Guinée: les putschistes font bonne mine aux investisseurs

Gouvernance

Republication Alternatives Economiques n°416 – 10/2021


Les exemptions fiscales accordées aux investisseurs miniers privent l’Etat de recettes, estime le Fonds monétaire international. Les nouveaux maîtres du pays n’ont pas prévu d’y remédier.

On ne plaisante pas avec le portefeuille. Après avoir chassé du pouvoir le président Alpha Condé, qui avait été réélu l’an dernier pour un troisième mandat à l’issue d’un coup de force institutionnel, le colonel Mamady Doumbouya et ses hommes se sont efforcés de rassurer la population guinéenne sur leurs intentions démocratiques.

Dans le même souffle, ils ont aussi envoyé un message aux investisseurs du secteur minier : les contrats signés par les précédentes autorités seront respectés. Et pour cause : les ventes de bauxite, d’or et de diamants à l’étranger représentent plus de 80 % des exportations de la Guinée. Et fournissent 30 % des recettes de l’Etat, selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Panique à Pékin

Rompant d’ailleurs de façon spectaculaire avec sa doctrine de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le gouvernement chinois s’est opposé au coup d’Etat le 6 septembre et a appelé à la libération du président Alpha Condé qui s’était rapproché du géant asiatique ces dernières années. De fait, Pékin est aujourd’hui extrêmement dépendant de la Guinée, qui lui fournit près de la moitié de son approvisionnement en bauxite, le minerai qui permet de fabriquer l’aluminium dont la Chine est le premier producteur mondial.

Si la bauxite représente environ 60 % de la production minière guinéenne, devant l’or (34 %), et que le pays détient un tiers des réserves mondiales connues, ce n’est pas le seul minerai dont la Guinée soit riche. Elle possède également le plus grand gisement de fer inexploité de la planète, celui de Simandou. Selon le Fonds monétaire international (FMI), lorsque ce gisement, pour lequel une concession de vingt-cinq ans a été accordée en 2019 à un consortium détenu à 90 % par des intérêts privés singapouriens, chinois et guinéens, sera exploité, le pays pourrait devenir le deuxième exportateur mondial. Mais cela suppose des investissements considérables (voie ferrée, tunnels, ponts…), Simandou étant distant de 650 kilomètres de la côte, point d’expédition vers les marchés étrangers.

Contrats juteux

Pour que les investisseurs continuent à mettre de l’argent dans les mines guinéennes, encore faut-il qu’ils aient confiance dans la stabilité du pays, et surtout des contrats. Des contrats qui, ces dernières années il est vrai, ont été fort avantageux pour les partenaires de la Guinée, souligne le FMI. Alors que le code minier a été réformé en 2013, nombre de dérogations, fiscales surtout, ont été accordées aux investisseurs. Aux yeux du FMI, elles ne se justifient guère, car les concurrents de la Guinée sur le marché de la bauxite n’accordent pas des conditions plus avantageuses et la qualité de son minerai est supérieure à celle de ses rivaux.

Evaluant la gestion publique du secteur minier, l’ONG américaine Natural Resource Governance Institute estime, de son côté, que « le gouvernement pourrait accélérer la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption en rendant opérationnelles la divulgation de la propriété effective des titres miniers et les déclarations des intérêts financiers des personnels de l’Etat dans les entreprises du secteur ». A coup sûr. En attendant, les exemptions fiscales accordées aux investisseurs privent l’Etat de recettes. Si elles étaient réduites, calcule le FMI, cela permettrait de multiplier par quatre le budget du ministère de l’Agriculture, par exemple. Or, l’agriculture emploie 60 % de la population, contre 6,5 % pour le secteur minier industriel, dans un pays qui en 2019 se classait au 178e rang mondial sur 189 pour l’indice du développement humain. Pas tout à fait au sous-sol donc, mais pas loin.


Cet article est republié à partir de alternatives-economiques.fr. Lire l’original ICI.





Kouroussa: les racines et les manifestations du malaise social guinéen


Chronique


Les faits : Le 17 avril 2021, une manifestation éclate dans la ville de Kouroussa. Des orpailleurs revendiquent un site d’exploitation concédé à la société Kouroussa Mining. Bilan : deux morts, plusieurs blessés, la résidence du préfet et le domicile du maire saccagés.

Parti pris. Si les manipulations des communautés et le recours à l’ethno stratégie sont les recettes les plus partagées par les autorités guinéennes, il est toutefois, difficile d’anticiper les réactions des populations guinéennes, même des plus fidèles partisans, quand la misère généralisée semble élire domicile en Guinée depuis l’arrivée au pouvoir d’un certain Alpha Condé. Ces populations de l’intérieur du pays qui payent au plus fort l’errance sans visibilité de la gouvernance actuelle et qui, jusque-là semblent se resigner en attendent la « révolution » venir de Conakry, commencent à cerner les enjeux globaux de la politique et de ses impacts sur le quotidien du citoyen. Cette fois-ci, elles semblent déterminer à jouer leur partition en refusant de se laisser « berner autrement » (en réponse au slogan « Gouverner autrement »). Conscientes de l’illégitimité des autorités issues de la forfaiture du 3ème mandat, les catégories socioprofessionnelles comptent maintenir la pression jusqu’à la satisfaction de leurs revendications sectorielles. Pour ce faire, certaines n’hésitent pas à user du chantage si nécessaire pour faire plier les imposteurs en quête de légitimité.

Quand les populations réclament de l’électricité, le gouvernement et son président augmentent la puissance (en kWh) des promesses avec une aisance consternante dans l’art de mentir sans sourciller. Quand ces mêmes populations réclament des écoles, des hôpitaux, des routes, ils s’empressent d’envoyer des missions de terrain pour le rituel d’enfumage de la « pose de la première pierre » et jamais une deuxième. Quand elles dénoncent la violation des lois de la république, ils répliquent par la violence d’état et s’activent (aidés par une horde de courtisans du net) pour entretenir leur « jardin ethnique fleuri de Alpha », qui est sans doute la seule réussite en 10 ans d’égarement de la république avec une unité nationale qui se fissure chaque jour davantage. Alpha Condé et son parti ont toujours entretenu l’illusion de détenir un bastion politique « imprenable » qui serait la Haute Guinée. Si dans les années 90, cette revendication était légitime et qu’il (Alpha Condé) pouvait continuer depuis la France à faire croire au monde entier qu’il était la seule alternative au régime militaire, il est évident que l’entrée en scène de nouveaux acteurs avec de nouvelles offres politiques depuis le début des années 2000 a été un grand désenchantement pour un parti (RPG) piloté de l’extérieur par une figure vestige du monde d’hier qui a montré ses limites à pouvoir s’adapter à cet environnement nouveau où on assiste sans cesse à l’émergence de nouveaux paradigmes politiques et une nouvelle façon de faire de la politique. Cette région de la Haute Guinée, comme toutes les régions d’ailleurs du pays, sont aujourd’hui des espaces géographiques et politiques partagés où le pluralisme politique est réel car les populations dans leur grande majorité commencent à comprendre les enjeux liés au choix éclairé des dirigeants. Le seul paramètre qui explique la survivance de cette illusion de bastion imprenable est la fraude électorale ou l’art de trafiquer la volonté des populations exprimée dans les urnes. Les populations choisissent et les arbitres électoraux désignent les vainqueurs. D’où ce manque de légitimité dont souffrent les dirigeants du pays et qui est un handicap majeur pour un régime même si les acteurs concernés entretiennent un semblant d’autorité.

