Les interrogations d’un citoyen [Par L. Petty Diallo]


Alpha Condé plébiscité pour un troisième mandat

Où sont passés l’opposition et le FNDC ?


Alpha Condé a été plébiscité pour un troisième mandat par le RPG-Arc-en-Ciel dans une convention tenue les 5 et 6 août 2020. L’intéressé marine, comme tout bon cuisinier, sa réponse.  Histoire  de faire saliver ses soutiens et baver ses opposants.

Depuis, de l’autre côté,  c’est motus et bouche cousue. Les quelques réactions que les Guinéens ont lu et entendu par-ci, par-là font plus froid au dos que l’annonce de la candidature de l’actuel président elle-même.

Face au mutisme des uns et aux réactions incohérentes, voire irresponsables, en tout cas désolantes des autres, de sérieuses questions se posent. Des questions auxquelles devront répondre l’opposition guinéenne et le FNDC.

S’inscrivant dans cette optique, cet article, contrairement aux précédents ne fera ni analyse, ni propositions prospectives posant des pistes de réflexion ou proposant des solutions que je faisais habituellement. Il se veut l’écho des voix inaudibles qui déchirent le cœur de celles et ceux qui ont lutté ces 2 dernières décennies. Celles et ceux qui ont tout consacré à la lutte pour l’instauration d’un système démocratique en Guinée depuis décembre 2008, date de la mort de Lansana Conté, à nos jours

Ces questions sont simples, réalistes, objectives, constructives mais elles sont aussi lapidaires parfois. Elles  viennent de la plume de quelqu’un qui n’a cessé d’écrire, de proposer, d’interpeller sans se faire, comme bien d’autres,  entendre.

Quelqu’un qui se retrouve bien seul par rapport aux débuts où fleurissaient des articles et analyses pertinentes, bien fouillées, enrichissantes et clivantes parfois. 

Quelqu’un qui se demande où  sont passés les pourfendeurs de la dictature : Ibrahima Kyllé DIALLO,  Mamadou Billo Sy Savané Abdoul Baldé, Sadio Barry, Ibrahima Sory Makanera, Aliou Barry, Mamadou Diallo (MD) de Guinea forum, Mamadou Alpha Barry (Sidoux ) et bien d’autres. Qu’est devenue toute cette génération de défenseurs de la démocratie et avocats du peuple, dis-je.

Quelqu’un qui est toujours là, depuis 2 décennies donc, aux côtés du peuple de Guinée et auprès de l’opposition dans ces différentes phases d’évolution : des forces vives au FNDC.

C’est lui qui pose les questions aux acteurs politiques actuels s’interroge tout comme ses compatriotes  et ne semble plus voir clair dans la ligne politique menée par l’opposition dite républicaine .

Les réactions évoquées plus haut et leur teneur ont accentué ce sentiment, non pas de découragement mais de perdition. Il me semble que plus d’un ne comprend plus grand- chose de la logique, de la stratégie et de la finalité de la lutte menée par l’opposition et le FNDC. . Je me dis si les citoyens ont le droit de dénoncer le pouvoir RPG-Arc-en-ciel, ils ont le droit, tout aussi légitime, de questionner l’opposition et d’avoir des réponses claires.

Leaders et dirigeants des partis  politiques de l’opposition et du front national pour la défense de la constitution (FNDC), vous avez un devoir moral et une lourde responsabilité dans le passé,  le présent et le futur de la Guinée.  Dans le sort et le devenir de la nation. Dans le sort des citoyennes et des citoyens qui ont cru en vous, vous discours, promesses, idéaux politiques et qui  vous ont soutenu tout au long de vos parcours respectifs.

Le moment est venu, sinon de rendre compte, du moins de dire à  vos militants et sympathisants de quoi sera fait demain si toutefois monsieur Alpha Condé était élu nouveau président de la république le 18 octobre 2020.

Une série de questions toutes simples et qui dessineront le futur de la Guinée, et le vôtre sûrement, méritent des réponses. Vos réponses.

La première de celles-là : où est passé le FNDC depuis le 5 août 2020 ? Aucune réaction de sa part après  la désignation d’Alpha Condé à sa propre succession.

A la classe politique et leaders de l’opposition

Certains d’entre- vous trouvent des circonstances atténuantes à Alassane Ouattara, le président ivoirien, candidat à un troisième mandat. Faute, dit- il de mieux, plutôt « pour cas de  force majeure » monsieur Ouattara  est candidat.  C’est  comme si la mort du premier ministre  Amadou Gon Coulibaly avait emporté toutes les potentialités du parti ivoirien  au pouvoir. Du coup, « Ado » surnom affectif que lui ont donné  les ivoiriens, se voit adolescent à 78   ans.

La question qui se pose : ces leaders voient-ils des circonstances atténuantes à Alpha Condé ou se sont-ils laissés aller par les liens bien connus qui les rattachent au président ivoirien ? Au cas contraire  refuserait-il à  Alpha Condé ce qu’il accorde à Ouattara ? Au pire, s’opposerait-il au troisième mandat d’Alpha du bout des lèvres ?

Dans tous les cas, plus qu’une question de com, il s’agit d’une erreur, si ce n’est une faute politique,  qui pourrait avoir de lourdes conséquences.

D’autres leaders politiques se cantonnent à dire que « la désignation d’Alpha Condé pour un  troisième mandat n’est pas une surprise ». Cela sous entendrait-il qu’ils savaient dès le début que tel allait être le cas ?

C’est à ce niveau que se pose la question de la pertinence de la ligne politique de l’opposition guinéenne. De sa conviction à mettre fin à un pouvoir qui entend se perpétuer en toute illégitimité.

Si la désignation de monsieur Alpha Condé n’était pas une surprise, cela signifie quelle est évidente. Que les leaders politiques le savaient.  Dans ce cas, les Guinéens ont le droit d’avoir la réponse à  un certain nombre de questions.

  • Pourquoi avoir organisé des manifestations depuis 10 ans si l’issue devrait être le troisième mandat ?
  • Pourquoi avoir enregistré près de 200 morts et des centaines de blessés au nom de la lutte pour la démocratie si monsieur alpha Condé et le RPG allaient continuer à régenter la Guinée ?
  • Que direz-vous  aux familles des centaines de morts, de blessés, de détenus dans les prisons de Conakry, de Soronconi et ailleurs. ?
  •  Que direz-voys  à  vos militants, sympathisants et autres soutiens de l’ombre qu’ils soient politiques ou financiers ?
  • Les manifestations n’auraient-elles servi qu’à masquer les faiblesses du pouvoir d’Alpha  Condé comme le théâtre, le sport et autres manifestations culturelles ont sauvé le parti démocratique de Guinée (PDG) ?
  • Pourquoi mobiliser plus dun million de personnes et rentrer à la maison sans que le pouvoir tombe ? Y aurait-il des freins d’une telle action au sein de l’opposition et du FNDC ?
  •  L’opposition guinéenne serait-elle une assemblée de partis, de personnes, de mouvements dont les membres se serviraient des uns, les plus puissants en termes de mobilisation, au profit des autres ? Y compris du pouvoir ?
  •  L’opposition a-t- elle encore une ligne de conduite, donc un idéal et une stratégie commune  pouvant mener les Guinéens à la démocratie ?
  • Se sentirait-elle submergée par la puissance de l’adversaire ?
  • Pourquoi tant de renoncements comme l’annulation de la manifestation du 6 août 2020, date de la convention du RPG.
  • Pourquoi se soucier de l’organisation d’examens scolaires qui relève d’un État qu’on combat ? Pourquoi donc ménager l’adversaire à son propre détriment ?
  • Combien de temps les Guinéens doivent-ils encore attendre pour que les responsables politiques de l’opposition actuelle tiennent leur promesse de faire partir Alpha Condé en vue d’instaurer la démocratie ?
  •  Cette opposition va-t-elle donner raison à celles et ceux qui étaient en son sein et se retrouvent aujourd’hui de l’autre bord et l’accusent de toutes les maux, de toutes les  faiblesses, de toutes les insuffisances et incapacités ?
  • A quoi servirait aujourd’hui à un guinéen d’être opposant si tout ce qu’il a subi : brimades, répressions, arrestations, meurtres, assassinats, destruction de biens matériels, immobiliers, financiers, commerciaux, etc. devrait se renouveler en octobre 2020 ?
  • Pourquoi l’opposition guinéenne n’a pu mobiliser en sa faveur, après des années de combat, la communauté internationale comme l’a réussi le Mali en quelques semaines seulement ?
  • Pourquoi le mutisme, au sein de l’opposition, de certains pourfendeurs du pouvoir ? Lesquels ne sont font plus entendre alors qu’ils étaient souvent en première ligne. 
  • Enfin, la question cruciale dont la réponse est attendue de tout guinéen.
  • L’opposition républicaine ira-t-elle à la parodie électorale d’octobre 2020?
  • Sera-t-elle conséquente en respectant sa parole de ne jamais concourir avec Alpha Condé sur la base de sa constitution du 22 mars 2020?
  • Ou bien se laissera-t-elle berner au dernier moment en participant à une élection dans laquelle elle ne fera que légitimer monsieur Alpha Condé, son assemblée, sa constitution et son troisième mandat?
  •  Qu’entend-elle faire enfin pour sortir la Guinée de la situation actuelle qui compromet tout un peuple qui la regarde et compte depuis bien d’années sur elle?

