Sur le départ, le président du Niger appelle à ne pas “tripoter” les Constitutions


Afrique


“Fier” de son bilan, Mahamadou Issoufou, 68 ans, qui quitte volontairement le pouvoir à l’issue de ses deux mandats comme président du Niger, se veut “optimiste” pour l’avenir de son pays et du continent, qu’il aimerait voir émerger malgré le jihadisme, la démographique galopante ou la difficile intégration continentale.

Son pays, parmi les plus pauvres du monde, est en proie aux attaques jihadistes récurrentes qui ont fait des centaines de morts. Il a aussi le record mondial de fécondité avec 7,6 enfants par femmes, ce qui entrave le développement d’un pays, marqué de sucroît par les coups d’Etat.

“C’est la première fois depuis 60 ans qu’il y a un passage de témoin d’un président démocratiquement élu vers un autre démocratiquement élu. On est en train d’asseoir une tradition démocratique”, se réjouit-il, à l’issue des deux mandats, maximum prévu par la Constitution.

Il assure ne pas avoir eu à résister aux sirènes d’un troisième mandat, comme certains de ses pairs africains, qui s’accrochent au pouvoir.

“On ne peut pas avoir des institutions fortes en tripotant les Constitutions, en changeant la règle du jeu en cours de jeu. Je ne peux pas m’engager dans l’aventure d’un troisième mandat. Cela aurait affaibli les institutions que nous sommes en train de construire”, souligne-t-il.

Le grand favori de la présidentielle dont le second tour se tiendra le 20 février n’est autre que Mohamed Bazoum, son dauphin et bras droit, qui a bénéficié de l’appareil d’Etat pour sa campagne.

Mahamadou Issoufou balaie les accusations des opposants nigériens qui taxent le pays de “démocrature”, regrettant des interdictions de manifester ou des arrestations fréquentes de militants de la société civile: “La démocratie c’est la liberté et l’ordre”, répond le président. “Il y pas de démocratie sans ordre, de la même manière qu’il n’y a pas de démocratie sans liberté”.

Sur le plan de la lutte contre le jihadisme, il demande une “coalition internationale”, un de ses leitmotiv.

– “L’Afro-pessimisme est derrière nous” –

“Tout le Sahel est infesté. La sécurité est un bien public mondial. Ce qui se passe au Sahel concerne le reste du monde. Si le terrorisme arrive à prendre pied en Afrique, il prendra pied en Europe”, estime M. Issoufou, alors que son pays a subi samedi la plus meurtrière attaque jihadiste contre des civils avec 100 morts.

Le président se fâche quand on évoque les critiques locales à l’égard de la présence des forces étrangères, notamment françaises, au Sahel: “Ce ne sont pas des interventions étrangères ce sont des interventions d’alliés, Nous avons une guerre contre un ennemi. Dans toutes les guerres il y a des alliances”.

Et il dit “s’étonner” que ceux-là même qui critiquent les opérations étrangères “ne dénoncent pas les terroristes”.

Sur le plan économique et social, M. Issoufou, qui a été très actif sur le dossier de la zone de libre échange économique africaine (Zlecaf), croit fermement en l’intégration régionale pour faire “émerger le Niger et le continent”.

“L’Afro-pessimisme est derrière nous”, promet-il, appelant à “des politique ambitieuses (et) l’approfondissement de certaines valeurs notamment démocratiques et des droits de l’homme”.

“La zone de libre échange dont les échanges vont commencer le 1er janvier va créer le marché le plus vaste du monde avec 1,2 milliard de consommateurs”, se réjouit-il.

“Cela mettra fin aux marchés balkanisés que l’Afrique a connus et qui ont été à la base d’échecs de beaucoup de politiques industrielles en raison de marchés trop étroits”.

Mais dans ce nouveau marché promis, “il faut avoir de quoi échanger”, assurant qu'”on a prévu un plan de développement industriel” et “un plan de développement agricole afin que l’Afrique puisse se nourrir”.

– Nécessaire transition démographique –

“Avec l’immensité des terres arables qu’on a, il faut que l’Afrique soit capable de produire son alimentation”, déclare M. Issoufou.

“En ce qui concerne le CFA, nous avons fait des réformes qui montrent notre volonté d’aller vers la monnaie unique. (A terme) je vois une monnaie unique au niveau Cédéao”, pense-t-il en estimant que pour “la monnaie unique africaine il faudra attendre plusieurs décennies”.

Le président est aussi optimiste quant à la démographie de son pays, affirmant qu’il est “sur la bonne voie”.

Le Niger, qui n’avait que 3 millions d’habitants à l’indépendance en 1960, en compte aujourd’hui 23 millions. Avec un taux de croissance annuel de la population de 3,9% par an (record mondial), la population atteindra 70 millions en 2050 si rien ne change.

“Nous avons fait baisser le taux de fécondité. C’est une action de longue haleine (…), nous avons mobilisé les leaders religieux et traditionnels avec des arguments religieux qui justifient la nécessité de la transition démographique”.

“La croissance démographique mange une bonne partie de la croissance économique” de 6 à 7% ces dernières années, ajoute le président qui martèle: “Nous arriverons à maitriser cette croissance exponentielle qui malheureusement rend difficile le progrès rapide du Niger vers l’émergence”.