Distributeur automatique de promesses

Très généreux en promesses dont la formulation porte en elle-même les germes de la rodomontade politique, le responsable du squat de Sekoutoureya est aujourd’hui rattrapé par cette manipulation à outrance qui est sa marque de fabrique assez désuète d’ailleurs parce qu’elle a fini par décrédibiliser la parole de l’homme d’état qu’il est censé incarner. 

Pour vendre la forfaiture du 3ème mandat, ils n’ont pas hésité de rééditer les mêmes promesses complètement saugrenues de 2010 qui, à force de les radoter, sans gêne et sans résultats observables, sont devenues aujourd’hui des classiques de gags politiques en Afrique. De l’usine de bonbons pour les enfants (qui d’ailleurs attendent toujours le premier bonbon) aux logements sociaux qui sont restés à l’étape « pose de la première pierre », Alpha Condé qui s’est révélé être un distributeur automatique de promesses (DAP) est aujourd’hui la risée des réseaux sociaux pour le caractère risible dans la formulation de ses promesses.

Après 10 ans d’apprentissage à sekoutoureya, l’incohérence dans les choix des politiques publiques, les faibles capacités de mobilisation des ressources et la médiocrité des prestations d’une administration publique nourrie par des théories anachroniques sur la gestion publique ont fini par conforter les sceptiques dans leur position critique sur les qualités très discutables de dirigeant de l’actuel occupant illégal de sekoutoureya.

Pendant toute cette période d’égarement de la république qui semble sans fin (même si des signes apparaissent aujourd’hui et permettent une comparaison avec certains évènements majeurs qui ont abouti à des changements de régime), les populations guinéennes quant à elles, ont été englouti par une coulée de boue politique jamais enregistrée dans le pays. Un torrent de manipulations multidimensionnelles sans précédent a déferlé sur la Guinée réveillant sur son passage les stigmates de la division semée et entretenue au lendemain des indépendances. Des pratiques politiques d’un autre âge refont surface avec un objectif qui est celui d’instaurer la terreur pour contraindre les citoyens à l’obéissance au monarque illégitime.

Détournements de deniers publics et misère des populations

Pourtant, les conséquences de la forfaiture du 3ème mandat étaient prévisibles. Un régime qui a été incapable de mobiliser et de sécuriser des ressources internes et externes en 10 ans pour financer son plan de développement, sera dans l’incapacité de faire tourner une machine d’Etat dans un contexte de réajustement des priorités chez les traditionnels partenaires au développement et chez les « amis » du monarque, affairistes miniers (ceux qui ont tiré le gros lot lors de la foire aux permis d’exploitation minière organisée à huis clos au lendemain de l’accession au pouvoir de Alpha Condé). Au détriment des petits exploitants (orpailleurs), le gouvernement n’hésite pas à vendre tout et n’importe quoi au plus offrant, quitte à sacrifier le développement des collectivités locales pour plusieurs décennies à cause du caractère contraignant des contrats pluriannuels signés par les dirigeants actuels.

Aujourd’hui la corrélation est évidente entre les multiples scandales de détournements de deniers publics et la faible capacité de l’Etat à fournir des services sociaux de base aux populations guinéennes. Plus le scandale financier est important plus la personne présumée coupable reçoit le soutien du gouvernement et en premier lieu Alpha Condé. Et le comble du « Sahara » judiciaire dans ce pays, ils sont capables d’engager une procédure judiciaire contre les lanceurs d’alerte. La diligence avec laquelle la machine judiciaire s’emballe dans ce genre de dossier est tout simplement effarant.

Les évènements de Kouroussa sont la résultante d’une gouvernance économique gangrenée par la corruption et les détournements de deniers publics. Du train de vie ostentatoire des dirigeants du pays, à la misère des populations, les compétences reconnues de manipulateur du monarque illégitime ne suffiront pas à maintenir ces populations dans l’ignorance. L’inégale redistribution des richesses issues du sous-sol guinéen, injustement accaparées par les autorités publiques et leurs « amis » miniers et le manque d’accompagnement des petits exploitants locaux, poussent les populations locales à réclamer de sites d’exploitation et à défendre cette économie de survie pour plusieurs familles.

Le problème est à Sekoutoureya et « la solution est entre nos mains ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




La Guinée, piégée par ses richesses minières


SCAN TV & VIDÉO [LE CHOIX DE LA RÉDACTION]


Entretien avec THOMAS DIETRICH

Extrait Le Média (27 oct. 2020)





[Révélations] Françafrique: Parfum de corruption en Guinée


Un projet français capable de séduire des pontes du CAC 40 pour exploiter une mine de bauxite en Guinée tourne au vinaigre : entre paradis fiscaux et corruption, dictature tropicale et néocolonialisme, récit d’un incroyable scandale, au cœur d’une Françafrique qui ne veut pas mourir.

  • En 2013, un jeune entrepreneur français, Romain Girbal, acquiert de manière douteuse un permis d’exploitation d’un gisement de bauxite en Guinée.   
  • En 2015, Girbal crée en France l’Alliance minière responsable (AMR), qui devait révolutionner le secteur minier par des pratiques éthiques et respectueuses de l’environnement. Le projet a séduit l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, qui a ouvert à Girbal son carnet d’adresses, et lui a permis de faire entrer au capital de l’AMR Anne Lauvergeon ou encore Xavier Niel.
  • Mais très vite, l’entreprise française se montre incapable de lever les fonds nécessaires à l’exploitation de la mine. Elle va alors céder de manière déguisée son gisement à une entreprise à capitaux majoritairement chinois, la Société minière de Boké (SMB). La SMB est cornaquée par des proches du président guinéen, Alpha Condé. De plus, elle pollue allégrement l’environnement et appauvrit les populations locales.   
  • Les bénéfices de la cession du gisement de bauxite, qui se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d’euros (certains parlent même d’un montant total de 171 millions d’euros), se perdent dans les paradis fiscaux. En exclusivité pour l’enquête du Média, Arnaud Montebourg fait part de sa colère et de ses soupçons : d’après lui, cet argent aurait pu enrichir le clan d’Alpha Condé. Un dictateur qui multiplie les violences à l’égard de sa population et se trouve dans le viseur de la Cour Pénale Internationale. 