Ces questions et bien d’autres méritent des réponses pour préparer le combat futur.  Celui que tout guinéen espère être le combat final. En tout cas, le  19 octobre 2020, il sera trop tard.  Le glas aura sonné non pas contre celui qui a été combattu une décennie durant mais contre une opposition qui, malgré sa lutte n’aura pu mener les Guinéens à la victoire.

Ces questions ont été suscitées par les  réactions des responsables des partis politiques. Lesquelles, comme souligné plus haut,  sont quasiment similaires par leur manque de substance et de prise de position claire, tranchante et responsable.

 Toutes les réactions évoquées donnent l’impression que l’opposition navigue à vue, tangue de toutes parts et ne parvient pas à tenir le gouvernail pour atteindre le rivage. Bref, tout semble indiquer qu’il n’ y a plus un seul capitaine pour tenir la dragée haute à  un pouvoir arrogant, autocratique et borné dans ses ambitions et ses lubies  de tout puissance.

Les échanges avec des compatriotes qui se sentent déboussolés et presque désespérés de l’opposition qu’ils ont toujours soutenus ont également été pris en compte dans la rédactionde cet article. Ils affirment majoritairement : « il est grand temps que l’opposition  guinéenne et le FNDC donnent du concret peuple ».

Le soutien de la communauté internationale, qui se dessine en faveur de la Guinée pour mettre fin à la violation de la constitution et à la présidence à vie,  n’aboutira en rien s’il n’y a pas plus de courage,  de constance et de détermination de la part des responsables politiques de l’opposition actuelle. Ce n’est pas nier ce qui a été fait que de rappeler cela. C’est juste dire que la moisson escomptée dans la lutte des dix dernières années n’est pas encore au rendez-vous.

 Aux responsables politiques de l’opposition  de faire en sorte que le glas sonne contre l’adversaire qui avait promis de les achever par l’usure avant qu’il ne quitte le pouvoir.

Les Guinéens attendent et observent à la limite de la patience de tout peuple qui commence à se lasse tant du pouvoir que de l’opposition. 

Il faudrait vite faire avant que cela ne soit, car la réaction d’un peuple lassé de tout est dramatique pour tout politique qu’il soit  en exercice ou de l’opposition.


Lamarana Petty Diallo
Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




De la survie de l’opposition et du FNDC face enjeux futurs [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


Si l’opposition peut être perçue comme une entité horizontale, le front national pour la défense de la constitution (FNDC) est plutôt une organisation transversale par sa nature. Il est une coalition de mouvements, de partis politiques de plusieurs obédiences et aux parcours variés.

Face aux défis et enjeux à court et long terme, une réflexion excluant toute polémique tant sur la survie du FNDC que sur l’appartenance au mouvement est presque cruciale. L’actualité immédiate l’impose d’autant plus. 

De la marche du 8 juillet à la nécessité d’une approche contextuelle et programmatique du futur

La marche projetée le 8 juillet 2020 devrait, plus que les précédentes, prendre en compte le contexte actuel qui risque de devenir plus aigu dans les mois à venir.

Avant tout, une réflexion s’impose sur le mot d’ordre de la manifestation à venir. La récurrence d’appels : « Pour faire partir Alpha Condé » apparait de moins en moins crédible. Tout simplement, de marche en marche, d’appel en appel, c’est le même mot d’ordre qu’on voit partout : sur les banderoles, les poteaux, les véhicules, les arbres, carrefours et ronds-points. Sans compter la nuance entre « pour faire partir » et « faire partir ». Autrement dit, la nuance entre l’intention et de l’action.

Quoi qu’il en soit Alpha est toujours là. Comme un termite, il bâtit sa termitière. J’allais dire, prépare son troisième mandat. Il faudrait donc être plus pragmatique en adaptant la stratégie et la finalité. En prenant en compte le nouveau contexte politique né au lendemain du 22 mars 2020.


Lire aussi Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Les arguments qui militent en faveur de cette approche ne manquent pas.

La constitution de 2010 a été mise dans les tiroirs. Pire, enterré au dire du pouvoir. Le référendum du 22 mars 2020 voté et promulgué dans les conditions bien connues. Du coup, la donne a changé tant de forme que de nature. Désormais, il s’agit plus de sauver la République et la Nation dépositaires des institutions et des lois.

A ces impératifs, s’ajoutent d’autres qui montrent que le FNDC ne saurait faire l’économie d’une autodiscipline en fixant clairement les limites à ne pas dépasser par les acteurs politiques qui s’en revendiquent. 

Il est aberrant qu’il y ait des guerres intestines, des dénonciations, des calomnies parfois, des contestations notoires, des initiatives individuelles au sein de l’organisation. Elles rappellent à bien des égards des pratiques politiques auxquelles le mouvement devrait être exempté. De tels comportements font dire aux mauvaises langues, que la FNDC est en voie de se transformer en « front national de la division et de la confusion ».

L’intention de certains responsables de partis politiques de participer à une hypothétique élection sont comparables aux fidélités politiques des amis du chef de file de l’opposition d’alors. Glorieusement plébiscités, sans appartenance à l’UFDG, ni mérite, ces derniers se beurrent et s’engraissent actuellement où l’on sait. Leur cible à abattre étant désormais leur promoteur.

La nécessité d’un choix excluant toute réponse alambiquée

Face au nouveau tour de magie qui est tendu aux ténors de l’opposition et du FNDC, plus aucune hésitation ni compromis n’est possible.

Les adhérents, militants et sympathisants attendent de vous une position claire, une attitude ferme et un comportement digne des espoirs jusque-là placés en vous. Le rejet de la date du 18 octobre 2020 pour la présidentielle doit être conséquent et vos décisions non négociables. Dorénavant vous devriez penser et œuvrer pour une troisième voie et non contre un troisième mandat en soi.

Pourquoi une troisième voie ? Deux premières ont été épuisées : celle des manifestations et du dialogue incluant les organisations internationales. La nouvelle voie a déjà été évoquée par certains sous la terminologie de « Transition politique ». Elle pourrait être le dernier gilet qui puisse sauver la Guinée à court et long terme. Peu importe son appellation.

Cette troisième voie ne devrait revêtir ni l’image des alliances du passé ni en prendre les contours. Tout autant, elle ne devrait se fonder sur un conglomérat de partis d’opposition, aux décisions fluctuantes et qui, on l’a vu, se révèleront au fil du temps en partis de position.

Des exigences s’imposent face aux enjeux

Le FNDC doit faire faire peau neuve. Il devrait taire les divisions tant de l’intérieur qu’à l’étranger où certaines antennes, si elles ne sont pas comateuses, sont dans la contestation. Au cas contraire, il risque fort bien de se révéler ingérable, caduc et inopérant face aux enjeux actuel et futur.

Il faudrait donc une rupture conséquente ; des réformes adéquates ; une fermeté de ton et d’action dans les prises de position face à l’adversaire. C’est l’une des manières d’éviter que les arbitrages du futur n’échappent au peuple ou à l’opposition.

Il est connu de tous, que ceux qui veulent être les maitres du jeu se préparent en douceur. Ils sont déjà à pied d’œuvre pour le troisième mandat et se posent peu de questions. Ils sont persuadés que tout passe par une élection qui octroierait une nouvelle mandature au président actuel avant de mettre en branle la machine de succession. Inexorablement, dirions-nous.

Il est donc grand temps que l’opposition ait une conscience aiguë des défis et enjeux en acceptant cette terrible réalité : s’il y avait, dans les conditions actuelles, une élection, rien ni personne ne pourrait empêcher la victoire du futur candidat de la majorité. La question n’est pas savoir s’il s’agit d’un postulant pour un troisième mandat ou pas.

Enfin, la stratégie de l’adversaire découle, faut-il le savoir, des leçons tirées de la fin politique tant de Sékou Touré que de Lansana Conté et des lendemains désenchanteurs de l’entourage ou des héritiers. L’alerte lancée, n’allons pas loin.

Des préconisations face au jugement de l’histoire

Si l’opposition guinéenne négligeait les préconisations évoquées, il ne serait pas étonnant que bien de choses changent en sa défaveur.

