Dissolution du FNDC: un coup dur est porté à la démocratie et aux droits de la personne


Human Rights Watch


(Nairobi) – Le 8 août 2022, la Guinée a dissous le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une importante coalition d’organisations de la société civile et de partis d’opposition guinéens, pour des motifs politiques, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

La décision du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a sérieusement remis en cause le retour du pays à un véritable processus démocratique. La coalition n’a pas été en mesure de contester efficacement la décision, qui reposait sur des allégations vagues et générales, devant un organe judiciaire indépendant ayant le pouvoir d’annuler l’arrêté. .

« Le gouvernement de transition guinéen contrôle déjà étroitement l’espace politique », a constaté Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Cette mesure visant le FNDC ne fera qu’affaiblir davantage la démocratie en décourageant toute opposition significative. »

L’arrêté  accuse la coalition d’organiser des manifestations publiques armées, de recourir à la violence, d’inciter à la haine et de se comporter comme des « milices privées ». Cette décision est intervenue quelques heures après que la coalition a annoncé de nouvelles manifestations à travers la Guinée et à l’étranger pour réclamer un dialogue crédible entre les autorités militaires de transition et les partis d’opposition et la société civile.

Le 5 septembre 2021, des officiers militaires du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) autoproclamé ont renversé le gouvernement d’Alpha Condé. En mai, le colonel Mamady Doumbouya, qui dirige depuis septembre 2021 la junte militaire, s’est engagé à transférer le pouvoir aux civils dans un délai de trois ans. Mais des acteurs nationaux, dont la coalition du FNDC, et des organismes régionaux – en particulier la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – ont rejeté ce délai, jugé trop long.

La coalition a été fondée en avril 2019 pour protester contre le projet de révision constitutionnelle de Condé et sa volonté de briguer un troisième mandat. Elle s’est heurtée à des tentatives d’intimidation et d’abus de la part des gouvernements de Condé et de Doumbouya. Les 30 et 31 juillet, les forces de sécurité ont arrêté trois éminents dirigeants de la coalition à Conakry, la capitale de la Guinée, et les ont accusés de manifestations illégales, de destructions de biens publics et privés, et de coups et blessures. En mai, la junte militaire a interdit toute manifestation publique pouvant être considérée comme une menace à l’ordre public, s’attirant les critiques du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

La décision du gouvernement de dissoudre la coalition du FNDC viole la liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique et de participation démocratique, a souligné Human Rights Watch. Ces droits sont garantis par le droit international des droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Guinée a ratifié en 1978, et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Dans une déclaration en date du 10 août, la coalition a indiqué que la décision du gouvernement était « illégale, sans fondement et arbitraire », appelant à des manifestations à travers tout le pays le 14 août.

Alseny Sall, un éminent militant des droits humains à Conakry, a déclaré à Human Rights Watch : « Il s’agit d’un grand pas en arrière dans les efforts de la Guinée pour rétablir un régime démocratique après la prise de pouvoir par les militaires et d’une autre façon de museler la dissidence. »

Les autorités militaires guinéennes devraient immédiatement revenir sur leur décision et permettre au processus d’élections libres et équitables de se poursuivre dans le plein respect des droits et libertés fondamentaux, a recommandé Human Rights Watch. Les partenaires internationaux de la Guinée devraient dénoncer ce revers et appeler à un retour au pluralisme politique et à un régime démocratique.

« Cette attaque contre tout opposant au régime militaire n’est pas de bon augure pour la transition et les prochaines élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Le gouvernement guinéen devrait annuler la dissolution du FNDC et mettre fin à l’ingérence dans les partis d’opposition et la société civile. »





En deux mois, quatre prisonniers politiques morts en détention en Guinée [Human Rights Watch]


Politique


Depuis novembre 2020, quatre partisans présumés de l’opposition politique sont décédés après avoir été emprisonnés

Quatre hommes détenus en tant que partisans présumés de l’opposition politique en Guinée sont décédés entre novembre 2020 et janvier 2021, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les quatre hommes faisaient partie des centaines de partisans ou sympathisants présumés de l’opposition arrêtés lors du référendum de mars 2020 et de l’élection présidentielle d’octobre 2020.

Les autorités guinéennes ont imputé ces décès à des maladies ou à des causes naturelles, mais des membres des familles des victimes, leurs avocats et des militants des droits humains ont déclaré que les quatre personnes étaient mortes à la suite de torture ou d’autres mauvais traitements, notamment de mauvaises conditions de détention et du manque d’accès à des soins médicaux adéquats pour de graves problèmes de santé. Le gouvernement guinéen devrait garantir une enquête approfondie, indépendante et transparente sur les circonstances de ces décès.

« Ces décès dans des circonstances suspectes soulèvent de graves préoccupations et devraient faire l’objet d’une enquête rapide et approfondie », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient établir la cause de ces décès, fournir tous les détails pertinents aux familles et poursuivre de manière appropriée tout individu responsable d’actes répréhensibles. »

Entre le 21 janvier et le 7 février 2021, Human Rights Watch s’est entretenu par téléphone avec neuf membres des familles des victimes, une voisine de l’une d’entre elles, quatre avocats et trois membres d’organisations guinéennes de défense des droits humains. L’organisation a également examiné six photographies révélant des lésions sur le corps de l’une des victimes. Human Rights Watch a écrit au ministre guinéen de la Justice, Mory Doumbouya, le 5 mars, pour partager ses conclusions et demander des informations relatives à des questions spécifiques, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication de ce communiqué.

Roger Bamba, âgé de 40 ans, membre du conseil des jeunes de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le principal parti d’opposition du pays, est décédé le 17 décembre. Le porte-parole du ministre de la Justice a déclaré que la cause de la mort était une cirrhose du foie, mais l’épouse de Bamba a accusé le gouvernement de « crime d’État », affirmant que Bamba n’avait pas reçu les soins médicaux adéquats après être tombé malade pendant sa détention.

Ibrahima Sow, âgé de 62 ans, est décédé un mois plus tôt, le 16 novembre. Les autorités guinéennes ont déclaré que sa mort était liée à un diabète, mais sa famille affirme qu’il est décédé des suites de sa torture en détention.

Le 5 décembre, Lamarana Diallo est décédé à l’âge de 22 ans au domicile de sa sœur, le jour de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Des membres de sa famille et un témoin ont assuré que les gardiens de prison avaient ramené Diallo chez lui dans un état de santé déplorable et qu’il était mort des suites de sa torture en détention, une accusation rejetée par le gouvernement.

Oury Barry, 21 ans, est décédé le 16 janvier. Sa famille et son avocat ont déclaré que sa mort était survenue dans sa cellule et qu’il n’avait pas reçu de soins médicaux appropriés pour les mauvais traitements et la maladie dont il avait souffert en détention, mais les autorités ont soutenu qu’il était mort à l’hôpital de « causes naturelles ».

Quatre proches de trois des victimes ont déclaré à Human Rights Watch avoir été menacés par les autorités pour leur dénonciation des abus que ces trois hommes auraient subis derrière les barreaux. « Depuis que nous avons dit aux médias que mon père avait été torturé en prison, les autorités et les forces de sécurité sont à nos trousses », a confié l’un des proches de Sow. « Des hommes en tenue civile sont venus dans notre quartier poser des questions sur moi et ma famille. Mon frère a quitté le pays de crainte d’être arrêté. J’ai reçu des appels anonymes me demandant de rencontrer un colonel concernant le cas de mon père. J’ai peur. »

Les quatre hommes se trouvaient tous en détention provisoire à la Maison centrale de Conakry, notoire pour ses mauvaises conditions d’incarcération et sa surpopulation : conçue pour 300 détenus, elle en accueille actuellement plus de 1 500.

« La surpopulation est un grave problème dans nos centres de détention », a déclaré à Human Rights Watch l’avocat guinéen des droits humains Thierno Souleymane Baldé. « Elle est causée, entre autres, par le recours généralisé à la détention provisoire. On estime que 60% des prisonniers en Guinée font l’objet d’une détention provisoire prolongée. »

La principale prison de Conakry regorge de centaines de membres de l’opposition et de sympathisants arrêtés par les forces de sécurité au moment de la tenue du référendum constitutionnel de mars 2020 et des élections présidentielles d’octobre 2020. « Les gens sont entassés dans des conditions inhumaines et la hausse du nombre de morts est une conséquence prévisible », a constaté un avocat guinéen des droits humains représentant plusieurs détenus politiques.

Selon les médias guinéens, le 7 février, Mamadou Aliou Diaby, un détenu sourd et muet de la Maison centrale de Conakry, avait été retrouvé pendu, un drap noué autour du coup, et le 31 janvier, le corps de la cheffe cuisinière de la Maison centrale de Conakry, Mamadou Hawa Baldé, a été retrouvé sans vie dans un débarras de la prison. Les autorités ont promis de procéder à son autopsie pour établir les circonstances de sa mort, mais toujours selon les médias, Baldé fut inhumée le 1er février sans que ce fût le cas. Les autorités n’ont pas fait de déclaration publique au sujet de la mort de Diaby.

Human Rights Watch documente depuis des années les mauvaises conditions de détention à travers toute la Guinée, ainsi que les arrestations arbitraires, détentions, poursuites judiciairesmeurtresdisparitions forcées, menaces, harcèlement et intimidation dont sont victimes opposants et critiques du gouvernement.