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Villes minières : question de survie après la fermeture de mines


En Afrique, lorsqu’une mine ferme, elle laisse souvent derrière elle désarroi, pauvreté, chômage et d’importants problèmes sociaux.


Tel est le constat de chercheurs de plusieurs pays lors d’une récente rencontre à Fria (Guinée) sur l’avenir des villes minières après la fermeture des mines.

Selon les participants, les problèmes soulevés par ces fermetures révèlent les limites du modèle minier en vigueur dans plusieurs pays.

La chercheure Bonnie Campbell. Crédit photo: SciDev.Net

La chercheure Bonnie Campbell, spécialiste des industries extractives et directrice sortante du Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société à l’Université du Québec à Montréal, analyse la situation.

Quel est aujourd’hui l’enjeu des fermetures de mines en Afrique?

Tout d’abord les fermetures des mines sont inévitables et elles deviendront de plus en plus fréquentes. De plus, si l’on écoute les témoignages provenant que ce soit de Guinée ou d’Afrique du Sud à titre d’exemples, on apprend que lorsque les opérations cessent, le plus souvent le gouvernement dit ne rien pouvoir faire et la population a l’impression d’être prise en otage.

Concrètement, quels sont les problèmes qui se posent?

Pour expliquer ce phénomène il faut tenir compte du modèle minier qui a été introduit et institutionnalisé en Afrique à travers les réformes successives des réglementations minières au cours des 30 dernières années et qui ont donné lieu à ce qui pourrait s’appeler le “tout minier”. On a misé presque exclusivement sur l’activité minière. Ce qui s’est longtemps traduit par de généreuses mesures d’incitation et dérogations parce que l’idée de base consistait à voir dans l’activité minière un moteur de développement et de réduction de la pauvreté.

Il est aussi aisé de constater que ces réformes et politiques sont mises en place en tenant compte avant tout des besoins des compagnies minières sans forcément intégrer le développement national ou local à long terme. Pendant longtemps, il y avait aussi très peu de considération pour les impacts environnementaux et sociaux des activités minières. Ce modèle voyait dans l’industrie minière le propriétaire et l’opérateur des activités. Ce qui a entraîné un retrait et parfois une absence sélective des États de la gestion du secteur, laissant la place à l’investissement privé. Ceci a eu pour conséquence un certain transfert des fonctions publiques (services, routes, sécurité, etc.) vers les acteurs privés.

Du coup lorsque les mines ferment, l’absence de l’État se fait sentir durement. Souvent, les populations perdent l’accès à l’eau, à l’électricité et aux services sociaux parce que tout cela était fourni par la mine. De plus, elles subissent souvent les impacts environnementaux non maîtrisés pendant la vie de la mine. Les fermetures de mines sont en quelque sorte révélatrices des limites du modèle minier en place. Et ce n’est pas l’apanage de l’Afrique.

Quelles solutions sont-elles envisageables face à ce problème?

Depuis plus d’une dizaine d’années en Afrique, chercheurs et décideurs travaillent ensemble et notamment à la Commission économique pour l’Afrique, pour contribuer au renouvellement de la réflexion sur les politiques et stratégies dans le domaine minier. Ainsi, notons l’adoption en 2009 par l’Union africaine de la Vision minière africaine qui est un appel à la transformation majeure du rôle et de la place du secteur dans le développement en Afrique. Une de ses idées-clés est que les activités d’exploitation minière devraient contribuer à un processus entretenu de transformation structurelle des sociétés en créant des liens intersectoriels en amont et en aval, afin de réduire la dépendance des communautés vis-à-vis d’un seul secteur. Si l’activité minière ne suscite pas ce type de résultat, il est recommandé de laisser le minerai dans la terre jusqu’au moment où de telles conditions seront réunies.

Bref, il s’agit d’abandonner l’ancien modèle minier mono-sectoriel, extraverti et colonial, en faveur d’un nouveau qui prend en compte les activités de développement de façon plus générale. Un tel renouvellement implique de mettre au premier plan les pouvoirs publics pour impulser les changements nécessaires et pour qu’ils soient des acteurs de la livraison des services; question d’être certain qu’en cas de fermeture des mines, les populations ne seront pas privées des services essentiels.

Quelle est la place de la recherche dans cette dynamique?

Entre autres, la recherche peut analyser des perspectives comparatives et permettre aux pays d’apprendre des autres cas de fermeture afin de prévoir et amortir les impacts négatifs qui accompagneraient le phénomène là où il ne s’est pas encore produit et surtout de tirer exemple des meilleures pratiques mises en place ailleurs. Nous pouvons aussi aider à la création de bases de données pour comprendre ce qui se passe sur le terrain.

Cet article a été publié pour la première fois le 04/01/18 sur le site scidev.net





L’apport du secteur minier au développement économique de la Guinée


Une étude publiée en mars 2011 intitulée « Les enjeux de la gouvernance du secteur minier en Guinée ». Avec un mandat de la coopération internationale allemande de faire un état des lieux sur les enjeux de la gouvernance du secteur minier en identifiant des pistes pour une assistance à l’Etat et aux institutions non étatiques dans le domaine de la bonne gouvernance dans le secteur, les auteurs de l’étude ont développé un aspect important dans le contexte guinéen qui est l’apport du secteur minier au développement économique.


La rédaction de guineepolitique dans sa rubrique « Rapports » a jugé nécessaire d’extraire cette partie du rapport pour une large diffusion. Il faudrait cependant replacer les données dans leur contexte.


Le poids du secteur minier dans le développement économique peut être analysé d’une part au niveau national à travers les ressources mobilisées par l’Etat et injectées dans le développement et d’autre part à partir des ressources fiscales locales et philanthropiques mobilisées et investies dans le développement communautaire.

L’apport du secteur aux finances publiques

En moyenne, les recettes minières ont représenté 21,94% des recettes globales de l’Etat sur les 10 dernières années. Le graphique ci-dessous montre que les recettes minières ont été maintenues à un niveau acceptable entre 2000 et 2001 (moyenne de 24%). Entre 2002 et 2004, le niveau s’est fortement détérioré pour se retrouver à un plancher de 14,04% en 2003. Par la suite le taux s’est fortement amélioré et c’est ce qui s’est traduit par un pic de 27,97% en 2006 et il s’en est suivi une tendance à la baisse jusqu’en 2009.

