nos compatriotes ».

En Afrique, la nouvelle génération se heurte à la résistance obstinée de ceux qui tiennent encore les commandes, qui ont parfois deux fois leur âge et qui bénéficient du soutien de mouvements politiques au pouvoir depuis des décennies, de forces armées largement dotées, de services de sécurité implacables et de réseaux clientélistes solidement établis qui accaparent une bonne partie des ressources du pays.

L’entêtement d’Alpha Condé de vouloir instrumentaliser la Constitution pour briguer un troisième mandat expose la Guinée aux démons des crises politiques majeures dans une sous-région confrontée à la montée du terrorisme dans un contexte de pauvreté grandissante qui est la cause principale de tous les extrémismes. La Guinée vient de loin avec une histoire douloureuse et glorieuse en même temps. Ne tuez pas la démocratie pour assouvir vos désirs de valorisation égocentrique.

Pour terminer, je réitère l’appel lancé par Clément Boursin, responsable des programmes Afrique à l’ACAT France sur la crise prévisible en Guinée : « Pour éviter l’apparition d’un nouveau foyer d’instabilité en Afrique de l’Ouest et le risque d’une propagation dans les pays voisins, notamment en Côte d’Ivoire – qui va également connaître une élection présidentielle potentiellement difficile en 2020 –, il est important que les partenaires de la Guinée sortent de leur silence et déconseillent au président Alpha Condé de se maintenir au pouvoir à travers une nouvelle Constitution qui viole la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union africaine (ratifiée en 2011 par la Guinée)… ».

Sékou Chérif Diallo

Sociologue/Journaliste

@RIFCHEDIALLO




SCAN : « L’UFC soutient […] l’Opposition Républicaine ne peut garantir ni l’ancrage démocratique, ni .. »


Union des Forces du Changement (UFC) se retire du forum de partis politiques d’opposition dénommé (opposition républicaine) – le 16 décembre 2017

« L’UFC soutient qu’en l’état actuel et en raison du manque total de stratégies sérieuses en son sein et à la hauteur des enjeux existants, l’Opposition Républicaine ne peut garantir ni l’ancrage démocratique, ni l’alternance politique tels que souhaités par l’ensemble des populations et pour lesquels, elles ont consenti de multiples et énormes sacrifices »

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Alpha Condé, président de la Guinée – le 18 décembre 2017

« J’ai dit que j’ai pris la Guinée là où le président Sékou l’a laissée. C’est-à-dire que Sékou Touré a donné à la Guinée son indépendance politique. Donc, il faut le signaler qu’il a eu l’audace de dire Non en 1958 à la France. Malgré ses ambitions, il n’a pas pu donner l’indépendance économique à la Guinée » […] « Moi, mon rôle, c’est de donner l’indépendance économique à la Guinée »

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En marge du lancement des activités du Forum Guinée Business, plateforme regroupant le secteur privé et la société civile.

« Il y a beaucoup d’entreprises irrégulières dans la pêche, dans beaucoup de secteurs, et qui sont une mauvaise image de la Guinée. On doit les fermer. Je l’ai dit aux hommes d’affaires : ce n’est pas la peine de m’appeler. Si les services contre la répression ferment des usines, et ils vont fermer beaucoup, ce n’est pas la peine de m’appeler. Toutes celles qui sont dans l’irrégularité, on va les fermer. Et on va assainir la situation. Nous avons un casino qui est en train d’être géré par un bandit. Alors, soyez moins complices, s’il vous plaît de vos partenaires. Si nous voulons assainir, on doit assainir totalement. Le gouvernement est décidé à assainir, décidé à lutter contre l’impunité et contre le grand banditisme. Nous n’aurons pas d’état d’âme. Il faut que cela soit clair. La Guinée mérite d’aller plus loin ».

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Amadou Salif KEBE, le Président de la CENI

Lors d’une conférence de presse le mercredi 06 décembre 2017 sur les préparatifs des élections communales prévues le 04 février 2018.

« A l’occasion d’une loi rectificative, il nous a  été alloué 315 milliards de francs guinéens par l’Assemblée nationale. Sur la base de 115 milliards que l’Etat avait mis à notre disposition. Nous avons évolué en exécutant une bonne partie de nos activités. Mais, le gouvernement a pris, à travers le ministère des Finances et du Budget, un arrêté pour dire que le reste du montant va être puisé dans les dépenses communes de l’Etat. Les 210 milliards ont été mis sur les comptes de l’Etat au compte du Trésor public pour que, quand la CENI aura besoin de ses montants, qu’ils soient mis à sa disposition ; et, c’est ce qui est en train d’être fait. Au niveau de la CENI, on n’a pas eu des inquiétudes pour financer les élections parce que des engagements ont été pris par l’Etat guinéen et ils sont en train de les réaliser. Donc, aujourd’hui, sur ce qu’on a prévu, ce qui est mis à disposition, nous sommes à moins de 30 milliards du reste. Et, les 210 milliards vont nous mener jusqu’à la mi-janvier. La période de grosses dépenses, c’est maintenant »

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Bah Oury, banquier et ancien Vice-président du parti d’opposition UFDG

Sur la Loi de finances 2018, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale dans son volet RTS (Retenue Taxes sur le Salaire)

«C’est une taxation imposée sur les salaires qui sont relativement élevés. Les fonctionnaires de la fonction publique, d’après la grille salariale, ne seront pas directement affectés, mais par contre, ceux du secteur privé, seront affectés par cette mesure»

«La question qui se pose, lorsqu’une loi est votée, il est difficile de la retirer. Il n’y a pas une seconde lecture dans notre pays qui aurait pu permettre d’amender certaines dispositions législatives qui sont prises. Ce qui est étonnant, ce sont tous les députés qui ont pris cette mesure sans se rendre compte qu’une bonne partie des salariés guinéens n’émargent pas au niveau de la fonction publique mais plutôt, dans le secteur privé»

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Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





Comment frauder une élection ?