Le 19 janvier, l’ambassade des États-Unis en Guinée s’est dite préoccupée par « les retards pris par les garanties de procédure régulière et le ciblage de l’opposition politique par le gouvernement », déclarant que la mort en détention de membres de l’opposition « remettait en question l’attachement de la Guinée à l’état de droit ». Le 21 janvier, l’Union européenne a exhorté les autorités à ouvrir des enquêtes sur la mort d’opposants politiques en détention et à rendre justice. Cet appel a été réitéré le 27 janvier par le ministre français des Affaires étrangères, qui a demandé aux autorités guinéennes de « faire la lumière » sur les décès survenus en détention, agitant la menace de « mesures » à l’encontre de Conakry.

Le 8 février, des membres de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH) se sont vus refuser l’accès à la Maison centrale de Conakry. « Les autorités pénitentiaires ont dit qu’une autorisation était nécessaire, mais les détenus ont le droit de recevoir des visites », a rappelé un représentant de l’OGDH à Human Rights Watch.

En vertu du droit national et international, notamment les Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique de 2014 (« Lignes directrices Luanda »), adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, les autorités guinéennes sont tenues de fournir aux détenus les mêmes soins de santé qu’aux personnes en liberté et, selon les normes internationales, la détention provisoire ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. En vertu du droit international des droits humains, les autorités guinéennes ont l’obligation de mener une enquête crédible, approfondie et indépendante et de rendre compte de tout décès survenu en détention. Elle devrait identifier toute personne responsable si le décès était dû à une négligence ou à une action illégale et devrait conduire à des poursuites. L’absence d’enquêtes et de poursuites contre les responsables constituerait une violation des obligations de la Guinée de protéger les personnes contre la privation arbitraire de la vie et de fournir un recours utile.

Human Rights Watch a appelé l’ONU et l’Union africaine, y compris le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial de l’UA sur les prisons et les conditions de détention, à fournir une assistance technique et autre dans le cadre de l’enquête guinéenne, ou de mener leurs propres enquêtes si les autorités guinéennes n’agissent pas.

« La mort en détention de quatre prisonniers politiques en seulement deux mois montre que la santé et la sécurité des prisonniers sont gravement menacées en Guinée », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les autorités guinéennes, avec le soutien de partenaires internationaux, devraient enquêter de toute urgence sur les décès récents de prisonniers et remettre en liberté tous ceux qui sont détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits garantis par la Constitution à manifestement pacifiquement et à s’exprimer politiquement. »

Pour lire des informations plus approfondies et des témoignages, veuillez consulter la section ci-dessous.

Ibrahima Sow

Ibrahima Sow, un commerçant âgé de 62 ans, est décédé le 16 novembre à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, à la suite de son transfert depuis la Maison centrale de Conakry. Selon sa famille, il avait été arrêté le 24 octobre à son domicile du quartier Haifa Minière par des gendarmes qui l’accusaient d’appartenir à l’opposition politique.

L’arrestation a eu lieu le jour même où le président sortant Alpha Condé a été confirmé par la commission électorale guinéenne comme étant le vainqueur de l’élection présidentielle, sur fond de troubles publics dans plusieurs quartiers de Conakry, dont celui de Haifa Minière, où les partisans de l’opposition se sont livrés à des affrontements avec ceux du parti au pouvoir et les forces de sécurité.

Accusé de « rassemblement violent et illégal », Sow a été transféré le 25 octobre d’un poste de gendarmerie à la Maison centrale de Conakry, selon les membres de sa famille.

Après sa mort, le porte-parole du ministre guinéen de la Justice a déclaré dans un communiqué que Sow avait été testé positif au Covid-19 à son arrivée à la Maison centrale de Conakry. Le porte-parole a ajouté que Sow y avait été soigné au centre de santé pour les malades du coronavirus jusqu’à son rétablissement le 13 novembre, lorsqu’il a été ramené dans sa cellule. Selon le porte-parole, l’état de santé de Sow était surveillé par les médecins de la prison qui ont décidé de le transférer le 14 novembre à l’Hôpital Ignace Deen, où il a succombé à un diabète deux jours plus tard.

Cependant, quatre membres de la famille de Sow, ainsi que des organisations guinéennes de défense des droits humains et Amnesty International, affirment que la mort de Sow a été causée par des actes de torture ou des mauvais traitements subis en détention.

La fille de Sow, âgée de 32 ans, a confirmé que son père était atteint du Covid-19, pour lequel il avait été soigné au centre de santé de la prison. Mais selon elle également, celui-ci présentait de graves lésions indiquant des maltraitances et des actes de torture infligés la veille de sa mort :

Je suis allée à la Maison centrale pour rendre visite à mon père et lui apporter de la nourriture. Il était en bonne santé. La veille de sa mort, j’y suis retournée et j’ai été choquée de le trouver dans un état catastrophique. Il ne pouvait pas parler ; il ne pouvait ni bouger ni se lever. Ses bras étaient couverts de lésions, comme des brûlures. J’ai immédiatement appelé le médecin de la prison et lui ai demandé de faire quelque chose. Il a décidé de le transférer à l’Hôpital Ignace Deen. Je suis restée avec mon père jusqu’à son décès le lendemain vers 23 heures, à l’hôpital. Mon père n’a jamais souffert de diabète. Je ne sais pas pourquoi le médecin et les autorités ont dit qu’il était mort du diabète. Je pense que mon père a été torturé en détention.

Un médecin légiste qui a analysé six photographies des blessures sur les bras de Sow a déclaré qu’il avait observé « un ensemble de lésions qui semblent linéaires, parallèles les unes aux autres, et avec des cloques », suggérant selon lui des brûlures.

Lamarana Diallo

Lamarana Diallo, un chauffeur âgé de 22 ans, est décédé le 4 décembre, le jour même de sa remise en liberté de la Maison centrale de Conakry. Il avait été arrêté le 2 avril dans le quartier de Wanindara, à Conakry, lors des troubles ayant suivi le référendum controversé du 22 mars, mais était  disparu  depuis, selon des membres de sa famille qui se sont entretenus avec les médias et Amnesty International.

Les membres de la famille de Diallo ont déclaré aux médias que des gardiens de prison l’avaient ramené au domicile de sa sœur dans le quartier de Wanindara, à Conakry, le 4 décembre, expliquant qu’il venait juste d’être libéré de la Maison centrale. Des proches ont déclaré que Diallo était en très mauvaise santé, qu’il présentait des lésions sur tout le corps et que manquaient certaines de ses dents de devant. Une information confirmée à Human Rights Watch par une femme de 29 ans qui a aidé Diallo à son arrivée au domicile de sa sœur :

J’étais dans la rue quand j’ai vu deux gardiens de prison avec Diallo. L’un d’entre eux posait des questions sur la sœur de Diallo. J’ai proposé mon aide parce que je connais la sœur de Diallo. C’est une commerçante, comme moi. Nous vendons tous les deux nos produits sur le même marché. La sœur me disait que son frère, que j’avais vu une fois, avait disparu depuis son arrestation. […] J’ai dit aux gardiens où était la sœur. Quand j’ai regardé Diallo, j’ai été surpris de voir qu’il pouvait à peine marcher et parler. Il avait l’air extrêmement fatigué et ses dents de devant avaient disparu. Les gardiens ont escorté Diallo chez sa sœur qui l’a ramené à la maison. J’y suis allée pour aider, parce que Diallo avait l’air vraiment malade. Sa sœur et moi l’avons lavé et essayé de l’aider, tandis que le frère de Diallo appelait un médecin. Son corps était couvert de blessures ; sa main gauche paralysée. Il avait besoin d’aide pour se lever. Il nous a dit que les gardiens de prison l’avaient passé à tabac. « Ils m’ont frappé, mais je n’ai rien fait », a-t-il dit. La sœur de Diallo pleurait. Lorsque le médecin est arrivé vers 21 heures, je suis rentré chez moi. La sœur de Diallo m’a appelé après minuit pour m’informer que Diallo était décédé.

Selon les médias locaux, le corps de Diallo a été inhumé le 5 décembre au cimetière de Wanindara.

Roger Bamba

Membre éminent de l’UFDG, le principal parti d’opposition guinéen, et assistant parlementaire, Roger Bamba est décédé à l’Hôpital Ignace Deen de Conakry, où il avait été transféré de la Maison centrale de Conakry aux premières heures du 17 décembre.

Selon le porte-parole du ministre guinéen de la Justice, Bamba aurait succombé à « une cirrhose du foie ». Mais des membres de sa famille, des amis proches, des avocats et des membres de l’UFDG ont déclaré à Human Rights Watch que Bamba ne souffrait pas de cirrhose préalablement à son arrestation, estimant qu’il s’était vu refuser des soins de santé indispensables en détention. Le président de l’UFDG, Cellou Diallo, a également corroboré cette absence de soins.

L’épouse de Bamba a déclaré à Human Rights Watch :

Mon mari était en bonne santé avant son arrestation. Je lui ai rendu visite en prison et il était en bonne santé. Il m’a appelé de là vers 20 heures, en disant : « Je suis malade. » Je suis allé à l’hôpital et pouvais à peine le reconnaître. Il avait changé, son visage et son corps avaient changé. Son ventre était enflé. J’étais sous le choc. Le médecin a dit qu’il avait besoin d’une transfusion sanguine. Je suis allé chercher le sang et suis rentrée à l’hôpital vers 22 heures avec [le sang]. Le médecin a dit qu’il devait attendre avant de procéder à la transfusion. Roger souffrait vraiment. J’étais à côté de lui. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas respirer. Il est mort après minuit.