Il apparaît clairement que l’Etat n’a pu profiter entièrement des avantages financiers du secteur minier en raison de la nature des accords conclus avec les sociétés minières. Les recettes fiscales générées par le secteur ont sensiblement diminué durant les trois premières années de la décennie alors qu’elles étaient de l’ordre de 40% dans les années 90. Ce déclin est la résultante de l’allègement de la taxation du secteur minier après l’adoption du code minier de 1995 dont l’objet était de libéraliser le secteur. Ainsi, le niveau actuel d’imposition et de réglementation est déterminé par une approche cas par cas. Le code minier n’est utilisé que comme une référence. Toutes les conventions qui ont été négociées dans la décennie 2000 ont été réalisées sur une base ad hoc souvent avec des acteurs pas toujours imprégnés du secteur. En outre, dans certains cas les régimes d’imposition ont changé considérablement sur une base provisoire ou ad hoc, alors que les conventions existantes étaient en vigueur. La résultante de ces pratiques est que les conditions d’imposition n’ont jamais été les mêmes pour les sociétés minières. Des changements généralement négociés dans des conditions non transparentes se sont toujours produits.

La conséquence de ces pratiques est, pour le moment, la non-conformité des revenus tirés de l’industrie minière guinéenne aux standards internationalement acceptés. En effet, le taux moyen des recettes de l’Etat par rapport aux exportations minières sur les 10 dernières années est de 12,47% (voir graphique ci-dessous). Les revenus miniers représentent 21,94% des revenus globaux de l’Etat, en dessus du taux des mines par rapport au PIB (5,2%). De manière notoire ces taux cachent une performance faible et une décroissance de la capacité de taxation de l’Etat.

Parmi les six sociétés minières actuellement en activité en Guinée, une seule la CBG, avec une participation étatique de 49%, paie environ 85% du total des revenus miniers que l’Etat perçoit. Les autres sociétés versent des impôts et taxes qui représentent en moyenne entre 3 et 5% de leurs ventes brutes. Cette situation constitue un problème réel et résulte d’une mauvaise gestion du secteur qui a prévalu durant les 10 dernières années. Ainsi, les revenus sont largement en deçà de la moyenne internationale de 15%.

Certaines sociétés minières sont soupçonnées de manipulations comptables pour dissimuler leurs bénéfices réels. Ces faits sont souvent combinés avec le transfert injuste de prix qui est souvent pratiqué dans la chaine de valeur de la bauxite. Car, les groupes miniers qui opèrent dans ce secteur sont aussi les leaders mondiaux dans la chaine bauxite-alumine-aluminium. Ainsi, ils transfèrent des coûts entre les éléments de la chaine de valeur et font apparaître des profits là, où la fiscalité est plus souple. Pour le moment l’Etat guinéen ne dispose pas des ressources humaines nécessaires pour lui permettre de maîtriser les coûts de production réels des sociétés minières et de déceler ainsi ces pratiques. Les solutions doivent comporter la relecture du code minier, la mise en place de la réglementation requise et le renforcement des capacités du MEF et du MMG pour qu’ils jouent efficacement leurs rôles autant lors des négociations que lors du contrôle et du suivi des opérations.

Par l’intermédiaire des recettes budgétaires de l’Etat, le secteur minier assure l’équivalent de 15,88% des dépenses pro-pauvres (santé, éducation, eau potable, développement des infrastructures et autres secteurs prioritaires). Ce niveau des dépenses est largement en deçà des standards de la sous-région de 40%.

L’apport au développement socioéconomique des zones minières

Avant d’analyser les interventions des différents acteurs dans le développement communautaire au niveau des zones minières, il est important de se pencher sur l’existence d’une stratégie nationale.

Stratégie de développement économique durable des zones minières

Actuellement la seule stratégie nationale de développement communautaire qui est considérée comme une politique nationale est l’approche développée par le Programme d’Appui au Communautés Villageoises (PACV). Elle est orientée sur le déroulement d’un processus de planification participative qui permet à la communauté d’élaborer son Plan de Développement Local (PDL) et un Plan d’Investissement Annuel (PIA) dont la mise en oeuvre relève exclusivement de la responsabilité du Conseil Communal. L’aspect le plus important pour cette approche est l’apprentissage de la maîtrise d’ouvrage et de la maitrise d’oeuvre exercée par les structures communales et les liens de redevabilité entre ces structures et les communautés locales. Cette approche a été mise en oeuvre par le PACV lors de la phase pilote et durant les deux phases de mise en oeuvre (PACV 1 et 2), et les résultats ont été assez éloquents.

Lors de la conception de la deuxième phase du PACV, des réflexions assez poussées ont été entamées quant à la possibilité de mettre en place un deuxième guichet pour financer les activités économiques locales dont les porteurs sont les acteurs dynamiques économiques privées (activités agropastorales, petites transformations, autres activités génératrices de revenus etc.). Cette ouverture du PACV à la prise en charge du développement économique local a nécessité la révision du schéma institutionnel avec l’introduction des départements ministériels en charge des activités agropastorales à travers leurs démembrements au niveau régional et préfectoral en vue d’appuyer et d’accompagner la demande du guichet productif émanant essentiellement des organisations agropastorales. La complexité de la mise en oeuvre de ce nouveau mécanisme, utilisant les structures de gestion de la commune, a amené le gouvernement et les principaux bailleurs de fonds à abandonner cette ouverture du Programme aux activités économiques.

La même problématique de promotion d’un développement durable se pose avec acuité au niveau des zones minières. Même s’il reste évident que les besoins en infrastructures sociocommunautaires (écoles, postes et centres de santé) restent assez importants, la présence de la société minière s’accompagne avec l’apparition d’autres besoins (aménagement et développement urbain, gestion de l’environnement, création d’emplois, développement de petites et moyennes entreprises locales pour répondre à des sollicitations de la société minière, développement des activités agropastorales pour répondre aux besoins de consommation urbaine, fermeture de mines etc.). C’est dans ce cadre que le MMG, en partenariat avec la Chambre des Mines de Guinée (CMG) a été appuyé par la Banque Mondiale à travers l’utilisation des fonds CommDev pour réaliser une étude portant sur « le Cadre de Développement Communautaire pour le Secteur Minier en Guinée ». Cette étude a abouti à la proposition d’une approche qui se décompose en cinq phases :

  • Des études référentielles de base favorisant une meilleure connaissance du contexte,
  • Un plan d’engagement multipartenaire décrivant les contraintes, les actions à entreprendre et les engagements de tous les partenaires,
  • Une évaluation de l’impact environnemental et social qui permet d’établir les impacts positifs et négatifs sur les communautés et de préparer un plan de gestion de ces impacts,
  • Un plan d’action de réinstallation des communautés, et
  • Un plan de développement communautaire qui est la synthèse des différentes phases.

