« Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression » [Par Tierno Monénembo]


Interview


Quand avions- nous constaté progressivement les actes d’ethnocentrisme et de racisme en Afrique en générale et en particulier en république de Guinée et comment ont-ils évolué négativement ?

Les conflits dus aux problèmes fonciers et aux différences en matière de culture et de religion sont inhérents à toutes les sociétés. En Afrique et en particulièrement en Guinée, le colonisateur (depuis Faidherbe, surtout) a aggravé les différences en sortant les ethnies de leur dynamique historique, en les figeant dans le temps. Et les décolonisateurs qui ont succédé aux colonisateurs n’ont rien fait pour remédier à cet état de fait. Ce qui fait qu’aujourd’hui, un mur de verre sépare nos ethnies qui, sorties du même moule historique et culturel, ont longtemps pratiqué l’osmose et la réversibilité. Dans les temps anciens, un Diallo venu du Fouta-Djalon et installé en Haute-Guinée devenait après quelques années, un Camara, un Traoré ou un Fofana. Inversement, un Condé venu de Haute-Guinée et installé au Fouta-Djalon, devenait facilement un Bah. Personnellement, je connais plein de Bah de Pita qui sont en vérité des Condé venus de Kankan ou de Kouroussa.  A Faranah, Siguiri et ailleurs, on ne compte pas le nombre de Camara ou de Fofana qui ne sont rien d’autre que des Diallo venus de Mamou ou de Dalaba.

Notre malheur est que nos dirigeants ont détourné à leur profit la fameuse règle du « diviser pour régner » chère au colonisateur.

L’ethnie chez nous est une plaisanterie. Savez-vous par exemple que les Peuls, les Malinkés et les Soussous viennent tous des Sarakolés (Les soussous, les vrais, par leur père et leur mère ; les Peuls, par leur mère et les Malinkés, par leur père) ? Savez-vous que ceux que les Blancs ont appelés les Forestiers sont en fait des Proto-Mandingues, c’est-à-dire des Mandingues d’avant la création de l’empire.   

Quelles en sont des causes profondes de ces actes ethnocentriques et de racisme en Afrique et en particulier en Guinée ?

De tout temps, les différences ont nourri les conflits. Seulement, la psychologie des sociétés a beaucoup évolué ces dernières années du fait du fulgurant progrès technique, intellectuel et moral. Généralement, les êtres humains s’acceptent mieux aujourd’hui qu’il y a des siècles. Malgré la Somalie, la Syrie et l’Afghanistan, malgré la Birmanie et le Congo, jamais le monde n’a connu une période aussi pacifique. Savez-vous que dans la Préhistoire, 40% de l’Humanité mourait dans les guerres ?

Mais revenons au problème ethnique guinéen. Et permettez-moi de répéter ce que j’ai plusieurs fois dit ou écrit ailleurs : pour moi, le djihadisme et le tribalisme ne sont pas des causes objectives, ce sont les conséquences de la mal-gouvernance Deux cas illustrent parfaitement cela : la Côte d’Ivoire et la Somalie. Sous Houphouet- Boigny, toutes les ethnies d’Afrique de l’Ouest vivaient en Côte d’Ivoire et elles ne se sont pas fait la guerre ; au contraire, elles ont produit la meilleure économie d’Afrique de l’Ouest. Au contraire, la Somalie qui est peuplée à 100% de Somalis, musulmans à 100%, parlant somali à 100% a éclaté en 5 morceaux à cause des conneries de ses dirigeants.

Ceci dit, les sociétés harmonieuses, ça n’existe pas. Les conflits sont inhérents à la vie humaine. Mais ils disparaissent ou deviennent parfaitement supportables quand la gouvernance est bonne.

Quelles sont les conséquences sur la vie sociale, économique, religieuse et politique dans notre pays ?  Quelques exemples africains et mondiaux.

Qu’elle soit familiale ou nationale, les conséquences de la division sont connues, c’est le dysfonctionnement social, la discorde politique et la stagnation économique. Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression. En Afrique, la Somalie citée plus haut en est un bel exemple, le Rwanda de Habaryamana aussi. Ailleurs, dans le monde, ce sont les conflits ethniques et religieux qui ont eu raison de la belle Yougoslavie de Tito. 

Comment faire du jeune guinéen un acteur et un ambassadeur de la déconstruction des consciences racistes et ethnocentriques ?  

C’est simple : il faut le former. Il faut d’urgence lui apprendre son histoire et sa géographie. Au Mali, Alpha Oumar Konaré a institué deux choses qui m’ont particulièrement  ravi : la vulgarisation du tourisme scolaire et la diversification des bibliothèques. Lire et voyager,  ça civilise la bête humaine !

Notre système éducatif doit faire comprendre au petit Guinéen que sa langue, son village et son ethnie ne sont pas les seuls, qu’il y a d’autres langues, d’autres villages, d’autres ethnies. Qu’il se rende compte dès son plus jeune âge de la diversité ethnique et culturelle de son pays et qu’il se prédispose à l’assumer. Vous s savez, la citoyenneté n’est pas une chose innée, ce n’est pas un produit naturel. On ne cueille pas la citoyenneté comme on cueille la mangue. La citoyenneté est un produit artificiel et récent. Elle est apparue (dans sa version moderne tout au moins) avec la Révolution Française de 1789.  Je répète que le citoyen, ça ne cueille pas, ça se fabrique. Le citoyen cela se fabrique de toute pièce dans le moule de l’école dans celui de l’armée. Question : dispense-t-on des cours d’instruction civique en Guinée ?

Quelle stratégie pour lutter contre le phénomène dans nos pays ?

D’abord, en l’appréciant à sa juste valeur : le tribalisme en Guinée est loin d’égaler celui de certains pays d’Afrique. Mon ami Milly Honomou qui a longtemps vécu au Burundi me disait l’autre jour : « Ici, le tribalisme, c’est de la blague ! Au Burundi, il n’y a même pas la parenté à plaisanterie. Là-bas, c’est 50 000 morts pour le moindre écart de langage». Chez nous, le tribalisme, c’est de la pure et simple manipulation politique. Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons même pas d’ethnie au sens vrai du terme. De ce point de vue, avec un minimum de bonne volonté, il n’y a pas de pays aussi facile à gouverner que la Guinée. La configuration malienne par exemple est beaucoup plus complexe : c’est un pays multiracial, multiethnique et multiconfessionnel.