Analyse


Par Alpha Amadou Bano BARRY, Sociologue

Cet article est un autre d’une série que je souhaite partager avec les Guinéens. Celui-ci porte sur la fraude électorale. Comme toute généralité, il souffre probablement de plusieurs imperfections. J’accepte volontiers des critiques, des suggestions et des compléments d’informations pour qualifier ma réflexion académique et empirique. En attendant de bien documenter « la fraude électorale sous les tropiques de Guinée » qui est le titre d’une recherche en cours, la question au centre de ma présente préoccupation est la suivante : Comment frauder une élection ?


Ce texte est donc pédagogique et est élaboré à l’usage des citoyens non seulement pour sensibiliser tous les électeurs mais aussi pour dissuader le ou les candidats qui auraient mis en place un système de fraude.

Ce texte ne traitera pas des raisons de la fraude électorale, même si l’on sait l’existence du lien fort entre la corruption et la fraude électorale. Pour plusieurs spécialistes, l’indice de corruption publiée par transparancy International est un indicateur des risques de fraude dans un pays : « plus un pays est corrompu, plus les risques de fraude sont élevés ».

On sait aussi que la fraude est un refus de la démocratie dans son acception libérale du terme. C’est-à-dire une compétition loyale, légale pour obtenir le suffrage des citoyens. Dans ce cadre, certains candidats ont la tentation de vouloir se substituer au peuple, c’est-à-dire au corps électoral en procédant à la fraude électorale. En règle générale, les fraudes électorales commencent dans la pensée des acteurs en compétition et elles se manifestent dans l’organisation du processus électoral et se matérialise par la victoire proclamée du fraudeur.

Un parti politique qui veut gagner une élection par la fraude met en marche une stratégie bien réfléchie par des hommes de confiance apparemment neutres, mais en réalité bien déterminés dans ce qu’ils veulent. Leur apparente neutralité permettra de cacher la manœuvre jusqu’au bout. A ce moment, l’adversaire ne pourra plus rien : trop tard aura joué pour le naïf. Un parti qui ne souhaite pas se faire voler lors d’une élection doit trouverformer et motiver des hommes et des femmes et élaborer une contre stratégie pour contrer le fraudeur.

Dans le cadre du cours de la sociologie électorale, nous revisitons régulièrement, à la lumière des pratiques électorales, la volonté de certains acteurs de gagner contre la volonté des électeurs. Nous appelons ce mécanisme mis en œuvre pour changer la volonté des électeurs, la fraude électorale. La fraude électorale désigne toutes les irrégularités qui peuvent se dérouler pendant une élection. La fraude électorale inclue tous les processus ayant pour objet d’influencer le résultat d’une élection. Elle peut se faire à chaque moment du processus électoral :

  • Lors du recensement des électeurs et/ou de la révision de la liste électorale ;
  • Lors de la campagne électoralepar le nettoyage « ethnique » par exemple ;
  • Lors de la confection et de la distribution des listes électoraleset des autres matériels électoraux (carte d’électeurs, encre indélébile, bulletin de vote, procès verbal, liste d’émergement, etc.) ;
  • Lors de l’organisation des bureaux de voteset du scrutin (bourrage des urnes, vote par procuration, etc.) ;
  • Lors du dépouillement, du décompte des voix et de la centralisation (fraude informatique) ;
  • Lors de la publication des résultats.

Mais avant de présenter les techniques de fraudes les plus courantes, qu’il me soit permis de rappeler que la tenue des élections constitue l’événement politique le plus important dans tous les pays à régime politique libéral. Car c’est à ce moment que les électeurs jugent les projets et programmes des prétendants et le bilan des sortants. C’est le moment de l’établissement et/ou le renouvellement du contrat de confiance entre ceux qui dirigent ou qui prétendent diriger et les électeurs.

C’est pourquoi la préparation d’une élection doit se faire avec beaucoup de sérieux et de soin. La négligence doit être évitée et dangereuse, la précipitation. Contrairement à certains hommes politiques français qui disaient, en parlant de la Guinée, qu’« une mauvaise élection est préférable à l’absence d’élection ». Je dis c’est faux. Je dis aussi que c’est faux de penser qu’une élection, même mal faite, est préférable à l’absence d’élections en raison des risques institutionnels que son absence fait courir à un pays.

Une élection doit être faite dans les règles de l’art. Dans le cas contraire, ses effets seront identiques à la désignation du Secrétaire Général de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) en France, c’est-à-dire ridicule et pathétique. Elle peut même être une catastrophe. Les exemples sont innombrables pour que je perde mon temps à les énumérer.

Enfin, la tenue d’une élection n’est pas la démocratie, même si elle est une composante du processus démocratique. Je m’inscris en faux sur la vérité populaire qui consiste à faire croire que l’aide au développement développe un pays ou qu’une élection attire des investisseurs. L’attrait d’un pays pour des investisseurs relève d’autres logiques que sont : la paix, de la stabilité politique, la qualité des infrastructures, des ressources humaines et la vision de ses dirigeants.

LES PRINCIPALES FRAUDES ÉLECTORALES POSSIBLES LORS D’UNE ÉLECTION

1/ La mauvaise commission électorale (CENA, CENI, etc.)

La commission électorale (affublée de n’importe quel complément) est sensée être un organisme public doté de la personnalité juridique qui lui donne la tâche de garantir la neutralité et l’impartialité dans l’organisation des élections.

Dans les années 90, à la faveur des conférences nationales qui devaient détruire les partis uniques, les commissions électorales indépendantes ont été présentées comme la panacée pour éviter les fraudes des ministères de l’administration du territoire. Dans ces organes, les « argentiers » de l’aide au développement des pays africains comme l’Union Européenne et les pays qui les composent ont imposé une parité de façade (moitié pour le pouvoir, moitié pour l’opposition et la moitié de cette autre moitié constituée de partisans cachés du pouvoir en place, c’est eux qui prennent la désignation de la « société civile » et de l’administration).