Selon deux membres de l’UFDG et deux de ses proches, Bamba avait été arrêté en septembre par des policiers au bureau du Secrétaire général de l’Assemblée nationale guinéenne, à la suite d’un échange de messages avec un membre du parti au pouvoir. Accusé de « produire, diffuser et rendre disponibles des déclarations susceptibles de causer des troubles à l’ordre public et à la sécurité », il avait été détenu au commissariat de police judiciaire de Conakry pendant une journée avant d’être transféré à la Maison centrale.

Le 22 décembre, sa famille et ses avocats ont écrit au président du Tribunal de première instance de Dixinn pour demander qu’une autopsie soit pratiquée afin d’établir les circonstances du décès de Bamba. Le 28 décembre, cependant, la famille et les avocats ont retiré cette demande.

« Lorsqu’un représentant du ministre de la Justice déclare publiquement et dit aux médias que Bamba est mort d’une cirrhose, quel intérêt à pratiquer une autopsie ? », a déclaré à Human Rights Watch un ami proche et collègue de Bamba. « [Les autorités] semblaient déjà connaître les causes du décès avant qu’un médecin légiste ne puisse les établir. Cela a découragé la famille, la poussant à renoncer à l’autopsie. »

Le corps de Bamba a été inhumé le 10 janvier dans son village natal de Lola, en Guinée forestière.

Mamadou Oury Barry

Le 5 août, dans le quartier de Coza de Conakry, des gendarmes ont arrêté Mamadou Oury Barry, un chauffeur âgé de 21 ans, soupçonné d’avoir participé à des manifestations violentes antigouvernementales dirigées par l’opposition. Il a été placé en détention dans une brigade de gendarmerie à Conakry jusqu’au 7 août, date à laquelle il a été transféré à la Maison centrale. Selon son avocat, Barry a été accusé « d’agression volontaire et de coups et blessures ».

Trois membres de la famille de Barry ont déclaré à Human Rights Watch que Barry n’avait pas reçu de soins médicaux suffisants en détention, et était décédé dans sa cellule le 16 janvier. La mère de Barry a fait le récit suivant :

Le 14 janvier, mon fils m’a appelé et m’a dit qu’il avait mal au ventre. Je suis allée à la prison et j’ai demandé aux gardiens de l’emmener à l’hôpital. Ils ont répondu qu’ils le conduiraient au centre de santé de la prison. Mais je savais que le centre de santé n’était pas optimal et qu’il n’y avait pas de médicaments disponibles. Alors, j’ai acheté des médicaments avec l’intention de les ramener à la prison pour mon fils le lendemain. Mais quand j’ai apporté le médicament, le 15 janvier, j’ai été refoulée. Les gardiens de prison ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas les accepter en l’absence d’ordonnance. Le 16 janvier, vers 14 heures, un détenu qui partageait la cellule avec mon fils m’a appelée pour me dire que mon fils était mort. Alors, j’ai appelé un gardien de prison qui a confirmé l’information et m’a dit que le corps avait été transporté à la morgue de l’Hôpital Ignace Deen.

D’après un membre de la famille qui a identifié le corps à la morgue de l’hôpital le 16 janvier, les employés lui ont dit que le corps de Barry y avait été déposé depuis la Maison centrale de Conakry. Mais les autorités ont déclaré qu’il était décédé à l’hôpital de « causes naturelles ».

Après la mort de Barry, les membres de sa famille se sont adressés aux médias locaux pour dénoncer sa mort en détention et le manque de soins médicaux adéquats. L’oncle de Barry a déclaré à Human Rights Watch avoir rencontré, le 18 janvier, le directeur de la Maison centrale de Conakry dans son bureau pour discuter de la manière de récupérer le corps de Barry à la morgue. L’oncle a poursuivi : « Il m’a dit que, compte tenu des déclarations publiques de la famille, il serait compliqué de récupérer le corps. Il a suggéré que la famille publie une rétractation publique ou amende ses déclarations initiales disant que Barry n’était pas mort à l’hôpital, mais en prison. »

Le 19 janvier, la famille de Barry a déposé une demande officielle auprès du procureur du Tribunal de première instance de Dixinn pour récupérer le corps de Barry à la morgue. La famille a finalement pu l’inhumer le 2 février.

Human Rights Watch 17 mars 2021





Guinée: la chasse aux opposants et aux activistes des droits humains doit cesser [FIDH]


Nos organisations appellent à l’arrêt des violences policières ayant entraîné des pertes en vie humaines, des atteintes à l’intégrité physique et des dégâts matériels. Nous condamnons les violences enregistrées le 12 mai 2020 à Coyah, Dubréka et Kamsar, et nous exigeons l’ouverture immédiate d’une information judiciaire qui permettra de faire la lumière sur les violences commises dans ces localités. Enfin, nous appelons les autorités à mettre fin aux arrestations arbitraires et à la libération sans condition de toutes les personnes arbitrairement détenus pour avoir exprimer leurs opinions.

Au moment où l’Humanité est préoccupée par la pandémie du coronavirus qui a fait près de 300 000 morts à travers le monde, les autorités guinéennes mettent à profit cette crise sanitaire pour engager une chasse contre les opposants à la nouvelle Constitution, qui permet désormais au Président Alpha CONDE de briguer deux mandats de plus. Cette chasse se traduit par des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements, du harcèlement judiciaire et des actes d’intimidation contre les défenseur.es des droits humains.

Après Fassou GOUMOU, Bella BAH, Ibrahima DIALLO, Sékou KOUNDOUNO et Oumar SYLLA, alias foniké Mangué, tous membres du Front National pour la défense de la Constitution (FNDC), c’est au tour de Saikou Yaya DIALLO, Directeur Exécutif de l’ONG, le Centre de promotion et de protection des droits humains ( CPDH) d’avoir des ennuis avec la Justice.

Arrêté le jeudi 07 mai 2020 vers 11 h à Hamdallaye Concasseur, dans la Commune de Ratoma par des civils cagoulés à bord d’une voiture blanche de marque DUSTER, Saïkou Yaya a été conduit à la DCPJ dans un premier temps avant d’être conduit vers une destination inconnue le vendredi puis ramené à la DCPJ le surlendemain, samedi. Le mardi 12 mai 2020, il a été inculpé, par le tribunal de première instance de Dixinn, pour violences, menaces, voies de faits et injures publiques et placé sous mandat de dépôt à la Maison Centrale de Conakry. Souffrant de diabète, il n’a pas eu accès à ses médicaments durant toute la période de sa détention à la DCPJ. Une situation qui inquiète ses proches.

Ce nouveau mode opératoire des forces de sécurité viole les règles de procédure pénale et vise à museler les défenseur.es des droits humains. Il révèle la volonté manifeste des autorités guinéennes de restreindre l’espace des libertés fondamentales et de violer les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux auxquels la république de Guinée a souscrit librement.

Nos organisations et associations réclament la libération immédiate et sans condition de Saikou Yaya DIALLO ainsi que tous les défenseur.es des droits humains, notamment Oumar Sylla, alias foniké Mangué et Fassou Goumou et autres, détenus pour avoir exercé leur droit à la libre opinion et à la défense des principes démocratiques.


fidh





Guinée: HRW rappelle que les restrictions pour raisons de santé publique ne doivent être ni arbitraires ni discriminatoires


En Guinée, les autorités ont harcelé, intimidé et procédé à l’arrestation arbitraire de membres et partisans de l’opposition au cours des dernières semaines, dans une atmosphère d’insécurité liée aux restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Le 27 mars 2020, le président guinéen Alpha Condé a décrété l’état d’urgence dans le pays et annoncé une série de mesures pour freiner la propagation de Covid-19, notamment la fermeture des frontières, l’interdiction des grands rassemblements, la fermeture des établissements scolaires et la restriction des déplacements à l’extérieur de Conakry, la capitale. Trois jours plus tard, un couvre-feu a été imposé de 21 heures à 5 heures et, le 13 avril, le port des masques de protection a été rendu obligatoire et l’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 15 mai.

« Face au coronavirus, la confiance des Guinéens dans leur gouvernement doit être renforcée pour que soit respectée la distanciation sociale et d’autres comportements-barrières », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Dans un pays doté d’un faible système de santé, des leçons devraient être tirées de l’expérience d’Ebola, en impliquant et en gagnant la confiance des communautés locales. »

Au 29 avril, 1 240 cas de Covid-19 et sept décès avaient été confirmés par les autorités sanitaires, la majorité à Conakry. Le nombre d’infections est en hausse constante depuis que le premier cas a été recensé le 13 mars, mais compte tenu des capacités limitées de dépistage, il est probablement plus élevé. La Guinée ne dispose que de quatre laboratoires d’analyse compétents pour dépister le coronavirus, dont trois à sont situés à Conakry.

Entre le 26 mars et le 26 avril, Human Rights Watch s’est entretenu avec 15 victimes, membres des familles des victimes et témoins, ainsi qu’avec 15 agents de santé, journalistes, avocats, membres de l’opposition politique et activistes. Nos conclusions ont été transmises par e-mail le 23 avril à Albert Damatang Camara, ministre de la sécurité et de la protection civile, qui n’a pas répondu aux questions spécifiques qui lui ont été adressées.

