Nouvelle Constitution : Alpha Condé déclare la guerre à la démocratie


« C’est au peuple de choisir », vieille antienne tristement adoptée par l’opposant historique devenu président. En annonçant ce jeudi 19 décembre 2019, de façon solennelle son intention de soumettre son projet de nouvelle constitution, Alpha Condé 81 ans, intègre honteusement l’école de Sassou Nguesso du Congo, Pierre Nkurunziza du Burundi.


Par cet acte, Alpha Condé renie toutes les valeurs démocratiques pour lesquelles il avait donné l’illusion de défendre après plus de quarante années passées dans l’opposition. Après la difficile et tragique transition militaire qui a abouti à l’élection présidentielle de 2010, la Guinée n’avait pas besoin d’une énième crise politique qui fragilise davantage les institutions et met en danger la stabilité du pays.

Au sortir de la présidentielle de 2010, tous les observateurs
affichaient un certain optimisme quant à la capacité de résilience de ce
peuple à œuvrer pour rectifier la trajectoire chaotique de ce pays de
l’Afrique de l’Ouest qui avait toutes les cartes en main au lendemain
des indépendances pour amorcer son développement. Comme le souligne ce
passage repris dans un article de l’agence Reuters :
« Quel qu’il soit, le vainqueur de la présidentielle devra d’abord
apporter la paix, puis l’électricité et l’eau, bâtir des écoles et des
routes, disent des Guinéens lassés des régimes répressifs, du chaos et
de la violence. Rien de tout cela ne semble hors de portée dans un pays
qui tire chaque année plusieurs dizaines de millions de dollars de ses
ressources naturelles, notamment de la bauxite, dont il est le premier
producteur mondial. »

Rien ne justifie cette « nécessité » d’une nouvelle constitution pour
la Guinée. Un an avant la fin de son deuxième et dernier mandat
présidentiel, Alpha Condé engage le pays sur un chemin dangereux où
incertitudes, instabilité et violences bouleverseront la quiétude
sociale. Cette volonté manifeste de confiscation du pouvoir doit être
combattue par toutes les composantes sociales du pays.

Récapitulons : Le 20 avril 2019, Alpha Condé accorde un entretien à des journalistes sénégalais dans lequel il affirme : « S’il
y a modification de la Constitution, il y a troisième mandat. S’il n’y a
pas de modification de la Constitution, il y a mandat ou pas 
» ; le 29 mai 2019, le premier ministre Ibrahima Kassory Fofana affiche officiellement son soutien et celui de son gouvernement à la mise en place d’une nouvelle Constitution; le 4 septembre 2019, Alpha Condé instruit à son premier ministre d’organiser des consultations sur la constitution ; le 22 septembre 2019, en visite à New York, Alpha Condé demande à ses militants
de se préparer pour un référendum ; le 9 octobre 2019, dans une
déclaration à la télévision nationale, le premier ministre annonce la
transmission du rapport sur les consultations au président de la République ; le 14 octobre 2019, première manifestation
du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) contre
l’ambition du président Alpha Condé de briquer un troisième mandat.
Suivront plusieurs autres manifestations qui ont enregistré plusieurs morts.

Aujourd’hui, toutes les institutions nationales sont inféodées à
l’exécutif, les autorités morales sont muettes. Malgré toutes les
alertes de citoyens, mouvements et autres personnalités africaines, les efforts du National Democratic Institute (NDI) et la Fondation Kofi Annan (KAF)
à travers la mission des anciens chefs d’état nigérian et béninois à
Conakry, l’Union Africaine et la CEDEAO observent depuis un certain
temps le pourrissement de la situation en Guinée et se contentent de
publier de communiqués pour condamner les tueries lors des manifestations qui ne sont que les conséquences des manœuvres antidémocratiques d’Alpha Condé.

Face une telle situation, seules les manifestations de rue peuvent
encore sauver la démocratie embryonnaire dans ce pays. Pourquoi les
manifestations ? Parce que c’est une forme de contestation admise,
légale et démocratique. Le FNDC doit intensifier les actions de
mobilisations pour empêcher ce putsch constitutionnel.

Après l’annonce d’Alpha Condé d’hier et les révélations des commissaires de la CENI
sur la gestion unilatérale du processus électoral par le président de
l’institution, le calendrier des législatives n’est plus à l’ordre du
jour et l’opposition politique doit enfin sortir de la diversion de ces
derniers jours où elle s’était embourbée bêtement pour se consacrer
exclusivement à la défense de l’essentiel : la constitution.

Si les promoteurs de cette forfaiture de troisième mandat se sont
inspirés des cas réussis de manipulations des constitutions observées en
Afrique ces dernières années (Sassou Nguesso du Congo en 2015 et Pierre Nkurunziza du Burundi la même année), ils oublient un détail : le traumatisme des peuples
de ces deux pays suite aux guerres civiles qu’ils ont connu est encore
présent et les appréhensions teintées de fatalisme alimentent les
angoisses et la peur de revivre ces épisodes douloureux de leur
histoire. Il faut rappeler que le 5 juin 1997, le Congo basculait dans une  guerre civile.
Un conflit entre les milices de Pascal Lissouba, alors président en
exercice, et celles de son prédécesseur Denis Sassou Nguesso. Et l’histoire du Burundi,
depuis les premières années de son indépendance en 1962, est marquée
par des violences ethniques compliquées par une lutte acharnée pour le
pouvoir.

Ces éléments historiques sont importants pour rappeler aux incultes
apprentis sorciers qui ont imaginé ce projet de troisième mandat pour
Alpha Condé, que les trajectoires politiques des pays obéissent parfois à
des histoires politiques encore plus complexes.

Le cas de la Guinée est plus proche du cas burkinabé car les deux
histoires politiques ont des éléments de similitudes (ces deux pays
n’ont pas connu de conflits ethniques). Au Burkina, Blaise Compaoré, 27
ans au pouvoir avait pensé comme Alpha Condé aujourd’hui qu’il suffisait
d’un simple coup de gomme pour effacer les passages contraignants dans
une constitution. « Il a suffi de trois jours pour que Blaise Compaoré
soit poussé dehors par le peuple. Mais trois jours minutieusement
préparés » comme le révèle une enquête menée par Jeune Afrique.

En créant de toutes pièces cette crise politique aux conséquences
désastreuses pour la Guinée et la sous-région, Alpha Condé sera tenu
responsable de toutes les dérives de son régime et il répondra devant la
justice pour tous les crimes commis en Guinée depuis son accession au pouvoir en 2010.

Par cette décision de confiscation du pouvoir à travers une nouvelle constitution dont le seul objectif est de s’octroyer un troisième mandat, Alpha Condé engage un rapport de force qui sera, certes, difficile et long avec les forces démocratiques du pays, mais il reculera quand la pression sera très forte. Lorsqu’il y a du monde et que les manifestations durent, beaucoup de dirigeants reculent face au pouvoir de la rue, c’est une réalité observée et documentée (Algérie, Soudan, Tunisie, Égypte, Burkina, Sénégal …).


Par Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




La mission NDI / KAF demande au gouvernement de «clarifier davantage sa position concernant les spéculations sur le cadre constitutionnel du pays» [Déclaration]


DÉCLARATION DE LA MISSION CONJOINTE D’ÉVALUATION NDI/KAF EN GUINÉE 13 décembre 2019


I. Introduction

Du 9 au 13 décembre, le National Democratic Institute (NDI) et la Fondation Kofi Annan (KAF) ont mené une mission d’évaluation préélectorale avant les élections législatives prévues le 16 février 2020. La délégation était composée de S.E.M. Nicéphore Soglo, ancien Président du Bénin, S.E.M. Goodluck Jonathan, ancien Président du Nigéria, l’Ambassadeur Medina Wesseh, Secrétaire générale de l’Union du fleuve Mano, Dr Christopher Fomunyoh, Directeur Afrique au NDI, M. Sébastien F.W. Brack, Chef du programme Élections et Démocratie à la Fondation Kofi Annan, Dr. Sophia Moestrup, Directrice adjointe pour l’Afrique centrale et occidentale au NDI, et M. Paul Komivi Sémeko Amegakpo, Directeur résident du NDI en Guinée.

Les objectifs de la délégation
étaient les suivants :

  • Manifester le soutien international à la démocratie et au processus électoral en Guinée ;
  • Évaluer l’environnement politique et électoral à l’approche des élections législatives de 2020 ;
  • Évaluer les préparatifs électoraux et proposer des recommandations pour renforcer la confiance des citoyens dans le processus et atténuer les risques de violence.

La délégation a rencontré le Président de la République, S.E.M. Alpha Condé, le Président de l’Assemblée nationale, Honorable Claude Kory Kondiano, et d’autres dirigeants de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre M. Ibrahima Kassory Fofana, le Président Me Salif Kébé et les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), des responsables des partis politiques de la majorité et de l’opposition, des responsables d’organisations de la société civile, des représentants des médias, le Groupe national de contact (GNC), l’Imam de la Grande Mosquée de Conakry et le Conseiller Spécial de l’Archevêque de Conakry, ainsi que des représentants de la communauté diplomatique et des partenaires internationaux basés à Conakry. La délégation exprime sa profonde gratitude à toutes les personnes rencontrées d’avoir reçu la mission et d’avoir librement partagé leurs points de vue sur le contexte politique et le processus électoral.

La délégation a
mené ses activités conformément aux lois de la République de Guinée et à la
Déclaration de principes pour l’observation internationale des élections,
adoptée en 2005 aux Nations Unies. Elle a également pris en compte les normes
électorales internationales et régionales, notamment la Charte africaine de
l’Union africaine (UA) sur la démocratie, les élections et la gouvernance,
ainsi que le Protocole additionnel sur la démocratie, les élections et la bonne
gouvernance de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO).

Résumé des conclusions principales

La délégation a
noté que tous les Guinéens rencontrés ont exprimé le fort désir d’avoir des
élections législatives apaisées, inclusives et crédibles en 2020. Ils ont
souligné l’importance de ces élections pour le renforcement de la démocratie du
pays et la fin de la prorogation de la législature actuelle dont le mandat a
expiré en janvier 2019. De nombreux Guinéens se sont dits préoccupés par le fait que les spéculations sur des changements au cadre constitutionnel et le calendrier électoral du pays affectent la préparation des
élections de février 2020. Ils ont dénoncé les violences qui ont entaché les
manifestations politiques depuis octobre dernier, qui ont fait des morts et
occasionné des dégâts matériels. La plupart des victimes de violences étaient des
jeunes de 20 ans ou moins.

La délégation a
également noté une polarisation et une méfiance parmi les acteurs politiques
guinéens et les organisations de la société civile. La délégation a observé que
bien que la commission électorale (CENI) soit confiante quant aux mesures
prises pour organiser les scrutins, les dirigeants politiques de la majorité et
des partis d’opposition ont exprimé des préoccupations concernant le processus
d’inscription des électeurs en cours. La CENI doit déployer des efforts extraordinaires
pour partager des informations sur son travail et son calendrier avec les
citoyens. Les dirigeants guinéens doivent renforcer le dialogue entre les
partis politiques et favoriser des communications et des interactions plus
régulières entre les partis et l’organe de gestion des élections.

II . Environnement politique

De nombreux
Guinéens craignent que les préparatifs des prochaines élections législatives
soient éclipsés par un débat en cours sur la nécessité ou non d’une nouvelle
constitution. La délégation a noté plusieurs défis dans le paysage politique
actuel qui pourraient avoir un impact sur la préparation des élections.

Polarisation autour de la possibilité d’un référendum constitutionnel

Au cours de l’année écoulée, la République de Guinée a été polarisée par un débat houleux sur la question de savoir si le pays a besoin d’une nouvelle constitution, et si pour adopter cette nouvelle constitution, un référendum devrait avoir lieu avant l’élection présidentielle d’octobre 2020. En vertu de la constitution actuelle, adoptée en 2010, le Président Alpha Condé exerce actuellement son dernier mandat qui doit se terminer en décembre 2020. Cependant, si une nouvelle constitution doit être adoptée, certains Guinéens estiment que cela ferait recommencer un nouveau mandat, auquel cas, le Président en exercice pourrait se présenter à nouveau. Les partisans d’une nouvelle constitution et ceux opposés à l’idée d’un changement constitutionnel ont organisé des manifestations massives à Conakry et dans d’autres parties du pays. Une coalition de partis d’opposition et des organisations de la société civile a formé un Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), et ont organisé des manifestations hebdomadaires depuis octobre. En réponse, les partisans d’un changement constitutionnel ont créé la Coalition démocratique pour la nouvelle Constitution (CODENOC). La délégation a relevé des préoccupations selon lesquelles, compte tenu des antécédents de violence politique en République de Guinée, l’adoption d’une nouvelle constitution sans arriver à un consensus national sur la question pourrait entraîner de nouvelles violences à grande échelle. Le Président en exercice n’a pas encore annoncé publiquement comment il entend procéder sur les questions constitutionnelles au centre du débat.

Violence récurrente autour des élections et de la participation politique

La société guinéenne est traversée par un sentiment de déni de justice et de ressentiment vis-à-vis des violences passées, notamment le massacre de plus de 150 manifestants non armés en septembre 2009 par les forces de sécurité lors d’un rassemblement politique à Conakry. Les familles des morts et d’autres victimes attendent toujours la justice dix ans plus tard. En effet, depuis les élections de transition en République de Guinée en 2010, chaque élection a connu des violences liées aux élections. Par exemple, à la suite des élections locales de février 2018, les partisans de divers partis politiques ont contesté la déclaration des résultats dans 12 des 342 circonscriptions du pays, craignant que le processus de centralisation des votes soit manipulé. Ces manifestations ont dégénéré en violences postélectorales et le gouvernement guinéen a interdit les manifestations publiques. Une loi récemment adoptée en juin 2019 a renforcé le pouvoir de la gendarmerie et de la police dans le maintien de l’ordre. La délégation a appris que, en trois mois de manifestations contre une nouvelle constitution, près de 20 manifestants, pour la plupart très jeunes, ont été tués lors d’interventions violentes des forces de sécurité. Selon certains témoignages, 126 personnes ont été tuées lors de manifestations politiques depuis la transition démocratique de 2010. De nombreux interlocuteurs rencontrés par la délégation, regrettent que personne n’ait été poursuivi pour ces homicides et expriment des préoccupations quant au fait qu’un sentiment d’impunité ne peut qu’encourager un recours à une force excessive par les forces de sécurité contre des militants politiques civils.

Dialogue politique intermittent

La méfiance est profonde parmi les dirigeants politiques guinéens, alimentée en grande partie par l’absence d’un dialogue soutenu et des engagements qui n’ont pas été satisfaits, ce qui peut porter atteinte à l’unité nationale. Les partis de l’opposition accusent le gouvernement et le parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) de manipuler les élections, d’enfreindre les droits de l’homme et de restreindre les droits civils, tandis que le gouvernement et le parti majoritaire accusent l’opposition d’entraver le progrès national et de soutenir des manifestations violentes qui entraînent des pertes en vies humaines et la destruction de biens publics et privés. Depuis 2010, l’opposition a, à plusieurs reprises, boycotté l’Assemblée nationale et d’autres institutions telles que la CENI. Bien que le RPG et les principaux partis d’opposition aient dû recourir à plusieurs accords négociés pour résoudre les questions litigieuses liées au cycle électoral, suite aux résultats contestés des élections locales de février 2018, les partis de l’opposition ont suspendu leur participation au cadre de dialogue créé pour superviser la mise en œuvre de l’accord politique du 12 octobre 2016 (l’accord politique guinéen de 2016) . La délégation a noté qu’une semaine avant son arrivée, le Premier ministre guinéen a relancé les efforts de dialogue. La délégation a apprécié que des discussions soient en cours pour adopter un plan opérationnel afin de répondre à une demande pressante de l’opposition concernant l’installation de conseillers de district et de quartier. Si elle était rapidement appliquée, l’installation de ces chefs de quartier et de district pourrait commencer à contrer le scepticisme exprimé par plusieurs interlocuteurs et à rétablir la confiance et le respect mutuel entre le gouvernement et l’opposition politique.

Clivages ethniques sous-jacents à l’appartenance politique

Historiquement,
la Guinée compte quatre zones géographiques, chacune s’identifiant à des
spécificités ethniques et culturelles. Le pays compte actuellement plus de 150
partis enregistrés, dont 15 sont représentés à l’Assemblée nationale. Les
partis se sont organisés par affiliation en sept blocs, dont trois appartiennent à la majorité
au pouvoir et quatre à l’opposition.
Les interlocuteurs rencontrés par la délégation se sont dits préoccupés par le
fait que les principaux partis aient recouru à des appels ethniques ou
régionaux pour obtenir un soutien électoral. Dans de telles circonstances, la
polarisation politique tend à alimenter les tensions ethniques dans le pays.
Ces clivages qui se chevauchent sont très préoccupants et, s’ils ne sont pas
maîtrisés, ils pourraient exacerber les tensions et risqueraient de provoquer
des violences et des conflits lors d’élections hautement compétitives. Cela est
d’autant plus préoccupant compte tenu de la situation sécuritaire de la sous-région.

III. Conclusions par rapport aux élections législatives de 2020

La délégation a
observé qu’il n’y avait pas de consensus national sur le calendrier électoral
et sur la capacité de la commission électorale à procéder à temps à
l’enregistrement des électeurs pour les élections législatives de 2020. Depuis
2010, le calendrier électoral et le fichier des électeurs sont une source
constante de conflits entre le gouvernement et l’opposition. Alors que les
interlocuteurs ont exprimé une faible confiance dans la capacité technique de
la CENI et son indépendance effective, la CENI a assuré à la délégation que la
préparation des élections était en bonne voie. D’autres ont exprimé la crainte
que les partis politiques ne soient pas en mesure d’incorporer dans le
processus de nomination des candidats des dispositions sur la parité entre les
sexes, comme le prévoit la législation progressiste sur le genre adoptée en mai
2019 pour accroître la représentation politique des femmes.

Chronogramme

Depuis la
transition de 2010 vers la démocratie, la plupart des élections n’ont pas eu
lieu dans les délais prévus par la constitution. En particulier, les élections
législatives prévues pour 2011 n’ont eu lieu qu’en 2013 et les élections
locales, censées se tenir en 2015, n’ont eu lieu qu’en 2018. Suite aux
élections locales de février 2018, les retards dans le règlement des
contentieux électoraux dans 12 communes contestées ont eu un impact négatif.
L’installation des Conseils communaux et la tenue consécutive d’élections
indirectes pour désigner les maires ont été retardées jusqu’en février 2019. À
ce jour, la nomination des conseillers de quartier et de district et l’élection
des conseillers de région sont encore à finaliser. Les crises politiques
récurrentes et les désaccords sur le fichier électoral ont retardé les
élections législatives. Ceci implique que les membres actuels de l’Assemblée
nationale, élus en 2013, auront été en fonction pendant près de sept ans au
lieu de cinq comme le prévoit la constitution. Leur mandat a été prolongé
indéfiniment par décret présidentiel en janvier 2019.

En consultation
avec l’Organisation Internationale de la
Francophonie
(OIF), la CENI a annoncé en novembre que des élections
législatives auront lieu le 16 février 2020. Les partis au pouvoir et de
l’opposition ont encouragé leurs partisans à s’inscrire massivement pour voter.
La révision du fichier électoral a commencé en novembre pour une période de 25
jours et devrait se terminer le 16 décembre 2019. Cependant, les représentants
de l’opposition et des partis de la majorité se sont dits préoccupés par le
fait que le processus d’enrôlement ne serait pas achevé à la date prévue. La
distribution des cartes d’électeur devrait commencer le 16 Janvier 2020 et
coïncider avec la période de campagne électorale, soit 30 jours avant le jour
du scrutin.

Fichier électoral

Un fichier
électoral crédible est une condition préalable à des élections crédibles. D’un
commun accord entre tous les partis politiques à la suite de l’accord politique
du 12 octobre 2016, un audit du fichier électoral a eu lieu en septembre 2018.
Des experts de l’OIF, de l’Union européenne (UE) et du Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) ont travaillé avec la CENI, des
représentants de la société civile et des groupes parlementaires pour mener à
bien l’audit.

L’audit a révélé
que les données de plus de la moitié des 6 millions d’électeurs enregistrés
n’avaient pas été nettoyées pour éviter les potentiels doublons, et qu’il
manquait des informations biométriques pour 1,6 million d’électeurs. L’audit a
conclu que, compte tenu de ces préoccupations, tous les électeurs devraient se
présenter devant la CENI pour faire confirmer leurs informations. Pour les
électeurs ne disposant pas de données biométriques, ces données devraient être
ajoutées et les citoyens majeurs depuis 2015 devraient être enregistrés. Compte
tenu de l’ampleur massive de cette opération, certains dirigeants de
l’opposition ont soulevé la question que la CENI aurait dû utiliser les 90
jours d’octobre à décembre pour l’inscription ordinaire des électeurs au lieu
de réduire la période à 25 jours, comme le prévoit le code électoral pour les
révisions extraordinaires.

Alors que la période d’inscription des électeurs touche à sa fin, le RPG et les partis de l’opposition ont soulevé des préoccupations quant à l’enrôlement de mineurs dans le fichier électoral, dans les bastions de l’opposition et du parti au pouvoir. De plus, des problèmes de main-d’œuvre et de logistique tels que le manque de matériels et des kits d’enregistrement défectueux, un personnel insuffisant ou mal formé et un retard dans le démarrage des opérations dans certaines localités ont ralenti le processus. De plus, la diaspora guinéenne de plusieurs pays avec un nombre élevé d’électeurs potentiels, comme le Sénégal, le Maroc et l’Indonésie, a du mal à s’enregistrer. Plusieurs interlocuteurs se sont dits préoccupés par l’insuffisance des informations et de l’éducation des électeurs en ce qui concerne l’inscription des électeurs et le processus électoral en général. Dans certains cas, les électeurs déjà inscrits ne savent pas qu’ils doivent se présenter pour confirmer leurs données biométriques afin de pouvoir voter en 2020. La CENI a déclaré à la délégation que le groupe de travail interpartis au sein duquel tous les partis politiques sont représentés devra décider des procédures appropriées à adopter pour permettre aux électeurs qui ne se seront pas présentés pour confirmer leurs informations d’exercer leur droit de vote.

Malgré ces défis,
la CENI prévoit de terminer le processus d’inscription des électeurs à temps ou
bien seulement avec un léger retard. Selon les informations recueillies, un nombre
important de nouveaux électeurs ont déjà été enregistrés tandis
que 200 000 personnes décédées
ont été retirées du registre.
La CENI n’a toujours pas publié de statistiques officielles sur les progrès
réalisés à ce jour dans le processus d’inscription des électeurs. Selon le
président de la CENI, de 55 à 65% des recommandations de l’audit ont été mises en
œuvre, et de nombreuses recommandations restantes, comme par exemple les
révisions du code électoral, dépendent d’autres institutions. Les responsables
de la CENI se sont déclarés surpris par les déclarations de l’opposition et de
la majorité selon lesquelles les mineurs pourraient s’inscrire, étant donné que
des représentants des deux partis sont présents dans les Commissions
administratives de révision des listes électorales (CARLE). Le Président de la
CENI a observé que des images de mineurs dans les centres d’enregistrement
datent des années précédentes et ne reflètent pas ce qui se passe actuellement
en Guinée. Le Président de la CENI a déclaré que la commission utilisera des
logiciels pour retirer, chaque semaine, les mineurs, les doublons et d’autres
anomalies de la base de données du fichier électoral. Bien qu’elle ne soit pas
encore entièrement financée, la CENI a indiqué qu’elle a reçu une partie
importante de son budget et que le gouvernement lui a assuré que les documents
de vote, tels que les urnes et les bulletins de vote, devant être achetés par
le ministère de l’Administration territoriale (MATD) seront livrés à temps.

Malgré les
assurances de la CENI, des doutes et des soupçons persistent chez certains
Guinéens quant au processus de révision du fichier électoral. Des représentants
des partis au pouvoir et de l’opposition se sont dits préoccupés par la
capacité de la CENI à gérer efficacement le processus d’enrôlement des
électeurs de façon opportune et transparente.

Certains partis de l’opposition s’inquiètent également de la réelle indépendance de la CENI vis-à-vis du pouvoir exécutif, notamment lorsqu’il s’agit de proposer un calendrier électoral techniquement viable. Si elle est mal gérée, la mise à jour du fichier électoral pourrait devenir une source de conflit entre les partis politiques guinéens et leurs partisans, et porter atteinte à la légitimité des résultats électoraux. La CENI devra certainement être plus proactive et efficace dans sa communication afin de renforcer la confiance dans le processus électoral.

Administration des élections

La CENI a créé un
groupe de travail interpartis (Comité Inter parties – CIP), une plate-forme de
dialogue sur le processus électoral. Les réunions du CIP sont ouvertes aux
représentants des partis politiques, aux journalistes, aux dirigeants de la
société civile et aux représentants des institutions gouvernementales et des
organisations internationales. Il est destiné à servir de cadre pour partager
des informations sur les préparatifs de la CENI pour les prochaines élections,
sur des sujets importants tels que la révision des listes électorales. Malgré
l’existence de ce forum visant à renforcer la confiance dans le processus,
certaines parties prenantes ont exprimé des inquiétudes quant à la capacité de
la CENI à organiser des élections crédibles. Le processus de gestion des
résultats a aussi été identifié par plusieurs interlocuteurs comme
particulièrement vulnérable, et ayant connu des défaillances importantes dans
le passé. Il y a notamment eu des difficultés autour de la transmission
électronique incomplète des résultats et l’absence de publication des données
électorales par bureau de vote, l’insuffisance et la mauvaise qualité des
copies des procès – verbaux, des problèmes avec la chaîne de responsabilité
dans la transmission physique des procès – verbaux aux différentes institutions
destinataires et l’annulation ou la modification arbitraire des résultats des
bureaux de vote par certains magistrats au niveau des centres de centralisation
des votes. Des procédures et des lignes directrices spécifiques pour assurer
une gestion efficace des résultats devraient être définies à l’avance par la
CENI et être largement partagées avec les partis politiques et les membres des
bureaux de vote pour garantir une conformité efficace.

Résolution des conflits électoraux

Des organisations
internationales telles que l’International Foundation of Electoral Systems
(IFES) et l’Open Society Initiative of West Africa (OSIWA) travaillent en
partenariat avec des organisations de la société civile, y compris des réseaux
de femmes, pour établir des mécanismes alternatifs de règlement des différends
qui pourraient prévenir ou atténuer la violence et les conflits au niveau
national et au niveau local. OSIWA aide également la Cour constitutionnelle à
renforcer ses capacités à gérer les différends à temps et de manière
impartiale. Dans le passé, les préjugés perçus dans l’application des
procédures de règlement des différends électoraux ont contribué aux tensions et
à la violence. La délégation a relevé des préoccupations selon lesquelles les
magistrats et les tribunaux ne sont pas suffisamment équipés pour traiter les
différends électoraux et, dans certains cas, appliquent des procédures
d’arbitrage non transparentes. Par exemple, après les élections locales de
2018, certains juges se sont déclarés incompétents pour statuer sur certains
litiges, d’autres ont rejeté de manière sommaire les requêtes des candidats
pour des détails touchant à la forme et aux délais de soumission. Certains
Guinéens se demandent si la Cour constitutionnelle, avec une pression
significative de l’administration, pourrait affirmer son indépendance en tant
qu’arbitre neutre pour les litiges émanant des élections législatives et pour
lesquelles la Cour constitutionnelle a compétence exclusive.

Représentation de genre

En mai, l’Assemblée nationale a adopté une loi historique, que
le Président a promulguée, exigeant la parité pour toutes les listes de
candidats à des fonctions électives. Des amendements au code électoral,
notamment pour se conformer à cette loi , ont été rédigés, mais l’Assemblée
nationale n’a pas encore engagé de débat ni voté ces réformes. Le débat a été
retardé par les différends en cours sur les résultats des élections locales.
L’inscription des candidats débutant le 18 décembre, il ne sera pas possible
d’assurer l’application de la loi sur la parité sur les listes de candidats
pour les prochains scrutins. Cela représente une occasion manquée d’avoir plus
de femmes candidates aux prochaines élections et davantage de femmes dans la prochaine
législature. Lors des dernières élections législatives de 2013, seulement 25
femmes ont remporté des sièges à l’Assemblée nationale, ce qui représente 21%
des députés. Pour les élections locales de février 2018, 23% des candidats
inscrits étaient des femmes. Alors que le Cadre de concertation des femmes et
des filles des partis politiques de Guinée (CCFPPG) et d’autres groupes se sont
engagés dans des efforts de plaidoyer pour appeler les parties à utiliser le
principe de liste « zébrée » ou de « fermeture éclair » pour composer les
listes électorales, alternant hommes et femmes, dans l’esprit de la loi sur la
parité, aucun parti politique guinéen ne s’est engagé à utiliser cette pratique
pour les prochaines élections.

IV. Initiatives en cours pour soutenir des élections législatives apaisées et crédibles

Un certain nombre
d’initiatives sont en cours pour soutenir des élections apaisées et crédibles
en février 2020. De nombreuses organisations de la société civile guinéenne
engagées sur les questions de démocratie et de gouvernance se préparent à
s’impliquer dans le processus électoral de 2020. Certaines fonctionnent au
niveau communautaires, tandis que d’autres ont établi des partenariats avec des
organisations internationales telles que l’IFES, OSIWA et Search for Common
Ground (SFCG). D’autre part, les militants des partis surveillent la mise en
œuvre d’un code de conduite pour les partis. Les élections de 2020 offrent la
possibilité d’un plus grand engagement des citoyens pour garantir des élections
pacifiques, inclusives et crédibles.

Suivi citoyen des processus électoraux

Les observateurs citoyens non partisans jouent un rôle important pendant les élections en renforçant la confiance du public dans le processus électoral si cela est justifié, en dissuadant les malversations électorales, en révélant des irrégularités et en donnant aux citoyens des informations importantes sur l’intégrité des élections. La délégation a appris qu’une coalition de huit organisations, la Coalition Citoyenne pour les Élections et la Gouvernance (CoCEG), dont certaines ont une expérience antérieure en matière d’observation des élections, se prépare actuellement à surveiller les élections législatives de 2020, comme le sont d’autres groupes de la société civile. La délégation voit la nécessité d’établir une large coalition d’observation des élections qui pourrait résoudre les problèmes de partialité politique et d’esprit partisan perçus par certains groupes de la société civile. Dans un premier temps, les organisations de la société civile devraient utiliser les élections de février 2020 comme une opportunité permettant de coordonner l’observation de la période préélectorale. En publiant des rapports fréquents et leurs conclusions, des groupes de la société civile ou des observateurs citoyens pourraient encourager les différents acteurs électoraux à jouer pleinement leur rôle.

Participation citoyenne inclusive au processus électoral

En mai 2019,
l’Assemblée nationale a adopté une législation sur la parité grâce en grande
partie au plaidoyer approfondi des OSC en faveur de la parité. Les membres des
organisations de la société civile et les femmes leaders politiques continuent
de plaider pour que les dispositions de la loi soient intégrées dans les
amendements au code électoral. Par exemple, le Cadre de concertation des filles
/ femmes des partis politiques de Guinée (CCFPPG) a fait pression sur les
partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et les caucus
parlementaires pour agir sur la question. D’autres groupes s’emploient
activement à faire en sorte que les femmes s’inscrivent pour voter et se
présentent pour voter le jour du scrutin. Dans la perspective des élections
législatives, le Conseil national des organisations de la société civile
guinéenne (CNOSCG) et d’autres groupes mènent des campagnes de sensibilisation
pour encourager les citoyens guinéens, et les jeunes en particulier, à
s’inscrire pour voter. De plus, plusieurs médias se préparent à entreprendre
des initiatives d’observation des médias. Les médias électroniques et la radio
sont parmis les moyens les plus répandus de mobilisation des citoyens et de
partage d’informations en République de Guinée.

Surveillance de la violence et règlement des différends électoraux

Un certain
nombre de partenaires internationaux, dont l’IFES,
OSIWA et SFCG, soutiennent des initiatives d’observation de la
violence et de règlement des différends électoraux en République de Guinée.
SFCG se concentre spécifiquement sur la gestion des conflits et la promotion de
la cohésion sociale, et produit des émissions de radio et de télévision pour
l’éducation civique et pour lutter contre la désinformation et réduire les
conflits. En plus des activités de règlement des différends électoraux, OSIWA soutient les initiatives de paix des jeunes au niveau local.

Cette
organisation prévoit également de mener une étude de référence sur les risques
électoraux. D’autre part, le CNOSCG met en œuvre des activités en collaboration
avec l’IFES axées sur l’engagement et la surveillance de la société civile dans
le règlement des différends qui peuvent survenir avant les élections
législatives et identifie également les facteurs les plus susceptibles de
conduire à des différends électoraux afin de mieux anticiper les besoins de
résolution. L’Union européenne appuie également WANEP dans la mise en oeuvre
d’un programme d’observation des incidents de violence liés aux élections à
travers un système d’alerte précoce et de réponse rapide.

Code de bonne conduite des partis politiques

Début décembre, 34 partis politiques ont signé le Code de bonne conduite, rejoignant 108 autres partis qui l’avaient précédemment signé. Lors de la cérémonie de signature, six des sept blocs de partis en Guinée ont réitéré publiquement leur adhésion et leur engagement à respecter le Code de bonne conduite. Depuis l’initiative d’adoption du Code de bonne conduite des partis politiques, une Commission nationale de suivi a été mis en place à Conakry et dans les régions afin de continuer de sensibiliser sur le contenu du Code de bonne conduite et à la nécessité pour les partis signataires et leurs sympathisants ainsi que la population guinéenne en général d’adhérer à ses principes. Le Code a été adopté pour la première fois en 2008 par 41 partis guinéens pour promouvoir des processus électoraux apaisés et inclusifs, notamment pour faire respecter des règles de comportement approprié auprès des militants des partis politiques et des candidats. Bien que le Code de bonne conduite s’applique à tout moment aux partis politiques, il est particulièrement important en ce qui concerne les élections, car il promeut la paix, la non-violence et le fair-play. Le Code de bonne conduite a été récemment mis à jour pour inclure des dispositions spécifiques sur la prévention de la violence à l’égard des femmes en politique.

V. Recommandations

La délégation
estime qu’avec une volonté politique plus poussée et un dialogue de fond, de
nombreux défis peuvent être relevé dans l’environnement politique actuel et
menant aux élections législatives de février 2020 pour renforcer la confiance
et la participation des citoyens au processus et atténuer la violence avant,
pendant et après les élections. Dans un esprit de coopération internationale,
la délégation propose donc les recommandations suivantes :

Au gouvernement de la République de Guinée :

  • Clarifier davantage sa position concernant les spéculations sur le cadre constitutionnel du pays afin de renforcer la confiance des citoyens dans son engagement à renforcer la démocratie et à favoriser des élections législatives pacifiques et crédibles.
  • Créer des plateformes de communication régulière entre les populations civiles et les services de sécurité aux niveaux nationaux et régionaux afin de prévenir de nouveaux affrontements entre manifestants et services de sécurité et des violences récurrentes.

À la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) :

  • Communiquer de manière approfondie sur ses activités liées aux élections législatives, y compris notamment en utilisant des plates-formes de communication modernes telles que Facebook, Twitter et une page web régulièrement mise à jour, qui sont utilisées par les jeunes qui constituent la masse de l’électorat.
  • Mener une forte campagne de sensibilisation pour que les électeurs soient sensibilisés à la nécessité de vérifier leur statut d’enrôlement et que les citoyens soient informés des procédures pour confirmer leur statut d’enrôlement une fois la liste finalisée.
  • Prendre des mesures raisonnables pour garantir l’exhaustivité et l’exactitude de la liste électorale, y compris la vérification de l’éligibilité des mineurs potentiels, tout en veillant à ce que ces procédures ne privent pas les électeurs admissibles de leurs droits.
  • En consultation avec le comité inter-parties (CIP), déterminer rapidement le statut des électeurs présentant informations partielles dans le fichier électoral final, y compris des données biométriques incomplètes, et convenir de procédures pour faciliter leur exercice du droit de vote. Rendre ces décisions publiques.
  • Activer une cellule technique restreinte au sein du CIP avec une représentation multipartite pour surveiller le processus d’inscription des électeurs et la consolidation de la liste électorale.
  • Publier de manière active et diffuser largement les informations sur les activités les plus importantes de la CENI, par exemple la distribution des cartes d’électeur, afin d’optimiser le retrait de ces cartes par les électeurs et de minimiser toute confusion concernant le processus de vote le jour du scrutin.
  • Publier en temps opportun des données sur les résultats des élections, par bureau de vote et dans un format analysable et accessible à tous, afin de renforcer la confiance du public dans les résultats.
  • Fournir des directives claires sur la juridiction, les processus et les délais appropriés pour le dépôt et le règlement des contentieux électoraux, y compris les différends liés au processus d’inscription des électeurs et aux résultats des élections.

