Démocratie en Afrique: entre transitions inachevées et résurgences autoritaires


Par Sékou Chérif DIALLO


L’Afrique de l’Ouest est confrontée depuis plusieurs années à une recrudescence inquiétante des coups d’État militaires. En 2023 seulement, les dirigeants du Niger et du Gabon ont été renversés par des putschs. Au total, six pays de la région ont vu leur régime déposé par l’armée en seulement quatre ans.

Cette instabilité politique sévère affecte particulièrement des États déjà fragilisés par la menace jihadiste et les crises économiques, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’insurrection islamiste qui déstabilise le Sahel depuis plusieurs années semble avoir catalysé les velléités putschistes de certains hauts gradés.

La Guinée illustre bien les causes profondes de cette résurgence des coups d’État. Avant d’être renversé en 2021, le régime du président Alpha Condé était confronté à une contestation grandissante en raison de la corruption, du népotisme et de la dérive autoritaire du pouvoir.

La Guinée a connu de nombreux coups d’État dans son histoire récente, reflétant l’instabilité politique et le manque de démocratie véritable dans ce pays. Cependant, légitimer ces prises de pouvoir par la force pourrait banaliser des pratiques dangereuses pour les droits humains et le bien-être des citoyens, comme l’ont montré les régimes autoritaires issus des coups d’État de 1984 et 2008.

Depuis les années 1990, une vague de démocratisation a pourtant traversé l’Afrique subsaharienne, rompant avec des décennies de régimes autoritaires hérités des indépendances. Plus de trente ans après le début de ce mouvement historique, il convient de dresser un premier bilan sur les progrès et les limites de la démocratisation en Afrique subsaharienne.

Si des progrès certains sont incontestables, de nombreux observateurs soulignent la fragilité des expériences démocratiques émergentes, régulièrement battues en brèche par des logiques autoritaires persistances. Entre espoirs suscités et résistances constatées, le processus chaotique de démocratisation semble donc loin d’être achevé et irréversible.

Entre avancées indéniables et fragilités persistantes

Sous la pression conjuguée des revendications citoyennes locales et de la communauté internationale, la plupart des régimes africains ont été contraints d’entreprendre des réformes politiques d’ouverture démocratique. Cette période a été marquée par l’adoption de nouvelles constitutions, la légalisation du multipartisme et l’organisation régulière d’élections pluralistes dans la grande majorité des pays du continent.

A première vue, ces changements peuvent apparaître comme les signes tangibles d’une transition démocratique profonde. Pourtant, de nombreux analystes politiques soulignent les importants revers qui sont venus tempérer ces avancées prometteuses.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique : succès et résistances”[1], Guèye dresse un bilan nuancé du processus de démocratisation engagé en Afrique depuis le début des années 1990. Il met en lumière des progrès notables mais insiste également sur les fragilités persistantes.

Parmi les succès, l’auteur relève l’adoption de nouvelles constitutions garantissant le pluralisme politique, la reconnaissance de l’opposition et les libertés fondamentales. Bien que ces textes restent parfois contournés dans les faits, leur seule proclamation marque une rupture symbolique avec le monolithisme des régimes précédents. Elle ouvre la voie à une participation légale des opposants aux élections.

De plus, la limitation du nombre de mandats présidentiels désormais inscrite dans la plupart des constitutions, de même que le renforcement des prérogatives des parlements, témoignent d’une volonté d’encadrer l’action politique et de limiter l’arbitraire du pouvoir exécutif. Cette ébauche d’État de droit contraste avec l’autoritarisme des décennies post-indépendances.

Mais le progrès le plus notable demeure l’organisation régulière d’élections pluralistes depuis 1990, avec une crédibilité croissante. L’observation internationale indépendante des scrutins s’est généralisée, renforçant leur légitimité. Surtout, dans plusieurs pays, ces élections ont permis une véritable alternance démocratique au pouvoir.

Ces exemples concrets de sanction électorale de gouvernants en place et de passage pacifique du pouvoir à l’opposition, constituent des avancées décisives. Ils sont le signe tangible d’une démocratisation réelle, au-delà des façades institutionnelles.

