22 janvier 2007: chronologie d’une tuerie organisée


Par Sékou Chérif Diallo


Cette image a marqué les esprits. Nous sommes le 22 janvier 2007, une date funeste dans l’histoire de la Guinée. Ce jour-là, une marée humaine envahit pacifiquement les rues de Conakry, scandant un slogan qui résonne encore : “Nous voulons le changement”. Mais la manifestation tourne brutalement à la tragédie. Face à la foule désarmée, les forces de l’ordre ouvrent le feu sans retenue. C’est un massacre.

Dix-sept ans après, ce dramatique événement hante encore la mémoire collective. Les autorités restent silencieuses, laissant les familles des victimes dans l’attente d’une reconnaissance et d’une justice qui ne viennent pas.

A l’heure où la Guinée amorce une transition incertaine, il est plus que jamais nécessaire de faire la lumière sur ces violations des droits de l’Homme, et sur les nombreux autres épisodes sanglants qui ont jalonné l’histoire récente du pays. C’est une question de devoir de mémoire autant que de justice.

Dix-sept ans après cette sanglante répression, il est temps de faire la lumière sur les dramatiques événements survenus en ce début d’année 2007. Retour sur une période tragique dont les blessures peinent à se refermer.

ANNONCE D’UNE GREVE GENERALE

Le 2 janvier 2007, les principales centrales syndicales guinéennes, notamment la CNTG/USTG, l’ONSLG et l’UDTG, déposent un préavis de grève illimitée à compter du 10 janvier. Cette décision fait suite aux nombreuses dérives du régime en place :

  • Ingérences répétées du chef de l’État dans le pouvoir judiciaire, se traduisant par des libérations illégales de citoyens en conflit avec la loi
  • Endettement excessif auprès de la Banque centrale menaçant la stabilité monétaire du pays
  • L’incapacité du gouvernement à arrêter la dépréciation continue du franc guinéen qui aggrave l’inflation et la chute du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier
  • Atteintes répétées aux droits syndicaux et au principe de leur indépendance par rapport au pouvoir politique
  • Dérive autoritaire du président de la République allant à l’encontre de ses devoirs constitutionnels

Face à ces nombreux manquements et à l’indifférence des contre-pouvoirs institutionnels, la société civile guinéenne choisit légitimement la voie de la contestation sociale pour opposer son refus à la dérive du régime.

10 JANVIER : DÉBUT DE LA GREVE

10 janvier : Le mot d’ordre de grève de l’intercentrale CNTG/USTG, élargi à l’ONSLG et à l’UDTG, est largement suivi sur toute l’étendue du territoire national. Les transports urbains et interurbains sont paralysés. Boutiques, magasins, marchés, supermarchés et restaurants sont restés fermés. Les ministères, banques, assurances, entreprises du secteur public et privé, compagnies minières, gares routières sont paralysés. Quelques compagnies aériennes annulent leurs vols en direction de Conakry.

12 janvier : Les leaders de la centrale syndicale sont reçus par le Président de la République. Ce dernier leur demande de lui faire des propositions écrites. Le même jour, vers 20h, des émeutes sont enregistrées sur le tronçon Hamdallaye-Bambeto-Cosa. Des jeunes manifestants, révoltés de voir circuler des taxis et des magbanas, érigent des barricades et lancent des cailloux sur ces véhicules.

13 janvier : Au siège de l’USTG, un comité de réflexion peaufine le document à remettre au Président de la République. Dans l’après-midi, sept jeunes sont arrêtés par les agents de la CMIS au siège du Conseil national des organisations de la société civile à Dixinn Bora. Ils seront libérés vers 1h du matin après plusieurs tractations et négociations entre les forces de l’ordre et les leaders syndicaux.

15 janvier : Le gouverneur de la ville de Conakry, Amadou Camara, interdit la marche pacifique du Conseil national des organisations de la société civile à laquelle avaient adhéré 14 partis politiques de l’opposition. Le même jour, les mouvements de protestation embrassent la commune de Matoto. Vers 17h, la secrétaire générale de la CNTG, Hadja Rabiatou Serah Diallo et le secrétaire général de l’USTG, Ibrahima Fofana, sont reçus pour une deuxième fois par le Président de la République. Les syndicalistes remettent au Président le document de proposition de sortie de crise qu’il leur avait réclamé, lors de la rencontre du vendredi 12 janvier. Quatre points meublent ce document :

  • Premièrement, la mise en place d’un gouvernement de large consensus, dirigé par un chef de gouvernement.
  • Deuxièmement, le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
  • Troisièmement, le soutien du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier.
  • Quatrièmement, l’application intégrale des accords signés entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.