La Guinée ne s’est remise que récemment de l’épidémie d’Ebola, qui a touché plus de 3 800 personnes et fait plus de 2 500 morts avant que l’éradication de ce virus ne soit annoncée en juin 2016. Le système de santé guinéen n’est pas en mesure de faire face à un déluge de cas de Covid-19, une situation qui rend le suivi des directives de distanciation sociale d’autant plus importantes, a observé Human Rights Watch. Cependant, les forces de sécurité, qui se livrent à des abus sur la population civile, appliquent les mesures d’urgence en vigueur d’une manière qui fragilise la confiance de l’opinion publique dans les autorités.

Des membres de l’opposition et des représentants d’organisations non gouvernementales ont exprimé leurs craintes que le gouvernement instrumentalise la crise comme excuse pour réprimer la dissidence et bafouer les droits humains. Un leader du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), une coalition d’ONG et de partis d’opposition, a déclaré : « Nous avons fait des manifestations publiques le principal moyen d’exprimer nos frustrations. Les mesures d’urgence entravent notre liberté de réunion. Nous les acceptons à cause du Covid-19. Mais nous n’allons pas les accepter éternellement. »

Le droit international relatif aux droits humains exige que de telles restrictions pour raisons de santé publique ou d’urgence nationale ne soient ni arbitraires ni discriminatoires dans leur application, d’une durée limitée, respectueuses de la dignité humaine et soumises à réévaluation.

Le 18 avril, le FNDC a appelé à la tenue d’une « journée ville morte » le 21 avril à Conakry, afin de protester contre la décision du président Condé d’organiser une session en vue de nommer le président de l’Assemblée nationale et installer les 114 députés nouvellement élus, une décision qui contraindrait ces derniers à se réunir. La décision, a noté le FNDC, contrevient à l’interdiction par le gouvernement de vastes rassemblements pour freiner la propagation du coronavirus.

Au cours des derniers mois, avant et pendant le référendum constitutionnel et les élections législatives controversés du 22 mars, les forces de sécurité ont violemment réprimé les membres et partisans de l’opposition. Les partis d’opposition ont boycotté le vote, accusant le président Condé d’avoir l’intention d’instrumentaliser la révision constitutionnelle pour prolonger son mandat.

Le 14 avril, des gendarmes ont passé à tabac et arrêté, à son domicile de Tougue, en Guinée centrale, un membre du FNDC âgé de 38 ans qui était suspecté d’avoir incendié le poste de gendarmerie local le 28 février. « Il avait le paludisme et était sous perfusion au moment de son arrestation », a déclaré un membre de la famille. « Six gendarmes ont fait irruption chez lui, l’ont roué de coups de pied et giflé à plusieurs reprises. Lorsque je lui ai rendu visite le lendemain au poste de Labe, dans la région du Fouta-Djalon, j’ai demandé aux gendarmes de le faire hospitaliser. Ils ont refusé, préférant envoyer un médecin dans sa cellule. »

Le 16 avril, un policier est entré par effraction dans la maison d’une infirmière, dans le quartier Hamdallaye de Conakry et l’a passée à tabac, l’accusant de soutenir l’opposition. « Le policier qui l’a battue lui a dit : ‘‘Vous dérangez trop’’- parce qu’elle vit dans un bastion de l’opposition », a confié un témoin. « Ensuite, il l’a encore frappée à l’aide d’une matraque, sur tout le corps, y compris au visage. Son nez était enflé. Elle était souffrante pendant plusieurs jours ».

Le 17 avril, la police a procédé à l’arrestation arbitraire d’Oumar Sylla, un membre du FNDC, à son domicile de Conakry. Il a été détenu au siège du renseignement général et à la direction de la police judiciaire de Conakry jusqu’au 24 avril, date à laquelle il a été présenté au tribunal de première instance de la capitale, accusé de disséminer de fausses informations, avant d’être incarcéré à la prison centrale de Conakry. Les avocats de Sylla avaient refusé d’assister leur client jusqu’à ce que son casait été présenté au procureur pour protester contre ce qu’ils avaient qualifié de « procédures illégales » de la police.

Les habitants de Conakry ont fait état d’une atmosphère d’insécurité dans le cadre du couvre-feu.

Le 8 avril, une femme âgée de 30 ans a déclaré qu’un homme en uniforme qui l’accusait d’avoir enfreint le couvre-feu l’avait cambriolée et rouée de coups. « Vers 22 heures, j’étais couchée », a-t-elle expliqué. « Il n’y avait pas de lumière dans le quartier. J’ai entendu du bruit et j’ai ouvert ma porte. Je me suis trouvée devant un homme en uniforme avec une arme à feu. Il faisait trop sombre pour savoir s’il s’agissait d’un policier ou d’un gendarme. Il m’a dit que j’enfreignais le couvre-feu. J’ai répondu que non, car j’étais dans ma propre maison. Il a menacé de m’arrêter, puis m’a giflée et frappée à coups de poing. Il a volé mon téléphone et mon ordinateur portable avant de partir. Je n’ai pas réagi parce que j’avais peur qu’il me viole. »

Six personnes ont déclaré que leurs magasins du marché de Kagbélen, à Conakry, avaient été pillés les 1er et 2 avril, pendant le couvre-feu. L’un des propriétaires a déclaré : « Je suis arrivé dans mon magasin de vêtements le matin du 3 avril et j’ai découvert qu’il avait été cambriolé. La porte avait été détruite et tous mes biens, d’une valeur d’environ 60 millions de francs, [l’équivalent de 624 dollars], avaient été volés. »

Le 3 avril, les victimes et d’autres commerçants ont organisé une manifestation et érigé des barricades sur le marché de Kagbélen, accusant les forces de sécurité de piller leurs magasins. Selon un représentant syndical, les pillages ont cessé après qu’il a signalé les cambriolages au maire du canton de Dubreka, qui a compétence sur le marché de Kagbélen.

« Les abus perpétrés par les forces de sécurité exacerbent une méfiance déjà profonde envers les autorités, créant un obstacle supplémentaire à la lutte contre le Covid-19 », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Le gouvernement devrait maîtriser ses forces de sécurité et veiller à ce qu’elles respectent les droits humains dans le cadre de la mise en œuvre des restrictions. »


HRW





« Nous devons tout abandonner » Impact du barrage de Souapiti sur les communautés déplacées en Guinée [HRW]


Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.


RÉSUMÉ

Le barrage de Souapiti, qui devrait à terme fournir 450 mégawatts après sa mise en service en septembre 2020, est le projet d’énergie hydraulique le plus avancé parmi plusieurs nouveaux projets planifiés par le gouvernement du président guinéen Alpha Condé. Le gouvernement guinéen estime que l’énergie hydraulique peut accroître considérablement l’accès à l’électricité, dans ce pays où seule une fraction de la population peut y accéder de façon fiable.

La production par le barrage de Souapiti, néanmoins, a un coût humain. Le réservoir du barrage va entraîner le déplacement d’environ 16 000 habitants de 101 villages et hameaux. Fin 2019, le gouvernement guinéen avait déplacé 51 villages et, selon ses déclarations, il prévoyait de réaliser les réinstallations restantes en un an. Forcées à quitter les habitations et les terres de culture de leurs ancêtres, dont une grande partie est déjà inondée ou en passe de l’être, les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.

Le projet de Souapiti met en lumière le soutien de la Chine à l’énergie hydraulique dans le monde ainsi que le rôle des investissements chinois dans des projets d’infrastructure de grande échelle en Afrique. La China International Water and Electric Corporation (CWE) — filiale en propriété exclusive de l’entreprise publique chinoise Three Gorges Corporation, deuxième constructeur de barrage au monde — construit le barrage et elle en sera la détentrice et l’opératrice conjointement avec le gouvernement guinéen.

Le barrage de Souapiti fait aussi partie du projet « Initiative Ceinture et route » (Belt and Road Initiative, BRI) de la Chine, qui consiste à investir plus d’un trillion de dollars US dans des infrastructures situées dans quelque 70 pays et qui a soutenu d’importants projets hydroélectriques en Afrique, en Asie et en Amérique latine. La banque publique chinoise d’export-import (China Eximbank) a prêté plus de 150 milliards de dollars US (plus d’un trillion de yuans) pour soutenir les projets BRI et finance le barrage de Souapiti par le biais d’un prêt de 1,175 milliard de dollars US. En réponse aux critiques que soulève l’impact environnemental et social des projets BRI, le président chinois Xi Jinping a promis en avril 2019 que les projets BRI soutiendrait « un développement ouvert, propre et écologique ». 

Ce rapport décrit les impacts du barrage de Souapiti sur l’accès des populations déplacées aux terres, à l’alimentation et aux moyens de subsistance. Il se fonde sur plus de 90 entretiens avec des personnes déjà déplacées, des communautés qui doivent l’être et des villages sur les terres desquelles ces personnes sont réinstallées, ainsi qu’avec des chefs d’entreprise et des responsables gouvernementaux engagés dans le processus de réinstallation. Il formule des recommandations quant à la façon d’améliorer les réinstallations à l’avenir, et décrit les voies de recours dont les communautés déjà déplacées ont besoin.

Le processus de réinstallation de Souapiti est le plus important que connaisse la Guinée depuis son indépendance. Les personnes déplacées sont déjà, pour la plupart, extrêmement pauvres : selon les estimations tirées d’une évaluation de 2017, le revenu quotidien moyen dans cette région est de 1,18 dollar US par personne. Le barrage, s’il avait été construit selon les plans initiaux, aurait causé le déplacement de 48 000 personnes, mais l’agence gouvernementale qui supervise les déplacements, dénommée « Projet d’aménagement hydroélectrique de Souapiti » (PAHS), a décidé de réduire sa hauteur et donc la taille de son réservoir afin de faire diminuer le nombre de personnes à réinstaller.

Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes. Les déplacements rompent des liens sociaux et culturels de longue date entre les familles vivant dans cette région. « Dans notre culture, les liens sociaux et familiaux sont essentiels », a expliqué un habitant déplacé. « Des familles élargies sont déchirées. À chaque fois que nous avons quelque chose à fêter ou que nous devons faire un deuil en famille, la distance se fait sentir. »


Les habitants déplacés à cause du barrage sont réinstallés dans des maisons en béton situées sur des terrains cédés par d’autres villages. À ce jour, ils n’ont pas obtenu les titres fonciers attachés à leurs nouvelles terres, ce qui engendre, pour l’avenir, un risque de conflit foncier entre les familles déplacées et les communautés hôtes.


Les moyens de subsistance des communautés sont en outre menacés par les inondations causées par le réservoir de Souapiti, qui touchent de vastes zones de terres agricoles. Le réservoir du barrage va en définitive inonder 253 kilomètres carrés de terres. Selon les estimations, cette surface inclut 42 kilomètres carrés de cultures et il y pousse plus de 550 000 arbres fruitiers. Un document de projet de 2017 avertissait sans ambages : « Les populations déplacées auront en général des terres moins favorables que celles qu’elles cultivent depuis plusieurs générations ».

Des dizaines d’habitants déplacés ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils éprouvaient déjà des difficultés à nourrir adéquatement leurs familles. « Les gens ont faim ; parfois, je ne mange pas pour pouvoir nourrir mes enfants », a confié une femme déplacée du village du district de Tahiré en 2019. Les habitants de plusieurs villages ont affirmé qu’avant leur déplacement, ils cultivaient leur propre nourriture, alors qu’à présent, ils devaient trouver assez d’argent pour l’acheter sur les marchés locaux. « Maintenant que nous n’avons plus nos champs, nous vendons peu à peu notre bétail afin de joindre les deux bouts », a livré un éleveur et agriculteur local. « Nous sommes fragiles comme des œufs à cause de la souffrance qui règne ici », a estimé un leader communautaire réinstallé en 2019. « Ce n’est que grâce à Dieu que nous survivons. »

Les représentants du PAHS ont reconnu que les déplacements constituaient une menace pour les moyens de subsistance des communautés. « Lorsque l’on déplace un village, on casse la chaine de vie qu’il faut tenter de rétablir », a expliqué le directeur environnement et développement durable du PAHS. Le PAHS a affirmé vouloir ramener les communautés vers un niveau de vie égal ou supérieur à celui dont elles bénéficiaient avant leur réinstallation. Bien qu’il n’offre pas de terrains agricoles de substitution aux populations déplacées, il a affirmé qu’il les aiderait à cultiver leurs terrains restants de façon plus intensive et à trouver de nouvelles sources de revenus comme la pêche ou l’élevage.

Les habitants déplacés, cependant, n’ont encore reçu aucune assistance de ce type. « Nous ne demandons rien d’extraordinaire. Préparer le terrain pour que nous puissions poursuivre nos activités, une zone de pâturage pour élever notre bétail. Tenir les promesses qui ont été faites », a affirmé le président du district de Tahiré, qui englobe plusieurs villages réinstallés en juin 2019.

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi. Les plans d’action préparés en 2015 et 2017 pour piloter la réinstallation recommandaient que le PAHS commence son travail sur les programmes de restauration des moyens de subsistance dès le début de la construction du barrage, en 2015. Cependant, fin 2019, le PAHS n’avait toujours pas commencé à mettre en œuvre les mesures de rétablissement de moyens de subsistance, et les populations déplacées ne recevaient aucune assistance pour les aider à restaurer leurs vies agricoles anciennes. Le PAHS a affirmé à Human Rights Watch qu’« [il] est en train de redoubler d’efforts pour investir sur la restauration des moyens de subsistance dans les prochains mois, et ce, pour les années à venir ».

Les normes internationales en matière de droits humains exigent que les populations réinstallées disposent d’un accès immédiat aux sources de subsistance, et que les sites de réinstallation prévoient un accès aux possibilités d’emploi.

Le PAHS a souligné qu’à court terme, le gouvernement a fourni une assistance alimentaire (deux livraisons de riz durant une période de six mois et des espèces pour couvrir les besoins essentiels de base) aux familles déplacées. « Cela aide les gens à se remettre sur pied », a ajouté un représentant du PAHS. Mais les habitants ont répliqué qu’étant donné le temps qu’il faudrait pour trouver de nouveaux moyens de subsistance, cela ne suffisait pas. « Nous avons consommé l’aide distribuée en un peu plus d’un mois à peine », a précisé le père d’une famille de cinq enfants qui a dû quitter Warakhanlandi pour être réinstallée en juin 2019. Les normes internationales recommandent que les communautés déplacées reçoivent une assistance jusqu’à ce qu’elles atteignent les niveaux de vie qui étaient les leurs avant leur réinstallation.

Le PAHS a également affirmé offrir aux habitants une indemnisation pour les arbres et les cultures qui poussaient sur les terrains inondés, mais il ne fournit aucun paiement compensant la valeur du terrain lui-même. Par conséquent, ni les terres en jachère des agriculteurs pratiquant la rotation des cultures ni les terrains de pâturage n’ont fait l’objet d’indemnisations.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité. D’autres ont affirmé avoir été indemnisés pour leurs cultures pérennes, telles que les arbres fruitiers, mais n’avoir rien reçu pour leurs cultures annuelles telles que le riz ou le manioc. « Le gouvernement nous a donné ce qu’il voulait. Nous avons accepté l’argent sans négocier parce que nous ne connaissions pas la valeur de nos ressources », a déploré un chef de village. Plusieurs femmes ont ajouté que la majorité des indemnisations a été payée aux pères de famille ou aux personnes endossant la fonction de leader communautaire, les femmes n’ayant donc qu’un rôle limité concernant l’utilisation de l’argent.

Le manque de transparence du processus d’indemnisation et le manque d’informations adéquates sur le mode de calcul des indemnités attisent également le mécontentement lié aux sommes versées. Certains habitants ont dit n’avoir encore reçu aucune indemnité.

Dans tous les villages visités par Human Rights Watch, les habitants ont raconté qu’ils s’étaient plaints auprès des représentants du PAHS ou de l’administration locale concernant le processus de réinstallation, mais qu’ils n’avaient reçu aucune réponse, ou que les réponses qui leur avaient été faites étaient sans rapport avec leurs préoccupations. « Quelqu’un vous dit de transmettre [votre réclamation] à un tel. Ils vous demandent d’attendre. Il y a son supérieur, aussi. À qui sommes-nous supposés nous adresser ? », s’est interrogé un leader communautaire du district de Konkouré. Le PAHS a confié à Human Rights Watch qu’il avait « pris du retard » dans la mise en place d’une politique officielle relative aux réclamations, et qu’il ne l’avait fait qu’en septembre 2019, alors que 50 villages avaient déjà été déplacés. Le PAHS n’a pas fourni d’explications concernant ce retard. En décembre 2019, 110 réclamations avaient déjà été soumises au nouveau mécanisme de plainte.

Le PAHS a précisé que pour les réinstallations à venir, des accords sont en cours de négociation avec les communautés, afin de stipuler les responsabilités du PAHS durant le processus. Cette démarche pourrait en principe aider à clarifier les droits des personnes déplacés, mais dans l’accord transmis par le PAHS à titre d’exemple, les obligations de ce dernier sont résumées en un seul paragraphe, et les questions clés telles que la pénurie de terres cultivables et l’appui à la restauration des moyens de subsistance ne sont pas abordées de façon détaillée. Le PAHS devrait aussi garantir qu’avant de signer les accords, les habitants auront pu consulter des conseillers juridiques indépendants, choisis par leurs soins.

Par ailleurs, pour résoudre les problèmes de fond que rencontrent les villages déjà réinstallés, le PAHS devrait négocier des accords avec les ménages déjà déplacés, décrivant comment le PAHS traitera les questions d’accès aux terres et aux moyens de subsistance, ainsi que toute autre question liée à la qualité des logements et des infrastructures sur les sites de réinstallation. Le PAHS devrait également examiner les indemnités versées jusque-là et expliquer clairement comment elles ont été calculées. Tout paiement insuffisant devrait être immédiatement complété.

Le processus de réinstallation défectueux lié à la construction du barrage de Souapiti prouve également la nécessité, pour les sociétés chinoises, les banques chinoises et leurs ministères tutelle, de garantir que les projets BRI et les autres investissements chinois à l’étranger respectent les droits humains. CWE, dans un message électronique adressé à Human Rights Watch, a affirmé que le processus de réinstallation est à la charge du gouvernement de la Guinée mais a ajouté qu’en tant qu’actionnaire dans le projet de Souapiti, la compagnie, « participe à la réinstallation et joue un rôle de superviseur. » CWE, ainsi que China Eximbank, devraient utiliser leur influence afin d’assurer que les représentants du PAHS apportent des réponses aux problèmes soulevés dans le présent rapport.

Enfin, d’autres projets hydrauliques se pointant à l’horizon, le processus de réinstallation lié au barrage de Souapiti devrait alerter le gouvernement guinéen sur la nécessité de se doter d’une réglementation et d’une procédure de supervision plus solides. Le gouvernement devrait, après consultation avec la société civile et les communautés impactées, rédiger et adopter des réglementations qui définissent clairement les droits de quiconque perd l’accès à son terrain ou est réinstallé en raison de projets de développement de grande ampleur.