Quel message que doit porter les jeunes leaders d’opinion de Guinée pour impacter les générations montantes positivement ?

Mon message à moi est le suivant : l’ethnie n’est pas un handicap, ce n’est pas une barrière infranchissable, non plus. Notre diversité ethnique est une richesse. Eh bien, enrichissons-nous mutuellement !

Quel est le rôle des jeunes dans la déconstruction des consciences ethniques et racistes en Afrique et en particulier en Guinée ?

La conscience ethnique n’est pas un délit, c’est même un droit. Le délit, le crime, c’est d’opposer les ethnies les unes autres. L’unité nationale, ce n’est pas la suppression des ethnies, c’est la reconnaissance pleine et entière de chacune et de toutes.

Une interview réalisée par Jean-Zézé GUILAVOGUI





Guinée : Une élite qui refuse de rêver [ Par Tierno Monénembo]


Point de vue


L’intellectuel guinéen a un gros problème : son ventre est dix fois plus curieux que sa tête. Préoccupé de belle maison et de bonne  bouffe, de bolides et de blazers, englué jusqu’au cou dans le plus sordide des quotidiens, notre bonhomme a définitivement déserté le champ historique et culturel. Ce qui laisse la porte grandement ouverte aux  crétins et aux fripouilles. Est-ce bien malin que de se faire guider par plus petit, plus vil et plus ignorant que soi ?

Vous l’avez compris : tous les malheurs de ce pays viennent de lui. Si, dès le début, il avait pris ses responsabilités, la Guinée aurait été tout autre. Et comme notre pays est une espèce de Balnibarbi (ce pays fictif et mal fichu, imaginé par Jonathan Swift) où l’on passe son temps à dire la même chose et à répéter les mêmes gestes bref, à commettre les mêmes erreurs,  rien ne dit que le passé est derrière nous. Pour que le passé passe, il faut un minimum de rupture. Or, de rupture, il n’y en a point eu. Nos grosses têtes d’aujourd’hui ressemblent point par point à celles d’hier. Le même manque d’idéalisme, la même paresse d’esprit, le même individualisme, le même carriérisme, le même culte fanatique du quotidien, la même inguérissable naïveté ! A chaque fois que je pense à nos regrettés, brillants et prestigieux martyrs du camp Boiro, me revient en tête ce vers du poète turc, Nazim Hikmet :

« …tu es comme le mouton

 et quand le bourreau habillé de ta peau

quand le bourreau lève son bâton

tu te hâtes de rentrer dans le troupeau

et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier… »

Parfois, je sens dans l’air quelque chose qui rappelle l’odeur sulfureuse des années Sékou Touré, 1967 en particulier.  Ce fut cette année-là que notre sanguinaire « Responsable Suprême »réussit à concentrer tous les pouvoirs dans ses mains : après la chefferie traditionnelle, les partis d’opposition, les syndicats, l’armée, elle aussi passe à la trappe. C’est exactement ce qui se répète aujourd’hui : Alpha Condé est devenu aussi puissant que le Sékou Touré de 1967. Que nous réserve-t-il : un nouveau Camp Boiro ou carrément un Auschwitz voire un Buchenwald  pour engloutir à son tour ce qui nous reste de roseaux pensants ? Faudrait-il dans ce cas, rouler dans la poussière et verser des larmes de sang ? Je ne le pense pas. Les intellectuels de ce pays (de l’Afrique, plus généralement) ne sont pas  des victimes pures et simples, ce sont les complices actifs de leur propre anéantissement. Le monde est foutu quand les grands clercs plient sous le charme de la démagogie et ajoutent leur voix au bruit étourdissant de la vox populi. Penser, c’est garder à tout moment, en toute circonstance, un autre son de cloche !

Pourquoi d’après vous, les Indépendances africaines si chèrement acquises sont très vite devenues des usines à broyer des Nègres ? Tout simplement parce l’intellectuel africain (guinéen, en l‘occurrence) a renoncé au principe-même qui fait qu’un intellectuel est un intellectuel : l’esprit critique. Cette propriété qui porte les deux valeurs essentielles de la pensée : la lucidité et la liberté.

Nos intellectuels ont-ils été lucides ? Nos intellectuels ont-ils été libres ?

Critiquer les conneries du Blanc, c’était bien et même très bien mais cela ne pouvait suffire. Il fallait aussi et dès le début, critiquer nos propres conneries. Je vous assure que si dès le 3 Octobre 1958, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop, Ki-Zerbo avaient mis le holà, Sékou Touré n’aurait pas osé faire ce qu’il a fait.

Le rôle d’une élite, c’est de tirer la société vers le haut. Et cela n’est possible que si elle se prémunit de la médiocrité et garde comme un inestimable trésor, son libre-arbitre. Le rôle d’une élite ce n’est pas de revendre des parcelles et d’amasser des dollars ; de spéculer sur le diamant ou de vendre des clous rouillés,  c’est de produire des idées fortes et des émotions saines, bref de galvaniser le peuple, de lui donner de quoi se projeter dans l’avenir en toute lucidité et en confiance. Si la dictature se perpétue dans ce pays, c’est à cause du manque cruel de parapets, de garde-fous, de contre-pouvoirs. Et il va de soi que le premier moyen de résistance est d’ordre mental ; il va de soi que le  premier contre-pouvoir est d’ordre intellectuel. La dictature reculera dans ce pays le jour où les intellectuels se réveilleront, le jour où ils se réconcilieront avec les notions d’idéal (c’est le plus beau des rêves, l’idéal !), de solidarité,  d’indépendance d’esprit et de débat d’idées.

Que nos intellectuels ne se leurrent pas : Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé ont trouvé leur raison d’être et leur force dans leur laxisme ou dans leur opportunisme. Qu’ils sachent bien qu’en cas de grabuge, aujourd’hui comme hier, ils seront les premiers à remplir les prisons et les tombes.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen francophone

1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et Grand Prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, Grand Prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.





Pétition: Appel à la libération des prisonniers politiques en Guinée ! [Par Tierno Monénembo]

SIGNEZ LA PÉTITION ICI


Politique


Depuis l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, la répression, ce mal endémique de la Guinée, a resurgi avec une virulence qui rappelle les années noires, celles des pendaisons publiques et du Camp Boiro.  On attendait de celui qui passe pour « le premier président démocratiquement élu de la Guinée » qu’il nous fasse oublier le fouet de Lansana Conté et la terreur de Sékou Touré. On attendait de l’ancien prisonnier politique la réhabilitation des Droits de l’Homme, assortie d’un respect scrupuleux de la vie humaine. Par ses paroles comme par ses actes, il se situe hélas aux antipodes de toute valeur juridique et morale.