A notre avis, la problématique du développement communautaire des zones minières doit être une préoccupation du MMG et du Ministère chargé de la décentralisation. Il ne s’agit pas de créer une direction spécifique qui risque d’être plombée par des entraves bureaucratiques.

La structure idéale serait de créer une Cellule de Coordination d’un Comité Consultatif rattachée au Secrétariat Général du MMG, dont la mission se limite à servir de Secrétariat au Comité en charge du développement économique des zones minières. Ce comité aura la charge, entre autres, de :

  • Réfléchir sur une stratégie nationale de développement des zones minières en se basant sur les stratégies nationales et sectorielles ;
  • Promouvoir la mise en oeuvre de la stratégie lors de la phase développement d’un projet minier ;
  • Promouvoir les approches PPP pour le développement des zones minières ;
  • Appuyer la mise en oeuvre des projets de développement des zones minières ;
  • Renforcer les capacités des structures déconcentrées de l’Etat dans les zones minières pour un meilleur suivi de la mise en oeuvre des projets de développement dans les zones minières ;
  • Assurer le suivi et l’évaluation des projets de développement des zones minières ;
  • Capitaliser les différentes expériences en vue d’améliorer de façon permanente la stratégie.

Pour réaliser ces différentes activités, le comité sera présidé par le Secrétaire Général du MMG et sera composé de la CMG, des directeurs nationaux des structures du MMG qui sont impliquées dans cette problématique (DNM et le CPDM), de la Direction Nationale de la Décentralisation (DND), de la Direction Nationale du Développement Local (DNDL), de la Direction Nationale de l’Environnement (DNE), de la Direction Nationale de l’Urbanisme (DNU) et de la Direction Nationale du Budget (DNB).

La base de réflexion pour la stratégie et l’approche de développement communautaire sera celle du PACV. La mission du Comité sera de l’adapter aux besoins spécifiques des zones, notamment dans les domaines suivants : aménagement et développement urbain, gestion de l’environnement, création d’emploi, développement de petites et moyennes entreprises (PME) locales pour répondre à des sollicitations de la société minière, développement des activités agropastorales pour répondre aux besoins de consommation urbaine et fermeture de mines. Ce qui implique que l’approche en matière de formulation de la demande sera de type participatif et le PDL sera aussi l’outil de planification pour la mise en oeuvre des activités. Cela nécessite aussi qu’en plus des approches participatives classiques, des approches thématiques visant l’identification des besoins spécifiques soient réalisées pour permettre à la collectivité de disposer d’un PDL global.

Les ONGs internationales et locales qui disposent de réelles capacités dans la mise en oeuvre des projets et programmes de développement communautaire seront sollicitées pour la maîtrise d’oeuvre et la réalisation des activités.

Contribution du secteur au développement communautaire

A défaut d’une stratégie nationale de développement des zones minières, les sociétés et les acteurs locaux ont développé des approches assez variées pour appuyer le développement de leurs zones d’intervention. Trois types d’interventions ont été recensés : les interventions par le biais de l’administration locale, les approches projets et les interventions directes qui sont proches du philanthropisme.

 Interventions par le biais de l’administration locale

Cette approche consistait à verser chaque année un montant déterminé à la structure administrative qui assure la tutelle (région ou préfecture) sur une base contractuelle (convention minière) ou sur la base d’une entente entre la société minière et l’Etat. Cette structure est chargée de répartir ce montant aux autres collectivités territoriales (préfectures et CRD) suivant des clefs de répartition qui ne répondent pas nécessairement à une logique prédéfinie.

C’est cette situation qui a prévalu dans la préfecture de Boké avec la CBG de 1987 à 1998 et dans les deux sites miniers gérés par Rusal (Rusal / Friguia à Fria et Rusal / Débélé à Kindia).

Cette approche est actuellement dénoncée par les organisations de la société civile et les collectivités locales des zones d’intervention. Car, ceux-ci ne disposent d’aucune information sur les critères qui permettent de fixer les montants (Fria et Kindia) et sur les critères de répartition des montants entre l’administration préfectorale et les collectivités locales. Or, ces dernières sont les plus touchées par les effets négatifs des activités minières. C’est aussi le cas de la CRD de Sangarédi qui reçoit moins de 17,5% des 200 millions GNF versés chaque année par la CBG, alors que toutes les activités d’extraction se déroulent sur son sol.

A Fria et Kindia, cette forme de gestion de la contribution au développement local sur laquelle l’Etat a une grande responsabilité a toujours entrainé une frustration des communautés et conduit souvent aux blocages des carrières d’extraction ou à des soulèvements comme ce fut le cas, en 2009, de la mine de Débélé et qui s’est soldé par des pertes en vies humaines.

Approches projets

Dans le but de prévenir une situation conflictuelle qui risque de porter atteinte aux activités des sociétés minières, des projets de développement communautaire ont été initiés au niveau de quatre sites miniers :

  • A Siguiri avec la SAG,
  • Dans la préfecture de Boké avec Rio Tinto / Alcan et l’AFD pour un projet de construction d’une usine d’alumine,
  • A Beyla avec Simfer (Rio Tinto) et
  • A Kouroussa avec la SEMAFO.

Ces projets ont utilisé l’approche participative dans le processus d’identification des actions à réaliser. La différence entre ces quatre se situe au niveau de l’ancrage institutionnel pour la mise en oeuvre des actions. Dans le projet Rio Tinto / Alcan avec AFD qui intervient au niveau des trois CRD de Kolaboui, Kamsar et Sangarédi, c’est l’approche PACV qui est mise en oeuvre. La maîtrise d’ouvrage pour la réalisation des activités est assurée par la CRD qui

utilise son Fonds d’Investissement Local (FIL) alimenté par elle-même (quote-part de la CRD) et les bailleurs fonds (Rio Tinto, Alcan et l’AFD) avec l’appui technique du CECI en qualité de maîtrise d’oeuvre. Il en est de même au niveau de la SEMAFO qui verse la contribution locale au développement local au Programme de Développement Local en Guinée (programme du PNUD / FENU) qui utilise la même approche que le PACV.

A Siguiri et Beyla, les sociétés minières utilisent une approche plus ou moins similaire. Il s’agit de s’appuyer sur des comités locaux de développement pour la sélection des projets devant être financés par les fonds affectés au développement communautaire. A Siguiri, la SAG et les autres acteurs locaux se sont basés sur une structure légale prévue par les textes sur la décentralisation : le Comité Préfectoral de Développement (CPD), présidé par le Préfet et composé des Présidents des CRD et le Maire de la CU, des responsables des structures déconcentrées de l’Administration, des représentants de la société minière et des représentants de la société civile locale. Au niveau de Beyla, le Comité est composé uniquement des Présidents des CRD, des représentants de la société civile et ceux de la société minière. Sur le plan financier, les ressources sont gérées par la société minière dans les deux sites et les décaissements sont faits sur présentation de factures de prestations accompagnées d’une demande émanant des comités de sélection. Il est important de signaler qu’à Beyla, Rio Tinto décaisse des fonds provenant de sa fondation (Simfer / Simandou est à l’état de projet) et qu’à Siguiri les fonds proviennent des 0,4% du chiffre d’affaires qui constituent la contribution au développement local.