A la Cour constitutionnelle :

  • Assurer un jugement juste, rapide et transparent des contentieux électoraux, y compris ceux liés à
    l’enrôlement des candidats et aux résultats des élections.

Aux partis politiques :

  • Participer plus activement aux plateformes créées pour faciliter le dialogue entre les partis, telles que le comité de suivi de l’accord du 12 octobre et celles visant à faciliter les communications avec la CENI telles que le CIP, qui sont des moyens d’atténuer une polarisation excessive, les conflits et les violences.
  • Prendre des mesures concrètes pour nommer des femmes candidates afin de se conformer à la loi de mai 2019 sur la parité dans tous les postes électifs.
  • Respecter le Code de bonne conduite des partis politiques et sensibiliser leurs membres à faire de même, et participer au suivi, à la documentation et à la communication sur toutes les phases du processus électoral.

À la société civile et aux médias guinéens :

  • Intensifier leurs efforts pour surveiller et rendre compte de toutes les phases du processus électoral de manière professionnelle et objective.
  • S’engager dans des efforts ciblés d’éducation civique et d’éducation des électeurs sur le processus électoral, en faveur des femmes, des jeunes et d’autres groupes historiquement marginalisés.

À la communauté internationale :

  • Maintenir son intérêt et son soutien pour des élections apaisées, inclusives et crédibles en Guinée.
  • Augmenter son appui aux organisations de la société civile guinéenne engagées dans des activités de plaidoyer et d’autres actions qui soutiennent des élections crédibles, et compléter ces efforts par des missions d’observation qui pourraient renforcer la confiance des citoyens dans le processus électoral.

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Législatives de février 2020 : l’ombre des élections passées plane [Par Lamarana Petty Diallo]


La Guinée
parle encore d’élections comme en 2010, 13 et 15. Autant dire qu’on en a
l’habitude. Et de quelle manière ?


Les Guinéens
ont toujours payé le prix fort avant, pendant et après toute élection en y
laissant leur vie. Ils meurent, plutôt sont tués, pour des résultats, le plus
souvent, futiles, inutiles et puérils. Les revendications post-électorales, les
unes plus sanglantes que les autres n’ont jamais rien donné. A moins que ce ne
soient des négociations stériles et contre-nature.

Les élections qui s’annoncent ne semblent pas vouloir déroger à la règle. Les prémices sont là : visibles, connues mais paradoxalement ignorées de tous. Pourtant, le professeur a déjà dit haut et fort ce qu’il en est. A ses ouailles d’appliquer la sentence et les Guinéens sont avertis :

« Dans les autres pays où il y a de nouvelles constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait ».

Alpha Condé, dans une interview au Monde – 24 octobre 2019

Le message
est on ne peut plus clair. Les législatives qui se dessinent sont le prélude
des présidentielles. Comme tel, il faut utiliser, comme à l’accoutumée,
l’ultime recours. Résultats, une vingtaine de morts qui s’additionnent à la
centaine enregistrée entre 2010 et maintenant. Toujours pour les mêmes raisons :
les élections. Les mêmes résultats : l’échec.

Telle est la
logique guinéenne : les uns se font tuer pour que les autres règnent de
père en fils. Si ce n’est mourir pour des hommes et des femmes sans conviction
et sans idéal.

Les uns se battent, meurent et d’autres sont élus. Les familles pleurent, des personnes, souvent non méritantes sont élevées au rang de titres ronflants : « Honorable », « Excellence ».

Certains
pleurent du moment que d’autres chantent, gambadent sur tous les coins du
territoire pour crier victoire.

Parmi les
élus figurent, le plus souvent, des transfuges du pouvoir ou de l’opposition.
Certains sont de simples chefs de partis familiaux ou de meneurs de bandes de
quartiers, des opportunistes tout poil qui se font élire sur la liste de partis
politiques auxquels ils n’ont jamais appartenu.

Élus, ils plastronnent quelques temps sur les tribunes des assemblées générales de leurs partis adoptifs avant de se barrer pour rejoindre le grand manitou.

A force de
lécher bottes et bottines, de se frotter au sol jusqu’à l’usure du dernier
pantalon, ils se voient bombarder ministre, souvent avec le statut tant
convoité de « ministre d’Etat ». Aujourd’hui, c’est eux qui sont
envoyés discuter avec leur mentor d’hier.

Mais
attendons car si l’épine négocie avec la plante- du pied, on verra bien qui
choisira la partie qu’il faut piquer ou épargner.  Dans tous les cas,
aucun résultat ne serait être pire que les précédents.

Dorénavant,
les points non négociables sont connus par l’une et l’autre partie. La question
du troisième mandat et ses avenants. Inutile d’en débattre car la chose est
déjà dans l’escarcelle de l’adversaire à moins que le FNDC passe à la vitesse
supérieure en fixant une finalité plus audacieuse à ses revendications.

Troisième
mandat ou pas, une chose est claire. Si en Guinée, il y a enrôlement des
électeurs pour les législatives, à l’étranger, il y a « enroulement.
 Terme dont l’usage scientifique signifie : unité déviable convenant à la
manipulation ».

Dans
plusieurs pays où vivent les Guinéens tant en Afrique, en Europe qu’ailleurs,
on n’enrôle pas. On roule dans la farine. Il est fort à craindre que tel ne
soit le cas dans le territoire guinéen aussi. Les faits sont parlants par
eux-mêmes.

  • Les ordinateurs et autres outils informatiques utilisés sont obsolètes et d’usage aussi hésitant qu’un pas de caméléon. Ils ne permettent pas d’enrôler plus de vingt (20) personnes par jour. Ils s’arrêtent au beau milieu des opérations comme un baudet qui refuse de porter le fardeau de son maître. A croire que nos machines informatiques sont télépathiquement liées à la CENI.  A moins qu’il ne s’agisse d’une lenteur humainement orchestrée.
  • Quant aux consommables, on pourrait se demander si certains agents recenseurs ne les prennent pas au mot : en consommant tout simplement ce qui est consommable par nature.
  • Les passeports non biométriques ne sont pas autorisés alors que leur délivrance a été stoppée depuis longtemps. Dans tous les cas, combien de Guinéens en disposent à l’étranger ?
  • A défaut de passeports, c’est la carte consulaire qu’il faudrait présenter. Mais la signature et la délivrance journalière ne doivent pas dépasser le nombre magique de vingt par jour : histoire de ménager les phalanges de son excellence qui souffriraient peut-être d’arthrose. Dans tout ça, la priorité revient à certains. Deviez lesquels ?
  • Les demandes ont rarement de suite favorable. L’absence de réponse touche tout particulièrement les provinces (départements et régions) hors Paris et sa région.
  • Le tâtonnement dans la rédaction sur papier des noms et prénoms vient alourdir les handicaps soulevés. La lenteur des recenseurs parachève celle des machines et renforce la longue chaine des blocages.
  • La dichotomie entre manifestations du FNDC, l’appel des leaders politiques à participer au processus d’enrôlement, la négociation avec le pouvoir et la demande d’arrêt de l’enrôlement des électeurs a sans aucun doute impacté la motivation.

Par
conséquent, l’annonce fondée ou non de la demande d’arrêt de l’enrôlement, qui
a été publiée sur le net et jamais démentie par l’opposition, a quelque peu
semé le trouble dans les esprits des Guinéens vivant loin du pays.

Tout semble
indiquer que rien n’a été ménagé pour que le processus d’enrôlement reproduise
les méthodes du passé. Les cas de la France, du Sénégal, de l’Angola et
d’ailleurs illustre parfaitement cette hypothèse.

A bien
observer, on se rend compte qu’on est plus dans une opération- marketing dont
le but est de clamer au monde entier : ” il y a eu un enrôlement au
niveau national et à l’extérieur. Par conséquent, tous les ingrédients d’une
bonne élection sont réunis. Prendre pour preuve les missions qui sillonnent
actuellement les pays étrangers sera d’autant plus approprié. Les scènes de
contestation à l’ambassade de Guinée au Sénégal ne suffiront pas à ternir
l’image du processus. Pourtant, des cas de blocages se sont produits loin des
écrans dans d’autres pays.

Si la
situation générale du processus de recensement est un peu partout similaire à
celle de l’étranger, l’opposition guinéenne prendrait de grands risques de
participer aux législatives de février 2020. Elle devrait bien réfléchir pour
savoir quelle option adopter : aller aux législatives dans la
quasi-assurance de perdre ? Revendiquer, comme d’habitude une victoire
qu’elle ne peut avoir dans les circonstances actuelles ?

Cette fois-ci, plus que par le passé, au rythme où vont les choses et à quelques jours de la clôture des opérations d’enrôlement, aucun parti ne peut se faire prévaloir d’un taux élevé de militants ou sympathisant enrôlés. En outre, le scénario mis en place permettrait difficilement à l’opposition de contester les résultats. Une méthode beaucoup plus affinée, réfléchie et extérieurement bien colorée en « recensement transparent » semble avoir été pensée en amont par l’adversaire.

Pour 2020,
il semble avoir s’être penché n’aura sur la manière de gagner par le
recensement des électeurs. Un recensement entamé bien avant celui en cours.

Par
conséquent, s’il gagnait par la manipulation des résultats, fraudait dans les
unes et, vraisemblablement, durant les décomptes, il n’aura plus besoin de la
faire. Si tout se passe comme à l’étranger, le nombre potentiels de votants
recensés le met loin devant. Cela lui donne plus de crédibilité face à la
communauté internationale : notre médecin post-mortem.

Dans la
logique actuelle et au vu des faits déjà dénoncés, le panier de la victoire ne
semble pas pencher du côté des adversaires du régime en place. L’enrôlement des
mineurs constaté dans certaines régions de la Guinée et qui ne serait que la
part visible de l’iceberg, pourrait bien avoir son pendant à l’étranger. D’une
autre manière, avec des pratiques plus abruptes, voit-on.

Dans tous les cas, les échéances électorales qui s’annoncent risquent d’être source d’un double avènement : enfantement des uns et enterrement, politiquement parlant, des autres.

Aux
différents partis de l’opposition de savoir comment s’inscrire dans l’une des
perspectives.


M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France/ lamaranapetty@yahoo.fr




Guinée : ma CENI et mon fichier, le « trousseau de l’autocrate »


Les signes sont inquiétants, les incertitudes se multiplient, les positions se radicalisent, les enjeux sont importants, les élections à venir en Guinée présentent tous les éléments d’alerte d’une crise majeure.


En affirmant lors d’un meeting de soutien à N’Zérékoré le 16 novembre 2019 qu’il y a désormais « deux Guinée », Alpha Condé ôte le manteau de président censé rassembler tous les guinéens (qu’il n’a d’ailleurs jamais véritablement porté) pour celui d’un autocrate prêt à tout pour se maintenir au pouvoir aux termes de ses deux mandats consécutifs. La réalisation de ce projet plongera le pays dans une profonde instabilité politique, sociale et économique. Tous les scénarios sont ouverts. Revivre les périodes sombres de coup d’état serait tout simplement catastrophique pour ce pays. En affaiblissant les institutions et les instruments légaux de transfert du pouvoir, Alpha Condé fait le travail préalable que tout potentiel putschiste aspire : avoir des raisons valables de passer à l’acte et compter sur la légitimation de la subversion par le peuple.

En Mauritanie, lorsque le général Aziz prend le pouvoir en août 2008,
il affirme vouloir « sauvegarder les acquis démocratiques » en accusant
le président déchu d’avoir violé « les dispositions de la
Constitution », de n’avoir rien fait contre la hausse vertigineuse des
prix des denrées alimentaires, d’avoir « créé un climat propice à la
généralisation de la mauvaise gestion, du détournement des deniers
publics et de la corruption ». La légitimité des coups d’Etat se construit également sur l’idée d’un risque de troubles ethno-tribaux,
en renvoyant l’instabilité potentielle du pays non seulement à une
mauvaise gestion politique et économique, mais aussi à une nature
intrinsèquement anarchiste de la société. L’appropriation de tels
arguments dans le contexte guinéen est aujourd’hui facilitée par les
agissements du pouvoir de Conakry.

Certes, un chef d’Etat peut toujours compter sur des loyalistes au
sein de la grande muette pour protéger son pouvoir mais parfois les
évènements s’accélèrent de façon inattendue. Au Soudan, tout à commencer
par une décision du gouvernement de confier les importations
céréalières au secteur privé, qui a occasionné l’augmentation du prix du pain. Pour des raisons bien calculées, les officiers militaires soudanais ont préféré sacrifier le puissant Omar El Béchir.

La Guinée doit réussir sa première transition pacifique du pouvoir.
Il revient à la majorité rassemblée autour de l’esprit du FNDC de
combattre tous les projets (le plus souvent pilotés par de groupes
d’individus aux intérêts convergents) qui mettraient en péril la paix et
la stabilité du pays. Après avoir été une terre d’accueil pour des milliers de sierra léonais,
libériens et ivoiriens, la Guinée ne peut se permettre de sombrer dans
le chaos parce que tout simplement un petit groupe a décidé de modifier
les règles du jeu démocratique qui garantissent la paix, la stabilité et
le vivre ensemble.

Manipulation du fichier électoral

Depuis le 21 novembre 2019, les opérations d’enrôlement et de révision du fichier électoral se déroulent sur toute l’étendue du territoire national en prélude aux élections législatives du 16 février 2020.

La problématique du fichier électoral a toujours été au centre des
crises de confiance entre les acteurs politiques guinéens. L’opposition
politique n’a cessé de dénoncer les « anomalies » sur le fichier
électoral. Selon Sidya Touré,
président de l’Union des forces républicaines (UFR), le fichier
électoral « comporte plus d’un million et demi d’électeurs fictifs
répartis dans les régions de Kankan, Faranah, Nzérékoré et même Labé ».
C’est aussi l’avis de Aliou Condé,
le secrétaire général de l’Union des forces démocratiques de Guinée
(UFDG) « Le fichier électoral comporte 77 % d’anomalies, trois millions
de personnes, soit la moitié de l’électorat, n’ont pas de données
biométriques ». Si le président de la CENI dément l’existence de fictifs,
en reprenant une des conclusions du rapport d’audit à savoir des
électeurs inscrits mais dont les données biométriques sont manquantes,
les signalements des cas d’enrôlement de mineurs dans les zones acquises
au parti au pouvoir sont nombreux et des preuves vidéos circulent sur les réseaux sociaux depuis le début des opérations.

Déjà en 2015, les révélations de la députée de l’opposition Fatoumata Binta Diallo assurant avoir observé dans la région de Faranah l’enrôlement de mineurs
avaient suscitées de vives réactions des responsables du parti au
pouvoir qualifiant ces accusations d’infondées. Face à l’ampleur des
accusations de l’opposition sur cette question d’enrôlement de mineurs,
le comité technique de suivi du fichier électoral était sorti de sa
léthargie en publiant un rapport
le 12 septembre 2015 avec une recommandation spécifique sur la
question de l’âge : « Renforcer le contrôle de l’âge lors de la
distribution des cartes et prendre les dispositions pour que les
directives de la CENI en la matière s’imposent à tous ».

Le dialogue politique inter-guinéen (Accords du 12 octobre 2016)
avait mis un accent particulier sur le recrutement d’un « cabinet pour
réaliser un audit complet du fichier électoral ». Deux ans après,
débutaient les travaux d’audit du fichier électoral pilotés par des experts de l’Union européenne, de l’OIF et du PNUD. Le 10 octobre 2018,
les membres du comité technique d’audit du fichier électoral ont remis
le rapport d’audit du fichier électoral au ministre de l’Administration
du Territoire et de la Décentralisation. Interrogé sur le contenu du
rapport, le président dudit comité Mamady III Kaba affirmait ceci : « Il
y a effectivement un nombre très élevé, un million cinq cent trente
mille et quelques (1 530 000) électeurs, qui n’ont pas leurs données
biométriques au complet
 ». Sans parler de l’existence d’électeurs
fictifs comme le dénonce l’opposition, Kaba avance une toute autre
explication : « L’équipe d’experts, composée de sept (7) personnes, a
trouvé des raisons pouvant justifier cet état de fait. Et l’une de ces
raisons majeures, il y a eu plusieurs opérateurs qui ont travaillé sur
le fichier électoral guinéen au fil du temps. Les opérateurs
n’utilisaient pas le même système et du coup, le transfert d’un
opérateur à un autre, a altéré certaines données biométriques notamment,
les empreintes. » Pour l’opposition politique, les anomalies sont nombreuses :
« plus de 1 564 388 électeurs inscrits dans le fichier sont sans
empreintes digitales, plus de 3 051 773 d’électeurs non dédoublonnés,
plus de 3.000.000 d’électeurs sont nés entre un 1er janvier et un 1er
juillet, et donc un peu plus de la moitié des électeurs ne peuvent pas
produire un acte d’état civil avec une date de naissance exacte ». Pour
corriger ces anomalies, elle recommande :
« Au vu des doublons persistants du nombre de citoyens sans données
biométriques et de décédés qui pourraient encore figurer dans la base
des données, un contrôle physique de l’ensemble des électeurs s’impose.
Chaque citoyen revient confirmer ou compléter ses données
alphanumériques et biométriques pour qu’il soit maintenu dans la base. »

Malgré toutes les recommandations formulées dans le rapport d’audit
et les dénonciations sur le manque de transparence dans l’établissement
du fichier électoral, l’enrôlement de mineurs reste une pratique
frauduleuse redoutable que le pouvoir en place compte rééditer pour
remporter les élections futures. Pour vanter les efforts de la CENI, un
expert de l’OIF n’avait pas hésité à affirmer lors d’une conférence de
presse tenue à Conakry le 21 octobre 2019 que : « la CENI a fourni
l’effort d’acquérir un autre programme d’appui, c’est le programme ABIS
qui est un programme hautement performant pour la détection des
enrôlements multiples ». Selon cet expert «  l’ABIS permettra aussi à faire d’autres recherches telles que la reconnaissance de l’âge potentiel de l’électeur ». Aujourd’hui, les images montrant l’enrôlement de mineurs
dans la région de la haute Guinée font penser à des actions coordonnées
et encouragées par les autorités locales avec la bénédiction des
commanditaires basés à Conakry.

Face à l’ampleur des dénonciations de ces pratiques sur les réseaux sociaux, le président de la CENI s’est fendu d’un communiqué
ce dimanche 2 décembre 2019 pour annoncer les dispositions prises par
son institution : « le Président de la CENI constate sur les réseaux
sociaux des images faisant allusion à des cas d’enrôlement de mineurs.
La CENI mène des enquêtes et prend déjà des dispositions informatiques
pour déceler et radier tout enregistrement de mineurs. Sur la question
il demande : – Aux présidents de CEPI de faire le tour des CAERLE et de
prendre des dispositions disciplinaires contre tout membre de CAERLE
impliqué dans un cas d’enregistrement illégal. – A ETI-Bull de mener des
enquêtes et de relever de sa fonction tout opérateur de saisie qui
aurait enrôlé un mineur. – Et, le logiciel dont dispose la CENI permet
de faire un audit et de savoir exactement quel operateur et à quel
moment il ou elle a enrôlé un électeur. » En attendant, la fabrique d’un
électorat composé de mineurs se poursuit dans les fiefs du parti au
pouvoir.

L’enrôlement des mineurs, une tradition politique africaine

Si certains observateurs n’hésitent pas à réduire les consultations
électorales à de « simples formalités administratives » qui seraient
dominées par des acteurs politiques se livrant à un « banditisme
électoral plutôt qu’à une compétition loyale », pour reprendre la
formule de Kassoum Tapo l’ancien président de la Commission électorale
nationale indépendante du Mali, il faut toutefois noter que les graves
dysfonctionnements observés dans le déroulement des opérations
d’enrôlement des électeurs en Afrique de façon générale résultent d’une
volonté manifeste des pouvoirs en place de violer les règles du jeu
démocratique. Quantin dans son article intitulé « les élections en Afrique: entre rejet et institutionnalisation » explique
ces dysfonctionnements comme : « des stratégies jouées par les groupes
au pouvoir menacés dans leur hégémonie par une installation durable de
la règle de la majorité».

Pour Mokamanede cité par le chercheur Koné, auteur d’un article intitulé : TIC et processus de démocratisation en Afrique
: pour un système de gestion transparente des élections par
l’expérience du « Parallel Vote Tabulation » (PVT), le processus
électoral en Afrique souffre de deux contraintes : les contraintes
institutionnelles et socio-culturelles. Il note que les structures des
régimes à parti unique n’ont pas changé et les pays africains ne
disposent pas de données démographiques fiables.

L’enrôlement des mineurs est une recette politique très prisée dans
les palais africains où les présidents autocrates cherchent par tous les
moyens à contourner les exigences de transparence et de sincérité des
opérations électorales. Lors des élections générales au Burundi de 2015,
l’opposition ne cessait de dénoncer des distributions massives de
cartes nationales d’identité à des mineurs et aux seuls militants du
parti au pouvoir le CNDD-FDD. Les mêmes pratiques ont été observées en
RDC lors des élections présidentielle et législatives de novembre 2011, dans la province du Katanga (sud-est du pays), où des cartes d’électeur étaient distribués à des enfants d’une dizaine d’années. Dans la déclaration préliminaire de la Mission d’observation de l’Union africaine
aux élections législatives du 20 Décembre 2018 au Togo, les
observateurs n’ont pas manqué de rappeler que l’audit des listes
électorales avait pour but « d’éliminer certaines irrégularités
constatées notamment l’enrôlement des mineurs et les inscriptions
multiples ». Toujours au Togo, la mission d’observation électorale de l’Union européenne
pour l’élection présidentielle de 2010 soulignait déjà des cas
d’enrôlements de mineurs : « La MOE UE a relevé dans tous les CRV
(Centre de révision et de vote ) des régions de la Kara et des Savanes
(nord du pays) observés le jour de la révision supplétive des cas
d’enregistrement d’individus dont l’apparence portait à croire qu’ils
étaient mineurs.» Au Tchad lors de l’élection présidentielle de 2016,
les opposants accusaient l’administration chargée du fichier électoral
d’enrôler des mineurs, des électeurs fictifs et des réfugiés.

Il faut noter que les expériences ont démontré que les processus
électoraux peuvent stimuler ou catalyser des conflits sociaux majeurs.
Dans une publication du bureau des nations unis en Afrique de l’Ouest et
le Sahel intitulée « Comprendre la violence électorale pour mieux la prévenir ».
Nous pouvons lire ceci : « La violence électorale est déclenchée
pendant la période électorale quand des parties en position de force ou
de faiblesse constatent que l’autre partie établit de manière
unilatérale les règles du jeu électoral qui la favorisent. Les sujets
sur lesquels ce déclenchement est plus rapide restent : la mise en place
du fichier électoral, la mise en place de l’administration électorale
et les résultats électoraux. »


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




À quand la fin du désordre politico-judiciaire ?


Condamnés le 22 octobre 2019 à des peines allant de six mois à un an de prison ferme, les principaux initiateurs des manifestations qui agitent le pays depuis plusieurs semaines ont été remis en liberté provisoire ce jeudi 28 novembre 2019.


Jugés pour « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public », les responsables du FNDC avaient appelé à manifester contre le projet de nouvelle constitution qui n’est rien d’autre qu’un moyen déguisé pour permettre à Alpha Condé de s’octroyer illégalement un troisième mandat.

Depuis cette condamnation, les réactions se sont multipliées pour dénoncer cette volonté des autorités guinéennes d’écraser toute forme d’opposition à ce projet décrié par la majorité des guinéens. Pour le chercheur à Amnesty International, François Patuel « Nul ne peut être détenu pour avoir organisé ou appelé à une manifestation pacifique. Les leaders du FNDC doivent être libérés immédiatement et sans condition ». L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme dans un communiqué publié le 24 octobre 2019 condamnait cette décision de la justice guinéenne et demandait aux autorités la libération immédiate et inconditionnelle des membres du FNDC arrêtés le 12 octobre 2019 et condamnés à des peines d’emprisonnement.

Le procès
en appel de ce jeudi portait sur une demande de renvoi et de remise en liberté.
A l’issue de l’audience, les deux demandes ont été acceptées par le ministère
public en ordonnant la mise en liberté des prévenus et le renvoi du dossier au
5 décembre 2019.

Sous forte pression permanente sur le plan national avec les manifestations de rue et à l’international, les autorités guinéennes n’avaient d’autres choix que de reculer. Il faut rappeler que les manifestations de rue pour s’opposer au projet de 3e mandat pour Alpha Condé ont fait plus de 20 morts. Ce désordre politico-judiciaire avec son trophée macabre témoigne de l’état de déliquescence des institutions de la République où les répressions et condamnations sont récurrentes avec ses corollaires de violations de droits humains.


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




Nouvelle mobilisation massive contre Alpha Condé


Les
Guinéens ont à nouveau manifesté en masse mardi à Conakry contre un
éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, a constaté un
correspondant de l’AFP.


Fode Oussou Fofana, un responsable de l’opposition au président, a
chiffré le nombre de manifestants à un million tandis que la presse a
avancé le chiffre de 800.000.

De tels chiffres se sont révélés invérifiables depuis le début du mouvement.

Mais cette marche impressionnante aux couleurs rouges de
l’opposition est le dernier acte en date de la contestation lancée le 14
octobre par le Front national de défense de la Constitution, un
collectif de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la
société civile.

“Non à la présidence à vie”, “Alpha Condé dictateur”, ont scandé les manifestants, ainsi que “Mort aux assassins”, référence à la mort de plusieurs civils tués lors de précédentes journées de manifestation.

Aucun incident significatif n’a été rapporté au cours de celle-ci.
Les forces de l’ordre, à nouveau déployées en nombre, sont restées
discrètes.

Depuis un mois et demi, le FNDC est
parvenu à mobiliser à plusieurs reprises des foules de manifestants qui
ont envahi les rues des quartiers périphériques de Conakry, fiefs de
l’opposition.

Les protestations ont à différentes reprises été brutalement
réprimées. Au moins 20 civils ont été tués depuis le 14 octobre, ainsi
qu’un gendarme.

La Guinée, coutumière des protestations et des répressions brutales, est en proie à l’agitation depuis que le FNDC
a appelé à faire barrage au projet prêté à M. Condé, élu en 2010 et
réélu en 2015, de briguer sa propre succession en 2020 et de réviser
dans ce but la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats
présidentiels.

Les forces de sécurité ont fait l’objet en novembre d’un rapport
accusateur d’Amnesty International. Il dénonce l’usage excessif de la
force, les interdictions de manifestations pacifiques, les arrestations
“massives” et “arbitraires”, les cas de torture et l’impunité des
gendarmes et policiers.

Le gouvernement s’est défendu contre un rapport ignorant selon lui ses efforts.

A 81 ans, M. Condé, ancien opposant historique qui fut le premier
président démocratiquement élu après des décennies de régimes
autoritaires et militaires, entretient le flou sur ses intentions, mais a
lancé en septembre des consultations sur la Constitution.


Africanews/AFP




Répression et censure : l’Internet et les médias privés dans le collimateur de la junte en Guinée


Par Sékou Chérif Diallo


Depuis le putsch militaire du 5 septembre 2021, la Guinée s’enlise dans un régime autoritaire sous la coupe de la junte conduite par le colonel Mamadi Doumbouya, fraîchement autoproclamé Général de corps d’armée. La population guinéenne, qui espérait une transition rapide vers un pouvoir civil démocratiquement élu, a vu ses attentes anéanties par la spirale dictatoriale imposée par le nouvel homme fort du pays et son cercle restreint.

La junte au pouvoir multiplie les violations des libertés fondamentales, à commencer par la liberté de la presse et d’expression, socle de toute démocratie. Sous la férule du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), l’appareil judiciaire est dévoyé pour museler toute opposition. En deux ans, de nombreuses figures de la société civile et leaders de l’opposition ont ainsi été arbitrairement appréhendées, jetées en prison, quand elles n’étaient pas contraintes à l’exil.

Les médias indépendants et les journalistes sont dans le collimateur du pouvoir. Le CNRD impose une chape de plomb sur l’information, étouffant le paysage médiatique et la liberté de la presse. Tout article ou reportage critiquant le régime s’expose à la censure et aux représailles. Cette politique de muselage conduit de nombreux organes de presse à l’asphyxie économique.

Depuis fin novembre 2022, la liberté de la presse est gravement menacée en Guinée. Les signaux de plusieurs radios indépendantes comme FIM FM, Djoma FM, Espace FM et Évasion sont brouillés, rendant leurs programmes inaudibles. Selon l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (URTELGUI), ces brouillages sont délibérés et probablement perpétrés par l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT). Les chaînes de télévision Djoma, Evasion et Espace ont été arbitrairement retirées des bouquets de Canal+ et StarTimes pour de vagues motifs de “sécurité nationale”. 

Le 18 janvier 2024, la Maison de la presse à Conakry a été prise d’assaut par les forces de l’ordre, qui ont séquestré une trentaine de journalistes à l’intérieur. Neuf reporters présents aux alentours ont également été appréhendés puis relâchés. La veille, les radios Espace FM et FIM FM, brouillées depuis des semaines, ont été piratées afin de diffuser des chants nationalistes (militaires) plutôt que leurs programmes habituels.

Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), est incarcéré depuis le 19 janvier 2024. Inculpé le 22 janvier pour “participation à une manifestation interdite” et “publication de données menaçant la sécurité”, il a été placé sous mandat de dépôt à la prison de Conakry. Son arrestation s’inscrit dans un climat de répression généralisée de la liberté d’expression et de réunion pacifique en Guinée, un climat de terreur généralisé envers les médias critiques du régime : restrictions récurrentes à l’accès à internet, censure des médias, arrestations de journalistes.

Face à cette escalade répressive marquée par la censure et les restrictions d’accès à l’information, Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International dénoncent ces entraves répétées à l’information plurielle constituant de “graves atteintes à la liberté d’informer” et condamnent la dérive autoritaire des autorités guinéennes et leur volonté manifeste de faire taire toute opposition.

La Haute Autorité de la Communication (HAC), aux côtés de la justice du CNRD, est devenue l’un des instruments de la répression. Elle convoque régulièrement les journalistes pour les intimider. Le message est clair : les “lignes rouges” fixées par le CNRD, qui sont autant de limites à la liberté de la presse, ne doivent pas être franchies.

Autre stratégie dictatoriale visant à entraver l’information : les autorités imposent des restrictions récurrentes à l’accès à Internet et aux réseaux sociaux. Ces limitations portent une grave atteinte à des outils devenus indispensables pour informer et s’informer. Ce blocage à répétition  “déconnecter tout le monde pour mieux régner” traduit les inquiétudes du régime face aux informations échappant à son contrôle. En effet, sans le recours à un réseau privé virtuel (VPN), les plateformes de Meta (WhatsApp, Messenger, Facebook, Instagram) et de ByteDance (TikTok) sont inaccessibles dans le pays depuis le 24 novembre dernier. Ce “verrouillage numérique” vise clairement à couper les citoyens des canaux d’information critiques du gouvernement.

Face à la gravité toujours croissante des atteintes à la liberté de la presse et au droit à l’information, la junte au pouvoir continuant d’accentuer la répression, seule une large mobilisation citoyenne semble en mesure de freiner cette dérive autoritaire et d’accélérer le retour à l’ordre constitutionnel. Le pays gagnerait à voir l’opposition politique et les organisations de la société civile s’unir pour former un front démocratique visant à dénoncer fermement les exactions du régime et défendre les droits fondamentaux bafoués du peuple de Guinée.


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




22 janvier 2007: chronologie d’une tuerie organisée


Par Sékou Chérif Diallo


Cette image a marqué les esprits. Nous sommes le 22 janvier 2007, une date funeste dans l’histoire de la Guinée. Ce jour-là, une marée humaine envahit pacifiquement les rues de Conakry, scandant un slogan qui résonne encore : “Nous voulons le changement”. Mais la manifestation tourne brutalement à la tragédie. Face à la foule désarmée, les forces de l’ordre ouvrent le feu sans retenue. C’est un massacre.

Dix-sept ans après, ce dramatique événement hante encore la mémoire collective. Les autorités restent silencieuses, laissant les familles des victimes dans l’attente d’une reconnaissance et d’une justice qui ne viennent pas.

A l’heure où la Guinée amorce une transition incertaine, il est plus que jamais nécessaire de faire la lumière sur ces violations des droits de l’Homme, et sur les nombreux autres épisodes sanglants qui ont jalonné l’histoire récente du pays. C’est une question de devoir de mémoire autant que de justice.

Dix-sept ans après cette sanglante répression, il est temps de faire la lumière sur les dramatiques événements survenus en ce début d’année 2007. Retour sur une période tragique dont les blessures peinent à se refermer.

ANNONCE D’UNE GREVE GENERALE

Le 2 janvier 2007, les principales centrales syndicales guinéennes, notamment la CNTG/USTG, l’ONSLG et l’UDTG, déposent un préavis de grève illimitée à compter du 10 janvier. Cette décision fait suite aux nombreuses dérives du régime en place :

  • Ingérences répétées du chef de l’État dans le pouvoir judiciaire, se traduisant par des libérations illégales de citoyens en conflit avec la loi
  • Endettement excessif auprès de la Banque centrale menaçant la stabilité monétaire du pays
  • L’incapacité du gouvernement à arrêter la dépréciation continue du franc guinéen qui aggrave l’inflation et la chute du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier
  • Atteintes répétées aux droits syndicaux et au principe de leur indépendance par rapport au pouvoir politique
  • Dérive autoritaire du président de la République allant à l’encontre de ses devoirs constitutionnels

Face à ces nombreux manquements et à l’indifférence des contre-pouvoirs institutionnels, la société civile guinéenne choisit légitimement la voie de la contestation sociale pour opposer son refus à la dérive du régime.

10 JANVIER : DÉBUT DE LA GREVE

10 janvier : Le mot d’ordre de grève de l’intercentrale CNTG/USTG, élargi à l’ONSLG et à l’UDTG, est largement suivi sur toute l’étendue du territoire national. Les transports urbains et interurbains sont paralysés. Boutiques, magasins, marchés, supermarchés et restaurants sont restés fermés. Les ministères, banques, assurances, entreprises du secteur public et privé, compagnies minières, gares routières sont paralysés. Quelques compagnies aériennes annulent leurs vols en direction de Conakry.

12 janvier : Les leaders de la centrale syndicale sont reçus par le Président de la République. Ce dernier leur demande de lui faire des propositions écrites. Le même jour, vers 20h, des émeutes sont enregistrées sur le tronçon Hamdallaye-Bambeto-Cosa. Des jeunes manifestants, révoltés de voir circuler des taxis et des magbanas, érigent des barricades et lancent des cailloux sur ces véhicules.

13 janvier : Au siège de l’USTG, un comité de réflexion peaufine le document à remettre au Président de la République. Dans l’après-midi, sept jeunes sont arrêtés par les agents de la CMIS au siège du Conseil national des organisations de la société civile à Dixinn Bora. Ils seront libérés vers 1h du matin après plusieurs tractations et négociations entre les forces de l’ordre et les leaders syndicaux.

15 janvier : Le gouverneur de la ville de Conakry, Amadou Camara, interdit la marche pacifique du Conseil national des organisations de la société civile à laquelle avaient adhéré 14 partis politiques de l’opposition. Le même jour, les mouvements de protestation embrassent la commune de Matoto. Vers 17h, la secrétaire générale de la CNTG, Hadja Rabiatou Serah Diallo et le secrétaire général de l’USTG, Ibrahima Fofana, sont reçus pour une deuxième fois par le Président de la République. Les syndicalistes remettent au Président le document de proposition de sortie de crise qu’il leur avait réclamé, lors de la rencontre du vendredi 12 janvier. Quatre points meublent ce document :

  • Premièrement, la mise en place d’un gouvernement de large consensus, dirigé par un chef de gouvernement.
  • Deuxièmement, le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
  • Troisièmement, le soutien du pouvoir d’achat des populations en général et des travailleurs en particulier.
  • Quatrièmement, l’application intégrale des accords signés entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.