Sûrement certains pourraient considérer ces préconisations comme des lubies d’un analyste perturbateur de sommeil ou d’un lanceur d’alerte agité. Quoi qu’il en soit, les responsables politiques ont un devoir à assumer face à l’histoire, à leurs militants et sympathisants, à toutes celles et ceux qui ont tant sacrifié et tant perdu.

Ils devraient assumer afin de :

  • mettre fin aux injustices de toutes sortes : arrestations et emprisonnements arbitraires ; destructions de biens privés ; inégalités socio- professionnelles ; meurtres et assassinats de toutes sortes ; corruption généralisée et gabegie économique ;
  • soustraire la Guinée des aventuriers politiques qui nous mène dans les méandres de l’inconnu ; les affres de la division, de la misère et de la discrimination ethnique, etc ;
  • rendre plus utiles et constructives les dix années de manifestations qui ont, à ce jour, plus conduit au cimetière qu’à la victoire ;
  • venir à bout d’un système qui a perdu tout repère et légitimité en violant les textes fondateurs de la République ;
  • répondre en fin aux mille et une attente d’un peuple qui a souvent été berné, trahi et délaissé par ses représentants.

Pour relever ces différents défis, il faudrait que vous taisiez les divisions dues à des alliances de façade et de concupiscences politiques de mauvais alois ; aux embrassades diurnes qui cachent des coups de pattes la nuit tombée.

Vous devez tout simplement assumer la Guinée. C’est- à- dire la délivrer du système en place ; des relents ethnocentriques d’un pouvoir presque séculaire aux mains d’une poignée d’héritiers, de clans et de gangs politico-affairistes.

Si vous en êtes incapables, la présidentielle d’octobre 2020 risque de sonner tant le glas du pouvoir actuel que le vôtre. Au pire, ce dernier vous survivra. N’est-ce pas que des voix sourdent d’un peu partout qui n’en peuvent plus d’attendre et qui revendiquent la victoire maintenant et pas après ?

En définitive, les responsables politiques de l’opposition, FNDC compris, ont l’impérieuse obligation morale et politique d’empêcher un président de 82 ans de continuer d’envoyer, à ses dépens, ou sous ses ordres, peu importe, des jeunes de 22 à 32 ans, (moyenne d’âge des victimes) au cimetière.

Vous devez vous remettre des faiblesses inhérentes à toute organisation sociale ou politique en palliant aux incohérences internes.  Ainsi, la Guinée parviendrait-elle à sortir de l’impasse actuelle.

Dans ce cas, et dans ce cas seulement, vous, responsables politiques actuels de l’opposition, aurez assumé la Guinée.

Telle est l’attente, une lancinante attente, de la majorité de nos concitoyens.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

 




Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


A quelques jours de la reprise programmée des manifestations de l’opposition guinéenne sous la bannière du front national de défense de la constitution, (FNDC), il me semble opportun de lancer l’alerte, d’interpeler, de proposer des pistes de réflexion.

Je n’userai ni de langue de bois ni de propos laudateurs à l’image de certains louangeurs à la recherche de pitance : ces squatteurs qui ont induit plus d’un homme politique en erreur. Des encenseurs qui vous font croire que vous êtes déjà Président de la République alors que les temps sont au combat. Autant dire que je ne me préoccuperai point de caresser dans le sens du poil. J’essaierai en revanche de relever les failles sans trop insister sur les acquis.

Cette lettre ouverte est l’expression de mes craintes d’assister à nouveau à la reproduction du passé. Elle expose mes pressentiments face aux dangers qui menacent le futur de notre pays.

 Elle est, tout naturellement, l’expression de mon engagement politique, de mes convictions personnelles et de mon amour patriotique et inaliénable pour la Guinée d’hier et celle de demain. Ces sentiments nourrissent les propos qui suivent et qui s’adressent aux acteurs politiques de notre pays.

Donner de l’espoir ne suffit plus

Les responsables politiques, présidents ou leaders des différents partis politiques : UFDG, UFR, PEDEN, Bloc Libéral entre autres, ne doivent plus se contenter de donner de l’espoir. Ils doivent désormais apporter des solutions. La solution.

La même exigence s’applique aux représentants des mouvements civiques, membres ou non du FNDC. Les uns et les autres doivent tout simplement assumer la Guinée. Assumez un pays, c’est le comprendre, le prendre en responsabilité, le libérer ou le délivrer. C’est cela la mission de l’homme politique.

Cependant, en invitant les uns et les autres à assumer la Guinée, une question me taraude en tant qu’historien et analyste. Dans la classe politique actuelle qui s’en donnera les moyens ? Qui réalisera le rêve des Guinéens tant leurs espoirs se sont souvent évanouis au fil de notre histoire ?

Qui va assumer notre pays : ses turpitudes, ses victoires, ses défaites, son avenir face aux flots d’interrogations, aux innombrables rivières de sang et de larmes dans lesquelles nous nageons depuis plus d’un demi-siècle ?

J’en ai une idée : ne pourrait le faire que celui-là qui revêtira, au-delà du manteau d’un simple président de parti politique d’opposition, l’habit d’un grand homme au sens historique du terme.

De Gaulle a assumé la France par l’appel du 18 juin 1940. Sékou Touré, l’indépendance de la Guinée par le non du 28 septembre 1958. Nelson Mandela a assumé l’Afrique du Sud en mettant fin à l’apartheid.  En cela, ce sont des grands hommes. Celui qui voudrait s’inscrire dans cette lignée devra sortir des sentiers politiques empruntés ces derniers temps. Il devra inventer, imposer et ne pas se complaire de titres, fermer la porte, autant que l’adversaire le fait, aux dialogues creux et interminables.

Je ne doute point de la capacité de vous, hommes politiques de l’opposition d’adopter de telles initiatives ou attitudes. Loin s’en faut.

Je me dis juste qu’il va falloir dépasser le courage dont certains d’entre-eux ont fait preuve en exposant leur vie dans la lutte pour un système démocratique en Guinée. Il faudrait désormais plus que le simple courage : il faut l’audace d’antonien de 1789.  Et pour cause ?

Un dictateur, africain en tout cas, n’est jamais vaincu sur la table des négociations : Compaoré, Mugabe, El Béchir, Moubarak, j’en passe.

Qui voudrait ouvrir la nouvelle page de la lutte politique en Guinée devrait se fonder sur ce précepte de l’histoire politique du continent.

L’histoire comme repère politique pour façonner le futur

Se baser sur l’histoire générale de la Guinée pourrait préserver de la répétition d’écueils ou d’erreurs du passé.

Notre histoire politique, de 1958 à nos jours est jalonnée de fuite en avant, d’attitudes passives ou complices, des mea-culpa tardifs, d’omissions volontaires, du laisser-aller. Si ce n’est de larmes et de sang. A se demander si nos ancêtres n’ont pas emporté les secrets de la geste, ces hauts-faits, ces grands actes héroïques, qui fondent les grandes nations et font les grands hommes. 

A nos hommes politiques, je leur dis, l’état actuel de notre pays vous impose une interrogation collective. L’heure vous oblige à jeter un regard en arrière. De procéder à une rétrospective de vos combats, de vos parcours, de vos stratégies, de vos réussites et surtout de nos échecs. C’est la seule manière de vous conforter dans vos convictions ou provoquer une remise en cause.

Cela est d’autant plus nécessaire qu’un responsable politique qui ne se remettrait pas en question ne peut courir qu’à l’échec. La clé de vos victoires comme de vos défaites futures en dépendent.

Il faudrait vous remémorer, à chaque instant, les espoirs que vous avez faits naître et les ratages qui en ont découlé afin de mieux vous préparer à la nouvelle adversité.  Pour ce faire, un bilan d’étape s’impose. Il vous appartient de le faire ou pas. Mais pour guérir notre pays qui se gangrène de jour en jour, de grandes actions et de nouvelles stratégies sont incontournables et sont possibles.

Faire l’autopsie du passé pour un diagnostic du lendemain

Il est temps de procéder à l’autopsie des dix années de marches et de manifestations, de négociations et de dialogues, de tête-à-tête, de bras de fer avec le pouvoir en place. Mais aussi de vos alliances ou coalitions, de vos stratégies de conquête du pouvoir individuellement et collectivement. Les appels et attentes de solutions qui devraient venir de la communauté internationale ne sauraient non plus échapper à cette mise à plat.

Une telle démarche rétrospective, condition sine-qua-non de toute prospective, fait appel à une vision politique clairvoyante qui réponde à l’éthique de conviction et à l’éthique de responsabilité. (Max Weber).

Cette théorie wébérienne, qui se prête tout particulièrement aux échéances électorales décisives, que l’auteur conseille aux hommes politiques en « période de gros temps », comme c’est le cas chez nous, pose l’équation de la fin et des moyens en politique.