L’instauration de ce type d’organe conflictuel dont les membres sont hautement politisés et inféodés à leurs composantes et entités respectives s’est avérée la nouvelle façon d’organiser la tricherie des élections. L’expérience montre que les membres d’une commission électorale partisane agissent toujours selon la logique de leurs composantes et entités et non selon la logique de leur responsabilité dans la gestion des échéances électorales.

Toutes les mauvaises élections en Afrique ont été favorisées par l’existence d’un organisme électoral partisan, manquant de compétences, d’expertises et d’expériences en matière électorale. Avec une commission électorale aux ordres, c’est l’assurance que les ordres sont exécutés dans la lettre et l’esprit.

Un organisme de gestion des élections partisan et à qui ordre est donné de frauder des élections commence toujours par chercher un opérateur de recensement et/ou de révision à la solde. C’est cet opérateur qui devient le bras armé de la fraude tout au long du processus. Cet opérateur déploiera des militants transformés en opérateur de saisie lors du recensement et/ou de la révision. C’est à eux qu’il sera donné des instructions pour mettre en œuvre le recensement et/ou la révision partisane sur le terrain.

C’est cet opérateur, recruté par l’organe partisan, qui mettra dans le « ventre » de son site central les électeurs fictifs, qui éditera les listes électorales et celles d’émargements tronquées, qui imprimera des cartes d’électeurs en quantité insuffisante pour certaines catégories d’électeurs et pour les électeurs fictifs. C’est cet organisme qui refusera de distribuer, à temps, les cartes d’électeurs dans certaines zones réputées favorables à certains candidats. C’est enfin, cet organisme qui configurera les ordinateurs pour assurer la fraude électronique.

Un organisme électoral partisan et aux ordres fera semblant de se tromper au moment de l’approvisionnement de certains bureaux de vote du matériel électoral (les cartes d’électeurs, les urnes, les bulletins de vote, les photos des candidats, etc.). Il fera aussi semblant de se tromper en y envoyant dans certains bureaux de vote des listes électorales qui appartiennent à d’autres bureaux de vote. En l’absence de ces listes électorales, les citoyens qui viendront voter signeront sur une liste dite additive avec le risque de l’élimination de leur bureau de vote lors des arbitrages du contentieux électoral.

Ces commissions électorales s’avèrent, à quelques exceptions près, des commissions auxquelles « on impose de fausses données pour légitimer de faux résultats ». Staline (le bolchévique) disait : « Ce qui compte ce n’est pas le vote, c’est comment on compte les votes ». Des dirigeants africains ont fait échos à cette philosophie en passant par tous les moyens pour contrôler l’organe électoral pour éviter de se soumettre à la sanction populaire. C’est le cas d’Oumar BONGO ONDIMBA qui disait : « Comment peut-on organiser des élections, y participer et les perdre en Afrique ? ». Dans tous les cas, il apparaît très clairement que le contrôle de l’organe de gestion des élections est un raccourci qui évite de présenter un projet et/ou un bilan aux électeurs.

2/ Le recensement et/ou la révision électorale partisane

L’enrôlement du corps électoral constitue une étape importante dans la crédibilité des opérations électorales. Les électeurs sont ceux qui sont inscrits sur la liste électorale. Les partisans, les sympathisants et les militants ne deviennent des électeurs que s’ils sont enrôlés pendant le recensement ou la révision. S’il y a dans cette liste électorale des électeurs « fictifs », ceux exclusivement d’un fief électoral ou que certains sont rayés ou déplacés de leur zone de résidence, il devient possible de frauder surtout si la totalisation est informatisée.

Pour s’assurer de fausser les résultats d’une élection, ceux qui veulent frauder et qui contrôlent l’organisation en charge des élections déploient moins de matériels de recensement et/ou révision dans les zones considérées comme des fiefs favorables aux adversaires.

Elle peut aussi y dépêcher dans ces régions du matériel saboté ou donner des instructions aux opérateurs de recensement et/ou de révision pour faire traîner les opérations soit en diminuant le nombre de personnes enrôlées par jour soit en réduisant le nombre de jours de travail soit toute autre stratégie de réduction des inscriptions sur le fichier électoral.

Il est aussi possible, dans les zones favorables ou considérées comme telles, de demander aux agents recenseurs d’enrôler des personnes n’ayant pas l’âge légal, de créer des doublons (une même personne est enrôlée plusieurs fois) ou d’introduire des électeurs fictifs dont le vote sera rendu automatique par la fraude électronique (nous y reviendrons).

Pour réduire les chances de certains adversaires, cet organisme peut fixer un timing du processus électoral qui défavorise certains électeurs soit par la fixation de délais courts ou de distances grandes lors de l’inscription et/ou de la révision sur les listes électorales et le jour du vote.

Dans certaines zones du pays, les inscriptions sont volontaristes, des mineurs et même des étrangers sont inscrits, les morts, les émigrés ne sont pas radiés, bref les inscriptions sont massives et sont sans commune mesure avec la réalité de la population en âge de voter.

Enfin, pour obtenir l’échec aux élections d’un adversaire redoutable, on peut organiser le déplacement de ses électeurs par une opération d’épuration ethnique. Celle-ci se fait soit avant le recensement soir après celui-ci. L’objectif étant de réduire le poids électoral d’une zone qui pèse dans le processus électoral. L’histoire électorale de plusieurs pays africains l’atteste.

Quelque soit l’opérateur choisi, la fraude orchestrée par l’organe de gestion des élections fonctionne le mieux autour de deux paramètres :

  • Lors de la confection (recensement et/ou révision) de la liste électorale ;
  • Lors du décompte des voix par l’ordinateur.