16 janvier : Les turbulences continuent à Conakry et à l’intérieur du pays. Dans la journée, les leaders syndicaux rencontrent les imams à la mosquée Fayçal pour leur remettre le document de proposition de sortie de crise, déposé la veille auprès du Président, et les exhorter à intervenir auprès du chef de l’État.

17 janvier : Dès 10h, une foule de manifestants, avec à leur tête les responsables syndicaux, scandent en chœur « Nous voulons le changement », prennent le départ à la Bourse du travail pour le Palais du peuple. Huit syndicalistes sont arrêtés, puis libérés et conduits à l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, à Kaloum, les forces de l’ordre ont du fil à retordre avec les jeunes manifestants. À 20h, les syndicalistes se rendent au camp Samory Touré pour rencontrer le Général Kerfalla Camara, chef d’état-major de l’armée.

18 janvier : Des violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants sont enregistrés dans la haute banlieue de Conakry, notamment le long de la route Le Prince et au rond-point de Hamdallaye. De nombreux manifestants sont arrêtés.

19 janvier : Le président Lansana Conté limoge le ministre des Affaires présidentielles Fodé Bangoura qui avait fait arrêter Mamadou Sylla.

22 janvier : La grande tuerie. Il est 8h du matin, ce 22 janvier. Les habitants des quartiers de la banlieue de Conakry (Wanindara, Cosa, Bambeto, Dar-es-Salam…), envahissent la route Le Prince. Hamdallaye et Hafia se joignent au mouvement. La première confrontation, au poste de gendarmerie de l’escadron mobile n°2 de Hamdallaye, un agent de la sécurité tire à bout portant sur un jeune manifestant. La première victime est enregistrée. Scandant des slogans demandant le départ du président Lansana Conté, on pouvait entendre : “À bas la dictature ! Nous voulons le changement !”. Dès 11h du matin, toutes les artères des communes de Ratoma et Matoto étaient bondées de manifestants.

Selon une source hospitalière, cette seule journée du lundi 22 janvier avait enregistré plus d’une centaine de morts et 250 blessés.

Selon un rapport publié par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et présenté le 2 mai à la télévision d’État par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Justin Morel Junior, ces événements ont fait 137 morts et 1 667 blessés entre le 22 janvier et le 26 février. Par contre, d’autres sources indépendantes donnent un bilan plus important.

27 janvier : Les syndicats et le gouvernement s’accordent sur la nomination d’un Premier ministre avec le rôle de chef de gouvernement. Les syndicats suspendent la grève générale.

9 février : L’Union européenne, rejointe par la plupart des pays européens, se félicite de l’accord entre les syndicats et le gouvernement et « demande au gouvernement un éclaircissement sans réserve des circonstances de ces décès [pendant les manifestations] et des poursuites judiciaires contre les coupables».

Le même jour, le président Conté nomme Eugène Camara au poste de Premier ministre. Cette nomination d’un proche de Lansana Conté est rejetée par les syndicats et l’opposition dans leur ensemble, qui relancent la grève le 10 février.

11 février : Après l’enregistrement de plus d’une centaine de morts le 22 janvier et après, l’intersyndical exige pour la première fois le départ du pouvoir du président Lansana Conté.

12 février : Le président décrète l’état de siège, impliquant un couvre-feu de 20h à 6h du matin et de 6h à 16h sur l’ensemble du territoire. Toutes les manifestations, cortèges, rassemblements sont interdits. Les forces de l’ordre sont autorisées à arrêter toute personne dont l’activité présente un danger pour la sécurité publique et à mener en tout lieu des perquisitions de jour et de nuit.

16 février : L’Union africaine adopte une résolution condamnant l’usage excessif de la force et demande une enquête indépendante sur les violences.