16 janvier : Les turbulences continuent à Conakry et à l’intérieur du pays. Dans la journée, les leaders syndicaux rencontrent les imams à la mosquée Fayçal pour leur remettre le document de proposition de sortie de crise, déposé la veille auprès du Président, et les exhorter à intervenir auprès du chef de l’État.

17 janvier : Dès 10h, une foule de manifestants, avec à leur tête les responsables syndicaux, scandent en chœur « Nous voulons le changement », prennent le départ à la Bourse du travail pour le Palais du peuple. Huit syndicalistes sont arrêtés, puis libérés et conduits à l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, à Kaloum, les forces de l’ordre ont du fil à retordre avec les jeunes manifestants. À 20h, les syndicalistes se rendent au camp Samory Touré pour rencontrer le Général Kerfalla Camara, chef d’état-major de l’armée.

18 janvier : Des violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants sont enregistrés dans la haute banlieue de Conakry, notamment le long de la route Le Prince et au rond-point de Hamdallaye. De nombreux manifestants sont arrêtés.

19 janvier : Le président Lansana Conté limoge le ministre des Affaires présidentielles Fodé Bangoura qui avait fait arrêter Mamadou Sylla.

22 janvier : La grande tuerie. Il est 8h du matin, ce 22 janvier. Les habitants des quartiers de la banlieue de Conakry (Wanindara, Cosa, Bambeto, Dar-es-Salam…), envahissent la route Le Prince. Hamdallaye et Hafia se joignent au mouvement. La première confrontation, au poste de gendarmerie de l’escadron mobile n°2 de Hamdallaye, un agent de la sécurité tire à bout portant sur un jeune manifestant. La première victime est enregistrée. Scandant des slogans demandant le départ du président Lansana Conté, on pouvait entendre : “À bas la dictature ! Nous voulons le changement !”. Dès 11h du matin, toutes les artères des communes de Ratoma et Matoto étaient bondées de manifestants.

Selon une source hospitalière, cette seule journée du lundi 22 janvier avait enregistré plus d’une centaine de morts et 250 blessés.

Selon un rapport publié par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et présenté le 2 mai à la télévision d’État par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Justin Morel Junior, ces événements ont fait 137 morts et 1 667 blessés entre le 22 janvier et le 26 février. Par contre, d’autres sources indépendantes donnent un bilan plus important.

27 janvier : Les syndicats et le gouvernement s’accordent sur la nomination d’un Premier ministre avec le rôle de chef de gouvernement. Les syndicats suspendent la grève générale.

9 février : L’Union européenne, rejointe par la plupart des pays européens, se félicite de l’accord entre les syndicats et le gouvernement et « demande au gouvernement un éclaircissement sans réserve des circonstances de ces décès [pendant les manifestations] et des poursuites judiciaires contre les coupables».

Le même jour, le président Conté nomme Eugène Camara au poste de Premier ministre. Cette nomination d’un proche de Lansana Conté est rejetée par les syndicats et l’opposition dans leur ensemble, qui relancent la grève le 10 février.

11 février : Après l’enregistrement de plus d’une centaine de morts le 22 janvier et après, l’intersyndical exige pour la première fois le départ du pouvoir du président Lansana Conté.

12 février : Le président décrète l’état de siège, impliquant un couvre-feu de 20h à 6h du matin et de 6h à 16h sur l’ensemble du territoire. Toutes les manifestations, cortèges, rassemblements sont interdits. Les forces de l’ordre sont autorisées à arrêter toute personne dont l’activité présente un danger pour la sécurité publique et à mener en tout lieu des perquisitions de jour et de nuit.

16 février : L’Union africaine adopte une résolution condamnant l’usage excessif de la force et demande une enquête indépendante sur les violences.

17 février : Alors que les syndicats ont rompu les négociations, une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, présidée par l’ancien dirigeant nigérian Ibrahim Babangida, arrive à Conakry.

18 février : La période du couvre-feu est désormais de 18h à 6h sur l’ensemble du territoire national. Les organisations de la société civile dénoncent les arrestations de centaines de sympathisants et militants de l’opposition par les forces de police et de gendarmerie.

25 février : Le président Lansana Conté accepte, sous la pression de la CEDEAO, le remplacement du Premier ministre Eugène Camara par une personnalité choisie sur une liste de 4 candidats désignés par les syndicats et la société civile. La grève générale est suspendue.

26 février : Lansana Kouyaté est nommé Premier ministre, chef du gouvernement.

Dix-sept ans après

Les massacres et violences perpétrés en Guinée sont le résultat de décennies d’impunité caractéristique des régimes politiques successifs. Du massacre du 28 septembre 2009 sous la junte militaire de Dadis Camara aux tueries sous Alpha Condé, et celles d’aujourd’hui sous Mamadi Doumbouya, ces crimes restent trop souvent impunis.

Pour honorer la mémoire des victimes et oeuvrer à une véritable réconciliation nationale, il est essentiel de lutter contre l’amnésie collective et de rappeler ces évènements tragiques. Une justice transitionnelle permettrait de reconnaître les souffrances endurées par toutes les victimes de violations des droits de l’Homme depuis l’indépendance du pays.

Seule une approche réparatrice, accordant une juste place à la vérité et à la mémoire, peut panser les plaies du passé et jeter les bases d’un avenir commun apaisé pour le peuple de Guinée.

Plus jamais ça

Pour un devoir de mémoire


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Guinée: 5 septembre 2021 – 2 octobre 2023, la transition en 135 dates 


Par Sékou Chérif Diallo


La Guinée traverse une période politique agitée depuis le coup d’État du 5 septembre 2021 contre Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010. Le colonel Mamadi Doumbouya s’est emparé du pouvoir, entraînant la suspension immédiate du pays par la CEDEAO. La junte s’est engagée à organiser une transition vers un pouvoir civil, sans fournir de calendrier précis en dépit des pressions régionales. En 2022, les organes de transition ont été mis en place, mais des tensions sont apparues concernant la durée de celle-ci, initialement fixée à 3 ans par le CNT avant d’être ramenée à 24 mois suite au dialogue avec la CEDEAO. Les manifestations du FNDC, violemment réprimées, et l’ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009 ont jusqu’à présent marqué cette période de transition. Bien que réaffirmant à plusieurs reprises sa volonté de rendre le pouvoir à des civils, le colonel Doumbouya soulève des interrogations sur ses réelles intentions. Cette chronologie résumant 135 dates clés vise à dresser un état des lieux de la transition en cours en Guinée. 


5 septembre 2021: Au pouvoir depuis onze ans, le président Alpha Condé a été arrêté lors d’un coup d’État militaire. Très critiqué depuis sa réélection contestée à un troisième mandat, Alpha Condé a été arrêté par l’armée, qui a annoncé la dissolution des institutions, la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu. Le Groupement des Forces spéciales, dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya, est à l’origine du coup d’État. 

6 septembre 2021: Dans son discours, le Colonel Mamadi Doumbouya tente de rassurer « les partenaires économiques et financiers de la poursuite normale des activités dans le pays ». Il souligne que la junte « respectera toutes ses obligations », et demande aux compagnies minières de poursuivre leurs activités. 

7 septembre 2021: Deux jours après le coup d’Etat, un premier groupe de plusieurs dizaines d’opposants au régime déchu, détenus à la prison civile de Conakry, sont libérés. Parmi lesquels les opposants Abdoulaye Bah et Etienne Soropogui, arrêtés en 2020 lors de la contestation de la réélection d’Alpha Condé, ou encore Ismaël Condé, vice-maire de Matam. 

Ces premières libérations interviennent à la veille d’un sommet extraordinaire sur la Guinée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a condamné la prise de pouvoir éclair et l’arrestation d’Alpha Condé. 

8 septembre 2021: Les dirigeants des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) décident de suspendre la Guinée des organes de décision de l’organisation. Le ministre des affaires étrangères burkinabé, Alpha Barry déclare que la Cédéao « a décidé de suspendre la Guinée de toutes ses instances de décisions, et demande que ces décisions soient endossées par l’Union africaine et les Nations unies ». Les dirigeants de la Cédéao « ont exigé le respect de l’intégrité physique du président Alpha Condé », et demandent sa « libération immédiate » ainsi que celle de toutes les personnes interpellées. Ils réclament aussi que les militaires « mettent en place un processus qui permette d’arriver très rapidement à un retour à l’ordre constitutionnel normal ». 

10 septembre 2021: L’Union africaine (UA) annonce la suspension de la Guinée de toutes ses «activités et organes de décision». Et une mission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) arrive à Conakry. 

– Une délégation des ministres des affaires étrangères de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) composée de la ministre des affaires étrangères ghanéenne, Shirley Ayorkor Botchwey, de ses homologues nigérian, Geoffrey Onyeama, burkinabé, Alpha Barry, togolais, Robert Dussey et du président de la commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, rencontre Alpha Condé, pour s’assurer de sa bonne santé. « Il est logé avec son cuisinier et son médecin. Les militaires disent : “c’est notre papa, on ne peut pas lui faire du mal” », rapporte l’un de ses visiteurs. Le ministre burkinabé des affaires étrangères, Alpha Barry déclare à la presse « Nous avons vu le président, il va bien». 

16 septembre 2021: Réunis à Accra dans la capitale ghanéenne, les quinze chefs des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), décident de mettre la pression sur les auteurs du coup d’Etat en Guinée, en annonçant des sanctions ciblées et en réclamant une transition militaire « très courte ». Dans une déclaration à la presse, le président de la commission de la Cédéao, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou soutient que « La transition ne devrait pas durer plus d’un semestre. Dans six mois, il faudrait organiser des élections ». 

La Cédéao décide aussi de geler les avoirs financiers des nouveaux dirigeants du pays et des membres de leurs familles respectives, et de leur imposer des interdictions de voyager. 

17 septembre 2021: Dans un communiqué, la junte affirme qu’Alpha Condé « est et demeurera en Guinée ». Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) « continuera à assurer à l’ancien chef de l’Etat un traitement digne de son rang, et ceci sans aucune pression nationale et internationale », souligne le communiqué. 

27 septembre 2021: La junte dévoile les organes de la transition, sans fixer la durée de cette transition. La « charte de la transition », sorte d’acte fondamental, assigne aux autorités de transition une série de missions, dont l’élaboration d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections « libres, démocratiques et transparentes ». 

Selon la Charte, la transition sera conduite par quatre organes : le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), instauré par les militaires après le putsch du 5 septembre et dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya ; le président de la transition, chef du CNRD, chef de l’Etat et des forces armées ; un gouvernement dirigé par un premier ministre civil ; et un organe législatif, le Conseil national de la transition (CNT). Aucun membre de ces organes ne pourra se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ». 

La durée de cette transition « sera fixée de commun accord entre les forces vives de la nation » et le CNRD, dit la charte, alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réclame la tenue d’élections dans six mois. 

Le CNT, composé de 81 membres proposés par différentes composantes de la population, dont les partis politiques, la société civile, les syndicats, le patronat et les forces de sécurité, aura pour tâche d’élaborer le projet de Constitution. Les membres du gouvernement du président déchu Alpha Condé et des institutions de son régime ne pourront pas être désignés au CNT, selon la charte. 

1er octobre 2021: Au palais Mohamed V, le colonel Mamady Doumbouya, chef de la junte qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, prête serment comme président pour une période de transition à la durée encore indéterminée. Il jure devant la Cour suprême de « préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ». 

Le président de la Cour suprême, Mamadou Sylla, avant de lui faire prêter serment, a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ». Il l’a aussi appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ». 

6 octobre 2021: Un mois après être arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch, le président de transition, le colonel Mamadi Doumbouya, nomme, Mohamed Béavogui, un vétéran du développement sans expérience gouvernementale, au poste de premier ministre. 

2 décembre 2021: Une Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) est créée, ayant, comme objectif, celui de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics. 

13 décembre 2021: Réunis dimanche au Nigeria, les dirigeants des Etats membres de la Cédéao se disent « très préoccupés par le fait que plus de trois mois après le coup d’Etat, un chronogramme pour le retour à l’ordre constitutionnel n’a toujours pas été publié ». 

Ils insistent « sur la nécessité de respecter le délai de six mois précédemment décidés [par la Cédéao] pour la tenue des élections » et « pressent » les autorités de soumettre rapidement un calendrier en ce sens. 

– Pour justifier du retard dans la mise en place des organes de la transition, dans un communiqué publié par le CNRD, les autorités de transition disent avoir constaté des difficultés liées à une pléthore de candidatures, envoyées notamment par les partis politiques, les organisations de la société civile, les chefs religieux, les associations de jeunes, pour siéger au CNT. Le communiqué souligne que « pour 81 » membres devant former cet organe, « le ministère de l’administration et de la décentralisation a enregistré 706 candidatures ». 

25 décembre 2021: Le premier ministre de transition, Mohamed Béavogui, présente au colonel Doumbouya la feuille de route du gouvernement, sans préciser le chronogramme. 

29 décembre 2021: L’Alliance citoyenne pour la transition (ACT), une coalition d’organisations de la société civile et d’associations, qui regroupe plusieurs organisations, dont l’Association des blogueurs de Guinée (Ablogui), Action Mines, Mouvement G+, Wanep-Guinée ou encore Publiez ce que vous payez, propose dans un communiqué, une durée de vingt-quatre mois pour une transition réussie. 

31 décembre 2021: Dans un communiqué lu à la télévision nationale, la junte autorise à Alpha Condé, à quitter le pays pour des examens médicaux. Le communiqué souligne : « En concertation avec la Cédéao, l’ancien président Alpha Condé est autorisé à aller se faire consulter à l’extérieur pour une période d’un mois ». 

– La ministre de la Justice et des Droits de l’homme Fatoumata Yarie Soumah est limogée et remplacée par le secrétaire général de son ministère Moriba Alain Koné. 

10 janvier 2022: Au lendemain des sanctions annoncées par la Cédéao contre le Mali, le colonel Mamadi Doumbouya, le président de la transition exprime sa solidarité avec son homologue malien, le colonel Assimi Goïta. Dans un communiqué, les autorités de Conakry décident que les frontières aériennes et terrestres resteront ouvertes avec le Mali. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) assure que sa décision est en « conformité avec sa vision panafricaniste». 

17 janvier 2022: Alpha Condé, s’envole à destination d’Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, pour y subir des examens médicaux. 

22 janvier 2022: Le président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya nomme les 81 membres du Conseil national de la transition, l’organe législatif de transition. Pour présider cette institution, le colonel Doumbouya choisi un de ses proches, Dansa Kourouma jusque-là président du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne. 

3 février 2022: Les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se réunissent à Accra, autour de la situation au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Concernant la Guinée, la CEDEAO « prend note de la création récente du Conseil National de Transition (CNT), en tant qu’organe législatif ». Toutefois, la Conférence des chefs d’Etat « constate avec préoccupation que, cinq mois après le coup d’Etat, un calendrier de transition n’a toujours pas été mis en place ». Elle décide alors de maintenir toutes les sanctions imposées à la Guinée et demande aux autorités de la transition de « mettre en place un calendrier devant conduire au rétablissement de l’ordre constitutionnel ». 

25 mars 2022: Réunie à Accra au Ghana, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) décide de sanctionner les membres du gouvernement et du Conseil national de la transition (CNT) si un « calendrier acceptable pour la transition » n’était pas présenté avant le 25 avril. La Cedeao fait part de ses « graves inquiétudes » au sujet de la durée de la transition, notant que « le calendrier de six mois pour la tenue d’élections n’a pas été respecté ». 

8 avril 2022: Lors d’une rencontre avec les représentants des compagnies minières étrangères, le président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya, met en demeure les compagnies minières étrangères de construire sur place des usines de transformation de la bauxite pour un partage équitable des revenus. Il donne aux entreprises jusqu’à fin mai pour soumettre des propositions et un calendrier pour la construction de raffineries de bauxite. Le colonel présente le constat suivant : « En dépit du boom minier du secteur bauxitique, force est de constater que les revenus escomptés sont en deçà des attentes, vous et nous ne pouvons plus continuer à ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans nos relations ». 

22 avril 2022: Dans un communiqué lu à la télévision, le colonel Mamadi Doumbouya, « informe l’opinion nationale et internationale que l’ancien président de la République est enfin libre ». Le communiqué précise que « Tout en continuant de bénéficier d’une protection adéquate, il pourra recevoir à sa demande les membres de sa famille biologique, politique, des amis ou proches ». 

27 avril 2022: La CEDEAO annonce que le Burkina Faso et la Guinée, ont demandé un délai supplémentaire afin de présenter un calendrier pour la transition après l’expiration de l’ultimatum. Selon la CEDEAO « la Guinée a présenté les évolutions récentes concernant le processus de transition et souhaité également avoir davantage de temps par rapport à l’échéance du 25 avril », afin de « permettre la poursuite des consultations ». 

30 avril 2022: Le président de la transition annonce avoir opté pour une durée de transition « de 39 mois » avant d’organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils. Dans une adresse à la nation, le colonel Mamadi Doumbouya déclare : « De toutes les consultations engagées à tous les niveaux (…), il ressort une proposition médiane d’une durée consensuelle de la transition de 39 mois ». Il poursuit « Le CNRD et le gouvernement à leur tour soumettront au CNT, qui tient lieu de Parlement, cette proposition qui est consécutive à de larges et patientes consultations ». 

4 mai 2022: Le procureur général de Conakry, Alphonse Charles Wright, nommé par la junte, annonce, des poursuites contre l’ancien président Alpha Condé pour « assassinats », « actes de torture » et « enlèvements » notamment. Vingt-six autres personnalités et hauts responsables sous sa présidence sont également visés. Parmi ces derniers, se trouvent un ancien président de la Cour constitutionnelle, d’anciens présidents de l’Assemblée, un ancien premier ministre et une foule d’anciens ministres, députés et responsables des services de sécurité. 

11 mai 2022: Le Conseil national de la transition (CNT), l’organe législatif mis en place par la junte, fixe à trois ans la durée de la transition. Ce délai de 36 mois, adopté en séance plénière par le Conseil national de transition (CNT), est revu très légèrement à la baisse par rapport à l’annonce faite le 30 avril par le président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya, qui avait opté pour une transition de 39 mois. 

Sur 81 membres du Conseil national de la transition, 73 ont voté le texte, un membre du CNT était absent, trois se sont abstenus et quatre ont quitté la salle en signe de protestation. 

13 mai 2022: Dans un communiqué, le CNRD, la junte au pouvoir annonce l’interdiction des manifestations politiques. « Toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme (de transition) sont interdites pour l’instant jusqu’aux périodes de campagne électorale ». Une décision dénoncée par Amnesty International, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme qui ont exhorté la junte à rétablir le droit de manifester. Au niveau national, le FNDC, l’ANAD et le G58, un regroupement d’une soixantaine de partis politiques favorables au dialogue dénoncent cette interdiction qu’ils qualifient d’illégale et illégitime. 

5 juillet 2022: Des responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) sont violemment interpellés par la police à Conakry. Le FNDC avait appelé à manifester le 23 juin, bravant l’interdiction édictée par la junte. Il avait suspendu son appel la veille de la manifestation, pour « donner une chance » au dialogue proposé par le gouvernement de transition. Le coordonnateur national du FNDC, Oumar Sylla dit Foniké Mengué, Mamadou Billo Bah et le rappeur Djanii Alfa ont été violemment arrêtés par la police au siège du FNDC, où ils tenaient une conférence de presse. Les deux premiers ont été battus et leurs vêtements déchirés par des policiers. Le procureur de la cour d’appel de Conakry, Alphonse Charles Wright, sur la radio privée Fim FM, a tenté de justifier cette action en soulignant que les responsables du FNDC arrêtés sont poursuivis pour avoir « produit et diffusé par le biais d’un système informatique des propos injurieux contre le Conseil national de transition (CNT)». 

– Dès le soir de ce mardi 5 juillet, des manifestations éclatent à Conakry. Les manifestants protestent contre l’arrestation de trois membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). 

7 juillet 2022: Les trois leaders du FNDC violemment arrêtés le 5 juillet, ont été inculpés et écroués pour « outrage à magistrat », avant un procès prévu vendredi 8 juillet à Conakry. 

16 juillet 2022: Le président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya nomme Bernard Goumou, jusque-là ministre du commerce, de l’Industrie et des PME au poste de Premier ministre par intérim durant la période d’absence du premier ministre Mohamed Beavogui, qui serait en déplacement privé à Rome, en Italie, pour des raisons de santé. 

19 juillet 2022: Arrivée à Conakry du médiateur de la Cédéao pour la Guinée, l’ex-président béninois Thomas Boni Yayi. 

20 juillet 2022: Arrivée du président en exercice de la Cédéao, Umaro Sissoco Embalo et le nouveau président de la Commission de la Cédéao, Omar Aliou Touray. Cette mission de médiation a rencontré les autorités de la transition en Guinée, pour notamment obtenir un « calendrier acceptable » de la durée de la transition. 

21 juillet 2022: Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) annonce dans un communiqué, l’organisation d’une « série de manifestations citoyennes et pacifiques dans le grand Conakry, le jeudi 28 juillet 2022, et sur toute l’étendue du territoire national, le jeudi 4 août 2022 ». 

Cette coalition de la société civile et d’une partie de la classe politique entend ainsi dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte, son « mépris et son arrogance », ainsi que son « refus systématique d’ouvrir un cadre de dialogue crédible » pour définir les termes de la transition. 

28 juillet 2022: Des manifestations contre la junte au pouvoir éclatent à Conakry, paralysant la capitale, malgré l’interdiction des autorités et un dispositif policier important. Dans plusieurs quartiers, des heurts éclatent entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre. 

Une personne a été tuée, ont affirmé les organisateurs. Une manifestation, à l’initiative du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), vise notamment à dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte ainsi que son « refus systématique d’ouvrir un cadre de dialogue crédible » pour définir les termes de la transition. 

– Le président en exercice de la CEDEAO, Umaro Sissoco Embalo, affirme, au cours d’une conférence de presse avec le président français Emmanuel Macron, à Bissau, avoir convaincu la junte guinéenne de réduire la transition de trois à deux ans. Une information qui n’a pas été confirmée par Conakry. Ousmane Gaoual Diallo, ministre et porte-parole du gouvernement de transition, a fait savoir que « ni le gouvernement ni la présidence ne confirment cette information sur la durée de la transition en Guinée ». 

29 juillet 2022: Le parquet de Conakry annonce, l’interpellation de plusieurs personnes en lien avec les manifestations de jeudi 28 et vendredi 29 juillet, sans préciser leur nombre. Les manifestations de jeudi ont fait un mort à Conakry. Celles de vendredi ont fait un mort selon le parquet, quatre selon le FNDC. 

30 juillet 2022: Oumar SYLLA alias Foniké Menguè, coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et Ibrahima DIALLO, coordinateur de TLP-Guinée et responsable des opérations du FNDC, ont été arrêtés par la junte militaire au pouvoir. Oumar SYLLA, a été arrêté à son domicile vers 1h40 du matin. Ibrahima DIALLO, a été également arrêté aux environs de 18h à son domicile. Les deux militants ont été arrêtés séparément de façon violente par des militaires et gendarmes encagoulés et lourdement armés puis emmenés vers une destination inconnue. 

– Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), annonce la suspension des protestations pour une semaine à la suite d’une médiation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Le FNDC affirme avoir eu vendredi 29 juillet, « un entretien avec le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao], le chef d’Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo », sur la situation en Guinée. Dans son communiqué, le FNDC souligne avoir « accédé à la demande expresse [de M. Embalo] de suspendre, pour une durée d’une semaine, les manifestations. Cette trêve a pour unique objectif de donner une chance à la médiation de la Cédéao pour trouver une issue favorable à la crise en Guinée ». 

– Le ministère de l’administration territoriale annonce, la décision de « faire réquisition aux forces de sécurité et de défense pour le maintien de l’ordre », après l’annonce de la suspension des manifestations. 

31 juillet 2022: Des organisations de la société civile, partis politiques et des diplomates dénoncent le recours à la force et appellent d’urgence à un dialogue national après des manifestations interdites qui ont fait plusieurs morts. Le FNDC exige « l’ouverture immédiate d’un cadre de dialogue inclusif » et menace de nouvelles manifestations à partir du 15 août partout dans le pays. Il dénonce notamment « les actes de répression», « les pertes en vie humaine et toutes les formes de violences enregistrées au cours des dernières manifestations », « l’interdiction des manifestations », ainsi que « l’instrumentalisation de la justice et les arrestations extrajudiciaires ». 

– Dans un communiqué, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH), exige « une enquête indépendante pour déterminer les circonstances qui ont entraîné les différents décès » et « la libération immédiate et sans condition de tous les détenus d’opinion ». Jeudi 28 et vendredi 29 juillet, de violentes manifestations à Conakry ont fait au moins cinq morts selon les organisateurs, un seul selon les autorités, trois selon l’OGDH. 

– Dans un communiqué, le G5 Guinée, un groupe de diplomates qui regroupe les Nations unies, la Cedeao, l’Union européenne, les Etats-Unis et la France, dit avoir suivi « avec une vive préoccupation les événements de ces derniers jours, dont la tournure violente a causé la perte de vies humaines, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels ». Il « déplore le recours excessif à la force et l’utilisation alléguée d’armes létales pour le maintien de l’ordre ». 

8 août 2022: Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) appelle à une nouvelle manifestation contre la junte au pouvoir le 17 août, mettant fin à une trêve, faute de réponses à ses demandes de « dialogue crédible » sur la transition vers un pouvoir civil. Outre l’ouverture d’un dialogue avec les acteurs politiques et la société civile sur la fixation d’un délai raisonnable et consensuel de la durée de la transition, le FNDC exige de la junte la libération sans condition de tous ses militants arrêtés lors des dernières manifestations. Deux leaders du collectif, Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, et Ibrahima Diallo, ainsi que Saïkou Yaya Barry, secrétaire exécutif de l’Union des forces républicaines (UFR), sont toujours écroués à la prison civile de Conakry après avoir été inculpés de « participation à un attroupement interdit, de pillages, de destruction de biens publics et privés, de coups et blessures volontaires ». 

– Par un arrêté du gouvernement signé par Mory Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, le gouvernement de transition annonce la dissolution du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). 

L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) se dit “très préoccupée” par “la tournure des événements”. « Pour nous, s’inscrire dans une logique de la confiscation des libertés des citoyens ou faire taire toutes les voix dissonantes ne fera que compliquer davantage la situation”, réagi l’organisation. Human Rights Watch souligne que « la décision du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a sérieusement remis en cause le retour du pays à un véritable processus démocratique ». 

17 août 2022: Des manifestations dans la banlieue de Conakry, partiellement paralysée à la suite d’un appel à manifester du FNDC. Le FNDC réclame le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires. Les autorités ont déployé gendarmes et policiers en nombre. Différents quartiers de la banlieue donnaient l’apparence d’une ville morte dans la matinée. De nombreux commerces et les grands marchés sont restés fermés dans la crainte de violences. 

20 août 2022: Le chef de la junte, président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya confirme Bernard Goumou, qui assurait jusque-là l’intérim, au poste de Premier ministre en remplacement de Mohamed Béavogui. Celui-ci est à l’étranger depuis plusieurs semaines, officiellement pour des raisons de santé. 

21 août 2022: Les acteurs politiques guinéens s’impatientent du silence du médiateur de la Cédéao, Thomas Boni Yayi, qui est de retour à Conakry. Une rencontre prévue entre Boni Yayi et l’ex-parti au pouvoir RPG d’Alpha Condé a été annulée au dernier moment, suscitant l’inquiétude de l’opposition qui déplore de ne pas encore avoir pu rencontrer le médiateur. L’opposition reste sceptique sur le succès de sa mission mais se dit disposée au dialogue.   

24 août 2022: Les membres du comité national des assises remettent leur rapport final au président de la transition. Ces assises nationales se sont déroulées du 22 mars au 29 avril 2022 sur le territoire national et dans les représentations diplomatiques. Le comité a produit un rapport comportant 45 recommandations. Le rapport suggère entre autres, que des démarches soient menées en Guinée et à l’étranger pour l’obtention de la déclassification des archives portant sur le pays, afin d’entamer un travail mémorial qui sera piloté par un comité scientifique qui aura pour mission d’écrire l’histoire générale de la Guinée. 

24 août 2022: Le médiateur de la Cédéao Thomas Boni Yayi a finalement pu rencontrer les représentants des principales coalitions politiques guinéennes, dont l’ANAD, le RPG d’Alpha Condé et le FNDC. Les échanges secrets de 3h ont permis d’aborder la durée et le contenu de la transition, le sort des prisonniers politiques et des exilés. Les participants se sont montrés demandeurs de dialogue pour une transition apaisée et inclusive. 

27 août 2022: Le FNDC a suspendu ses appels à manifester les 29 août et 4 septembre après des discussions avec la Cédéao. Le mouvement reste ouvert au dialogue et favorable à une transition apaisée. Il a reçu des garanties que le médiateur poursuivra les échanges avec les acteurs guinéens. Le FNDC maintient néanmoins son appel à manifester le 5 septembre pour un retour à l’ordre constitutionnel. 

30 août 2022: au cours de sa visite d’une semaine à Conakry, le médiateur de la Cédéao, Thomas Boni Yayi, a rencontré les autorités de la transition et l’opposition guinéenne. Celle-ci lui a soumis des revendications comme la libération des prisonniers politiques, l’arrêt des poursuites judiciaires et la mise en place d’un cadre de dialogue avec la junte. Certaines rencontres ont été annulées, notamment avec l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme, suscitant des frustrations. L’opposition reste mitigée sur cette médiation, jugeant un dialogue indispensable pour une transition apaisée. 

31 août 2022: Le gouvernement guinéen a organisé une réunion de travail avec les opérateurs miniers pour restaurer la confiance dans le climat des affaires du secteur. Le gouvernement exprime le souhait d’engager des réformes favorisant les PME et la protection de l’environnement. Il veut aussi mieux surveiller les quantités de bauxite exportées et demande aux opérateurs de respecter les communautés locales et les zones agricoles. Le gouvernement s’est engagé à sécuriser les sites miniers. Les opérateurs se disent investisseurs pour le développement économique et social de la Guinée. 

5 septembre 2022: Jour anniversaire du coup d’État en Guinée, a été marqué par une cérémonie officielle festive au palais du Peuple, mais aussi par des manifestations réprimées de l’opposition du FNDC. Alors que les autorités voulaient donner un écrin à cet anniversaire malgré les difficultés économiques et politiques, le FNDC a appelé à manifester contre la gestion de la transition. Des affrontements ont éclaté à Conakry entre forces de l’ordre et manifestants, faisant au moins un blessé. 

5 septembre 2022: Une délégation de la CPI est à Conakry pour évaluer si le tribunal ad hoc construit pour le procès du massacre du 28 septembre 2009 répond aux normes internationales. Satisfaite sur le plan technique, la CPI estime le procès faisable avant le 28 septembre comme voulu par les autorités. Les victimes se réjouissent mais s’inquiètent de la présence des accusés, dont l’ex-chef de la junte Dadis Camara qui s’est dit prêt à comparaître. 

8 septembre 2022: Une plainte a été déposée en France contre le président guinéen Mamadi Doumbouya pour complicité d’homicides et de torture lors de la répression des manifestations de juillet et août ayant fait au moins 8 morts. Déposée par des familles de victimes et le FNDC, la plainte invoque la nationalité française de Doumbouya et l’absence d’indépendance de la justice guinéenne. Les plaignants attendent l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris. 

14 septembre 2022: Le ministre guinéen de la Justice, au micro de RFI, se veut rassurant sur l’état de santé de Ibrahima Diallo, le responsable des opérations du FNDC, transféré en urgence à l’hôpital. Le ministre, qui lui a rendu visite, affirme qu’il va bien et qu’il s’agit d’une procédure habituelle lorsqu’un détenu signale un problème de santé. Il dénonce la “surenchère” de Me Salifou Béavogui  l’avocat de Ibrahima Diallo sur son état de santé. Ibrahima Diallo avait été arrêté fin juillet après des manifestations anti-junte. 

21 septembre 2022: Le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte guinéenne, était en visite mercredi à Bamako, sa première à l’étranger depuis sa prise de pouvoir. Il a été reçu par Assimi Goïta pour célébrer l’indépendance malienne. Cette visite intervient à la veille d’un sommet extraordinaire de la Cédéao qui pourrait décider de sanctions contre la Guinée.   

22 septembre 2022: La junte guinéenne a vivement critiqué le président en exercice de la Cédéao, Umaro Sissoco Embalo, l’accusant de mensonge et de diplomatie de “guignols” après ses menaces de sanctions. Embalo avait annoncé que la Guinée s’exposait à de lourdes sanctions si la junte restait 3 ans au pouvoir, contrairement à l’engagement pris selon lui de céder la place après 2 ans. 

22 septembre 2022: Un sommet extraordinaire de la Cédéao s’est tenu à New York en marge de l’AG de l’ONU. Il a été consacré aux tensions avec la Guinée et le Mali sur la durée de transition et la détention de soldats ivoiriens. La Cédéao menace de lourdes sanctions si ses exigences ne sont pas respectées.  

23 septembre 2022: Le porte-parole du gouvernement guinéen Ousmane Gaoual Diallo, dans un entretien sur RFI, réagit aux sanctions décidées par la Cédéao, estimant que la Guinée a besoin d’accompagnement plus que de sanctions. Il appelle à prendre en compte les spécificités guinéennes et à discuter du contenu de la transition plus que de sa durée. 

24 septembre 2022: Le leader politique Etienne Soropogui a été arrêté après avoir critiqué la junte au pouvoir, sans que les autorités n’aient encore clarifié les raisons de son arrestation. Son avocat dénonce cette détention comme étant arbitraire et injuste, soulignant l’absence de notification d’infraction et le non-respect des procédures légales. 

25 septembre 2022: L’ancien président Moussa Dadis Camara est rentré à Conakry après des années d’exil au Burkina Faso, pour comparaître au procès du massacre du 28 septembre 2009 dont il est accusé. Il sera jugé avec 11 autres accusés pour les exactions dans le stade de Conakry qui avaient fait 156 morts. Son avocat affirme qu’il n’a aucun accord et veut laver son honneur. 

27 septembre 2022: L’ex-président guinéen Moussa Dadis Camara et 5 co-accusés ont été envoyés en prison, à la veille de l’ouverture du procès pour les exactions du 28 septembre 2009. Dadis Camara, rentré d’exil ce weekend pour “laver son honneur”, a été arrêté avec 5 autres après une convocation au greffe. Les 6 envoyés en prison y resteront jusqu’à la fin de la procédure. 

28 septembre 2022: Le procès du massacre du 28 septembre 2009 s’est ouvert à Conakry, 13 ans après les faits, avec l’ancien président Dadis Camara et 10 autres accusés. Mais il a été rapidement ajourné au 4 octobre, la défense estimant que les droits des accusés n’étaient pas respectés et qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour préparer. Les avocats des victimes sont d’accord pour éviter un procès expéditif. D’ici le 4, chaque partie affûtera ses arguments. 

1 octobre 2022: La veille de la célébration des 64 ans de l’indépendance guinéenne, le chef de la junte Mamadi Doumbouya, dans une allocution, a appelé à la réconciliation et assuré qu’il n’avait pas l’intention de confisquer le pouvoir. Il a justifié le coup d’Etat par la corruption et la mauvaise gouvernance du régime précédent, et affirmé sa détermination à œuvrer pour un retour à l’ordre constitutionnel en évitant les erreurs du passé après cette “rectification institutionnelle”. 

2 octobre 2022: La classe politique guinéenne réagi à l’appel au dialogue du chef de la junte Mamadi Doumbouya. Si elle se dit ouverte, elle demande que la main tendue soit sincère et que le dialogue suive le format proposé par la CEDEAO avec un médiateur. L’opposition met en garde contre la répétition des erreurs du passé et estime qu’une élection libre et transparente est la seule garantie. Pendant ce temps, des affrontements ont éclaté à Conakry entre policiers et jeunes lors des célébrations de l’indépendance. 

4 octobre 2022: La deuxième journée du procès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée débute avec la prise de parole des avocats de la défense qui ont soulevé de nombreuses exceptions de procédure. Leur plaidoirie a duré plus de 2h devant un président agacé. L’association des victimes demande des mesures de protection. Malgré des problèmes d’organisation, la défense et les parties civiles se sont accordées pour que le procès ait lieu 2 jours par semaine. 