Parmi les axes prioritaires, “il faut maintenir les jeunes filles à l’école au moins jusqu’à 16 ans afin d’éviter mariages et grossesses précoces”, précise-t-il.

A l’heure du bilan, Issoufou sourit: “Je suis fier de l’ensemble, les promesses que j’ai faites au peuple nigérien je les ai tenues”.

Et la suite? “Jusqu’au 2 avril, je continue d’être au gouvernail mais il n’y a pas de vide, il y a une vie après le pouvoir”.


Cet article est republié à partir de information.tv5monde.com. Lire l’original ici





Seules des élections libres et transparentes peuvent assurer l’avenir démocratique en Afrique (Communiqué)

Présent à Niamey du 1er au 4 octobre 2019, à l’occasion du Sommet sur le « Constitutionnalisme pour la consolidation démocratique en Afrique » organisé par le National Democratic Institute (N.D.I), le mouvement Tournons la page félicite le Président de la République du Niger Mahamadou ISSOUFOU pour son attachement au respect de la limitation des mandats et son engagement à organiser des élections présidentielles de 2021 libres et transparentes. Tournons la Page se félicite de ce que son appel à l’alternance démocratique soit entendu par M. ISSOUFOU après une période de remise en cause de l’espace civique marquée par le harcèlement des militants pro-démocratie. Le chef d’Etat nigérien et les anciens Présidents présents à Niamey doivent continuer de promouvoir le principe d’alternance démocratique, acquis indispensable à la paix et au développement de l’Afrique.

Le mouvement « Tournons la page » prend activement part à ce Sommet de haut-niveau aux côtés de plusieurs anciens Chefs d’Etat dont le Béninois Nicéphore Soglo, le Nigérian Jonathan Goodluck, la Centrafricaine Catherine Samba-Panza et le Nigérien Mahamane Ousmane et aux côtés d’activistes et journalistes africains. Lors de la cérémonie d’ouverture, le Président M.Issoufou  a indiqué que quitter le pouvoir pacifiquement en 2021, à la fin de son second et dernier mandat légal, serait sa plus belle réalisation. Offrir au Niger, sa première passation pacifique du pouvoir entre deux Présidents élus, est en effet un exemple à saluer Alors que le bilan de l’alternance pacifique au pouvoir est mitigé sur le continent africain.

Au-delà de cet engagement, TLP invite le Président à tout faire pour assurer un processus électoral libre et transparent en 2021 car la transition démocratique ne peut reposer que sur la mise en place d’un cadre électoral inclusif et équitable.  Par ailleurs, de la République du Niger en sa qualité de Président en exercice de la CEDEAO et hôte du sommet sur le Constitutionnalisme à de tout faire pour convaincre les autres leaders de la sous-région à se plier à l’exigence démocratique de la limitation des mandats. Le développement de l’actualité politique en Guinée nous oblige à lancer cet appel et rappeler qu’il est encore temps d’agir d’écouter le désir d’alternance démocratique exprimé par le peuple guinéen. Il nous faut insister que le non-respect des dispositions constitutionnelles et le refus d’alternance est une source d’instabilité et de conflits sur un continent déjà trop meurtri par la violence.

Tournons la Page félicite les anciens Chefs d’Etats présents au Sommet pour leurs actes ayant permis des passations de pouvoir pacifiques et démocratiques dans leurs pays respectifs. Notre mouvement les invite plus que jamais à partager leurs expériences aux Chefs d’états qui s’accrochent encore au pouvoir et de leur rappeler qu’une autre vie est possible après la présidence.

Tournons la page est reconnaissant au NDI et aux autres partenaires du sommet pour la tenue de cet événement qui nous a permis de porter encore plus haut les demandes légitimes des jeunes, des femmes, et de tous les citoyens africains pour une Afrique débarrassée des dynasties au pouvoir.

Pour qu’il en soit ainsi, Tournons la page demande aux chefs d’Etats Africains en général et à ceux qui connaissent qui ne se sont pas encore approprié le principe de  l’alternance démocratique en particulier :

  • De renoncer aux changements des constitutions pour se maintenir au pouvoir.
  • De mettre en place des conditions qui permettent l’alternance démocratique en s’abstenant de toutes manœuvres qui pourraient empêcher la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles ;
  • de relancer le dialogue politique véritablement inclusif partout où cela s’impose en dépassant les points de tensions sur les processus électoraux et d’impliquer toutes les parties à s’investir pour des élections sans heurts ;
  • Inciter les citoyens africains, en particulier les jeunes et les femmes, à s’inscrire massivement sur les listes électorales afin que les institutions mises en place puissent bénéficier d’une légitimité forte auprès des populations ;
  • Garantir les libertés fondamentales de toutes les parties prenantes au processus électoral et notamment de la société civile, garante d’un processus électoral de qualité.

En Afrique, comme ailleurs, il n’y a pas de démocratie sans alternance !

 

Tournons La Page est un mouvement citoyen qui entend rassembler le plus largement possible autour d’une vision et des valeurs communes de respect des droits humains fondamentaux et des principes démocratiques.

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