17 février : Alors que les syndicats ont rompu les négociations, une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, présidée par l’ancien dirigeant nigérian Ibrahim Babangida, arrive à Conakry.

18 février : La période du couvre-feu est désormais de 18h à 6h sur l’ensemble du territoire national. Les organisations de la société civile dénoncent les arrestations de centaines de sympathisants et militants de l’opposition par les forces de police et de gendarmerie.

25 février : Le président Lansana Conté accepte, sous la pression de la CEDEAO, le remplacement du Premier ministre Eugène Camara par une personnalité choisie sur une liste de 4 candidats désignés par les syndicats et la société civile. La grève générale est suspendue.

26 février : Lansana Kouyaté est nommé Premier ministre, chef du gouvernement.

Dix-sept ans après

Les massacres et violences perpétrés en Guinée sont le résultat de décennies d’impunité caractéristique des régimes politiques successifs. Du massacre du 28 septembre 2009 sous la junte militaire de Dadis Camara aux tueries sous Alpha Condé, et celles d’aujourd’hui sous Mamadi Doumbouya, ces crimes restent trop souvent impunis.

Pour honorer la mémoire des victimes et oeuvrer à une véritable réconciliation nationale, il est essentiel de lutter contre l’amnésie collective et de rappeler ces évènements tragiques. Une justice transitionnelle permettrait de reconnaître les souffrances endurées par toutes les victimes de violations des droits de l’Homme depuis l’indépendance du pays.

Seule une approche réparatrice, accordant une juste place à la vérité et à la mémoire, peut panser les plaies du passé et jeter les bases d’un avenir commun apaisé pour le peuple de Guinée.

Plus jamais ça

Pour un devoir de mémoire


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Chronique : avec Kassory, Keïra et Kiridi, vous nous ramenez encore le vieux disque sur les anciens PM ?

Certains guinéens se souviennent et arrêtez maintenant d’insulter notre intelligence.

Les années Lansana Conté ont une telle spécificité et les guinéens ne l’ont pas oublié : les puissants de la République n’étaient pas les premiers ministres (ceux qu’ils appellent aujourd’hui anciens premiers ministres) mais des ministres et ministres conseillers à la présidence.

Tiens tiens ! Vous vous souvenez de Keïra ? C’est l’actuel ministre de la sécurité, comme par hasard, il serait clean comme un bébé qui sort de la maternité. Il était à la présidence sous Lansana Conté. Il suffit de dépoussiérer un tout petit peu nos souvenirs et la vérité sautera aux yeux.

Cette mémoire sélective qu’ils voudraient nous imposer découle d’une mémoire globale et tous les citoyens ne sont pas amnésiques dans ce pays. Et Kassory ? Vous vous souvenez du ministre de l’économie et des finances le plus puissant sous Lansana Conté ? On peut le dire, sans hésitation, le plus puissant de tous les ministres de l’économie et des finances depuis l’indépendance. C’est l’actuel premier ministre de Alpha Condé. Pour avoir un aperçu sur le personnage, je vous recommande les anciens albums de Kill Point (les initiés connaissent très bien cette période trouble, une cacophonie indescriptible au sommet de l’état guinéen).

Et Kiridi ? Ancien ministre de l’administration du territoire sous Lansana Conté et actuel ministre secrétaire général de la présidence. Ils ont tous réussi le test de recyclage sous Alpha Condé. De toute évidence, leurs compétences spécifiques et rares pouvaient encore servir.
Il faut rappeler que Lansana Conté n’a jamais accepté qu’un premier ministre soit très influent. Il suffit de se rappeler du contexte de leur nomination pour comprendre la nature de la collaboration.

Vous vous souvenez des clans au sommet de l’état sous Lansana Conté ? Aucun de ces clans n’avait à sa tête un premier ministre. Les premiers ministres ont plutôt été des victimes de ces différents clans où se mélangeaient des intérêts familiaux, d’acteurs du secteur privé, de sociétés étrangères…

Soulignons cette évidence : les anciens gouvernants qui ont effectivement pillé les ressources de ce pays (s’il y’a eu pillage comme ils le martèlent sans cesse) ne sont pas loin de ceux qui nous saoulent avec ce vieux tube de fabrication d’opinions pour les incultes, les amnésiques, les fragiles qui manquent de séances de musculation intellectuelle pour résister à la manipulation.