Pour éviter qu’un organe partisan de gestion des élections ne fraude avec un opérateur technique du recensement et/ou de la révision, il est essentiel de s’assurer que :

  • La liste électorale, avant la révision, est propre, c’est-à-dire identique à la précédente élection. Il faut donc auditer le fichier électoralpar des experts indépendants, de préférence ceux des Nations-Unies, avant le début de la révision. La liste électorale avant la révision doit devenir disponible auprès des différents acteurs en compétition.
  • Lors de la révision des listes électorales, les différents partis politiques en compétition doivent encadrer les opérateurs de saisiepour s’assurer que la révision ne prend en charge que ceux qui sont en âge de voter, qu’aucune personne n’est enrôlée plus d’une fois avec de simple variations dans les noms et les prénoms. Chaque délégué des partis en compétition doit tenir une comptabilité journalière des personnes enrôlées et leur répartition par sexe. De même, il devra posséder les données statistiques sur les radiations et les déplacements.
  • Il faut refuser le transfert automatique et via satellite des données de la révision. A la fin de la révision au niveau de chaque circonscription électorale, chaque parti devrait disposer d’une copie CD et clé USB de la liste de révision. La liste finale de l’organe de gestion des élections doit être, avant validation, soumise à la comparaison avec celles des partis en compétition.

3/ La répartition des bureaux de vote sur le territoire électoral

Dans les lois électorales, il existe toujours des dispositions pour calculer le nombre d’électeurs par bureau de vote et la distance moyenne entre chaque bureau de vote et les électeurs inscrits.

Un parti qui obtient une augmentation du nombre de bureaux de vote dans une zone favorable à lui maximise ses chances d’avoir un peu plus de votants par dérogationpar procuration et surtout une possibilité de bourrer des urnes en plus grand nombre.

4/ Le système de bureau de votes fictifs et/ou parallèles

Dans l’organisation des élections, les bureaux de vote sont numérotés et chaque groupe d’électeurs (liste électorale) correspond à un bureau de vote en particulier.

Pour frauder, un parti peut créer des bureaux de vote fictifs et/ou parallèles portant les mêmes numéros que les bureaux officiels. On laisse les électeurs votés dans leur bureau de vote « officiel », mais parallèlement on procède au remplissage d’autres procès verbaux ayant les mêmes numéros que le bureau de vote que l’on veut substituer.

Lors de la centralisation, les procès verbaux des bureaux fictifs et/ou parallèles sont utilisés en lieu et place des bureaux de vote légaux. Mais pour que cette tricherie fonctionne, il faut réunir deux conditions :

  • Il faut avoir des procès verbaux identiques à ceux utilisés par l’organisme qui gère les élections ;
  • Il faut arriver à faire accepter ces procès verbaux par la commission en charge de la totalisation.

Pour éviter une telle fraude, car personne ne peut garantir que l’organe de gestion des élections ne va pas permettre de produire des duplicatas des procès verbaux de certains bureaux de vote, Il faut réfléchir à la possibilité de rendre effectif l’introduction et l’utilisation de code barre pour identifier les documents électoraux (bulletins de vote, procès verbaux, etc.). Cependant, l’arme fatale pour contrer une telle fraude reste le déploiement d’assesseurs instruitscourageux et motivés et en nombre suffisant lors de la totalisation. Car, même si les fraudeurs ont des duplicatas remplis, ils ne peuvent servir que s’ils sont utilisés au moment de la totalisation. Des délégués de qualité ne permettront pas une telle fraude.

5/ Des procédures de vote préparant la fraude

Dans certains bureaux de vote, les présidents font semblant de vouloir faire voter le plus grand nombre de personnes possibles en obtenant des autres assesseurs de ne pas faire signer ni apposer l’empreinte digitale des électeurs.

Dans ce cas, c’est le président du bureau qui se contente de cocher dans la marge de la liste électorale une croix, devant le nom des inscrits ayant votés. Dans ces conditions, le président sait le nombre de personnes n’ayant pas voté à la fin de la journée. Après, il devient facile de faire du bourrage, c’est-à-dire mettre dans l’urne autant de bulletins que d’inscrits sur la liste électorale en cochant devant les électeurs absents.

6/ Fraude via les procurations

Une autre méthode consiste à connaître des électeurs qui seront absents le jour de l’élection et qui n’ont pas fait de procuration pour voter. Il suffit alors de faire de fausses procurations pour ces gens là et trouver des électeurs pour déposer l’enveloppe dans l’urne.

Cette technique est possible si le parti politique a de la mémoire (des archives) qui permettent de dire à peu près les absentions lors du vote précédent. Pour ces électeurs, le parti prépare des procurations qui n’ont aucune raison d’être contestées car l’adversaire voit la concordance entre la procuration et le nom des électeurs.

La seconde condition pour une telle opération dépend de la production de cartes d’électeurs fictifs ou d’utiliser des cartes d’électeurs non distribuées à des électeurs réels, absents ou à qui on a refusé la délivrance des cartes d’électeurs.

7/ Le Procès verbal avec un nombre de dérogations excédant la norme fixée à 10

On peut aussi frauder en utilisant et en abusant du vote par dérogation. Lorsque dans son fief on possède énormément de bureaux de vote et très peu de votants, on fait voter le plein (on bourre les urnes) et on ajoute des dérogations supérieures à 10. Lorsqu’on réussit à avoir plus de 20 000 voix par dérogation, on augmente considérablement le nombre de députés sur la liste nationale pour son parti.

8/ La manipulation des bulletins de vote

L’idée dans la manipulation des bulletins de vote est toute simple : il y a dans chaque élection des indécis, des déçus, des nécessiteux. Au lieu de dépenser des milliards en spot radio, TV, en panneau publicitaire et gadgets de toutes sortes, on « achète » des votes. Pour l’essentiel, un électeur pauvre, au sens propre et figuré du terme, coûte environ 50 000 GNF, soit le coût d’un t-shirt de bonne qualité.