La proposition de la tenue de l’élection présidentielle le 18 octobre 2020, phase ultime de la stratégie du pouvoir, qui a toutes les chances d’être validée par un décret présidentiel met au centre du débat cette théorie. A l’opposition de voir quels moyens usés pour quels résultats : aller et perdre ; ne pas aller et sortie vainqueur ? Et comment ?

Quant au pouvoir, nul doute qu’il n’hésitera pas d’user, à nouveau, des moyens les plus condamnables pour parvenir à ses fins. Déjà, le piège habituel commence à s’ouvrir alors que l’étau est en train de se resserrer, peu à peu, autour de vous, chers membres de l’opposition.

Le resurgissement de la question du dialogue avec les pièges qu’il traine n’est pas hasardeux. Voilà que vous y avez déjà mis un pied et de la manière la moins adroite en égrenant des « si » ; des « on » et des « il faut que ». Du genre : « si je dois aller ; on n’a pas dit que… ; on n’ira lorsque… ; pour qu’on y aille… ».

Loin de propositions carrées, de refus catégoriques, ces conditionnelles n’ébranleront pas le dernier chef de quartier de notre pays. L’arrogance d’en face, celle du pouvoir, appelle des positions fermes et catégoriques. Si ce n’est radicales.

A défaut, rien n’empêchera les scénarios de 2010 et 2015. En tous les cas, celui qui est habitué à rouler sa bosse pour escalader la montagne, ne craint point la colline. Alors, comme je l’ai souligné plus haut, le système ne reculera devant aucun obstacle ni danger dans l’optique de la conservation du pouvoir dans les prochains mois.

La deuxième partie étayera les enjeux, les défis, les stratégies et les choix qui s’offrent à vous.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

Lire aussi De la survie de l’opposition et du FNDC face enjeux futurs [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]





La solution à la crise politique guinéenne [Par Lamarana Petty Diallo]


Depuis
l’arrivée au pouvoir, en 2010 de Monsieur Alpha Condé, qui aime qu’on l’appelle
plutôt professeur que président, la Guinée va de crise en crise.

Durant les 10 ans à la tête de son parti, au détriment de la République, M. Condé professe la haine, la division, l’ethnocentrisme et les conflits de tout genre. Il ne préside en réalité que le RPG et son arc qui dégaine depuis une décennie, non pas des simples flèches, mais du gaz lacrymogène et de balles réelles contre les citoyens.

Cette
réalité politique pose nombre de questions tant aux Guinéens, partis politiques
compris, qu’aux organisations internationales. Il me parait opportun de leur donner
la réponse.

En effet, le sigle « RPG » du Rassemblement du Peuple de Guinée, renvoie à une arme bien connue : le fusil lance-grenade (ou lance-roquette). En anglais : « Rocket Propelled Grenades ». Cela explique que le RPG soit plutôt un parti belliqueux, va-t’en guerre et non pacifique. Dès lors, tous nos malheurs, déboires, échecs et conflits tiennent à ces trois lettres : R-P-G.

Autant dire que la guerre, du moins le
conflit, est l’ADN du parti au pouvoir. Son histoire, sur laquelle nous ne
reviendrons pas, le prouve à suffisance. Les discours enflammés de ses responsables
politiques, plus bellicistes les uns que les autres, prônent la haine tout en rivalisant
d’injures et d’arrogance. Le premier d’entre-eux à appeler, on s’en souvient,
ses militants à « se préparer à l’affrontement ». Son système
continue de s’armer et à militariser le pays.

Face à cette situation, nous devons montrer
que notre ADN, c’est la paix, la cohésion sociale et la tolérance. Que nos gênes
s’appellent unité, fraternité et coexistence ethnique et culturelle.

Cela ne signifie pas que le peuple doit être
défaitiste ou capituler. Mais la lutte de l’opposition et du FNDC, des
organisations régionales ou corporatistes n’est pas facile. Comme le faisait
remarquer un de mes lecteurs « il est très difficile de parler de
changement, de dignité et de conviction face à l’implication des autorités
locales à servir le pouvoir pour conserver leurs postes et une population
majoritairement illettrée et pauvre ».

En dépit de tout, la voie est tracée. Aux
actions du front national de la défense de la constitution, se sont ajoutées
celles des coordinations régionales de la Basse, Moyenne et Guinée-Forestière.

En se réunissant chez El Hajj Sékouna, les
représentants desdites coordinations ont officiellement annoncé leur farouche opposition
aux projets du pouvoir : nouvelle constitution et référendum, prélude à
une présidence à vie. Malgré les intimidations, ils ont affiché sans aucune
ambiguïté, leur détermination à contribuer à sauver le pays des dangers
auxquels le pouvoir l’expose : conflit ethnique, présidence à vie, etc.

Le FNDC est sur la même voie depuis sa mobilisation historique du 14 octobre 2019. Il ne doit n’a pas faillir à la mission car les Guinéens semblent lui avoir donné carte blanche. Il doit les mener à la victoire du combat pour le respect des valeurs de la République incarnée par la constitution. Il le fait certes bien. Il nous reste désormais d’adapter la méthode à la finalité.

Dans tous les cas, face au FNDC, le pouvoir guinéen
s’est montré impuissant. Le recours à la force par l’usage d’armes de guerre contre
des citoyens désarmés est une preuve de faiblesse.  Lancer les milices du pouvoir et, sûrement
celles de Malick Sankhon, qui a affirmé haut et fort avoir plus de trois milles
hommes armés, n’a en rien entamé la détermination populaire.

L’atteinte des autorités morales, pour ne pas
dire leur profanation, symbolisée par la violation du domicile du Khalife de la
Moyenne-Guinée et celui d’El Hajj Badrou, Premier Imam de Labé, n’est qu’un
degré de plus dans la violence d’Etat.

Plus besoin de prouver que les Guinéens vivent depuis 2010 sous la violence d’Etat. Plus de 140 morts, soit une dizaine de différence avec le chiffre officiel de 157 victimes des massacres du 28 septembre 2009.

Le reste dépasse l’entendement : refus de réception des corps des victimes des forces de sécurité dans les hôpitaux, assassinat d’un ambulancier, brimades et tirs à balles réelles dans les cimetières, appréhension d’un imam sur la route de la mosquée.

Le comble de l’horreur, c’est l’utilisation d’une femme, nourrice de surcroît, comme bouclier humain. Bref, on aura tout vu avec M. Condé et son pouvoir.

Il y a de quoi être fatigué et dire ça
suffit.  Le peuple de Guinée l’a fait
savoir en exprimant son ras-le-bol contre les projets de nouvelle constitution
et de troisième mandat. C’est aussi une manière de dire qu’il en a assez des
systèmes qui se suivent et qui sont plus catastrophiques les uns que les
autres. Qu’il ne supporte plus l’arrogance des mêmes têtes, souvent de la même
lignée, qui ne changent que pour asservir, mépriser les citoyens et exacerber
les tensions.

Le
FNDC doit prendre encore plus en compte la portée du message des Guinéens. Il
lui appartient de montrer ce
dont il est réellement capable car ses adhérents attendent de voir la
matérialité des manifestations. Additionner le nombre des morts ?
Mettre fin, comme cela s’est fait ailleurs : Burkina-Faso, Egypte,
Tunisie, Algérie, à toutes velléités d’un homme de s’éterniser au pouvoir ?

La
réponse réside en 2 mots : « Renoncer
ou Démissionner » qui pourraient bien être le mot d’ordre des
manifestations des 12 et 13 février. 

En tout état de cause, de nouvelles méthodes
devraient être adoptées tant en ce qui concerne les manifestations que leur
itinéraire et point de rassemblement. Kaloum ne fait-elle pas partie de Conakry
commune tout autre commune, pourrait-on se demander.

Quelle que soit l’option la solution à la
crise doit être trouvée avant qu’il ne soit trop tard.  On ose espérer que le rapprochement de toutes
les organisations qui luttent pour la défense de la nation sera bientôt
effective. Ainsi, sans se fondre dans le FNDC, les organisations syndicales
pourraient faire comme le Groupe Organisé des Hommes d’Affaires (GOHA) en
affichant ouvertement leur participation aux actions du front.

Le FNDC et tous les acteurs de la vie sociale et politique, surtout le pouvoir en place, qui fait encore preuve d’obstination, devraient comprendre que les Guinéens ne se laisseront plus faire. On ne pourra plus jamais rien leur imposer. A multiplier par 7 les 7 millions 7 cents mille électeurs (couvés pour les machines de la CENI), il n’en sortira aucun résultat car d’élections il n’y en aura pas. Si telle est la volonté de la majorité. En revanche, la solution sera trouvée d’ici le premier mars.

Il
est grand temps d’avoir désormais présent à l’esprit que le peuple débout a
compris que, bien pire que les despotes et le mal qu’ils imposent, le silence
est encore plus coupable. D’où la lutte inlassable qu’il livre pour le respect
de la constitution.