Sur le plan technique, ces deux initiatives sont soutenues par des opérateurs externes : Le CECI à Siguiri et le Bureau d’Entraide pour le Développement (BED) à Beyla, ceci en qualité de maîtrise d’oeuvre. La mission de ces prestataires est de former les acteurs locaux membres des comités pour qu’ils maîtrisent le processus de sélection et de mise en oeuvre des projets. Le constat global est que, tant que les prestataires assument cette mission, la transparence est toujours assurée. Ce qui n’est pas toujours le cas à la fin du contrat de l’opérateur. C’est le cas qui est actuellement observé dans la gestion de la contribution au développement local au niveau de Siguiri.

Interventions directes 

En plus de ces deux types d’intervention, toutes les sociétés minières investissent des fonds assez importants provenant généralement des fondations dans le développement communautaire de leurs zones d’intervention. L’objet de ces fonds dénommés « licence sociale » servent généralement à apaiser le climat social dans leur zone d’intervention et sécuriser les importants investissements réalisés et l’exploitation. Ces financements sont souvent réalisés sur la base d’une demande provenant des associations de jeunes ou des ressortissants et ciblent pour la plupart des cas la construction d’infrastructures culturelles, sanitaires, scolaires ou la réalisation de forages ou des puits améliorés. Il arrive aussi souvent que ces ressources servent à financer des activités génératrices de revenus au profit des associations féminines.

Ces types d’interventions viennent souvent compléter les deux autres types cités ci-dessus dans la plus part des sites miniers. Il est nécessaire de signaler que sur les sites de Rusal, ces pratiques sont très courantes. Malheureusement, les infrastructures réalisées ne correspondent pas toujours avec les besoins réels des communautés des zones d’extraction.

L’appropriation de ces types de projets par les communautés n’est toujours pas évidente. Car dans la plupart des cas, les bénéficiaires ne participent pas à la réalisation. Ce sont les sociétés minières qui engagent et suivent tout le processus de réalisation. Ainsi, il est fréquent d’observer le fait que les promoteurs se retournent vers la société minière en cas de dégradation de l’infrastructure ou de pannes des équipements.

Autres interventions des sociétés minières

Dans le but de mieux apaiser le climat qui prévaut dans sa zone d’intervention et pour répondre à une demande sociale croissante, la CBG a lancé un projet pilote assez innovateur de promotion de petites entreprises créées par les jeunes formés dans les écoles professionnelles. Ce projet dénommé « Projet Pilote Promotion des TPE (Toutes Petites Entreprises) » a comme objectif général la réduction de façon significative du chômage des jeunes garçons et filles dans les CRD de Kamsar, Kolaboui et Sangarédi. De façon spécifique, il s’agit de :

  • Réduire le chômage des jeunes par le biais de la facilitation à l’accès à la sous-traitance locale de la CBG,
  • Promouvoir l’entreprenariat féminin en offrant des opportunités de revenus aux femmes et
  • Contribuer à l’éclosion et au développement d’un tissu de PME locales pouvant offrir des prestations de qualité à la CBG et aux futures sociétés industrielles.

C’est dans ce cadre que des corps de métiers correspondant aux besoins locaux de la société minière dans des domaines comme l’entretien, la petite maintenance et l’assainissement ont été sélectionnés. Ce projet cible à impliquer les jeunes à travers leurs entreprises dans les activités de la société minière. Cette approche a des avantages certains pour la société car elle permet d’abaisser les coûts des sous-traitants locaux et permet aussi de lutter contre le chômage.

Actuellement l’expérience vient juste de démarrer. Elle paraît intéressante et les responsables de la société minière ont déjà identifié certaines contraintes comme la faible capacité des promoteurs en management et dans les domaines techniques (gestion de la qualité, respect des normes de sécurité etc.). Dans le domaine technique, la société dispose des ressources humaines pour assurer une meilleure qualification des dirigeants des TPE. C’est dans les domaines liés au management comme l’esprit d’entreprise, la gestion administrative, la gestion comptable et financière, etc., qu’elle souhaite l’appui des bailleurs de fonds institutionnelles.

Dans le même ordre d’idées, lors de la formulation de la deuxième phase du Programme de Développement Local en Haute Guinée (PDLG II), un protocole de partenariat avait été signé avec la SEMAFO qui avait décidé de mettre en place une ligne de crédit auprès d’une institution de micro finance en vue d’appuyer les projets des dynamiques économiques de la CRD de Kiniéro (groupements de producteurs et productrices, entreprises rurales, etc.).

L’identification, la formalisation et le renforcement des capacités des bénéficiaires devait être assurés par le PDLG avec les fonds du PNUD. Mais ce processus n’a pas été mise en oeuvre en raison des problèmes liés au fonctionnement du PDLG : contexte politique et retards dans la mise en oeuvre de l’outil d’analyse du FENU, à savoir du Système d’Analyse Institutionnelle et Financière des Collectivités Locales (SAFIC). Actuellement, la disponibilité de la Direction Générale de la SEMAFO de mettre en oeuvre son projet est toujours d’actualité, car l’objectif ciblée est de mieux insérer les entreprises rurales spécialisées dans la production de produits agricoles dans le secteur des BTP et l’assainissement dans les chaînes de valeur. Mais c’est l’appui d’une institution professionnelle pour accompagner ce processus qui fait toujours défaut. Histoire à suivre.

Impacts et contraintes liés aux interventions dans le développement communautaire

Les effets des interventions des sociétés minières dans le développement communautaire sont assez variés. Ils dépendent surtout du type d’intervention.

Impacts des interventions dans la lutte contre la pauvreté

Les interventions par le biais de l’administration publique ont des effets limités dans le développement économique des communautés locales et notamment dans la lutte contre la pauvreté.