Pour appliquer cette fraude, les partis politiques intéressés préparent des bulletins de vote identiques à ceux utilisés lors de l’élection en cochant à la bonne case à la place de l’électeur. Ces bulletins préparés sont distribués à des électeurs ciblés en fonction d’un certain nombre de paramètres « socioéconomiques » moyennant un paiement et parfois des promesses supplémentaires de paiements au retour de l’élection.

Le corrupteur n’ayant pas toujours confiance au corrompu, on demande à l’électeur « acheté » de ramener son enveloppe « original » non utilisée lors du vote. La présentation de cette dernière est aussi « primée » contre un montant d’argent ou des denrées alimentaires.

Pour mettre une telle fraude, il faut disposer de la liste électorale, avoir des démarcheurs et des moyens financiers.

Pour gêner la fraude, il faut demander et obtenir que tout bulletin non original soit éliminé au moment du décompte des voix. Pour s’assurer du caractère original des bulletins de vote, il faudrait imposer des bulletins de vote avec au verso des signes qui ne peuvent être reproduites par une photocopieuse ordinaire. Pour cela, il faut exiger de l’organisme qui gère les élections que les bulletins de vote soient en couleur avec des codes barres.

Enfin, il faut chercher aussi à obtenir que les bulletins de vote soient imprimés par un pays partenaires qui n’a pas d’intérêts stratégiques, économiques et/ou des liens de copinage avec la classe politique des pays africains, surtout des anciennes colonies françaises.

9/ L’exploitation de l’ignorance des électeurs

La grande majorité des populations dans le tiers monde ne sait ni lire ni écrire. Au lieu d’aider les électeurs à bien voter, certains agents électoraux exploitent celle-ci pour favoriser un parti corrupteur. Ainsi par exemple, un électeur analphabète ne pourra pas remplir le bulletin de vote correctement. Si les membres des bureaux de vote sont corrompus, ils peuvent profiter de la faiblesse de ces électeurs analphabètes pour le faire voter en faveur de leur candidat.

C’est une tricherie qu’il faut combattre par l’organisation du parti. Il faut mettre à la disposition des électeurs analphabètes des aides. Enfin, les structures des différents partis doivent, bien avant le jour du vote, assurer la sensibilisation, l’information et la formation de leurs militants et sympathisants sur les mécanismes de vote.

10/ L’encre indélébile visible

Pour éviter le vote double et même multiple, les organisateurs des élections appliquent parfois sur le pouce de l’électeur ayant déjà voté une encre indélébile visible, dont les traces ne s’effacent pas pendant 48 heures. Mais pour tricher aux élections, certains partis politiques utilisent des chimistes et ceux-ci manipulent la fabrication de l’encre et diminuent sa teneur d’insensibilité de sorte que quelques minutes après le vote, les électeurs impliqués dans le schéma de la tricherie peuvent se laver les traces de l’encre et se présenter dans un autre bureau de vote pour une deuxième et une troisième fois.

Cependant, la réduction de la qualité de l’encre indélébile ne sert que dans une stratégie globale de fraude avec des listes d’émergements inexistantes ou non utilisées par les électeurs et des cartes d’électeurs non retirés ou encore par des électeurs fictifs.

Pour parer à cette tricherie, il nous semble utile de recommander la mise en place de plusieurs dispositifs. Le premier serait de n’autoriser l’arrivée de certains matériels électoraux, comme l’encre et les bulletins de vote que dans les derniers jours qui précèdent une élection. Il faut demander et obtenir du fabricant de livrer des flacons d’encre scellés.

Enfin, il faut exiger, en plus de la signature par l’électeur sur la fiche d’émergement, l’apposition du cachet du bureau de vote sur la carte de chaque électeur après le vote. Pour multiplier les filets de sécurité, nous suggérons l’obligation d’un cachet spécifique pour chaque bureau de vote.

11/ Le Bourrage d’urnes

Le bourrage de l’urne est la fraude la plus courante et la plus simple. Le bourrage de l’urne consiste à introduire des bulletins de vote supplémentaire dans l’urne avant le décompte. Ces bulletins de vote supplémentaires sont favorables à une liste ou à une candidature.

Pour pratiquer le bourrage des urnes, il faut nécessairement que l’un des candidats ait fabriqué des bulletins de vote bien avant le vote ou qu’il ait à sa disposition des bulletins de vote vierge à utiliser. Certains de ces bulletins sont ceux qui sont envoyés au niveau de chaque bureau de vote de façon légale (10% de ceux de chaque bureau de vote) et des excédents que l’organisme qui gère envoie vers certains bureaux de vote pour favoriser le bourrage des urnes. Pour utiliser ces bulletins de vote, plusieurs techniques sont possibles :

  • Première méthode :Un membre fraudeur du bureau de vote profite de l’absence des autres assesseurs pour glisser plusieurs bulletins de vote supplémentaires dans l’urne. Cette opération se fait généralement quelques heures avant la fin du scrutin. En effet, la dernière heure avant la fermeture des bureaux de vote, il n’y a pas souvent pas d’affluence des électeurs. C’est à ce moment que le grand bourrage se fait. Le fait d’effectuer cette opération vers la fin du scrutin permet de déterminer le nombre d’abstentionnistes pour faire correspondance le nombre de bulletin du bourrage avec les signatures ;
  • Seconde méthode :Plusieurs électeurs au moment du vote prennent plus d’un bulletin et d’une enveloppe pour les glisser dans l’urne au moment de leur propre vote ;
  • Troisième méthode :Lors de l’ouverture de l’urne après la clôture du scrutin, les membres du bureau de vote regroupent les bulletins de vote par centaines. Chacun étant soucieux de son comptage, personne ne fait attention à ce qui se passe autour. Un membre fraudeur glisse ajoute en toute discrétion plusieurs bulletins de vote préparés à l’avance. Pour régulariser sa fraude en faisant correspondre le nombre d’émargements des électeurs et celui des bulletins, il lui faut augmenter le nombre de signatures dans le cahier d’émergement.