5 octobre 2022: Le procès du massacre du stade de Conakry a été renvoyé au 10 octobre après que la défense a soulevé de nombreuses exceptions contestant la procédure. Le président veut examiner ces requêtes avant de reprendre les débats techniques qui n’ont pas passionné le public. Les parties civiles espèrent un rejet rapide des exceptions. Dadis Camara reste en détention, agacé d’attendre d’être entendu selon ses avocats. 

8 octobre 2022: Dans un entretien sur RFI, le responsable de la stratégie et de la planification du FNDC Sékou Koundouno, à l’occasion de la tournée européenne qu’il effectue, affirme avoir appelé les autorités françaises à arrêter leur coopération militaire avec la junte guinéenne, estimant que les unités d’élite formées par la France répriment les contestations. Il accuse la France de complicité si elle continue cette coopération. Le FNDC annonce de nouvelles manifestations les 18 et 26 octobre pour réclamer un dialogue inclusif sous l’égide de la CEDEAO, en dépit de leur interdiction. 

10 octobre 2022: Les débats reprennent à Conakry dans le procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, avec des demandes rejetées de traitements spéciaux pour les principaux accusés, y compris l’ancien président de la junte, Moussa Dadis Camara. La cour a également rejeté la demande de liberté provisoire des accusés écroués et a commencé les débats de fond. Le procès pourrait durer plus d’un an, avec de nombreux témoins appelés à la barre. 

11 octobre 2022: Lors du cinquième jour d’audience au procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, l’ancien secrétaire d’État chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé, Moussa Tiegboro Camara, est resté imperturbable, niant toutes les accusations qui pèsent sur lui. Il a maintenu sa version des événements, affirmant s’être rendu au stade par “devoir de soldat” et avoir exfiltré les leaders politiques, niant toute implication dans les tueries. Les débats se poursuivent, avec des avocats des parties civiles signalant des contradictions dans le récit de l’accusé, tandis que la défense dénonce la mauvaise foi des avocats de la partie civile. 

12 octobre 2022: Le procès du massacre du stade de Conakry en 2009 en Guinée est renvoyé au 17 octobre, avec des incohérences relevées dans le récit de Moussa Tiegboro Camara, accusé d’avoir été présent au stade lors des violences, malgré ses dénégations. Marcel Guilavogui, l’ex-garde du corps de Moussa Dadis Camara, a également comparu et a nié sa présence au stade, affirmant être malade et demandant sa libération après 13 ans de détention. 

17 octobre 2022: Au procès des événements du 28 septembre 2009 en Guinée, Marcel Guilavogui, accusé d’avoir joué un rôle majeur dans la répression ayant entraîné de nombreuses victimes, nie toute implication, affirmant ne pas être au stade ce jour-là. Cependant, son alibi est remis en question par des témoignages, notamment celui de la clinique où il prétend avoir été soigné, fragilisant sa défense. Le procès se poursuivra le 19 octobre. 

18 octobre 2022: Une délégation de la CEDEAO, dont le médiateur Thomas Boni Yayi, est en visite en Guinée pour discuter du chronogramme de la transition. Les discussions portent sur la durée de la transition, fixée à 3 ans par la junte mais que la CEDEAO veut réduire. Elle use de pédagogie pour éviter un bras de fer, un mois après avoir décidé des sanctions ciblées.  

19 octobre 2022: Lors du procès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, l’ancien aide de camp de la junte Toumba Diakité a témoigné mercredi 19 octobre. Il est revenu sur la prise du pouvoir en 2008, promettant de dire la vérité. Même les avocats de la défense louent sa sincérité. Toumba Diakité a demandé à l’ex-président Dadis Camara d’assumer ses responsabilités et de demander pardon au peuple guinéen. 

20 octobre 2022: Des affrontements ont opposé manifestants et forces de sécurité à Conakry après un appel à manifester du FNDC contre la junte. Le FNDC dénonce la gestion de la transition. Des violences ont éclaté dès mercredi 19 octobre soir malgré un important déploiement sécuritaire. Le FNDC déplore un mort, les autorités 9 véhicules endommagés et plusieurs blessés. Cette manifestation a lieu pendant la visite d’une mission de la CEDEAO pour discuter de la durée de la transition contestée. 

21 octobre 2022: La junte guinéenne a accepté de rendre le pouvoir aux civils au bout de 24 mois, selon un accord avec la CEDEAO publié vendredi 21 octobre. Une mission de la CEDEAO était à Conakry depuis le 16 octobre pour discuter du retour à l’ordre constitutionnel. La Guinée proposait initialement 36 mois, refusés par la CEDEAO qui avait donné un mois pour présenter un calendrier acceptable, sous peine de sanctions. Le chef de la junte Mamadi Doumbouya a annoncé la mise en œuvre de cet accord à partir du 1er janvier 2023. 

24 octobre 2022: Lors de sa comparution au 9ème jour du procès du massacre du stade de Conakry, l’ex-aide de camp de la junte “Toumba” Diakité a livré avec théâtralité sa version des faits, désignant Dadis Camara comme principal responsable. Certains témoins l’accusent d’avoir tiré sur les manifestants, mais il cherche à prouver qu’il y a erreur sur la personne. Ses auditions très suivies à la télévision sont devenues un feuilleton pour les Guinéens. 

25 octobre 2022: Lors de sa 10ème comparution au procès du massacre du stade de Conakry, l’ex-aide de camp “Toumba” Diakité s’est montré fragilisé face aux questions des avocats des parties civiles. Alors qu’il s’était donné en spectacle les jours précédents, il n’a pas su expliquer son manque de détails sur les exactions du 28 septembre. Des tensions sont apparues au sein de la défense sur sa stratégie. Toumba reste une figure centrale du procès, dont les audiences passionnent les Guinéens. 

26 octobre 2022: Lors de sa 4ème comparution au procès du 28 Septembre en Guinée, l’ex-aide de camp “Toumba” Diakité a continué de charger ses co-accusés, notamment Dadis Camara. Il a maintenu avoir vu d’autres accusés au stade le jour du massacre. Ses déclarations ont fait voler en éclats l’unité de la défense. “Toumba” a été longuement contre-interrogé par les avocats de la défense qui remettent en cause sa version. Son audience a failli déraper pour des propos communautaristes. 

27 octobre 2022: Neuf opposants au régime militaire de transition en Guinée, dont des personnalités telles que Mamadou Sylla et Fodé Oussou Fofana, ont été placés sous contrôle judiciaire après deux jours d’audition et des accusations, notamment de participation à une manifestation illégale et complicité de destruction de biens publics et privés. Leur placement sous contrôle judiciaire a été décidé par le doyen des juges d’instruction, malgré des inquiétudes quant à leur incarcération, selon leur avocat. Les opposants nient leur implication dans la manifestation illégale. 

31 octobre 2022: Le procès du massacre du stade de Conakry en 2009 se poursuit, avec Aboubacar Sidiki Diakité, dit « Toumba », témoignant et pointant du doigt Moussa Dadis Camara et d’autres accusés. La défense est divisée, et certains avocats sont critiqués pour leur performance jugée amateur. Malgré cela, les magistrats parviennent à maintenir leur neutralité, et l’intérêt du public pour le procès est en augmentation, avec des réactions bruyantes lors des interrogatoires. Le témoignage de Moussa Dadis Camara est très attendu. 

1 novembre 2022: Aboubacar Sidiki « Toumba » Diakité, un des accusés dans le procès du massacre du stade de Conakry en 2009, a comparu mardi 1er novembre pour la 6ème fois et a été confronté aux incohérences de son témoignage par les avocats de ses co-accusés, ce qui l’a rendu nerveux et a entraîné des échanges tendus lors de l’audience. 

2 novembre 2022: « Toumba », a terminé sa dernière audition au procès du massacre du stade de Conakry en 2009. Au cours des deux dernières semaines, il a été interrogé sur le fond de l’affaire par de nombreux avocats de la défense et des parties civiles. Malgré l’épuisement apparent de « Toumba », il a jusqu’à présent réussi à gagner l’opinion publique en livrant son témoignage. Le procès a été marqué par des questions répétitives des avocats, ce qui, selon certains observateurs, a transformé la procédure en un spectacle télévisé en raison de la présence de caméras dans la salle d’audience. 

3 novembre 2022: Le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright ordonne des poursuites judiciaires contre l’ancien président Alpha Condé et plus de 180 anciens ministres et hauts responsables de son régime pour des faits présumés de corruption. La junte militaire au pouvoir depuis septembre 2021 a intensifié sa lutte contre la corruption en Guinée et a créé la Commission des répressions des infractions économiques et financières (CRIEF). Les personnalités visées sont accusées de corruption, enrichissement illicite, blanchiment d’argent, faux en écriture publique, détournement de fonds publics et complicité, bien que les montants précis des présumées malversations n’aient pas encore été précisés. Alpha Condé, qui avait déjà fait l’objet de poursuites pour d’autres crimes, a quitté le pays en mai dernier après avoir obtenu un sauf-conduit. 

7 novembre 2022: Deux leaders du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) en Guinée, Ibrahima Diallo et Oumar Sylla (alias Foniké Menguè), ont entamé une grève de la faim après plus de trois mois d’incarcération sans être jugés. Ils avaient été arrêtés en juillet après des manifestations interdites par les autorités. Le FNDC a été dissous par le pouvoir. Amnesty International a exprimé des préoccupations quant aux conditions de détention et à la santé des détenus, soulignant que les risques pour leur santé s’aggravent à mesure que le temps passe dans des conditions de détention difficiles en Guinée. 

14 novembre 2022: L’ancien ministre de la Santé, Abdoulaye Cherif Diaby, a nié en bloc les accusations portées contre lui lors du procès du massacre du stade de Conakry en septembre 2009, où plus de 150 personnes ont été tuées et de nombreuses femmes violées. Diaby, le cinquième accusé à la barre, a affirmé ne jamais avoir été au stade ce jour-là et a déclaré avoir agi pour organiser des secours lorsque les événements se sont produits. Cependant, des témoins l’ont accusé d’avoir entravé la prise en charge médicale des blessés, voire d’avoir maltraité des victimes. Le procès se poursuit avec des récits contradictoires concernant le bilan et les événements entourant cette tragédie. 

14 novembre 2022: L’ancien ministre de la Santé de Guinée, le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, un acteur clé du gouvernement de Moussa Dadis Camara à l’époque, nie toute implication dans la répression meurtrière qui a eu lieu. Son avocat affirme que le parquet n’a fourni aucune preuve contre lui. Cependant, les avocats des parties civiles soutiennent que Diaby s’est inscrit dans une logique de négation des faits et cherchent à prouver sa responsabilité.  

22 novembre 2022: Face au tribunal, Claude Pivi, l’ancien ministre en charge de la Sécurité présidentielle, a nié toute implication dans le massacre du stade de Conakry en septembre 2009, lorsqu’un meeting de l’opposition a été réprimé dans le sang. Malgré des témoignages accablants le liant aux événements, Pivi a affirmé qu’il n’était pas au stade et qu’il n’était pas au courant des tirs meurtriers. Pivi est le huitième accusé à comparaître dans cette affaire. 

24 novembre 2022: La cérémonie d’ouverture du cadre de dialogue inter-guinéen s’est déroulée en l’absence des principaux partis politiques, dont l’Anad, le RPG, et le FNDC politique, qui ont déclaré que les conditions préalables n’étaient pas réunies. Le Premier ministre a appelé ces partis à se joindre au dialogue, tout en rappelant qu’ils sont les bienvenus à tout moment. La médiation de la Cédéao sera chargée de coordonner le dialogue, avec la participation du chef du gouvernement, tandis que l’opposition exige la libération des détenus politiques et d’autres conditions pour participer au dialogue. 

29 novembre 2022: Au vingt-cinquième jour du procès du massacre du stade de Conakry en 2009, l’ancien ministre de la Sécurité présidentielle Claude Pivi a accusé l’ancien aide de camp du chef de la junte, Aboubacar Diakité, surnommé “Toumba”, d’avoir été présent au stade lors de la répression meurtrière. Pivi a affirmé qu’il était prêt à arrêter “Toumba”, mais que le président Moussa Dadis Camara avait demandé de laisser passer, en attendant une enquête. Il a plaidé non coupable pour les meurtres, viols, tortures et pillages qui lui sont reprochés. 

2 décembre 2022: L’ancien Premier ministre guinéen, Ibrahima Kassory Fofana, reste en détention malgré une quatrième mise en liberté provisoire. La Cour spéciale de répression des infractions économiques et financières (Crief) avait ordonné sa libération sous un strict contrôle judiciaire. Cependant, le procureur a fait appel de la décision, maintenant Kassory Fofana en détention préventive. Ses avocats dénoncent un acharnement politique et le manque de preuves pour justifier sa détention. 

5 décembre 2022: Moussa Dadis Camara, l’ancien chef d’État guinéen, a brièvement comparu au procès du massacre du stade de Conakry, mais a déclaré qu’il n’était pas en mesure de comparaître en raison de problèmes de santé, notamment une grippe aiguë et le paludisme. Le président du tribunal a accordé une semaine de délai pour qu’il se rétablisse avant de revenir pour témoigner. Certains avocats des parties civiles accusent Camara de simuler ces problèmes de santé par crainte de l’affrontement en cours au procès. 

9 décembre 2022: Les États-Unis ont imposé des sanctions à l’ancien président guinéen Alpha Condé, gelant ses avoirs et interdisant toute relation commerciale avec lui en raison de ses graves violations des droits de l’homme, notamment l’utilisation d’une unité de police pour réprimer les opposants et la répression de manifestations en 2019. Ces sanctions surviennent un mois après que la junte guinéenne a engagé des poursuites judiciaires contre Alpha Condé et plus de 180 de ses anciens hauts-cadres et ministres. 

12 décembre 2022: Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte militaire guinéenne au pouvoir lors du massacre du 28-Septembre 2009, est apparu au procès et s’est dit prêt à livrer sa part de vérité. Lors de sa comparution, il a affirmé que les événements du 28 septembre étaient un “complot” orchestré pour le salir et évoqué trois noms, notamment Alpha Condé, Sekouba Konaté et Aboubacar Sidiki Diakité (Toumba), comme étant impliqués dans ce complot. Son audience, diffusée à la télévision, a été largement suivie par la population, dans un procès très attendu à Conakry. Les accusations de complot ont suscité des réactions mitigées de la part de l’opinion publique. 

13 décembre 2022: Au procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, l’ancien chef de la junte militaire, Moussa Dadis Camara, a affirmé n’avoir donné “aucun ordre à qui que ce soit” le jour des tueries au stade de Conakry. Il a également réitéré son accusation selon laquelle le massacre était un “complot” visant à le discréditer. Cependant, au cours de sa comparution, il a perdu sa voix et l’audience a été renvoyée au 19 décembre. Moussa Dadis Camara est le dernier des onze accusés à comparaître, et le tribunal entendra ensuite les victimes. 

19 décembre 2022: Lors de sa quatrième comparution au procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, Moussa Dadis Camara a continué à nier toute responsabilité dans les événements sanglants. L’ancien chef de la junte a témoigné calmement et a maintenu qu’il n’avait pas donné d’ordre pour envoyer les troupes au stade de Conakry ce jour-là. Ses échanges avec le procureur et les parties civiles sont devenus de plus en plus tendus, aboutissant à une suspension d’audience. L’accusé a critiqué les questions de la procureure et choisi de répondre sélectivement. Le procès a été renvoyé à une date ultérieure. 

20 décembre 2022: Lors de sa cinquième comparution au procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, Moussa Dadis Camara a perdu son calme lors des échanges avec les avocats des parties civiles. Il s’est montré de plus en plus agacé par les questions et a réagi de manière impétueuse, accusant notamment Alpha Condé d’avoir orchestré le coup d’État qui l’a évincé du pouvoir en 2009. L’audience a été marquée par des échanges tendus. 

21 décembre 2022: Lors de sa sixième comparution au procès des massacres du stade de Conakry, Moussa Dadis Camara s’est montré beaucoup moins loquace, refusant de répondre à certaines questions des avocats des parties civiles. Son silence a suscité des questions sur son rôle présumé dans la répression sanglante du meeting de l’opposition en 2009, qui a fait plus de 150 morts. Malgré les interrogations persistantes, Dadis Camara s’est tenu à sa version selon laquelle le massacre avait été orchestré par d’autres, notamment Alpha Condé. Le procès a été renvoyé au 9 janvier 2023. 

21 décembre 2022: Le dialogue inclusif inter-guinéen, lancé à l’initiative du chef de la junte, le colonel Mamadi Doumbouya, s’est achevé, débouchant sur 35 résolutions, dont l’exigence de déclarations de biens par les hauts fonctionnaires et la possibilité de candidatures indépendantes aux élections locales. En ce qui concerne la présidentielle, l’âge limite pour se présenter a été fixé entre 35 et 75 ans, mais les personnes de 75 ans ou plus au 31 décembre 2024 sont autorisées à se présenter. Le colonel Doumbouya a souligné l’importance de l’intérêt national dans son discours. 

9 janvier 2023: Au procès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, Moussa Dadis Camara maintient sa ligne de défense, affirmant qu’il n’a donné aucune instruction à ses troupes pour réprimer la manifestation de l’opposition ce jour-là. Il pointe du doigt son ancien aide de camp, Aboubacar Diakité, alias Toumba, comme le principal responsable du massacre. Malgré les questions des avocats des victimes, Dadis Camara refuse de reconnaître sa responsabilité et se mure dans le silence. L’issue de cette comparution n’a pas apporté de nouvelles informations substantielles au procès. 

10 janvier 2023: Lors de la huitième comparution de Moussa Dadis Camara au procès du massacre du stade de Conakry, l’ancien chef de la junte a perdu patience et haussé le ton en répondant aux avocats des parties civiles, notamment face à des questions gênantes. Les échanges houleux ont contraint le tribunal à interrompre les débats pour rétablir le calme dans la salle d’audience. Cependant, Dadis Camara s’est ensuite montré plus serein face aux avocats de la défense, qui continueront à l’interroger. Le procès se poursuit avec une atmosphère tendue. 

11 janvier 2023: L’ex-coordinateur national du FNDC Abdourahmane Sano a été relaxé par un tribunal de première instance, après avoir été accusé de « participation délictueuse à des réunions publiques ». Le procureur avait requis 18 mois de prison avec sursis contre lui pour avoir assisté à une réunion non déclarée. Cette décision survient dans un contexte préoccupant pour les libertés civiques, marqué par des arrestations d’activistes et des inquiétudes concernant l’instrumentalisation de la justice depuis l’arrivée de la junte au pouvoir en Guinée. Deux autres militants, Ibrahima Diallo et Oumar Sylla, restent en détention en attendant leur jugement pour avoir appelé à des manifestations interdites. 

11 janvier 2023: Lors du 9e jour de son procès, l’ancien chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, a été interrogé par les avocats d’Aboubacar Diakité, alias Toumba, son ex-aide de camp, accusé d’avoir ordonné la répression du meeting de l’opposition de septembre 2009. Les avocats de Toumba ont cherché à mettre en avant la responsabilité de Dadis Camara dans ces événements. L’audience a été tendue, marquée par des échanges houleux entre les avocats et l’accusé, qui a refusé de répondre à certaines questions. L’audience a été suspendue pour une brève période. 

16 janvier 2023: Lors de la 10e comparution de Moussa Dadis Camara au procès du massacre du stade de Conakry, l’avocat de son aide de camp, Toumba, a tenté de mettre la pression sur l’ancien chef de la junte en l’accusant d’avoir dirigé la répression de l’opposition en 2009. Dadis Camara est resté calme et a nié les accusations. Le procès se poursuit, mais peu d’éléments nouveaux ont émergé des derniers débats, et l’ex-putschiste est l’accusé qui est resté le plus longtemps face au tribunal.  

17 janvier 2023: Au procès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte, a été interrogé sur la gestion des corps des défunts, avec des avocats de la défense tentant de disculper l’ancien leader. L’avocat de Dadis a également balayé les accusations portées contre lui, affirmant qu’il était victime d’une tentative d’assassinat après les massacres pour l’empêcher de révéler la vérité. C’est la onzième fois que Dadis est appelé à la barre. 

18 janvier 2023: Au procès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, Moussa Dadis Camara, répète sa théorie du complot, affirmant qu’il a été victime d’une conspiration visant à le chasser du pouvoir, avec Alpha Condé cherchant à obtenir son soutien lors des élections pour garantir les votes de la région d’origine de Dadis Camara. L’audience a été marquée par une longue tirade du prévenu, qui a été à la barre pendant plus d’un mois. 

20 janvier 2023: Les premières auditions des victimes du régime d’Alpha Condé en Guinée ont commencé, impliquant le président déchu et 26 responsables de son régime dans des poursuites pour des accusations d’assassinats, actes de torture et enlèvements, survenus principalement lors des manifestations de l’opposition contre le pouvoir d’Alpha Condé. L’avocat des victimes espère que l’ancien président, actuellement en Turquie pour des raisons de santé, reviendra en Guinée pour faire face à ces accusations, tandis que l’ancien parti au pouvoir a refusé de commenter pour le moment. 

25 janvier 2023: L’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara a été interrogé pour la dernière fois dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Dadis Camara a affirmé qu’il n’avait donné aucun ordre pour réprimer le rassemblement de l’opposition. Par la suite, le gendarme Blaise Goumou a témoigné sur les événements du 28 septembre, affirmant qu’ils avaient quitté les lieux sans tenter de porter secours aux personnes désarmées lorsqu’ils avaient entendu des tirs.  

30 janvier 2023: Blaise Goumou, un gendarme accusé d’avoir participé à la répression meurtrière d’un rassemblement de l’opposition en Guinée le 28 septembre 2009, a maintenu sa version des faits lors de son témoignage au procès du massacre du stade de Conakry. Il affirme n’avoir vu aucun manifestant être tué et a répondu aux questions des avocats des parties civiles tout en niant sa participation directe aux événements violents. 

31 janvier 2023: Lors du procès des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée, le colonel Blaise Goumou, ancien membre des services spéciaux et officier de gendarmerie, a témoigné pour la quatrième fois, réaffirmant qu’il n’avait joué aucun rôle dans les événements violents. Il charge fortement le commandant Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, affirmant qu’il avait quitté le stade dès leur arrivée et n’avait rien vu des violences et des abus commis. Cette déclaration a suscité l’indignation dans la salle du tribunal. Goumou affirme également n’avoir vu aucun des officiers de haut rang liés à l’ancien chef de la junte. 

1 février 2023: Le colonel Blaise Goumou, un ancien officier de gendarmerie et procureur militaire à l’époque des faits, a été interrogé pour la cinquième fois dans le cadre du procès des massacres du 28 septembre 2009 à Conakry, en Guinée. Malgré les accusations de contre-vérités de la part des avocats des parties civiles, ses avocats estiment qu’il a été précis, clair et cohérent dans ses réponses, défendant sa version des événements. Goumou a également remis en question le rapport de la commission internationale d’enquête qui le met en cause. 

9 février 2023: Lors d’une réunion inédite le 9 février, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ont décidé de faire front commun face à leur suspension des instances de la CEDEAO et de l’UA. Contrairement aux rumeurs, il ne s’agit pas de former une fédération mais de mener des initiatives communes pour obtenir la levée des suspensions et développer des projets conjoints, notamment économiques. Les trois pays cherchent à réintégrer les instances sous-régionales malgré leurs rapports tumultueux avec la CEDEAO. 

13 février 2023: Le procès du policier Moriba Camara, accusé d’avoir tué un jeune manifestant en juin 2022, s’est poursuivi le 13 février en Guinée. Il nie avoir tiré sur la victime malgré les preuves. Ce procès rare dans le pays pourrait permettre de lutter contre l’impunité des forces de l’ordre qui répriment violemment les manifestations. L’avocat des parties civiles espère que cela dissuadera les policiers d’utiliser des armes létales à l’avenir. 

16 février 2023: Une manifestation interdite organisée par le FNDC dans la banlieue de Conakry a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Malgré un important déploiement sécuritaire, des barricades et des jets de gaz lacrymogènes ont eu lieu. Selon le bilan du FNDC, deux jeunes ont été tués par balles et une cinquantaine de personnes arrêtées. Le FNDC dénonçait la transition et réclamait un dialogue et le retour à l’ordre constitutionnel. 

17 février 2023: Après les violences lors de la manifestation du 16 février organisée par FNDC, le gouvernement guinéen a haussé le ton, évoquant des scènes de “guérilla urbaine”, sans mentionner les 2 morts avancés par le FNDC. Le ministre a annoncé le renforcement du maintien de l’ordre et des sanctions contre les organisations responsables de troubles. Le FNDC conteste les chiffres du gouvernement concernant les morts et blessés, confirme ses revendications et annonce de nouvelles manifestations. 

21 février 2023: Le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, a réaffirmé mardi qu’il quittera le pouvoir à la fin de la transition en 2024. Lors d’un colloque sur la future Constitution, il a précisé que celle-ci ne sera pas écrite sur mesure et que c’est le peuple qui l’adoptera par référendum. Doumbouya réitère que la junte n’aura pas de rôle après la transition, devant mener à un retour à l’ordre constitutionnel. 

3 mars 2023: Trois responsables de l’opposition sont en détention provisoire depuis 7 mois sans jugement pour leur rôle dans des manifestations anti-junte. Leur avocat Me Salifou Béavogui dénonce les lenteurs de la justice et lance un appel à la Cour suprême pour qu’elle examine le dossier rapidement. Il s’inquiète que ses clients, malades, soient en train de purger des peines sans condamnation légale, contrairement à des procédures expéditives contre d’autres. 

12 mars 2023: Alphonse Charles Wright, le ministre de la Justice a exigé des explications après l’interpellation de deux militants de la société civile par les gendarmes hors de toute procédure légale. Les deux hommes ont été relâchés après interrogatoire. Le ministre a publiquement pris ses distances avec ces méthodes cavalières et dit ne tolérer aucune violation des droits des citoyens. 

27 mars 2023: Un tribunal guinéen a condamné un sous-officier de gendarmerie à dix ans de prison pour le meurtre d’un manifestant lors des manifestations du 1er juin 2022. Cette condamnation est exceptionnelle pour un membre des forces de sécurité. Le procureur avait requis 25 ans de prison, mais l’accusé a finalement écopé de 10 ans de prison ferme, suscitant des réactions mitigées parmi les parties prenantes. 

1 avril 2023: Le gouvernement dans une déclaration, a demandé des explications à l’ambassade des Etats-Unis qui a mis en ligne sur le site de l’ambassade un compteur affichant le nombre de jours restants avant la fin de la transition militaire en Guinée. Toutefois, les relations entre les États-Unis et la Guinée demeurent bonnes, et les autorités guinéennes ont reçu des assurances de la diplomatie américaine selon lesquelles ce compteur n’a pas pour but d’exercer une pression sur la transition en cours. L’ambassade américaine a précisé que ce compteur célèbre l’engagement des autorités guinéennes à achever la transition le 1er janvier 2025 et qu’elle soutiendra la démocratie en Guinée. 

27 avril 2023: Le colonel Mamadi Doumbouya, a émis un décret pour dissoudre le Bataillon de la sécurité présidentielle (BSP), une unité d’élite de l’armée guinéenne considérée comme la garde personnelle des chefs d’État. Cette décision s’inscrit dans une restructuration de la hiérarchie militaire et témoigne de la méfiance du président Mamadi Doumbouya envers d’autres secteurs de l’armée, renforçant sa position à la tête du pays, bien qu’il soit confronté à des inquiétudes quant à l’unité de la junte au pouvoir. Aucun motif spécifique n’a été fourni pour la dissolution du BSP. 

8 mai 2023: Sous la médiation de religieux, des négociations visant à résoudre la crise en Guinée ont eu lieu, mais les forces vives ont choisi de ne pas y participer. Lors de la réunion, avec la participation du Premier ministre guinéen et du ministre de la Justice, des mesures ont été prises pour apaiser la situation, notamment la libération de militants détenus sans jugement depuis août 2022. La Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) a également été discutée, avec l’objectif de trouver des solutions aux problèmes en cours pour éviter des violences lors des prochaines manifestations. 

10 mai 2023: Les Forces vives de Guinée ont appelé à manifester à Conakry, mais la manifestation a été interdite par les autorités locales. Malgré cela, des groupes de jeunes se sont rassemblés dans certains quartiers, provoquant des heurts avec les forces de l’ordre. Les Forces vives avaient précédemment retiré leur participation aux négociations de sortie de crise avec le gouvernement, estimant que leurs revendications n’avaient pas été entendues. Les troubles ont commencé avant le début de la manifestation, avec des violences signalées dans plusieurs quartiers la veille. Les leaders religieux avaient plaidé pour la libération conditionnelle de militants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une proposition rejetée par les détenus et leurs avocats. 

10 mai 2023: Suite à une journée de manifestations violentes à Conakry ayant fait au moins sept morts et des dizaines de blessés, les autorités guinéennes ont libéré trois figures de la société civile, leaders du FNDC (Front national pour la défense de la Constitution), qui avaient été détenues pendant dix mois. La violence a éclaté lors d’une manifestation des Forces vives, une coalition de partis politiques, de syndicats et d’associations de la société civile. Les organisateurs ont fourni un bilan de sept morts, tandis que les hôpitaux ont signalé deux décès et de nombreux blessés. 

14 mai 2023: Des chefs religieux en Guinée, notamment des imams et prêtres, ont exprimé leur préoccupation face aux violences survenues lors des manifestations des 10 et 11 mai 2023 et ont appelé à la retenue. Les affrontements lors d’une marche pacifique organisée par les forces vives ont fait plusieurs victimes, provoquant des appels au calme. Les chefs religieux, qui jouent un rôle de médiation, ont également demandé aux forces vives de suspendre leurs manifestations à venir, encourageant le dialogue amorcé depuis le 13 mars. En outre, les avocats ont observé une journée sans audience pour protester contre les dysfonctionnements du système judiciaire, y compris la manière dont les responsables du FNDC ont été libérés. 

17 mai 2023: L’appel à manifester des Forces vives de Guinée à Conakry a été peu suivi, avec des forces de sécurité fortement déployées et des interdictions. Les autorités ont justifié cette mesure par des “menaces grandissantes” pour la sécurité publique et la préservation des biens. Malgré des violences signalées dans certains quartiers, la journée s’est globalement déroulée dans le calme. Les Forces vives ont annulé une manifestation prévue le lendemain pour permettre aux chrétiens de célébrer l’Ascension en paix, mais elles maintiennent les marches pacifiques prévues pour fin mai. 

18 mai 2023: La presse et les blogueurs protestent contre les restrictions d’accès à internet, notamment lors des manifestations récentes, dénonçant la censure numérique fréquemment utilisée par les autorités pour empêcher les citoyens de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Cette fois-ci, les médias ont également vu l’accès à leurs sites web perturbé, et les associations professionnelles de presse condamnent les actions liberticides. Le ministre des Postes et Télécommunications attribue les perturbations à des problèmes techniques, mais menace de fermer tout média diffusant des propos susceptibles de menacer l’unité nationale ou d’inciter à la haine communautaire. 

23 mai 2023: Les médias guinéens se mobilisent pour la liberté de la presse en coupant leur signal radio et télévision, en signe de protestation contre les restrictions d’accès à Internet et les perturbations des médias qui ont eu lieu récemment. Les manifestations socio-politiques et les appels à manifester contre la junte au pouvoir s’inscrivent dans ce contexte. Les médias critiquent notamment le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, qualifié d'”ennemi de la presse” depuis qu’il a menacé de fermer tout média diffusant des propos portant atteinte à l’unité nationale. Cette action a pour objectif de sensibiliser l’opinion publique sur les menaces pesant sur la liberté de la presse en Guinée. 

24 mai 2023: Les médias privés ont observé une journée sans presse en signe de protestation contre les restrictions d’accès à internet et les perturbations des fréquences radio, attribuées aux autorités de transition. Le ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, critiqué pour ses déclarations sur la fermeture de médias tenant des propos divisifs, a appelé au dialogue avec les associations et les syndicats des médias tout en insistant sur la nécessité de responsabilité dans la liberté de la presse. Malgré cet appel, les inquiétudes persistent, et les médias envisagent de se réunir pour répondre à cette proposition de dialogue. 

24 mai 2023: Le tribunal de Dixinn a levé le contrôle judiciaire de neuf opposants, dont des figures politiques notables, tels que Fodé Oussou Fofana et Etienne Soropogui, qui avaient été soumis à des restrictions de liberté depuis huit mois pour avoir soutenu des manifestations contre la junte. Cette décision fait suite aux revendications des Forces vives de Guinée (FVG) pour renouer le dialogue avec les autorités et contribue à apaiser les tensions politiques en cours. Le tribunal a suspendu les restrictions qui avaient été imposées à ces opposants, leur permettant ainsi de recouvrer leur liberté. 

8 juin 2023: Les leaders du FNDC Ibrahima Diallo et Oumar Sylla ont comparu jeudi en Guinée pour leur rôle dans des manifestations en 2022. Ils rejettent les accusations et dénoncent un procès politique. Leurs avocats estiment que leur détention préventive de 9 mois suffit et qu’ils doivent être libérés même en cas de condamnation. 

9 juin 2023: Au procès des responsables du FNDC en Guinée, le procureur a requis une peine de 2 ans de prison avec sursis et 20 millions de francs d’amende contre Oumar Sylla et Ibrahima Diallo. Les avocats de la défense ont dénoncé un acharnement politique pour les faire taire. Après ce procès pour leur rôle dans une manifestation violente, le verdict est mis en délibéré pour le 13 juin, malgré l’absence de réponse des parties civiles aux accusations de la défense. 

13 juin 2023: Trois responsables du FNDC ont été relaxés mardi par la justice, après 9 mois de détention préventive. Ils étaient poursuivis pour provocation à un attroupement armé et destruction de biens lors d’une manifestation violente en juillet 2022. La défense salue une victoire contre l’injustice et l’impunité. Le procureur avait requis 2 ans de prison avec sursis et une amende. Les militants du FNDC ont accueilli la relaxe avec explosion de joie. 

14 juin 2023: Des militants du FNDC relaxés en Guinée poursuivent le ministre de la Justice pour dénonciations calomnieuses après ses propos suite à leur libération. Ils l’accusent d’avoir porté atteinte à leur honneur et veulent sa condamnation, estimant que nul n’est au-dessus de la loi. Le ministre nie les accusations et compte répondre à la convocation du tribunal jeudi, affirmant que tous sont égaux devant la loi. 

18 juin 2023: La visite prévue dimanche 18 juin du médiateur de la CEDEAO Thomas Boni Yayi à Conakry a été reportée pour raisons de calendrier des autorités guinéennes. Il devait discuter de la transition et du chronogramme électoral. Ce report inquiète l’opposition qui dénonce l’absence de contact et d’évaluation du processus depuis 6 mois. Le climat politique est tendu et l’opposition pourrait reprendre ses manifestations en juillet, rejetant la conduite de la transition par la junte. 

23 juin 2023: Le président de l’UA et des Comores Azali Assoumani a été reçu par le chef de la junte guinéenne Mamadi Doumbouya. Au-delà des relations bilatérales, cette visite permet à l’UA de s’enquérir de l’avancement de la transition et du respect des engagements pris avec la CEDEAO pour un retour à l’ordre constitutionnel. Cette visite intervient une semaine après le report d’une mission de la CEDEAO en Guinée, avant un sommet prévu le 9 juillet. 

10 juillet 2023: Marcel Guilavogui, l’un des accusés du massacre du 28-Septembre en Guinée, qui est également le neveu de l’ancien président Moussa Dadis Camara, a accusé publiquement son oncle d’avoir organisé le massacre. Cette révélation est intervenue lors de la reprise du procès après des semaines d’interruption. Guilavogui a déclaré que Dadis Camara était impliqué du début à la fin du massacre, et il a évoqué l’existence d’une garde présidentielle parallèle qui a exécuté les ordres de l’ancien président. Les avocats des parties civiles se sont réjouis de cette déclaration, tandis que les avocats de Dadis Camara ont promis de confronter Guilavogui avec des questions et des éléments qui pourraient révéler ses motivations. Le procès du massacre du 28-Septembre dure depuis plus de neuf mois. 