« Nous quittons notre maison pour le développement de la Guinée », a résumé un leader communautaire du centre de Konkouré pour Human Rights Watch. « Nous voulons que le gouvernement nous aide, sinon, nous allons souffrir. »


L’intégralité du rapport


hrw.org





Guinée: Un référendum entaché de violences [HRW]

Les autorités devraient enquêter sur les abus et strictement contrôler les forces de sécurité.


En Guinée, les forces de sécurité ont réprimé dans la violence des partisans de l’opposition avant et pendant la tenue, le 22 mars 2020, du référendum constitutionnel et des élections législatives, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.                                                                                              

Les forces de sécurité ont tué au moins huit personnes, dont deux enfants, et blessé une vingtaine d’autres. Depuis la mi-février, les forces de sécurité ont également arrêté des dizaines de partisans présumés de l’opposition et fait disparaître de force au moins 40 autres. Selon des responsables gouvernementaux, neuf membres des forces de sécurité au moins ont été blessés par des manifestants, qui ont également vandalisé des bureaux de vote, brûlé du matériel électoral et menacé les électeurs le jour du scrutin. Le 22 mars, des soldats armés, des gendarmes et des policiers ont été déployés, dans des camionnettes et à pied, dans la capitale guinéenne, Conakry. Ils ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles sur des manifestants, faisant au moins six morts, dont une femme, et blessant au moins huit hommes.

« Les forces de sécurité guinéennes ont répondu aux manifestations massives par une violence brutale », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les manifestations se poursuivront vraisemblablement à l’approche des élections, et donc le gouvernement guinéen devrait immédiatement imposer un strict contrôle aux forces de sécurité nationales. Les dirigeants de l’opposition devraient aussi faire tout leur possible pour aider à mettre fin à la violence. »

L’intention prêtée au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat présidentiel lors des élections prévues pour la fin de l’année est à l’origine des manifestations. En décembre 2019, Condé, âgé de 81 ans, a rendu public le texte du nouveau projet de constitution qui, selon ses partisans et ses opposants, ouvrirait la voie à la mise en œuvre d’un troisième mandat. En conséquence, une coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques a appelé à des manifestations régulières depuis la mi-2019 et boycotté le référendum. Le 27 mars, la commission électorale guinéenne a annoncé que le nouveau projet de constitution avait été adopté avec plus de 90 % des voix.

Les conclusions de Human Rights Watch s’appuient sur des entretiens téléphoniques menés en mars et début avril avec 60 victimes, membres des familles des victimes et témoins de violations, ainsi qu’avec 15 personnels soignants, journalistes, avocats, membres des partis d’opposition et représentants de la société civile. Human Rights Watch a analysé des photographies et des séquences vidéo pour corroborer les récits des victimes et des témoins. Nous avons également contacté Albert Damatang Camara, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, par téléphone et WhatsApp, et partagé avec lui par e-mail nos conclusions le 23 mars, en lui posant des questions spécifiques, auxquelles Camara n’a pas répondu.

D’après plusieurs témoins, les forces de sécurité étaient parfois accompagnées de civils armés de couteaux et de machettes, qui s’en sont pris aux manifestants, tuant au moins un jeune homme, Diallo Nassouralaye. Certains partisans de l’opposition ont lancé des pierres et autres projectiles sur les forces de sécurité. Des violences ont également éclaté à l’extérieur de la capitale, notamment à Kindia, au nord-est de Conakry, à Kolaboui et Sangaredi, dans l’ouest du pays, et à Nzérékoré, dans le sud-est.

Un témoin a décrit les circonstances au cours desquelles un gendarme a tué à bout portant Issa Yero Diallo, une femme âgée de 28 ans résidant dans le quartier d’Ansoumanyah plateau, à Conakry : « Le gendarme a menacé cette femme avant de lui tirer dessus. Les gens qui se trouvaient là ont essayé de le dissuader, mais il lui a tiré une balle dans le cou. » Selon les habitants, la femme a été prise pour cible après avoir contribué à obtenir la remise en liberté d’un homme arrêté par les gendarmes plus tôt dans la journée. Le ministre Camara a déclaré aux médias le lendemain qu’un gendarme soupçonné du meurtre avait été arrêté.

Le 20 février et le 5 mars à Conakry, les forces de sécurité ont tué deux adolescents et, le 6 mars, arrêté deux membres en vue de l’opposition. Les 11 et 12 février, 40 hommes, dont au moins deux enfants et trois adultes atteint de déficience intellectuelle, ont fait l’objet d’arrestations arbitraires par des membres des forces de sécurité lors de raids menés à Conakry, avant d’être conduits dans une base militaire située à environ 700 kilomètres de Soronkoni, dans l’est de la Guinée. Ils y ont été détenus en l’absence de tout contact avec le monde extérieur, les autorités ayant refusé de reconnaître leur détention jusqu’au 28 mars, date à laquelle 36 d’entre eux ont été remis en liberté et quatre autres transférés à la prison centrale de Conakry où ils sont toujours en détention.

Dans un communiqué de presse en date du 22 mars, le ministre Camara soutient que le référendum « s’est déroulé dans des conditions pacifiques sur l’ensemble du territoire », mais que « certains militants ont tenté de semer la terreur » à Conakry et dans d’autres villes. Dans un entretien accordé aux médias le 31 mars, il a confirmé que six personnes avaient perdu la vie à Conakry le 22 mars, dont une personne ayant succombé à un accident vasculaire cérébral, précisant que les autorités avaient ouvert des enquêtes.

Alors que davantage de manifestations sont prévues dans la perspective des élections plus tard cette année, les autorités guinéennes devraient demander aux forces de sécurité nationales de faire preuve de retenue et de respecter les Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique, adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. En vertu de ces instruments, les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à l’usage de force que lorsque cela est strictement nécessaire et en vue d’atteindre un objectif légitime de maintien de l’ordre.

La CADHP, le Représentant spécial du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne, la France et les États-Unis ont tous condamné ou exprimé leur inquiétude devant les violences suscitées par le référendum. Le 4 mars, le Rapporteur spécial de la CADHP pour la Guinée a appelé le gouvernement à respecter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à garantir des élections libres, équitables et transparentes. Dans une résolution en date du 11 février, le Parlement européen s’est déclaré préoccupé de la montée des tensions politiques et des violences en Guinée.

Les partenaires internationaux de la Guinée et autres institutions, en particulier l’Union africaine, la CEDEAO, le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UE et les États-Unis devraient accroître la pression sur le président Condé et son gouvernement et exiger l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires crédibles pour les violations récentes, a préconisé Human Rights Watch.

En cas d’échec des autorités guinéennes à répondre à ces préoccupations relatives aux droits humains, les États-Unis devraient envisager des sanctions ciblées contre les hauts responsables gouvernementaux responsables de violations, notamment des interdictions de voyager et des gels d’avoirs.

L’UE et ses États membres devraient envisager d’élargir le régime de sanctions en vigueur à l’encontre de la Guinée et rappeler aux autorités du pays les conséquences d’un échec à prendre en compte de façon adéquate les préoccupations relatives aux droits humains.

« Des mesures vigoureuses sont nécessaires dès à présent avant que la situation ne se détériore davantage et qu’une force disproportionnée ne soit utilisée contre les manifestants à l’approche des élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Les partenaires de la Guinée devraient indiquer clairement que des conséquences seront tirées si des manifestants se font tirer dessus ou des partisans de l’opposition sont portés disparu. »

Contexte

Les débats sur la révision de la constitution guinéenne de 2010 ont commencé début 2019, le parti au pouvoir RPG-Arc-en-ciel ayant appelé en mai les citoyens à soutenir le projet de constitution. Bien que le texte présenté par Condé en décembre 2019 maintienne une limite de deux mandats présidentiels, ses partisans ont déclaré qu’il reprenait tout à zéro, ce qui lui permettrait donc de se présenter en 2020. Condé a déclaré le 10 février que, en cas d’adoption d’une nouvelle constitution, « [son] parti décidera » s’il sera candidat à sa propre succession.

Le 28 février, Condé a reporté le référendum constitutionnel et les élections législatives, initialement prévus le 1er mars, au 22. Les organisations internationales et régionales, dont l’UA, l’Organisation internationale de la Francophonie et la CEDEAO, ont refusé d’envoyer sur place des observateurs, affirmant que la liste électorale manquait de crédibilité.

Depuis octobre 2019, une coalition d’organisations non gouvernementales et de partis d’opposition, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), a organisé de nombreuses manifestations contre le référendum constitutionnel en Guinée.

Bien que le gouvernement ait dans certains cas autorisé la tenue de ces manifestations, la plupart du temps, les forces de sécurité les ont dispersées en arrêtant des participants ou en usant de gaz lacrymogènes et en leur tirant dessus à balles réelles. Human Rights Watch avait précédemment signalé qu’au moins 30 personnes avaient été tuées pendant les manifestations entre octobre 2019 et janvier 2020. Le FNDC estime que les forces de sécurité ont tué 44 personnes depuis octobre 2019. Les manifestants auraient également tué au moins un gendarme lors de manifestations en octobre, selon le gouvernement, bien que les manifestants affirment que celui-ci a été abattu par un autre gendarme.