Pour s’opposer à ce type de fraude, il faut mettre en place une série de mesures :

  • Il est toujours préférable d’avoir des urnes transparentes avec compteur. Les membres du bureau de vote doivent s’assurer, à l’ouverture du scrutin, que ce compteur affiche le nombre 0000. Si l’un des membres doit s’absenter, il fait enregistrer mentalement, noter et annoncer publiquement le numéro du compteur de l’urne. Les spécialistes suggèrent de considérer qu’il faut à peu près entre 30 secondes et 1 minute 30 à un électeur pour voter. Soit en moyenne 1 minute. Si un assesseur doit s’absenter 5 minutes, les spécialistes estiment qu’il ne peut y avoir plus de 5 votes en votre absence. Il est suggérer aux fumeurs de cigarettes de faire la pause tabac devant l’entrée du bureau de vote pour pouvoir compter mentalement le nombre de votants qui entrent dans le bureau de vote. Le nombre de bulletins dans l’urne devait correspondre au nombre d’électeurs que vous avez vu passer.
  • Dans le bureau de vote, tous les assesseurs devraient s’assurer que le cahier d’émargement ne doit être ouvert par l’assesseur chargé de faire signer les électeurs qu’au moment ou l’électeur se présente à la table de vote et que son nom est énoncé pour vérification ;
  • Les membres du bureau de vote doivent s’assurer que ne figurent sur la table de l’assesseur qui fait signer le cahier d’émargement qu’un stylo qui correspond à la couleur choisie pour faire signer les électeurs ;
  • À la clôture du scrutin, l’ouverture de l’urne ne doit se faire qu’après que les membres du bureau de vote aient procédés collectivement au comptage des émargements(personnes ayant votées) ;
  • Les membres du bureau de vote doivent s’assurer que le cahier d’émargements est effectivement signé par les électeurs. Ensuite seulement, les délégués accepteront l’ouverture de l’urne pour le comptage des bulletins de vote. Lorsque les émargements sont comptés et l’urne vidée, le cahier d’émargements ainsi que les enveloppes restantes doivent être placés dans l’urne qui doit être verrouillée. Cette opération exige que les urnes soient munies de clefs (quatre clefs par urne). Les urnes ne devraient pouvoir s’ouvrir qu’avec l’utilisation des quatre clefs ;
  • Chaque bureau de vote doit être constitué d’assesseurs de plusieurs camps politiques, de délégués de candidats ou de liste. La présence de nombreuses personnes d’horizons variés est le gage d’un scrutin surveillé et contrôlé qui respecte le choix des électeurs.

Dans tous les cas, toutes les études sur le vote concluent que dans une élection, même avec des enjeux importants comme la présidentielle, le nombre de votants dépassent très rarement les 70% d’inscrits. Lorsque dans une circonscription ou plusieurs circonscription, le nombre d’électeurs est égale ou supérieur à 80% et en faveur du même candidat, on doit présumer un système de bourrage d’urnes.

12/ La manipulation pendant le dépouillement

Lors du vote, il faut éclairer suffisamment le lieu de dépouillement des bulletins. Les moyens d’éclairage (groupe électrogène, lampe à pétrole, lampe à pile, etc.) doivent provenir de plusieurs sources pour éviter la défaillance d’une unique source et appartenir à plusieurs assesseurs. Chaque assesseur devrait avoir son propre moyen d’éclairage, ses assistants (à côté du lieu de vote) et sa nourriture.

S’il n’y a pas de surveillance sérieuse, certains présidents de bureau de vote peuvent réaliser un mauvais dépouillement. Ils peuvent par exemple compter une voix pour le candidat A alors que le bulletin de vote signale que cette voix revient au candidat B.

La règle veut que le nombre de bulletins trouvés dans l’urne soit égal à la somme des votants sur la liste d’émargement et ceux de la dérogation. Également, le nombre de bulletins trouvés dans l’urne doit être égal à la somme des suffrages valablement exprimés et des bulletins nuls. Malheureusement, cela ne s’est pas vérifié partout lors des précédentes élections dans plusieurs pays en Afrique.

13/ La manipulation des urnes pendant leur déplacement

La loi guinéenne stipule que le dépouillement se fait sur place dès après la clôture du vote et les résultats sont publiés sur le champ par voie d’affichage en Guinée aussi. Cette publication devrait, comme au Sénégal, se faire par l’affichage devant le bureau de vote et la publication dans les médias en direct et de façon continue. Il est impératif de faire respecter cette disposition et de s’assurer que chaque assesseur de chaque parti revienne à Conakry avec le procès verbal signé.

L’affichage systématique du procès verbal des résultats devant chaque bureau de vote, la remise d’une copie certifiée aux assesseurs représentant les différents candidats et l’accès permanent de leurs délégués à toutes les étapes de la centralisation, y compris au site central de Conakry sont des préalables à la transparence électorale.

Il faut aussi s’assurer qu’après la totalisation au niveau de la Commission de cette procédure que les délégués reviennent à Conakry avec les procès verbaux de centralisation de toute la circonscription électoraleLa presse devrait pouvoir publier les résultats, en temps réel comme au Sénégal, dès la fin de la totalisation des votes au niveau de chaque circonscription électorale.

Tout le monde devrait se souvenir que le transport des urnes avant le dépouillement permet le bourrage des urnes et/ou la substitution des urnes qui ont servi au vote par d’autres. Si cette opération devrait avoir lieu, il est de l’intérêt pour chaque candidat, même en cas d’assurance sur la fiabilité des scellés des urnes, de mettre sur place un mécanisme d’accompagnement des urnes par des hommes fidèles, motivés et dotés de plusieurs moyens de transport.