De Décembre 2010, date de sa première élection, à aujourd’hui, les organisations des Droits de l’Homme dénombrent 260 morts et 2 000 blessés. Ces chiffres ne concernent que les personnes fauchées à balles réelles dans les manifestations de rue. Ils seraient deux fois plus élevés si l’on y ajoutait les détenus victimes de leurs conditions de détentions et les dizaines de personnes qui ont succombé aux massacres de Womé, Zogota et Galapaye.

Ces derniers mois ont été particulièrement sanglants. Sortis massivement pour faire barrage à la modification de la constitution lui permettant de briguer un troisième mandat, les Guinéens ont dû affronter non plus seulement les balles des gendarmes et des policiers mais aussi celles des soldats que le régime, pris de panique, a réquisitionnés pour aider  au rétablissement de l’ordre. 60 morts, rien que d’Octobre à Janvier ! Parallèlement, plus de 400 personnes ont été arrêtées pour les raisons les plus fallacieuses : fabrication et stockage d’armes de guerre, assassinats, complicité d’assassinats, insurrection, complicité d’insurrection, atteinte aux intérêts supérieurs de la nation etc.

Cette vague d’arrestation n’a épargné aucun quartier, aucune classe d’âge, aucune catégorie sociale. Voilà maintenant six mois que ces 400 personnes végètent à  la Maison Centrale de Coronthie sans jugement. On y trouve  des hommes politiques, des journalistes, des cadres de haut niveau mais aussi des anonymes (des familles entières parfois) cueillis nuitamment chez eux alors qu’ils dînaient ou dormaient du sommeil du juste. Mais le cynisme d’Alpha Condé ne s’arrête pas là : 150 mineurs font partie du lot. A ce jour, 20 d’entre eux ont bénéficié d’une libération conditionnelle, les autres ont été déférés devant le tribunal militaire qui en Guinée sert de siège au tribunal pour enfants.

Cette série de violences vise un objectif clair : intimider le peuple mais aussi et surtout, réduire au silence les opposants les plus irréductibles :

  • Oumar Sylla dit Foyinké Mengué, repsoonsable de la mobilisation et des antennes du FNDC (qui se retrouve pour  la troisième fois derrière les barreaux).
  • Ousmane Gaoual Diallo, ancien député, directeur de la communication du parti d’opposition, UFDG
  • Malick Condé, maire-adjoint de Matam
  • Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale
  • Etienne Soropogui, leader du mouvement « Nos valeurs communes »
  • Cellou Baldé, ancien député
  • Abdoulaye Bah, ancien maire de Kindia
  • Mamadi Condé dit Madic 100 frontières, militant de l’UFDG.
  • Souleymane Condé président de la section FNDC de Boston (USA)
  • Amadou Diouldé Diallo, journaliste, historien

 Détenus arbitrairement et dans des conditions inhumaines (certains sont gravement malades, d’autres même, atteints de Coronavirus), ces martyrs ne doivent pas être oubliés. J’appelle toutes les consciences, tous les démocrates épris de justice et de liberté en Afrique et ailleurs dans le monde,  à signer cette pétition pour demander la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques en Guinée.

Fait à Conakry le 25 Avril 2021.

                                                           Tierno Monénembo écrivain guinéen


          SIGNEZ LA PÉTITION ICI


                                               




Tierno Monenembo ne reculera pas car «Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte [ ]»


Politique


Depuis quelques jours, des Etats-Unis, de France, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali et d’ailleurs, des bonnes âmes soucieuses de ma liberté et de ma vie m’adressent des messages d’alerte : il paraît que ma vie est en danger. Je devrais me méfier, baisser le ton, adoucir mes propos et peut-être même quitter le pays.

Eh bien non, je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical. Je ne viens pas de Haute-Volta moi, je suis d’ici moi. Mon père est enterré au cimetière de Coléah, ma mère, à celui de Dixinn, mes aïeux reposent à Porédaka.

Déjà, à la fin des années 60, ceux de ma génération avaient commis la grave erreur de fuir le régime bestial de Sékou Touré. Aujourd’hui encore, le pays entier continue d’en payer le prix. Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte, on leur crache dessus, on les abat.


Je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical.


Cette magistrale leçon de l’Histoire, je l’ai parfaitement assimilée à présent. Je ne reculerai plus jamais devant un despote. La liberté a un prix et ce prix, je suis prêt à le payer comme l’ont déjà fait nombre de nos compatriotes. Je pense aux centaines de morts qui jalonnent les deux mandats du sinistre Alpha. Je pense aux dizaines de disparus, aux milliers de prisonniers politiques. Je pense en particulier à Ousmane Gaoual, Sékou Koundouno, Chérif Bah, Etienne Soropogui Oumar Sylla, Saïkou Oumar, Ismaël Condé, Souleymane Condé et les autres. Je pense à vous tous vaillants patriotes guinéens qui croupissez dans les geôles d’ Alpha Condé pour avoir refusé de renoncer à votre dignité de citoyens. Je m’incline humblement devant votre foi et votre bravoure.

Les Guinéens en ont jusque-là. Ils sont tous prêts à mourir pour recouvrer leur liberté. Ils sont prêts à consentir les sacrifices qu’il faut, cela prendra le temps que cela prendra. Ils savent que le despotisme est déjà derrière eux.

Le régime archaïque d’Alpha Condé n’est que le dernier maillon d’une espèce en voie de disparition. Après 62 ans de chaos absolu, ils savent qu’ils sont près du but : c’est pour bientôt, le soleil de la liberté, le jour de la concorde et du bien-être collectif.