11 juillet 2023: Marcel Guilavogui a poursuivi sa déposition en accablant son oncle, l’ancien président Moussa Dadis Camara. Guilavogui a affirmé que Dadis Camara avait envoyé sa garde parallèle pour réprimer les leaders de l’opposition le jour du massacre en 2009. Cependant, ses déclarations sont restées floues et incohérentes, et il a reconnu sa présence au stade le jour du massacre sans voir de cadavres. Il a également désigné les exécutants de la garde parallèle. Son témoignage laisse de nombreuses questions en suspens, mais il accuse toujours Dadis Camara de complicité dans le massacre. L’affaire a été renvoyée au lendemain pour permettre à tous les prévenus d’assister à l’audition de Guilavogui. 

12 juillet 2023: Marcel Guilavogui est revenu à la barre pour témoigner, mais s’est retranché dans le silence, échappant aux questions du procureur et des avocats des parties civiles. L’accusé, qui avait précédemment accusé Moussa Dadis Camara d’être responsable du massacre, a refusé de répondre à de nombreuses questions, affirmant qu’il ne savait pas où étaient les fosses communes.  

17 juillet 2023: Marcel Guilavogui, l’ancien homme de confiance de l’ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara, a témoigné en accusant ce dernier et le colonel Moussa Tiègboro Camara d’avoir planifié les crimes du massacre du 28 septembre 2009. Cependant, la défense a rejeté ces accusations, les qualifiant de simples allégations, et a appelé Marcel Guilavogui à fournir des détails pour aider à comprendre ce qui s’est réellement passé lors de cet événement.  

18 juillet 2023: La Guinée a suspendu sa participation à l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), en raison de préoccupations concernant le projet de barrage hydroélectrique de Koukoutamba et sa sous-représentation dans les instances de décision de l’OMVS. Le projet du barrage, crucial pour le développement énergétique de la Guinée, a connu des retards de financement, et le pays estime que ses intérêts stratégiques n’ont pas été pris en compte. Le barrage de Koukoutamba devait fournir 294 mégawatts d’électricité propre à la Guinée et au Mali. La Guinée est membre de l’OMVS depuis 2006, qui comprend également le Sénégal, la Mauritanie et le Mali, dans le but de gérer conjointement les ressources du fleuve Sénégal. 

9 août 2023: Un décret présidentiel a abrogé une loi électorale de 2017, maintenant les gouverneurs militaires nommeront directement les membres des Conseils de quartier et de district, au lieu d’être élus en fonction des résultats des élections communales. Cette décision suscite des critiques au sein de la classe politique, qui craint la mainmise du régime actuel sur les acteurs locaux en vue des prochaines élections, remettant en question le principe de décentralisation prévu dans la charte de la transition. 

5 septembre 2023: Le deuxième anniversaire du coup d’État qui a renversé l’ancien président Alpha Condé et porté au pouvoir le colonel Mamadi Doumbouya s’est déroulé sans célébration officielle, avec des manifestations interdites. Les Forces Vives de Guinée, une coalition d’opposition, ont néanmoins appelé à manifester. Les affrontements ont éclaté, principalement dans les quartiers contestataires de la route Le Prince, et ont fait au moins deux morts et plusieurs blessés, tandis que des militaires étaient déployés dans les rues pour maintenir l’ordre. 

15 septembre 2023: L’Association des magistrats de Guinée (AMG) a organisé un sit-in devant la Cour suprême pour protester contre la suspension de deux magistrats du tribunal de première instance de Labé par le ministre de la Justice. Les magistrats exigent le rétablissement de ces collègues dans leurs fonctions et menacent de perturber la rentrée judiciaire prévue en octobre. La grève des magistrats, en cours depuis un mois, paralyse actuellement le système judiciaire, et ils accusent le ministre de la Justice de ne pas respecter l’indépendance de la justice. 

21 septembre 2023: Le chef de la junte guinéenne, le colonel Mamadi Doumbouya, a pris la parole lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, où il s’est présenté comme le porte-parole de l’Afrique. Dans son discours, il a critiqué le modèle de gouvernance qu’il estime avoir été imposé par l’Occident à l’Afrique, qualifiant ce modèle d’échec sur le continent. Il a également rejeté les catégorisations imposées aux États africains par d’autres nations et a plaidé en faveur d’une coopération équitable entre l’Afrique et la communauté internationale. Le colonel Doumbouya a déclaré que l’Afrique devait être regardée sous un nouveau jour, soulignant la maturité et la jeunesse du continent, tout en défendant le non-alignement et le respect de la souveraineté africaine. 

2 octobre 2023: Le colonel Mamadi Doumbouya, a réaffirmé les priorités de son gouvernement à l’occasion du 65e anniversaire de l’accession à l’indépendance du pays. Il a souligné que les trois principales priorités de la transition sont le social, l’économie et le politique, et a mis en avant la nécessité de restaurer la cohésion nationale. 


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com




Histoire Politique: 2 octobre 1958, proclamation de l’indépendance de la Guinée


Histoire Politique


Après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (AOF) depuis 1904 et avoir obtenu une autonomie administrative relative en 1956, la Guinée rejette la proposition d’entrer au sein de la Communauté française et proclame son indépendance le 2 octobre 1958.

Le Parti démocratique de Guinée (PDG) d’Ahmed Sékou Touré est au cœur de la marche vers l’indépendance qui s’accélère à partir de 1958 avec la proposition de nouvelle Constitution présentée par le président français Charles de Gaulle. Lors du référendum du 28 septembre 1958, les Guinéens sont les seuls à refuser, et ce dans une proportion de 95 % (1 136 324 oui, contre 56 981 non), de joindre la Communauté française. L’indépendance est proclamée le 2 octobre, entraînant une rupture des liens administratifs et financiers entre la Guinée et la France qui retire ses cadres et ses crédits. Au cours des années qui suivent, la Guinée, un territoire riche en ressources naturelles, se rapproche du Mali et du Ghana avec qui elle forme l’Union des États africains. Elle obtient également des crédits de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et signe un traité d’amitié avec la Chine. Le PDG y est parti unique et Sékou Touré, ardent défenseur de l’indépendance, est élu président le 15 janvier 1961 par 99 % des électeurs. Il le restera jusqu’à sa mort, en 1984.

La Guinée, cinq ans après le 28 septembre 1958

En 1963, Sékou Touré, dans une interview qu’il a accordé à un journaliste de la télévision française, revient sur les circonstances de l’indépendance de la Guinée.

« [  ] je dirais que j’ai une grande considération pour le général de Gaulle. Je vous le dis, parce que je connais la France, parce que je sais la mutation politique qu’il a pu opérer en un minimum de temps. Je sais surtout les graves problèmes qu’il a abordés et qu’il a pu résoudre, sans que l’unité nationale n’ait été mise en cause en France, et même l’indépendance de la Guinée. Nous pourrons dire que nous la devons au général de Gaulle [  ] » Sékou Touré



En votant « non » au référendum sur la Communauté française le 28 septembre 1958, la Guinée accède immédiatement à l’indépendance. La France interprète ce vote comme une volonté de « sécession ». Elle supprime brutalement ses contributions techniques et financières à la Guinée et tente de l’isoler. La République de Guinée est proclamée dès le 2 octobre. Son président, Sékou Touré, se tourne alors simultanément vers les pays africains, les pays de l’Est comme de l’Ouest pour obtenir sa reconnaissance et la conclusion d’accords de coopération. L’Union soviétique et ses satellites, puis la Chine répondent favorablement. Cet appui se matérialise dès 1959 par une série d’accords commerciaux (envoi de matériels, de textile et de biens de consommation en échange de produits agricoles), industriels et culturels (briqueterie, centrale électrique, imprimerie « Patrice Lumumba », etc.) et sur la sécurité (appui des services de la Sécurité tchécoslovaque). Mais Sékou Touré n’entend pas s’inféoder à l’Union Soviétique, d’autant plus qu’il se présente comme un fer de lance des non alignés. Il pratique surtout une politique de neutralité en demandant équitablement une aide à tous. Un rapprochement s’opère à partir de 1962 avec les États-Unis, avec l’envoi des Peace Corps, de surplus alimentaires, et le développement des investissements dans les gisements de bauxite. La situation économique reste très précaire en 1963 mais le régime guinéen résiste. Au lendemain des accords d’Évian, Sékou Touré tente un rapprochement avec de Gaulle. La France se montre plus réceptive à la main tendue, en partie en raison de la concurrence des intérêts américains, et des accords de coopération sont signés en mai 1963.

28 septembre 1958: le jour où la Guinée a dit non à de Gaulle

La Guinée est devenue le premier pays d’Afrique subsaharienne à devenir indépendant de la France, après avoir voté «non» le 28 septembre 1958 au référendum instituant une «communauté» franco-africaine, proposée par le général de Gaulle. Avant ce vote, de Gaulle avait effectué un périple en terre africaine pour défendre son idée de communauté avec la France. Retour sur ces événements.

Revenu au pouvoir à l’occasion de la crise algérienne du 13 mai 1958, le général de Gaulle se lance dans une série de réformes, dont la modification de la constitution qui inclut un processus de décolonisation africaine avec une idée maîtresse, réunir les futurs pays indépendants africains dans une large communauté avec la métropole. Ce projet est inscrit dans le texte constitutionnel qui doit être soumis à référendum, en septembre 1958, aux Français de métropole mais aussi aux habitants des territoires coloniaux.

Pour défendre son idée, à l’été 1958, le général se lance dans une grande tournée des pays africains, d’Alger à Dakar, en passant notamment par Conakry.

Le 24 août 1958, il engage à Brazzaville la décolonisation de l’Afrique noire en proposant la création de la Communauté, cadre qu’il veut donner à l’indépendance des Etats de l’Afrique noire francophone. Lors de cette tournée africaine, de Gaulle propose «au suffrage de tous les citoyens des territoires d’Afrique et des citoyens de métropole» de former une Communauté dans laquelle chacun des Etats membres accédera à l’autonomie, avec un pouvoir exécutif et législatif. La défense, la politique étrangère, la politique économique et financière, le contrôle de la justice relèveront de l’exécutif de la Communauté.

La Communauté, cela veut dire Paris… De Gaulle est clair lorsqu’il affirme: «Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes». Les affaires intérieures, pas plus.

Le 28 août, de Gaulle arrive à Conakry, capitale de ce qui n’est pas encore la Guinée. Il est accueilli par le jeune maire et député (RDA, Rassemblement démocratique africain, apparenté PC) du territoire, Ahmed Sékou Touré. Du haut de ses 36 ans, vêtu de son boubou blanc, signe de son africanité, il oppose au vieux général, âgé de 67 ans, un discours fort: «Nous ne renoncerons pas et nous ne renoncerons jamais au droit légitime et naturel à l’indépendance.»

«Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage»

Le chantage à l’aide française n’a pas marché avec le jeune leader guinéen qui, fidèle aux rêves de l’époque, croit en une «Afrique libre et décomplexée, anti-colonialiste, panafricaniste». Il lance à de Gaulle une phrase qui restera dans la légende politique du continent: «Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage.» 

Ce à quoi le général répond: «On a parlé d’indépendance. Et bien, je le dis ici plus haut qu’ailleurs, l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre en disant “non” à la proposition qui lui est faite et, dans ce cas, je garantis que la métropole ne s’y opposera pas.» Et il ajoute: «Elle en tirera, bien sûr, des conséquences, mais d’obstacles elle n’en fera pas et votre Territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu’il voudra, suivre la route qu’il voudra.»

Selon les témoins de l’époque, le général de Gaulle est furieux. Il dira à ses proches: «La Guinée, Messieurs, n’est pas indispensable à la France. Qu’elle prenne ses responsabilités. (…) Nous n’avons plus rien à faire ici. Le 29 septembre, la France s’en ira.» Vexé, le chef du gouvernement français annulera toutes les réceptions prévues, ne dînera pas avec Sékou Touré comme convenu initialement.

95% de «non» en Guinée

Un mois plus tard, le 28 septembre, lors du référendum constitutionnel, tous les territoires d’Afrique (et surtout la métropolie) votent «oui»… sauf un: la Guinée. 95,2% des électeurs votent «non», alors que dans quasiment tous les autres futurs pays africains, le «oui» l’emporte avec des majorités dépassant les 90% (à l’exception de Magagascar, 77%, la future Djibouti (75%) et le Niger (78%).

Le «non» l’ayant emporté, la Guinée proclame son indépendance le 2 octobre. Mais les conséquences sont rapidement visibles. La France se retire brutalement. «Le 29 septembre, le gouverneur français informe Sékou Touré qu’à partir du 30, Paris mettra fin à toutes les aides jusqu’alors consenties et retirera son personnel technique, y compris les forces armées», rappelle un universitaire.

Le nouveau pays recherche des appuis en Afrique, auprès de Kwame N’Krumah (alors Premier ministre du Ghana) notamment, tandis que le monde soviétique propose de combler le départ des Français. Finalement, les relations avec la France se normalisent dans le milieu des années 60. Sékou Touré restera au pouvoir jusqu’à sa mort en 1984. Son geste historique restera cependant terni par sa gestion dictatoriale.





Démocratie en Afrique: entre transitions inachevées et résurgences autoritaires


Par Sékou Chérif DIALLO


L’Afrique de l’Ouest est confrontée depuis plusieurs années à une recrudescence inquiétante des coups d’État militaires. En 2023 seulement, les dirigeants du Niger et du Gabon ont été renversés par des putschs. Au total, six pays de la région ont vu leur régime déposé par l’armée en seulement quatre ans.

Cette instabilité politique sévère affecte particulièrement des États déjà fragilisés par la menace jihadiste et les crises économiques, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’insurrection islamiste qui déstabilise le Sahel depuis plusieurs années semble avoir catalysé les velléités putschistes de certains hauts gradés.

La Guinée illustre bien les causes profondes de cette résurgence des coups d’État. Avant d’être renversé en 2021, le régime du président Alpha Condé était confronté à une contestation grandissante en raison de la corruption, du népotisme et de la dérive autoritaire du pouvoir.

La Guinée a connu de nombreux coups d’État dans son histoire récente, reflétant l’instabilité politique et le manque de démocratie véritable dans ce pays. Cependant, légitimer ces prises de pouvoir par la force pourrait banaliser des pratiques dangereuses pour les droits humains et le bien-être des citoyens, comme l’ont montré les régimes autoritaires issus des coups d’État de 1984 et 2008.

Depuis les années 1990, une vague de démocratisation a pourtant traversé l’Afrique subsaharienne, rompant avec des décennies de régimes autoritaires hérités des indépendances. Plus de trente ans après le début de ce mouvement historique, il convient de dresser un premier bilan sur les progrès et les limites de la démocratisation en Afrique subsaharienne.

Si des progrès certains sont incontestables, de nombreux observateurs soulignent la fragilité des expériences démocratiques émergentes, régulièrement battues en brèche par des logiques autoritaires persistances. Entre espoirs suscités et résistances constatées, le processus chaotique de démocratisation semble donc loin d’être achevé et irréversible.

Entre avancées indéniables et fragilités persistantes

Sous la pression conjuguée des revendications citoyennes locales et de la communauté internationale, la plupart des régimes africains ont été contraints d’entreprendre des réformes politiques d’ouverture démocratique. Cette période a été marquée par l’adoption de nouvelles constitutions, la légalisation du multipartisme et l’organisation régulière d’élections pluralistes dans la grande majorité des pays du continent.

A première vue, ces changements peuvent apparaître comme les signes tangibles d’une transition démocratique profonde. Pourtant, de nombreux analystes politiques soulignent les importants revers qui sont venus tempérer ces avancées prometteuses.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique : succès et résistances”[1], Guèye dresse un bilan nuancé du processus de démocratisation engagé en Afrique depuis le début des années 1990. Il met en lumière des progrès notables mais insiste également sur les fragilités persistantes.

Parmi les succès, l’auteur relève l’adoption de nouvelles constitutions garantissant le pluralisme politique, la reconnaissance de l’opposition et les libertés fondamentales. Bien que ces textes restent parfois contournés dans les faits, leur seule proclamation marque une rupture symbolique avec le monolithisme des régimes précédents. Elle ouvre la voie à une participation légale des opposants aux élections.

De plus, la limitation du nombre de mandats présidentiels désormais inscrite dans la plupart des constitutions, de même que le renforcement des prérogatives des parlements, témoignent d’une volonté d’encadrer l’action politique et de limiter l’arbitraire du pouvoir exécutif. Cette ébauche d’État de droit contraste avec l’autoritarisme des décennies post-indépendances.

Mais le progrès le plus notable demeure l’organisation régulière d’élections pluralistes depuis 1990, avec une crédibilité croissante. L’observation internationale indépendante des scrutins s’est généralisée, renforçant leur légitimité. Surtout, dans plusieurs pays, ces élections ont permis une véritable alternance démocratique au pouvoir.

Ces exemples concrets de sanction électorale de gouvernants en place et de passage pacifique du pouvoir à l’opposition, constituent des avancées décisives. Ils sont le signe tangible d’une démocratisation réelle, au-delà des façades institutionnelles.

Les entraves à la démocratisation de l’Afrique

L’analyse de Guèye (2009) met en lumière des résistances qui fragilisent les expériences démocratiques sur le continent. Il pointe notamment la concentration excessive des pouvoirs entre les mains du président, au détriment du contrôle de l’action gouvernementale par l’opposition. Les modifications récurrentes des constitutions visant à abolir les limites de mandats présidentiels sapent l’enracinement de l’État de droit. Ces révisions ad hoc pour permettre à un chef de l’État sortant de se représenter indéfiniment sont clairement antidémocratiques.

Le présidentialisme autoritaire hérité de la période postcoloniale persiste: dans bien des pays, le chef de l’État conserve des prérogatives étendues lui permettant de contrôler étroitement le jeu politique. Les contre-pouvoirs du parlement et de la justice demeurent souvent limités face à un exécutif dominateur.

Par ailleurs, de nombreux scrutins depuis 1990, malgré un cadre formel multipartite, ont été entachés d’irrégularités suffisamment graves pour en fausser la validité. Fraudes électorales, obstacles aux candidatures d’opposants, pressions sur les électeurs, falsifications des résultats… ces pratiques perdurent et biaisent l’expression démocratique.

Ces dérives alimentent logiquement la contestation virulente des résultats par les perdants et des crises post-électorales parfois violentes comme au Kenya en 2007[2]

Loin de canaliser pacifiquement les antagonismes, les élections deviennent un facteur d’instabilité. Le recours fréquent à des juges politisés pour invalider des résultats contestés sape aussi l’indépendance de la justice.

Plus généralement, la montée de l’abstention traduit une désillusion croissante des citoyens. Les taux de participation chutent, révélant la lassitude face à des scrutins perçus comme de vaines mascarades. Cette « fatigue démocratique » montre que les élections n’ont pas encore acquis de pleine légitimité.

Dans la même veine, Sakpane-Gbati (2011) [3] offre un regard similaire, mettant en lumière une “démocratie à l’africaine” caractérisée par la concentration du pouvoir exécutif, des élections entachées de fraudes, une implantation superficielle des partis, le rôle déstabilisateur des armées, l’absence de véritable débat public, et la persistance de la corruption. Selon lui, ce modèle a apporté des progrès mais doit évoluer pour renforcer l’État de droit et ancrer une réelle culture démocratique.

Un constat largement partagé par Jacquemot (2022), dans son essai “Afrique : La démocratie à l’épreuve”[4], qui dresse un bilan nuancé des processus de démocratisation depuis 1990. Il note que le continent a massivement adopté le système électoral multipartite au cours des 30 dernières années, avec l’organisation de plus de 600 scrutins nationaux depuis 1990. Cette généralisation du vote multipartite témoigne d’une volonté réelle d’instaurer la démocratie à travers des élections libres et transparentes.

Cependant, Jacquemot souligne que de nombreux pays peinent à passer d’une “démocratie procédurale” limitée à l’organisation d’élections, à une “démocratie substantielle” intégrant pleinement les libertés fondamentales. En dépit de la multiplication des scrutins, les institutions démocratiques restent fragiles et l’alternance politique n’est pas garantie.

L’auteur identifie plusieurs résistances qui entravent l’enracinement d’une véritable culture démocratique sur le continent. Tout d’abord, la manipulation des élections est fréquente, à travers des fraudes sur les listes électorales, des entraves aux candidatures d’opposition, ou des falsifications des résultats. Ensuite, les résultats sont souvent contestés et débouchent sur des crises post-électorales. Les mandats des dirigeants ne sont pas toujours respectés, avec des modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir. L’abstention croissante traduit aussi une désillusion démocratique des citoyens. Enfin, le retour récurrent des militaires au pouvoir par des coups d’État, comme récemment au Mali ou au Burkina Faso, remet en cause la démocratie électorale.

Au-delà des élections, les libertés fondamentales restent restreintes dans de nombreux pays et la justice manque d’indépendance. La corruption demeure un fléau qui sape les efforts de démocratisation. Cette “démocratie substantielle” tant attendue peine à advenir.

Face à ces limites, de nouvelles formes d’expression politique émergent en dehors des urnes, à travers la société civile et les réseaux sociaux. Jacquemot s’interroge toutefois, sur leur capacité à renouveler l’exercice démocratique.

Par ailleurs, le retour en force des militaires sur la scène politique à travers une série de coups d’État, notamment en Afrique de l’Ouest, sonne comme un sérieux rappel à l’ordre. Ces putschs témoignent d’une persistance de la « vocation politique de l’armée » que l’on croyait révolue.

S’intéressant plus particulièrement à l’Afrique de l’Ouest, Jacquemot (2022) constate le retour des coups d’État militaires. Ces putschs bénéficient souvent d’un large soutien populaire, reflétant la défiance envers les régimes civils en place, jugés corrompus et incompétents. Pour l’auteur, cette reprise en main autoritaire du pouvoir par les armées marque l’échec du modèle de la “démocratie électorale”. Incapables de répondre aux attentes des populations, les régimes civils laissent un vide que les militaires occupent en renversant des dirigeants discrédités. Les putschistes promettent une transition politique et un retour rapide des civils au pouvoir. Mais dans les faits, ils dissolvent les institutions existantes et contrôlent étroitement le processus selon leurs intérêts. Cette mainmise risque de reproduire un cycle infernal de coup d’État-élections-coup d’État, sans enraciner durablement la démocratie.

Enfin, l’auteur nuance l’idée d’un “vote ethnique” systématique sur le continent. Il souligne la complexité de ce phénomène, qui n’est pas toujours déterminant dans les choix électoraux. Pierre Jacquemot constate que l’ethnicité ressort surtout en période de tensions, mais tend à s’estomper avec la modernisation de la société.

Une adoption laborieuse aux racines anciennes

Bien avant la colonisation et l’importation des modèles politiques occidentaux, certaines sociétés précoloniales africaines intégraient des éléments pouvant être rapprochés de pratiques démocratiques modernes : élections de chefs, destitution des dirigeants jugés illégitimes ou tyranniques, délibérations collectives, etc.

Ainsi, chez les Igbo[5] du Nigeria ou les Mossi[6] du Burkina Faso, des formes de gouvernement consultatif existaient. Les Akan[7] considéraient que le pouvoir du chef émanait du peuple et pouvait lui être retiré. Ces exemples attestent que des conceptions du pouvoir intégrant une dimension participative ou contrôlée n’étaient pas étrangères aux cultures politiques locales antécoloniales. Certains intellectuels et leaders nationalistes du 20ème siècle s’appuieront d’ailleurs sur ce passé idéalisé pour revendiquer l’existence d’une « démocratie à l’africaine » authentique.

Dans un article paru en 2009, intitulé “La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle”[8], Quantin présente le modèle controversé de la “démocratie à l’africaine”. Selon ce modèle, il existait dans les sociétés précoloniales des éléments démocratiques tels que l’élection des chefs ou la destitution des dirigeants. Certains y voient la preuve d’une démocratie authentiquement africaine.

Démontrant que l’idée d’une inaptitude congénitale de l’Afrique à la démocratie relève du cliché, le politologue Fred Eboko retrace dans un article intitulé “L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie”[9], extrait de “L’Afrique des idées reçues” (2006), l’histoire chaotique mais bien réelle de la démocratisation du continent depuis la période précoloniale.

C’est avec la colonisation et l’introduction du modèle occidental que seront posées les bases de la démocratie moderne en Afrique. Dès les années 1920, les puissances coloniales mettent en place des assemblées représentatives localement élues. Puis dans les années 1950, de véritables élections pluralistes sont organisées. Malgré son contexte colonial, cette adoption précoce du suffrage marquera durablement les esprits.

Cependant, après les indépendances des années 1960, la plupart des nouveaux régimes mettent en place des partis uniques, verrouillant le jeu politique. Le modèle dominant devient alors celui d’un « socialisme africain » autoritaire. Les élections perdent leur sens démocratique pluraliste.

Dans un article paru en 2000, intitulé «Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation» [10] Quantin retrace l’histoire mouvementée de la démocratie électorale en Afrique depuis les indépendances. Son analyse nuancée bat en brèche l’idée que le vote serait étranger aux traditions politiques africaines. Il montre que l’institutionnalisation laborieuse des élections n’est pas propre à l’Afrique et appelle à une analyse comparative avec l’Occident.

Plus de trente ans après les transitions démocratiques des années 1990, les systèmes politiques africains demeurent hybrides, oscillant entre ouverture et autoritarisme. Cette hybridation atteste de la difficulté du modèle libéral à s’implanter tel quel. Pour Quantin (2009), le référentiel démocratique en Afrique est composite, fait de différentes strates historiques, sans qu’un modèle unique ne s’impose. Le processus chaotique de démocratisation en Afrique n’est pas si différent de celui qu’ont connu les démocraties occidentales.


NOTES

[1] Guèye, B. (2009). La démocratie en Afrique : succès et résistances. Pouvoirs, 129, 5-26. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0005

[2] Somerville, K. (2011). Violences et discours radiophoniques de haine au Kenya: Problèmes de définition et d’identification. Afrique contemporaine, 240, 125-140. https://doi.org/10.3917/afco.240.0125

[3] Biléou Sakpane-Gbati, “La démocratie à l’africaine”, Éthique publique [Online], vol. 13, n° 2 | 2011 http://journals.openedition.org/ethiquepublique/679

[4] Pierre Jacquemot. Afrique, la démocratie à l’épreuve. Fondation Jean-Jaurès. Fondation jean-Jaurès-Edition de l’Aube, 2022. https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/04/Essai-Afrique-democratie.pdf

[5] Uchenna Osigwe, « Démocratie et consensus: le cas igbo », Revue Phares, Vol 6, 2006, Université Laval. https://revuephares.com/wp-content/uploads/2013/08/Phares-VI.pdf

[6] Tiendrebeogo Yamba. Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou. In: Journal de la Société des Africanistes, 1963, tome 33. https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1963_num_33_1_1365

[7] PERROT, Claude-Hélène. Le pouvoir du roi et ses limitations dans un royaume akan de Côte d’Ivoire In : Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui.Presses universitaires de Rennes, 2015. https://books.openedition.org/pur/62371?lang=fr

[8] Quantin, P. (2009). La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. Pouvoirs, 129, 65 76. https://doi.org/10.3917/pouv.129.0065

[9] Eboko Fred. L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. In : Courade Georges (dir.). L’Afrique des idées reçues. Paris : Belin, 2006, p. 197-204. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers21-03/010038499.pdf

[10] QUANTIN, P., Les élections en Afrique : Entre rejet et institutionnalisation, Bordeaux, Centre d’Étude d’Afrique Noire/I.E.P. de Bordeaux, 2000, p. 2. http://polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/quantin1.pdf


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
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Les racines coloniales de la division de la Guinée en quatre régions dites naturelles


Notes de lecture


L’article intitulé “Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique” de Odile Goerg, publié dans la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire en 2011, examine comment la colonisation a découpé l’Afrique selon des lignes arbitraires, souvent sans tenir compte des divisions préexistantes ou des besoins des populations locales.

L’auteur se concentre sur l’exemple de la Guinée, une ancienne colonie française en Afrique de l’Ouest.

L’article aborde la division administrative et ethnique de la Guinée en quatre régions, qui a été mise en place pendant la colonisation française et a persisté après l’indépendance en 1958. Cette catégorisation symbolique imprègne encore aujourd’hui le fonctionnement quotidien du pays et ses effets sur les identités régionales et locales, ainsi que sur les options politiques.

L’auteur plaide pour une histoire des héritages coloniaux pour comprendre comment cette catégorisation s’est développée et perpétuée. La Guinée a été divisée en quatre régions “naturelles” (Guinée maritime, Moyenne-Guinée, Haute-Guinée et Guinée forestière), qui ont été conçues selon un modèle français de division du globe basé sur des critères géographiques et sociaux plutôt qu’historico-politiques. Cette catégorisation a été utilisée par les voyageurs, les publicistes et les administrateurs pour proposer une vision de la colonie cadrant avec le modèle français et elle est devenue une évidence depuis les années 1920.

L’article explore les racines coloniales de cette catégorisation et en suit les avatars jusqu’à l’époque contemporaine pour comprendre comment elle a eu un impact sur la représentation du pays et de ses populations.

Extrait

« L’invention de la quadripartition était avant tout pratique : organiser la colonie en ensembles régionaux plus vastes que les « cercles », circonscriptions administratives de base. Alors que la Guinée n’a que sept ans et que la conquête est inachevée, un regroupement est esquissé, anticipant déjà les arrangements ultérieurs : certaines régions se détachent déjà. On y trouve la région maritime (avec quatre cercles : Rio Nunez, Rio Pongo, Dubréka, Mellacorée), le Fouta Djalon (cercles de Timbo, Labé et Kadé) et le bassin du Niger (cercle de Faranah) ; le reste est flou et morcelé : deux cercles dans la région montagneuse entre la côte et le Fouta Djalon (Friguiagbé, Ouassou) en plus des cercles de Dinguiraye, Kouroussa, Kankan, Kissidougou et Beyla, régions nouvellement annexées »

Goerg, Odile. « Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 111, no. 3, 2011, pp. 73-88.

L’article souligne également les conséquences néfastes de cette découpe de l’Afrique, notamment les conflits ethniques et politiques qui ont émergé après l’indépendance, la difficulté de construire des États-nations cohérents dans des territoires artificiellement créés, et les difficultés économiques et sociales qui en découlent. L’auteur conclut que la découpe de l’Afrique par les puissances coloniales européennes reste une caractéristique centrale de l’histoire de l’Afrique, qui continue d’avoir des conséquences profondes et durables sur le continent.


Lire l’article

Couper la Guinée en quatre ou comment la colonisation a imaginé l’Afrique





Réponse à l’essai “Quel régime politique pour la Guinée ?” du Pr Bano Barry [Par Sylla, Aboubacar Sidiki Amara]


Point de vue


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara[1] [Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal]

La refondation du système politique et du système partisan de la Guinéecontributions au débat

Quel régime politique pour la Guinée ?

L’essai de Barry[2] est une invitation à la refondation du système politique et du système partisan guinéen. Il porte sur l’analyse de « la primauté du président sur toutes les institutions et [, la primauté] (…) des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale » [3].  Les origines de cette pratique se situeraient dans les dispositifs de l’article 25 des différentes constitutions guinéennes de 1958, de 1982, de 1990, de 2010 et de 2020[4].  Ensuite, l’auteur explore la question ethnique à travers une approche instrumentaliste. Il reproduit ici la thèse de sa thèse selon laquelle, la mobilisation de l’identité ethnique est un manœuvre essentiellement politique des élites politiques guinéennes dans le seul but d’accéder aux ressources de l’État[5].

De ces constats découlent plusieurs propositions entre autres : l’adoption d’un système de ticket aux élections présidentielles pour élire le président et le vice-président. Une mandature de sept ans (unique ou renouvelable). Un scrutin majoritaire aux élections à un tour —fortement inspiré du modèle ghanéen — pour pallier la primauté du président et des chefs de partis et surtout à l’instrumentalisation de l’identité ethnique[6].

Lire: Quel régime pour la Guinée?

Nous souhaitons revenir sur quelques éléments dans ses propositions. Il ne s’agit pas là de remettre en question ou de discuter de toutes les propositions de l’auteur, tant s’en faut. Par la suite, je vais proposer des alternatives inspirées des expériences d’autres régions du monde qui pourraient intéresser les ingénieurs électoraux guinéens.  

Les origines constitutionnelles de la primauté du président et des chefs de partis politiques.

Sur ce point je partage le constat. En effet, la suprématie du chef de l’État a bel et bien été consacrée dans les constitutions guinéennes de 1958, 1982, 1990, 2010 et 2020. Toutefois, il est confusion entre les causes et les effets, ce qui peut conduire à faire des prescriptions contreproductives.

 Le fait que ces constitutions, en l’occurrence celle de 1958 octroie dans son article 25 une primauté au président est d’une part, le résultat de la victoire du PDG-RDA sur les autres partis politiques à l’issue des luttes politiques entre 1939 et 1958. D’autre part, cet article informe sur le renoncement de la compétition politique au nom de l’unité nationale. Les périodes de lutte pour l’accession à l’indépendance ont été une expérience démocratique dans laquelle le pouvoir de décision revenait davantage à la base qu’au sommet dans nombre d’organisations politiques. Par exemple, c’est la base du PDG-RDA qui a poussé Sékou Touré à s’opposer à la fédération française de 1958. Et, c’est cette base de masse qui non seulement définissait les objectifs politiques du PDG-RDA, mais aussi et surtout façonnait les méthodes d’organisation, en utilisant des chansons, des symboles et des uniformes pour promouvoir le parti au sein d’une population largement analphabète [7]. Plusieurs analyses peuvent être tirées de cette observation. Une d’entre elles est que l’expérience démocratique n’est pas étrangère aux Guinéens. Quand la démocratie est compétitive, il y a moins le risque de la primauté ou la concentration du pouvoir auprès d’une seule personne. La compétitivité politique à cette période a permis de transcender les clivages ethniques et de faire des campagnes politiques sur des enjeux autres que l’ethnicité. Le clivage politique s’était transformé entre les progressistes et les conservateurs (Schmidt 2005 ; 2007).

Par conséquent, l’article 25 de la constitution de 1958 témoigne de la défaite des partis d’opposition et de l’ambition de Sékou Touré (et des autres présidents) de tenir l’essentiel du pouvoir politique [8]. Ce n’est donc pas la « prépondérance absolue du président de la République [qui,] a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne »[9]. Dans le cas de la Guinée, la prépondérance du président est une des conséquences de la disparition des organisations politiques, notamment les partis et les syndicats. Il serait donc essentiel pour lutter contre un présidentialisme fort qu’il y ait, au-delà de la séparation des pouvoirs, des organisations politiques, des partis politiques, des syndicats très puissants et compétitifs.

Brouiller ou consacrer le repérage ethnique ?

Pour brouiller le repérage ethnique, dit-il, la Guinée devrait se doter d’un système de ticket aux élections présidentielles. Ainsi, les candidats choisiront les colistiers dans une autre communauté, ce qui rendrait impossible l’étiquetage ethnique de ces derniers[10]. Le risque dans ce cas de figure est que le mariage, président vice-président issu de différentes ethnies, soit perçu par la population comme une coalition entre deux ethnies pour accéder au pouvoir. Ce qui n’est nullement différent de la situation actuelle du pays, il suffit de regarder la composition du sommet des partis politiques.  L’asymétrie démographique entre les groupes ethniques fera que les coalitions se forment entre les groupes ethniques relativement majoritaires.

Sachant qu’en soi les partis ethniques ne sont ni bons ni mauvais pour la démocratie[11]. M’est avis que la mobilisation de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale dans le contexte guinéen est problématique. (Cette problématique renseigne-t-elle sur l’avortement ou l’échec du projet de construction de la nation ?). Pour cause, nos identités sont source de discriminations dans l’accès aux services publics — dépendamment de, qui est au pouvoir et de, qui est à la tête du ministère — et dans la vie de tous les jours.

L’on sait que les politiques, et les institutions ont une grande responsabilité dans cette situation. D’où la nécessité d’agir à ce niveau. Une des stratégies permettant d’atténuer la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale serait la mise en place d’un système qui favorise la formation des partis politiques sur d’autres enjeux que l’ethnie. Notamment, la classe sociale, l’idéologie, la corruption, le népotisme, le développement, l’économie, etc. C’est à ce niveau que l’ingénierie électorale nous sera d’une grande utilité.

Sur le système électoral et l’ethnicité.