Car, le transport des urnes avant le décompte des voix est une source potentielle de fraude électorale. Lors du transport, les urnes peuvent être soit changées, soit détournées, soit détruites par des hommes engagés à le faire pendant le déplacement. Parfois on annule certains bulletins (notamment dans les régions a priori défavorables), parce qu’ils sont maculés.

14/ La falsification du nombre de voix dans les procès verbaux des bureaux de vote et/ou des procès verbaux de centralisation

Lors d’une élection, il est toujours prévu au niveau de chaque bureau de vote la production et la répartition de plusieurs procès verbaux auto-carbonés. Certains de ces procès verbaux, parfois trois, sont mis dans des enveloppes sécurisées pour trois structures : l’organe de gestion des électionsle ministère en charge de l’administration du territoire et le juge électoral.

Dans le bureau de vote, les assesseurs ont un rôle essentiel, car après le décompte des voix c’est eux qui doivent signer les différents procès verbaux. Il revient à chaque assesseur de s’assurer de la sincérité de tous les procès verbaux avant de signer.

Il est aussi prévu que le procès verbal du bureau de vote destiné à la CACV, mis dans une enveloppe sécurisée, ne sera lu qu’en séance plénière de la CACV. Ses résultats sont transmis à l’opérateur de saisie qui imprime une copie pour chaque assesseur représentant les partis candidats pour validation. Sur cette base les assesseurs valident le procès verbal. Les résultats validés sont transmis au serveur local pour être centralisés et envoyés par SMS à l’organe de gestion des élections.

On aura donc compris que les procès verbaux sont le document qui récapitule la répartition des bulletins de vote entre les différents candidats. Normalement, ils sont remplis au terme du dépouillement, signés pas les assesseurs et le président du bureau de vote.

Dans les conditions normales, le procès verbal reflète donc la réalité du vote, sauf dans les cas ou un assesseur laisse aux autres membres du bureau de vote le soin d’y marquer des chiffres différents de la réalité de l’urne. Cette situation peut provenir de l’absence définitive et/ou temporaire de l’assesseur d’un candidat ou son incapacité à lire des chiffres par analphabétisme ou des problèmes de vues (âge ou maladie).

Pourtant, les procès verbaux des bureaux de vote peuvent différer de ceux de la centralisation. Si tel est le cas, il n’y a que deux possibilités :

  1. Au moment de la centralisation, un assesseur d’un des candidats est absent, ce qui laisse le loisir aux autres de dicter à l’ordinateur des chiffres différents de ceux des procès verbaux des bureaux de vote :
  2. Il peut s’agir d’une fraude informatique dans laquelle l’ordinateur est programmé pour sortir des résultats de totalisation indépendamment de ceux saisis. Sur cette fraude, nous y reviendrons dans la fraude informatique.

Dans les deux cas, la défaillance des délégués du candidat est en cause. Les candidats ne devraient jamais accepter, surtout s’il y a des doutes sur la liste électorale, une centralisation informatique sans une centralisation manuelle. Et s’il y a des contradictions entre les deux, celles manuelles devraient primées sur celles informatiques.

15/ Les Numéros des bureaux de vote des procès verbaux différents des codes bulles

Une des mesures de sécurité courante pour sécuriser le vote est de doter tous les bureaux de vote des procès verbaux avec des codes à bulles pour certifier le lien entre chaque bureau de vote et leurs procès verbaux. Cette mesure permet, si elle est respectée, de s’assurer qu’aucun procès verbal ne soit utilisé en dehors du bureau de vote pour lequel il a été émis.

En effet, lorsqu’on souhaite frauder, on se dote de procès verbaux vierges que l’on utilisera pour les bureaux de vote fictifs, parallèles ou tout simplement pour substituer des procès verbaux défavorables par d’autres plus favorables.

Cette mesure de certification par le code bulle n’est pertinente que si les différents candidats ont des chiffres différents pour le même bureau de vote. Dans le cas contraire, cette mesure allonge inutilement le processus de centralisation.

16/ La tricherie par ordinateur

La fraude la plus actuelle et la moins décelable est la fraude informatique. Pour parvenir à une fraude informatique, il faut un programme intégré dans le dispositif des ordinateurs de centralisation et du site central de totalisation finale des votes. Un programme informatique est un ensemble d’instruction que l’ordinateur en tant qu’automate exécute à la lettre. De ce fait, le programmeur et/ou le concepteur (l’auteur ou créateur) d’un programme informatique fait exécuter par l’ordinateur sa volonté.

Dans le cadre de la gestion des élections, il y a deux aspects fondamentaux qu’il faut toujours regarder de près : Le fichier électoral et la gestion des résultats (procès verbaux issus des centres de votes).

Concernant le fichier électoral, Il est tout à fait possible au programmeur et/ou concepteur d’un programme informatique de frauder sans que l’utilisateur final du programme (par exemple la CENI) s’en aperçoive. Donnons quelques exemples classiques qui ont fait recette dans certains pays Africains :

  • Inscription d’électeurs fictifs qui voteront sans exister ni aller aux urnes, car ils ont déjà votés dans le programme de l’ordinateur ;
  • La fixation d’un quota (un nombre de voix que le candidat ne pourra jamais dépasser quelque soient les données entrées) à un ou plusieurs candidats donnés et le report de voix en plus à un autre candidat donné ;
  • Omission programmée des voix d’une région favorable à un candidat donné soit à travers le vote soit en les éliminant de la liste électorale.

Par rapport à la gestion des résultats, on peut en vue de la publication des résultats, donner à l’ordinateur un programme truqué d’avance comme : si le candidat A à une voix, son adversaire concurrent B en obtient automatiquement deux. Ainsi quelques soient les résultats obtenus par chacun des candidats, le candidat B aura toujours le double de voix de A.

On peut aussi programmer les ordinateurs de sorte que quand on tape un chiffre, l’ordinateur en sort un autre chiffre sur le procès verbal de centralisation différent de celui du procès verbal du bureau de vote.