Sachez qu’on ne viole pas les règles démocratiques sous prétexte d’empêcher des acteurs politiques (anciens premiers ministres) d’accéder au pouvoir. Il revient au peuple de Guinée de choisir le prochain président de la république après le règne catastrophique de Alpha Condé. Sidya, Dalein, Kouyaté ou un acteur politique de la nouvelle génération (pour un dégagisme intégral), peu importe, c’est au peuple de Guinée de choisir à travers une élection libre et transparente.

Il ne s’agit pas de défendre ces anciens PM mais de dénoncer les justifications fallacieuses avancées par ce régime pour atteindre leurs objectifs.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Quelques grandes dates de l’histoire politique de la Guinée (1958 à 2015)


2 octobre 1958 : Proclamation de l’indépendance de la Guinée. Ahmed Sékou Touré est président.

12 Décembre 1958 : La République de Guinée est admise à l’ONU

1 mars 1960 : La Guinée sort de la zone franc

1965-1976 : Rupture des relations diplomatiques entre la France et la Guinée.

25 sept. /2 oct 1967 : Congrès du Parti démocratique guinéen (PDG). Le socialisme est officiellement proclamé comme voie de développement en Guinée.

22 novembre 1970 : Tentative de débarquement de Portugais et d’exilés guinéens. 92 condamnations à mort sont prononcées lors d’un procès.

24/26 avril 1972 : Congrès du PDG. Sékou Touré est réélu à la présidence du parti. Création d’un poste de Premier ministre confié à Lansana Béavogui.

18 septembre 1973 : Rupture des relations diplomatiques avec le Sénégal.

14 juillet 1975 : Rétablissement des relations diplomatiques avec la France.

27 août 1977 : Révolte des femmes contre le régime de Sékou Touré.

18 mars 1978 : Réconciliation de la Guinée avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

16-20 septembre 1982 : Visite du président Sekou Touré à Paris

Du 16 au 20, Ahmed Sekou Touré, président de la République de Guinée, est à Paris pour une visite officielle qui ne va pas sans créer un certain malaise, en particulier au sein du Parti socialiste français, en raison des violations des droits de l’homme en Guinée. À la veille de sa visite, le président guinéen a en effet confirmé l’exécution de huit détenus politiques mariés à des françaises. Cependant, cette visite a surtout des objectifs économiques et, le 17, au C.N.P.F., ont lieu des discussions concernant l’exploitation des riches gisements guinéens de bauxite, de fer et de phosphate, ainsi que la création d’une industrie électrométallurgique.

26-30 mars 1984 : Mort du président Sékou Touré

Le 26, Ahmed Sékou Touré, chef de l’État guinéen depuis 1958, date de l’accession à l’indépendance, meurt aux États-Unis, après avoir subi une intervention chirurgicale. Il avait eu la veille une crise cardiaque alors qu’il se trouvait en Arabie Saoudite, au cours d’un voyage qu’il effectuait pour préparer le sommet de l’O.U.A. prévu pour le mois de mai à Conakry.

Le 27, Lansana Beavogui, Premier ministre, est nommé chef du gouvernement par intérim.

Le 30, les obsèques du président décédé ont lieu à Conakry en présence de très nombreux chefs d’État étrangers. Pierre Mauroy représente la France.

3-11 avril 1984 : Prise du pouvoir par les militaires

Le 3, un Comité militaire de redressement national (C.M.R.N.) prend le pouvoir en Guinée, une semaine après la mort du président Sékou Touré. Les militaires annoncent la dissolution du Parti démocratique de Guinée (P.D.G.) ainsi que de l’Assemblée nationale, la suspension de la Constitution et s’engagent à créer « les bases d’une véritable démocratie évitant à l’avenir toute dictature personnelle ». Le colonel Lansana Conte, qui préside le C.M.R.M., est nommé chef de l’État.

Le 8, le colonel Lansana Conte tient sa première conférence de presse : il indique que les anciens responsables ne seront pas exécutés mais jugés pour fautes économiques et administratives. Les nouveaux dirigeants sont résolus à faire respecter les droits de l’homme.