Pour ma part, non seulement je ne quitterai pas le pays, mais je suis prêt à mourir. Rien de plus beau que de mourir pour la liberté ! Il y a des moments où la plume ne suffit pas. Il y a des moments où l’écrivain doit abandonner sa table de travail pour descendre dans l’arène. Le romancier ne doit pas se contenter de prendre la parole, il doit aussi prendre la rue, se tapir dans les tranchées ou se jucher sur les barricades. « Un poème dans la poche, un fusil dans la main », disait d’ailleurs mon ami congolais, Emmanuel Dongala. De Garcia Lorca à Paul Eluard, de Tahar Djaout, à Ken Saro Wiwa, c’est quand le poète tombe sous les balles des barbares que la littérature prend tout son sens. Et qu’est-ce que la littérature sinon, ce bataillon armé de mots qui depuis la nuit des temps occupe les avant-postes du combat pour la liberté : liberté d’être, liberté de penser, liberté de dire, liberté d’aller et de venir, liberté de créer, liberté de rêver.

Non, je ne reculerai pas. Non, je ne me méfierai pas. Non, je ne n’adoucirai pas mes propos. Je continuerai vaille que vaille à dire merde à ce régime de merde.

Advienne que pourra !

Tierno Monénembo





“Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique!” trois écrivains africains dénoncent


« Halte à la présidence à vie »


Le projet d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat est un très mauvais signal pour l’avenir de la démocratie en Afrique. Le président ivoirien renie sa déclaration du 15 Mars dernier dans laquelle il promettait de se retirer du pouvoir et tord ainsi la Constitution de son pays uniquement pour convenance personnelle. Les interprétations vont bon train et les juristes de tous bords se contredisent sur ce point, jetant un désarroi sans précédent dans les rangs des démocrates. Pourtant la manœuvre est claire, qui consiste à tripatouiller la charte fondamentale pour se maintenir au pouvoir soit par un plébiscite direct par la voie référendaire ou déguisé en passant par un parlement bâillonné, apeuré et aux ordres. Ces modifications constitutionnelles à répétitions sont une forfaiture et leurs auteurs des prédateurs et des usurpateurs. La messe semble donc dite dès l’instant où la constitution est bafouée, et la ligne rouge tracée par les Conférences nationales des années 90, clairement franchie. Le pire est à craindre. Ce pire a un nom. Il s’appelle parti unique, assemblée monocolore, présidence à vie. Nous en connaissons tous les méfaits. Alors, dès maintenant, exprimons haut et fort notre réprobation. Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique ! On se souvient que Nelson Mandela, après tous les sacrifices consentis à son peuple avait promis de ne faire qu’un seul mandat et il s’y est tenu malgré les fortes pressions exercées sur lui par son parti et par des conseillers sans scrupules.


Refusons toute idée de troisième mandat où que ce soit en Afrique !


Il est clair que la nouvelle tentative d’usurpation et de confiscation du pouvoir à Abidjan fera des émules si elle réussit. Alpha Condé qui ne se sent plus seul dans son désir de se succéder à lui-même par, faisant siennes les idées fumeuses d’une dévolution divine du pouvoir, idées attentatoires à la souveraineté du peuple, s’est évidemment dépêché d’adresser un chaleureux message de félicitations à son collègue ivoirien. A Niamey, le président Youssoufou doit se demander s’il ne serait pas mieux de faire comme les autres. Quant à Paul Biya et le Maréchal Idriss Deby, ils se sont essuyés les pieds sur leurs propres constitutions. Pendant que Joseph Kabila ruse, à la mode russe, avec la loi suprême à Kinshasa, à Dakar, la tentation sera désormais grande pour Macky Sall de suivre la voie de la manipulation constitutionnelle érigée en moyen monopolistique du pouvoir.

Non au retour du pouvoir illimité que ce soit par les tanks ou par un jeu d’écriture ! Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard. L’inacceptable candidature de Ouattara nous interpelle tous. Il est important que l’opinion africaine et internationale en mesurent la gravité et réagissent de concert pour que la démocratie en Afrique ne devienne pas une imposture mais une réalité tangible fondée non plus sur le bon vouloir des individus, mais sur la prééminence de la loi et sur le caractère sacré de la Constitution.

La Cedeao, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie ont sanctionné le Mali après le coup d’Etat militaire. Mais alors pourquoi ferment-elles les yeux sur le putsch constitutionnel en cours à Abidjan et à Conakry ? Ces institutions veulent- elles nous faire croire que le coup de force des lettrés est plus convenable que celui des gradés ? Cette attitude ambigüe est hautement dommageable au processus démocratique amorcé au début des années 90. La Communauté Internationale risque de briser tout approfondissement concourant à établir une véritable et durable démocratie en Afrique : une démocratie fondée sur des élections libres et transparentes, une démocratie où l’alternance s’effectue sans heurts dans le strict respect des règles établies.


La Cedeao, l’Union africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie ont sanctionné le Mali après le coup d’Etat militaire. Mais alors pourquoi ferment-elles les yeux sur le putsch constitutionnel en cours à Abidjan et à Conakry ?


C’est le moment de mettre en garde les soi-disant comités d’experts censés plancher sur les réformes constitutionnelles et qui se laissent si facilement convaincre ou amadouer. On en veut pour preuve la disparition de la limite d’âge dans la nouvelle constitution ivoirienne qui permet à Henri Konan Bédié, âgé de 86 ans, d’être candidat à la présidentielle. Dans quel abîme sommes-nous donc projetés ? Dans le déni de démocratie et dans la ruine de tout avenir pour les jeunes sacrifiés dans des nations africaines anesthésiées par une oligarchie sans contrepoids, sans âme ni contradicteurs.

Si l’on n’y prend garde, bientôt, les présidents ne se contenteront plus de modifier les Constitutions, ils vont faire du non droit, ou plutôt de la non-alternance politique l’ordinaire de vie publique et transformeront, de fait, la présidence de l’Etat en pré-mausolée, où ne siègent plus les sages, mais les fossoyeurs des peuples.

Faisons en sorte de ne pas en n’arriver là !

SIGNATAIRES

  1. Tierno Monénembo, écrivain (Guinée)
  2. Véronique Tadjo, écrivaine (Côte-d’Ivoire)
  3. Eugène Ebodé, écrivain (Cameroun)






Élection du 18 octobre: les mises en garde de Tierno Monénembo à Cellou Dalein


Politique


Faut-il oui ou non aller à l’élection présidentielle du 18 octobre prochain ? En d’autres mots, pourquoi poser une question qui ne se pose pas ?

À juste titre, le FNDC dans toutes ses composantes a contesté la tenue et des législatives et du référendum bidon que le pouvoir a organisé pour berner le peuple et s’installer à vie. De facto, elle ne reconnaît pas la Constitution qui en est sortie, un chiffon de papier honteusement falsifié, qui plus est.