La question qui sous-tend les débats académiques sur le choix entre le système proportionnel, le système majoritaire et le système mixte est l’équilibre entre la démocratie (au sens de représentation égale de tous dans les instances politiques) et/ou la stabilité politique et institutionnelle. Les deux ne sont forcément pas exclusifs.

Le système majoritaire réduit-il l’instrumentalisation de l’identité ethnique ?

L’influence du système électoral sur la mobilisation de l’identité ethnique fait débat dans la littérature et demeure problématique[12]. L’argument traditionnel concernant l’ethnicisation de la vie politique des pays à forte diversité ethnique était que, dans les systèmes majoritaires, pour être plus précis, les systèmes uninominaux, contrairement aux systèmes proportionnels, atténuaient l’exacerbation de l’ethnicité dans la vie politique lors des élections[13]. Pour cause, les systèmes majoritaires induisent vers le dualisme dans les circonscriptions électorales[14] obligeant les partis qui veulent obtenir une majorité, d’aller au-delà d’un électorat strictement mono-ethnique en formant des coalitions, qui contribueraient à réduire le nombre de partis politiques [15]

Cependant, à regarder de plus près, les systèmes majoritaires conduisent à une représentation inégale des membres de la société au sein des organes représentatifs. Parce que dans les États où le vote est ethnique et où il y a des groupes ethniques relativement majoritaires, les systèmes majoritaires contribuent à l’exclusion des groupes minoritaires [16]. De plus, contrairement à l’argumentaire traditionnel sur le caractère nuisible des systèmes proportionnels dans les pays à forte diversité ethnique, les études récentes soulignent que les systèmes proportionnels contribuent moins à l’ethnicisation de la compétition électorale. En effet, dans la mesure où, dans les pays à forte diversité ethnique, les systèmes proportionnels facilitent la formation de plusieurs partis politiques qui, en ciblant les membres d’un même groupe ethnique, divisent le groupe et, ce faisant, obligent les partis à trouver d’autres thèmes de démarcation que l’identité ethnique [17]. Ainsi, l’étude de Fox (2018) sur l’Indonésie souligne l’effet du passage d’un système proportionnel à un système majoritaire, sur la politisation de l’identité ethnique. Ce passage a contribué à ce que les candidats recourent à leurs identités ethniques dans leurs circonscriptions électorales afin de recueillir plus de voix [18]

Sur le Ghana

Barry soutient un système partisan stable comme au Ghana, en affirmant qu’« on sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique […] Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour ». Il est vrai que le Ghana à un système partisan stable, institutionnalisé. Il est aussi vrai qu’il a un système majoritaire. Toutefois, cette stabilisation est moins liée au mode de scrutin majoritaire qu’à la nature du régime autoritaire qui a accompagné le processus de démocratisation. Les pays avec un régime autoritaire fort ayant réussi à incorporer les élites locales puissantes ont pu contrôler la participation politique et ont déterminé l’agenda de la transition, ce qui a influencé les formations des partis politiques, les règles du jeu politique et le système partisan, lors des élections fondatrices [19]. Par ailleurs, la stabilisation, l’institutionnalisation du système partisan n’a pas du tout empêché la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique[20].

Quel système électoral pour la Guinée ?

Dans cette dernière partie, les différents points soulevés ci-dessous seront des invitations à la prise en compte d’autres exemples certes lointains, mais riches en leçons pour surmonter la saillance de l’ethnicité dans la vie politique guinéenne.

Les propositions ici seront inspirées des expériences récentes des sociétés multiethniques, comme la Guinée, qui ont réussi à contraindre les partis à mobiliser d’autres enjeux que l’ethnicité tout en les incitant à collaborer.  

Les ingénieurs électoraux pourraient exiger les enregistrements transrégionaux des partis comme c’est le cas des pays de l’Amérique latine notamment, la Colombie, l’Équateur, le Guatemala, le Nicaragua, le Honduras, le Mexique et le Pérou. De même, ils peuvent exiger les seuils interrégionaux dans la formation des partis politiques. La Turquie et des pays d’Asie du Sud-Est tel que les Philippines, la Thaïlande et l’Indonésie peuvent servir d’inspiration aux ingénieurs électoraux guinéens.

L’Indonésie peut être une référence pour les ingénieurs guinéens. En effet, c’est l’un des pays les plus vastes et les plus complexes de par sa composition ethnique. Il s’était démarqué dans sa tentative d’ingénierie politique de son système partisan pour contrer le sécessionnisme ethnique et construire une démocratie stable[21].  Les ingénieurs politiques de ce pays ont élaboré un ensemble complexe d’incitations et de restrictions au développement du système de partis. Par exemple, tous les partis politiques devraient démontrer qu’ils disposaient d’une base de soutien nationale avant de participer aux élections. En Guinée, l’on peut requérir des partis politiques de prouver qu’ils disposent d’une structure établie et fonctionnelle dans toutes les préfectures et les sous-préfectures. Chaque unité de ces structures devrait avoir un seuil minimum d’adhérents, lequel pourrait être déterminé après le recensement national de la population. Une telle disposition obligera les partis ou les candidats individuels à recueillir des soutiens dans différentes régions du pays.

Par ailleurs, les règles de financement des partis pourraient être utilisées comme incitatifs pour favoriser la candidature des femmes et remédier à leur sous-représentation dans les partis et dans la vie politique.  La Papouasie Nouvelle-Guinée serait à cet égard une source d’inspiration intéressante. Dans ce pays, les partis qui présentent des candidates aux élections récupèrent une grande partie de leurs dépenses électorales[22]. Un tel aménagement dans un système où le financement des partis se fait seulement par la cotisation de ses membres et les subventions de l’État, tous les partis auront intérêt à présenter des femmes aux élections étant donné que les financements des membres ne seront pas suffisants pour faire campagne.

Une autre innovation du système électoral pourrait être la mise en commun des votes qui permettra aux électeurs de classer les candidats par ordre d’importance. Ensuite ces votes seront transférés en fonction de ces classements. Ces systèmes peuvent encourager la coopération entre les partis en rendant les politiciens de différents partis réciproquement dépendants des votes de transfert de leurs rivaux.

Ce papier est une contribution aux débats sur la refondation politique de la Guinée. Il s’inscrit dans la lignée des dialogues et propositions des citoyens de tout bord, mais plus précisément des chercheurs.


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal

NOTES

[1] Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal.

[2] Je résume certaines grandes lignes de l’essai. Néanmoins pour une mise en contexte j’exhorte les lecteurs qui n’ont pas encore lu cet essai de cliquer sur la suivante référence :  Alpha Amadou Bano Barry, « Quel régime pour la Guinée ? », Mosaiqueguinee.com (blog), 27 février 2023, https://mosaiqueguinee.com/quel-regime-pour-la-guinee-par-pr-alpha-amadou-bano-barry/.

[3] Barry.

[4] Barry.

[5] A. Amadou Bano Barry, Les violences collectives en Afrique: le cas guinéen, Études africaines (Paris ; L’Harmattan, 2000).

[6] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[7] Schmidt, Mobilizing The Masses: Gender, Ethnicity, and Class in the Nationalist Movement in Guinea, 1939-1958, Annotated edition (Portsmouth, NH: Heinemann Educational Books,U.S., 2005); pour comprendre les dynamiques politiques avant l’indépendance cet autre ouvrage est du même auteur est d’une richesse inégalée:

Elizabeth Schmidt, Cold War and Decolonization in Guinea, 1946-1958, Western African Studies (Athens: Ohio University Press, 2007).

[8] Cette concentration du pouvoir s’explique en partie de l’ambition des chefs d’État de l’Afrique à cette époque de vouloir construire une nouvelle nation avec une identité commune et unique. La phrase « Que la Nation guinéenne est née de l’État » s’inscrit dans cette logique. Voir dans le contexte africain après les indépendances : Daniel Bourmaud, « Aux sources de l’autoritarisme en Afrique : des idéologies et des hommes », Revue internationale de politique comparée 13, no 4 (2006): 625‑41.  Christof Hartmann, « Managing Ethnicity in African Politics », in Oxford Research Encyclopedia of Politics, par Christof Hartmann (Oxford University Press, 2019) ; Crawford Young, The African Colonial State in Comparative Perspective (New Haven: Yale University Press, 1994).

[9] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[10] Barry.

[11] Voir à ce propos les articles: Jan Rovny, « Antidote to Backsliding: Ethnic Politics and Democratic Resilience », American Political Science Review, 23 janvier 2023, 1‑19; Anika Becher et Matthias Basedau, « Promoting Peace and Democracy Through Party Regulation? Ethnic Party Bans in Africa », SSRN Scholarly Paper (Rochester, NY: Social Science Research Network, 1 janvier 2008) ; Jóhanna Kristín Birnir, Ethnicity and Electoral Politics (Cambridge: Cambridge University Press, 2006).

[12] Les arguments déployés dans cette partie sont issus de mon mémoire de maîtrise :  Aboubacar Sidiki Amara Sylla, « Institutionnalisation du système partisan à l’épreuve des partis ethniques en Afrique subsaharienne. Étude de cas de la Guinée. » (Mémoire de maitrise 2, Grenoble, Sciences Po Grenoble, 2021).

[13] VAN EVERA, Stephen. Hypotheses on Nationalism and War. International Security. 1994, Vol. 18, no 4, p. 1‑35  ; James R Scarritt et Shaheen Mozaffar, « The Specification of Ethnic Cleavages and Ethnopolitical Groups for the Analysis of Democratic Compe », 1999, 1‑37.

[14] Maurice Duverger, L’influence des systèmes électoraux sur la vie politique, Académique (Paris: Presses de Sciences Po, 1950).

[15] ORDESHOOK, Peter C. et SHVETSOVA, Olga V. Ethnic Heterogeneity, District Magnitude, and the Number of Parties. American Journal of Political Science. [Midwest Political Science Association, Wiley], 1994, Vol. 38, no 1, p. 100‑123 ;  CLARK, William Roberts et GOLDER, Matt. Rehabilitating Duverger’s Theory: Testing the Mechanical and Strategic Modifying Effects of Electoral Laws. Comparative Political Studies. Août 2006, Vol. 39, no 6, p. 679‑708. ; SELWAY, Joel Sawat. The Measurement of Cross-cutting Cleavages and Other Multidimensional Cleavage Structures. Political Analysis. Cambridge University Press, Ed 2011, Vol. 19, no 1, p. 48‑65.

[16] LIJPHART, Arend. Constitutional Design for Divided Societies. Journal of Democracy. 2004, Vol. 15, no 2, p. 96‑109.

[17] John D. Huber, « Measuring Ethnic Voting: Do Proportional Electoral Laws Politicize Ethnicity? », American Journal of Political Science 56, no 4 (2012): 986‑1001.

[18] FOX, Colm. Candidate-centric systems and the politicization of ethnicity: evidence from Indonesia. Democratization. Routledge, Octobre 2018, Vol. 25, no 7, p. 1190‑1209.

[19] Rachel Beatty Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa (Cambridge: Cambridge University Press, 2014), p.12.

[20] Nicholas Cheeseman et Robert Ford, « ETHNICITY AS A POLITICAL CLEAVAGE », Afrobarometer Working Paper., 2007, 1‑41; Matthias Basedau et Alexander Stroh, « How Ethnic Are African Parties Really? Evidence from Four Francophone Countries », International Political Science Review 33, no 1 (2011): 5‑24 ; Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa; Staffan Lindberg et Minion Morrison, « Are African Voters Really Ethnic or Clientelistic? Survey Evidence from Ghana », Political Science Quarterly 123 (12 septembre 2007).

[21] Benjamin Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies », Democratization 13, no 5 (1 décembre 2006): p.817.

[22] Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies ».





Quel régime pour la Guinée?


Point de vue


Par Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie)

Au regard de l’histoire politique guinéenne marquée par le même type de régime politique et trois transitions, cet essai se propose de dévoiler les constantes du système politique qui sont au nombre de deux : la primauté du président sur toutes les institutions et celle des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale. Ce texte a cherché aussi à déconstruire le fondement de la question ethnique en Guinée, sujet récurrent dans les échanges des salons et des bureaux, mais rarement en public. La question ethnique en Guinée est essentiellement politique et sert aux élites à assurer le contrôle de l’État et de ses ressources. Un président fort est le point central du dispositif du contrôle ethnique. Au regard de cette réalité, la Guinée gagnerait à expérimenter un autre système, celui du ticket aux élections présidentielles et d’un système électoral majoritaire à un tour et une forte décentralisation pour rendre le peuple plus responsable de son destin.

Cet essai est mon second sur la question du régime politique en Guinée. Le premier a été publié après 2010 et n’a servi, ni à doter le pays d’une constitution adaptée aux réalités sociologiques de Guinée, ni à éviter une troisième prise du pouvoir par les armes.

En 2023, je refais le même exercice tout en étant conscient que les intérêts sont si antagoniques dans ce pays qu’il est difficile d’arriver à soutenir ce qui ne favorise pas certains groupes. D’autres aussi n’aimeront tout simplement pas cette réflexion qui vient d’un ancien ministre[1] du régime précédent, car il a toujours été un crime de servir son pays en Guinée. Enfin, je sais aussi que les leaders politiques les plus représentatifs dans le paysage politique guinéen ne vont pas aimer. Car tous veulent un régime présidentialiste comme celui en vigueur depuis 1958 dans l’espoir qu’ils en seront les bénéficiaires. N’étant pas constitutionnaliste ni juriste, mon regard ne porte pas sur les règles du droit, mais sur leurs effets attendus ou imprévus sur le système politique et sur la société. Le regard du sociologue glisse en quelque sorte sur le droit, pour « obliquer» vers les contextes sociaux, économiques, politiques, culturels dans lesquels il prend naissance.

Au centre de la préoccupation du sociologue, c’est « l’esprit de la loi », c’est-à-dire ce qui serait le mieux en fonction des réalités sociologiques des populations et de ses élites à un moment donné de son histoire, la prise en compte de la réaction du milieu à la règle du droit avec un focus sur les acteurs et le processus de rédaction et d’adoption d’une constitution.

Durant le symposium organisé par le Conseil National de la Transition (CNT), j’ai eu le privilège d’écouter des sommités sur l’ensemble des composantes du système politique, de l’administration et de l’État. Il m’a été donné d’entendre par certains que la constitution des USA est la plus stable, car elle est dans les principes, la philosophie et laisse à la cour suprême le soin de trancher sur chaque cas qui pose un problème d’interprétation. Mais il est certain que le second amendement de la constitution américaine n’aurait pas été si ce pays n’a pas utilisé les armes pour conquérir son territoire, ni avoir des esclaves qu’il fallait dominer ni une guerre civile. Dans chaque constitution, l’histoire politique et les réalités sociologiques s’incrustent.

D’autres ont insisté pour faire valoir que le meilleur texte constitutionnel ne résoudra pas les problèmes d’éthique, de compétences et de courage des hommes et des femmes en charge d’appliquer et de faire appliquer le droit. On peut néanmoins ajouter que cela n’empêche pas d’avoir des « bons textes », c’est-à-dire des textes qui pourraient prendre en charge les réalités sociologiques et aider à corriger les lacunes. Car même si presque tous les conducteurs de mototaxis de Conakry ne respectent pas les feux de signalisation, personne ne se risquera à recommander qu’on élimine pour autant ces feux ou de ne pas prévoir des sanctions dans le code de la route.

La règle de droit est un discours normatif qui dit ce qui doit être, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et parfois comment le faire, et prévoit la sanction positive ou négative des actions permises, imposées ou prohibées.

Comme norme, la loi ne valide pas seulement une pratique en cours, elle peut aussi vouloir corriger une norme car elle possède une capacité de coercition pour amener la conduite individuelle vers ce qui est prescrit. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire la loi sur la polygamie, l’excision et beaucoup d’autres dispositions de normes sociales. Donc, une bonne règle de droit a aussi pour vocation d’imposer une norme juridique pour qu’elle devienne une norme sociale.

Certes, la meilleure constitution n’éliminera pas les « faux démocrates », mais une « bonne loi démocratique » permettra d’avoir des leviers sur lesquels compter pour lutter et protéger les règles démocratiques. Le meilleur exemple de texte de lois ayant changé radicalement les choses est le travail fait par Jerry Rawlings au Ghana avec un système politique qui a permis d’asseoir une alternance démocratique. Ma lecture du marxisme et ma compréhension de la réalité sociale me font admettre que les hommes ne sont pas « bons » ni « mauvais » de façon génétique, ils sont simplement le produit de leur milieu. Si le milieu change, l’environnement impose de nouvelles normes, les Hommes s’ajustent et s’adaptent.

Le défi de la Guinée est, dans cette transition, d’avoir « des textes adaptés à nos réalités ». C’est-à-dire des textes qui corrigent les effets des différentes constitutions sur la société guinéenne. Car certaines des dérives actuelles dans la vie politique ne proviennent pas seulement du « mauvais Guinéen » non courageux, mais des textes comme je vais le montrer dans l’analyse sociologique des constitutions de 1958 à 2020.

LES EFFETS DE CERTAINES DISPOSITIONS DES CONSTITUTIONS DE 1958 A 2020

La Guinée, depuis sa première constitution de 1958, s’est inscrite dans un régime avec une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République.

C’est la première constitution du 10 novembre 1958 qui a conféré au président de la République, en son article 25, l’autorité de nommer « […] à tous les emplois de l’administration publique. Il nomme à tous les emplois et fonctions militaires ». Cette disposition est restée intangible dans toutes les constitutions même si en 2010, un effort non abouti a été tenté pour donner un peu de pouvoir au premier des ministres avec deux articles contradictoires dont l’article 46 qui dit que le président : « nomme en conseil des Ministres aux emplois civils dont la liste est fixée par une loi organique » et l’article 58 qui dispose que : « Le Premier Ministre dispose de l’administration et nomme à tous les emplois civils, excepté ceux réservés au chef de l’État ».

Il était prévu que l’Assemblée Nationale, qui sortirait des urnes à la fin de la transition, devrait se charger de l’élaboration et de l’adoption de cette loi organique. Pendant les 11 ans, cette loi organique n’a jamais vu le jour et les nominations n’ont jamais été faites en Conseil des Ministres.

C’est la constitution de 1982 qui met au-dessus de l’édifice institutionnel le parti unique, le Parti Démocratique de Guinée (PDG) sur l’État et les institutions de la République avec la formule suivante :

a) Que la Nation Guinéenne est née de l’État ;

b) Qu’elle est engendrée par l’action des masses populaires mobilisées au sein du Parti Démocratique de Guinée ;

c) Que c’est le Parti qui a fondé l’État et que cet État ne peut donc que s’identifier au Parti qui l’organise, le dirige et le contrôle, en assumant réellement toutes les fonctions en tant que Parti-État et en œuvrant à la réalisation du Peuple-État.

Les constitutions de 1990 et les suivantes (2010 et 2020) ont aussi gardé les dispositions de l’article 25 de 1958 qui garantit la prépondérance du Président de la République dans l’agencement des pouvoirs, mais celle de 90 dans son article 3 (dans sa première version et dans sa version révisée de 2001) et celle de 2010 ont renforcé de leur côté la puissance des partis politiques en réservant aux seuls partis politiques, le droit de présenter « les candidats aux élections nationales », avec unsystème électoral qui fait élire les deux tiers des députés (76 sur les 114 députés) à la proportionnelle et seulement 38 à l’uninominal.

Les conséquences de l’article 25 et de la suprématie du parti unique ont fait du Président de la République un homme qui règne comme un monarque et qui gouverne seul et parfois avec des hommes de l’ombre qui deviennent plus puissants que ceux en position institutionnelle. Cette prépondérance absolue du président de la République a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne oubliant les remarques de Montesquieu qui disait que : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le droit accordé aux seuls partis politiques dans la désignation des candidats aux élections nationales (législatives et présidentielles) dans la constitution de 90 et le système électoral qui fait que les deux tiers des députés sont élus sous la bannière des partis politiques sur une liste nationale expliquent la toute-puissance des leaders des partis politiques et la subordination des élites administratives, commerciales et coutumières aux leaders politiques. Car ce sont les leaders des partis politiques qui déterminent les chances des uns et des autres à devenir député par leur positionnement sur la liste à la proportionnelle.

Élu sous la bannière d’une liste nationale d’un parti politique, sans aucun contact avec le peuple et avec la bénédiction des premiers responsables des partis politiques, les députés de la liste nationale n’ont aucune redevabilité envers la population, parce que n’étant pas élus directement par elle. C’est cette disposition qui explique la prolifération des partis politiques (186 semble-t-il). N’ayant pas d’ancrage local, ceux qui veulent devenir député et qui ne peuvent l’obtenir à partir d’un parti établi sont donc dans l’obligation de créer un parti et se présenter sur la liste nationale dans l’espoir de bénéficier du plus fort reste. Ce n’est pas le laxisme des fonctionnaires du ministère de l’administration du territoire dans la création et le contrôle de la fonctionnalité des partis politiques qui explique la prolifération des partis politiques. Ce sont les dispositions des constitutions guinéennes qui expliquent la prolifération des partis politiques et la tribalisation du jeu politique.

Pour corriger ces créations exponentielles des partis politiques, des solutions existent à travers les règles des systèmes électoraux[2] comme le font les pays anglophones et en particulier ce que Jerry Rawlings a fait pour le Ghana[3]. C’est donc en corrigeant ces dispositions institutionnelles dans la future constitution qu’il sera possible de solutionner certains dysfonctionnements actuels. C’est ce dispositif qui est exposé ci-dessous.

COMMENT RATIONNALISER LE NOMBRE DE PARTIS POLITIQUES DANS UN PAYS ?

Cette question sur le nombre de partis politiques en Guinée est dans le débat depuis 1990 avec la proposition du Président Lansana Conté de légaliser 2 partis politiques. Ce débat est redevenu actuel, polluant même la réflexion, après le retour de mission du Conseil National de la Transition (CNT) de l’intérieur du pays avec la demande de la population de réduire le nombre de partis politiques.

Le 5 septembre 2021, suite au changement de régime, avec la dissolution du gouvernement et de l’assemblée nationale, il aurait été plus compréhensible d’accompagner ces mesures par la dissolution des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile au nom de la « refondation ».

En ne le faisant pas à ce moment, il est devenu problématique de proposer dans la nouvelle constitution un système direct de réduction des partis politiques à 2 ou à 3. En 2023, plus de 15 mois après le changement de régime, toute tentative dans ce sens risque de ne pas bénéficier de consensus et pourrait soulever des revendications. D’autant que les plus farouches partisans de cette dissolution des partis politiques sont des leaders politiques qui ne pèsent presque rien sur l’échiquier politique. L’un pourrait justifier l’autre. De par l’expérience universelle, deux procédés existent pour réduire le nombre de partis politiques dans un pays. Il y a la formule directe et celle indirecte. Dans l’article de Jean Laponce (1962) ; « Bipartisme de droit et bipartisme de fait », Revue française de sciences politique, Paris, France, pp. 877-887, il est clairement mentionné que la restriction directe du nombre de parti politique est « d’établir par la loi le nombre des partis politiques autorisés à présenter des candidats aux élections ou bien encore de définir le nombre des partis autorisés à envoyer des représentants au Parlement ». Cet auteur met en évidence que « la limitation du nombre de parti n’est pas en contradiction avec les règles du jeu démocratique »,

De façon indirecte, il est possible d’y arriver aussi par des mesures législatives comme de restreindre le « droit de présenter des candidats aux deux seuls partis ayant obtenu le plus de voix à une élection primaire dans le cadre national ». De même, « la loi peut chercher à agir directement sur le nombre des partis en interdisant la représentation aux partis n’ayant pas obtenu un minimum de voix ». Dans ces conditions, « plus le minimum légal est élevé, plus grande est la pression sur les partis existants pour qu’ils se groupent » et donc se réduisent.

On peut aussi agir en changeant le système électoral. On sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique. Souvent pour obtenir une application stricte du bipartisme, d’autres dispositions complémentaires sont édictées sur les structures internes des partis, en imposant par exemple, comme c’est le cas aux Etats-Unis dans la majorité des États, l’élection des dirigeants du parti par l’ensemble non pas des membres du corps électoral mais seulement des électeurs du parti.

Le Ghana est, en Afrique, l’exemple typique d’un système indirect. Bien qu’ayant seize partis officiellement enregistrés, c’est deux partis politiques (National Democratic Congress, « NDC » et le National People’s Party « NPP ») qui s’alternent au pouvoir.

Le système électoral dans ce pays est fait de sorte qu’il apparaît difficile aux autres partis de remporter une élection. Au Ghana, les 230 membres du parlement du Ghana représentent les 230 circonscriptions du pays. Comme pour l’élection présidentielle, ils sont élus au suffrage majoritaire uninominal. C’est ce modèle qui donne le résultat de cette alternance démocratique tant vantée par les Guinéens.

Avec ce système indirect, le Ghana confirme la théorie de Maurice Duverger[4] qui démontre que le système électoral majoritaire à un tour est de nature à favoriser l’émergence d’un système bipartite. Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour.

Pour mettre en place ce dispositif, on devrait supprimer l’élection à la proportionnelle sur la liste nationale pour n’avoir que des députés élus dans une circonscription électorale et procéder au découpage du territoire national en circonscription électorale en tenant compte de certaines contraintes :

  1. Les préfectures qui ne remplissent pas le nombre d’électeurs requis pour atteindre le quorum doivent néanmoins se faire représenter à l’assemblée par un député élu à l’uninominal ;
  2. Dans les préfectures du pays qui dépassent ce quorum et ne font pas le double ou le triple ou quadruple, on procède toujours à l’arrondissement par le haut pour déterminer le nombre de députés qui sont tous élus à l’uninominal ;
  3. Les Guinéens de l’étranger devront être représentés par des députés élus dans des circonscriptions électorales. Ces circonscriptions peuvent regrouper plusieurs pays mis ensemble si le nombre d’électeurs n’atteint pas le quorum ou d’un seul pays si le nombre d’électeurs est conforme au quorum fixé.

D’ailleurs, personne ne devrait se soucier du nombre et de la gouvernance interne des partis politiques si l’article 3 disparaît. Sans cette disposition, chaque Guinéen qui remplit les conditions d’éligibilité devrait avoir la latitude de se présenter à toutes les élections nationales et locales. Dès que cette disposition sera adoptée, les partis politiques vont se vider de ceux qui y sont pour devenir député ou maire et se rempliront plus tard sur la base de la proximité idéologique.

La question de la tribalisation du débat politique en Guinée vient aussi du système politique avec un président élu seul à la tête d’un parti politique au suffrage universel à deux tours s’il n’a pas la majorité absolue au premier tour. C’est pour cette raison que je vais me permettre de dire quelques mots sur la question ethnique pour la déconstruire, car l’existence des ethnies ne signifie pas que les Guinéens sont des « ethnos ».

LA QUESTION ETHNIQUE EN GUINÉE

Les ethnies existent en Guinée et existeront pour toujours. Certains groupes ethniques actuels, ou qui se considèrent comme tels, n’existaient pas il y a de cela quelques siècles auparavant. D’autres groupes ethniques se sont détachés par la migration et se sont différenciés dans le temps avec des groupes qui les englobaient hier. D’autres enfin qui existaient jadis ont été absorbés au cours des siècles à travers les migrations, les cohabitations, les brassages et les assimilations.

Parmi ceux qui existent, certains vont disparaître, d’autres vont s’agrandir, d’autres enfin garderont l’étiquette et perdront certains de leurs attributs. Bref, les ethnies sont comme un corps : elles naissent, se développent, meurt et renaissent pour certaines et disparaissent pour toujours pour d’autres.

Tous les spécialistes de l’installation des populations que le colon a désigné par « Guinée », s’accordent à reconnaitre que les populations de la Guinée sont originaires du Sahel, à l’exception notable des Mandeyi et des Lomas, et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. Certains des membres de ces groupes ne sont même pas venus ensemble comme les Bagas, les Nalous et les Peuls.

Les groupes ethniques en Guinée (que l’on dénombre à 24) donnent l’illusion à leurs membres d’avoir une origine lointaine commune, un destin identique et des valeurs meilleures que celles des autres. C’est ce sentiment développé et véhiculé qui consolide l’unité du groupe et renforce la solidarité. Pourtant, il n’est pas rare de constater dans la même ethnie, la pratique de plusieurs religions et des variations du phénotype et des ressemblances entre des individus appartenant à des ethnies différentes.

Chaque groupe fait croire, par la socialisation de ses membres, que sa culture, la manière d’être et de vivre sont les seules valeurs respectables. Dans la réalité, les différences affichées et parfois revendiquées ne sont que variations d’adaptation.

Les Guinéens ont une longue histoire commune, une histoire antérieure à celle de l’État guinéen et même à la colonisation. On sait avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (vers 1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest.

Cette mobilité s’est poursuivie et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et États de la région (Mali au 13ème siècle, Songhaï au 15ème siècle, Ségou au 17ème siècle, Foutah Djalon et Macina au 19ème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

Cette histoire commune a façonné des liens (parenté à plaisanterie, liens matrimoniaux et autres liens de solidarité) qui soudent la société guinéenne et lui permet d’affronter les vicissitudes du « vivre ensemble ». Les ethnies qui habitent la Guinée sont semblables sur l’essentiel. Le mariage est le lieu privilégié de procréation, le système dominant est le patriarcat et la gérontocratie et la solidarité sont valorisées. Bref, les ethnies ont, pour l’essentiel, les mêmes valeurs. Les différences sont surtout linguistiques et organisationnelles, résultats des particularités historiques, démographiques et d’adaptation à l’environnement de vie. Même linguistiquement, ces 24 groupes ethniques se regroupent en deux familles de langues[5] pour parler comme les linguistes :

  1. Le groupe mandé qui regroupe le maninka, le Koniaka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et ;
  2. Le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

Les Guinéens n’ont aucun problème à vivre ensemble, au sein du même quartier, dans la même cour, se marier entre eux, sans aucune considération autre que les sentiments des prétendants et le revenu de l’un ou de l’autre. Certes, les hommes de certaines communautés ont plus de difficulté que d’autres à contracter des liens matrimoniaux dans toutes les communautés et surtout dans toutes les familles.

Dans la vie de tous les jours, la différence ethnique est moins importante que celle en lien avec les classes sociales (pauvres et riches) et aux stratifications sociales (castes et autres catégories stigmatisées).

Ce n’est pas pour rien qu’en dépit des tensions orchestrées par certains acteurs politiques au moment des seconds tours des élections présidentielles, la Guinée n’a jamais basculé dans la guerre civile, ni dans la tentation de la sécession régionaliste. C’est d’ailleurs l’une des particularités de la Guinée : pays fragile sans mouvement sécessionniste.

Ce que tous les Guinéens ont voulu et veulent, en dépit de la suspicion, de la méfiance et de l’instrumentalisation ethnique, c’est d’être des Guinéens avec des droits identiques, des possibilités réelles de s’épanouir, de se réaliser et de pouvoir bénéficier des mêmes droits dans le choix des dirigeants du pays, d’accéder à la présidence de la République, aux hautes fonctions de l’administration publique et aux marchés publics sans aucune discrimination.

On peut dire, et ma spécialité et ma connaissance de la Guinée me le permettent, le problème de l’ethnicité en Guinée porte essentiellement sur l’accès aux ressources de l’État, aux avantages qu’ils procurent, aux privilèges qui s’y rattachent, à savoir :

  1. La présidence de la République et les accessoires que ce régime présidentiel offre, car il est sans contrôle ; les postes de l’administration publique (le président de la République nomme et révoque du plus grand au plus petit fonctionnaire) ;
  2. Les marchés publics (le président de la République attribue, à sa guise, richesses et pauvreté à qui il veut, comme Dieu) ;
  3. Les services sociaux comme les évacuations sanitaires aux frais de l’État et les bourses d’études à l’étranger logées à la présidence de la République.

On peut donc dire que l’ethnicité au niveau des élites administratives, politiques et commerciales est une stratégie individuelle qui permet d’accéder aux ressources de l’État. C’est une stratégie identique qui a été utilisée par certains jeunes après le 5 septembre pour éliminer toute concurrence en obtenant du nouveau chef de l’État qu’il dise qu’il n’y a pas « une école d’expérience » et « pas de recyclage ». L’ethnie, la jeunesse, les femmes, les handicapés ne sont rien d’autres que des variables que certains activent pour éliminer la concurrence, en vendant une catégorie « naturelles » en lieu et place d’une compétence.

Cette stratégie peut devenir collective en raison du fait que celui qui contrôle le pouvoir suprême récompense les membres de son « groupe ethnique » pour service rendu, l’appui à accéder à la présidence.

Contrairement à une idée largement répandue, tous les partis politiques guinéens ne sont pas « ethniques », certains qui ont recours à l’ethnicité le font à leur corps défendant. Rares sont aussi les partis politiques qui ne jouent pas de la corde ethnique à un moment ou à un autre, en des circonstances particulières et en présence de certains enjeux.

Si les partis se servent du fait ethnique ou sont facilement identifiables à des groupes ethniques, c’est parce qu’en dépit de l’existence de la réalité ethnique, les règles juridiques de la Guinée soumettent les candidats à la présidence, surtout au second tour, à l’instrumentalisation de l’ethnie pour gagner l’élection.

Depuis notre indépendance, nous mimons d’autres pays comme si nous avions une même histoire, un même processus de construction étatique et les mêmes populations avec la même sociologie.Le fait de demander que la nouvelle constitution tienne compte de la dimension sociologique ne signifie pas que les Guinéens doivent avoir une « constitution ethnique » comme au Liban ou le Burundi avec un partage ethnique du pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les Guinéens sont des « ethnos », ni plus, ni moins que d’autres Africains dans la sous-région. Il s’agit simplement d’avoir une constitution qui renvoie l’ethnie dans la sphère privée et domestique. C’est ma proposition exposée ci-dessous.

QUELLE CONSTITUTION POUR LA GUINÉE

La configuration ethnique de la Guinée et le passé politique devraient amener le législateur « pouvoir constituant dérivé » à proposer une constitution qui brouille le repérage ethnique en choisissant un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un premier Ministre, comme dans le modèle des Etats-Unis ou du Nigéria.

Ce modèle est celui du Nigéria après la guerre de sécession, du Kenya après les violences ethniques post-électorales, de l’Afghanistan après la longue guerre civile, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire après les sanglantes guerres civiles dans ces deux pays.

Les critiques « juridiques » peuvent faire valoir que le vice-président dans le modèle américain est un président en réserve « un corps sans vie » jusqu’à l’empêchement de « l’autre », le président en exercice à la suite duquel il achève le mandat.

Dans la sociologie électorale de la Guinée, l’objectif n’est pas d’avoir un président « bis », mais plutôt d’avoir quelqu’un avec lequel on fait la campagne électorale pour éviter la « tribalisation » du débat électoral. Celui qui va aider son colistier à ne pas nommer seulement les membres de sa communauté, à ne pas tribaliser l’administration.

Dans une configuration institutionnelle pareille (président et vice-président), il serait suicidaire politiquement pour chaque candidat de choisir son colistier au sein de sa communauté. Quel que soit le nombre de candidats, on aura une configuration des tickets avec des combinaisons « mathématiques » de la Guinée dans sa diversité la plus large.

Dans ces conditions, il sera impossible de coller des étiquettes ethniques aux candidats en compétition. Et en même temps, on réduit la capacité des manipulateurs de la « chose ethnique », à trouver la faille à partir de laquelle ils pourraient l’instrumentaliser. En fait, ce type de régime aurait pour mérite de brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple.

Dans ce type de régime politique proposé et, pour permettre à l’équipe présidentielle d’avoir un bilan avant la fin de son mandat, il serait souhaitable d’avoir un mandat de 7 ans non renouvelable[6]. Un mandat de 7 ans devrait permettre à l’exécutif de faire un état des lieux des différents ministères, de monter des projets et des programmes, de mobiliser les ressources et de conduire les actions jusqu’au bout du mandat sans se soucier de l’élection à venir. Si la performance de ce mandat est probante, il serait possible que ce ticket dans sa combinaison actuelle ou dans une autre formule de se représenter après le mandat de ses successeurs afin de faire mieux lors du second mandat qui n’est possible que 7 ans après. Cette disposition a un double avantage à savoir :

  1. Ce mandat unique prédispose l’équipe présidentielle élue à se concentrer exclusivement sur son mandat et à la mise en œuvre de son programme (état des lieux, élaboration des projets, mobilisation des ressources et mise en œuvre, suivi et évaluation) et donner à voir les résultats avant de quitter le pouvoir ;
  2. Ce mandat unique empêche l’utilisation des ressources publiques par l’équipe sortante dans le cadre d’une nouvelle campagne électorale.