Le 11, les grandes lignes de la politique du nouveau régime sont présentées: libéralisation de l’économie, réforme de structures en matière d’éducation et de santé. Le colonel Conte réaffirme l’adhésion de la Guinée aux chartes de l’O.N.U., de l’O.U.A. et du mouvement des Non-Alignés.

19-23 décembre 1993 : Victoire du président Lansana Conté à l’élection présidentielle

Le 19, la première élection présidentielle multipartite se déroule sur fond de violences meurtrières. Repoussée de quinze jours en raison de son impréparation, elle ne satisfait pas l’opposition qui demandait son report au début de l’année 1994.

Le 23, les résultats officiels font état de la victoire du président sortant, le général Lansana Conté, arrivé au pouvoir en avril 1984 à la faveur d’un coup d’État, qui recueille 51,70 p. 100 des suffrages exprimés. Rentré d’exil en mai 1991, Alpha Condé, candidat du Rassemblement du peuple de Guinée, obtient 19,55 p. 100 des voix. Ce dernier conteste la victoire au premier tour du président sortant.

11 juin 1995 : Élections législatives contestées

Le Parti de l’unité et du progrès du président Lansana Conté remporte les premières élections législatives pluralistes de l’histoire du pays, avec 71 sièges sur 114. Dans l’opposition, le Rassemblement du peuple de Guinée d’Alpha Condé obtient 19 élus ; le Parti du renouveau et du progrès de Siradiou Diallo et l’Union pour la nouvelle république de Ba Mamadou ont chacun 9 députés. La validité du scrutin est contestée par les observateurs internationaux et l’opposition qui dénoncent de nombreuses fraudes. En décembre 1993, l’élection du président Conté, au pouvoir depuis le coup d’État de mars 1984, avait rencontré les mêmes critiques.

2-21 février 1996 : Tentative de coup d’État

Le 2, des centaines de militaires manifestent, dans les rues de Conakry, pour obtenir l’augmentation de leur solde et le départ du ministre de la Défense, le colonel Abdourahamane Diallo. La mutinerie qui s’accompagne de pillages se transforme rapidement en tentative de putsch. Les militaires attaquent le palais présidentiel et constituent un Comité de salut national, sur le modèle du Conseil de salut national formé par les putschistes nigériens en janvier.

Le 4, les combats, qui ont fait une cinquantaine de morts, s’apaisent. Le président Lansana Conté confirme le limogeage du colonel Diallo et l’augmentation de la solde qui avaient été annoncés dès le début des troubles.

Le 6, cinq officiers, dont certains auraient déjà été à l’origine d’une précédente tentative de putsch en juin 1994, sont arrêtés.

Le 21, dans une « adresse à la nation », le président Conté distingue les soldats qui revendiquaient une amélioration de leur situation des « fils indignes » qui voulaient prendre le pouvoir. Il accuse sans les nommer certains membres de l’opposition de complicité avec les putschistes. Le chef de l’État n’évoque pas les conclusions de la « commission de réflexion » constituée par l’Assemblée nationale après les troubles, qui préconisent une réforme de l’armée ainsi qu’une concertation entre l’État et les syndicats au sujet de la politique salariale.

14-15 décembre 1998 : Réélection controversée du général Lansana Conté

Le 14, le général Lansana Conté remporte l’élection présidentielle dès le premier tour, avec 56,1 p. 100 des suffrages. Mamadou Bâ, du Parti du renouveau et du progrès, obtient 24,6 p. 100 des voix et Alpha Condé, chef du Rassemblement du peuple de Guinée, 16,9 p. 100. L’opposition, qui avait conclu un accord pour empêcher le président sortant d’être élu au premier tour, dénonce des fraudes. Des irrégularités avaient déjà entaché le premier scrutin présidentiel pluraliste remporté par le général Conté, en décembre 1993.

Le 15, Alpha Condé est arrêté alors qu’il aurait tenté de fuir le pays. Les jours suivants, des manifestants réclament sa libération, à Conakry et dans d’autres villes du pays.