Le FNDC et les leaders politiques de l’opposition doivent être à la hauteur des enjeux et des finalités. Ils incarnent l’espoir face à un système qui se montre de plus en plus pernicieux et inhumain. Ils doivent se montrer capables de porter l’espoir et le rêve d’un meilleur avenir.

En tout état de cause, les Guinéens ont la détermination de prendre en main leur destin dans les plus proches échéances. Ils ont conscience que, c’est maintenant ou jamais.


M. Lamarana Petty Diallo Guinéen- Professeur Hors-Classe lettres-histoire – Orléans- France




Deux phrases pour éviter le chaos [Par Lamarana Petty Diallo]


Depuis un certain temps, la situation socio-politique guinéenne est des plus préoccupantes car elle met en danger la paix sociale. Elle menace les fondements de la nation, la sécurité des citoyens, le vivre- ensemble souvent mis à mal par les systèmes politiques successifs.

A
nouveau, notre peuple est face à de grands défis et enjeux à relever pour de
nouvelles perspectives d’avenir. Il a su les relever par le passé en empruntant
la voie de l’indépendance en 1958 et de la démocratie dans les années 90.

Le
chemin à emprunter pour les atteindre serait des plus aisés si ce n’est
l’obstination d’un système, d’hommes et de femmes qui semblent être sourds aux
bruits alentours, aux voix de l’histoire et à la toute-puissance de la force du
verbe : c’est-à-dire le dialogue.

Ces
tares ont leur corollaire en mode de mauvaise gouvernance : corruption,
gabegie, laisser-aller, immoralité intellectuelle et professionnelle. Des
méthodes et pratiques de gouvernance qui semblent avoir fait leur temps car un
nouveau soleil pointe à l’horizon et commence à illuminer la Guinée.

Le mur de la peur est
tombé

Les
Guinéens ont très longtemps subi la mal-gouvernance et ses conséquences sur
l’épanouissement de la nation et la consolidation des valeurs démocratiques.

Au
fil du temps, ils ont eu l’intime conviction que les systèmes passent et les
pratiques restent. De déceptions à soubresauts, ils sont désormais en phase de
passer de la frustration à la revendication et à la révolte.  Si ce n’est à la révolution sociale tout
simplement.

Les
mouvements de contestation, sources d’inspiration du changement qui pointe en
Guinée font lésion : les printemps arabes (2010-2011) ; « La
tempête de Ouaga » (c’est de moi) ou la deuxième révolution burkinabé, qui
mit fin en 3 jours au pouvoir de Blaise Compaoré. Encore plus frais et en
cours, la « Révolution du Sourire » ou le printemps algérien (février
2019- novembre 2019).

Autant dire que la situation actuelle que connait la Guinée ne tombe pas du ciel. Le pouvoir aurait mieux fait de comprendre que le peuple ne peut plus se murer dans la peur, le silence complice et la subordination coupable. Ainsi mettrait-il fin à sa surdité, son indifférence, son arrogante et son cynisme en apportant la réponse aux maux qui rongent le pays.

Mais
les attitudes et propos de certains caciques du système qui banalisent la mort
des citoyens montrent que nous en sommes loin. Leur raisonnement belliqueux est
le corollaire des répressions macabres des forces de l’ordre qu’ils justifient
dans ces termes : « Si une manifestation est violente, l’État a
aussi le devoir régalien de maintenir l’ordre public ». On ne peut mieux
se montrer complice des actes criminels qui ont coûté la vie à plus d’une centaine
de citoyens.  

Ces derniers jours, ce sont les chantages et les discrédits qui ont fait surface. Des personnes, de la même trempe que la précédente, qualifient l’opposition républicaine et le FNDC de djihadistes.  Oublient-elles que nul ne les écoute plus tant elles n’inspirent pas confiance. 

Loin
de comprendre que le sens de l’histoire a pris une autre tournure, de telles
personnes se confortent dans le déni de l’imminence d’un changement de mode de
gouvernance.

La Guinée attend son printemps

Depuis 1958, la Guinée a fait de grands pas en avant. Certes, elle a été freinée dans sa marche par les maux évoqués plus haut. Cependant, nul ne peut nier la vaillance de notre peuple dans son combat pour la démocratie et l’Etat de droit.

 Un peuple qui a envoyé le Parti Démocratique de Guinée (PDG) au musée et conduit le Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) à la morgue. L’obstination dont font preuve certains idéologues du RPG risque d’avoir les mêmes conséquences.

En
tout état cause, l’évolution ne saurait s’interrompre. Les systèmes politiques
guinéens n’ayant su s’adapter ni aux marqueurs historiques, démographiques, politiques,
sociaux ni aux nouvelles aspirations des jeunes générations doivent céder la
place.

Le
chômage des jeunes est galopant. L’école et le système scolaire sont délaissés.
Les perspectives d’avenir sont bouchées alors que l’exode interurbain (ou rural)
est des plus élevé.

Les
jeunes guinéens empruntent les routes de la mort plus que quiconque. Leur
nombre est effarant en Europe : il dépasse de loin ceux des pays
en guerre du proche et moyen orient ou d’ailleurs. A contrario, la population
guinéenne est parmi les plus jeunes.

L’opportunité
de changement découle de cette réalité. Si les tentatives ont échoué par le
passé, elles ne montrent pas moins que les Guinéens connaissent le chemin de la
démocratie. Qu’ils ont été des artisans de la lutte contre les pouvoirs
oppressifs coloniaux et post-indépendances.

Si
le FNDC n’est pas directement lié à cette généalogie historique et
politique de
combat pour la défense des droits et devoirs, il n’en est pas moins un
élément du chaînon. Il est une nouvelle étape de la lutte pour
l’émancipation. En tant que
tel, il peut être exposé aux risques d’échec. Je ne reviendrai pas
là-dessus
(voir mon article : « Troisième mandat, la messe serait-elle dite » ?
in Le Populaire, n°698, 23/12/2019).

Si
ce n’est pas la première fois que nous vivons une coalition entre force
politique, civile et/ou syndicale, les revendications actuelles semblent annoncer
la fin d’un cycle. En effet, depuis
les premières mobilisations d’octobre 2019, les Guinéens bravent la pluie, la poussière,
la faim, la soif et les misères quotidiennes en quête de la réponse à la
question qu’ils se posent : le président Alpha Condé veut-il un troisième
mandat ? L’annonce du 31 décembre a levé un coin du voile. Depuis, la
liste de morts ne fait que s’alourdir. Pourtant, à défaut d’être évité, on peut
y mettre fin.

Deux
phrases, deux simples phrases peuvent suffire

Monsieur
Alpha Condé peut éviter le pire à la Guinée s’il est resté celui qu’il était dans les années 70. Celui qui
faisait le tour des universités françaises pour convaincre les étudiants
africains de lutter contre les pouvoirs à vie et les dictatures. 

S’il
est resté le même homme qui combattit pour le panafricanisme, il donnera
l’exemple aux générations africaines, actuelles et futures.

Mais, bon nombre d’analystes pensent que l’homme n’a pas seulement changé. Il s’est métamorphosé, estiment-ils. Au cas contraire, il n’aurait jamais tenté d’imposer une nouvelle constitution, premier pas vers un troisième mandat, aux Guinéens.

Ceux
qui ont connu M. Alpha Condé sont persuadés que le président guinéen a changé de
cap et de vision en se lançant dans une perspective qui pourrait faire basculer
son pays dans un conflit aux conséquences imprévisibles. En dépit de tout, ils
sont encore nombreux à croire qu’il peut encore rattraper la balle au bond.

Pour
cela, il a une seule chose à faire. Un seul acte qui effacerait tous les
ratages, toutes les déceptions et lui donnerait l’image de l’homme auquel
il s’est toujours identifié en se qualifiant « le Mandela de la Guinée ».

Dès lors, il rentrerait dans l’histoire au
sens noble du terme. Il ouvrirait une nouvelle page de l’histoire guinéenne et
au-delà dans laquelle s’identifieront ses contemporains et les générations
futures. Il n’a qu’un pas à franchir avec des mots simples et salvateurs :

« Je
renonce au changement de constitution ».

« Je
ne suis pas candidat à un troisième mandat ».

Ces
deux phrases vaudront toutes les phrases célèbres de l’histoire. Les Guinéens échapperont
alors à la dimension dramatique qui se joue
actuellement pour lui donner une tournure humaine et fraternelle. Ainsi, notre
pays aurait pallié au pire.

Tendons
les oreilles d’ici-là pour accueillir l’Aube nouvelle.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




Appel au FNDC pour une lecture plus audacieuse des enjeux [Par L. Petty Diallo]


Les Guinéens
sont tenus en haleine depuis près d’un an par l’affaire du troisième mandat méticuleusement,
soigneusement et presqu’obsessionnellement montée par le RPG- et le
gouvernement.

Hésitante,
indécise et tatillonne aux premières rumeurs méthodiquement distillées par le
pouvoir, l’opposition guinéenne semblait avoir pris la mesure de l’enjeu : sa
survie ou sa mort politique.

Depuis trois
mois, elle mobilise militants et sympathisants mais aussi tout guinéen opposé à
la modification de la constitution actuelle ou à la mise en place d’une
nouvelle, prélude à un troisième mandat.

Le solde des
mobilisations des mois passés s’élève à 26 morts et des dizaines de
blessées : un nombre qui alourdit le bilan macabre de plus de cent morts
depuis « l’élection d’Alpha Condé » à la présidence.

Dans son
combat contre toutes perspectives de violation de la constitution de mai 2010,
l’opposition et la société civile se sont regroupées en front national de
défense de la constitution (FNDC).

L’engouement
soulevé par cette nouvelle entente n’a pas permis de bien creuser quelques
failles : l’absence des organismes syndicaux et la manière de cooptation
des différentes entités politico-associatives qui constituent le FNDC semblent
le démontrer.

Quand on
voit des jeunes désœuvrés dénoncer le front, accuser les anciens premiers
ministres ou ministres de tous les maux, on comprend aisément qu’il s’agit de
petits opportunistes infiltrés.  Cela conforte l’idée d’absence de
sélection, de contrôle tout au moins, qui aurait justifié ou empêché
l’appartenance au FNDC. Mais les failles et les insuffisances ne se limitent pas
à cet aspect des choses.

L’annonce,
le 19 décembre 2019 d’une nouvelle constitution, la marche vers un troisième
mandat pour M. Alpha Condé, soulève bien de questions sur la solidité et les
limites du FNDC.

En effet, la
réaction du front au lendemain du discours du président guinéen, n’est pas,
pour bon nombre de Guinéens à la hauteur de l’enjeu et ne semble pas répondre
leurs attentes.

La seule
initiative envisagée par l’opposition et le FNDC repose encore sur les
manifestations qui, de surcroit, ne sont pas immédiates. Non seulement, il
faudrait attendre la fin de Pacques et de la Saint Sylvestre (le 31 décembre
2019) mais aucune autre action d’envergure n’est programmée.

Entre temps, la nouvelle constitution est là : elle a pointé son nez
dans un premier temps. Aujourd’hui, elle est dans la maison de tout Guinéen.
Elle risque de diviser les familles, de s’interposer entre les époux, les amis,
les frères et les sœurs, de monter dans les lits et les plafonds. Elle rôde
déjà autour des voisinages avant de les opposer. Espérons juste à couteau tiré
et non en bruit de canon.

Pourtant,
que n’avons-nous entendu : « Si Alpha Condé osait ; le jour
où Alpha Condé dira qu’il est candidat ; le jour où… » Et il est bien
arrivé ce jour. L’éléphant n’a pas accouché d’une souris du côté du pouvoir.

La souris
semble venir du FNDC car les Guinéens s’attendaient à autre chose que :
« vu que ; compte tenu de ceci et cela, en raison de l’approche des
fêtes… ; dès début janvier ; on n’est pas d’accord ; on ne
laissera pas faire ; il n’y aura pas telle ou telle chose tant que telle
ou telle exigence n’est pas satisfaite… ».

Toute une
litanie de menaces qui n’ébranleraient pas un chef de quartier à plus forte
raison un Président de la République. Même si ce n’était la nôtre.

Le temps
n’est plus au discours. Les blablateries ne feront pas partir le président
guinéen, ni les danses, les folklores, les Mamayas en l’honneur de nos leaders.
Pas plus que l’hymne du FNDC. Il faudrait bien autres choses et le FNDC
doit : 

– Montrer clairement
quelle est sa finalité.
Son objectif est bien connu. D’après ce qu’il
dit, c’est : « s’opposer à toute nouvelle constitution ;
empêcher le troisième mandat pour M. Alpha Condé ». Mais la constitution
nouvelle (qui n’apporte de nouveau que les 6 ans à la place des 5 et la fin du
statut de chef de file).

Une finalité n’est pas un objectif : le dernier fixe un but. Le second détermine l’issue, la manière, la méthode, la stratégie d’y parvenir. Si les marches et autres manifestations ont pour objectif ce qui est énoncé plus haut, les Guinéens ont besoin de connaitre qu’elle est la finalité fixée.

-Se poser
les bonnes questions :
tout bon résultat dépendant de la
manière de se questionner, le FNDC doit savoir s’il doit continuer à appeler à
marcher pour continuer de mourir ou s’il doit changer d’optique et de stratégie
politique.

On sait bien
que les marches se sont révélées, jusqu’à présent, improductives, dépensières,
meurtrières. Qu’elles ont apportés plus de morts que de solutions.

Cela
sous-entend qu’il ne sert plus à grand-chose d’aller manifester pour marcher
vers sa tombe. En clair, le FNDC doit appliquer le principe
politique : « à situation nouvelle, orientation et stratégie
nouvelles ».

-Se remettre
en cause : 
toutes les organisations qui composent le FNDC
devraient non seulement faire leur autocritique mais aussi accepter la
critique.

Se
débarrasser de certaines habitudes en cours au sein des partis
traditionnels 
: très souvent les louangeurs occupent le haut du pavé
en Guinée. Leur langue mielleuse, leur vocabulaire laudatif avec tous les
superlatifs inimaginables, leur médiocrité est bien accueillie et prime sur les
réflexions des cadres et intellectuels. Dès lors, la médiocratie instaurée en
système, tout bord politique confondu, plombe l’avenir du pays.

-Se donner
une lecture plus audacieuse des enjeux du pays
. Le premier
enjeu pèse sur le FNDC sur lui-même en tant que porte- flambeau des Guinéens
déçus du pouvoir en place et qui cherchent une alternative. Le tout est de
savoir s’il peut satisfaire cette perspective en évitant la reproduction du
passé.

-Dépasser
les enjeux liés aux simples relations entre partis politiques traditionnels de
certaines habitudes en cours :
dans cette perspective, les
présidents des partis politiques qui concourent à l’accession au pouvoir
devraient avoir un nouvel état d’esprit en dépassant les égos personnels :
être à l’affût tout en se disant, si ce n’est pas moi, ce ne sera pas toi.

-Se révéler
réellement comme une nouvelle structure qui tranche avec les anciennes :
les forces
vives ont combattu pour un idéal bien connu à l’époque. Le combat du FNDC ne
peut s’assimiler à celui-là.

Aujourd’hui, on est face à un pouvoir bien installé qui se fait prévaloir d’être démocratique alors qu’il est viscéralement dictatorial et ethnocentrique. Les armes ne peuvent pas être les mêmes. Tout comme les méthodes. Il faut plus de détermination, d’audace. Surtout de clarté dans la ligne suivie.

-Les
discours et les manifestations récurrentes doivent céder le pas à l’action
immédiate.
Les Guinéens ont entendu toutes sortes de menaces
comme soulignées plus haut. Ils se disent où sont-elles passées ? Des
jours se sont écoulés.

M. Alpha
Condé a lancé le pavé dans la mare. Il s’en est allé papoter tranquillement
avec ses pairs. D’aucuns aussi avides de troisième mandat qu’il ne l’est
tendaient l’oreille. Ils seront désormais plus attentifs et sûrement très
avenants au cas où le triple mandat passe. Surtout s’il était agrémenté à la
guinéenne de 2 fois 6 ans.

-Les partis
politiques membres du FNDC doivent arrêter toute participation à quelque
processus électoral que ce soit.
Il est absurde de vouloir la
fin d’un système et siéger avec lui dans les institutions nationales. Il est
tout autant contradictoire et inconséquent de réclamer des élections,
d’assister impuissant à l’arrêt du processus sans qu’il ne soit achevé et
vouloir y participer pour gagner.

Aucune
élection ne devrait (ne doit tout simplement) avoir lieu dans les conditions
actuelles. Mais ce ne sont pas les déclarations à l’emporte-pièce qui les
empêcheront. Il faut s’en donner les moyens. Tous les moyens.

Si certaines
de ces préconisations n’étaient pas prises en compte, il est fort à craindre
que la messe ne soit dite pour le FNDC, les partis politiques et associations
qui le composent.

Une telle
éventualité est d’autant plus probante que la réaction du FNDC à la déclaration
du président Alpha Condé n’est pas, au risque de me répéter, à la hauteur ni
des enjeux ni des attentes.

Le FNDC
risque fort bien de se dévoyer et de rejoindre la longue lignée des mouvements,
soit mort-nés, soit de feu de paille et sans lendemain qui ont déçu les
guinéens après les avoir tant fait rêver. Pour l’éviter, il doit se montrait plus
conséquent, plus ferme, plus réactif et de la bonne manière.

Il doit prendre la mesure afin de ne pas rater le coach en se
diluant dans des annonces et des marches sans lendemain. En se contentant de
discours et de prévenances face aux actions concrètes du pouvoir.

La FNDC
devrait savoir qu’au-delà du troisième mandat, c’est l’enjeu du pays et de
l’opposition guinéenne, dont il est partie prenante, qui se joue depuis jeudi
19 décembre 2019.

A l’opposition toute entière de faire peau neuve pour survivre et sauver le pays. C’est la seule manière de montrer aux Guinéens qu’ils n’ont pas perdu du temps en se battant à ses côtés.

Enfin, une
chose est sûre : M. Alpha Condé et son système ne perdent pas de temps et
ne s’embarrassent de rien : ni de leur survie ni du devenir du pays.

Mais le peuple de Guinée saura jouer sa partition avec ou sans les uns et les autres.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

NB: Le titre initialement choisi par notre contributeur était Troisième mandat: La messe serait-elle dite ?





Législatives de février 2020 : l’ombre des élections passées plane [Par Lamarana Petty Diallo]


La Guinée
parle encore d’élections comme en 2010, 13 et 15. Autant dire qu’on en a
l’habitude. Et de quelle manière ?


Les Guinéens
ont toujours payé le prix fort avant, pendant et après toute élection en y
laissant leur vie. Ils meurent, plutôt sont tués, pour des résultats, le plus
souvent, futiles, inutiles et puérils. Les revendications post-électorales, les
unes plus sanglantes que les autres n’ont jamais rien donné. A moins que ce ne
soient des négociations stériles et contre-nature.

Les élections qui s’annoncent ne semblent pas vouloir déroger à la règle. Les prémices sont là : visibles, connues mais paradoxalement ignorées de tous. Pourtant, le professeur a déjà dit haut et fort ce qu’il en est. A ses ouailles d’appliquer la sentence et les Guinéens sont avertis :

« Dans les autres pays où il y a de nouvelles constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait ».

Alpha Condé, dans une interview au Monde – 24 octobre 2019

Le message
est on ne peut plus clair. Les législatives qui se dessinent sont le prélude
des présidentielles. Comme tel, il faut utiliser, comme à l’accoutumée,
l’ultime recours. Résultats, une vingtaine de morts qui s’additionnent à la
centaine enregistrée entre 2010 et maintenant. Toujours pour les mêmes raisons :
les élections. Les mêmes résultats : l’échec.

Telle est la
logique guinéenne : les uns se font tuer pour que les autres règnent de
père en fils. Si ce n’est mourir pour des hommes et des femmes sans conviction
et sans idéal.

Les uns se battent, meurent et d’autres sont élus. Les familles pleurent, des personnes, souvent non méritantes sont élevées au rang de titres ronflants : « Honorable », « Excellence ».

Certains
pleurent du moment que d’autres chantent, gambadent sur tous les coins du
territoire pour crier victoire.

Parmi les
élus figurent, le plus souvent, des transfuges du pouvoir ou de l’opposition.
Certains sont de simples chefs de partis familiaux ou de meneurs de bandes de
quartiers, des opportunistes tout poil qui se font élire sur la liste de partis
politiques auxquels ils n’ont jamais appartenu.

Élus, ils plastronnent quelques temps sur les tribunes des assemblées générales de leurs partis adoptifs avant de se barrer pour rejoindre le grand manitou.

A force de
lécher bottes et bottines, de se frotter au sol jusqu’à l’usure du dernier
pantalon, ils se voient bombarder ministre, souvent avec le statut tant
convoité de « ministre d’Etat ». Aujourd’hui, c’est eux qui sont
envoyés discuter avec leur mentor d’hier.

Mais
attendons car si l’épine négocie avec la plante- du pied, on verra bien qui
choisira la partie qu’il faut piquer ou épargner.  Dans tous les cas,
aucun résultat ne serait être pire que les précédents.

Dorénavant,
les points non négociables sont connus par l’une et l’autre partie. La question
du troisième mandat et ses avenants. Inutile d’en débattre car la chose est
déjà dans l’escarcelle de l’adversaire à moins que le FNDC passe à la vitesse
supérieure en fixant une finalité plus audacieuse à ses revendications.

Troisième
mandat ou pas, une chose est claire. Si en Guinée, il y a enrôlement des
électeurs pour les législatives, à l’étranger, il y a « enroulement.
 Terme dont l’usage scientifique signifie : unité déviable convenant à la
manipulation ».

Dans
plusieurs pays où vivent les Guinéens tant en Afrique, en Europe qu’ailleurs,
on n’enrôle pas. On roule dans la farine. Il est fort à craindre que tel ne
soit le cas dans le territoire guinéen aussi. Les faits sont parlants par
eux-mêmes.

  • Les ordinateurs et autres outils informatiques utilisés sont obsolètes et d’usage aussi hésitant qu’un pas de caméléon. Ils ne permettent pas d’enrôler plus de vingt (20) personnes par jour. Ils s’arrêtent au beau milieu des opérations comme un baudet qui refuse de porter le fardeau de son maître. A croire que nos machines informatiques sont télépathiquement liées à la CENI.  A moins qu’il ne s’agisse d’une lenteur humainement orchestrée.
  • Quant aux consommables, on pourrait se demander si certains agents recenseurs ne les prennent pas au mot : en consommant tout simplement ce qui est consommable par nature.
  • Les passeports non biométriques ne sont pas autorisés alors que leur délivrance a été stoppée depuis longtemps. Dans tous les cas, combien de Guinéens en disposent à l’étranger ?
  • A défaut de passeports, c’est la carte consulaire qu’il faudrait présenter. Mais la signature et la délivrance journalière ne doivent pas dépasser le nombre magique de vingt par jour : histoire de ménager les phalanges de son excellence qui souffriraient peut-être d’arthrose. Dans tout ça, la priorité revient à certains. Deviez lesquels ?
  • Les demandes ont rarement de suite favorable. L’absence de réponse touche tout particulièrement les provinces (départements et régions) hors Paris et sa région.
  • Le tâtonnement dans la rédaction sur papier des noms et prénoms vient alourdir les handicaps soulevés. La lenteur des recenseurs parachève celle des machines et renforce la longue chaine des blocages.
  • La dichotomie entre manifestations du FNDC, l’appel des leaders politiques à participer au processus d’enrôlement, la négociation avec le pouvoir et la demande d’arrêt de l’enrôlement des électeurs a sans aucun doute impacté la motivation.

Par
conséquent, l’annonce fondée ou non de la demande d’arrêt de l’enrôlement, qui
a été publiée sur le net et jamais démentie par l’opposition, a quelque peu
semé le trouble dans les esprits des Guinéens vivant loin du pays.

Tout semble
indiquer que rien n’a été ménagé pour que le processus d’enrôlement reproduise
les méthodes du passé. Les cas de la France, du Sénégal, de l’Angola et
d’ailleurs illustre parfaitement cette hypothèse.

A bien
observer, on se rend compte qu’on est plus dans une opération- marketing dont
le but est de clamer au monde entier : ” il y a eu un enrôlement au
niveau national et à l’extérieur. Par conséquent, tous les ingrédients d’une
bonne élection sont réunis. Prendre pour preuve les missions qui sillonnent
actuellement les pays étrangers sera d’autant plus approprié. Les scènes de
contestation à l’ambassade de Guinée au Sénégal ne suffiront pas à ternir
l’image du processus. Pourtant, des cas de blocages se sont produits loin des
écrans dans d’autres pays.

Si la
situation générale du processus de recensement est un peu partout similaire à
celle de l’étranger, l’opposition guinéenne prendrait de grands risques de
participer aux législatives de février 2020. Elle devrait bien réfléchir pour
savoir quelle option adopter : aller aux législatives dans la
quasi-assurance de perdre ? Revendiquer, comme d’habitude une victoire
qu’elle ne peut avoir dans les circonstances actuelles ?

Cette fois-ci, plus que par le passé, au rythme où vont les choses et à quelques jours de la clôture des opérations d’enrôlement, aucun parti ne peut se faire prévaloir d’un taux élevé de militants ou sympathisant enrôlés. En outre, le scénario mis en place permettrait difficilement à l’opposition de contester les résultats. Une méthode beaucoup plus affinée, réfléchie et extérieurement bien colorée en « recensement transparent » semble avoir été pensée en amont par l’adversaire.

Pour 2020,
il semble avoir s’être penché n’aura sur la manière de gagner par le
recensement des électeurs. Un recensement entamé bien avant celui en cours.