Si les Guinéens souhaitent deux mandats, il est préférable d’avoir deux mandats de 7 ans que deux mandats de 5 ans. Car dans un mandat de 5 ans, compte tenu du temps nécessaire pour des ministres de comprendre les rouages de l’administration publique, de faire un état des lieux objectif, de proposer une vision, de mobiliser des ressources[7], un gouvernement perd au minimum 18 mois avant de commencer de mettre en œuvre son programme. Dès la 4ème année, le président et son équipe retournent en campagne pour une année. S’il est reconduit, le processus recommence. De sorte que sur 10 ans, un président ne peut travailler réellement que 5 ans. Par contre, dans un mandat de 7 ans renouvelable, le président peut avoir 12 ans pour mettre en œuvre ses projets et programmes.

Une élection présidentielle et législative chaque 7 ans aurait l’avantage d’utiliser le budget national et l’appui budgétaire des partenaires techniques et financiers à autre chose qu’à financer des élections. Selon le rédacteur en chef[8] du Lynx, les élections législatives et présidentielles entre 2015 et 2020 ont « englouti pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens soit près de 139 millions d’Euros. Un budget qui vaut plus du tiers du montant pour la réalisation de la route Mamou-Dabola qui est en chantier. Car le coût de ce projet est de 357 millions 302 942 mille Euros pour 370 Km ».

Dans ce régime, il serait souhaitable de canaliser l’équipe présidentielle dans l’exercice de son mandat, car « tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Seul le pouvoir arrête le pouvoir », en indiquant dans la constitution le nombre maximum des membres du gouvernement, de conseillers à la présidence et en limitant les postes à nomination qui relèvent de l’autorité du président (les ministres, les ambassadeurs et les chefs militaires).

Les ministres et les ambassadeurs proposés par le Président de la République devraient se soumettre à l’obligation d’audition devant les députés pour décliner leur feuille de route et permettre aux députés de produire une fiche évaluative à l’attention du Président de la République sur leur capacité à présenter et à défendre leurs dossiers et leur vision du secteur avant la signature de leur décret. Le président n’est pas obligé de modifier sa décision de nomination, mais il a une évaluation objective sur le personnel le plus élevé de sa gouvernance.

Les ministres devraient bénéficier de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux y compris ceux du pool financier, des ressources humaines et de la passation des marchés[9]. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division.

Ce régime présidentiel doit l’être dans toute sa plénitude avec une séparation nette et étanche entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il faut trouver les mécanismes et des modalités visant à garantir l’indépendance et l’intégrité du judiciaire en réduisant de façon drastique l’instrumentalisation des cours et des tribunaux par l’exécutif.

Il existe aussi dans l’air du temps l’idée d’avoir deux chambres (Haute et Basse), personnellement, je suggère une véritable décentralisation comme le dit si bien Bérété[10] dans sa thèse de doctorat en proposant que « Ces réformes devraient consacrer la séparation réelle des pouvoirs et la clarification des compétences entre l’Etat et les structures administratives en milieu local. Elles devraient ensuite impliquer l’augmentation des échelons territoriaux, le transfert progressif des compétences et des ressources et la définition du rôle des nouveaux acteurs du développement à la base : les Organisations de la Société Civile »[11]. Il a été transféré à des collectivités de base, les communes, des compétences qu’il aurait fallu donner à la région et à la préfecture. Car elles sont mieux outillées pour assurer ce transfert de compétences que les communes en l’état actuel. Au niveau des partis politiques qui arrivent à avoir des députés à l’assemblée nationale, il serait souhaitable de prévoir une subvention de 5% pour les financer afin d’éviter le financement du président fondateur. Naturellement, ce financement devrait avoir comme conséquence le non-financement d’un parti par un leader et toute autre personne, entité et/ou société avec obligation d’assurer le contrôle des dépenses des partis politiques par la Cour des Comptes, comme n’importe quelle entité qui reçoit des finances publiques. Si les dons et legs sont acceptés, ceux-ci devraient passer par le bureau de l’assemblée nationale pour assurer leur traçabilité.

Dans ce cas de figure, on devrait prévoir et codifier une procédure démocratique interne à chaque parti politique. Un cadre organique devrait indiquer certaines modalités de gestion de chaque parti politique avec l’obligation d’avoir une carte du parti et de payer ses cotisations annuelles pour être électeur et éligible au sein du parti. Les élections internes devraient être régulières et précéder les consultations nationales. Ces élections devraient se faire par l’organisme national en charge des élections du pays qui doit être à l’image de celle du Ghana avec des commissaires techniques qui ont la sécurité de mandat : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». Dans ce système,aucun des élus ne devrait pouvoir changer d’étiquette politique en quittant son parti pour rejoindre un autre parti en cours de mandat ou créer un groupe politique.

En termes clairs, cette transition pour réussir doit rompre avec la trajectoire des précédentes pour que la démocratie ne soit ni communautaire, ni un moyen de créer et d’entretenir des dirigeants autoritaires, ni d’aider à avoir des politiciens de « chambre » d’accéder au pouvoir par le jeu de la transhumance et des allégeances de circonstances. De même, on ne devrait pas refaire les erreurs de 2010 en créant plusieurs organes[12] budgétivores pour caser le plus grand nombre de personnes.

On se doit de tirer les leçons des décisions sociologiquement erronées des deux premières transitions (1984 et 2009), pour éviter d’être schizophrénique, car “la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent” (Albert EINSTEIN).

CONCLUSION

Au terme de cet exposé, il me plait de dire en quelques mots les grandes lignes de ma réflexion sous la forme de propositions non noyées dans des considérations théoriques et académiques dans l’espoir que quelques-unes au moins trouveront une oreille attentive auprès des Guinéens.

  • Considérant que le régime politique guinéen a toujours été un régime marqué par une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République avec un pouvoir de nomination à tous les emplois militaires et civils, y compris ceux qui pourraient relever des ministres sectoriels ;
  • Constatant l’instrumentalisation ethnique et régionaliste lors du second tour des élections présidentielles ;
  • Soucieux de doter le pays d’un système politique qui corrige les erreurs du pays ;
  • Proposons un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un Premier Ministre, pour brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple ;
  • Suggérons que la durée du mandat présidentiel soit de 7 ans non renouvelable ;
  • Proposons qu’il soit prévu que le Vice-Président achève le mandat du Président en cas de vacance du pouvoir ;
  • Insistons pour que le nombre de ministres dans un gouvernement, de conseillers à la présidence et dans les cabinets ministériels soit déterminé dans une loi organique à adopter avant la constitution ;
  • Plaidons pour que les futurs ministres soient auditionnés par les députés, avant leur nomination, afin qu’il soit établi par les députés à l’attention du Président de la République une fiche d’avis technique ;
  • Demandons que le Président ne nome que les ministres, les conseillers à la présidence, les ambassadeurs et les chefs militaires ;
  • Suggérons que les ministres bénéficient de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux techniques et le pool financier, les ressources humaines et la passation des marchés. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division ;
  • Exigeons la possibilité de candidatures indépendantes à toutes les élections (présidentielle, législative et locales) ;
  • Demandons la refonte totale du code électoral pour l’adapter au mode électoral majoritaire et en supprimant en particulier plusieurs dispositions qui facilitent la fraude électorale du bureau de vote à l’organe de gestion des élections ;
  • Proposons un Organe de gestion des élections (OGE) technique avec des membres qui ont la sécurité de mandat comme au Ghana : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». On peut même y ajouter d’autres éléments de sécurité supplémentaire.

Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie) Enseignant-chercheur/Université de Sonfonia/Conakry/Guinée

NOTES

[1]En Guinée, on ne devient coupable que lorsqu’on a été ministre. Tous les autres, ceux au-bas de l’échelle administrative, ne sont coupables de rien.

[2]Le système électoral d’un État comprend l’ensemble des règles, normes et institutions régissant la préparation, l’organisation et la conduite des élections. Il peut difficilement être analysé en dehors du cadre institutionnel du régime politique en vigueur.

[3]Le Ghana a connu sa première alternance lors des élections présidentielles de 2000 qui vit la défaite de Jerry Rawlings en faveur de John Kufuor.

[4]Duverger, M (1976) ; « Les partis politiques » ; Armand Colin, Paris, France.

[5]Contrairement à ce que beaucoup « d’analphabètes » diplômés disent, une famille linguistique n’est pas une parenté ethnique ni une appartenance au même groupe ethnique.

[6]Dans tous les cas, on se souviendra que dans un mandat de 5 ans, la pré-campagne et de la post-campagne absorbent 2 ans et ont des effets réels sur la création et la gestion des ressources nationales.

[7]Si le financement vient des partenaires techniques et financiers et non d’un prêt que la FMI refuse au nom du principe du taux d’endettement admise pour ces gendarmes des pays pauvres, il faut compter 2 ans avant de voir la couleur de l’argent. Car avec ces partenaires, le processus est plus important que le résultat.

[8]Mamadou Siré Diallo.

[9]L’ancien président avait déjà acté la nomination du responsable de passation des marchés par chaque ministre de tutelle. Il faut aller plus loin en éliminant le fait que les ministres sectoriels (finances, budget et fonction publique) nomment du personnel au sein des autres ministères. Sur d’autres publications, je vais revenir plus en détail sur cette nécessité.

[10]Mohamed Bérété (2007) ; « La décentralisation et le problème de la monopolisation du pouvoir par l’appareil d’Etat en République de Guinée », Thèse de Doctorat, Université Robert Schuman, Strasbourg, France.

[11]Rares sont les cadres du ministère de l’administration du territoire qui ont lu ladite thèse et il aurait plus utile dans ce ministère qu’à la santé.

[12]11 ans plus tard, certains de ses organes (Haute Cour de la justice, Haut conseil des collectivités) n’ont pas vu le jour.





La CEDEAO sanctionne la junte en Guinée


Politique


La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tenu une Session extraordinaire à New York, aux Etats-Unis, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 22 septembre 2022, sous la présidence de S.E. Umaro Sissoco EMBALO, Président de la République de Guinée Bissau et Président de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO.

Le Sommet extraordinaire a été convoqué à l’effet d’examiner le rapport du Médiateur de la CEDEAO pour la Guinée et la situation des 46 soldats ivoiriens détenus au Mali.


Au titre de la Guinée

La Conférence a rappelé que lors du 61ème Sommet ordinaire tenu le 3 juillet 2022 à Accra, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont demandé au Médiateur de poursuivre les discussions avec les Autorités de transition en vue de l’établissement d’un chronogramme de transition acceptable au plus tard le 1er août 2022, à défaut de quoi les sanctions économiques et financières prévues seraient mises en application, outre des sanctions plus ciblées, conformément aux délibérations du Sommet extraordinaire tenu le 25 mars 2022 à Accra. La Conférence avait également décidé de maintenir la suspension de la Guinée de tous les organes décisionnels de la CEDEAO et de demeurer saisie de la situation dans cet Etat membre.

A l’issue des échanges qui ont suivi l’examen du rapport présenté par le Médiateur de la CEDEAO pour la Guinée sur la situation dans cet Etat membre, et notant que des progrès insuffisants ont été réalisés en ce qui concerne l’établissement d’un chronogramme de transition acceptable, la Conférence décide d’imposer à la Guinée des sanctions graduelles au niveau diplomatique, économique et financière comme suit :

a. Le rappel pour consultations par les Etats membres de la CEDEAO de leurs ambassadeurs accrédités auprès de la République de Guinée ;

b. La suspension de toute assistance et transaction financière en faveur de la Guinée par les institutions financières de la CEDEAO, notamment la BIDC.

c. Des sanctions ciblées à l’encontre des personnes et groupes de personnes citées sur la liste figurant dans la Décision MSC. A/DEC 4/09/2022, y compris les membres des autres institutions de la transition et toute autre personne cherchant à empêcher le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée dans un délai raisonnable. Ces sanctions comprennent :

i. Le gel des avoirs financiers ;

ii. L’interdiction de voyager.

Ces sanctions ont été prises dans le souci de faciliter le processus de retour rapide à l’ordre constitutionnel en Guinée, une condition préalable à la paix, à la stabilité et au développement.

La Conférence engage toutes les institutions de la Communauté à prendre des mesures assurant l’application immédiate de ces sanctions.

La Conférence appelle l’Union africaine, les Nations unies et les autres organisations partenaires à soutenir l’application de ces sanctions et à continuer d’apporter leur soutien à la Guinée en vue de la réussite de la transition politique.

La Conférence demande aux Autorités de la Guinée d’accepter dans un délai d’un mois, à compter du 22 septembre 2022, une durée de transition raisonnable et acceptable par la CEDEAO, sous peine de sanctions plus sévères.

La Conférence salue les efforts déployés par le Médiateur de la CEDEAO pour la Guinée et lui demande de poursuivre ses consultations avec les Autorités de la Transition et toutes les autres parties prenantes en vue de parvenir à un consensus sur la durée de la transition.


<object class="wp-block-file__embed" data="https://www.guineepolitique.com/media/2022/09/FR-Final-Communiqué-Extra-Summit-New-York.pdf" type="application/pdf" style="width:100%;height:600px" aria-label="Contenu embarqué <strong>Le communiqué finalLe communiqué finalTélécharger




Ouverture du procès du massacre de 2009: FIDH, OGDH et Avipa adressent une lettre ouverte au Président du CNRD


Droits de l’homme


La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’Organisation guinéenne des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) et l’Association de victimes parents et ami.es des événements du 28 septembre 2009 (Avipa) adressent une lettre ouverte au Président du Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD) et Chef de l’État guinéen, au sujet de la décision d’ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009. Lire la lettre ouverte ci-après (en français uniquement).


Conakry, Paris, le 22 septembre 2022.

Monsieur le Président du Comité national pour le Rassemblement et le Développement (CNRD), Chef de l’État,

Au nom des organisations de la société civile signataires de la présente lettre ouverte, nous accueillons positivement la décision d’ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009 prévue pour le 28 septembre 2022, soit 13 années jour pour jour, après le déroulement de ces tragiques et douloureux événements.

Après toutes ces années d’attente, les victimes de ces massacres et leurs ayants droit pourraient finalement obtenir justice.

En notre qualité de parties civiles dans cette procédure judiciaire, nous avons accueilli avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoir l’engagement des autorités de la transition afin de tout mettre en œuvre pour ouvrir ce procès. Nous tenons à vous exprimer tout notre soutien pour son bon déroulement pour lequel nos organisations ont mené un plaidoyer de longue date.

Nous espérons fortement que ce procès qui devrait se tenir dans le respect des règles et des standards internationaux permettra aux victimes que nous représentons d’obtenir, après 13 années d’attente, justice, vérité, reconnaissance de leur statut et réparation.

Afin que ce procès se déroule de manière équitable, transparente, impartiale et respectueuse des droits de toutes parties, nos organisations souhaitent vous faire part de leurs recommandations.

Monsieur le Chef de l’État,

Nos organisations, bien que constituées parties civiles pour plus de 600 victimes, restent attachées au respect des droits de toutes les parties. Ainsi nous sollicitons la présence effective de l’ensemble des personnes renvoyées en jugement, le respect de tous leurs droits et la prise en compte de leur sécurité tout au long du processus judiciaire, afin que le principe du contradictoire soit pleinement respecté.

Le réaménagement observé le lundi 19 septembre 2022 au sein des juridictions nationales relève très certainement de votre volonté de faire mener ce procès par des magistrat·es compétent.e.s et acteur.ice.s d’une justice impartiale. Nos organisations en appellent à votre implication personnelle, afin de permettre aux magistrat·es et autres acteur·ices de la chaîne judiciaire commis à la conduite de ce procès de jouir de toutes les conditions idoines pour l’exécution de leurs tâches respectives.

En raison de l’état de vulnérabilité dans lequel se trouve la majorité des victimes parties civiles, nous sollicitons que des dispositions particulières soient prises, en concertation avec nos organisations et la société civile et leurs avocat·es. Elles doivent garantir leur participation effective et en toute sécurité tout au long du procès.

Par ailleurs, nous saluons l’initiative de mise en place d’un fonds d’indemnisation qui sera un instrument indispensable dans la mise en œuvre des réparations au profit des victimes. Cependant afin de pouvoir contribuer au mieux à sa mise en œuvre, nos organisations souhaitent être informées au plus tôt de ses sources de financement, de son fonctionnement, de ses critères et du processus d’indemnisation.

En espérant que nos préoccupations et sollicitations seront prises en compte, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président du CNRD, Chef de l’État, l’expression de nos salutations distinguées.

Co-signataires

Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
Organisation guinéenne des droits de l’homme et du citoyen (OGDH)
Association de victimes parents et ami.es des événements du 28 septembre 2009 (Avipa)





Le cahier de la transition: les 41 dates à retenir


Politique


Par Sékou Chérif Diallo


C’était il y a un an, jour pour jour. Le 5 septembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya, à la tête du Groupement des Forces spéciales, prenait le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat militaire. La page d’Alpha Condé, président de la Guinée, venait d’être tournée. Quel est alors le bilan de la première année du CNRD ? Nous avons pensé qu’il est important de rappeler les faits de façon chronologique avant de dresser un bilan. C’est l’objectif de cet article. Pour ce faire, nous avons consulté des archives de la presse nationale et internationale. Il faut toutefois, souligner que cette revue de presse est loin d’être exhaustive.

Les 41 dates à retenir

5 septembre 2021

Au pouvoir depuis onze ans, le président Alpha Condé a été arrêté lors d’un coup d’État militaire. Très critiqué depuis sa réélection contestée à un troisième mandat, Alpha Condé a été arrêté par l’armée, qui a annoncé la dissolution des institutions, la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu. Le Groupement des Forces spéciales, dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya, est à l’origine du coup d’État.

6 septembre 2021

Dans son discours, le Colonel Mamadi Doumbouya assure « les partenaires économiques et financiers de la poursuite normale des activités dans le pays ». Il souligne que la junte « respectera toutes ses obligations », et demande aux compagnies minières de poursuivre leurs activités.

7 septembre 2021

Deux jours après le coup d’Etat, un premier groupe de plusieurs dizaines d’opposants au régime déchu, détenus à la prison civile de Conakry, sont libérés. Parmi lesquels les opposants Abdoulaye Bah et Etienne Soropogui,arrêtés en 2020 lors de la contestation de la réélection d’Alpha Condé, ou encore Ismaël Condé, vice-maire de Matam.

Ces premières libérations interviennent à la veille d’un sommet extraordinaire sur la Guinée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a condamné la prise de pouvoir éclair et l’arrestation d’Alpha Condé.

8 septembre 2021

Les dirigeants des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) décident de suspendre la Guinée des organes de décision de l’organisation. Le ministre des affaires étrangères burkinabé, Alpha Barry déclare que la Cédéao « a décidé de suspendre la Guinée de toutes ses instances de décisions, et demande que ces décisions soient endossées par l’Union africaine et les Nations unies ». Les dirigeants de la Cédéao « ont exigé le respect de l’intégrité physique du président Alpha Condé », et demandent sa « libération immédiate » ainsi que celle de toutes les personnes interpellées. Ils réclament aussi que les militaires « mettent en place un processus qui permette d’arriver très rapidement à un retour à l’ordre constitutionnel normal ».

10 septembre 2021

L’Union africaine (UA) annonce la suspension de la Guinée de toutes ses «activités et organes de décision». Et une mission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) arrive à Conakry.

– Une délégation des ministres des affaires étrangères de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) composée de la ministre des affaires étrangères ghanéenne, Shirley Ayorkor Botchwey, de ses homologues nigérian, Geoffrey Onyeama, burkinabé, Alpha Barry, togolais, Robert Dussey et du président de la commission de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, rencontre Alpha Condé, pour s’assurer de sa bonne santé. « Il est logé avec son cuisinier et son médecin. Les militaires disent : “c’est notre papa, on ne peut pas lui faire du mal” », rapporte l’un de ses visiteurs. Le ministre burkinabé des affaires étrangères, Alpha Barry déclare à la presse « Nous avons vu le président, il va bien».

16 septembre 2021

Réunis à Accra dans la capitale ghanéenne, les quinze chefs des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), décident de mettre la pression sur les auteurs du coup d’Etat en Guinée, en annonçant des sanctions ciblées et en réclamant une transition militaire « très courte ». Dans une déclaration à la presse, le président de la commission de la Cédéao, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou soutient que « La transition ne devrait pas durer plus d’un semestre. Dans six mois, il faudrait organiser des élections ».

La Cédéao décide aussi de geler les avoirs financiers des nouveaux dirigeants du pays et des membres de leurs familles respectives, et de leur imposer des interdictions de voyager.

17 septembre 2021

Dans un communiqué, la junte affirme qu’Alpha Condé « est et demeurera en Guinée ». Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) « continuera à assurer à l’ancien chef de l’Etat un traitement digne de son rang, et ceci sans aucune pression nationale et internationale », souligne le communiqué.

27 septembre 2021

La junte dévoile les organes de la transition, sans fixer la durée de cette transition. La « charte de la transition », sorte d’acte fondamental, assigne aux autorités de transition une série de missions, dont l’élaboration d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections « libres, démocratiques et transparentes ».

Selon la Charte, la transition sera conduite par quatre organes : le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), instauré par les militaires après le putsch du 5 septembre et dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya ; le président de la transition, chef du CNRD, chef de l’Etat et des forces armées ; un gouvernement dirigé par un premier ministre civil ; et un organe législatif, le Conseil national de la transition (CNT). Aucun membre de ces organes ne pourra se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ».

La durée de cette transition « sera fixée de commun accord entre les forces vives de la nation » et le CNRD, dit la charte, alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réclame la tenue d’élections dans six mois.

Le CNT, composé de 81 membres proposés par différentes composantes de la population, dont les partis politiques, la société civile, les syndicats, le patronat et les forces de sécurité, aura pour tâche d’élaborer le projet de Constitution. Les membres du gouvernement du président déchu Alpha Condé et des institutions de son régime ne pourront pas être désignés au CNT, selon la charte.

1er octobre 2021

Au palais Mohamed V, le colonel Mamady Doumbouya, chef de la junte qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, prête serment comme président pour une période de transition à la durée encore indéterminée. Il jure devant la Cour suprême de « préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ».

Le président de la Cour suprême, Mamadou Sylla, avant de lui faire prêter serment, a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ». Il l’a aussi appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ».

6 octobre 2021

Un mois après être arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch, le président de transition, le colonel Mamadi Doumbouya, nomme, Mohamed Béavogui, un vétéran du développement sans expérience gouvernementale, au poste de premier ministre.

2 décembre 2021

Une Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) est créée, ayant, comme objectif, celui de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics.

13 décembre 2021

Réunis dimanche au Nigeria, les dirigeants des Etats membres de la Cédéao se disent « très préoccupés par le fait que plus de trois mois après le coup d’Etat, un chronogramme pour le retour à l’ordre constitutionnel n’a toujours pas été publié ».

Ils insistent « sur la nécessité de respecter le délai de six mois précédemment décidés [par la Cédéao] pour la tenue des élections » et « pressent » les autorités de soumettre rapidement un calendrier en ce sens.

– Pour justifier du retard dans la mise en place des organes de la transition, dans un communiqué publié par le CNRD, les autorités de transition disent avoir constaté des difficultés liées à une pléthore de candidatures, envoyées notamment par les partis politiques, les organisations de la société civile, les chefs religieux, les associations de jeunes, pour siéger au CNT. Le communiqué souligne que « pour 81 » membres devant former cet organe, « le ministère de l’administration et de la décentralisation a enregistré 706 candidatures ».

25 décembre 2021

Le premier ministre de transition, Mohamed Béavogui, présente au colonel Doumbouya la feuille de route du gouvernement, sans préciser le chronogramme.

29 décembre 2021

L’Alliance citoyenne pour la transition (ACT), une coalition d’organisations de la société civile et d’associations, qui regroupe plusieurs organisations, dont l’Association des blogueurs de Guinée (Ablogui), Action Mines, Mouvement G+, Wanep-Guinée ou encore Publiez ce que vous payez, propose dans un communiqué, une durée de vingt-quatre mois pour une transition réussie.

31 décembre 2021

Dans un communiqué lu à la télévision nationale, la junte autorise à Alpha Condé, à quitter le pays pour des examens médicaux. Le communiqué souligne : « En concertation avec la Cédéao, l’ancien président Alpha Condé est autorisé à aller se faire consulter à l’extérieur pour une période d’un mois ».

– La ministre de la Justice et des Droits de l’homme Fatoumata Yarie Soumah est limogée et remplacée par le secrétaire général de son ministère Moriba Alain Koné.

10 janvier 2022

Au lendemain des sanctions annoncées par la Cédéao contre le Mali, le colonel Mamadi Doumbouya, le président de la transition exprime sa solidarité avec son homologue malien, le colonel Assimi Goïta. Dans un communiqué, les autorités de Conakry décident que les frontières aériennes et terrestres resteront ouvertes avec le Mali. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) assure que sa décision est en « conformité avec sa vision panafricaniste ».

17 janvier 2022

Alpha Condé, s’envole à destination d’Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, pour y subir des examens médicaux.

22 janvier 2022

Le président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya nomme les 81 membres du Conseil national de la transition, l’organe législatif de transition. Pour présider cette institution, le colonel Doumbouya choisi un de ses proches, Dansa Kourouma jusque-là président du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne.

3 février 2022

Les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se réunissent à Accra, autour de la situation au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Concernant la Guinée, la CEDEAO « prend note de la création récente du Conseil National de Transition (CNT), en tant qu’organe législatif ». Toutefois, la Conférence des chefs d’Etat « constate avec préoccupation que, cinq mois après le coup d’Etat, un calendrier de transition n’a toujours pas été mis en place ». Elle décide alors de maintenir toutes les sanctions imposées à la Guinée et demande aux autorités de la transition de « mettre en place un calendrier devant conduire au rétablissement de l’ordre constitutionnel ».

25 mars 2022

Réunie à Accra au Ghana, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) décide de sanctionner les membres du gouvernement et du Conseil national de la transition (CNT) si un « calendrier acceptable pour la transition » n’était pas présenté avant le 25 avril. La Cedeao fait part de ses « graves inquiétudes » au sujet de la durée de la transition, notant que « le calendrier de six mois pour la tenue d’élections n’a pas été respecté ».

8 avril 2022

Lors d’une rencontre avec les représentants des compagnies minières étrangères, le président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya, met en demeure les compagnies minières étrangères de construire sur place des usines de transformation de la bauxite pour un partage équitable des revenus. Il donne aux entreprises jusqu’à fin mai pour soumettre des propositions et un calendrier pour la construction de raffineries de bauxite. Le colonel présente le constat suivant : « En dépit du boom minier du secteur bauxitique, force est de constater que les revenus escomptés sont en deçà des attentes, vous et nous ne pouvons plus continuer à ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans nos relations ».

22 avril 2022

Dans un communiqué lu à la télévision, le colonel Mamadi Doumbouya, « informe l’opinion nationale et internationale que l’ancien président de la République est enfin libre ». Le communiqué précise que « Tout en continuant de bénéficier d’une protection adéquate, il pourra recevoir à sa demande les membres de sa famille biologique, politique, des amis ou proches ».

27 avril 2022

La CEDEAO annonce que le Burkina Faso et la Guinée, ont demandé un délai supplémentaire afin de présenter un calendrier pour la transition après l’expiration de l’ultimatum. Selon la CEDEAO « la Guinée a présenté les évolutions récentes concernant le processus de transition et souhaité également avoir davantage de temps par rapport à l’échéance du 25 avril », afin de « permettre la poursuite des consultations ».

30 avril 2022

Le président de la transition annonce avoir opté pour une durée de transition « de 39 mois » avant d’organiser des élections pour rendre le pouvoir aux civils. Dans une adresse à la nation, le colonel Mamadi Doumbouya déclare : « De toutes les consultations engagées à tous les niveaux (…), il ressort une proposition médiane d’une durée consensuelle de la transition de 39 mois ». Il poursuit « Le CNRD et le gouvernement à leur tour soumettront au CNT, qui tient lieu de Parlement, cette proposition qui est consécutive à de larges et patientes consultations ».

4 mai 2022

Le procureur général de Conakry, Alphonse Charles Wright, nommé par la junte, annonce, des poursuites contre l’ancien président Alpha Condé pour « assassinats », « actes de torture » et « enlèvements » notamment. Vingt-six autres personnalités et hauts responsables sous sa présidence sont également visés. Parmi ces derniers, se trouvent un ancien président de la Cour constitutionnelle, d’anciens présidents de l’Assemblée, un ancien premier ministre et une foule d’anciens ministres, députés et responsables des services de sécurité.

11 mai 2022

Le Conseil national de la transition (CNT), l’organe législatif mis en place par la junte, fixe à trois ans la durée de la transition. Ce délai de 36 mois, adopté en séance plénière par le Conseil national de transition (CNT), est revu très légèrement à la baisse par rapport à l’annonce faite le 30 avril par le président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya, qui avait opté pour une transition de 39 mois.

Sur 81 membres du Conseil national de la transition, 73 ont voté le texte, un membre du CNT était absent, trois se sont abstenus et quatre ont quitté la salle en signe de protestation.

13 mai 2022

Dans un communiqué, le CNRD, la junte au pouvoir annonce l’interdiction des manifestations politiques. « Toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme (de transition) sont interdites pour l’instant jusqu’aux périodes de campagne électorale ». Une décision dénoncée par Amnesty International, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme qui ont exhorté la junte à rétablir le droit de manifester. Au niveau national, le FNDC, l’ANAD et le G58, un regroupement d’une soixantaine de partis politiques favorables au dialogue dénoncent cette interdiction qu’ils qualifient d’illégale et illégitime.

5 juillet 2022

Des responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) sont violemment interpellés par la police à Conakry. Le FNDC avait appelé à manifester le 23 juin, bravant l’interdiction édictée par la junte. Il avait suspendu son appel la veille de la manifestation, pour « donner une chance » au dialogue proposé par le gouvernement de transition. Le coordonnateur national du FNDC, Oumar Sylla dit Foniké Mengué, Mamadou Billo Bah et le rappeur Djanii Alfa ont été violemment arrêtés par la police au siège du FNDC, où ils tenaient une conférence de presse. Les deux premiers ont été battus et leurs vêtements déchirés par des policiers. Le procureur de la cour d’appel de Conakry, Alphonse Charles Wright, sur la radio privée Fim FM, a tenté de justifier cette action en soulignant que les responsables du FNDC arrêtés sont poursuivis pour avoir « produit et diffusé par le biais d’un système informatique des propos injurieux contre le Conseil national de transition (CNT)».

– Dès le soir de ce mardi 5 juillet, des manifestations éclatent à Conakry. Les manifestants protestent contre l’arrestation de trois membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).

7 juillet 2022

Les trois leaders du FNDC violemment arrêtés le 5 juillet, ont été inculpés et écroués pour « outrage à magistrat », avant un procès prévu vendredi 8 juillet à Conakry.

16 juillet 2022

Le président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya nomme Bernard Goumou, jusque-là ministre du commerce, de l’Industrie et des PME au poste de Premier ministre par intérim durant la période d’absence du premier ministre Mohamed Beavogui, qui serait en déplacement privé à Rome, en Italie, pour des raisons de santé.

19 juillet 2022

Arrivée à Conakry du médiateur de la Cédéao pour la Guinée, l’ex-président béninois Thomas Boni Yayi.

20 juillet 2022

Arrivée du président en exercice de la Cédéao, Umaro Sissoco Embalo et le nouveau président de la Commission de la Cédéao, Omar Aliou Touray. Cette mission de médiation a rencontré les autorités de la transition en Guinée, pour notamment obtenir un « calendrier acceptable » de la durée de la transition.

21 juillet 2022

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) annonce dans un communiqué, l’organisation d’une « série de manifestations citoyennes et pacifiques dans le grand Conakry, le jeudi 28 juillet 2022, et sur toute l’étendue du territoire national, le jeudi 4 août 2022 ».

Cette coalition de la société civile et d’une partie de la classe politique entend ainsi dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte, son « mépris et son arrogance », ainsi que son « refus systématique d’ouvrir un cadre de dialogue crédible » pour définir les termes de la transition.

28 juillet 2022

Des manifestations contre la junte au pouvoir éclatent à Conakry, paralysant la capitale, malgré l’interdiction des autorités et un dispositif policier important. Dans plusieurs quartiers, des heurts éclatent entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre.

Une personne a été tuée, ont affirmé les organisateurs. Une manifestation, à l’initiative du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), vise notamment à dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte ainsi que son « refus systématique d’ouvrir un cadre de dialogue crédible » pour définir les termes de la transition.

– Le président en exercice de la CEDEAO, Umaro Sissoco Embalo, affirme, au cours d’une conférence de presse avec le président français Emmanuel Macron, à Bissau, avoir convaincu la junte guinéenne de réduire la transition de trois à deux ans. Une information qui n’a pas été confirmée par Conakry. Ousmane Gaoual Diallo, ministre et porte-parole du gouvernement de transition, a fait savoir que « ni le gouvernement ni la présidence ne confirment cette information sur la durée de la transition en Guinée ».

29 juillet 2022

Le parquet de Conakry annonce, l’interpellation de plusieurs personnes en lien avec les manifestations de jeudi 28 et vendredi 29 juillet, sans préciser leur nombre. Les manifestations de jeudi ont fait un mort à Conakry. Celles de vendredi ont fait un mort selon le parquet, quatre selon le FNDC.

30 juillet 2022

Oumar SYLLA alias Foniké Menguè, coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et Ibrahima DIALLO, coordinateur de TLP-Guinée et responsable des opérations du FNDC, ont été arrêtés par la junte militaire au pouvoir. Oumar SYLLA, a été arrêté à son domicile vers 1h40 du matin. Ibrahima DIALLO, a été également arrêté aux environs de 18h à son domicile. Les deux militants ont été arrêtés séparément de façon violente par des militaires et gendarmes encagoulés et lourdement armés puis emmenés vers une destination inconnue.

– Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), annonce la suspension des protestations pour une semaine à la suite d’une médiation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Le FNDC affirme avoir eu vendredi 29 juillet, « un entretien avec le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao], le chef d’Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo », sur la situation en Guinée. Dans son communiqué, le FNDC souligne avoir « accédé à la demande expresse [de M. Embalo] de suspendre, pour une durée d’une semaine, les manifestations. Cette trêve a pour unique objectif de donner une chance à la médiation de la Cédéao pour trouver une issue favorable à la crise en Guinée ».

– Le ministère de l’administration territoriale annonce, la décision de « faire réquisition aux forces de sécurité et de défense pour le maintien de l’ordre », après l’annonce de la suspension des manifestations.

31 juillet 2022

Des organisations de la société civile, partis politiques et des diplomates dénoncent le recours à la force et appellent d’urgence à un dialogue national après des manifestations interdites qui ont fait plusieurs morts. Le FNDC exige « l’ouverture immédiate d’un cadre de dialogue inclusif » et menace de nouvelles manifestations à partir du 15 août partout dans le pays. Il dénonce notamment « les actes de répression», « les pertes en vie humaine et toutes les formes de violences enregistrées au cours des dernières manifestations », « l’interdiction des manifestations », ainsi que « l’instrumentalisation de la justice et les arrestations extrajudiciaires ».

– Dans un communiqué, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH), exige « une enquête indépendante pour déterminer les circonstances qui ont entraîné les différents décès » et « la libération immédiate et sans condition de tous les détenus d’opinion ». Jeudi 28 et vendredi 29 juillet, de violentes manifestations à Conakry ont fait au moins cinq morts selon les organisateurs, un seul selon les autorités, trois selon l’OGDH.

– Dans un communiqué, le G5 Guinée, un groupe de diplomates qui regroupe les Nations unies, la Cedeao, l’Union européenne, les Etats-Unis et la France, dit avoir suivi « avec une vive préoccupation les événements de ces derniers jours, dont la tournure violente a causé la perte de vies humaines, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels ». Il « déplore le recours excessif à la force et l’utilisation alléguée d’armes létales pour le maintien de l’ordre ».