11 septembre 2000 : Condamnation de l’opposant Alpha Condé

La Cour de sûreté de l’État annonce la condamnation de l’opposant Alpha Condé à cinq ans de prison pour atteinte à l’autorité de l’État, au terme d’un procès entamé en avril. Le chef du Rassemblement du peuple de Guinée était jugé pour avoir tenté d’organiser un putsch contre le régime du président Lansana Conté, lors de l’élection présidentielle de décembre 1998 à laquelle il était candidat. Il avait été arrêté avant la proclamation des résultats. Alpha Condé a toujours nié les faits qui lui sont reprochés.

11 novembre 2001 : Renforcement des pouvoirs du président Lansana Conté

La révision constitutionnelle visant à permettre au président Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, de briguer un troisième mandat en 2003 est approuvée par référendum par 98,4 p. 100 des suffrages. L’opposition, qui avait appelé au boycottage du scrutin, conteste les résultats. La limitation du nombre des mandats présidentiels est supprimée, ainsi que la limite d’âge du candidat. En outre, la réforme accroît le pouvoir du chef de l’État face à l’Assemblée nationale.

21 décembre 2003 : Réélection du président Lansana Conté

Lansana Conté, au pouvoir depuis avril 1984, est réélu dès le premier tour avec 95,6 p. 100 des suffrages en dépit de la grave maladie dont il est atteint. En raison du désistement du candidat de l’opposition, qui boycottait le scrutin, le général-président n’était confronté qu’à un seul candidat, inconnu, Mamadou Bhoye Barry, unique élu d’un petit parti.

10-26 janvier 2007 : Crise politique

Le 10, les syndicats lancent un mouvement de grève générale qui est brutalement réprimé. Les jours suivants, les manifestants, qui avançaient des revendications sociales et politiques ponctuelles, en viennent à exiger la démission du président Lansana Conté, qui est gravement malade.

Le 22, l’armée ouvre le feu sur une marche pacifique de manifestants.

Le 26, au terme de deux semaines de crise qui ont fait cinquante-neuf morts, le président Conté accepte de nommer un chef du gouvernement auquel serait déléguée une grande partie de ses prérogatives. Depuis le limogeage du précédent Premier ministre Cellou Diallo, en avril 2006, Lansana Conté assurait aussi les fonctions de chef du gouvernement.

9-26 février 2007 : Nomination d’un Premier ministre de consensus

Le 9, le président Lansana Conté, qui avait accepté en janvier de céder une partie de ses pouvoirs à un Premier ministre, nomme à ce poste un de ses proches, Eugène Camara. Face à cette décision qu’ils considèrent comme une « insulte », les syndicats appellent à la reprise de la grève générale. Les jours suivants, les troubles font des dizaines de morts à Conakry et dans les villes de province.

Le 11, les syndicats réclament pour la première fois la démission du président Conté.

Le 12, ce dernier proclame l’état de siège, qui interdit notamment toute manifestation.

Le 25, alors que l’Assemblée nationale a refusé de prolonger l’état de siège, Lansana Conté accepte de nommer un nouveau Premier ministre de consensus parmi quatre candidats proposés par les syndicats, selon un accord conclu sous l’égide de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. La grève générale est suspendue.

Le 26, l’annonce de la nomination comme Premier ministre de Lansana Kouyaté, un diplomate de carrière, est accueillie par la rue comme une victoire sur le président Conté.

22-29 décembre 2008 : Mort du président Lansana Conté et coup d’État militaire

Le 22, le président Lansana Conté, au pouvoir depuis avril 1984, meurt des suites d’une maladie. Le président de l’Assemblée nationale Aboubacar Somparé doit assurer l’intérim du pouvoir.

Le 23, le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré appelle au calme et charge l’armée de maintenir l’ordre. Cependant, le capitaine Moussa Dadis Camara, responsable de l’approvisionnement en carburant de l’armée, déclarant agir au nom de la lutte contre « la corruption généralisée, l’impunité et l’anarchie » et contre « la situation économique catastrophique », annonce sur les ondes la dissolution du gouvernement, la suspension des institutions et la mise en place d’un Conseil national pour la démocratie et le développement composé de civils et de militaires. Le chef d’état-major, le général Diarra Camara, assure que les mutins sont minoritaires au sein d’une armée très divisée. L’Union africaine, l’O.N.U., l’Union européenne et les États-Unis condamnent la tentative de coup d’État.