Les entraves à la démocratisation de l’Afrique

L’analyse de Guèye (2009) met en lumière des résistances qui fragilisent les expériences démocratiques sur le continent. Il pointe notamment la concentration excessive des pouvoirs entre les mains du président, au détriment du contrôle de l’action gouvernementale par l’opposition. Les modifications récurrentes des constitutions visant à abolir les limites de mandats présidentiels sapent l’enracinement de l’État de droit. Ces révisions ad hoc pour permettre à un chef de l’État sortant de se représenter indéfiniment sont clairement antidémocratiques.

Le présidentialisme autoritaire hérité de la période postcoloniale persiste: dans bien des pays, le chef de l’État conserve des prérogatives étendues lui permettant de contrôler étroitement le jeu politique. Les contre-pouvoirs du parlement et de la justice demeurent souvent limités face à un exécutif dominateur.

Par ailleurs, de nombreux scrutins depuis 1990, malgré un cadre formel multipartite, ont été entachés d’irrégularités suffisamment graves pour en fausser la validité. Fraudes électorales, obstacles aux candidatures d’opposants, pressions sur les électeurs, falsifications des résultats… ces pratiques perdurent et biaisent l’expression démocratique.

Ces dérives alimentent logiquement la contestation virulente des résultats par les perdants et des crises post-électorales parfois violentes comme au Kenya en 2007[2]

Loin de canaliser pacifiquement les antagonismes, les élections deviennent un facteur d’instabilité. Le recours fréquent à des juges politisés pour invalider des résultats contestés sape aussi l’indépendance de la justice.

Plus généralement, la montée de l’abstention traduit une désillusion croissante des citoyens. Les taux de participation chutent, révélant la lassitude face à des scrutins perçus comme de vaines mascarades. Cette « fatigue démocratique » montre que les élections n’ont pas encore acquis de pleine légitimité.

Dans la même veine, Sakpane-Gbati (2011) [3] offre un regard similaire, mettant en lumière une “démocratie à l’africaine” caractérisée par la concentration du pouvoir exécutif, des élections entachées de fraudes, une implantation superficielle des partis, le rôle déstabilisateur des armées, l’absence de véritable débat public, et la persistance de la corruption. Selon lui, ce modèle a apporté des progrès mais doit évoluer pour renforcer l’État de droit et ancrer une réelle culture démocratique.

Un constat largement partagé par Jacquemot (2022), dans son essai “Afrique : La démocratie à l’épreuve”[4], qui dresse un bilan nuancé des processus de démocratisation depuis 1990. Il note que le continent a massivement adopté le système électoral multipartite au cours des 30 dernières années, avec l’organisation de plus de 600 scrutins nationaux depuis 1990. Cette généralisation du vote multipartite témoigne d’une volonté réelle d’instaurer la démocratie à travers des élections libres et transparentes.

Cependant, Jacquemot souligne que de nombreux pays peinent à passer d’une “démocratie procédurale” limitée à l’organisation d’élections, à une “démocratie substantielle” intégrant pleinement les libertés fondamentales. En dépit de la multiplication des scrutins, les institutions démocratiques restent fragiles et l’alternance politique n’est pas garantie.

L’auteur identifie plusieurs résistances qui entravent l’enracinement d’une véritable culture démocratique sur le continent. Tout d’abord, la manipulation des élections est fréquente, à travers des fraudes sur les listes électorales, des entraves aux candidatures d’opposition, ou des falsifications des résultats. Ensuite, les résultats sont souvent contestés et débouchent sur des crises post-électorales. Les mandats des dirigeants ne sont pas toujours respectés, avec des modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. L’abstention croissante traduit aussi une désillusion démocratique des citoyens. Enfin, le retour récurrent des militaires au pouvoir par des coups d’État, comme récemment au Mali ou au Burkina Faso, remet en cause la démocratie électorale.

Au-delà des élections, les libertés fondamentales restent restreintes dans de nombreux pays et la justice manque d’indépendance. La corruption demeure un fléau qui sape les efforts de démocratisation. Cette “démocratie substantielle” tant attendue peine à advenir.

Face à ces limites, de nouvelles formes d’expression politique émergent en dehors des urnes, à travers la société civile et les réseaux sociaux. Jacquemot s’interroge toutefois, sur leur capacité à renouveler l’exercice démocratique.

Par ailleurs, le retour en force des militaires sur la scène politique à travers une série de coups d’État, notamment en Afrique de l’Ouest, sonne comme un sérieux rappel à l’ordre. Ces putschs témoignent d’une persistance de la « vocation politique de l’armée » que l’on croyait révolue.

S’intéressant plus particulièrement à l’Afrique de l’Ouest, Jacquemot (2022) constate le retour des coups d’État militaires. Ces putschs bénéficient souvent d’un large soutien populaire, reflétant la défiance envers les régimes civils en place, jugés corrompus et incompétents. Pour l’auteur, cette reprise en main autoritaire du pouvoir par les armées marque l’échec du modèle de la “démocratie électorale”. Incapables de répondre aux attentes des populations, les régimes civils laissent un vide que les militaires occupent en renversant des dirigeants discrédités. Les putschistes promettent une transition politique et un retour rapide des civils au pouvoir. Mais dans les faits, ils dissolvent les institutions existantes et contrôlent étroitement le processus selon leurs intérêts. Cette mainmise risque de reproduire un cycle infernal de coup d’État-élections-coup d’État, sans enraciner durablement la démocratie.

Enfin, l’auteur nuance l’idée d’un “vote ethnique” systématique sur le continent. Il souligne la complexité de ce phénomène, qui n’est pas toujours déterminant dans les choix électoraux. Pierre Jacquemot constate que l’ethnicité ressort surtout en période de tensions, mais tend à s’estomper avec la modernisation de la société.

Une adoption laborieuse aux racines anciennes

Bien avant la colonisation et l’importation des modèles politiques occidentaux, certaines sociétés précoloniales africaines intégraient des éléments pouvant être rapprochés de pratiques démocratiques modernes : élections de chefs, destitution des dirigeants jugés illégitimes ou tyranniques, délibérations collectives, etc.

Ainsi, chez les Igbo[5] du Nigeria ou les Mossi[6] du Burkina Faso, des formes de gouvernement consultatif existaient. Les Akan[7] considéraient que le pouvoir du chef émanait du peuple et pouvait lui être retiré. Ces exemples attestent que des conceptions du pouvoir intégrant une dimension participative ou contrôlée n’étaient pas étrangères aux cultures politiques locales antécoloniales. Certains intellectuels et leaders nationalistes du 20ème siècle s’appuieront d’ailleurs sur ce passé idéalisé pour revendiquer l’existence d’une « démocratie à l’africaine » authentique.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle”[8], Quantin présente le modèle controversé de la “démocratie à l’africaine”. Selon ce modèle, il existait dans les sociétés précoloniales des éléments démocratiques tels que l’élection des chefs ou la destitution des dirigeants. Certains y voient la preuve d’une démocratie authentiquement africaine.

Démontrant que l’idée d’une inaptitude congénitale de l’Afrique à la démocratie relève du cliché, le politologue Fred Eboko retrace dans un article intitulé “L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie”[9], extrait de “L’Afrique des idées reçues” (2006), l’histoire chaotique mais bien réelle de la démocratisation du continent depuis la période précoloniale.

C’est avec la colonisation et l’introduction du modèle occidental que seront posées les bases de la démocratie moderne en Afrique. Dès les années 1920, les puissances coloniales mettent en place des assemblées représentatives localement élues. Puis dans les années 1950, de véritables élections pluralistes sont organisées. Malgré son contexte colonial, cette adoption précoce du suffrage marquera durablement les esprits.

Cependant, après les indépendances des années 1960, la plupart des nouveaux régimes mettent en place des partis uniques, verrouillant le jeu politique. Le modèle dominant devient alors celui d’un « socialisme africain » autoritaire. Les élections perdent leur sens démocratique pluraliste.

Dans un article paru en 2000, intitulé «Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation» [10] Quantin retrace l’histoire mouvementée de la démocratie électorale en Afrique depuis les indépendances. Son analyse nuancée bat en brèche l’idée que le vote serait étranger aux traditions politiques africaines. Il montre que l’institutionnalisation laborieuse des élections n’est pas propre à l’Afrique et appelle à une analyse comparative avec l’Occident.

Plus de trente ans après les transitions démocratiques des années 1990, les systèmes politiques africains demeurent hybrides, oscillant entre ouverture et autoritarisme. Cette hybridation atteste de la difficulté du modèle libéral à s’implanter tel quel. Pour Quantin (2009), le référentiel démocratique en Afrique est composite, fait de différentes strates historiques, sans qu’un modèle unique ne s’impose. Le processus chaotique de démocratisation en Afrique n’est pas si différent de celui qu’ont connu les démocraties occidentales.


NOTES

[1] Guèye, B. (2009). La démocratie en Afrique : succès et résistances. Pouvoirs, 129, 5-26. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0005

[2] Somerville, K. (2011). Violences et discours radiophoniques de haine au Kenya: Problèmes de définition et d’identification. Afrique contemporaine, 240, 125-140. https://doi.org/10.3917/afco.240.0125

[3] Biléou Sakpane-Gbati, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2 | 2011 http://journals.openedition.org/ethiquepublique/679

[4] Pierre Jacquemot. Afrique, la démocratie à l’épreuve. Fondation Jean-Jaurès. Fondation jean-Jaurès-Edition de l’Aube, 2022. https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/04/Essai-Afrique-democratie.pdf

[5] Uchenna Osigwe, « Démocratie et consensus: le cas igbo », Revue Phares, Vol 6, 2006, Université Laval. https://revuephares.com/wp-content/uploads/2013/08/Phares-VI.pdf

[6] Tiendrebeogo Yamba. Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou. In: Journal de la Société des Africanistes, 1963, tome 33. https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1963_num_33_1_1365

[7] PERROT, Claude-Hélène. Le pouvoir du roi et ses limitations dans un royaume akan de Côte d’Ivoire In : Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui.Presses universitaires de Rennes, 2015. https://books.openedition.org/pur/62371?lang=fr

[8] Quantin, P. (2009). La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. Pouvoirs, 129, 65 76. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0065

[9] Eboko Fred. L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. In : Courade Georges (dir.). L’Afrique des idées reçues. Paris : Belin, 2006, p. 197-204. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers21-03/010038499.pdf

[10] QUANTIN, P., Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation, Bordeaux, Centre d’Étude d’Afrique Noire/I.E.P. de Bordeaux, 2000, p. 2. http://polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/quantin1.pdf


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




Mohamed Bazoum, dans la continuité de son mentor Issoufou


Afrique


Fidèle parmi les fidèles de l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou, son successeur Mohamed Bazoum, investi vendredi, entend assurer la “continuité” à la tête d’un pays en crise confronté à d’immenses défis, particulièrement des attaques jihadistes de plus en plus nombreuses et meurtrières.

Mohamed Bazoum est le premier président à accéder au pouvoir après une transition démocratique entre deux présidents élus dans ce pays en proie aux coups d’Etat et tentatives de putsch depuis l’indépendance en 1960. Une dernière tentative a été déjouée mercredi, selon le gouvernement.

La “continuité” a été le maître mot de la campagne de celui qui fut le bras droit d’Issoufou durant ses dix années de pouvoir : dans le développement de l’un des pays les plus pauvres du monde, comme dans la lutte contre l’insécurité qui n’a fait qu’augmenter récemment, avec plus de 300 morts dans des attaques attribuées au jihadistes depuis le début de l’année.

Bazoum, qui entend “poursuivre” l’oeuvre de son mentor, est longtemps resté à l’arrière-plan, s’occupant de l’appareil du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, dont il est un des membres fondateurs comme Issoufou). Mais aussi en jouant les fidèles lieutenants comme ministre de l’Intérieur ou ministre d’Etat à la présidence lors de la réélection d’Issoufou en 2016.

Homme de réseau, avec de bonnes relations à l’étranger, il a quitté ses fonctions mi-2020 pour se consacrer à la présidentielle, objectif programmé d’un homme de l’ombre propulsé au premier rang de l’imposante machine déployée pour l’élection par le PNDS.

Né en 1960 à Bilabrine dans la région de Diffa (sud-est), Bazoum est arabe, une ethnie minoritaire au Niger, ce qui lui a valu des accusations sur ses origines “étrangères” lors de la campagne.

Dans son discours d’investiture, il a dénoncé “l’usage inédit dans notre pays d’arguments consistant pour certains à stigmatiser l’origine et le teint de la peau de certains de leurs adversaires. De tels arguments sont fort regrettables, car personne n’est responsable de son origine, les hommes sont reponsables seulement de ce qu’ils font”.

Après des études à Gouré (sud-est), puis un baccalauréat à Zinder, Bazoum part étudier la philosophie au Sénégal. Il y enseigne pendant six ans dans des lycées de province, y gagnant un certain talent d’orateur.

– Rigueur et fermeté –

Son contact facile et son ancrage philosophique à gauche sont nuancés par un “air dur, celui de quelqu’un dont on sait qu’il peut avoir la main ferme”, selon un observateur de la politique nigérienne à Niamey.

Les partenaires du Niger, principaux bailleurs d’un pays très fortement dépendant de l’aide internationale, où France comme Etats-Unis ont des bases militaires, préfèrent voir dans Bazoum l’assurance d’un leader sûr, quitte à détourner le regard sur certains sujets.

Notamment sur les affaires de corruption qui ont miné la présidence Issoufou. Mais, avantage certain pour Bazoum, “son nom n’est pas cité dans les principaux scandales de corruption qui ont souvent éclaboussé le régime” et “on lui reconnaît une certaine rigueur dans la gestion des affaires publiques et un franc-parler”, selon Ibrahim Yahya Ibrahim, chercheur à International Crisis Group (ICG).

Sous Issoufou, il se disait de lui qu’il était le vrai numéro deux de l’Etat, devant le Premier ministre Brigi Rafini, qu’il gérait toutes les affaires sensibles et qu’il était consulté sur tous les dossiers, de la diplomatie à l’économie, mais particulièrement sur les questions sécuritaires, centrales dans un pays en proie aux attaques jihadistes.

Reste que ses relations futures avec l’ex-président font déjà l’objet de débats: Issoufou et Bazoum resteront-ils comme les deux doigts d’une même main, ou bien le Niger doit-il redouter un scénario où, comme en Mauritanie, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et ex-mentor de l’actuel chef d’Etat, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, est tombé en disgrâce après avoir quitté le pouvoir ?


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Sur le départ, le président du Niger appelle à ne pas “tripoter” les Constitutions


Afrique


“Fier” de son bilan, Mahamadou Issoufou, 68 ans, qui quitte volontairement le pouvoir à l’issue de ses deux mandats comme président du Niger, se veut “optimiste” pour l’avenir de son pays et du continent, qu’il aimerait voir émerger malgré le jihadisme, la démographique galopante ou la difficile intégration continentale.

Son pays, parmi les plus pauvres du monde, est en proie aux attaques jihadistes récurrentes qui ont fait des centaines de morts. Il a aussi le record mondial de fécondité avec 7,6 enfants par femmes, ce qui entrave le développement d’un pays, marqué de sucroît par les coups d’Etat.

“C’est la première fois depuis 60 ans qu’il y a un passage de témoin d’un président démocratiquement élu vers un autre démocratiquement élu. On est en train d’asseoir une tradition démocratique”, se réjouit-il, à l’issue des deux mandats, maximum prévu par la Constitution.

Il assure ne pas avoir eu à résister aux sirènes d’un troisième mandat, comme certains de ses pairs africains, qui s’accrochent au pouvoir.

“On ne peut pas avoir des institutions fortes en tripotant les Constitutions, en changeant la règle du jeu en cours de jeu. Je ne peux pas m’engager dans l’aventure d’un troisième mandat. Cela aurait affaibli les institutions que nous sommes en train de construire”, souligne-t-il.

Le grand favori de la présidentielle dont le second tour se tiendra le 20 février n’est autre que Mohamed Bazoum, son dauphin et bras droit, qui a bénéficié de l’appareil d’Etat pour sa campagne.

Mahamadou Issoufou balaie les accusations des opposants nigériens qui taxent le pays de “démocrature”, regrettant des interdictions de manifester ou des arrestations fréquentes de militants de la société civile: “La démocratie c’est la liberté et l’ordre”, répond le président. “Il y pas de démocratie sans ordre, de la même manière qu’il n’y a pas de démocratie sans liberté”.

Sur le plan de la lutte contre le jihadisme, il demande une “coalition internationale”, un de ses leitmotiv.

– “L’Afro-pessimisme est derrière nous” –

“Tout le Sahel est infesté. La sécurité est un bien public mondial. Ce qui se passe au Sahel concerne le reste du monde. Si le terrorisme arrive à prendre pied en Afrique, il prendra pied en Europe”, estime M. Issoufou, alors que son pays a subi samedi la plus meurtrière attaque jihadiste contre des civils avec 100 morts.

Le président se fâche quand on évoque les critiques locales à l’égard de la présence des forces étrangères, notamment françaises, au Sahel: “Ce ne sont pas des interventions étrangères ce sont des interventions d’alliés, Nous avons une guerre contre un ennemi. Dans toutes les guerres il y a des alliances”.

Et il dit “s’étonner” que ceux-là même qui critiquent les opérations étrangères “ne dénoncent pas les terroristes”.

Sur le plan économique et social, M. Issoufou, qui a été très actif sur le dossier de la zone de libre échange économique africaine (Zlecaf), croit fermement en l’intégration régionale pour faire “émerger le Niger et le continent”.

“L’Afro-pessimisme est derrière nous”, promet-il, appelant à “des politique ambitieuses (et) l’approfondissement de certaines valeurs notamment démocratiques et des droits de l’homme”.

“La zone de libre échange dont les échanges vont commencer le 1er janvier va créer le marché le plus vaste du monde avec 1,2 milliard de consommateurs”, se réjouit-il.

“Cela mettra fin aux marchés balkanisés que l’Afrique a connus et qui ont été à la base d’échecs de beaucoup de politiques industrielles en raison de marchés trop étroits”.

Mais dans ce nouveau marché promis, “il faut avoir de quoi échanger”, assurant qu'”on a prévu un plan de développement industriel” et “un plan de développement agricole afin que l’Afrique puisse se nourrir”.

– Nécessaire transition démographique –

“Avec l’immensité des terres arables qu’on a, il faut que l’Afrique soit capable de produire son alimentation”, déclare M. Issoufou.

“En ce qui concerne le CFA, nous avons fait des réformes qui montrent notre volonté d’aller vers la monnaie unique. (A terme) je vois une monnaie unique au niveau Cédéao”, pense-t-il en estimant que pour “la monnaie unique africaine il faudra attendre plusieurs décennies”.

Le président est aussi optimiste quant à la démographie de son pays, affirmant qu’il est “sur la bonne voie”.

Le Niger, qui n’avait que 3 millions d’habitants à l’indépendance en 1960, en compte aujourd’hui 23 millions. Avec un taux de croissance annuel de la population de 3,9% par an (record mondial), la population atteindra 70 millions en 2050 si rien ne change.

“Nous avons fait baisser le taux de fécondité. C’est une action de longue haleine (…), nous avons mobilisé les leaders religieux et traditionnels avec des arguments religieux qui justifient la nécessité de la transition démographique”.

“La croissance démographique mange une bonne partie de la croissance économique” de 6 à 7% ces dernières années, ajoute le président qui martèle: “Nous arriverons à maitriser cette croissance exponentielle qui malheureusement rend difficile le progrès rapide du Niger vers l’émergence”.

Parmi les axes prioritaires, “il faut maintenir les jeunes filles à l’école au moins jusqu’à 16 ans afin d’éviter mariages et grossesses précoces”, précise-t-il.

A l’heure du bilan, Issoufou sourit: “Je suis fier de l’ensemble, les promesses que j’ai faites au peuple nigérien je les ai tenues”.

Et la suite? “Jusqu’au 2 avril, je continue d’être au gouvernail mais il n’y a pas de vide, il y a une vie après le pouvoir”.


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Seules des élections libres et transparentes peuvent assurer l’avenir démocratique en Afrique (Communiqué)

Présent à Niamey du 1er au 4 octobre 2019, à l’occasion du Sommet sur le « Constitutionnalisme pour la consolidation démocratique en Afrique » organisé par le National Democratic Institute (N.D.I), le mouvement Tournons la page félicite le Président de la République du Niger Mahamadou ISSOUFOU pour son attachement au respect de la limitation des mandats et son engagement à organiser des élections présidentielles de 2021 libres et transparentes. Tournons la Page se félicite de ce que son appel à l’alternance démocratique soit entendu par M. ISSOUFOU après une période de remise en cause de l’espace civique marquée par le harcèlement des militants pro-démocratie. Le chef d’Etat nigérien et les anciens Présidents présents à Niamey doivent continuer de promouvoir le principe d’alternance démocratique, acquis indispensable à la paix et au développement de l’Afrique.

Le mouvement « Tournons la page » prend activement part à ce Sommet de haut-niveau aux côtés de plusieurs anciens Chefs d’Etat dont le Béninois Nicéphore Soglo, le Nigérian Jonathan Goodluck, la Centrafricaine Catherine Samba-Panza et le Nigérien Mahamane Ousmane et aux côtés d’activistes et journalistes africains. Lors de la cérémonie d’ouverture, le Président M.Issoufou  a indiqué que quitter le pouvoir pacifiquement en 2021, à la fin de son second et dernier mandat légal, serait sa plus belle réalisation. Offrir au Niger, sa première passation pacifique du pouvoir entre deux Présidents élus, est en effet un exemple à saluer Alors que le bilan de l’alternance pacifique au pouvoir est mitigé sur le continent africain.

Au-delà de cet engagement, TLP invite le Président à tout faire pour assurer un processus électoral libre et transparent en 2021 car la transition démocratique ne peut reposer que sur la mise en place d’un cadre électoral inclusif et équitable.  Par ailleurs, de la République du Niger en sa qualité de Président en exercice de la CEDEAO et hôte du sommet sur le Constitutionnalisme à de tout faire pour convaincre les autres leaders de la sous-région à se plier à l’exigence démocratique de la limitation des mandats. Le développement de l’actualité politique en Guinée nous oblige à lancer cet appel et rappeler qu’il est encore temps d’agir d’écouter le désir d’alternance démocratique exprimé par le peuple guinéen. Il nous faut insister que le non-respect des dispositions constitutionnelles et le refus d’alternance est une source d’instabilité et de conflits sur un continent déjà trop meurtri par la violence.

Tournons la Page félicite les anciens Chefs d’Etats présents au Sommet pour leurs actes ayant permis des passations de pouvoir pacifiques et démocratiques dans leurs pays respectifs. Notre mouvement les invite plus que jamais à partager leurs expériences aux Chefs d’états qui s’accrochent encore au pouvoir et de leur rappeler qu’une autre vie est possible après la présidence.

Tournons la page est reconnaissant au NDI et aux autres partenaires du sommet pour la tenue de cet événement qui nous a permis de porter encore plus haut les demandes légitimes des jeunes, des femmes, et de tous les citoyens africains pour une Afrique débarrassée des dynasties au pouvoir.

Pour qu’il en soit ainsi, Tournons la page demande aux chefs d’Etats Africains en général et à ceux qui connaissent qui ne se sont pas encore approprié le principe de  l’alternance démocratique en particulier :

  • De renoncer aux changements des constitutions pour se maintenir au pouvoir.
  • De mettre en place des conditions qui permettent l’alternance démocratique en s’abstenant de toutes manœuvres qui pourraient empêcher la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles ;
  • de relancer le dialogue politique véritablement inclusif partout où cela s’impose en dépassant les points de tensions sur les processus électoraux et d’impliquer toutes les parties à s’investir pour des élections sans heurts ;
  • Inciter les citoyens africains, en particulier les jeunes et les femmes, à s’inscrire massivement sur les listes électorales afin que les institutions mises en place puissent bénéficier d’une légitimité forte auprès des populations ;
  • Garantir les libertés fondamentales de toutes les parties prenantes au processus électoral et notamment de la société civile, garante d’un processus électoral de qualité.

En Afrique, comme ailleurs, il n’y a pas de démocratie sans alternance !

 

Tournons La Page est un mouvement citoyen qui entend rassembler le plus largement possible autour d’une vision et des valeurs communes de respect des droits humains fondamentaux et des principes démocratiques.

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