8 août 2022

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) appelle à une nouvelle manifestation contre la junte au pouvoir le 17 août, mettant fin à une trêve, faute de réponses à ses demandes de « dialogue crédible » sur la transition vers un pouvoir civil. Outre l’ouverture d’un dialogue avec les acteurs politiques et la société civile sur la fixation d’un délai raisonnable et consensuel de la durée de la transition, le FNDC exige de la junte la libération sans condition de tous ses militants arrêtés lors des dernières manifestations. Deux leaders du collectif, Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, et Ibrahima Diallo, ainsi que Saïkou Yaya Barry, secrétaire exécutif de l’Union des forces républicaines (UFR), sont toujours écroués à la prison civile de Conakry après avoir été inculpés de « participation à un attroupement interdit, de pillages, de destruction de biens publics et privés, de coups et blessures volontaires ».

– Par un arrêté du gouvernement signé par Mory Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, le gouvernement de transition annonce la dissolution du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).

L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) se dit “très préoccupée” par “la tournure des événements”. « Pour nous, s’inscrire dans une logique de la confiscation des libertés des citoyens ou faire taire toutes les voix dissonantes ne fera que compliquer davantage la situation”, réagi l’organisation. Human Rights Watch souligne que « la décision du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a sérieusement remis en cause le retour du pays à un véritable processus démocratique ».

17 août 2022

Des manifestations dans la banlieue de Conakry, partiellement paralysée à la suite d’un appel à manifester du FNDC. Le FNDC réclame le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires. Les autorités ont déployé gendarmes et policiers en nombre. Différents quartiers de la banlieue donnaient l’apparence d’une ville morte dans la matinée. De nombreux commerces et les grands marchés sont restés fermés dans la crainte de violences.

20 août 2022

Le chef de la junte, président de la transition, le colonel Mamady Doumbouya confirme Bernard Goumou, qui assurait jusque-là l’intérim, au poste de Premier ministre en remplacement de Mohamed Béavogui. Celui-ci est à l’étranger depuis plusieurs semaines, officiellement pour des raisons de santé.

24 août 2022

Les membres du comité national des assises remettent leur rapport final au président de la transition. Ces assises nationales se sont déroulées du 22 mars au 29 avril 2022 sur le territoire national et dans les représentations diplomatiques. Le comité a produit un rapport comportant 45 recommandations. Le rapport suggère entre autres, que des démarches soient menées en Guinée et à l’étranger pour l’obtention de la déclassification des archives portant sur le pays, afin d’entamer un travail mémorial qui sera piloté par un comité scientifique qui aura pour mission d’écrire l’histoire générale de la Guinée.


Pour la réalisation de la présente revue de presse, nous avons consulté les sites Internet des médias et organisations suivants :

Les archives de guineepolitique.com

Guineenews.org

lemonde.fr

information.tv5monde.com

africaguinee.com

rfi.fr

mosaiqueguinee.com

ledjely.com

hrw.org

dw.com

amnesty.org


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur guineepolitique.com




Violations des droits de l’homme: la lettre de Michelle Bachelet au chef de la junte en Guinée


Droits de l’homme


Arrestations d’opposants et d’acteurs de la société civiles, cas de morts et blessés lors des manifestations des 28 et 29 juillet 2022, dissolution du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, écrit au Colonel Mamadi Doumbouya, président de la junte guinéenne pour exprimer ses « profondes préoccupations face à l’évolution récente de la situation des droits de l’homme en République de Guinée ».

Selon les informations que j’ai reçues, le recours à la force par les forces de sécurité lors des manifestations des 28 et 29 juillet 2022 a entrainé un certain nombre de morts et de blessés. De telles actions pourraient constituer des violations des droits de l’homme, y compris des droits à la vie et à l’intégrité physique.

Je suis également préoccupée par les informations faisant état d’un grand nombre d’arrestations de manifestants, y compris des membres de l’opposition politique et de la société civile. De telles actions pourraient constituer des violations des droits à la liberté d’association et de réunion pacifique.

Je été informée de la décision prise par votre gouvernement le 9 août courant de dissoudre le Front National pour la Défense de la Constitution, un collectif de partis politiques d’opposition, syndicats et organisations de la société civile, qui a été à l’initiative des manifestations des 28 et 29 juillet dernier. Une telle mesure constitue une atteinte grave au droit à la liberté d’association et de réunion pacifique. J’en appelle à votre gouvernement à revenir sur cette décision et à garantir à tous les Guinéens les libertés fondamentales contenues dans la Constitution guinéenne et conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles la République de Guinée est partie.





CPI : signalement de «faits d’une extrême gravité» par les avocats conseils du FNDC


Politique


Dans un courrier adressé au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), les avocats conseils du FNDC informent « de la survenance le 17 août 2022, de faits d’une extrême gravité, constituant de nouveaux indices d’un recours volontaire et planifié à une force publique parfaitement disproportionnée ».

Il faut rappeler que deux personnes sont mortes et d’autres ont été blessées à Conakry, mercredi 17 août, lors d’une journée de manifestation à l’appel du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), collectif politico-social créé en 2019 pour lutter contre le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé. Le FNDC, dissous par les autorités, avait demandé aux Guinéens de manifester dans tout le pays pour dénoncer les dérives de la junte et exiger une gestion plus transparente de la transition.





Des morts après un appel à manifester contre la junte guinéenne


Politique


Des affrontements ont mis aux prises des dizaines de jeunes Guinéens et les forces de sécurité mercredi 17 août dans la banlieue de Conakry, partiellement paralysée à la suite d’un appel à manifester contre la junte au pouvoir depuis un an.

Deux personnes sont mortes et d’autres ont été blessées à Conakry, mercredi 17 août, lors d’une journée de manifestation à l’appel du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), collectif politico-social créé en 2019 pour lutter contre le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé. Le FNDC, dissous par les autorités, avait demandé aux Guinéens de manifester dans tout le pays pour dénoncer les dérives de la junte et exiger une gestion plus transparente de la transition.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, avait appelé à se mobiliser pacifiquement malgré l’interdiction de toute manifestation édictée le 13 mai par la junte et la décision de cette dernière de dissoudre le collectif la semaine passée.

Le FNDC a orchestré de 2019 à 2021 des mois de la mobilisation contre un troisième mandat présidentiel d’Alpha Condé (2010-2020), finalement renversé le 5 septembre 2021 par le colonel Mamady Doumbouya. Le FNDC porte à présent la voix de la protestation contre la junte, l’opposition étant considérablement affaiblie.

Selon le correspondant de RFI à Conakry, Mouctar Bah, il était environ 14h40, ce mercredi 17 août, quand Ibrahima Baldé, 17 ans, chauffeur, a été touché par une balle à Wanindara, un quartier chaud de la capitale Conakry. Évacué d’urgence dans une clinique de son quartier, il est décédé quelques instants après. Alpha Oumar Barry, 16 ans, néo-lycéen à Bambéto, a également perdu la vie lors de cette journée de manifestation à l’appel du FNDC.

Pour éclaircir les circonstances de leurs décès, leurs parents inconsolables espèrent qu’une commission d’enquête sera mise en place par la justice, qui pour l’instant n’a pas réagi. Les forces de l’ordre ont quadrillé plusieurs quartiers de la capitale et ont affronté jusqu’à la tombée de la nuit des manifestants très mobiles en divers endroits.

Des dizaines d’interpellations et autant de blessés ont été enregistrés, notamment dans la haute banlieue de Conakry, ainsi que dans les villes de Labé, au nord, et de Dalaba, au centre, où des manifestants ont fait fuir les agents de la gendarmerie.

Avec ces deux drames, le nouveau nombre des victimes dans les manifestations depuis l’arrivée du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au pouvoir en septembre 2021 monte à huit, selon les décomptes de la presse et des défenseurs des droits humains.

Sur la réussite ou non de la manifestation, qui ressemblait dans certaines communes et villes de l’intérieur à une journée « ville morte », des observateurs remarquent que le déploiement massif et impressionnant des forces de l’ordre dans les rues de Conakry a contribué à dissuader la population. Mais les organisateurs, qui appellent à la mise en place d’un véritable cadre de dialogue entre la junte, les acteurs politiques et la société civile, se sont félicités de la mobilisation. Ils ont estimé que le peuple les avait écoutés.

Dans une déclaration à RFI, un des porte-paroles du mouvement s’est dit « content d’avoir donné du travail aux forces de l’ordre qui n’ont pas chômé tout le long de cette journée pluvieuse », ajoutant que « malgré le déploiement dissuasif de l’armée et de la police, nous avons été écoutés par la population de Conakry et de quelques villes de l’intérieur du pays ».

Confiscation du pouvoir par les militaires

Le FNDC réclame le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires. Le Front avait été à l’initiative de deux jours de manifestations les 28 et 29 juillet, interdites par les autorités et dans lesquelles cinq personnes avaient été tuées.

Les autorités ont déployé gendarmes et policiers en nombre. Différents quartiers de la banlieue donnaient l’apparence d’une ville morte dans la matinée. De nombreux commerces et les grands marchés sont restés fermés dans la crainte de violences.

Les policiers ont dispersé une tentative de rassemblement de jeunes arborant le logo et les couleurs du FNDC à Dixinn, dans la proche banlieue, a constaté le correspondant de l’AFP. Deux des leaders du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Mangué et Ibrahima Diallo, sont détenus depuis les manifestations de fin juillet.

Ces nouvelles crispations surviennent alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a annoncé la visite dimanche à Conakry de son médiateur dans la crise guinéenne, l’ancien président béninois Thomas Boni Yayi.

Le colonel Mamady Doumbouya, désormais intronisé président, s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans. Mais l’opposition et la Cedeao veulent une transition plus courte. Les partis politiques et la société civile font de plus en plus entendre leur voix contre la répression des libertés et l’instrumentalisation de la justice par les autorités.

Avec RFI et Le Monde





Scandales de détournement de deniers publics: quelles responsabilités pour les établissements bancaires et les organismes de contrôle – BCRG, CENTIF


Gouvernance


Par Alpha Boubacar BALDE

Le 5 septembre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya président du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), lors de sa toute première prise de parole, a justifié la prise de pouvoir par la volonté de mettre un terme à la corruption, la gabegie financière, les détournements de deniers publics et biens d’autres fléaux qui gangrenaient l’administration CONDÉ.

Dans l’optique de la lutte contre les détournements et la moralisation de la gestion de la chose publique, la nouvelle administration du CNRD créait en décembre 2021, la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF)[1]. Cette juridiction spéciale fut créée pour examiner les infractions économiques et financières d’au moins un milliard de francs Guinéens (GNF). Depuis son installation le 21 janvier 2022, plusieurs dossiers de détournements de deniers publics lui ont été transmis d’après les communications du procureur spécial auprès de la CRIEF. Certains de ces dossiers ont été aussitôt transmis à la chambre d’instruction de cette cour.

Parmi les dossiers en cours d’instruction, nous pouvons citer entre-autres :

  • Le dossier dénommé NABAYA GATE pour un détournement supposé de près de 200 milliards de GNF soit l’équivalent de 20 millions d’euros impliquant d’anciens ministres (Mme Zenab DRAME, M. Ismaël DIOUBATE, M. Tibou CAMARA)
  • L’affaire de cession d’AIR Guinée pour 5 millions USD pour laquelle l’homme d’affaire et ancien député M. Mamadou SYLLA a été auditionné et l’ancien ministre des Transports au moment des faits et actuel Président de l’UFDG Cellou Dalein DIALLO est convoqué.
  • L’affaire MAMRI / ANIES (Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Intérieures / Agence Nationale d’Inclusion Économique et Sociale) impliquant M. Kassory FOFANA pour 46 millions USD ainsi que la gestion de la primature où des décaissements non justifiés lui sont opposés à hauteur de 81 milliards de GNF soit l’équivalent de 8,1 Millions EUR.
  • L’affaire des anciens députés M. Amadou Damaro CAMARA, M. Louncény NABÉ, M. Michel KAMANO, Mme Zenab CAMARA… pour une affaire de 15 milliards de GNF soit 1,5 million EUR en lien avec la construction du futur siège de l’Assemblée nationale.
  • L’affaire de détournements supposés impliquant M. Mohamed DIANE sur la gestion du budget du ministère de la défense, la gestion des commandes de matériels d’opération, la gestion de la direction du service agricole de l’armée, le projet de construction de l’hôpital militaire de Dubréka…
  • L’affaire de l’Office National du Tourisme (ONT) impliquant M. Laye Junior CONDÉ pour un détournement supposé de 14 milliards GNF soit environ 1,4 million EUR.

Toutes ces affaires de détournements de deniers publics en cours d’instruction auprès de la CRIEF, si elles sont avérées, ont nécessairement bénéficié de la complicité active ou passive des banques commerciales et des organismes de contrôle que sont la BCRG, la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières) …

DE LA RESPONSABILITÉ DES BANQUES COMMERCIALES

Compte tenu de l’importance des sommes en jeu, il est plus qu’évident que ces opérations n’ont pas été réalisées en espèces sonnantes et trébuchantes. Cela suppose donc le recours à des virements et transferts par l’intermédiaire des banques. Les révélations faites par les médias sur les avoirs liquides détenus par certaines des personnalités citées ci-dessus et d’autres sur leurs comptes bancaires domiciliés dans les banques commerciales semblent confirmer cet état de fait. Pourtant, ces banques commerciales ont des obligations de vigilance accrue lorsque les opérations qu’elles traitent concernent des personnes publiques ou mettent en jeu des montants relativement importants.

Il ressort de ces quelques affaires listées ci-dessus à titre illustratif, que l’ensemble des personnes impliquées sont des Personnes Politiquement Exposées (PPE)[2]. Selon les dispositions de la loi de Lutte Contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme ((loi N° 2021/0024/AN dite loi LCBCFT), les PPE sont : « Les personnes physiques qui exercent ou qui ont exercé d’importantes fonctions publiques en Guinée ou dans un autre État ». Pour les personnes ayant ce profil, les institutions financières ont des obligations accrues de vigilance sur les transactions dans lesquelles elles sont impliquées et/ou concernées. Les Articles 35, 36 et 37 de la loi LCBCFT exposent quelques obligations de vigilance qui incombent aux établissements bancaires dans les relations d’affaires qu’elles entretiennent avec les PPE. Si, dans la surveillance des comptes bancaires des PPE, des opération suspectes sont identifiées par les banques, ces dernières sont dans l’obligation d’en faire la déclaration auprès de la Cellule de Traitement des Informations Financières (CENTIF) suivant les dispositions de l’article 45 de la loi LCBCFT.

Par ailleurs, l’instruction N° 002/DGSIF/DSB du 3 décembre 2013 relative au contrôle interne émise par le Gouverneur de la BCRG, précise les dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme que les banques doivent mettre en place en son point IV. Les articles 31 à 37 de cette instruction précisent l’obligation de vigilance qui incombe aux établissements bancaires. Ils orientent sur les dispositifs de contrôle interne à mettre en place, ainsi que la conduite à tenir lorsque des opérations suspectes sont détectées par le dispositif de contrôle interne.

Au-delà de toutes ces obligations imposées par le cadre règlementaire, il est de la responsabilité des banques d’avoir une parfaite connaissance de leurs clients à travers les procédures KYC / KYB (Know Your Customer / Know Your Business). Ces procédures de collecte d’informations sur les clients (personne physique et personne morale) ont pour but, d’avoir une parfaite connaissance des clients afin de repérer les opérations inhabituelles et ou frauduleuses qui transitent par leurs comptes bancaires. Dans l’éventualité où les clients utilisent des prête-noms, la notion de « bénéficiaire effectif (BE) » intervient. Cette notion désigne la ou les personnes physiques qui en dernier lieu, possèdent ou contrôlent le client et ou la personne physique pour le compte de laquelle une opération est effectuée ou une relation d’affaires est nouée. Même dans ce cas de figure, les banques sont tenues à l’obligation de vigilance. Si elles ne parviennent pas à identifier le BE, il est recommandé de mettre fin à la relation d’affaire et faire une déclaration de soupçon (Article 32 de la loi N° 2021/0024/AN de la loi portant sur la LCBCFT).

Au-delà de la vigilance spéciale associée aux opérations des PPE, les banques commerciales ont dans leurs dispositifs de contrôle interne, un processus spécifique de validation s’agissant des opérations communément appelées dans le jargon bancaire « les opérations remarquables ». Cette appellation, désigne des opérations inhabituelles (montants engagés, opérations douteuses sans justificatif, opérations impliquant une PPE, opérations inhabituelles sur des comptes en sommeil, opérations sans lien avec le fonctionnement habituel des comptes clients…). Pour ce type d’opérations, le processus de validation fait intervenir des niveaux hiérarchiques plus ou moins importants au sein des banques. Ce mécanisme de validation, est censé prévenir et détecter les opérations suspectes pour la mise en œuvre des obligations déclaratives qui incombent aux banques commerciales. Toutefois, si les banques ne remplissent pas leur obligation de vigilance, que les personnes en charge du contrôle et de la conformité de leurs opérations soient en collusion (complicité) avec les clients impliqués dans ces scandales, leur responsabilité est engagée.

Les articles 84, 85 de la loi portant sur la réglementation bancaire du 12 aout 2013, précisent les obligations déontologiques des établissements de crédit.

L’article 84 dispose : « Les établissements de crédit s’interdisent, sous peine des sanctions prévues à l’article 86, de faciliter activement ou passivement la réception et le remploi des fonds d’origine criminelle. Entre dans cette définition, les fonds résultants directement ou par personne interposée, d’actes qualifiés de crimes ou délits par la loi guinéenne ».

L’article 85 dispose : « Les établissements de crédit et les autres organismes soumis au contrôle de la BCRG sont ténus à une obligation de vigilance concernant toute opération faisant naître un doute sur sa cause économique ou son caractère licite. Les préposés des établissements de crédit qualifiés pour effectuer des déclarations de soupçon à la BCRG en application des présentes dispositions, sont relevés vis-à-vis de cette dernière, de leur obligation de secret professionnel… ».

Les articles 86 et 87 précisent les sanctions pénales applicables aux établissements de crédit (personnes morales) et leurs collaborateurs (personnes physiques) en en cas de manquement avéré à leurs obligations.

Les multiples affaires révélées sur les avoirs colossaux détenus par des clients (personnes physiques et morales) dans les banques commerciales et qui ne semblent pas avoir de justifications économiques confirment l’application laxiste de l’obligation de vigilance, la défaillance des procédures de contrôle et le non-respect de la déontologie applicable à la profession bancaire.

DE LA RESPONSABILITÉ DE LA BANQUE CENTRALE DE LA REPUBLIQUE DE GUINEE (BCRG)

La BCRG est l’institution financière primaire et l’autorité de tutelle pour les banques commerciales et compagnies d’assurance en République de Guinée. En tant que telle, elle œuvre à la définition et à la conduite de la politique monétaire du pays. Elle apporte son soutien à la politique du Gouvernement pour garantir une croissance saine et durable via la supervision du système financier (Banques – Assurances et Institutions de microfinance) et ainsi garantir le respect des fondamentaux gage de stabilité financière.

Selon les termes de la décision N° 028/DGSIF/DSB/2014 du 13 août 2014 relative à l’organisation du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) à la BCRG, il a été mis en place un dispositif interne de LBC/FT à la Banque Centrale. La supervision de ce dispositif est assurée par le Gouverneur de la BCRG qui valide les options stratégiques et donne les instructions nécessaires à leur réalisation. Il existe donc au sein de la Banque Centrale, un responsable du dispositif interne de LBC/FT et au sein des agences de la BCRG des correspondants anti-blanchiment (CAB) dont le rôle est de veiller à l’élaboration et la mise en œuvre de procédures de contrôle interne, en conformité avec la législation guinéenne et les normes internationales applicables à la LBC/FT. Ils ont également entre autres, la responsabilité, d’élaborer et de transmettre à la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières), les déclarations d’opérations suspectes concernant les clients après accord des autorités de la Banque Centrale.

En sa qualité d’autorité de tutelle, la Banque Centrale peut en vertu de l’instruction N° 052/DGSIF/DSB/2015 du 8 Juillet 2015, appliquer des sanctions pécuniaires à l’encontre des établissements de crédit coupables d’infractions à la réglementation bancaire. L’article 2 de l’instruction hiérarchise les infractions en fonction de leur nature et leur degré de gravité.

La loi confère à la Banque Centrale de la République de Guinée, la mission de veiller à la stabilité du système financier. L’article 95 de la loi N° 2021/0024/AN dispose que : « La BCRG est responsable de la réglementation et du contrôle du respect par les institutions financières des obligations visant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues par la présente loi et des autres actes juridiques permettant son exécution ». Á cet égard, elle est organisée pour assurer la surveillance des banques, des assurances et des institutions de microfinance évoluant en Guinée.

En exerçant les prérogatives que lui confère la loi via les contrôles sur place et sur pièce des établissements de crédit, la Banque Centrale incite ces dernières à se mettre en conformité avec la loi pour éviter d’éventuelles sanctions. Il s’agit-là, d’un levier coercitif à sa disposition pour veiller au respect de la réglementation bancaire par les acteurs impliqués et ainsi garantir une stabilité du système financier.

Les scandales impliquant des PPE, par ailleurs ordonnateurs de dépense publique, font intervenir des comptes domiciliés à la BCRG à partir desquels des virements et transferts sont faits vers d’autres destinations. L’existence de ces nombreuses affaires de détournement supposés de deniers publics, met en évidence également une défaillance des services de contrôle de la BCRG, l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration des opérations suspectes à la CENTIF.

DE LA RESPONSABILITÉ DE LA CELLULE NATIONALE DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION FINANCIÈRE (CENTIF)

La CENTIF est un service administratif doté de l’autonomie financière et d’un pouvoir de décision autonome sur les matières relevant de sa compétence. Elle est sous la tutelle technique du ministère de l’Économie et des finances.

Elle a pour but :

  • De recueillir, analyser et traiter les renseignements propres à établir l’origine des transactions ou la nature des opérations faisant l’objet de déclarations de soupçons auxquelles sont astreintes les personnes assujetties notamment, la BCRG, le Trésor Public, les banques primaires, les ONG, et les entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) ;
  • De recevoir toutes les informations liées à l’accomplissement de sa mission notamment celles communiquées par les autorités de contrôle et des officiers de police judiciaire ;
  • De requérir la communication, par les assujettis, ainsi que toute personne physique et morale, susceptibles de permettre d’enrichir les déclarations de soupçon ;
  • De faire ou de faire faire des études périodiques sur l’évolution des techniques utilisées aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ; en proposant des réformes nécessaires au renforcement de l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

C’est à cette cellule, qu’il appartient d’instruire les déclarations d’opérations suspectes (DOS) provenant des acteurs concernés (Banques commerciales, Banque Centrale, Commissaires aux comptes, Expert-comptable, Compagnies d’assurance, Notaires…).

Selon les dispositions de l’article 16 de la loi N° 2021/0024/AN de la loi portant sur la LCBCFT : « La CENTIF prépare et tient à jour des statistiques sur le nombre de déclarations d’opérations suspectes reçues, les suites données à ces déclarations, y inclus le nombre de déclarations disséminées. S’il en existe, la CENTIF tient également des données permettant de déterminer le nombre et le pourcentage des déclarations donnant lieu à une enquête ultérieure ».

L’article 47 de la même loi dispose : « Les institutions financières sont tenues de transmettre les informations complémentaires ayant trait à un soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sur demande de la CENTIF dans un délai maximum d’une semaine. Les institutions financières sont également tenues de répondre dans le même délai à toute autre demande d’information émanant de la CENTIF, même si elles n’ont pas transmis une déclaration préalable concernant le(s) client (s) ou les opérations faisant l’objet de demande ».

L’article 55 dispose que : « Les institutions financières, y compris leurs directeurs, les membres de la direction et leur personnel, doivent coopérer pleinement pour fournir l’assistance que les autorités de contrôle et de poursuites peuvent raisonnablement demander dans l’exercice de leurs pouvoirs ».

La CENTIF, à l’issue du traitement des déclarations d’opérations suspectes (DOS), si la suspicion est avérée ou semble plausible, la cellule dissémine spontanément ou sur demande, les informations et le résultat de ses analyses aux autorités administratives compétentes concernées. Cette dissémination doit être assurée via des canaux dédiés, sécurisés et protégés. Dès que le Procureur de la République reçoit un rapport de dissémination de la CENTIF, il doit saisir immédiatement le juge d’instruction. (Articles 90 et 106 de la loi N° 2021/0024/AN).

Les mesures coercitives dont disposent les autorités de contrôle lorsqu’elles constatent qu’un assujetti a violé les dispositions de la loi N° 2021/0024/AN relative à la LCBCFT peuvent être soit :

  • Des sanctions disciplinaires (avertissement, blâme…)
  • Des sanctions administratives (amendes administratives) avec publication de la décision de sanction
  • Des sanctions pénales (cf. Articles 499 à 506 et 507 à 509 du Code pénal)

La CENTIF, si elle était diligente dans le traitement des déclarations de soupçon qui lui sont transmises par les acteurs concernés et par sa communication sur les condamnations à l’issue du jugement des affaires participerait à la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Ces différents acteurs banques commerciales, BCRG et CENTIF chacun en ce qui le concerne, s’ils avaient été rigoureux dans les obligations et les responsabilités qui sont les leurs, réduiraient le nombre de ces scandales financiers tous azimuts dans notre pays.

En plus des procédures judiciaire en cours, il est du devoir des nouvelles autorités du pays de situer la responsabilité des différents acteurs et de sévir (sanctionner) contre les acteurs indélicats conformément aux lois en vigueur. Cela, servira d’exemple et conduira les différents acteurs dans un cercle vertueux.

QUELQUES PISTES POUR FAIRE EVOLUER LE DISPOSITIF ET VEROUILLER LA PROCÉDURE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX EN GUINÉE

Compte tenu de l’ampleur du phénomène dans notre pays, il est plus qu’indispensable qu’en plus du dispositif déjà en place et qui visiblement ne semble pas suivi par les acteurs (Banques, BCRG, CENTIF…), que les actions suivantes soient mises en place :

  • Un audit national auprès de toutes les institutions financières pour évaluer le niveau de maturité des procédures de contrôle interne et de conformité par l’autorité de tutelle qu’est la BCRG ;
  • Définir au sein de la BCRG un plan annuel d’audit des institutions financières (banques et assurances) pour s’assurer que toutes les opérations remarquables font l’objet de validation par les personnes habilitées et que les documents justifiant ces opérations sont collectés et archivés conformément aux prescriptions légales ;
  • Renforcer les sanctions pécuniaires et pénales applicables contre les acteurs qui feraient preuve de négligence dans leurs obligations de vigilance et d’obligations déclaratives sur des opérations qui ne sont pas suffisamment justifiées et documentées ;
  • Renforcer le rôle de la CENTIF afin qu’elle soit habilitée à mener des audits sur place et sur pièce à partir d’éditions d’opérations dont les critères seront à définir et qui devront lui être transmises de façon périodique par l’ensemble des acteurs concernés.
  • Veillez à ce que les personnes en charge de cette surveillance dans les institutions financières soient suffisamment formés sur les normes de lutte anti-blanchiment des capitaux et financement du terrorisme ;
  • S’intéresser aux opérations de transactions immobilières qui constituent un moyen plébiscité par les délinquants financiers pour blanchir les capitaux aux origines douteuses.

Ces recommandations loin d’être suffisantes, permettront de renforcer le dispositif déjà en place pour prévenir, détecter les opérations de blanchiment de capitaux et ainsi transmettre les dossiers au procureur pour jugements éventuels et sanctions.


NOTES

[1] Ordonnance N°007/PRG/CNRD/SGG du 2 décembre 2021, amendée par celle N°0008/PRG/CNRD/SGG du 6 décembre 2021.

[2] PPE – Personnes Politiquement Exposées (cf. article 5 de la loi N° 2021/0024/AN portant sur la LCBCFT)


Alpha Boubacar Baldé




Dissolution du FNDC: un coup dur est porté à la démocratie et aux droits de la personne


Human Rights Watch


(Nairobi) – Le 8 août 2022, la Guinée a dissous le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une importante coalition d’organisations de la société civile et de partis d’opposition guinéens, pour des motifs politiques, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

La décision du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a sérieusement remis en cause le retour du pays à un véritable processus démocratique. La coalition n’a pas été en mesure de contester efficacement la décision, qui reposait sur des allégations vagues et générales, devant un organe judiciaire indépendant ayant le pouvoir d’annuler l’arrêté. .

« Le gouvernement de transition guinéen contrôle déjà étroitement l’espace politique », a constaté Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Cette mesure visant le FNDC ne fera qu’affaiblir davantage la démocratie en décourageant toute opposition significative. »

L’arrêté  accuse la coalition d’organiser des manifestations publiques armées, de recourir à la violence, d’inciter à la haine et de se comporter comme des « milices privées ». Cette décision est intervenue quelques heures après que la coalition a annoncé de nouvelles manifestations à travers la Guinée et à l’étranger pour réclamer un dialogue crédible entre les autorités militaires de transition et les partis d’opposition et la société civile.

Le 5 septembre 2021, des officiers militaires du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) autoproclamé ont renversé le gouvernement d’Alpha Condé. En mai, le colonel Mamady Doumbouya, qui dirige depuis septembre 2021 la junte militaire, s’est engagé à transférer le pouvoir aux civils dans un délai de trois ans. Mais des acteurs nationaux, dont la coalition du FNDC, et des organismes régionaux – en particulier la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – ont rejeté ce délai, jugé trop long.

La coalition a été fondée en avril 2019 pour protester contre le projet de révision constitutionnelle de Condé et sa volonté de briguer un troisième mandat. Elle s’est heurtée à des tentatives d’intimidation et d’abus de la part des gouvernements de Condé et de Doumbouya. Les 30 et 31 juillet, les forces de sécurité ont arrêté trois éminents dirigeants de la coalition à Conakry, la capitale de la Guinée, et les ont accusés de manifestations illégales, de destructions de biens publics et privés, et de coups et blessures. En mai, la junte militaire a interdit toute manifestation publique pouvant être considérée comme une menace à l’ordre public, s’attirant les critiques du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

La décision du gouvernement de dissoudre la coalition du FNDC viole la liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique et de participation démocratique, a souligné Human Rights Watch. Ces droits sont garantis par le droit international des droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Guinée a ratifié en 1978, et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Dans une déclaration en date du 10 août, la coalition a indiqué que la décision du gouvernement était « illégale, sans fondement et arbitraire », appelant à des manifestations à travers tout le pays le 14 août.

Alseny Sall, un éminent militant des droits humains à Conakry, a déclaré à Human Rights Watch : « Il s’agit d’un grand pas en arrière dans les efforts de la Guinée pour rétablir un régime démocratique après la prise de pouvoir par les militaires et d’une autre façon de museler la dissidence. »

Les autorités militaires guinéennes devraient immédiatement revenir sur leur décision et permettre au processus d’élections libres et équitables de se poursuivre dans le plein respect des droits et libertés fondamentaux, a recommandé Human Rights Watch. Les partenaires internationaux de la Guinée devraient dénoncer ce revers et appeler à un retour au pluralisme politique et à un régime démocratique.

« Cette attaque contre tout opposant au régime militaire n’est pas de bon augure pour la transition et les prochaines élections », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Le gouvernement guinéen devrait annuler la dissolution du FNDC et mettre fin à l’ingérence dans les partis d’opposition et la société civile. »





Répression meurtrière des manifestations: le FNDC alerte la CPI et transmet une liste des auteurs


Politique


Dans un communiqué, le ministre de la justice présente le bilan officiel des manifestations du 28 et 29 juillet dernier à Conakry, « Ces manifestations ont engendré cinq (5) morts, selon les statistiques du service de médecine légale de l’hôpital national Ignace Deen remonté à titre d’information par le Parquet général au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ainsi que de nombreux blessés civiles et militaires et d’importants dégâts matériels ».

Au même moment des poursuites judiciaires sont engagées contre les organisateurs et responsables du FNDC. Dans ce bras de fer, le FNDC adresse au bureau du procureur général de la Cour pénal internationale (CPI) un document intitulé « Signalement de la répression meurtrière des manifestations citoyenne du FNDC » avec une liste de 13 responsables de la junte présentés comme les auteurs de la répression.

Lire le document

FNDC Signalement





Des manifestations contre la junte paralysent Conakry


Politique


Des heurts ont éclaté entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre dans plusieurs quartiers de la capitale. Des barricades ont été dressées, des pneus brûlés. Une personne aurait été tuée.

Des manifestations contre la junte au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021 se sont déroulées jeudi 28 juillet à Conakry, paralysant la capitale guinéenne, malgré l’interdiction des autorités et un dispositif policier important. Une personne a été tuée, ont affirmé les organisateurs, une information qui n’a pas été confirmée par les autorités.

Cette manifestation, à l’initiative du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une importante coalition de partis, de syndicats et d’organisations de la société civile, visait notamment à dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte ainsi que son « refus systématique d’ouvrir un cadre de dialogue crédible » pour définir les termes de la transition.

L’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et une autre importante coalition formée de partis, de mouvements et d’associations, l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD), avaient également appelé à se joindre au mouvement de protestation.

Dans plusieurs quartiers, des heurts ont éclaté entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) des barricades ont été dressées, des pneus brûlés. Et la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des groupes qui leur lançaient des pierres. Le parquet a ordonné jeudi des poursuites contre les organisateurs de la manifestation.

Une « paralysie » réussie

Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC, s’est quant à lui félicité d’avoir réussi cette « paralysie » du système. Le colonel Mamadi Doumbouya, qui a renversé le 5 septembre 2021 le président Alpha Condé, au pouvoir depuis plus de dix ans (2010-2021), s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans.

S’exprimant à Bissau, au cours d’une conférence de presse avec le président français, Emmanuel Macron, le président en exercice de l’organisation des Etats ouest-africains (Cédéao), Umaro Sissoco Embalo, a assuré avoir convaincu la junte d’accélérer le retour à la démocratie.

« J’étais à Conakry (…) pour faire comprendre à la junte militaire la décision du sommet des chefs d’Etat que la transition ne peut pas dépasser les 24 mois. Eux avaient proposé 36 mois, mais on a réussi à les convaincre », a-t-il dit. En revanche, Ousmane Gaoual Diallo, ministre guinéen et porte-parole du gouvernement de transition, a indiqué à l’AFP que « ni le gouvernement ni la présidence ne confirment cette information sur la durée de la transition en Guinée ».

Trois leaders du FNDC avaient été violemment interpellés le 5 juillet, provoquant de violentes manifestations spontanées. Ils avaient tous trois été relaxés à l’issue d’un procès où ils étaient jugés pour « outrage à magistrat ».

Cet article est republié à partir de lemonde.fr. Lire l’original ICI





« Une constante dégradation de l’état des droits fondamentaux en Guinée », les avocats du FNDC interpellent l’ONU et la CPI


Politique/Droits de l’Homme


Dans une correspondance adressée à Madame le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle BACHELET du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et à Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale M. Karim A. A. Khan, les avocats conseils du FNDC dénoncent une situation alarmante des droits humains en Guinée, une instrumentalisation de la justice pour intimider les acteurs de la société civile et des partis politiques, des arrestations arbitraires de membres du FNDC et une confiscation des droits et libertés des citoyens en Guinée.

A deux jours de la date des prochaines manifestations pacifiques et citoyennes du FNDC projetées le 28 juillet 2022 dans le grand Conakry et le 04 aout 2022 sur tout le territoire national, les avocats redoutent des répressions contre les manifestants.

Maître William BOURDON et Maître Vincent BRENGARTH sollicitent l’intervention de Madame le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Michelle BACHELET.

Nous vous proposons le courrier des avocats conseils





Arrestation de responsables du FNDC : les Etats-Unis rappellent «le droit à la liberté d’expression et à une procédure régulière»

Politique


Déclaration de l’ambassade des Etats-Unis à Coankry sur l’arrestation de leaders politiques

Communiqué de presse

L’Ambassade des Etats-Unis à Conakry suit de près les arrestations de personnalités politiques en Guinée au cours des derniers mois. Le droit à la liberté d’expression et à une procédure régulière est primordial pour maintenir la paix et défendre les valeurs démocratiques.

Les Etats-Unis exhortent le gouvernement guinéen et les acteurs sociopolitiques à trouver un terrain d’entente pacifique pour une collaboration continue et un dialogue ouvert. Nous demandons au gouvernement guinéen de veiller à ce que les détenus soient traités équitablement et bénéficier d’une procédure régulière par le biais d’un processus judiciaire transparent.