Je vous le demande, bonnes gens, comment peut-on participer à une élection dont on conteste la base juridique ? Il est superflu de poser cette question et absolument inconséquent d’y répondre. En ce sens, la réunion que projette l’UFDG pour décider de son attitude lors du prochain scrutin frise l’inconscience.


Comment peut-on participer à une élection dont on conteste la base juridique ?


Elle n’a pas lieu d’être !

Il va de soi qu’une éventuelle candidature de Cellou Dalein Diallo serait un très mauvais signal pour l’avenir de la démocratie en Guinée. Elle menacerait la cohésion de l’opposition (et peut-être même sa survie) et jetterait, un désarroi sans précédent dans les rangs de ses militants et sympathisants. On voit d’ici le champ de ruines que deviendrait le camp démocratique si jamais ce choix absurde était entériné : le FNDC tomberait en quenouille, les partis politiques dans la zizanie et la société civile ma foi, dans le trou profond de la léthargie où elle a si longtemps végété. Oui, ce serait du pain béni pour Alpha Condé !

Sa Constitution serait ainsi adoubée et sa candidature parfaitement légitimée. L’UFDG n’aurait plus aucune raison (mais alors aucune) pour contester son pouvoir tyrannique, et sa légalité douteuse. Elle ne serait plus la grande UFDG qu’on a connue, le porte-flambeau de toutes les luttes héroïques menées dans ce pays, ces dix dernières années. Elle ne serait plus qu’une carpette sur laquelle le fama Alpha Condé viendrait s’essuyer les pieds. Ce ne seraient pas des verges pour se faire fouetter que sa direction offrirait au pouvoir mais des bombes pour se faire anéantir.

Comment, mon dieu, appeler ce soldat qui à l’approche de la victoire, retourne son arme contre lui pour se faire exploser la cervelle. Un gamin, un suicidaire, un psychopathe ? Peut-être tous ces trois qualificatifs en même temps.

Mais bon, sortons de notre colère, de notre ressentiment. Après tout, ces messieurs de l’UFDG sont des hommes politiques, c’est-à-dire de bons calculateurs, des gens qui savent discerner. Des esprits lucides qui distinguent du premier coup, la cendre de la farine, le miel du ricin, le sûr et certain de l’à-peu-près. Alors, posons la question cynique qui s’impose : qu’auraient-ils à gagner dans cette aventure ? L’argent, le pouvoir, la renommée ? Rien de tout cela :

Avec Alpha Condé, l’élection est gagnée avant même le scrutin, ils le savent mieux que moi. Ils y auraient tout à perdre et pas seulement leur âme ; ils n’y laisseraient pas que des plumes, ils y laisseraient aussi l’ergot et la tête, le gésier et l’intestin. Ils y laisseraient tout, surtout l’honneur et la crédibilité.

Pour atténuer la grosse déprime qui me gagne, je me dis que rien n’est joué pour l’instant, qu’à la dernière minute, une bonne âme ferait le geste qui sauve, quelqu’un de lucide, quelqu’un de raisonnable, ferait ce qu’il faut pour empêcher l’UFDG de plonger dans le vide.

En tout cas, pour ma part, c’est clair : je me démarquerai aussitôt de toute force politique qui aurait la sottise d’aller à cette mascarade électorale digne de Sékou Touré et de Bokassa, de Mobutu et d’Amin Dada.

Tierno Monénembo


Cet article est republié à partir de lelynx.net.





Tierno Monénembo «Il y a trop de richesses en jeu quand on est à la tête de l’État guinéen pour partir volontairement» [Interview]


Dans un entretien exclusif à Sputnik France, l’écrivain Tierno Monénembo, lauréat du prix Renaudot en 2008 pour Le Roi de Kahel (Éd. du Seuil, 1988) dresse un tableau sombre de la situation politique de la Guinée « à cause des ambitions d’un despote vieillissant qui s’accroche au pouvoir» a-t-il affirmé dans l’entretien.


Sputnik France: Comment expliquez-vous qu’Alpha Condé, qui
avait pourtant été élu démocratiquement en 2010 au second tour contre
l’opposant Cellou Dalein Diallo, veuille aujourd’hui briguer un
troisième mandat?

Tierno Monénembo: «On pourrait en effet s’étonner
qu’Alpha Condé, à 82 ans, veuille encore rempiler après deux mandats
présidentiels. D’autant qu’il est arrivé au pouvoir par les urnes le
21 décembre 2010, contrairement à ses prédécesseurs Lansana Conté,
Moussa Dadis Camara ou Sekouba Konaté qui avaient tous pris d’assaut le
palais présidentiel dans des fourgons militaires. C’est à se demander si
nous n’avons pas une malédiction en Guinée.

Même lui, qui était un pur produit du Quartier latin à Paris, un intellectuel ayant longtemps fréquenté les milieux tiers-mondistes et les partis français de gauche, a fini par virer sa cuti. Aujourd’hui, plus que jamais, il est enfermé dans ses certitudes, conforté par des courtisans et des flibustiers mondialisés du business des matières premières et ne supporte plus la moindre contestation.»

Sputnik France: Pourtant, il s’était opposé aux dictatures de
Sekou Touré et de Lansana Conté en Guinée, au prix d’une condamnation à
mort et de peines d’emprisonnement. Serait-il en train de rater sa
sortie devant l’Histoire?

Tierno Monénembo: «Les despotes, c’est bien connu,
n’ont aucun sens de l’Histoire puisqu’ils ne croient qu’en eux-mêmes.
Ils ne partent donc jamais de leur plein gré. C’est vrai pour Robert Mugabe au Zimbabwe, comme pour Abdelaziz Bouteflika en Algérie
ou pour Sekou Touré, avant, chez nous. Comme l’a très bien décrit le
grand écrivain allemand Bertold Brecht, dans L’Opéra de Quatre Sous, le
pouvoir rend fou et c’est bien de cette maladie, malheureusement, que
souffrent nombre de nos dirigeants africains! Si l’Afrique aujourd’hui
est en panne, c’est qu’elle manque d’institutions fortes pouvant
contrebalancer des volontés individuelles, fût-ce celles de Présidents
en exercice de se maintenir au pouvoir à tout prix.»

Sputnik France: Le Président sortant aurait-il quelque chose à
redouter s’il quittait le pouvoir? N’est-il pas d’une certaine façon un
peu protégé par la France notamment?