Pour anticiper et endiguer cette source probable de fraude électorale, il importe qu’il y ait une commission technique paritaire des acteurs en compétition au sein de l’organe de gestion des élections, de contrôle et de validation de l’outil informatique devant être utilisé dans le cadre de la gestion de ces élections. Cette commission doit être impliquée de la conception et la réalisation jusqu’à la proclamation des résultats. Cette commission technique aura pour missions, selon les experts qui aident même à frauder :

  1. Le contrôle et la validation du modèle conceptuel et du code source du programme ;
  2. De préparer les jeux de test et de valider le programme ;
  3. De veiller à la compilation, et à la production de l’exécutable ;
  4. De mettre en place deux bureaux distincts de saisiedes résultats pour la nécessité de comparaison des chiffres ;
  5. De contrôler la saisie et de veiller au bon fonctionnement quotidien de l’outil ;
  6. De veiller à l’administration de la base de données et plus particulièrement la sauvegarde ;
  7. De définir le mécanisme de sécurité de l’application, etc. :
  8. Enfin, le conseil majeur est d’avoir deux opérations parallèles : le comptage informatique et celui manuel, car après tout dans une élection il n’y a pas que des opérations de calcul élémentaire : addition, division (pourcentages).

Tous les spécialistes de la fraude électorale sont unanimes que celle informatique est une méthode propre, sans possibilité de contestation : « Tout le monde n’y voit que du feu. Après les résultats du scrutin, l’opposition à beau crié à la fraude, elle a de la peine à le prouver ».

17/ La publication des résultats différents de ceux du vote

Un vote est très souvent réalisé dans de nombreux endroits. Il suffit donc, pourvu que l’information circule mal, de se « tromper » volontairement sur les totaux sans toucher aux résultats intermédiaires pour obtenir des améliorations éventuellement suffisantes.

Lors de la publication des résultats des élections, un président de l’organe de gestion des élections peut publier des résultats différents de ceux issus des urnes. Si le candidat A obtient 51% et le candidat B 49%, le responsable chargé de publier les résultats peut inverser les résultats délibérément et en toute connaissance de cause. Il s’agit de mettre les candidats devant un fait accompli en partant de l’hypothèse qu’il sera difficile de revenir en arrière surtout si ceux qui sont déclarés vainqueurs ont des moyens de coercition pour faire appliquer leur forfaiture.

L’un des indicateurs de fraude de la part d’un organe de gestion des élections apparaît lors de la publication des résultats. Pour masquer la fraude, on publie des totaux et non pas bureau de vote, car c’est dans « le détail que se trouve le diable ».

18/ La complicité de la justice électorale lors des contentieux

Un parti ou un candidat estimant que les résultats obtenus par lui aux élections ont été modifiés peut faire recours auprès de la justice électorale. La justice électorale utilise les procès verbaux qui lui sont destinés pour statuer. Lorsqu’on vit dans un pays ou la justice est sous ordre, il est préférable d’éviter, autant que possible, d’avoir recours à la justice électorale.

S’il faut aller devant le tribunal, il est préférable de déployer des avocats dans chaque circonscription électorale et surtout de s’assurer de la qualité des délégués, des superviseurs pour éviter de se faire marcher sur les pieds et de collecter les procès verbaux de façon systématique et exhaustive.

CONCLUSION

Il existe d’autres techniques de fraudes n’ont exposées dans le présent texte, c’est par exemple le cas des rabatteurs placés au coin des différents carrefours d’un bureau de vote pour désigner aux électeurs pour qui il faut voter. C’est aussi le fait de laisser des populations, qui croient à la primauté de la religion, organiser le vote au sein d’un lieu de culte, etc.

Néanmoins, il est important de dire que dans une élection, le fichier électoral est l’élément majeur de la fraude. Si le fichier est biaisé, c’est-à-dire que certains électeurs qui devraient y être ne s’y trouvent pas ou que des non électeurs (pas en âge de voter, morts, absents, électeurs fictifs ou virtuels, doublons et même plusieurs fois, etc.) s’y trouvent ou que des électeurs soient envoyés loin de leur bureau de vote, il sera impossible d’arrêter la fraude.

Si le contenu du fichier électoral (nombre d’inscrits, répartition des électeurs par circonscription électorale et par bureau de vote, effectivité des personnes inscrites sur la liste électorale, etc.) est inconnu de tous les partis en compétition, le risque de fraude est grand. C’est pour cette raison que la certification du fichier électoral avant une élection est toujours indispensable.

L’informatisation des résultats dans une élection est le second élément majeur de la fraude. Dans ce cas, la fraude peut commencer depuis la saisie des procès verbaux des bureaux de vote jusqu’à l’envoi pas SMS ou tout autre moyen électronique de transmission des résultats de la base (commissions de centralisation) vers le site central. Une élection est totalement et définitivement fraudée lorsqu’un fichier électoral biaisé est couplé avec un système de centralisation informatisée des résultats.

Enfin, on se souviendra qu’on peut avoir des électeurs et perdre des élections et inversement ne pas avoir d’électeurs et gagner grâce à la fraude. Pour se prémunir contre les fraudes exposées dans cet article, une seule et grande recette : avoir des ressources humaines de qualité (jeunesse, instruction, courageux et motivation idéologique et matérielle) tout au long du processus électoral. C’est-à-dire avoir du personnel impliqué de la confection de la liste électorale, de sa révision, de son affichage, du vote jusqu’à la proclamation des résultats. Cette sélection et cette formation des agents électoraux devraient se faire sous la supervision directe du candidat. Chaque parti devrait utiliser, comme indicateur de la performance des responsables du parti, le nombre de voix obtenus sur la liste nationale par le parti dans la circonscription électorale de chaque candidat.

Alpha Amadou Bano BARRY  Ph.D Sociologie

Maître de Conférences

Consultant en Fraudes Électorales