Des commissaires de la CENI dénoncent des graves anomalies qui remettent en cause la sincérité des résultats provisoires [Document]


Déclaration


Commissaires de la CENI, nous venons par la présente, dénoncer les graves anomalies dans l’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Ces anomalies affectent la sincérité des résultats provisoires proclamés par la CENI ce samedi 24 octobre 2020.Les causes sont nombreuses et profondes; elles se retrouvent à chaque étape du processus. Et à chaque fois, nous avons exprimé, certains collègues et moi,notre préoccupation en plénière et dans des déclarations.Pour rester focalisé sur l’élection présidentielle, voici quelques motifs de ces dérives:

  • La mauvaise foi dans l’interprétation des textes de loi, notamment la Loi 044 et la Loi portant Code électoral révisé;
  • L’implication de l’Administration dans tout le processus, au point d’en être en réalité, le principal organisateur des élections en Guinée en lieu et place de la CENI qui en porte le chapeau;
  • Le manque de recours contre les mauvaises décisions de la CENI. L’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre a connu plusieurs failles entre autres:
  • Le chronogramme qui a volontairement annulé l’affichage des listes électorales;-La cartographie électorale qui a pénalisé de nombreux électeurs privés de leur droit de vote;
  • La conception, la confection et la gestion des documents électoraux en dehors de la CENI et hélas en son nom;
  • Le refus obstiné de l’élaboration des procédures de remontée et de traitement des résultats de l’élection depuis le bureau de vote;
  • Le refus de réceptionner des PV de bureaux de vote (BV) dans des CRTPV (Commission de Réception et de Transmission des Procès-Verbaux) préfectorales ou communales, privant plusieurs électeurs de leur droit de vote et des candidats des suffrages de leurs électeurs;
  • La présence d’écart entre les suffrages exprimés et la somme des suffrages obtenus par les différents candidats et, le déversement de cet écart sur le nombre total de bulletins nuls sans aucune base juridique.


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Quelques Extraits

Pour faire annuler le vote de certains BV réputés être des fiefs de l’opposition, les Présidents de ces bureaux de vote concernés se sont volontairement absentés et ont été remplacés par d’autres personnes en vertu de l’article 70 du code électoral révisé.A la fin du dépouillement, les commissions de réception des PV ont refusé de réceptionner les PV de ces bureaux de vote, prétextant que ces PV doivent être déposés par les Présidents de BV initialement désignés. En ce sens, le cas de la commune urbaine de Dubréka est un bon exemple.

L’absencevolontairede certains Présidents de bureau de vote à l’ouverture


Dans plusieurs bureaux de vote dans tout le pays, le dépouillement n’a pas eu lieu sur place conformément à l’article 80 du code électoral révisé. Des agents de l’USSEL ont fait irruption dans les BV pour récupérer et transporter les urnes vers des destinations inconnues, ce, sans les membres de bureau de vote. Il nous a été remonté les cas des circonscriptions électorales de Dubréka avec pas moins de dix (10) bureaux de vote concernés, de Nzérékoré, Yomou, Kankan et Coyah.

L’irruption des agents de l’USSEL pour empêcher le dépouillement dans certainsbureaux de votes


La substitution et/ou la disparition des PV au niveau des commissions de réception a été dénoncée dans plusieurs circonscriptions.Quelques fois,le PV reçu à la CRPTV était remplacé par un nouveau qui est alors transmis à la CACV pour la centralisation; ailleurs, le PV a simplement disparu. En conséquence, les résultats du bureau de vote n’étaient pas pris en compte. D’après les informations qui nous ont été remontées, très souvent, la substitution se faisait la nuit quand le travail s’arrêtait et que les assesseurs et délégués des partis candidats n’étaient plus présents; cela se faisait aussi avec la complicité des agents de l’USSEL qui sécurisaient les lieux.Cela a été constaté à Dabola, Nzérékoré, Yomou, Macenta, Kissidougou, Coyah, Boffa, Koundara, Faranah pour ne citer que ceux-là.

La disparition et la substitution des PV


Afin de faire annuler les PV de certains bureaux de votes, il nous a été remonté que certains membres de CRTPV ou de CACV se sont permis d’ouvrir sciemment les enveloppes scellées contenant les PV de certains BV, dans le seul but de faire invalider ces PV en les considérant comme«Enveloppe non scellées». Les cas de la circonscription de Kaloum (surtout à Coronthie) et de Boké sont des exemples

L’ouverture des enveloppes scellées afin de faire annuler les votes du BV concerné





« Faire barrage à la mascarade électorale » [Par Cellou Dalein Diallo]


TRIBUNE. L’ex-Premier ministre et chef de file de l’opposition guinéenne tire à boulets rouges sur le processus que met en branle le président Alpha Condé.

À un mois des élections législatives, nous sommes déterminés à faire barrage à la mascarade électorale qu’Alpha Condé prépare. Reportées à plusieurs reprises depuis 2018 par un président sorti affaibli des communales du 4 février 2018, ces législatives ne sont organisées que pour une seule raison : octroyer les 2/3 des sièges au parti présidentiel (RPG-arc-en-ciel) grâce à une fraude institutionnalisée, afin de légitimer à l’avance la victoire du oui au référendum sur la nouvelle Constitution, elle-même devant permettre à Alpha Condé de briguer un troisième mandat illégal, au terme de son second et dernier mandat.

Dénonciation du processus en cours

Le hold-up électoral que nous redoutions tant est en cours. Au lieu des trois mois prévus par le Code électoral pour la révision des listes, le président de la CENI impose un délai de 25 jours, nettement insuffisant pour cette révision extraordinaire par son ampleur. Elle devrait, en plus des opérations classiques, permettre à tous les électeurs déjà inscrits au fichier de se faire enrôler de nouveau, conformément à la recommandation de la mission d’audit réalisé en 2018 par l’Organisation internationale de la Francophonie, l’Union européenne et les Nations unies.

Il existe aussi une discrimination flagrante organisée par la CENI et l’administration locale entre les fiefs du pouvoir et ceux de l’opposition, aussi bien dans la distribution du matériel et des consommables, que dans l’organisation pratique des opérations. Dans les fiefs du pouvoir, les règles et les procédures édictées ont été régulièrement violées pour faciliter l’enrôlement des électeurs, et hélas, de nombreux mineurs. À l’inverse, dans les fiefs de l’opposition, de nombreux citoyens jouissant pleinement de leur droit de vote en Guinée et à l’étranger continuent d’être arbitrairement exclus du fichier, donc des élections. C’est ainsi qu’au Sénégal, le président de la CENI et l’ambassadeur de Guinée à Dakar ont tout simplement décidé d’annuler la révision dans ce pays limitrophe qui compte plus d’un million de Guinéens, qui y votent habituellement à 90 % pour l’opposition.

Cette pratique discriminatoire, à l’œuvre depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, est à l’origine des nombreuses anomalies statistiques constatées au niveau du fichier électoral guinéen. Après sa récente révision, il compte selon le président de la CENI, quelque 8,3 millions d’électeurs sur une population estimée à 12,2 millions de Guinéens. Notre corps électoral représenterait donc aujourd’hui 68 % de la population, alors que ce ratio n’atteint nulle part 42 % dans toute la sous-région !

De graves anomalies dans le fichier électoral

L’audit mené en 2018 par l’OIF, l’UE et l’ONU avait révélé l’existence de graves anomalies dans le fichier électoral, qui devaient être corrigées à l’occasion de cette révision. Pour doter la Guinée d’un fichier biométrique homogène, la mission avait fortement recommandé qu’à l’occasion de cette révision, tous les électeurs reviennent se faire enrôler correctement, sous peine d’en être radiés. En violant à plusieurs reprises son serment et le Code électoral, le président de la CENI, maître Salif Kébé, a révélé son manque d’indépendance, d’impartialité et d’honnêteté. Il a défendu un chronogramme illégal et irréaliste, en fixant, en dehors du délai légal, la date de dépôt des candidatures pour les législatives. Au regard de la loi, tous les candidats à cette élection sont forclos. Monsieur Kébé a ainsi perdu la confiance et la légitimité nécessaires pour diriger l’Organe de gestion des élections et pour en être membre.

La vocation naturelle d’un parti politique et de tout homme politique engagé est de participer aux élections, à la condition néanmoins qu’elles soient transparentes, libres et démocratiques. Le refus de l’opposition de participer à la mascarade électorale annoncée relève d’une démarche d’anticipation et de prévention de violences politiques et de conflits liés aux élections. Les conséquences potentiellement déstabilisatrices qui en découleraient, aussi bien pour la Guinée que pour la sous-région, dans un contexte déjà fragile, doivent à tout prix être évitées. C’est donc à la source que le problème doit être traité, en concentrant tous nos efforts d’abord sur l’assainissement du fichier électoral et le respect des délais légaux pour la révision des listes électorales et pour le dépôt des candidatures. Ensuite, les élections locales doivent être parachevées conformément à la loi et à la décision de la Cour suprême. Enfin, il faut que l’organe de gestion des élections soit dirigé par un homme compétent, neutre, et impartial.

Exigence d’un processus électoral juste

Il est de ma responsabilité, en tant que chef de file de l’opposition et citoyen guinéen soucieux de la préservation de la paix, de la stabilité et des acquis démocratiques, d’exiger que le processus électoral en cours soit juste, consensuel et conforme aux principes et aux règles de l’État de droit et de la démocratie. C’est l’avenir de la démocratie et de la liberté dans notre pays qui est en jeu. C’est une exigence de nos électeurs et de tous les citoyens guinéens qui montrent leur détermination à défendre la Constitution à travers les multiples manifestations contre le projet de troisième mandat d’Alpha Condé.


Cellou Dalein Diallo

Ancien Premier ministre, président de l’UFDG et chef de file de l’opposition en Guinée.


Cet article est republié à partir de lepoint.fr. Lire l’original ici





L’opposition boycotte les élections législatives du 16 février 2020 en Guinée


Au lendemain d’une nouvelle forte mobilisation contre l’hypothèse d’un troisième mandat du président Alpha Condé, les principaux partis d’opposition en Guinée confirment leur boycott du prochain scrutin législatif de février 2020.

Réunies sous la bannière du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC),
grandes formations de l’opposition et organisations de la société
civile ont renoncé à déposer des listes de candidats en vue des
législatives du 16 février 2020. La Commission électorale
nationale indépendante (CENI) a enregistré le dépôt de listes émanant de
29 partis, dont le Rassemblement pour le peuple de Guinée (RPG) du chef
de l’Etat, a indiqué, le 7 janvier lors d’une conférence de presse, le
président de cette institution, Amadou Salif Kébé. Aucune liste n’émane
de l’opposition.

Depuis plusieurs mois, le FNDC mène le combat contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, né en 1938, qui achève fin 2020 son deuxième et, en principe dernier, quinquennat.

“Ces élections, on les empêchera”

Nous confirmons le boycott. Les conditions pour une élection transparente ne sont pas réunies”, a déclaré à l’AFP le principal opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo. Il a réclamé, pour changer de position, “un fichier électoral assaini, un recensement correct (des électeurs) et un président de la Commission électorale moins partisan“. “Ces élections, on les empêchera“,
a ajouté M. Diallo, conforté dans ce projet par un autre leader de
l’opposition, l’ex-Premier ministre Sidya Touré, sollicité par l’AFP. Ce
scrutin, contre lequel se dresse l’opposition guinéenne depuis le 23
décembre 2019, a déjà été reporté à plusieurs reprises.

Les
législatives en Guinée associent deux modes de scrutin. Vingt-neuf
partis vont concourir pour remporter 76 des 114 sièges de l’Assemblée
nationale mis en jeu sur des listes nationales, qui seront répartis à la
proportionnelle. Les sièges restants seront désignés lors de scrutins
majoritaires à un tour dans les 38 circonscriptions du pays (33 en
province et cinq à Conakry). Quatorze partis ont inscrit des candidats
pour ce scrutin majoritaire, selon la CENI.

Un coup monté d’Alpha Condé, selon l’opposition

Nous
sommes déterminés à organiser les législatives à la date prévue du 16
février 2020, puisque nous sommes techniquement et matériellement prêts
“, a affirmé son président M. Kébé. Ces élections visent à renouveler l’Assemblée nationale, dominée par le RPG.

Aux yeux de l’opposition, il s’agit purement et simplement d’une manœuvre du président Condé pour renforcer son pouvoir, alors qu’il a l’intention de faire adopter, par référendum, une modification de la Constitution lui permettant de briguer un troisième mandat en octobre 2020. Après des années de dictature dans ce petit pays de 13 millions d’habitants d’Afrique de l’Ouest, pauvre malgré d’importantes ressources minières, Alpha Condé a été le premier président démocratiquement élu en 2010. Mais, à l’instar de nombre de ses homologues d’Afrique ou d’ailleurs dans le monde, il semble aujourd’hui plus attaché au pouvoir qu’à sa remise en jeu, l’un des principes mêmes de la démocratie.


Cet article est republié à partir de francetvinfo.fr. Lire l’original ici