Violence le jour du référendum à Conakry et dans d’autres villes

Le 22 mars, de violents affrontements ont éclaté à Conakry, notamment dans les quartiers de Wanindara, Hamdallaye, Coza, Sofonia, Ansoumania, Cimenterie et Simbaya, entre des dizaines de groupes favorables au référendum et d’autres qui lui étaient opposés, et entre opposants au référendum et forces de sécurité. Des manifestants ont brûlé des pneus, dressé des barricades dans les rues et lancé des projectiles sur les forces de sécurité qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles. Le ministre de la Sécurité a déclaré que des manifestants violents avaient saccagé des bureaux de vote, menacé des électeurs et brûlé du matériel électoral, une information confirmée par Human Rights Watch.

Deux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que des soldats, des gendarmes, des policiers et des civils armés de machettes avaient lancé des pierres sur une maison du quartier de « Petit Simbaya », où vivaient des partisans de l’opposition connus. Lorsque Diallo Nassouralaye, âgé de 19 ans, qui vivait à proximité, est sorti pour vérifier ce qui se passait, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur lui. « Il a été touché à l’abdomen », a précisé un témoin. « Je l’ai emmené dans un centre de soins tout proche, mais il est décédé sur place. » Le médecin qui s’est occupé de la victime a confirmé à Human Rights Watch que Nassouralaye est arrivé vers 13 heures et est décédé 10 minutes plus tard d’une blessure par balle à l’abdomen.

Selon deux témoins, des gendarmes ont abattu Thierno Oumar Diallo, un homme âgé de 25 ans, lors d’affrontements entre partisans du référendum et des opposants dans le quartier de Kakimbo vers 15 heures. Une source médicale a confirmé que l’homme était décédé des suites d’une blessure par balle au cou. L’un des témoins, frère de la victime, a déclaré :

Des gendarmes sont intervenus lors des affrontements et ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Des témoins m’ont dit qu’en plus de mon frère, ils avaient tué deux autres hommes et blessé quatre autres. Mon frère est mort instantanément ; d’une balle dans le cou. J’ai emmené son corps dans un centre de soins proche puis à la morgue, mais le personnel médical a refusé de le prendre en charge. J’ai donc ramené sa dépouille à la maison et nous l’avons enterré le lendemain.

Deux témoins ont expliqué que des gendarmes avaient tiré à balles réelles lors d’affrontements entre des partisans du référendum et des membres de l’opposition dans le quartier Hamdallaye de Conakry, tuant Hafiziou Diallo, un homme âgé de 28 ans. Un parent de la victime a été témoin du meurtre :

Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre le vote. Il y avait des partisans du référendum en tenue civile, armés de couteaux, et des gendarmes. Nous leur avons jeté des pierres et les choses ont dégénéré. Les gendarmes, une dizaine d’entre eux, ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles. Les gens se sont enfuis, mais mon oncle a été touché par une balle et s’est effondré devant moi. Il a été touché à la poitrine.

Human Rights Watch a examiné les photographies du corps et consulté des sources médicales qui ont corroboré ces témoignages.

Un policier a tué Thierno Hamidou Bah, âgé de 25 ans, lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier de Kinifi, selon deux témoins entendus par Human Rights Watch. L’un d’eux a déclaré :

Nous étions dans la rue pour dire non au référendum. Nous étions là pour exprimer notre colère. Nous avons lancé des pierres sur la police. Elle a tiré sur la foule à balles réelles et touché trois personnes, dont mon ami, qui a été atteint à la poitrine et s’est effondré devant moi. Je l’ai transporté dans un centre de soins, où il est décédé.

Un médecin qui a examiné le corps a confirmé que l’homme avait reçu une balle dans la poitrine. Human Rights Watch a également consulté des photographies de la blessure.

Des violences sporadiques se sont poursuivies à Conakry le 23 mars, notamment dans les quartiers de Cosa et Wanindara, où des émeutes ont été signalées, et à Baylobaye, où les forces de sécurité ont tiré sur un homme après être entré par effraction chez lui. « Trois policiers sont entrés chez moi à 15 heures. Je m’y trouvais avec ma femme et mon fils. Ils nous ont accusés de ne pas nous rendre aux urnes. L’un d’eux m’a passé à tabac à l’aide de sa matraque et saisi mon téléphone. Mon fils s’est disputé avec eux et a reçu une balle dans le bras. Je l’ai emmené dans un centre de soins où elle lui a été retirée », a relaté le père de la victime. Human Rights Watch s’est également entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Des violences ont éclaté dans d’autres villes et villages de Guinée le 22 mars. Selon les médias, des manifestants ont saccagé des bureaux de vote à Kindia, au nord-est de Conakry, et à Kolaboui à l’ouest, et harcelé le personnel électoral de Télimélé. Des habitants et des journalistes ont également signalé qu’à Nzérékoré, capitale de la Guinée forestière, des incidents liés aux élections ont déclenché des affrontements intercommunautaires et confessionnels entre des membres armés de la communauté de Guerze, formée majoritairement de chrétiens ou d’animistes, et l’ethnie armée Konianke, principalement musulmane, plusieurs personnes ayant été tuées et des propriétés incendiées.

Des gendarmes ont blessé un homme âgé de 20 ans lors d’une manifestation anti-référendum à Sangaredi, dans l’ouest de la Guinée. Un témoin et un proche de la victime ont indiqué à Human Rights Watch que des gendarmes avaient tiré à balles réelles sur la foule : « Il était 10 heures du matin ; nous étions dehors pour protester contre le vote. Les gendarmes ont tenté de nous disperser. Certains leur ont jeté des pierres. J’ai entendu au moins deux coups de feu. Mon frère a été touché d’une balle à l’épaule et s’est cassé le bras en tombant. »

N’ayant pu être hospitalisée à Sangaredi, la victime a été conduite le lendemain à Conakry. Human Rights Watch a examiné les dossiers médicaux et s’est entretenu avec le médecin qui l’a soignée.

Violences et arrestations préréférendaires

Le 20 mars, la police a tiré à balles réelles lors d’une manifestation organisée par l’opposition dans le quartier Bomboly de Conakry, blessant un homme âgé de 18 ans. La victime s’est entretenue avec Human Rights Watch : « Je me rendais au domicile de mon frère quand je me suis retrouvé au milieu d’une manifestation. Certains participants se sont montrés violents et s’en sont pris à la police en lui jetant des pierres. Celle-ci a riposté en lançant des grenades lacrymogènes puis en tirant à balles réelles. Tout le monde a pris la fuite. J’ai également couru pour me mettre en sécurité. J’ai entendu quatre coups de feu avant de m’effondrer au sol. Une balle m’avait atteint à l’épaule droite. »

Le 6 mars, les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation arbitraire de Sekou Koundouno et Ibrahima Diallo, deux membres de premier plan de la direction du FNDC, au domicile de Diallo. Celui-ci a déclaré qu’au moins 20 policiers, dont certains étaient masqués, sont entrés par effraction chez lui à Conakry vers 19 heures, procédant à leur arrestation en l’absence de mandat. La loi guinéenne prévoit pourtant qu’un mandat est nécessaire, à moins que l’individu ne soit pris en flagrant délit. L’épouse de Diallo, qui a été témoin de l’arrestation, a décrit la scène à Human Rights Watch :

J’ai demandé aux policiers s’ils avaient un mandat. Cela les a contrariés. L’un d’eux m’a attrapé par le col de ma chemise et poussé contre un pot de fleurs. Puis ils ont mis la maison sens dessus dessous avant d’arrêter mon mari et Koundouno, qui a été escorté à moitié nu, sans son pantalon ni ses chaussures.

Diallo a déclaré que ses yeux étaient bandés dès qu’il est monté à bord du véhicule de police et que lui et Koundouno ont été détenus à la Direction de la police judiciaire, à Conakry, sans accès à leurs avocats pendant une semaine. Les juges d’instruction ont inculpé les deux membres du FNDC d’ « outrages envers les fonctionnaires » et d’« atteinte et menace à la sûreté et à l’ordre publics », avant de les remettre en liberté sous caution le 13 mars, en l’attente de nouvelles enquêtes. Les deux hommes ont été invités à comparaître devant les juges chaque semaine.

Lors de manifestations à Conakry le 5 mars, deux témoins ont déclaré que les forces de sécurité, dont des policiers et des gendarmes, avaient lancé des gaz lacrymogènes sur des partisans de l’opposition et tué un garçon âgé de 17 ans, heurté à la tête par une grenade. Human Rights Watch a également reçu des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont blessé neuf autres hommes lors de ces manifestations. Les gendarmes ont agressé un journaliste français après qu’il les a filmés en train de passer à tabac un homme non armé, avant de l’expulser du pays. Les participants ont déclaré que certains manifestants violents avaient blessé des policiers en leur jetant des pierres.

Le 4 mars, vers 13 heures, une dizaine de policiers et de gendarmes sont entrés par effraction au domicile d’un imam de 51 ans dans le quartier de Wanindara à Conakry, et l’ont roué de coups ainsi que d’autres membres de sa famille. Ils ont ensuite procédé à l’arrestation arbitraire de trois des membres de sa famille et d’un voisin. Selon des témoins et des résidents, les forces de sécurité recherchaient l’auteur d’une vidéo qui montrait la police en train de se servir d’une femme comme bouclier humain à Conakry le 29 janvier. L’imam a déclaré à Human Rights Watch :

Des policiers et des gendarmes sont entrés par effraction dans ma résidence, ont tiré un coup de feu et défoncé la porte d’entrée. Ils ont fouillé les neuf maisons du complexe résidentiel, les ont mises sens dessus dessous. Un gendarme m’a frappé à la tête avec une louche qu’il avait prise à mes femmes. « Je vais te casser la tête », m’a-t-il dit. Les gendarmes ont également frappé deux de mes voisins, dont une femme de 80 ans souffrant de problèmes de surdité et de vue. Puis ils ont arrêté mes fils, mon frère et un voisin. Ils n’avaient aucun mandat. »

Les quatre hommes arrêtés ont été conduits dans deux postes de gendarmerie des quartiers de Matoto et Cosa. Les fils et le frère de l’imam ont été remis en liberté le même jour après le paiement d’un million de francs guinéens (environ 104 dollars). Son voisin a été relâché le lendemain après le versement de 250 000 francs guinéens (environ 26 dollars).

Le 19 février, des gendarmes et des policiers ont violemment réprimé une manifestation menée par le FNDC dans le quartier de Wanindara en lançant des grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles. Ils ont blessé au moins un manifestant, un chauffeur âgé de 26 ans, alors qu’il tentait de prendre la fuite : « Certains gendarmes sont descendus de leur véhicule et ont pourchassé des manifestants à pied. J’ai couru et tenté de me cacher, mais un gendarme m’a tiré dans la cuisse. J’ai été conduit à l’hôpital, où je suis resté alité 10 jours. La balle se trouve toujours dans ma jambe. » Cet homme a également confié qu’il était à peine en état de marcher et ne pouvait plus travailler. Human Rights Watch a également interrogé un de ses amis qui a été témoin de l’incident, ainsi que le médecin qui l’a soigné.

Disparitions forcées

Human Rights Watch s’est entretenu avec 10 hommes victimes de disparitions forcées pendant une quarantaine de jours à la suite de leur arrestation arbitraire par les forces de sécurité à Conakry les 11 et 12 février. Ils ont déclaré avoir été détenus sans aucun contact avec le monde extérieur avec 30 autres personnes, dont au moins deux enfants et trois hommes atteints de déficience intellectuelle, dans une base militaire de Soronkoni, à 700 kilomètres de Conakry. Human Rights Watch a également parlé à leurs avocats et à plusieurs membres de leurs familles et amis qui ont corroboré leurs témoignages. Pendant leur détention, les autorités ont refusé de reconnaître qu’elles savaient où se trouvaient ces hommes.

En vertu du droit international, une disparition forcée est toute forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. La Guinée n’a pas signataire de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

D’anciens détenus et avocats ont déclaré que, à l’exception de quatre personnes transférées à la prison centrale de Conakry, les 36 autres avaient été remises en liberté le 28 mars, sans inculpation ni document attestant de leur arrestation et de leur détention.

Les dix hommes avec qui s’est entretenu Human Rights Watch ont déclaré qu’on ne leur avait jamais fourni d’explication quant aux raisons de leur arrestation et de leur détention. Mais ils ont affirmé que les forces de sécurité qui les avaient arrêtés, comme les militaires qui assuraient leur détention à Soronkoni, les avaient accusés de soutenir l’opposition. Selon l’un de ces ex-détenus, âgé de 20 ans, un policier lui a dit au moment de son arrestation : « C’est vous qui barricadez les routes, semez le trouble et vous opposez au pouvoir en place. » « Ils m’ont accusé d’être un criminel et de faire souffrir mon pays. Je leur ai répondu que je n’étais qu’un chauffeur de taxi. Tiens-toi tranquille et tais-toi, m’ont-ils rétorqué », a témoigné un autre ex-détenu, âgé de 36 ans.

En vertu du droit guinéen et du droit international, les individus arrêtés doivent être directement incarcérés dans des lieux de détention reconnus, comme des postes de police ou de gendarmerie, et avoir immédiatement accès à leur avocat et à leurs familles. Toutes les personnes détenues devraient être conduites rapidement devant un juge pour l’examen de la légalité et la nécessité de leur détention.

Cependant, les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été détenus dans une base militaire et privés de contact avec le monde extérieur. « Détenir quelqu’un dans un camp militaire est contraire à notre législation », a indiqué à Human Rights Watch un avocat guinéen défendant les détenus. « Les autorités devraient cesser de penser que la Guinée est une autre planète. Nous avons des lois interdisant la détention de suspects en dehors des lieux officiellement prévus à cet effet ». Âgé de 26 ans, un ex-détenu a déclaré : « Ma famille ignorait où je me trouvais. Ils pensaient que j’étais mort. »

D’autres ont décrit les conditions de leur détention comme sordides. « Nous étions 40 dans une cellule comportant une seule porte, fermée la plupart du temps, avec deux petits trous dans le mur », a déclaré l’un d’entre eux, âgé de 23 ans. « C’était insuffisamment aéré, il faisait très chaud. Beaucoup se sont sentis mal à cause de la chaleur, certains se sont effondrés ». Un autre a expliqué qu’on ne leur donnait pas assez d’eau, et qu’il dormait sur le sol sans matelas et n’était souvent pas autorisé à se rendre aux toilettes situées à l’extérieur, ce qui l’obligeait à uriner dans des bouteilles.


hrw.org





Manifestations en Guinée: la situation inquiète Human Rights Watch





[NDLR]

Interrogé ce mercredi 15 janvier 2019 à l’assemblée nationale par Bruno Fuhs, député de la 6e circonscription du Haut-Rhin, Jean-Yves Le Drian le chef de la diplomatie française s’est prononcé sur la situation politique en Guinée.

Extraits choisis par notre rédaction

Questions de Bruno Fuhs

Réponse de Jean-Yves Le Drian





Meurtres lors d’un cortège funèbre en Guinée avant la tenue de nouvelles manifestations [HRW]

Trois personnes auraient été tuées le 4 novembre lors des obsèques de manifestants tués.

Par Corinne Dufka – Directrice pour l’Afrique de l’Ouest (HRW)

Le gouvernement guinéen
devrait s’assurer qu’une enquête indépendante soit promptement ouverte
après la mort de trois personnes qui auraient été tuées par balles cette
semaine lors d’affrontements
avec les forces de sécurité. Ces meurtres présumés auraient été commis
le 4 novembre lors d’une procession funéraire à la mémoire de personnes
tuées lors d’une précédente vague de manifestations
anti-gouvernementales. Une coalition d’organisations de la société
civile et de partis d’opposition a affirmé que trois personnes avaient
été tuées, tandis qu’un porte-parole de la police a reconnu un bilan
d’au moins deux morts. La coalition prévoit une nouvelle manifestation
de grande ampleur le 7 novembre.

Au cours du mois dernier, le gouvernement guinéen a intensifié sa répression des opposants à l’adoption d’une nouvelle constitution
qui permettrait au chef de l’État, Alpha Condé, de briguer un troisième
mandat à la tête du pays à l’occasion de l’élection présidentielle de
2020. Les autorités ont arrêté et emprisonné 6 personnalités en vue de
la société civile qui avaient pris la tête du mouvement de protestation
contre la nouvelle constitution.

Après avoir violemment dispersé plusieurs manifestations contre la
nouvelle constitution plus tôt dans l’année, le gouvernement a
finalement autorisé une manifestation de l’opposition le 24 octobre.
Cette manifestation – la première grande manifestation publique
autorisée par le gouvernement depuis juillet 2018 – a été dans une large mesure pacifique. Des partisans du gouvernement ont organisé leur propre manifestation le 31 octobre.

Les événements du 4 novembre illustrent le risque que de nouveaux
affrontements éclatent entre les forces de sécurité et les manifestants.
Des journalistes et des témoins ont décrit comment certains
participants à la procession funéraire avaient lancé des pierres et
d’autres projectiles et les forces de sécurité avaient tiré des
cartouches de gaz lacrymogène et, parfois, ouvert le feu à balles
réelles. Un journaliste a affirmé avoir entendu un gendarme dire : « nous allons tous vous tuer », alors que les forces de sécurité poursuivaient les manifestants dans les quartiers avoisinants.

La procession funèbre était destinée à commémorer les 11 manifestants présumés tués par balles
par les forces de sécurité, lors de trois journées de manifestations
contre une nouvelle constitution qui avaient débuté le 14 octobre. Ce
jour-là, un gendarme avait également été tué par des manifestants.

Human Rights Watch a documenté abondamment le recours par la police et les gendarmes aux armes à feu et leur utilisation excessive de la force létale lorsqu’ils
contrôlent des manifestations, ainsi que leurs passages à tabac de
manifestants, leur corruption et d’autres formes de criminalité de leur
part. Les membres des forces de sécurité ne font pratiquement jamais
l’objet d’enquêtes ou de poursuites judiciaires pour leur rôle présumé
dans des décès de manifestants.

Human Rights Watch exhorte le gouvernement guinéen à remettre en liberté les six dirigeants de la société civile; à faire en sorte que le comportement des forces de sécurité face aux manifestations soit conforme aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois; et à créer une unité judiciaire spéciale pour enquêter sur les décès survenus lors de manifestations.

hrw




TWITTOS #224 : La problématique des routes / 2 octobre 1958, l’indépendance de la Guinée / Droit de manifester, HRW interpelle @GouvGN

Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter

La problématique des routes et ses conséquences sur le tourisme

 2 octobre 1958, l’indépendance de la Guinée

Les tweets de quelques acteurs politiques

Droit de manifester, HRW interpelle le gouvernement guinéen

Une revue de tweets réalisée par Sékou Chérif Diallo