Généralement, elles sont caractérisées par des pratiques de mal gouvernance qui affectent la répartition des fonds entre les différentes circonscriptions administratives et la gestion des fonds au niveau de chaque collectivité territoriale. Les autorités régionales ou préfectorales, qui ne sont que des représentants de l’Etat au niveau de la circonscription administrative concernée (région ou préfecture), s’attribuent la part la plus importante (entre 40% et 47% en moyenne des fonds versés), alors qu’il est rare qu’elles investissent ces sommes dans une infrastructure collective. Par contre, les collectivités locales qui abritent les installations de la société minière et les autres se partagent le reste des fonds. Il n’est pas possible d’obtenir des explications sur les critères de répartition des ressources au niveau de la société minière et de l’administration locale, Il a été aussi constaté que la capacité de gestion des autorités locales est faible. Généralement, elles cherchent à faire valoir un minimum de transparence en respectant certaines procédures du code des collectivités locales (convocation du Conseil Communal pour décider de la priorisation des investissements etc.). La situation qui prévaut dans les collectivités des zones d’extraction se comprend d’autant plus étant donné que le seul programme national de développement communautaire qui existe en Guinée, le PACV avait exclu de sa zone d’intervention les zones minières. Ceci avec comme argument l’existence de ressources assez importantes par rapport aux autres collectivités locales. Par conséquent et contrairement à celles qui ont été appuyées par le PAVC, les structures de gestion des collectivités des zones minières n’ont pas bénéficié des formations dans certains domaines clés comme : i) la gestion administrative et financière d’une collectivité locale, ii) les procédures de passation de marchés au niveau communautaire et iii) la gestion des infrastructures communautaires. Ceci dit, on peut bien comprendre que les pratiques de mal gouvernance rencontrées dans les collectivités locales des zones d’extraction relèvent aussi bien de l’analphabétisme assez élevé que de la méconnaissance des textes et règlements qui régissent la décentralisation.

Les interventions directes réalisées par les sociétés minières sous la forme de financements philanthropiques n’ont que des effets limités dans la lutte contre la pauvreté. Les infrastructures réalisées par ces types de financements ciblent particulièrement les jeunes et les femmes. L’objectif de ces actions n’est pas d’assurer le développement durable des zones d’extraction, mais il s’agit plutôt de chercher à se prémunir des éventuels soulèvements sociaux dans lesquels les jeunes jouent un rôle primordial.

Par contre, les interventions dans le développement communautaire des zones d’extraction portées par les projets et programmes ont des effets positifs dans la lutte contre la pauvreté. Leurs approches pour la détermination de la demande permettent d’impliquer les bénéficiaires dans tout le processus (identification, planification, mobilisation des ressources, mise en oeuvre, suivi et évaluation). Cette démarche permet aux communautés des zones d’extraction de résoudre leurs contraintes et d’améliorer leurs conditions de vie.

Contraintes des interventions

A la suite de l’analyse ci-dessus portant sur les interventions des sociétés minières dans le développement communautaire et leur capacité à promouvoir la lutte contre la pauvreté, des contraintes ont été mises en évidence. Les plus importantes sont : i) l’absence d’une stratégie nationale de développement des zones minières, ii) l’opacité de la gestion des ressources destinées à financer le développement des collectivités locales, iii) la faible implication des organisations de la société civile dans la gestion des ressources locales, iv) le faible niveau de la concertation entre les sociétés minières et les communautés, v) la faible capacité en management des structures de gestion des collectivités et vi) l’absence d’une stratégie dynamique des sociétés minières de promouvoir les entreprises locales dans leurs chaînes de valeur.

Absence d’une stratégie nationale de développement des zones minières

L’absence d’une stratégie nationale de développement des zones minière capable de promouvoir un développement durable intégré a été notoire. Cette situation a amené de grandes sociétés minières qui disposent d’une ligne de conduite proche des normes et standards internationaux les plus élevés en matière de développement durable à dérouler leur propre approche au niveau de leurs zones d’intervention. C’est le cas de BHP Billiton qui compte intervenir dans l’exploitation du fer du Mont Nimba – un milieu agroécologique disposant d’une biodiversité rare et très fragile – et de Rio Tinto pour l’exploitation d’une partie du Mont Simandou. Cette dernière société, bien qu’elle n’existe qu’à l’état de projet, projette dans le cadre de développement communautaire de s’investir dans tous les secteurs du développement durable de la zone de Beyla : Cet appui vise, entre autres, le développement urbain de la ville de Beyla et de la CRD de Nionsomorodou, le développement agropastoral dans 19 villages de la zone d’intervention et la promotion des PME locales en partenariat avec l’IFC et des institutions de formation et de micro crédit.

Par contre dans les autres sites miniers, chaque société minière déroule son approche suivant les trois types d’intervention décrits ci-dessus. Cette multiplicité dans les approches conduit souvent à des résultats très mitigés. Même celle qui est jugée actuellement la plus appropriée (approche projet) est confrontée à des problèmes de pérennisation. Dès la fin de la période d’assistance technique, le respect des procédures et des pratiques de bonne gouvernance est relégué au second plan.

Opacité de la gestion des ressources destinées à financer le développement des collectivités locales 

La confusion a toujours été entretenue par les problèmes liés à la production des textes d’application du code minier de 1995. Selon l’article 142, « les droits, redevances et taxes cidessus sont répartis entre les budgets de l’Etat, des collectivités locales et du Fonds de Promotion et de Développement Minier. Les taux de répartition sont fixés par arrêté conjoint du Ministre chargé des finances et du Ministre chargé des mines ».

Dans l’esprit d’expliciter l’article 142 du code minier, la note de service N° 0020/MMGE/03 en date du 31 juillet 2003, signé par le Secrétaire Général du MMG, fixe la répartition des taxes minières et celles de l’exploitation des carrières comme suit :

  • Budget national : 20% ;
  • Budget préfectoral : 25% ;
  • Budget CRD : 25% (dont 10% pour le district concerné) ;
  • Fonds Minier : 30%.

Par la suite, l’arrêté conjoint N° A/2007/033/MEDE- MMG/SGG du 29 janvier 2007 fixant les taux de répartition des droits fixes, des taxes et redevances résultant de l’octroi, du renouvellement, de la prorogation, du transfert et/ou de l’amodiation des titres miniers, exclu la collectivité locale de la répartition des droits taxes et redevances payés par les détenteurs de titres miniers. C’est uniquement l’arrêté conjoint N° 3765/MEF/MMG/SGG en date du 10 octobre 2008 fixant les taux et tarifs des droits fixes et taxes et redevances résultant de l’octroi, renouvellement de la prorogation du transfert et l’amodiation de titre minier qui affecte l’intégralité de la taxe superficiaire à la collectivité locale de la zone d’extraction.

Cette situation a favorisé l’installation d’une cacophonie dans la gestion des ressources locales provenant de l’exploitation minière et des carrières. Ainsi, dans chaque région ou préfecture, l’autorité administrative applique les textes qui correspondent à ses intérêts particuliers. Il est important de savoir que les structures de gestion des collectivités territoriales administratives telles que la région administrative et la préfecture sont des démembrements de l’Etat. Par conséquent et conformément à l’esprit de l’article 142 du code minier, elles sont exclues des bénéficiaires des impôts, taxes et redevances payées par les sociétés minières.