Le 24, tandis que les putschistes promettent l’organisation d’élections libres en décembre 2010, le capitaine Camara se proclame président de la République.

Le 25, le Premier ministre et une trentaine de ministres font allégeance au capitaine Camara.

Le 26, le président du Sénégal Abdoulaye Wade appelle à soutenir la junte au pouvoir à Conakry.

Le 29, l’Union africaine suspend la Guinée.

15 janvier 2009 : Formation d’un gouvernement

La junte militaire, appelée Conseil national pour la démocratie et le développement et conduite par le capitaine Moussa Dadis Camara, qui s’est proclamé président de la République le 24 décembre 2008 à la suite d’un coup d’État, présente le nouveau gouvernement. Celui-ci est constitué majoritairement de civils, comme l’a souhaité la communauté internationale qui a fait pression sur la junte. Les États-Unis avaient ainsi suspendu leur aide – à l’exception de l’aide humanitaire – le 6 janvier; et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest avait mis à pied la Guinée, le 10 janvier, « jusqu’à la restauration de l’ordre constitutionnel ». La communauté internationale demande également que des élections soient organisées au plus vite.

28 septembre – 16 octobre 2009 : Répression violente d’une manifestation par la junte militaire

Le 28, à l’appel de l’opposition, plusieurs dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans le stade de Conakry pour manifester contre l’éventuelle candidature à la présidence – élection prévue pour le 31 janvier 2010 – du capitaine Moussa Dadis Camara, arrivé au pouvoir par la force en décembre 2008. Violemment réprimée par l’armée – et notamment par la Garde présidentielle –, la manifestation se solde, selon un bilan officiel, par cinquante-sept morts dont douze personnes tuées par balles, mais, d’après diverses O.N.G., par cent cinquante-sept morts, quelque mille deux cents blessés et de nombreuses arrestations.

Le 29, l’Union africaine condamne fermement la répression et la France annonce la suspension immédiate de sa coopération militaire et le réexamen de son aide bilatérale.

Le 29 également, le capitaine Moussa Dadis Camara rejette la responsabilité du massacre sur le Forum des forces vives de Guinée – groupement de partis d’opposition, de syndicats, et de représentants de la société civile.

Le 1er octobre, Moussa Dadis Camara invite ses opposants au dialogue; la veille, il avait demandé la mise en place d’une « commission d’enquête internationale ».

Le 2, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré est nommé médiateur de la crise guinéenne par le président de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest.

Le 6, l’opposition exige le départ du capitaine Moussa Dadis Camara, la dissolution du Conseil national pour la démocratie et le développement – la junte au pouvoir – et la mise en place d’un organe de transition pour désigner un gouvernement d’union nationale, comme préalable à toute discussion.

Les 12 et 13, le Forum des forces vives de Guinée appelle à deux journées « ville morte » à Conakry afin d’obtenir le départ de la junte au pouvoir.

Le 16, le secrétaire général de l’O.N.U. Ban Ki-moon annonce la création de la commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur les événements du 28 septembre.

3-22 décembre 2009 : Tentative d’assassinat contre le chef de la junte

Le 3, à Conakry, le chef de la junte militaire, le capitaine Moussa Dadis Camara, se fait tirer dessus par son aide de camp, le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, dit « Toumba », au cours d’une fusillade dans une caserne. En tant que chef d’une unité de la garde présidentielle, Toumba est mis en cause par la commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur les viols et les massacres qui ont fait cent cinquante-sept morts le 28 septembre dans le stade de Conakry. Blessé à la tête, le chef de la junte est évacué vers le Maroc, tandis que son aide de camp prend la fuite. L’intérim du pouvoir est assuré par un proche du capitaine Dadis Camara, le ministre de la Défense, le général Sékouba Konaté.

Le 8, le porte-parole du chef de la junte militaire accuse Bernard Kouchner, chef de la diplomatie française et « des services français » d’avoir voulu « préparer un coup d’État en Guinée ». Le Quai d’Orsay dément formellement toute implication.