Tierno Monénembo: «Ce Président a peur de son ombre,
comme d’ailleurs tous les malfaiteurs avant lui. Il a bradé nos mines à
une mafia internationale, que ce soit pour la bauxite ou pour le fer

Mais les Guinéens ont changé. Ils ne vont plus laisser faire, pas plus qu’ils ne laisseront passer le troisième mandat pour lequel Alpha Condé est prêt à faire tuer son peuple!

Quant à la France, elle est plutôt discrète sur sa condamnation vis-à-vis des agissements de l’un de ses principaux alliés en Afrique francophone. Même les récentes critiques du ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, lui ont valu une volée de bois vert par médias interposés. La position de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est également ambiguë: après avoir annoncé qu’elle se retirait du processus électoral, voilà que son représentant en Guinée oppose un démenti. C’est à ne rien y comprendre! Pourtant, cette organisation, qui a une grande expertise en matière électorale, avait donné l’impression qu’elle voulait tirer les conséquences du refus du gouvernement guinéen de retirer les 2,49 millions d’électeurs figurant indûment dans les fichiers électoraux. Que s’est-il passé entre-temps? Mystère…»

Sputnik France: Depuis octobre 2019, une trentaine de victimes
des violences policières ont été recensées. On prête par ailleurs à
l’actuel Président ces propos glaçants: «Quiconque viendra pour détruire
les urnes, frappez-le!» Comment expliquez-vous cette recrudescence de
la répression contre les civils dans le cadre du processus électoral en
cours?  

Tierno Monénembo: «Je peux vous dire que le nombre
de victimes des violences policières s’élève à au moins 150 morts depuis
l’élection d’Alpha Condé en 2010. De surcroît, le Président a mobilisé
l’armée pour tirer sur les manifestants le jour du vote au cas où ils
essaieraient d’empêcher le déroulement du référendum et des
législatives, comme il n’a pas hésité à le faire lors des attaques de
ces derniers jours contre des bureaux ou du matériel de vote. La
répression contre les manifestants est féroce.

Car il faut savoir que dans ce pays, les Présidents se refilent des
miliciens pour leur propre protection. Alpha Condé n’a pas dérogé à la
règle puisqu’il a récupéré toute la clique de Sékou Touré. C’est pour
cela que l’armée est un gang irréformable en Guinée. Il n’y a pas de
soldat chez nous, mais des miliciens dans des casernes ainsi qu’une
milice qui sert de police. Même le général Lamine Cissé, qui a pourtant
fait un travail remarquable sous l’égide de la Cedeao pour essayer de
réformer les systèmes de sécurité en Guinée, a fini par jeter l’éponge!»

Sputnik France: L’opposition a-t-elle raison de vouloir
boycotter les élections? Car n’est-ce pas le meilleur moyen de favoriser
un passage en force du Président Alpha Condé alors que vous essayez
justement de le stopper?

Tierno Monénembo: «L’opposition ne peut pas
cautionner une telle mascarade. Dans l’état actuel, le fichier électoral
est une fraude grossière, avec 3 millions d’électeurs qui n’existent
pas. Un seul exemple: 60% des Guinéens ont moins de 18 ans et ne sont
donc pas en âge de voter. Le calcul est vite fait. Dans certaines
villes, on a même vu des enfants de 10 ans être inscrits. Résultat: une
ville comme KanKan a plus d’inscrits que la capitale Conakry!

Toutes ces fraudes sont encore possibles de nos jours en Afrique, parce que les populations sont analphabètes. Ce qui encourage bien sûr, à la tête de nos États, des Présidents à vie comme Sassou Nguesso en République du Congo, par exemple. Le jour où la société civile guinéenne sera mieux organisée, à l’instar du Sénégal, alors le processus électoral pourra véritablement se dérouler de façon démocratique et transparente.»

Sputnik France: Pensez-vous que ce qui s’est passé au Burkina
Faso, avec la chute de Blaise Compaoré, «dégagé» par le peuple pour
avoir voulu, envers et contre tous, modifier la Constitution, peut
également se passer en Guinée?

Tierno Monénembo: «Les Guinéens sont épuisés. Depuis
1958, c’est le peuple qui a été le plus réprimé en Afrique. Alpha Condé
est bien placé pour le savoir car c’est toujours le même système de la
Françafrique qui prévaut et qui a permis de l’imposer alors qu’en
réalité, tout le monde sait qu’il n’a obtenu que 18 pour cent des
suffrages, en 2010, contre 44 pour cent à son adversaire, Cellou Dalein
Diallo. Il a fallu ensuite cinq mois pour organiser un deuxième tour: du
jamais-vu! On a pensé qu’il ferait mieux que les autres. En fait, il a
fait pire!

Il sait, toutefois, que les Guinéens ne vont pas accepter facilement un troisième mandat. Il a d’ailleurs acheté de quoi faire face aux combats de rue, des gaz lacrymogènes et même des mitraillettes pour parer à toute éventualité. Ce qui veut dire qu’il va essayer de passer en force par tous les moyens et qu’il faut donc s’attendre au pire d’ici à la prochaine présidentielle! Depuis 1964, les Présidents guinéens sont autorisés à disposer à leur guise d’une partie des retombées des ressources minières du pays. C’est aussi pour cela qu’ils s’accrochent au pouvoir. Il y a trop de richesses en jeu quand on est à la tête de l’État guinéen pour partir volontairement. Mais au vu de la répression sévère qu’Alpha Condé est en train d’instaurer dans le pays et qui ne va pas s’arrêter, il doit se méfier. Il pourrait, très vite, être acculé et avoir à rendre des comptes.»


Cet article est republié à partir de Sputnik France. Lire l’original ici





Ne laissons pas Alpha Condé brûler la Guinée [Par Tierno Monénembo]


Avec la divulgation de la Constitution-bidon que ses sordides officines viennent de lui concocter, Alpha Condé nous prouve que rien ne le fera reculer: ni la force du peuple, ni le regard réprobateur de la communauté internationale.