Même le recouvrement de la taxe superficiaire pose souvent des problèmes alors qu’elle est réservée à réparer les dommages occasionnées par l’ouverture des puits (recherche), des mines (exploitation) ou des carrières. Selon l’arrêté conjoint N° A/2007/033/MEDEMMG/SGG du 29 janvier 2007, la société minière ou l’exploitant de la carrière doit verser directement le montant de la taxe à la collectivité locale. Dans les zones ou le Président de la CRD ou le Maire dispose d’une forte influence et maîtrise les textes, il arrive à s’imposer et à faire valoir les droits de sa collectivité. Dans les autres cas, c’est la préfecture, par le biais du Chef du Service Préfectoral des Mines et Carrières, qui collecte ces taxes et les répartit en fonction des directives de l’autorité préfectorale.

Faible implication des organisations de la société civile dans les mécanismes de gestion des ressources locales

Elles jouent un double rôle, à savoir : (i) la promotion de la transparence dans la gestion des taxes et redevances minières et (ii) la formation des membres des structures de gestion des collectivités locales dans les domaines de la gouvernance administrative et financière.

Dans le domaine de la promotion de la transparence dans la gestion des taxes et redevances minières, la coalition nationale « Publiez Ce Que Vous Payez » (PCQVP) a installé des antennes dans les zones minières avec comme mission la promotion de la transparence dans la gestion des ressources provenant du secteur minier. Dans certaines zones comme Sangarédi, l’antenne est très dynamique et entretient des relations de partenariat avec le bureau de la CRD et la direction décentralisée de la CBG qui l’utilise dans la sensibilisation des communautés pour une meilleure gestion de l’eau et de l’électricité. Par contre, dans les autres sites miniers, ces antennes ne sont pas encore opérationnelles.

Il a été aussi constaté l’existence de quelques ONG locales qui sont appuyées par le Programme concerté de Renforcement des capacités des Organisations de la société civile et de la Jeunesse Guinéenne (PROJEG). Ces ONG jouent un rôle assez important dans la promotion de la gestion transparente des redevances minières et le renforcement des capacités des membres des structures de gestion des collectivités locales dans des domaines comme la gestion administrative et financière ainsi que la passation des marchés. Mais elles ne sont pas bien structurées.

Faible niveau de concertation entre les sociétés minières et les communautés

La capacité des sociétés minières à prévenir les conflits avec les communautés des zones d’extraction varie d’un site à un autre. Dans certaines zones minières comme Fria, Débélé (Kindia) et Kiniéro (Kouroussa) le niveau de concertation entre les sociétés minières et les communautés est faible. Cela résulte le plus souvent de l’absence d’une politique de communication et d’une certaine méfiance des responsables de la société par rapport aux communautés locales. Ces sociétés pensent que les rencontres avec les communautés risquent de se transformer en tribune destinée à la réclamation d’un certain nombre de doléances. C’est la raison pour laquelle les sociétés ne sont pas très intéressées par ce genre de rencontre.

Par contre, dans d’autres localités comme Siguiri et Sangarédi, l’existence de cadres de concertation entre la société minière, l’engagement de l’administration préfectorale et des responsables des CRD qui représentent les communautés permet de régler les problèmes identifiés et de prévenir d’éventuels conflits. La périodicité des rencontres est fixe- Dès qu’un acteur identifie un problème qui risque de perturber la paix sociale, il a la latitude de convoquer une réunion du cadre de concertation.

Dans certaines localités comme Kiniéro, la situation conflictuelle qui prévaut dans la zone et qui a pris des dimensions inquiétantes (avec des vols et la destruction des équipements de la société minière) est animée et entretenue par des acteurs externes, s’agissant surtout d’hommes d’affaires originaires de la zone, qui instrumentalisent certains acteurs communautaires comme le conseil des sages pour des raisons personnels. C’est pour cette raison qu’il est important, afin de créer un environnement pacifié, d’intégrer les associations des ressortissants dans la concertation car elles jouent un rôle important dans leur milieu d’origine.

Faible capacité en management des structures de gestion des collectivités locales

Malgré les efforts effectués par l’Etat dans le cadre du renouvellement des conseillers communaux, le niveau d’analphabétisme est toujours très élevé dans les collectivités locales des zones minières. La conséquence de cette situation est le fait que c’est dans ces zones où l’on rencontre les conflits entre les sociétés minières et les communautés locales les plus aigus – conflits généralement attisés par des acteurs externes qui manipulent les structures de gestion (conseil des sages ou conseil communautaire) ou les associations des jeunes.

Dans la plupart des collectivités locales des zones minières, il y a peu de membres des structures de gestion des collectivités locales qui ont bénéficié des formations nécessaires dans les différents domaines liés à la gestion communale (gestion administrative et financière, passation de marché etc.). C’est ce qui explique souvent les défaillances constatées dans le faible niveau de mobilisation et de gestion des ressources. Cette spécificité des collectivités locales des zones minières est la conséquence, au moins en partie, de la décision du PACV de ne pas les couvrir. 

Absence d’une stratégie dynamique des sociétés minières de promouvoir les entreprises locales dans la chaîne des valeurs 

Dans certaines sociétés minières comme la CBG et la SEMAFO, il a été constaté une réelle volonté de promouvoir les entreprises locales dans les chaines de valeur de l’industrie extractive. Dans tous les cas, ces expériences ciblent un double objectif. Il s’agit de prévenir les conflits avec les communautés locales dont les jeunes constituent la classe la plus sensible et de réduire le coût de la sous-traitance qui dès fois coûte très cher. C’est dans ce cadre que la CBG a mis en place son projet de promotion des toutes petites entreprises (TPE) et la SEMAFO cherche un appui institutionnel pour développer les organisations de producteurs et les petites entreprises rurales de la CRD de Kiniéro. Même si la première expérience (celle de la CBG) semble être très avancée, toutes les deux sont marquées par l’absence d’une stratégie réelle de développement des PME. Ainsi, le projet de la CBG est déjà confronté à des problèmes liés à la qualification des dirigeants des TPE dans certains domaines comme le contrôle de la qualité et la gestion comptable et financière alors qu’au niveau de la SEMAFO, le projet n’arrive pas à voir le jour.

Toutes ces contraintes qui bloquent l’émergence d’un développement durable intégré dans les zones minières sont les facteurs essentiels qui favorisent la pauvreté des communautés locales dont le corollaire est la persistance d’une situation conflictuelle qui n’est pas profitable à aucun des acteurs. Pour ces raisons, il est important que l’Etat et les sociétés minières conjuguent leurs efforts pour résoudre ces entraves.


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