Le 19, la commission d’enquête de l’O.N.U., mandatée par le secrétaire général Ban Ki-moon, remet au Conseil de sécurité un rapport dans lequel elle qualifie les massacres et violences perpétrées le 28 septembre de « crimes contre l’humanité »; elle en estime responsables le chef de la junte et plusieurs de ses proches. Elle demande que la Cour pénale internationale soit saisie.

Le 22, l’Union européenne durcit sa position à l’encontre de la junte en gelant des avoirs, en annulant un projet d’accord sur la pêche et en interdisant toute fourniture de matériel pouvant servir à la répression interne.

7-18 janvier 2010 : Accord de sortie de crise

Le 7, le général Sékouba Konaté, président par intérim depuis la tentative d’assassinat perpétrée en décembre 2009 contre le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, annonce sa décision de nommer un Premier ministre désigné par l’opposition, qui sera chargé de mettre en place un gouvernement transitoire d’union nationale.

Le 12, le capitaine Dadis Camara quitte le Maroc, où il était soigné, pour le Burkina Faso dont le président, Blaise Compaoré, fait office de médiateur dans la crise guinéenne.

Le 15, Moussa Dadis Camara, le général Konaté et le président Compaoré signent à Ouagadougou un accord qui prévoit le maintien du premier « en convalescence » au Burkina Faso et l’organisation d’une élection présidentielle en Guinée dans six mois.

Le 18, le général Konaté nomme au poste de Premier ministre l’opposant Jean-Marie Doré.

7 novembre – 10 décembre 2010 : Élection d’Alpha Condé à la présidence

Le 7 se déroule le second tour de l’élection présidentielle. Ce scrutin décidé à la suite du coup d’État de décembre 2008, puis reporté après la tentative d’assassinat du chef de la junte Moussa Dadis Camara en décembre 2009, constitue la première élection libre depuis l’indépendance du pays en octobre 1958. Lors du premier tour, le 27 juin, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée, est arrivé en tête avec 44 p. 100 des suffrages, devant l’opposant historique Alpha Condé, chef du Rassemblement du peuple de Guinée, qui a obtenu 18 p. 100 des voix. L’ancien Premier ministre Sidya Touré, chef de l’Union des forces républicaines, a recueilli 13 p. 100 des suffrages.

Le 15, la commission électorale annonce la victoire d’Alpha Condé, avec 52,5 p. 100 des suffrages. Cellou Dalein Diallo refuse d’admettre sa défaite, reprochant à la commission électorale de n’avoir pas examiné tous les recours pour fraude.

Le 17, le président par intérim Sékouba Konaté proclame l’état d’urgence et instaure un couvre-feu afin de contenir les violences meurtrières qui ont suivi l’annonce des résultats.

Le 3 décembre, la Cour suprême confirme l’élection d’Alpha Condé à la tête de l’État.

Le 10, l’état d’urgence est levé.

28-30 septembre 2013 : Tenue des élections législatives dans un contexte tendu

Le 28 se tiennent les premières élections législatives libres depuis 2002, dans un contexte de forte agitation après deux ans de vives tensions pour mettre en place le fichier électoral. Près de 30 formations et 2 000 candidats se disputent les 114 sièges de la Chambre, dont le Rassemblement du peuple de Guinée, le parti du président Alpha Condé qui a été élu en 2010, et l’Union des forces démocratiques de Guinée de Cellou Dalein Diallo, son principal opposant, qui s’est allié avec Sidya Touré, de l’Union des forces républicaines. En juillet, un accord politique avait été trouvé avec l’opposition, qui dénonçait le recensement électoral mais acceptait de participer aux élections si la Commission électorale nationale indépendante était mise sous contrôle.

Le 30, l’opposition dénonce des fraudes dans le processus de décompte et de centralisation des résultats et affirme que le pouvoir prépare un « hold-up électoral ».

11 octobre 2015 : Réélection du président Alpha Condé.

Le président Alpha Condé, candidat du Rassemblement du peuple guinéen, est réélu au premier tour avec 57,9 p. 100 des suffrages. Son principal adversaire Cellou Dalein Diallo, candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée, recueille 31,4 p. 100 des voix. Le taux de participation est de 68,4 p. 100. L’opposition dénonce des fraudes tout en appelant ses partisans au calme.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com