Il lui aurait fallu pour cela un minimum de pudeur, qualité qu’il n’a assurément pas. Il tient à son troisième (voire son quatrième ou cinquième) mandat.  Et il l’aura, quitte à cracher sur la morale et le droit et à brûler le pays. Quand, à la faveur du hasard, des crève- la- faim comme lui parviennent au pouvoir, ils ne le quittent plus. Ils oublient tout : leur passé, leurs amis, leurs idéaux et leurs serments. Plus rien ne compte, que la folie du pouvoir et le goût effréné pour le diamant et l’or, les palaces de luxe et les gros bolides.  Quitte à tout perdre : leur vie, leur âme, leur honneur et leur patrie !

N’est-ce pas Bokassa, n’est-ce pas Mobutu, n’est-ce pas Compaoré, n’est-ce
pas Dos Santos ?

Il reste que le Rubicon est franchi, qu’il n’y a plus de point-de non-
retour. Plus besoin de questions ou de tergiversations. Les choses sont claires
dorénavant : le problème n’est plus Alpha Condé. Le problème, c’est nous !
Nous, Guinéens ! Allons-nous laisser ce fou brûler ce pays comme par notre
fatalisme et notre lâcheté collective, nous avons laissé faire tour à tour,
Sékou Touré et Lansana Conté, Dadis Camara et Sékouba Konaté ?

A qui appartient la Guinée ? A Alpha Condé, à son père, à sa mère, aux miliciens du RPG ? Non, la Guinée appartient au peuple de Guinée, je veux dire à tous ses citoyens sans aucune exception. Et quand elle est en danger, qui doit la défendre ? Le peuple, tout le peuple, c’est-à-dire tous les citoyens. Je ne vais pas vous faire un dessin, mes chers compatriotes, je ne vais passer par quatre chemins, je ne vais même pas m’encombrer de précautions littéraires : LE PAYS EST EN DANGER DE MORT !

Une mort voulue, que dis-je, une mort passionnément désirée, une mort
minutieusement programmée par Alpha Condé et par ses sataniques collaborateurs.
Cet homme sait exactement ce qu’il fait et il le fait exprès.  C’est pour
cela que nous devons l’arrêter tout suite avant qu’il ne soit trop tard. 
Cet homme se fout de notre gueule. Il ne fait que ça depuis que la mafia
françafricaine l’a hissé au sommet de notre Etat en dépit de tous les principes
démocratiques et moraux.

Il a refusé de déclarer ses biens durant tout son premier mandat alors la Constitution l’y oblige. Il continue de présider les réunions du RPG alors que la Constitution le lui interdit formellement. Il a refusé de mettre en place la Haute Cour de Justice alors que la Constitution l’y oblige. Ce qui fait que dans l’état actuel des choses, aucun membre du gouvernement ne peut être traduit en justice. Tant de laxisme de notre part ne pouvait nous conduire que là où nous sommes aujourd’hui : dans le vide juridique et dans la pagaille institutionnelle.

Ressaisissons-nous Guinéens ! Attention, le monde entier nous regarde ! Nous avons tout notre honneur à sauver. Notre comportement depuis 1958 manque cruellement de courage et de dignité. Le glorieux peuple du 28 Septembre a dégénéré en une populace de mollassons taillable et corvéable à merci. N’importe quel crétin venu au pouvoir se croit tout permis parce que nous avons appris à tout subir sans gémir, sans pleurer, sans prier. Non pas avec le splendide stoïcisme du loup de Vrigny mais avec la consternante passivité des éponges et des limaces.

Encore une fois, réveillons-nous, Guinéens ! Faisons au moins aussi bien que nos frères du Burkina Faso quand ils ont fait fuir le sinistre Compaoré en 2014 ! Refusons cette imposture, disons non à Alpha Condé, quitte à tomber sous les balles de ses sbires !

C’est le moment ou jamais de prouver que nous sommes toujours les fiers
descendants des grands guerriers qui ont fondé ce pays.

Tierno Monénembo, in Le Lynx


Cet article est republié à partir de visionguinee.info. Lire l’original ici





Chronique : Alpha Condé, un président au-dessus de tout soupçon [Par Tierno Monénembo]


Le mythe savamment monté de l’exception Alpha Condé n’aura duré que le temps d’un bluff, l’espace d’un cillement.


Pourtant, les plus lucides avaient déjà ouvert les yeux pour faire tomber le masque de celui que les officines parisiennes tiennent à faire passer pour « l’opposant historique, le premier président démocratiquement élu, le Mandela de son pays : la Guinée. Hélas, cela ne se pas passe comme ça aujourd’hui : les juments de course sortent des meilleurs haras et les grands leaders, des meilleures agences de communication. Le produit est fignolé, l’emballage impeccable. Mais le manant a vite fait de montrer ses zones d’ombre, ses lignes de faille et sa part cousue de fil blanc.

À l’aise dans une démocratie du troisième type

La baudruche « Mandela guinéen » se dégonfle le jour même de sa confection, je veux dire le jour même de son élection. Péniblement arrivé au second tour avec 18 % contre 44 à son adversaire, Alpha Condé sera déclaré vainqueur (53 %) au second, alors qu’entre-temps, cinq mois se seront écoulés et que le fichier électoral aura été ravagé par un feu venu de nulle part ! Ne rigolons pas : c’est cela, la démocratie du troisième type ! Vérité des urnes ou pas, l’essentiel est fait : il est investi président de la République de Guinée. Sous les doux cieux d’Afrique, point besoin de mérite pour accomplir ce genre de prouesse. Quelques amis bien placés suffisent largement. Et des amis riches et puissants, Alpha Condé en a à revendre : Bernard Kouchner, Michèle Alliot-Marie, Abdou Diouf, Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, François Soudan, Jacob Zuma, François Hollande, Eduardo Dos Santos, Vincent Bolloré, Tony Blair, etc. Des gens de bien, des gens comme il faut, surtout les gens qu’il faut : à eux seuls, ils pèsent plus lourd que la vérité des urnes.