Par
conséquent, s’il gagnait par la manipulation des résultats, fraudait dans les
unes et, vraisemblablement, durant les décomptes, il n’aura plus besoin de la
faire. Si tout se passe comme à l’étranger, le nombre potentiels de votants
recensés le met loin devant. Cela lui donne plus de crédibilité face à la
communauté internationale : notre médecin post-mortem.

Dans la
logique actuelle et au vu des faits déjà dénoncés, le panier de la victoire ne
semble pas pencher du côté des adversaires du régime en place. L’enrôlement des
mineurs constaté dans certaines régions de la Guinée et qui ne serait que la
part visible de l’iceberg, pourrait bien avoir son pendant à l’étranger. D’une
autre manière, avec des pratiques plus abruptes, voit-on.

Dans tous les cas, les échéances électorales qui s’annoncent risquent d’être source d’un double avènement : enfantement des uns et enterrement, politiquement parlant, des autres.

Aux
différents partis de l’opposition de savoir comment s’inscrire dans l’une des
perspectives.


M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France/ lamaranapetty@yahoo.fr




Lettre ouverte : Ne nous laissez pas seuls [Par L. Petty Diallo]


Lettre Ouverte à la Communauté internationale

-Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO)

-Organisation
des Nations-Unies, (ONU)

-Union
Africaine, (UA)

-Organisations
de la Mano River Union et de la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal, (OMVS)

A Messieurs les
présidents :

-En exercice de
l’Union Africaine, Abdel Fattah al-Sissi

-De
la République Française, Emmanuel Macron

-Des Etats-Unis
d’Amérique, Donald Trump


Messieurs les Chefs d’État et Représentants des Organisations Internationales

Cette lettre n’a nullement la prétention de
dire ce qui serait méconnu ou ignoré. Elle se vent en revanche d’être un appel
à la conscience des nations, à leurs dirigeants ou représentants. Elle est un rappel
du passé de la Guinée faite de tumultes souvent dramatiques, parfois tragiques.
  

Une fois de plus, la Guinée renoue avec son
passé fait de violences politiques dans toute leur dimension et, comme à
l’accoutumé, dans l’indifférence totale. Une fois de plus, les Guinéens sont
submergés par les flots menaçants de lendemains incertains mais sûrement
obscurs.

Vos représentants, ambassades, corps consulaires et autres institutions ont sûrement dû, mesdames, messieurs les chefs d’États et représentants des institutions susmentionnées, vous remonter les informations de l’actualité politique guinéenne marquée par des : manifestations, répressions, arrestations, séquestration de leaders politiques, violations de domiciles privées, meurtres, etc.

Au-delà des informations officielles que vous
devriez avoir reçues, les médias guinéens et internationaux relayent la réalité
du terrain.

 Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Depuis lundi 14 octobre 2019, une vague de
violences déferle sur la Guinée à cause de la volonté manifeste ou supposée du
président Alpha Condé d’imposer une nouvelle constitution en violation
flagrante de celle en vigueur. Une constitution qui ne souffre d’aucune
illégitimité car l’expression librement consentie du peuple de Guinée sur
laquelle le président Condé a prêté serment à son élection de 2010 et à sa
réélection de 2015.

Les violences engendrées ces derniers jours, lors de manifestations pacifiques de la société civile et des partis politiques de l’opposition réunis au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), dépassent les bornes. Elles sont en voie de précipiter la Guinée dans le gouffre et aucune limite ne semble se dessiner pour empêcher cette éventualité.

Les conséquences pourraient être
dévastatrices car les prévisions actuelles ne sont pas les plus optimistes. Les
dates des prochaines manifestations sont déjà annoncées et le peuple pourrait
bien répondre massivement alors que la répression coutumière des forces de
l’ordre ne fait l’ombre d’aucun doute.

Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Le temps des hypothèses est dépassé en Guinée. Nul ne peut nier que le pays peut basculer d’un moment à un autre face à un pouvoir répressif qui met en avant l’arrogance à la place du dialogue, une société civile déterminée et légitimée par l’appui populaire.  

Les partis politiques de l’opposition longtemps méprisés et forcés au repli par l’interdiction de toutes manifestations depuis un an, reprennent du poil de la bête. Leur appel au dialogue longtemps ignoré ne leur donne plus aucun crédit de s’asseoir à nouveau sur la table de négociation avec le pouvoir. Le parti politique qui s’y hasarderait risque de perdre tout soutien de la base tant son acte apparaitrait comme une trahison. Face à cette situation, plus le chrono tourne, plus les lendemains s’assombrissent et les positions se durcissent.

D’autre part, les digues ethniques par
lesquelles le pouvoir semblait tenir les Guinéens sont en train de sauter et
plus aucun obstacle ne semble empêcher les populations de manifester leur
opposition à un troisième mandat générateur des conflits actuels. Seulement,
acculé, apparemment dépassé par la réalité, le pouvoir ne veut rien cédé,
encore moins la société civile et les partis d’opposition unis dans un élan de
refus et de revendication.

Les effets sont visibles et malheureusement
guère étonnants : armer les forces de sécurité pour réprimer des
manifestants désarmés est la seule solution que semble trouver le système en
place. En face, retranchés et acculés, ces derniers répondent en se servant de
tout ce qui leur tombe entre les mains.

En outre, les répressions ne se limitent pas
aux lieux de manifestations : les paisibles citoyens sont violentés dans
leur domicile, victimes de brimades, de jets de bombes lacrymogènes et de tirs
à balles réelles. Les meurtres, si ce n’est les assassinats, se multiplient de
jour en jour. On en dénombre neuf (9) morts et d’innombrables blessés. Et la
violence semble monter crescendo à chaque manifestation, veille ou lendemain de
celle-ci. Dès lors, plus aucun citoyen ne se sent en sécurité ni chez lui, ni
travail, au marché ou ailleurs.

Messieurs les chefs d’États et représentants des institutions internationales

Nul n’a besoin de dire que la situation actuelle de la Guinée fait planer le spectre de la guerre civile et, dans une moindre mesure, du retour à un pouvoir qui ne serait pas issu de la volonté populaire.

Aujourd’hui, plus qu’hier, tout guinéen se
pose la question de savoir si sa vie vaut moins que celle d’un autre être
humain. Il se demande s’il compte encore parmi le petit chainon qui constitue
la longue chaine de l’humanité. Il se questionne sur le devenir de son pays et
de l’importance de celui-ci face au destin des autres nations.

Les Guinéens se sentent abandonnés et livrés à un pouvoir qui ne montre aucun état d’âme quant à sa capacité répressive. Un pouvoir impuissant de dialoguer et qui se radicalise au seul motif d’ambition personnelle d’un homme élu par son peuple pour le protéger et non pour le punir, le réprimer ou le faire tuer.

Ce bref rappel de la situation guinéenne et
du sentiment que semble éprouver chaque Guinéen pose un certain nombre de questions.
Cette lettre ouverte qui en est l’objet les décline en quelques points.

 La communauté
internationale :

– Serait-elle si indifférente au sort du
peuple de Guinée pour qu’elle soit aussi inaudible depuis tant de jours de
violences en cours en Guinée ?

-Se serait-elle lassée des efforts antérieurs
qu’elle a fournis, même à minima, face à la situation guinéenne qui
perdure ? 

 -Méconnaitrait-elle
les risques de reproduction sur la Guinée du passé récent de pays limitrophes :
Sierra-Leone, Liberia, Côte-d’Ivoire et, dans une moindre mesure, la
Guinée-Bissau ?

-Serait-elle incapable de paroles franches et
fermes face à un chef d’Etat qui, non seulement viole la charte des
organisations régionale et/ou continentale en matière de durée de mandat et qui
laisse (ou fait) tuer ses concitoyens ?

-Des intérêts partisans sacrifieraient-elles
la vie et la sécurité des populations guinéennes ? Autrement dit, les
richesses minières, halieutiques, forestières et autres du pays valent-elles
mieux que la vie d’un Guinéen ? 

-Ignorerait-elle l’effet domino du
non-respect de la durée du mandat présidentiel (un quinquennat renouvelable une
seule fois) sur la sous-région ouest-africaine ?

-Enfin, serait-elle indifférente aux risques
qu’en court la Guinée face à la menace qui pèse sur la sécurité et la vie des
leaders politiques et du FNDC ?

J’appelle par ces mots à mettre fin aux maux
du peuple de Guinée rongé depuis des décennies par de multiples souffrances.

Il est dur de se sentir seul. Les Guinéens ont de plus en plus le sentiment d’être seuls. Alors, je dis, ne nous laissez pas seuls. Ne nous abandonnez pas au bord du gouffre. La vie de tout peuple, le devenir de toute nation vaut la peine d’être défendue.

Je terminerais en paraphrasant Sir Wilson Churchill : « Donnez aux Guinéens les instruments de la démocratie véritable, ils termineront la tâche ». Je vous remercie.

M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France