Une réincarnation de ses prédécesseurs

Les plus pessimistes pensaient que notre président-professeur se dépêcherait de nous faire oublier sa désastreuse élection en s’occupant de guérir les Guinéens des méfaits de ses prédécesseurs. C’était mal le connaître. Au contraire, le tribalisme et la corruption, le pouvoir personnel et les violences policières ont repris de plus belle. À croire que Sékou Touré, Lansana Conté et Dadis Camara se sont ligués pour redoubler de férocité. Dix ans de mandat et rien de bien positif. L’économie ? À vau-l’eau. La démocratie et les droits de l’homme ? Le cadet de ses soucis. Son parti, le RPG, fonctionne sur le modèle du PDG de Sékou Touré, le parti-État type. C’est là que se prennent les grandes décisions. Il en est toujours le chef, en violation totale de la Constitution qui lui interdit d’occuper une charge autre que celle de chef de l’État. On puise davantage dans les caisses de l’État qu’au temps de Lansana Conté et la police a la gâchette aussi facile qu’au temps de Dadis Camara. Cent vingt manifestants tués à bout portant, neuf rien que la semaine dernière ! Et tenez-vous bien, les massacres du 28 Septembre n’ont toujours pas fait l’objet d’un procès au grand dam de l’ONU et des organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Un président comme les autres et même pire

Bref, les masques sont tombés, « l’opposant historique » est devenu un chef d’État africain comme un autre. Il fait ce qu’il veut, fût-ce au mépris de la morale et du droit. La date des élections législatives n’est toujours pas fixée alors que le mandat des députés a expiré depuis un an et demi. Les municipales, elles ont eu lieu depuis le 4 Février 2018, mais les conseils de quartier, les conseils municipaux de certaines villes et les conseils régionaux ne sont toujours pas formés. C’est vrai que le gouvernement a intérêt à lambiner sinon l’opposition emporterait 5 conseils régionaux sur 8 et à Conakry, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, à elle seule, occuperait 75 sièges de conseil de quartier sur 128. Et puis, de toute façon, « le Mandela de la Guinée » a un autre souci en tête : s’octroyer coûte que coûte un troisième mandat, quitte à marcher sur des monceaux de cadavres. Je vous le disais, (les slogans lénifiants des cabinets de communication n’y peuvent rien), Alpha Condé est un vrai chef d’État africain : le pouvoir, tout le pouvoir, le pouvoir par tous les moyens, le pouvoir pour le pouvoir, le pouvoir pour toujours.


lepoint.fr





SCAN : « Il est moralement, politiquement et juridiquement indéfendable de permettre au chef de l’Etat de s’octroyer un troisième mandat [ ] » Khalifa Gassama Diaby


Khalifa Gassama Diaby, ancien ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, dans l’émission Grandes Gueules d’Espace fm (septembre 2019)

« Il est moralement, politiquement et juridiquement indéfendable de permettre au chef de l’Etat de s’octroyer un troisième mandat ou un premier mandat d’une nouvelle république »

« Accepter cette idée de troisième mandat ou de modification constitutionnelle, c’est tuer l’espérance démocratique dans notre pays ».

Lire la source Ledjely


Tierno Monénembo, dans une chronique intitulée « Mugabe, Sékou Touré, le FLN et les autres » (septembre 2019)

« Évidemment, il y aura toujours des ethnologues, des sociologues – pourquoi pas des tératologues ? – pour justifier la barbarie et défendre l’indéfendable. Normal, ce sont des intellectuels, donc des individus dont la démagogie est la raison de vivre. Et qu’est-ce qui est plus démagogue qu’un intellectuel ? Un intellectuel africain ! OK, ces héros aux mains tachées de sang ont brillamment libéré leurs peuples du joug colonial. OK, ce sont eux et personne d’autre qui nous ont rendu notre fierté d’Africains ! Cela ne fait pas d’eux les propriétaires de notre sol et de notre sous-sol, de notre mémoire et de notre âme ».

Lire la source Lepoint


Bah Oury, ancien ministre, président de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD), après l’audience avec le premier ministre Kassory Fofana (septembre 2019)

« Aujourd’hui, il serait contreproductif pour nos intérêts nationaux d’aller dans le sens d’une modification ou d’un changement constitutionnel… Nous souhaitons que le Président Alpha Condé aille dans le sens de la nécessité pour permettre à la Guinée d’avoir une alternance démocratique apaisée, réconciliatrice, qui permettrait à la Guinée d’être sur les rails de la démocratie ».

Lire la source Guineenews


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo




SCAN : « [ ] nous avons été gouvernés par des médiocres [ ]» Tierno Monénembo


Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (parti d’opposition)

dalein

«Dans un contexte marqué dans une volonté affirmée de toutes les parties d’aller à la décrispation, d’aller vers le respect des lois, d’aller vers le respect des droits des citoyens, c’est à ce moment que des extrémistes du pouvoir décident de venir procéder à l’arrestation de citoyens libres simplement parce qu’ils ont voulu adhérer à l’UFDG ou qu’ils ont adhéré à l’UFDG »

« Vous voyez que notre combat est loin d’atteindre ses objectifs parce que tant que ces pratiques subsistent dans notre pays on ne peut pas s’entendre. Tant qu’il n’y a pas de justice, tant qu’il n’y a pas le respect des droits des citoyens, de leurs libertés fondamentales on ne peut pas parler de paix. Et l’UFDG ne se laissera pas faire. » ©Guinéenews


Aboubacar Sylla, président de l’UFC et porte parole de l’opposition

aboubacar-sylla

« A partir du moment où on a des partenaires avec lesquels on estime qu’on n’a plus les mêmes objectifs, le minimum, c’est de se séparer. »

« L’opposition républicaine va se séparer d’eux. En tout cas, je crois qu’il y a ce besoin de clarification. » ©Vision Guinée


Tierno Monénembo, romancier guinéen, prix Renaudot 2008

monenembo-justin-morel-junior2_0

« Au cours de ces cinquante années d’enfer, nous avons été gouvernés par des médiocres. L’actuel président est peut-être le pire de tous. C’est un homme qui divise les Guinéens à l’excès. » « Et puisque les hommes politiques africains n’ont aucune pitié pour la population, j’ai décidé que je n’aurai aucune pitié pour eux. » ©RFI


Mohamed Lamine Doumbouya, Ministre du budget

Sur la dette intérieure du pays « Le dernier rapport qui est sorti évalue la dette à près de deux mille milliards GNF. C’est une dette qui ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte depuis les années ‘’86-87’’. La particularité de ces dettes est qu’il y a beaucoup d’entre elles qui ne sont pas sincères. Beaucoup disent que l’Etat leur doit sur la base des réalisations, mais on ne voit pas ces réalisations. Et comme on n’avait pas d’archives en ce moment, c’est difficile. Mais avec l’AFD (Agence Française de Développement, Ndlr) il y a un audit qui a été fait sur la proportion de cette dette. On est en train de voir comment on peut libérer cette dette. » ©Africaguinee


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo