Réponse à l’essai “Quel régime politique pour la Guinée ?” du Pr Bano Barry [Par Sylla, Aboubacar Sidiki Amara]


Point de vue


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara[1] [Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal]

La refondation du système politique et du système partisan de la Guinéecontributions au débat

Quel régime politique pour la Guinée ?

L’essai de Barry[2] est une invitation à la refondation du système politique et du système partisan guinéen. Il porte sur l’analyse de « la primauté du président sur toutes les institutions et [, la primauté] (…) des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale » [3].  Les origines de cette pratique se situeraient dans les dispositifs de l’article 25 des différentes constitutions guinéennes de 1958, de 1982, de 1990, de 2010 et de 2020[4].  Ensuite, l’auteur explore la question ethnique à travers une approche instrumentaliste. Il reproduit ici la thèse de sa thèse selon laquelle, la mobilisation de l’identité ethnique est un manœuvre essentiellement politique des élites politiques guinéennes dans le seul but d’accéder aux ressources de l’État[5].

De ces constats découlent plusieurs propositions entre autres : l’adoption d’un système de ticket aux élections présidentielles pour élire le président et le vice-président. Une mandature de sept ans (unique ou renouvelable). Un scrutin majoritaire aux élections à un tour —fortement inspiré du modèle ghanéen — pour pallier la primauté du président et des chefs de partis et surtout à l’instrumentalisation de l’identité ethnique[6].

Lire: Quel régime pour la Guinée?

Nous souhaitons revenir sur quelques éléments dans ses propositions. Il ne s’agit pas là de remettre en question ou de discuter de toutes les propositions de l’auteur, tant s’en faut. Par la suite, je vais proposer des alternatives inspirées des expériences d’autres régions du monde qui pourraient intéresser les ingénieurs électoraux guinéens.  

Les origines constitutionnelles de la primauté du président et des chefs de partis politiques.

Sur ce point je partage le constat. En effet, la suprématie du chef de l’État a bel et bien été consacrée dans les constitutions guinéennes de 1958, 1982, 1990, 2010 et 2020. Toutefois, il est confusion entre les causes et les effets, ce qui peut conduire à faire des prescriptions contreproductives.

 Le fait que ces constitutions, en l’occurrence celle de 1958 octroie dans son article 25 une primauté au président est d’une part, le résultat de la victoire du PDG-RDA sur les autres partis politiques à l’issue des luttes politiques entre 1939 et 1958. D’autre part, cet article informe sur le renoncement de la compétition politique au nom de l’unité nationale. Les périodes de lutte pour l’accession à l’indépendance ont été une expérience démocratique dans laquelle le pouvoir de décision revenait davantage à la base qu’au sommet dans nombre d’organisations politiques. Par exemple, c’est la base du PDG-RDA qui a poussé Sékou Touré à s’opposer à la fédération française de 1958. Et, c’est cette base de masse qui non seulement définissait les objectifs politiques du PDG-RDA, mais aussi et surtout façonnait les méthodes d’organisation, en utilisant des chansons, des symboles et des uniformes pour promouvoir le parti au sein d’une population largement analphabète [7]. Plusieurs analyses peuvent être tirées de cette observation. Une d’entre elles est que l’expérience démocratique n’est pas étrangère aux Guinéens. Quand la démocratie est compétitive, il y a moins le risque de la primauté ou la concentration du pouvoir auprès d’une seule personne. La compétitivité politique à cette période a permis de transcender les clivages ethniques et de faire des campagnes politiques sur des enjeux autres que l’ethnicité. Le clivage politique s’était transformé entre les progressistes et les conservateurs (Schmidt 2005 ; 2007).

Par conséquent, l’article 25 de la constitution de 1958 témoigne de la défaite des partis d’opposition et de l’ambition de Sékou Touré (et des autres présidents) de tenir l’essentiel du pouvoir politique [8]. Ce n’est donc pas la « prépondérance absolue du président de la République [qui,] a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne »[9]. Dans le cas de la Guinée, la prépondérance du président est une des conséquences de la disparition des organisations politiques, notamment les partis et les syndicats. Il serait donc essentiel pour lutter contre un présidentialisme fort qu’il y ait, au-delà de la séparation des pouvoirs, des organisations politiques, des partis politiques, des syndicats très puissants et compétitifs.

Brouiller ou consacrer le repérage ethnique ?

Pour brouiller le repérage ethnique, dit-il, la Guinée devrait se doter d’un système de ticket aux élections présidentielles. Ainsi, les candidats choisiront les colistiers dans une autre communauté, ce qui rendrait impossible l’étiquetage ethnique de ces derniers[10]. Le risque dans ce cas de figure est que le mariage, président vice-président issu de différentes ethnies, soit perçu par la population comme une coalition entre deux ethnies pour accéder au pouvoir. Ce qui n’est nullement différent de la situation actuelle du pays, il suffit de regarder la composition du sommet des partis politiques.  L’asymétrie démographique entre les groupes ethniques fera que les coalitions se forment entre les groupes ethniques relativement majoritaires.

Sachant qu’en soi les partis ethniques ne sont ni bons ni mauvais pour la démocratie[11]. M’est avis que la mobilisation de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale dans le contexte guinéen est problématique. (Cette problématique renseigne-t-elle sur l’avortement ou l’échec du projet de construction de la nation ?). Pour cause, nos identités sont source de discriminations dans l’accès aux services publics — dépendamment de, qui est au pouvoir et de, qui est à la tête du ministère — et dans la vie de tous les jours.

L’on sait que les politiques, et les institutions ont une grande responsabilité dans cette situation. D’où la nécessité d’agir à ce niveau. Une des stratégies permettant d’atténuer la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique et sociale serait la mise en place d’un système qui favorise la formation des partis politiques sur d’autres enjeux que l’ethnie. Notamment, la classe sociale, l’idéologie, la corruption, le népotisme, le développement, l’économie, etc. C’est à ce niveau que l’ingénierie électorale nous sera d’une grande utilité.

Sur le système électoral et l’ethnicité.

La question qui sous-tend les débats académiques sur le choix entre le système proportionnel, le système majoritaire et le système mixte est l’équilibre entre la démocratie (au sens de représentation égale de tous dans les instances politiques) et/ou la stabilité politique et institutionnelle. Les deux ne sont forcément pas exclusifs.

Le système majoritaire réduit-il l’instrumentalisation de l’identité ethnique ?

L’influence du système électoral sur la mobilisation de l’identité ethnique fait débat dans la littérature et demeure problématique[12]. L’argument traditionnel concernant l’ethnicisation de la vie politique des pays à forte diversité ethnique était que, dans les systèmes majoritaires, pour être plus précis, les systèmes uninominaux, contrairement aux systèmes proportionnels, atténuaient l’exacerbation de l’ethnicité dans la vie politique lors des élections[13]. Pour cause, les systèmes majoritaires induisent vers le dualisme dans les circonscriptions électorales[14] obligeant les partis qui veulent obtenir une majorité, d’aller au-delà d’un électorat strictement mono-ethnique en formant des coalitions, qui contribueraient à réduire le nombre de partis politiques [15]

Cependant, à regarder de plus près, les systèmes majoritaires conduisent à une représentation inégale des membres de la société au sein des organes représentatifs. Parce que dans les États où le vote est ethnique et où il y a des groupes ethniques relativement majoritaires, les systèmes majoritaires contribuent à l’exclusion des groupes minoritaires [16]. De plus, contrairement à l’argumentaire traditionnel sur le caractère nuisible des systèmes proportionnels dans les pays à forte diversité ethnique, les études récentes soulignent que les systèmes proportionnels contribuent moins à l’ethnicisation de la compétition électorale. En effet, dans la mesure où, dans les pays à forte diversité ethnique, les systèmes proportionnels facilitent la formation de plusieurs partis politiques qui, en ciblant les membres d’un même groupe ethnique, divisent le groupe et, ce faisant, obligent les partis à trouver d’autres thèmes de démarcation que l’identité ethnique [17]. Ainsi, l’étude de Fox (2018) sur l’Indonésie souligne l’effet du passage d’un système proportionnel à un système majoritaire, sur la politisation de l’identité ethnique. Ce passage a contribué à ce que les candidats recourent à leurs identités ethniques dans leurs circonscriptions électorales afin de recueillir plus de voix [18]

Sur le Ghana

Barry soutient un système partisan stable comme au Ghana, en affirmant qu’« on sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique […] Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour ». Il est vrai que le Ghana à un système partisan stable, institutionnalisé. Il est aussi vrai qu’il a un système majoritaire. Toutefois, cette stabilisation est moins liée au mode de scrutin majoritaire qu’à la nature du régime autoritaire qui a accompagné le processus de démocratisation. Les pays avec un régime autoritaire fort ayant réussi à incorporer les élites locales puissantes ont pu contrôler la participation politique et ont déterminé l’agenda de la transition, ce qui a influencé les formations des partis politiques, les règles du jeu politique et le système partisan, lors des élections fondatrices [19]. Par ailleurs, la stabilisation, l’institutionnalisation du système partisan n’a pas du tout empêché la saillance de l’identité ethnique dans la vie politique[20].

Quel système électoral pour la Guinée ?

Dans cette dernière partie, les différents points soulevés ci-dessous seront des invitations à la prise en compte d’autres exemples certes lointains, mais riches en leçons pour surmonter la saillance de l’ethnicité dans la vie politique guinéenne.

Les propositions ici seront inspirées des expériences récentes des sociétés multiethniques, comme la Guinée, qui ont réussi à contraindre les partis à mobiliser d’autres enjeux que l’ethnicité tout en les incitant à collaborer.  

Les ingénieurs électoraux pourraient exiger les enregistrements transrégionaux des partis comme c’est le cas des pays de l’Amérique latine notamment, la Colombie, l’Équateur, le Guatemala, le Nicaragua, le Honduras, le Mexique et le Pérou. De même, ils peuvent exiger les seuils interrégionaux dans la formation des partis politiques. La Turquie et des pays d’Asie du Sud-Est tel que les Philippines, la Thaïlande et l’Indonésie peuvent servir d’inspiration aux ingénieurs électoraux guinéens.

L’Indonésie peut être une référence pour les ingénieurs guinéens. En effet, c’est l’un des pays les plus vastes et les plus complexes de par sa composition ethnique. Il s’était démarqué dans sa tentative d’ingénierie politique de son système partisan pour contrer le sécessionnisme ethnique et construire une démocratie stable[21].  Les ingénieurs politiques de ce pays ont élaboré un ensemble complexe d’incitations et de restrictions au développement du système de partis. Par exemple, tous les partis politiques devraient démontrer qu’ils disposaient d’une base de soutien nationale avant de participer aux élections. En Guinée, l’on peut requérir des partis politiques de prouver qu’ils disposent d’une structure établie et fonctionnelle dans toutes les préfectures et les sous-préfectures. Chaque unité de ces structures devrait avoir un seuil minimum d’adhérents, lequel pourrait être déterminé après le recensement national de la population. Une telle disposition obligera les partis ou les candidats individuels à recueillir des soutiens dans différentes régions du pays.

Par ailleurs, les règles de financement des partis pourraient être utilisées comme incitatifs pour favoriser la candidature des femmes et remédier à leur sous-représentation dans les partis et dans la vie politique.  La Papouasie Nouvelle-Guinée serait à cet égard une source d’inspiration intéressante. Dans ce pays, les partis qui présentent des candidates aux élections récupèrent une grande partie de leurs dépenses électorales[22]. Un tel aménagement dans un système où le financement des partis se fait seulement par la cotisation de ses membres et les subventions de l’État, tous les partis auront intérêt à présenter des femmes aux élections étant donné que les financements des membres ne seront pas suffisants pour faire campagne.

Une autre innovation du système électoral pourrait être la mise en commun des votes qui permettra aux électeurs de classer les candidats par ordre d’importance. Ensuite ces votes seront transférés en fonction de ces classements. Ces systèmes peuvent encourager la coopération entre les partis en rendant les politiciens de différents partis réciproquement dépendants des votes de transfert de leurs rivaux.

Ce papier est une contribution aux débats sur la refondation politique de la Guinée. Il s’inscrit dans la lignée des dialogues et propositions des citoyens de tout bord, mais plus précisément des chercheurs.


Sylla, Aboubacar Sidiki Amara Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal

NOTES

[1] Doctorant en Science politique à l’Université de Montréal.

[2] Je résume certaines grandes lignes de l’essai. Néanmoins pour une mise en contexte j’exhorte les lecteurs qui n’ont pas encore lu cet essai de cliquer sur la suivante référence :  Alpha Amadou Bano Barry, « Quel régime pour la Guinée ? », Mosaiqueguinee.com (blog), 27 février 2023, https://mosaiqueguinee.com/quel-regime-pour-la-guinee-par-pr-alpha-amadou-bano-barry/.

[3] Barry.

[4] Barry.

[5] A. Amadou Bano Barry, Les violences collectives en Afrique: le cas guinéen, Études africaines (Paris ; L’Harmattan, 2000).

[6] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[7] Schmidt, Mobilizing The Masses: Gender, Ethnicity, and Class in the Nationalist Movement in Guinea, 1939-1958, Annotated edition (Portsmouth, NH: Heinemann Educational Books,U.S., 2005); pour comprendre les dynamiques politiques avant l’indépendance cet autre ouvrage est du même auteur est d’une richesse inégalée:

Elizabeth Schmidt, Cold War and Decolonization in Guinea, 1946-1958, Western African Studies (Athens: Ohio University Press, 2007).

[8] Cette concentration du pouvoir s’explique en partie de l’ambition des chefs d’État de l’Afrique à cette époque de vouloir construire une nouvelle nation avec une identité commune et unique. La phrase « Que la Nation guinéenne est née de l’État » s’inscrit dans cette logique. Voir dans le contexte africain après les indépendances : Daniel Bourmaud, « Aux sources de l’autoritarisme en Afrique : des idéologies et des hommes », Revue internationale de politique comparée 13, no 4 (2006): 625‑41.  Christof Hartmann, « Managing Ethnicity in African Politics », in Oxford Research Encyclopedia of Politics, par Christof Hartmann (Oxford University Press, 2019) ; Crawford Young, The African Colonial State in Comparative Perspective (New Haven: Yale University Press, 1994).

[9] Barry, « Quel régime pour la Guinée ? »

[10] Barry.

[11] Voir à ce propos les articles: Jan Rovny, « Antidote to Backsliding: Ethnic Politics and Democratic Resilience », American Political Science Review, 23 janvier 2023, 1‑19; Anika Becher et Matthias Basedau, « Promoting Peace and Democracy Through Party Regulation? Ethnic Party Bans in Africa », SSRN Scholarly Paper (Rochester, NY: Social Science Research Network, 1 janvier 2008) ; Jóhanna Kristín Birnir, Ethnicity and Electoral Politics (Cambridge: Cambridge University Press, 2006).

[12] Les arguments déployés dans cette partie sont issus de mon mémoire de maîtrise :  Aboubacar Sidiki Amara Sylla, « Institutionnalisation du système partisan à l’épreuve des partis ethniques en Afrique subsaharienne. Étude de cas de la Guinée. » (Mémoire de maitrise 2, Grenoble, Sciences Po Grenoble, 2021).

[13] VAN EVERA, Stephen. Hypotheses on Nationalism and War. International Security. 1994, Vol. 18, no 4, p. 1‑35  ; James R Scarritt et Shaheen Mozaffar, « The Specification of Ethnic Cleavages and Ethnopolitical Groups for the Analysis of Democratic Compe », 1999, 1‑37.

[14] Maurice Duverger, L’influence des systèmes électoraux sur la vie politique, Académique (Paris: Presses de Sciences Po, 1950).

[15] ORDESHOOK, Peter C. et SHVETSOVA, Olga V. Ethnic Heterogeneity, District Magnitude, and the Number of Parties. American Journal of Political Science. [Midwest Political Science Association, Wiley], 1994, Vol. 38, no 1, p. 100‑123 ;  CLARK, William Roberts et GOLDER, Matt. Rehabilitating Duverger’s Theory: Testing the Mechanical and Strategic Modifying Effects of Electoral Laws. Comparative Political Studies. Août 2006, Vol. 39, no 6, p. 679‑708. ; SELWAY, Joel Sawat. The Measurement of Cross-cutting Cleavages and Other Multidimensional Cleavage Structures. Political Analysis. Cambridge University Press, Ed 2011, Vol. 19, no 1, p. 48‑65.

[16] LIJPHART, Arend. Constitutional Design for Divided Societies. Journal of Democracy. 2004, Vol. 15, no 2, p. 96‑109.

[17] John D. Huber, « Measuring Ethnic Voting: Do Proportional Electoral Laws Politicize Ethnicity? », American Journal of Political Science 56, no 4 (2012): 986‑1001.

[18] FOX, Colm. Candidate-centric systems and the politicization of ethnicity: evidence from Indonesia. Democratization. Routledge, Octobre 2018, Vol. 25, no 7, p. 1190‑1209.

[19] Rachel Beatty Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa (Cambridge: Cambridge University Press, 2014), p.12.

[20] Nicholas Cheeseman et Robert Ford, « ETHNICITY AS A POLITICAL CLEAVAGE », Afrobarometer Working Paper., 2007, 1‑41; Matthias Basedau et Alexander Stroh, « How Ethnic Are African Parties Really? Evidence from Four Francophone Countries », International Political Science Review 33, no 1 (2011): 5‑24 ; Riedl, Authoritarian Origins of Democratic Party Systems in Africa; Staffan Lindberg et Minion Morrison, « Are African Voters Really Ethnic or Clientelistic? Survey Evidence from Ghana », Political Science Quarterly 123 (12 septembre 2007).

[21] Benjamin Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies », Democratization 13, no 5 (1 décembre 2006): p.817.

[22] Reilly, « Political Engineering and Party Politics in Conflict-Prone Societies ».





Quel régime pour la Guinée?


Point de vue


Par Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie)

Au regard de l’histoire politique guinéenne marquée par le même type de régime politique et trois transitions, cet essai se propose de dévoiler les constantes du système politique qui sont au nombre de deux : la primauté du président sur toutes les institutions et celle des partis politiques sur le jeu politique avec le monopole de la candidature aux élections nationales et un système électoral dont les deux tiers des députés sont élus au travers d’une liste nationale. Ce texte a cherché aussi à déconstruire le fondement de la question ethnique en Guinée, sujet récurrent dans les échanges des salons et des bureaux, mais rarement en public. La question ethnique en Guinée est essentiellement politique et sert aux élites à assurer le contrôle de l’État et de ses ressources. Un président fort est le point central du dispositif du contrôle ethnique. Au regard de cette réalité, la Guinée gagnerait à expérimenter un autre système, celui du ticket aux élections présidentielles et d’un système électoral majoritaire à un tour et une forte décentralisation pour rendre le peuple plus responsable de son destin.

Cet essai est mon second sur la question du régime politique en Guinée. Le premier a été publié après 2010 et n’a servi, ni à doter le pays d’une constitution adaptée aux réalités sociologiques de Guinée, ni à éviter une troisième prise du pouvoir par les armes.

En 2023, je refais le même exercice tout en étant conscient que les intérêts sont si antagoniques dans ce pays qu’il est difficile d’arriver à soutenir ce qui ne favorise pas certains groupes. D’autres aussi n’aimeront tout simplement pas cette réflexion qui vient d’un ancien ministre[1] du régime précédent, car il a toujours été un crime de servir son pays en Guinée. Enfin, je sais aussi que les leaders politiques les plus représentatifs dans le paysage politique guinéen ne vont pas aimer. Car tous veulent un régime présidentialiste comme celui en vigueur depuis 1958 dans l’espoir qu’ils en seront les bénéficiaires. N’étant pas constitutionnaliste ni juriste, mon regard ne porte pas sur les règles du droit, mais sur leurs effets attendus ou imprévus sur le système politique et sur la société. Le regard du sociologue glisse en quelque sorte sur le droit, pour « obliquer» vers les contextes sociaux, économiques, politiques, culturels dans lesquels il prend naissance.

Au centre de la préoccupation du sociologue, c’est « l’esprit de la loi », c’est-à-dire ce qui serait le mieux en fonction des réalités sociologiques des populations et de ses élites à un moment donné de son histoire, la prise en compte de la réaction du milieu à la règle du droit avec un focus sur les acteurs et le processus de rédaction et d’adoption d’une constitution.

Durant le symposium organisé par le Conseil National de la Transition (CNT), j’ai eu le privilège d’écouter des sommités sur l’ensemble des composantes du système politique, de l’administration et de l’État. Il m’a été donné d’entendre par certains que la constitution des USA est la plus stable, car elle est dans les principes, la philosophie et laisse à la cour suprême le soin de trancher sur chaque cas qui pose un problème d’interprétation. Mais il est certain que le second amendement de la constitution américaine n’aurait pas été si ce pays n’a pas utilisé les armes pour conquérir son territoire, ni avoir des esclaves qu’il fallait dominer ni une guerre civile. Dans chaque constitution, l’histoire politique et les réalités sociologiques s’incrustent.

D’autres ont insisté pour faire valoir que le meilleur texte constitutionnel ne résoudra pas les problèmes d’éthique, de compétences et de courage des hommes et des femmes en charge d’appliquer et de faire appliquer le droit. On peut néanmoins ajouter que cela n’empêche pas d’avoir des « bons textes », c’est-à-dire des textes qui pourraient prendre en charge les réalités sociologiques et aider à corriger les lacunes. Car même si presque tous les conducteurs de mototaxis de Conakry ne respectent pas les feux de signalisation, personne ne se risquera à recommander qu’on élimine pour autant ces feux ou de ne pas prévoir des sanctions dans le code de la route.

La règle de droit est un discours normatif qui dit ce qui doit être, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et parfois comment le faire, et prévoit la sanction positive ou négative des actions permises, imposées ou prohibées.

Comme norme, la loi ne valide pas seulement une pratique en cours, elle peut aussi vouloir corriger une norme car elle possède une capacité de coercition pour amener la conduite individuelle vers ce qui est prescrit. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire la loi sur la polygamie, l’excision et beaucoup d’autres dispositions de normes sociales. Donc, une bonne règle de droit a aussi pour vocation d’imposer une norme juridique pour qu’elle devienne une norme sociale.

Certes, la meilleure constitution n’éliminera pas les « faux démocrates », mais une « bonne loi démocratique » permettra d’avoir des leviers sur lesquels compter pour lutter et protéger les règles démocratiques. Le meilleur exemple de texte de lois ayant changé radicalement les choses est le travail fait par Jerry Rawlings au Ghana avec un système politique qui a permis d’asseoir une alternance démocratique. Ma lecture du marxisme et ma compréhension de la réalité sociale me font admettre que les hommes ne sont pas « bons » ni « mauvais » de façon génétique, ils sont simplement le produit de leur milieu. Si le milieu change, l’environnement impose de nouvelles normes, les Hommes s’ajustent et s’adaptent.

Le défi de la Guinée est, dans cette transition, d’avoir « des textes adaptés à nos réalités ». C’est-à-dire des textes qui corrigent les effets des différentes constitutions sur la société guinéenne. Car certaines des dérives actuelles dans la vie politique ne proviennent pas seulement du « mauvais Guinéen » non courageux, mais des textes comme je vais le montrer dans l’analyse sociologique des constitutions de 1958 à 2020.

LES EFFETS DE CERTAINES DISPOSITIONS DES CONSTITUTIONS DE 1958 A 2020

La Guinée, depuis sa première constitution de 1958, s’est inscrite dans un régime avec une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République.

C’est la première constitution du 10 novembre 1958 qui a conféré au président de la République, en son article 25, l’autorité de nommer « […] à tous les emplois de l’administration publique. Il nomme à tous les emplois et fonctions militaires ». Cette disposition est restée intangible dans toutes les constitutions même si en 2010, un effort non abouti a été tenté pour donner un peu de pouvoir au premier des ministres avec deux articles contradictoires dont l’article 46 qui dit que le président : « nomme en conseil des Ministres aux emplois civils dont la liste est fixée par une loi organique » et l’article 58 qui dispose que : « Le Premier Ministre dispose de l’administration et nomme à tous les emplois civils, excepté ceux réservés au chef de l’État ».

Il était prévu que l’Assemblée Nationale, qui sortirait des urnes à la fin de la transition, devrait se charger de l’élaboration et de l’adoption de cette loi organique. Pendant les 11 ans, cette loi organique n’a jamais vu le jour et les nominations n’ont jamais été faites en Conseil des Ministres.

C’est la constitution de 1982 qui met au-dessus de l’édifice institutionnel le parti unique, le Parti Démocratique de Guinée (PDG) sur l’État et les institutions de la République avec la formule suivante :

a) Que la Nation Guinéenne est née de l’État ;

b) Qu’elle est engendrée par l’action des masses populaires mobilisées au sein du Parti Démocratique de Guinée ;

c) Que c’est le Parti qui a fondé l’État et que cet État ne peut donc que s’identifier au Parti qui l’organise, le dirige et le contrôle, en assumant réellement toutes les fonctions en tant que Parti-État et en œuvrant à la réalisation du Peuple-État.

Les constitutions de 1990 et les suivantes (2010 et 2020) ont aussi gardé les dispositions de l’article 25 de 1958 qui garantit la prépondérance du Président de la République dans l’agencement des pouvoirs, mais celle de 90 dans son article 3 (dans sa première version et dans sa version révisée de 2001) et celle de 2010 ont renforcé de leur côté la puissance des partis politiques en réservant aux seuls partis politiques, le droit de présenter « les candidats aux élections nationales », avec unsystème électoral qui fait élire les deux tiers des députés (76 sur les 114 députés) à la proportionnelle et seulement 38 à l’uninominal.

Les conséquences de l’article 25 et de la suprématie du parti unique ont fait du Président de la République un homme qui règne comme un monarque et qui gouverne seul et parfois avec des hommes de l’ombre qui deviennent plus puissants que ceux en position institutionnelle. Cette prépondérance absolue du président de la République a contribué à affaiblir pratiquement toutes les autres institutions ou à les inféoder à une personne oubliant les remarques de Montesquieu qui disait que : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le droit accordé aux seuls partis politiques dans la désignation des candidats aux élections nationales (législatives et présidentielles) dans la constitution de 90 et le système électoral qui fait que les deux tiers des députés sont élus sous la bannière des partis politiques sur une liste nationale expliquent la toute-puissance des leaders des partis politiques et la subordination des élites administratives, commerciales et coutumières aux leaders politiques. Car ce sont les leaders des partis politiques qui déterminent les chances des uns et des autres à devenir député par leur positionnement sur la liste à la proportionnelle.

Élu sous la bannière d’une liste nationale d’un parti politique, sans aucun contact avec le peuple et avec la bénédiction des premiers responsables des partis politiques, les députés de la liste nationale n’ont aucune redevabilité envers la population, parce que n’étant pas élus directement par elle. C’est cette disposition qui explique la prolifération des partis politiques (186 semble-t-il). N’ayant pas d’ancrage local, ceux qui veulent devenir député et qui ne peuvent l’obtenir à partir d’un parti établi sont donc dans l’obligation de créer un parti et se présenter sur la liste nationale dans l’espoir de bénéficier du plus fort reste. Ce n’est pas le laxisme des fonctionnaires du ministère de l’administration du territoire dans la création et le contrôle de la fonctionnalité des partis politiques qui explique la prolifération des partis politiques. Ce sont les dispositions des constitutions guinéennes qui expliquent la prolifération des partis politiques et la tribalisation du jeu politique.

Pour corriger ces créations exponentielles des partis politiques, des solutions existent à travers les règles des systèmes électoraux[2] comme le font les pays anglophones et en particulier ce que Jerry Rawlings a fait pour le Ghana[3]. C’est donc en corrigeant ces dispositions institutionnelles dans la future constitution qu’il sera possible de solutionner certains dysfonctionnements actuels. C’est ce dispositif qui est exposé ci-dessous.

COMMENT RATIONNALISER LE NOMBRE DE PARTIS POLITIQUES DANS UN PAYS ?

Cette question sur le nombre de partis politiques en Guinée est dans le débat depuis 1990 avec la proposition du Président Lansana Conté de légaliser 2 partis politiques. Ce débat est redevenu actuel, polluant même la réflexion, après le retour de mission du Conseil National de la Transition (CNT) de l’intérieur du pays avec la demande de la population de réduire le nombre de partis politiques.

Le 5 septembre 2021, suite au changement de régime, avec la dissolution du gouvernement et de l’assemblée nationale, il aurait été plus compréhensible d’accompagner ces mesures par la dissolution des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile au nom de la « refondation ».

En ne le faisant pas à ce moment, il est devenu problématique de proposer dans la nouvelle constitution un système direct de réduction des partis politiques à 2 ou à 3. En 2023, plus de 15 mois après le changement de régime, toute tentative dans ce sens risque de ne pas bénéficier de consensus et pourrait soulever des revendications. D’autant que les plus farouches partisans de cette dissolution des partis politiques sont des leaders politiques qui ne pèsent presque rien sur l’échiquier politique. L’un pourrait justifier l’autre. De par l’expérience universelle, deux procédés existent pour réduire le nombre de partis politiques dans un pays. Il y a la formule directe et celle indirecte. Dans l’article de Jean Laponce (1962) ; « Bipartisme de droit et bipartisme de fait », Revue française de sciences politique, Paris, France, pp. 877-887, il est clairement mentionné que la restriction directe du nombre de parti politique est « d’établir par la loi le nombre des partis politiques autorisés à présenter des candidats aux élections ou bien encore de définir le nombre des partis autorisés à envoyer des représentants au Parlement ». Cet auteur met en évidence que « la limitation du nombre de parti n’est pas en contradiction avec les règles du jeu démocratique »,

De façon indirecte, il est possible d’y arriver aussi par des mesures législatives comme de restreindre le « droit de présenter des candidats aux deux seuls partis ayant obtenu le plus de voix à une élection primaire dans le cadre national ». De même, « la loi peut chercher à agir directement sur le nombre des partis en interdisant la représentation aux partis n’ayant pas obtenu un minimum de voix ». Dans ces conditions, « plus le minimum légal est élevé, plus grande est la pression sur les partis existants pour qu’ils se groupent » et donc se réduisent.

On peut aussi agir en changeant le système électoral. On sait que le scrutin majoritaire contribue fortement à une bipolarisation de l’expression du suffrage politique. Souvent pour obtenir une application stricte du bipartisme, d’autres dispositions complémentaires sont édictées sur les structures internes des partis, en imposant par exemple, comme c’est le cas aux Etats-Unis dans la majorité des États, l’élection des dirigeants du parti par l’ensemble non pas des membres du corps électoral mais seulement des électeurs du parti.

Le Ghana est, en Afrique, l’exemple typique d’un système indirect. Bien qu’ayant seize partis officiellement enregistrés, c’est deux partis politiques (National Democratic Congress, « NDC » et le National People’s Party « NPP ») qui s’alternent au pouvoir.

Le système électoral dans ce pays est fait de sorte qu’il apparaît difficile aux autres partis de remporter une élection. Au Ghana, les 230 membres du parlement du Ghana représentent les 230 circonscriptions du pays. Comme pour l’élection présidentielle, ils sont élus au suffrage majoritaire uninominal. C’est ce modèle qui donne le résultat de cette alternance démocratique tant vantée par les Guinéens.

Avec ce système indirect, le Ghana confirme la théorie de Maurice Duverger[4] qui démontre que le système électoral majoritaire à un tour est de nature à favoriser l’émergence d’un système bipartite. Donc la mesure la plus simple et la moins sujette à discussions pour réduire le nombre de partis politiques est la mise en place d’un système indirect au travers de l’utilisation du système électoral majoritaire à un tour.

Pour mettre en place ce dispositif, on devrait supprimer l’élection à la proportionnelle sur la liste nationale pour n’avoir que des députés élus dans une circonscription électorale et procéder au découpage du territoire national en circonscription électorale en tenant compte de certaines contraintes :

  1. Les préfectures qui ne remplissent pas le nombre d’électeurs requis pour atteindre le quorum doivent néanmoins se faire représenter à l’assemblée par un député élu à l’uninominal ;
  2. Dans les préfectures du pays qui dépassent ce quorum et ne font pas le double ou le triple ou quadruple, on procède toujours à l’arrondissement par le haut pour déterminer le nombre de députés qui sont tous élus à l’uninominal ;
  3. Les Guinéens de l’étranger devront être représentés par des députés élus dans des circonscriptions électorales. Ces circonscriptions peuvent regrouper plusieurs pays mis ensemble si le nombre d’électeurs n’atteint pas le quorum ou d’un seul pays si le nombre d’électeurs est conforme au quorum fixé.

D’ailleurs, personne ne devrait se soucier du nombre et de la gouvernance interne des partis politiques si l’article 3 disparaît. Sans cette disposition, chaque Guinéen qui remplit les conditions d’éligibilité devrait avoir la latitude de se présenter à toutes les élections nationales et locales. Dès que cette disposition sera adoptée, les partis politiques vont se vider de ceux qui y sont pour devenir député ou maire et se rempliront plus tard sur la base de la proximité idéologique.

La question de la tribalisation du débat politique en Guinée vient aussi du système politique avec un président élu seul à la tête d’un parti politique au suffrage universel à deux tours s’il n’a pas la majorité absolue au premier tour. C’est pour cette raison que je vais me permettre de dire quelques mots sur la question ethnique pour la déconstruire, car l’existence des ethnies ne signifie pas que les Guinéens sont des « ethnos ».

LA QUESTION ETHNIQUE EN GUINÉE

Les ethnies existent en Guinée et existeront pour toujours. Certains groupes ethniques actuels, ou qui se considèrent comme tels, n’existaient pas il y a de cela quelques siècles auparavant. D’autres groupes ethniques se sont détachés par la migration et se sont différenciés dans le temps avec des groupes qui les englobaient hier. D’autres enfin qui existaient jadis ont été absorbés au cours des siècles à travers les migrations, les cohabitations, les brassages et les assimilations.

Parmi ceux qui existent, certains vont disparaître, d’autres vont s’agrandir, d’autres enfin garderont l’étiquette et perdront certains de leurs attributs. Bref, les ethnies sont comme un corps : elles naissent, se développent, meurt et renaissent pour certaines et disparaissent pour toujours pour d’autres.

Tous les spécialistes de l’installation des populations que le colon a désigné par « Guinée », s’accordent à reconnaitre que les populations de la Guinée sont originaires du Sahel, à l’exception notable des Mandeyi et des Lomas, et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. Certains des membres de ces groupes ne sont même pas venus ensemble comme les Bagas, les Nalous et les Peuls.

Les groupes ethniques en Guinée (que l’on dénombre à 24) donnent l’illusion à leurs membres d’avoir une origine lointaine commune, un destin identique et des valeurs meilleures que celles des autres. C’est ce sentiment développé et véhiculé qui consolide l’unité du groupe et renforce la solidarité. Pourtant, il n’est pas rare de constater dans la même ethnie, la pratique de plusieurs religions et des variations du phénotype et des ressemblances entre des individus appartenant à des ethnies différentes.

Chaque groupe fait croire, par la socialisation de ses membres, que sa culture, la manière d’être et de vivre sont les seules valeurs respectables. Dans la réalité, les différences affichées et parfois revendiquées ne sont que variations d’adaptation.

Les Guinéens ont une longue histoire commune, une histoire antérieure à celle de l’État guinéen et même à la colonisation. On sait avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (vers 1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest.

Cette mobilité s’est poursuivie et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et États de la région (Mali au 13ème siècle, Songhaï au 15ème siècle, Ségou au 17ème siècle, Foutah Djalon et Macina au 19ème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

Cette histoire commune a façonné des liens (parenté à plaisanterie, liens matrimoniaux et autres liens de solidarité) qui soudent la société guinéenne et lui permet d’affronter les vicissitudes du « vivre ensemble ». Les ethnies qui habitent la Guinée sont semblables sur l’essentiel. Le mariage est le lieu privilégié de procréation, le système dominant est le patriarcat et la gérontocratie et la solidarité sont valorisées. Bref, les ethnies ont, pour l’essentiel, les mêmes valeurs. Les différences sont surtout linguistiques et organisationnelles, résultats des particularités historiques, démographiques et d’adaptation à l’environnement de vie. Même linguistiquement, ces 24 groupes ethniques se regroupent en deux familles de langues[5] pour parler comme les linguistes :

  1. Le groupe mandé qui regroupe le maninka, le Koniaka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et ;
  2. Le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

Les Guinéens n’ont aucun problème à vivre ensemble, au sein du même quartier, dans la même cour, se marier entre eux, sans aucune considération autre que les sentiments des prétendants et le revenu de l’un ou de l’autre. Certes, les hommes de certaines communautés ont plus de difficulté que d’autres à contracter des liens matrimoniaux dans toutes les communautés et surtout dans toutes les familles.

Dans la vie de tous les jours, la différence ethnique est moins importante que celle en lien avec les classes sociales (pauvres et riches) et aux stratifications sociales (castes et autres catégories stigmatisées).

Ce n’est pas pour rien qu’en dépit des tensions orchestrées par certains acteurs politiques au moment des seconds tours des élections présidentielles, la Guinée n’a jamais basculé dans la guerre civile, ni dans la tentation de la sécession régionaliste. C’est d’ailleurs l’une des particularités de la Guinée : pays fragile sans mouvement sécessionniste.

Ce que tous les Guinéens ont voulu et veulent, en dépit de la suspicion, de la méfiance et de l’instrumentalisation ethnique, c’est d’être des Guinéens avec des droits identiques, des possibilités réelles de s’épanouir, de se réaliser et de pouvoir bénéficier des mêmes droits dans le choix des dirigeants du pays, d’accéder à la présidence de la République, aux hautes fonctions de l’administration publique et aux marchés publics sans aucune discrimination.

On peut dire, et ma spécialité et ma connaissance de la Guinée me le permettent, le problème de l’ethnicité en Guinée porte essentiellement sur l’accès aux ressources de l’État, aux avantages qu’ils procurent, aux privilèges qui s’y rattachent, à savoir :

  1. La présidence de la République et les accessoires que ce régime présidentiel offre, car il est sans contrôle ; les postes de l’administration publique (le président de la République nomme et révoque du plus grand au plus petit fonctionnaire) ;
  2. Les marchés publics (le président de la République attribue, à sa guise, richesses et pauvreté à qui il veut, comme Dieu) ;
  3. Les services sociaux comme les évacuations sanitaires aux frais de l’État et les bourses d’études à l’étranger logées à la présidence de la République.

On peut donc dire que l’ethnicité au niveau des élites administratives, politiques et commerciales est une stratégie individuelle qui permet d’accéder aux ressources de l’État. C’est une stratégie identique qui a été utilisée par certains jeunes après le 5 septembre pour éliminer toute concurrence en obtenant du nouveau chef de l’État qu’il dise qu’il n’y a pas « une école d’expérience » et « pas de recyclage ». L’ethnie, la jeunesse, les femmes, les handicapés ne sont rien d’autres que des variables que certains activent pour éliminer la concurrence, en vendant une catégorie « naturelles » en lieu et place d’une compétence.

Cette stratégie peut devenir collective en raison du fait que celui qui contrôle le pouvoir suprême récompense les membres de son « groupe ethnique » pour service rendu, l’appui à accéder à la présidence.

Contrairement à une idée largement répandue, tous les partis politiques guinéens ne sont pas « ethniques », certains qui ont recours à l’ethnicité le font à leur corps défendant. Rares sont aussi les partis politiques qui ne jouent pas de la corde ethnique à un moment ou à un autre, en des circonstances particulières et en présence de certains enjeux.

Si les partis se servent du fait ethnique ou sont facilement identifiables à des groupes ethniques, c’est parce qu’en dépit de l’existence de la réalité ethnique, les règles juridiques de la Guinée soumettent les candidats à la présidence, surtout au second tour, à l’instrumentalisation de l’ethnie pour gagner l’élection.

Depuis notre indépendance, nous mimons d’autres pays comme si nous avions une même histoire, un même processus de construction étatique et les mêmes populations avec la même sociologie.Le fait de demander que la nouvelle constitution tienne compte de la dimension sociologique ne signifie pas que les Guinéens doivent avoir une « constitution ethnique » comme au Liban ou le Burundi avec un partage ethnique du pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les Guinéens sont des « ethnos », ni plus, ni moins que d’autres Africains dans la sous-région. Il s’agit simplement d’avoir une constitution qui renvoie l’ethnie dans la sphère privée et domestique. C’est ma proposition exposée ci-dessous.

QUELLE CONSTITUTION POUR LA GUINÉE

La configuration ethnique de la Guinée et le passé politique devraient amener le législateur « pouvoir constituant dérivé » à proposer une constitution qui brouille le repérage ethnique en choisissant un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un premier Ministre, comme dans le modèle des Etats-Unis ou du Nigéria.

Ce modèle est celui du Nigéria après la guerre de sécession, du Kenya après les violences ethniques post-électorales, de l’Afghanistan après la longue guerre civile, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire après les sanglantes guerres civiles dans ces deux pays.

Les critiques « juridiques » peuvent faire valoir que le vice-président dans le modèle américain est un président en réserve « un corps sans vie » jusqu’à l’empêchement de « l’autre », le président en exercice à la suite duquel il achève le mandat.

Dans la sociologie électorale de la Guinée, l’objectif n’est pas d’avoir un président « bis », mais plutôt d’avoir quelqu’un avec lequel on fait la campagne électorale pour éviter la « tribalisation » du débat électoral. Celui qui va aider son colistier à ne pas nommer seulement les membres de sa communauté, à ne pas tribaliser l’administration.

Dans une configuration institutionnelle pareille (président et vice-président), il serait suicidaire politiquement pour chaque candidat de choisir son colistier au sein de sa communauté. Quel que soit le nombre de candidats, on aura une configuration des tickets avec des combinaisons « mathématiques » de la Guinée dans sa diversité la plus large.

Dans ces conditions, il sera impossible de coller des étiquettes ethniques aux candidats en compétition. Et en même temps, on réduit la capacité des manipulateurs de la « chose ethnique », à trouver la faille à partir de laquelle ils pourraient l’instrumentaliser. En fait, ce type de régime aurait pour mérite de brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple.

Dans ce type de régime politique proposé et, pour permettre à l’équipe présidentielle d’avoir un bilan avant la fin de son mandat, il serait souhaitable d’avoir un mandat de 7 ans non renouvelable[6]. Un mandat de 7 ans devrait permettre à l’exécutif de faire un état des lieux des différents ministères, de monter des projets et des programmes, de mobiliser les ressources et de conduire les actions jusqu’au bout du mandat sans se soucier de l’élection à venir. Si la performance de ce mandat est probante, il serait possible que ce ticket dans sa combinaison actuelle ou dans une autre formule de se représenter après le mandat de ses successeurs afin de faire mieux lors du second mandat qui n’est possible que 7 ans après. Cette disposition a un double avantage à savoir :

  1. Ce mandat unique prédispose l’équipe présidentielle élue à se concentrer exclusivement sur son mandat et à la mise en œuvre de son programme (état des lieux, élaboration des projets, mobilisation des ressources et mise en œuvre, suivi et évaluation) et donner à voir les résultats avant de quitter le pouvoir ;
  2. Ce mandat unique empêche l’utilisation des ressources publiques par l’équipe sortante dans le cadre d’une nouvelle campagne électorale.

Si les Guinéens souhaitent deux mandats, il est préférable d’avoir deux mandats de 7 ans que deux mandats de 5 ans. Car dans un mandat de 5 ans, compte tenu du temps nécessaire pour des ministres de comprendre les rouages de l’administration publique, de faire un état des lieux objectif, de proposer une vision, de mobiliser des ressources[7], un gouvernement perd au minimum 18 mois avant de commencer de mettre en œuvre son programme. Dès la 4ème année, le président et son équipe retournent en campagne pour une année. S’il est reconduit, le processus recommence. De sorte que sur 10 ans, un président ne peut travailler réellement que 5 ans. Par contre, dans un mandat de 7 ans renouvelable, le président peut avoir 12 ans pour mettre en œuvre ses projets et programmes.

Une élection présidentielle et législative chaque 7 ans aurait l’avantage d’utiliser le budget national et l’appui budgétaire des partenaires techniques et financiers à autre chose qu’à financer des élections. Selon le rédacteur en chef[8] du Lynx, les élections législatives et présidentielles entre 2015 et 2020 ont « englouti pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens soit près de 139 millions d’Euros. Un budget qui vaut plus du tiers du montant pour la réalisation de la route Mamou-Dabola qui est en chantier. Car le coût de ce projet est de 357 millions 302 942 mille Euros pour 370 Km ».

Dans ce régime, il serait souhaitable de canaliser l’équipe présidentielle dans l’exercice de son mandat, car « tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser. Seul le pouvoir arrête le pouvoir », en indiquant dans la constitution le nombre maximum des membres du gouvernement, de conseillers à la présidence et en limitant les postes à nomination qui relèvent de l’autorité du président (les ministres, les ambassadeurs et les chefs militaires).

Les ministres et les ambassadeurs proposés par le Président de la République devraient se soumettre à l’obligation d’audition devant les députés pour décliner leur feuille de route et permettre aux députés de produire une fiche évaluative à l’attention du Président de la République sur leur capacité à présenter et à défendre leurs dossiers et leur vision du secteur avant la signature de leur décret. Le président n’est pas obligé de modifier sa décision de nomination, mais il a une évaluation objective sur le personnel le plus élevé de sa gouvernance.

Les ministres devraient bénéficier de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux y compris ceux du pool financier, des ressources humaines et de la passation des marchés[9]. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division.

Ce régime présidentiel doit l’être dans toute sa plénitude avec une séparation nette et étanche entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il faut trouver les mécanismes et des modalités visant à garantir l’indépendance et l’intégrité du judiciaire en réduisant de façon drastique l’instrumentalisation des cours et des tribunaux par l’exécutif.

Il existe aussi dans l’air du temps l’idée d’avoir deux chambres (Haute et Basse), personnellement, je suggère une véritable décentralisation comme le dit si bien Bérété[10] dans sa thèse de doctorat en proposant que « Ces réformes devraient consacrer la séparation réelle des pouvoirs et la clarification des compétences entre l’Etat et les structures administratives en milieu local. Elles devraient ensuite impliquer l’augmentation des échelons territoriaux, le transfert progressif des compétences et des ressources et la définition du rôle des nouveaux acteurs du développement à la base : les Organisations de la Société Civile »[11]. Il a été transféré à des collectivités de base, les communes, des compétences qu’il aurait fallu donner à la région et à la préfecture. Car elles sont mieux outillées pour assurer ce transfert de compétences que les communes en l’état actuel. Au niveau des partis politiques qui arrivent à avoir des députés à l’assemblée nationale, il serait souhaitable de prévoir une subvention de 5% pour les financer afin d’éviter le financement du président fondateur. Naturellement, ce financement devrait avoir comme conséquence le non-financement d’un parti par un leader et toute autre personne, entité et/ou société avec obligation d’assurer le contrôle des dépenses des partis politiques par la Cour des Comptes, comme n’importe quelle entité qui reçoit des finances publiques. Si les dons et legs sont acceptés, ceux-ci devraient passer par le bureau de l’assemblée nationale pour assurer leur traçabilité.

Dans ce cas de figure, on devrait prévoir et codifier une procédure démocratique interne à chaque parti politique. Un cadre organique devrait indiquer certaines modalités de gestion de chaque parti politique avec l’obligation d’avoir une carte du parti et de payer ses cotisations annuelles pour être électeur et éligible au sein du parti. Les élections internes devraient être régulières et précéder les consultations nationales. Ces élections devraient se faire par l’organisme national en charge des élections du pays qui doit être à l’image de celle du Ghana avec des commissaires techniques qui ont la sécurité de mandat : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». Dans ce système,aucun des élus ne devrait pouvoir changer d’étiquette politique en quittant son parti pour rejoindre un autre parti en cours de mandat ou créer un groupe politique.

En termes clairs, cette transition pour réussir doit rompre avec la trajectoire des précédentes pour que la démocratie ne soit ni communautaire, ni un moyen de créer et d’entretenir des dirigeants autoritaires, ni d’aider à avoir des politiciens de « chambre » d’accéder au pouvoir par le jeu de la transhumance et des allégeances de circonstances. De même, on ne devrait pas refaire les erreurs de 2010 en créant plusieurs organes[12] budgétivores pour caser le plus grand nombre de personnes.

On se doit de tirer les leçons des décisions sociologiquement erronées des deux premières transitions (1984 et 2009), pour éviter d’être schizophrénique, car “la folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent” (Albert EINSTEIN).

CONCLUSION

Au terme de cet exposé, il me plait de dire en quelques mots les grandes lignes de ma réflexion sous la forme de propositions non noyées dans des considérations théoriques et académiques dans l’espoir que quelques-unes au moins trouveront une oreille attentive auprès des Guinéens.

  • Considérant que le régime politique guinéen a toujours été un régime marqué par une forte primauté du Président de la République sur les autres pouvoirs et institutions de la République avec un pouvoir de nomination à tous les emplois militaires et civils, y compris ceux qui pourraient relever des ministres sectoriels ;
  • Constatant l’instrumentalisation ethnique et régionaliste lors du second tour des élections présidentielles ;
  • Soucieux de doter le pays d’un système politique qui corrige les erreurs du pays ;
  • Proposons un régime politique de type présidentiel avec un ticket (président et vice-président), sans un Premier Ministre, pour brouiller les logiques ethniques qui se rattachent à la candidature singulière d’un homme qui demande le suffrage du peuple ;
  • Suggérons que la durée du mandat présidentiel soit de 7 ans non renouvelable ;
  • Proposons qu’il soit prévu que le Vice-Président achève le mandat du Président en cas de vacance du pouvoir ;
  • Insistons pour que le nombre de ministres dans un gouvernement, de conseillers à la présidence et dans les cabinets ministériels soit déterminé dans une loi organique à adopter avant la constitution ;
  • Plaidons pour que les futurs ministres soient auditionnés par les députés, avant leur nomination, afin qu’il soit établi par les députés à l’attention du Président de la République une fiche d’avis technique ;
  • Demandons que le Président ne nome que les ministres, les conseillers à la présidence, les ambassadeurs et les chefs militaires ;
  • Suggérons que les ministres bénéficient de l’autorité nécessaire pour désigner les membres de leur cabinet (chef de cabinet, conseillers et attaché de cabinet) et les directeurs nationaux techniques et le pool financier, les ressources humaines et la passation des marchés. De même, chaque directeur devrait avoir l’autorité de proposer les chefs de division de sa direction et les chefs de section devraient être proposés par chaque chef de division ;
  • Exigeons la possibilité de candidatures indépendantes à toutes les élections (présidentielle, législative et locales) ;
  • Demandons la refonte totale du code électoral pour l’adapter au mode électoral majoritaire et en supprimant en particulier plusieurs dispositions qui facilitent la fraude électorale du bureau de vote à l’organe de gestion des élections ;
  • Proposons un Organe de gestion des élections (OGE) technique avec des membres qui ont la sécurité de mandat comme au Ghana : « ils sont nommés à vie et ne peuvent pas être relevés brutalement de leur fonction par le Président de la République ». On peut même y ajouter d’autres éléments de sécurité supplémentaire.

Pr. Alpha Amadou Bano BARRY (PhD, sociologie) Enseignant-chercheur/Université de Sonfonia/Conakry/Guinée

NOTES

[1]En Guinée, on ne devient coupable que lorsqu’on a été ministre. Tous les autres, ceux au-bas de l’échelle administrative, ne sont coupables de rien.

[2]Le système électoral d’un État comprend l’ensemble des règles, normes et institutions régissant la préparation, l’organisation et la conduite des élections. Il peut difficilement être analysé en dehors du cadre institutionnel du régime politique en vigueur.

[3]Le Ghana a connu sa première alternance lors des élections présidentielles de 2000 qui vit la défaite de Jerry Rawlings en faveur de John Kufuor.

[4]Duverger, M (1976) ; « Les partis politiques » ; Armand Colin, Paris, France.

[5]Contrairement à ce que beaucoup « d’analphabètes » diplômés disent, une famille linguistique n’est pas une parenté ethnique ni une appartenance au même groupe ethnique.

[6]Dans tous les cas, on se souviendra que dans un mandat de 5 ans, la pré-campagne et de la post-campagne absorbent 2 ans et ont des effets réels sur la création et la gestion des ressources nationales.

[7]Si le financement vient des partenaires techniques et financiers et non d’un prêt que la FMI refuse au nom du principe du taux d’endettement admise pour ces gendarmes des pays pauvres, il faut compter 2 ans avant de voir la couleur de l’argent. Car avec ces partenaires, le processus est plus important que le résultat.

[8]Mamadou Siré Diallo.

[9]L’ancien président avait déjà acté la nomination du responsable de passation des marchés par chaque ministre de tutelle. Il faut aller plus loin en éliminant le fait que les ministres sectoriels (finances, budget et fonction publique) nomment du personnel au sein des autres ministères. Sur d’autres publications, je vais revenir plus en détail sur cette nécessité.

[10]Mohamed Bérété (2007) ; « La décentralisation et le problème de la monopolisation du pouvoir par l’appareil d’Etat en République de Guinée », Thèse de Doctorat, Université Robert Schuman, Strasbourg, France.

[11]Rares sont les cadres du ministère de l’administration du territoire qui ont lu ladite thèse et il aurait plus utile dans ce ministère qu’à la santé.

[12]11 ans plus tard, certains de ses organes (Haute Cour de la justice, Haut conseil des collectivités) n’ont pas vu le jour.





CNRD : après 10 mois d’errance gouvernementale, l’ultime trahison


Point de vue


Par Alpha Boubacar BALDE

Dans la matinée du 5 septembre 2021, le CNRD, cet organe né des méandres de l’Unité des Forces Spéciales (UFS) censée protéger le pouvoir corrompu et despotique d’Alpha CONDE s’emparait du pouvoir. Cette unité initialement, créée de toute pièce dans le but de protéger son pouvoir, allait en fait servir à mettre un terme à son « Inaptocratie ». Les voies du seigneur sont impénétrables. Face au péril qui menaçait notre pays, ces hommes mirent fin au régime kleptocrate du sieur CONDE. Ils motivèrent pour cela, leur intervention par la volonté de mettre en place un état démocratique dont la « JUSTICE » serait la boussole. Pour bénéficier de l’onction populaire, les putschistes exhibèrent Alpha CONDE tel un trophée de guerre sur l’axe des martyrs et de la démocratie. Le seul axe routier de la capital, qu’il (Alpha CONDE) n’emprunta quasiment jamais durant les 11 ans de sa gouvernance erratique. Le CNRD, surfant sur le sentiment de frustration de cette population martyrisée de l’axe, obtint ainsi, la liesse populaire lui donnant une caution de légitimité par adhésion populaire.

A la lumière des faits, après 10 mois d’errance gouvernementale depuis la prise de pouvoir par ce groupuscule, et la mise en place bancale et opaque des instances de la transition, il s’avère que le CNRD dont l’identité des membres reste encore un mystère à ce jour est une énième trahison du peuple martyr et résigné de Guinée. Une fumisterie de plus au grand dam des rêves et aspirations d’un peuple mainte fois trahis par ceux-là qui le gouverne !

L’euphorie des premiers jours, l’espoir d’un renouveau démocratique, l’aspiration profonde du peuple pour un changement dans le système de gouvernance vient aujourd’hui de voler en éclat. Malgré les indices perceptibles parsemés dans les décisions plus que douteuses prises sur les 10 derniers mois, le peuple a continué à accorder sa confiance au CNRD. Désireux d’un changement positif dans son quotidien, il (le peuple) a fait fi des signes annonciateurs de cette dérive barbare et prévisible de l’aile toxique du CNRD.

L’arrestation brutale et injustifiée des membres du FNDC pour des motifs fallacieux égrenés sur FIM FM hier par un « PRO-CRIEUR » addict au buzz. Il faut dire, que c’est grâce au buzz de sa décision de justice concernant FONIKE MENGUE sous l’ère Alpha CONDE qu’il est sorti de son anonymat. Depuis, l’homme est à la recherche de notoriété (buzz), il espère ainsi accéder à l’ascenseur social avec en ligne de mire la chancellerie ou peut être la cour suprême. Il agit et réagit comme les influenceurs qui pullulent sur les réseaux sociaux, toujours à la recherche buzz pour faire parler d’eux. Du juge prometteur qu’il semblait être, il est devenu un PRO-CRIEUR Lucky Luke qui tire sur tous ce qui bouge quitte à rater la cible. Il intente des actions en justice même lorsqu’il n’y a pas matière à le faire. Il fait des interprétations approximatives en matière de droit, selon Me Traoré du CNT. Un vrai addict au buzz… Une cure de désintoxication s’impose à son niveau pour qu’il redescende sur terre. La recherche permanente de buzz l’a privé de ses neurones.


Les vielles pratiques ont la vie dure et peuvent se révéler utiles lorsqu’il s’agit de mettre hors d’état de nuire (museler) les combattants de la démocratie qui refusent de courber l’échine face à la junte.


Que dire des policiers et agents de sécurité de la BRB qui ont mené cette sale besogne hier au siège du FNDC ! Ils sont restés fidèles à leur piètre réputation. Malgré les beaux discours du ministre de la Sécurité et de la protection civile, il faut croire qu’il y a encore du chemin à faire. Les vielles pratiques ont la vie dure et peuvent se révéler utiles lorsqu’il s’agit de mettre hors d’état de nuire (museler) les combattants de la démocratie qui refusent de courber l’échine face à la junte. En tant que ministre de tutelle, sa responsabilité est directement engagée. Monsieur le ministre, vous êtes responsable de cette cabale qui fait honte à votre département. Votre silence vaut approbation des agissements de vos agents. Dans un pays normal, l’ensemble des agents ayant participé à cette arrestation digne des goulags nazi auraient été limogés et sortis des rangs de la sécurité et protection civile pour servir d’exemple et être l’électro-choc dont ce ministère a besoin pour enfin être au service du peuple et non d’un pouvoir.

Hélas nous sommes en Guinée.

Cette junte qui refuse de s’identifier et de s’atteler à sa principale mission : « Conduire une transition apaisée, inclusive et transparente, comme elle s’y était engagée à ses premières heures ». Aucune transition n’a développé un pays.

Aux membres toxiques de ce groupuscule qui mettent en péril cette transition, aujourd’hui vous êtes fort, demain vous ne serez rien. Seul le pouvoir de Dieu est éternel. Des puissants d’hier croupissent aujourd’hui à la maison centrale en dehors de tous cadre légal, votre tour arrivera sans doute. Le karma vous rattrapera, c’est une certitude. Vous vous croyez éternels ? Sachez qu’il n’y a rien de plus éphémère que le pouvoir. Le soir du 4 septembre Alpha CONDE était tout puissant président dans la petite matinée du 5 septembre il n’était rien qu’un vulgaire colis trimballé sur l’axe des martyrs et de la démocratie pour prouver la réussite du coup d’état. Méditez, Dadis est exilé au Burkina depuis plus de 10 ans, Sékouba Konaté est devenu un aventurier, Alpha CONDE est un ex-président qui fait l’objet de mesures humanitaires de l’actuel homme « fort » du pays pour aller se soigner.

Aux jeunes qui sont avec le CNRD parce que bénéficiant d’avantages quelconques et qui cautionnent ces abus, sachez que l’exigence de la justice est la seule chose qui nous protègera tous. Vous taire pour continuer à bénéficier des avantages liés aux fonctions que vous exercez aujourd’hui ne vous protègera pas demain de l’abus des prochaines autorités. Nous ne pouvons continuer à tourner en rond et espérer avancer. Ils disaient qu’ils ne commettraient pas les erreurs du passé. Là ils font pire. Pensez-y !

Que dieu ait pitié de notre peuple martyrisé par ses gouvernants égoïstes et incompétents.

Un citoyen désabusé


Du même contributeur – Lire aussi Des avancées mais aussi des manquements … La lettre ouverte au Colonel Mamadi DOUMBOUYA





Forces spéciales en Afrique: de la lutte contre le terrorisme aux coups d’État, histoire d’une imposture

Transition/Afrique


« … J’ai demandé l’année dernière des munitions pour entraîner mes troupes au tir, mais [je] ne les ai jamais reçues parce que mes dirigeants [politiques] craignent que je m’en serve pour provoquer un coup d’État… », ainsi s’exprimait le commandant Mamadi Doumbouya dans le cadre d’un témoignage livré à l’occasion du colloque organisé à l’école militaire de Paris le 27 novembre 2017 sur le thème de la prise en compte de l’interculturalité dans les actions militaires.

Ironie du sort, un coup d’État militaire, perpétré par le Groupement des forces spéciales (GFS), a renversé le régime du président Alpha Condé le 5 septembre 2021, après que ces fameuses munitions destinées à l’entrainement ont été mises à la disposition du désormais colonel Mamadi Doumbouya. De façon analogue, le double coup d’État intervenu au Mali est l’œuvre du Bataillon autonome des forces spéciales (BAFS) dirigé par le colonel Assimi Goïta. À ce même titre, ce sont les éléments de l’armée burkinabè directement en charge de la lutte contre le terrorisme qui ont pris le leadership dans le coup d’État intervenu dans ce pays.

Ces trois exemples illustrent un paradoxe ouest-africain. Ces unités d’élite des armées mises en place pour défendre leurs pays respectifs contre le terrorisme et d’autres types de menaces, se retrouvent aujourd’hui à la tête de ces États à la faveur des coups d’État, et exercent des fonctions politiques pour lesquelles elles ne sont pas formées.

Par conséquent, il nous appartient de nous interroger si la lutte antiterroriste ou les dérives dictatoriales dans un pays suffisent pour s’accaparer du pouvoir civil sans jamais donner une visibilité sur le retour à l’ordre constitutionnel tel qu’il résulte des transitions malienne et guinéenne. En d’autres termes, au regard des volontés de confiscation du pouvoir politique qui se manifestent dans ces deux pays, sommes-nous en droit de considérer ces forces spéciales comme une imposture ? et Comment les pouvoirs civils peuvent-ils se renouveler pour éviter les coups d’État à l’avenir ?

Forces spéciales, des résultats limités dans la lutte anti-terroriste

Les conséquences directes de la guerre en Libye se sont traduites par l’émergence avec acuité de nouveaux problèmes de sécurité et de stabilité dans notre sous-région. La colonne de blindés qui se dirigeait tout droit vers Bamako en 2013 n’a été arrêtée qu’avec le concours de l’armée française. Ce terrorisme, naguère présent dans la zone sahélienne sans représenter un danger direct pour l’État central, est devenu aujourd’hui une menace existentielle beaucoup plus importante pour la survie même de nos États ouest-africains à l’image de ce qui s’est produit sur les parties des territoires de la Syrie et de l’Irak sous le joug de l’État islamique. Rien pourtant ne préparait nos États à cet enjeu de sécurité et de stabilité.

C’est à cet instar que les forces spéciales ont été instituées un peu partout en Afrique de l’Ouest dans le cadre de vastes programmes de réformes des secteurs de la sécurité touchant à la fois la police, la gendarmerie et les armées. La coopération internationale a été d’une grande aide dans cette démarche.  Particulièrement, des forces spéciales, unités d’élite des forces armées surentraînées et bien équipées pour tenir tête aux djihadistes ont été constituées et rendues opérationnelles à travers notre sous-région.

Mais il faut avouer tout d’abord que les résultats militaires ne sont pas au rendez-vous, en partie en raison de leur manque d’expérience dans la lutte antiterroriste.

Le terrorisme est une guerre non conventionnelle, qui nécessite des stratégies et techniques particulières, et nos armées se retrouvent souvent dépassées par ce phénomène, notamment au Mali, avec un bilan humain et matériel loin d’être satisfaisant. Il faut rappeler que même les armées les plus puissantes au monde continuent de mener cette lutte, sur leurs territoires et ailleurs dans le monde, en se servant régulièrement des expériences acquises de façon très douloureuse pour améliorer continûment leurs méthodes et techniques de lutte contre le terrorisme. C’est en ce sens qu’il est primordial de renforcer nos partenariats avec ces puissances occidentales pour continuer à former et équiper nos militaires et leur inculquer un savoir-faire indispensable aux échanges d’informations et à l’obtention des résultats palpables pour nos forces de défense et de sécurité.

Dans le cas guinéen, c’est davantage le manque de professionnalisme des forces de défense et de sécurité qu’il convient de souligner. C’est un fait qui caractérise notre armée depuis l’accession à l’indépendance de notre pays et en dépit de tous les investissements réalisés dans ce domaine par les gouvernements successifs. Beaucoup de pays voisins ont pourtant réussi à améliorer le professionnalisme de leurs forces armées notamment le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire pendant que la Guinée se démène encore sur ce sujet. Les forces spéciales n’ont pas réussi à changer cette image peu reluisante.

Les forces spéciales, une solution erronée pour des problèmes réels

Depuis quelques années désormais, ces unités d’élite des forces armées se sont peu à peu éloignées de leur mission initiale et fondamentale de lutte contre le terrorisme et de sauvegarde de l’intégrité territoriale pour se reconvertir de facto en politiques par le truchement des renversements de gouvernements élus. Ce fut le cas au Mali, en Guinée et au Burkina Faso comme évoqué plus haut. Aussitôt arrivé au pouvoir, ces juntes revêtent une forme de pseudo-nationalisme, se drapent dans une sorte de panafricanisme du dimanche, et s’érigent contre la communauté internationale, simplement parce que celle-ci dénonce par principe tous les coups d’État et appelle à un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Cet état de fait pose un sérieux problème, empêche dans nos pays des alternances politiques et pacifiques régulières et altère les acquis démocratiques précédemment enregistrés.

Faire ce constat ne signifie pas qu’il faille occulter les problèmes posés par les régimes civils. La véritable problématique, résultant de l’incapacité de ces pouvoirs élus à satisfaire les besoins primaires de leurs populations, reste tout entière. En ce sens, le tripatouillage constitutionnel et la mauvaise gouvernance doivent être combattus sous toutes ses formes. Comme en Guinée, la modification constitutionnelle irrégulière a représenté la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce fut le prétexte parfait pour ceux-là mêmes qui ont pourtant été le bras armé du pouvoir d’Alpha Condé pour réprimer les militants opposés à ces révisions constitutionnelles. Au Mali et au Burkina-Faso, c’est l’absence de moyens et de résultats dans la lutte antiterroriste et les problèmes de gouvernance qui ont été évoqués pour justifier les putschs. Il faut avouer que c’est un bien curieux procès fait au pouvoir civil par ceux-là même qui sont formés pour apporter des solutions et mener cette lutte contre le terrorisme.

On retrouve encore des éléments de ces forces spéciales en grand nombre se balader dans les rues avec des équipements tactiques et des engins de guerre, en dehors de tout cadre légal, contribuant au passage à renforcer le sentiment d’insécurité dans nos pays.

Par ailleurs, le fait que nous nous retrouvons, après plusieurs mois déjà, dans un processus de transition où on ne parle encore que de la durée de la transition et du chronogramme en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, notamment en Guinée et au Mali, prouve à suffisance que le recours à ces forces spéciales n’est pas une bonne solution pour diriger un État. Il ne pouvait s’agir au mieux que d’une solution temporaire. Nous observons en outre le mépris opposé par ces autorités militaires à l’égard de la main tendue de la classe politique, la société civile et la communauté internationale afin de collaborer à la définition d’un agenda pour favoriser la sortie de la transition par l’organisation d’élections inclusives, libres et transparentes.

En tout état de cause, nous pouvons effectivement considérer ces forces spéciales comme une double imposture. Une imposture pour avoir délaissé les missions qui leur ont été confiées et pour lesquelles elles ont été chèrement formées aux frais du contribuable, avec un faible résultat dans la lutte contre le terrorisme notamment au Mali et au Burkina-Faso. Ce délaissement expose ces pays à des risques non maitrisés. Mais plus grave encore, une imposture politique pour avoir trahi les espoirs qu’ils ont fait naitre au lendemain des coups d’États.

Forces spéciales et classe politique, quelles solutions pour éviter ces dépassements de fonctions?

Si ces problèmes d’imposture des forces spéciales d’un côté et quelquefois l’inefficacité du pouvoir politique de l’autre restent prégnants, des solutions vigoureuses s’imposent pour arrêter ce mouvement de balancier entre coup d’État militaire et régimes issus d’élections.

Sur le plan militaire, les actions peuvent porter sur 3 points complémentaires :

  • Il convient tout d’abord de continuer et approfondir les réformes des forces de défense et de sécurité en vue de sa plus grande efficacité et professionnalisation. Les académies militaires au Nigeria peuvent servir de référence en terme de formation.
  • Sur le plan sociologique et surtout en Guinée, il convient de travailler sur les procédures de recrutement dans l’armée. L’image d’une armée perçue comme corps de recyclage des hommes irrécupérables pour la société doit changer. L’armée ne doit plus être une deuxième ou troisième chance pour les gens qui ont un comportement déviant pour la société.
  • Et enfin, sur un plan purement symbolique, les honneurs militaires doivent être renforcés et multipliés au titre de la démonstration d’une soumission séculaire du pouvoir militaire au pouvoir civil, indispensable à l’instauration durable de la démocratie.

Sur le plan politique, nous proposons un substitut démocratique au coup d’État.

Nous appelons, en effet, à doter nos pays d’outils démocratiques dont l’existence décrédibiliserait et disqualifierait tout recours à la force au nom du peuple. La procédure de révocation des dirigeants vis-à-vis desquels les mécontentements du peuple subsistent peuvent être un recours à cet effet. C’est un moyen de donner au peuple la possibilité d’écourter par lui-même le mandat d’un élu déviant.

Il s’agira notamment en Guinée de prévoir dans la prochaine Constitution, une telle disposition, qu’il conviendra toutefois d’encadrer et de faire accompagner par des mesures rendant possible sa mise en œuvre effective sans obstruction possible des dirigeants concernés. Un tel procédé existe dans l’État américain de Californie sous l’appellation de « Recall. »

La stabilité de notre sous-région et la hausse de la pauvreté sont en jeu. Les élites militaires et les forces spéciales doivent se contenter de satisfaire leurs missions de défense et de protection de nos États au prix de la mise à leur disposition des moyens nécessaires à la réalisation de celles-ci.

Les pouvoirs civils doivent, quant à eux, se montrer plus démocratique au bénéfice de leurs populations tout en veillant à couper l’herbe sous une quelconque possibilité de renversement avec l’onction populaire. Cela passe aussi par une très grande culture de transparence dans la gouvernance, l’indépendance de la justice et le renforcement des institutions démocratiques.

Se résigner face à ces juntes serait suicidaire pour notre sous-région et contribuerait à normaliser les coups d’État. Dans une telle situation, aucun pouvoir civil ne sera jamais à l’abri d’un coup d’État, peu importe ses performances démocratiques. Car n’importe quel chef militaire avec des armes et quelques éléments sera capable de renverser n’importe quel pouvoir civil avec le soutien de toute l’armée.

Il est donc temps de mettre fin à cette spirale. D’où les propositions formulées ci-dessus pour faire face à cette double imposture des forces spéciales.

Karamoko Kourouma et LeJour LaNuit (profil facebook)


Ndlr cet article a été initialement publié par les auteurs avec le titre Forces spéciales : de l’espoir à l’imposture.





Coup d’Etat et transition: (dés)illusions démocratiques ?

Politique


Par Sékou Chérif Diallo


En prenant le pouvoir le 5 septembre 2021, le CNRD à sa tête le colonel Mamadi Doumbouya mettait ainsi fin à une dictature civile qui tirait sa supposée légitimité d’un habillage constitutionnel trafiqué. Ainsi, comme le souligne Samuel Huntington dans une étude sur « Les sources du prétorianisme », cité par Pierre Birnbaum et François Chazel, dans Sociologie politique Tome 2, 1971, en cas de chaos politique, l’hypothèse d’une intervention de l’armée dans la politique ne peut être totalement écartée dans les sociétés démocratiques. Selon lui, les causes les plus déterminantes de l’intervention de l’armée sont d’ordre politique et reflètent d’abord la structure politique et institutionnelle de la société. Les interventions de l’armée dans les pays dits du « sud » ne sont que la manifestation spécifique d’un phénomène plus vaste, à savoir l’absence d’institutions politiques capables de réguler et d’arbitrer les conflits.

Les militaires en Guinée, comme dans la plupart des pays africains, se considèrent comme garants des institutions et gardiens de la démocratie. « Gardiens de la démocratie » ? Il faut noter que cette rhétorique prétentieuse est parfois aux antipodes des réalités politiques dans plusieurs pays africains où l’armée est plutôt perçue comme le bouclier de fer qui se dresse entre les régimes dictatoriaux qu’elle protège et les peuples qui aspirent à la démocratie.

Ainsi, comme le souligne Céline Thiriot dans un article publié en 2008 intitulé La place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile resectorisation, les armées africaines sont très perméables aux clivages politiques. Selon l’auteur, « avec des armées désinstitutionnalisées, des autorités politiques fragiles, la force reste une ressource politique, et les militaires conservent un rôle et un pouvoir qui va bien au-delà des casernes ». Si tous les observateurs sont unanimes sur la proximité d’intérêts entre l’univers politique et celui militaire dans le contexte politique africain, Céline Thiriot abondant dans le même sens, soutient que « la réelle neutralité politique de l’armée n’existe pas dans l’absolu même dans les démocraties occidentales qui s’en font le chantre ». En Afrique, explique l’auteur, le « caractère apolitique des militaires reste très théorique. L’intrusion des militaires en politique a longtemps été la norme plutôt que l’exception ».

Le mirage des coups d’Etat dits « à objectif démocratique »

Qu’est-ce qu’un coup d’Etat ? Pour reprendre la définition donnée par Olivier Duhamel et Yves Méry dans Dictionnaire constitutionnel publié en 1992, le coup d’Etat est un « changement de gouvernement opéré, hors des procédures constitutionnelles en vigueur, par une action entreprise au sein même de l’Etat au niveau de ses dirigeants ou de ses agents. Cette action, le terme coup le suggère, est soudaine et sollicite la force ». Selon ces auteurs « par nature, l’armée est au premier chef, concernée par le coup d’Etat. Sans armée, la probabilité du coup d’Etat, disparait ».

Quelle légitimité ? « Cedant arma togae » cette célèbre citation de l’homme d’État romain et brillant orateur Cicéron, qu’on pourrait traduire par « Que les armes cèdent à la toge », défend la prééminence de la démocratie sur la force. En d’autres termes, l’armée doit obéir au pouvoir civil. C’est un rappel à la légitimité démocratique et au pouvoir des urnes, car toute chose imposée sans concertation est contraire à la démocratie. Georges Burdeau dans Traité de science politique, les régimes politiques, publié en 1970 abonde dans le même sens lorsqu’il écrit que la démocratie n’acquiert son véritable sens que si elle exclut « le pouvoir d’une autorité qui ne procéderait pas du peuple ». Selon cet auteur, « personne ne peut commander dans l’Etat qu’en vertu d’une investiture régulière. Il faut un titre pour commander et ce titre c’est la constitution qui définit les conditions dans lesquelles il doit être acquis. Elle désigne les gouvernements et fonde, du même coup, leur légitimité ».

Par ailleurs, il ressort de nos lectures, que la question des objectifs et finalités des coups d’Etat en Afrique occupe une place importante dans les débats politiques. Si le principe d’une condamnation systématique par les Etats et organisations internationales des coups d’Etat n’est plus à justifier car juridiquement inacceptable, il faut toutefois souligner que certains coups d’Etat (très peu nombreux) ont permis de restaurer la « démocratie » dans certains pays.

Ainsi, plusieurs auteurs se sont intéressés à cette réalité exceptionnelle dans un environnement africain où les coups d’Etat apparaissent le plus souvent comme le prolongement d’une pathologie politique endémique. Prenant l’exemple du Niger, Ismael Mador Fall dans un article intitulé La construction des régimes politiques en Afrique : succès et insuccès publié en 2014, n’hésite pas à parler de phénomène des coups d’État « salvateurs », « générateurs de constitutionnalisme ». Pour cet auteur, le putsch mené par le Général Salou Djibo en 2010 contre le régime du Président nigérien Mamadou Tandja, bien que condamnable dans son essence, est comptabilisé au nombre des « coups d’État salvateurs ». Il faut rappeler que Mamadou Tandja comme Alpha Condé, avait procédé à la modification de la constitution nigérienne pour s’octroyer un troisième mandat illégitime et illégal.

Coups d’Etat « salvateurs » pour les uns, « salutaires » pour d’autres, certains auteurs parlent carrément de coups d’Etat démocratiques. Le plus célèbre parmi ces auteurs ayant défendu la notion de « coup d’Etat démocratique » est le chercheur d’origine turque Ozan Varol de l’université de Harvard qui, dans un article publié en 2012 intitulé The Democratic Coup d’Etat, soutient que les coups d’Etat militaires pourraient mener, dans certains cas, à la démocratie. Cependant, l’auteur souligne que la grande majorité des coups d’État ne rentrent pas dans ce cadre parce qu’ils n’aboutissent pas forcément au renforcement de la démocratie par l’organisation d’élections libres et transparentes. Pour être qualifié de coup d’Etat démocratique, selon l’auteur, un certain nombre de caractéristiques sont indispensables. Parmi lesquelles : le coup d’Etat est perpétré contre un régime autoritaire ; c’est une réponse à un rejet populaire du régime ; l’armée accepte d’organiser des élections dans un délai court et procède au transfert du pouvoir à des dirigeants démocratiquement élus.

Poursuivant sa démonstration, Varol, souligne que les objectifs poursuivis par les auteurs des putschs et la manière de gérer le pouvoir (la transition) sont des indicateurs qui permettent de faire la distinction entre les coups d’Etat classiques, perpétrés par des personnes désireuses de prendre et exercer le pouvoir dans leur propre intérêt et les coups d’Etat à « objectif démocratique » où les putschistes affichent une volonté de rectification d’une trajectoire jugée autocratique du régime déchu. Dans les coups d’Etat classiques, les putschistes s’emparent de tous les leviers du pouvoir, tandis que chez les putschistes « prodémocraties », on observe une volonté d’impliquer les autres acteurs politiques et sociaux dans la gestion du pouvoir.

À l’instar des autres coups d’Etat observés en Afrique, celui perpétré par le CNRD en Guinée suit une démarche connue et assez documentée qui consiste à vouloir rassurer l’opinion sur leurs intentions : annoncer la suspension de la constitution en vigueur, la dissolution des institutions, et promettre le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Dans un environnement de méfiance face aux velléités des putschistes de s’éterniser au pouvoir, réalités très observées dans les pays qui ont enregistré la prise du pouvoir par l’armée, les déclarations d’intention ne suffisent pas le plus souvent. D’où la question, pertinemment légitime d’ailleurs, de la durée de la transition.

L’incertitude et les promesses impossibles à tenir au menu de la transition

Quelle durée « raisonnable » ? Les partisans d’une transition longue rivalisent d’arguments avec ceux qui pensent le contraire. Pour répéter la rhétorique du juste milieu : elle ne devrait pas être très longue ni très courte.

Chaque camp tient un argumentaire qui conforte un positionnement idéologique ou partisan. Si le Colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte en Guinée, ne cesse de marteler sa volonté de mener la transition à terme sans se présenter aux prochaines élections, une position déjà mentionnée dans la charte de la transition dans son article 46 qui stipule : « Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision », force est de constater une légère évolution du discours sur la question de la durée de la transition. Dans la charte de la transition, l’article 77 ne précise pas clairement que c’est le CNT (conseil national de la transition) qui sera chargé de fixer la durée de la transition. Cet article stipule que « La durée de la Transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement ». Certes, le CNT dont la mise en place traine toujours, sera composé de différentes composantes de la société guinéenne, mais il aurait été plus judicieux de préciser dans la Charte que ce sont les forces vives de la nation « réunies au sein du CNT » qui auront cette autre mission.

Pour évaluer la bonne foi des putschistes sur leurs intentions de favoriser un retour rapide à l’ordre constitutionnel ou de s’éterniser au pouvoir, la présentation d’un chronogramme détaillé et cohérent est la principale exigence des acteurs politiques mais aussi des organisations internationales. Après avoir ‘’applaudi’’ la prise du pouvoir par l’armée, les acteurs politiques ne comptent pas restés dans une position de spectateur. S’il n’y a aucun doute sur leurs préférences en faveur d’une transition courte, ils restent toutefois, très prudents face au CNRD pour éviter un quelconque « accrochage ». Mais jusqu’à quand ?

Sur le plan international, la pression ne faiblit pas. Le cas malien illustre bien cette intransigeance de la CEDEAO de faire vivre un « enfer » aux putschistes indélicats et qui ont pour ambition de s’éterniser au pouvoir. Dans une étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016, les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon soulignent que « la communauté internationale confère généralement aux gouvernements de transition une espérance de vie de deux ans, au terme desquelles ils doivent s’autodétruire électoralement. » Toutefois, ces auteurs rappellent que « la priorisation des élections comporte son lot d’inconvénients pour le processus de sortie de crise ». C’est bien là, le fondement de l’argumentaire des partisans d’une transition longue. Ces derniers soutiennent que la transition est le moment propice pour refonder l’Etat. Qui parle de refonder un Etat, parle forcément d’une mission à envisager dans la durée. La refondation de l’Etat, une mission impossible en période transitoire ?

À l’instar des autres transitions militaires en Afrique, celle en cours en Guinée n’échappe pas à cette promesse de refondation de l’Etat. Dans son article 2, la Charte de la transition énumère les missions de la transition dont entre autres : « – la refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique inclusif, apaisé et durable, gage d’un développement social, économique et culturel effectif ; – l’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif ; – le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité ; – l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable ;…). Des grandes ambitions, dira-t-on. Pour les sceptiques, ces missions soulèvent la question de leur faisabilité. On est tenté de se poser la question : les transitions sont-elles un moment pour une refondation des institutions de l’Etat ? Pour répondre à cette question, revenons sur l’étude de l’IFRI intitulée Transitions politiques : les déboires du modèle de sortie de crise en Afrique publiée en 2016. Les auteurs de cette étude, à partir d’exemples des transitions politiques au Mali (celle de 2012), en Centrafrique et en Somalie dressent le bilan de cette promesse majeure de refondation de l’Etat en ces termes : « la facilité avec laquelle ils [les gouvernements de transition ndlr] promettent une refondation des institutions de l’Etat contraste avec l’absence de progrès dans la mise en œuvre de cette dernière. Les autorités de transition rédigent toutes les nouvelles constitutions mais elles se montrent incapables d’enclencher les réformes de gouvernance pourtant mises en avant dans leurs feuilles de route et de rompre avec les pratiques de corruption des régimes précédents. En d’autres termes, durant la transition, la réforme de gouvernance est une rhétorique vide. »

Sur la problématique de la corruption, l’étude souligne que « S’il est impossible d’affirmer que la corruption augmente durant les transitions, force est de constater que l’environnement lui reste très favorable. D’une part, les institutions habituelles de contrôle des finances publiques et les institutions judiciaires sont ineffectives ; d’autres, les gouvernants de la transition se savent temporaires et potentiellement voués à une disparition politique, ce qui accroit leur incitation à se servir tant que cela est encore possible ». Pour illustrer cette réalité, en 2015 plusieurs médias publiaient des informations concernant une décision des autorités centrafricaines post-transition d’auditer toutes les institutions sur leur gestion pendant la période de transition notamment le dossier sur l’affaire du don angolais (2,5 millions de dollars sur les 10 millions) n’étaient pas passés par les caisses du Trésor public. Au Burkina Faso, l’audit du gouvernement de transition, commandé par Roch Marc Christian Kaboré, avait révélé que le gouvernement de la transition a eu “massivement” recours aux “procédures exceptionnelles” (entente directe et appels d’offres restreints) pour les marchés publics. Le rapport accusait également l’ex-Premier ministre de la transition Isaac Zida et dix-huit membres de son gouvernement, des membres de leur famille, de s’être fait attribuer des parcelles dans le quartier chic de Ouaga 2000 en violation flagrante des textes. En Tunisie, International Crisis Group dans un rapport publié en 2017 intitulé La transition bloquée : corruption et régionalisme en Tunisie, dénonçait la corruption et le clientélisme qui menacent la transition démocratique dans ce pays, décrite comme un succès après le soulèvement populaire de 2011.

Si l’unanimité se dégage sur l’urgence de lutter contre la corruption, on peut toutefois, se poser la question de savoir : jusqu’où les autorités d’une transition peuvent aller en matière de lutte contre la corruption ? Pierre Jacquemot, dans un article intitulé Comprendre la corruption des élites en Afrique subsaharienne, publié en 2012, soutient que si l’impunité doit être combattue, la sanction soulève de nombreuses questions car, souligne l’auteur « à un moment donné, la boucle répressive se ferme sur elle-même, quand celui qui doit réprimer un cas de détournement de fonds publics se révèle en être l’un de ses bénéficiaires ».

En créant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), les autorités de la transition guinéenne ambitionnent de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics. En attendant les premiers résultats de cette juridiction pour évaluer l’effectivité de la volonté des autorités de transition à faire de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics une mission centrale de la transition, plusieurs observateurs restent cependant sceptiques. Et si l’ouverture de tous ces chantiers obéissait à un schéma que certains qualifieraient de « populiste » ? Le terreau politique guinéen est très fertile pour une telle entreprise d’enfumage généralisé. Sans faire de procès d’intention aux autorités de transition, observons avec lucidité le processus qui semble grippé par des zones d’ombre autour de la durée de la transition mais aussi la question de l’impunité.

Pour conclure, rappelons que les transitions sont éminemment politiques contrairement aux discours que tiennent certains acteurs de la transition et comme le soulignent les auteurs Mathilde Tarif et Thierry Vircoulon dans le rapport de l’IFRI cité plus haut, « les transitions politiques sont des périodes fondamentalement conflictuelles bien loin de l’unité nationale et du sursaut patriotique que réclament les circonstances dramatiques et que célèbrent les discours officiels du moment ». D’où la nécessité de trouver sans cesse un compromis pour donner à la transition une chance d’aboutir aux objectifs démocratiques qu’elle s’est fixée. Une idée partagée par Céline Thiriot dans Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali, publié en 2002, qui soutient que la transition vers la démocratie apparaît comme un compromis entre les différents acteurs. À propos, l’auteur cite Bratton et Van De Walle, Democratic Experiment in Africa. Regimes Transitions in Comparative Perspective publié en 1997 : « La clé des transitions démocratiques est la capacité des participants à parvenir à des accords arbitrés qui donnent à chacun au moins une partie de ce qu’il voulait ».

Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Des avancées mais aussi des manquements … La lettre ouverte au Colonel Mamadi DOUMBOUYA

Point de vue

Par Alpha Boubacar Baldé

Monsieur le Président,

Dans la matinée du Dimanche 5 septembre 2021, le peuple martyr de Guinée s’est réveillé aux sons de coup de feu dans la commune de Kaloum aux alentours du palais présidentiel. A mon réveil ce jour, en regardant le fil d’actualité Facebook sur mon téléphone, j’ai vu des informations au sujet de ces coups de feu à Kaloum sans vraiment oser y croire. Il faut dire que, j’avais perdu espoir qu’un jour notre armée serait capable d’un sursaut patriotique pour sauver ce qui restait de notre « Nation ».

Il m’a fallu voir Alpha CONDE débrayé, déboutonné et le regard hagard au milieu des membres de votre unité pour me rendre à l’évidence. Mon Colonel, à cet instant précis, je ne peux vous décrire le sentiment qui m’a traversé. Une chose est sûre, j’ai été envahi par différents sentiments :

  • La joie d’être enfin libéré du joug d’un Président qui s’est dévoyé,
  • L’espoir que notre pays venait d’avoir une ultime chance de réécrire son avenir,
  • L’inquiétude de l’échec dans la conduite d’une transition apaisée, inclusive et transparente.

Tout comme une large majorité de la population Guinéenne, j’adhère et approuve ce coup d’état qui est en fait un coup salvateur. Le véritable coup d’état, c’était le changement de constitution et le fait d’imposer un troisième mandat au peuple martyr de Guinée. L’intervention de votre unité était donc salvatrice à plus d’un titre. Dans vos allocutions diffusées d’abord sur les réseaux sociaux et ensuite sur les antennes de la RTG, vous avez motivé votre intervention par la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique. Ces maux que vous avez listés lors de votre intervention, sont chacun, individuellement pris, des motifs qui justifient votre intervention. Ces maux gangrénaient notre pays tel un cancer qui métastase.

Monsieur le Président,

Le 5 septembre 2021, vous preniez avec les membres de votre unité, la décision courageuse de libérer le peuple martyr de Guinée. Je suis conscient des défis auxquels vous faites face. J’imagine combien, la tâche est complexe et ardue. J’ai l’habitude de dire, que le jour où la Guinée aura un Président désireux de servir le peuple, face à l’immensité de la tâche, il sera tenté de quitter la Présidence. Seul un patriote qui fait don de soi est capable de remettre notre pays sur les rails.

Dans votre interview sur RFI du 15/11/2021 vous disiez alors à Alain FOKA je cite : « Ma vie entière je la donnerai à ce peuple-là, qui mérite ça. Et si on a décidé le 5 septembre d’aller à la mort, c’est parce qu’on avait vu l’état de notre pays ».

Plus loin, à la question de savoir si vous serez candidat aux prochaines échéances électorales, vous disiez, « Je pense que j’ai été clair, et je vais l’être aujourd’hui encore avec vous : ni moi ni aucun membre de cette transition ne sera candidat à quoi que ce soit. Nous allons mener la transition à bon port avec tous les Guinéens ». Ces déclarations vous honorent Monsieur le Président. En tant que Guinéen, épris de notre pays et conscient de son potentiel, vos déclarations me rassurent et me donne espoir en des lendemains meilleurs pour notre peuple martyrisé.

Monsieur le Président,

Aujourd’hui, nous sommes le 5 décembre 2021. Bientôt, les 100 jours depuis que vous avez pris la lourde charge de diriger notre pays. Nous arrivons au terme de « l’état de grâce », cette expression religieuse utilisée sur le plan journalistique pour désigner, le moment de la vie politique pendant lequel l’opinion publique d’un pays est majoritairement favorable aux nouveaux dirigeants qui viennent d’accéder au pouvoir. Après 3 mois de gestion et bientôt 100 jours aux affaires, il est temps faire un bilan de vos actions et d’entrevoir les perspectives pour notre pays durant cette période de transition.

Parmi les bonnes réalisations à votre actif, celles qui retiennent le plus mon attention sont les suivantes :

  • Les actes de réconciliation que vous avez posés  
  • La nomination d’un gouvernement de technocrates composé uniquement de civils
  • L’adoption d’une charte de transition à laquelle le peuple adhère
  • La consultation des différentes composantes de la société Guinéenne sur l’orientation à donner à cette transition
  • L’interdiction de voyage et le gel des avoirs des anciens gouvernants le temps des audits
  • L’interdiction de sortie du territoire pour les membres de l’ancien gouvernement
  • L’audit du fichier de la fonction publique et la mise à la retraite des ayants droit
  • La mise à la retraites dans les rangs des Forces de Défense et de Sécurité pour les ayants droit
  • Votre engagement personnel et celui que vous avez pris sur la non-participation des membres de l’administration de la transition aux futures échéances électorales
  • Le gel des décaissements et la mise en place d’un processus de justification et de validation des dépenses publiques
  • La décision de faire de la Justice la boussole qui orientera le peuple de Guinée
  • Votre volonté de rompre de manière définitive avec les pratiques nocives des anciennes administrations
  • L’adoption des 5 valeurs du CNRD (Les 5 R) :
    • La Rectification institutionnelle : Bâtir des institutions fortes et légitimes
    • La Refondation de l’Etat : Moraliser la vie publique, restaurer l’autorité
    • Le Rassemblement : Conduire les affaires publiques de manière inclusive
    • Le Redressement : Rompre avec les anciennes pratiques et favoriser la transparence
    • Le Repositionnement : Respecter les engagements internationaux et repositionner le pays à l’international   
  • La création du CRIEF (Cours de Répression des Infractions Economiques et Financières) pour instruire les dossiers de détournement de deniers publics.

Parmi les manquements que j’identifie et qu’il me semble important de traiter pour une exemplarité de cette nouvelle administration, il y a :

  • La non-divulgation de la liste des membres du CNRD, qui est pourtant un organe de la transition figurant dans la charte de transition. Cela, entretient le flou sur la composition de cet organe. Dire qu’il est composé de l’ensemble des forces armées est une boutade. Même si c’était le cas, il est évident qu’un collège de responsables militaires siège au sein du CNRD. Cette liste doit être rendue publique par souci de redevabilité vis-à-vis du peuple de Guinée.
  • La non-déclaration du patrimoine par l’ensemble des membres de votre gouvernement n’est pas de nature à favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique.
  • L’absence de définition de la durée de la transition dans la charte. Evacuer cette question au sein du CNT, n’est à mon avis pas opportun. Comment voulez-vous, demander à des conseillers nationaux qui vont bénéficier d’avantages et émoluments de décider de la durée pendant laquelle ils vont bénéficier de ces avantages en toute objectivité ?
  • La non-présentation par le CNRD et le gouvernement 3 mois après la prise du pouvoir, des actions à mener durant la transition et qui pourraient servir de base à la définition d’un chronogramme et donc d’une durée de la transition sur des bases objectives.
  • La non-clarification du statut de l’ancien président qui à mon avis doit être inculpé ou libéré. Trois mois après le coup d’état, il est plus que temps que les restrictions à sa liberté soient encadrées juridiquement à travers une inculpation pour sa responsabilité sur les crimes commis durant ses mandats.
  • L’instruction des dossiers d’audit sur la gestion de l’ancienne administration (Ministère, Régies financière, JAC 518, Organismes publics et parapublics…) et l’inculpation des gestionnaires indélicats.
  • L’absence de définition claire des critères concernant la désignation par les différents organismes des membres du CNT. Ce qui retarde la mise en place de cet organe législatif de la transition.  
  • Le retard dans le nettoyage de certaines directions notamment la CNSS, la DNI, l’ARPT, le PAC, la SOGEAC, l’ANAIM, le Fonds d’Entretien Routier (FER), l’Autorité de Régulation des Marchés Publics…
  • L’absence d’installation au moins sur chaque contient, d’un bureau permanent pour la mise à disposition de passeport. Il est inconcevable qu’après 63 ans d’indépendance, que nos ambassades ne soient pas en mesure d’établir ces documents à la diaspora Guinéenne à l’étranger.
  • L’absence de mise en place d’un cadre de concertation sur la conduite de cette transition avec l’ensemble des forces politiques qui ont participé à des élections en Guinée. La précision est importante. Il ne sert à rien de convier à des discussions des partis politiques fonds de commerce qui n’ont d’existence que l’agrément, de militants que la famille du leader et pour siège le porte document du Président ou son domicile.  

Monsieur le Président,


Ne craignez pas la contradiction, c’est par la confrontation de points de vue divergents que les meilleures idées émergent


Je suis exigeant avec vous. Je le sais, mais pour changer positivement notre société, le peuple de Guinée doit être exigeant vis-à-vis de ces gouvernants. Vous (les gouvernants) êtes au service du peuple. Vous êtes là pour servir le peuple et non vous servir de lui. Si le peuple de Guinée avait été exigeant avec vos prédécesseurs, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Les manquements listés précédemment sont des actions à mettre en place pour continuer sur votre lancée. Elles complètent celles que vous avez déjà initiées. Ensemble, elles permettront la naissance d’une Guinée Nouvelle que nous appelons tous de nos vœux.

Ne vous méprenez pas sur les objectifs de votre mission. Une transition n’a pas vocation à développer un pays. Le CNRD doit mettre en place des institutions inébranlables et réunir les conditions pour la tenue d’une élection libre, transparente et inclusive tout en laissant la liberté au peuple de librement choisir son dirigeant.

Ne vous méprenez pas sur la durée de la transition. Si vous l’allongez plus qu’il ne le faut, la lune de miel avec le peuple de Guinée va virer au cauchemar. Le peuple a soif de liberté, de justice, de démocratie et de développement.

Ne vous méprenez pas sur votre toute puissance. Aujourd’hui, vous êtes à la tête du pays, la situation d’Alpha Condé qui se croyait tout puissant et courtisé hier et qui se retrouve seul et abandonné aujourd’hui doit vous rappeler à l’humilité.

Ne vous méprenez pas sur vos collaborateurs. Privilégiez la compétence, le patriotisme, l’engagement, le sens républicain, la droiture et l’éthique dans le choix de vos collaborateurs. Dans notre pays, les anciens gouvernants avaient perverti la pyramide des valeurs (humaines, éthiques et morales). Il est de votre responsabilité par l’exemplarité de restaurer ces valeurs dans la gestion de la chose publique. La nouvelle génération ne doit pas avoir comme modèle les Kleptocrates de l’ancienne administration.

Ne vous méprenez pas concernant vos amis. Ceux-là qui acquiescent à tout ce que vous dites, ne sont pas vos amis. Ne craignez pas la contradiction, c’est par la confrontation de points de vue divergents que les meilleures idées émergent.

Cette lettre est le cri de cœur d’un Guinéen fou de la Guinée. Un Guinéen qui espère, que notre peuple martyr va enfin avoir des dirigeants soucieux de son bien-être. Un Guinéen qui espère que cette fois la Guinée va emprunter le bon chemin.

Puissions-nous être à la hauteur du moment que nous vivons actuellement.

Puissions-nous au terme de cette transition faire un PEUPLE, une NATION JUSTE, UNIE, INDIVISIBLE et PROSPERE.

Puissions-nous mettre en valeur notre patrimoine commun LA GUINEE en dehors de toute considération tribale.

Puissions-nous avoir une administration au service du PEUPLE.

Puisse l’abondance, dont la providence a doté notre être mise au service du peuple.

Puisse l’impunité et la corruption érigées en système de gouvernance être éradiquées.

Puisse le MERITE être le seul critère de promotion aux emplois publics pour une administration efficace au service du peuple.

Puisse nos Hommes politiques être conscients du fait que prétendre à diriger aux destinées d’une NATION consiste à « SERVIR » et non « SE SERVIR ».

Puissions-nous être fiers d’être des Guinéens tout simplement.

Monsieur le Président,

J’espère de tout cœur, que vous prendrez connaissance de cette lettre écrite par un citoyen concerné par le devenir de son pays et de ses concitoyens. Un citoyen qui vous interpelle avec les tripes. Un citoyen qui encore aujourd’hui craint de se réveiller et de réaliser que tout ce changement que vous avez amorcé dans notre pays était un rêve.  

Pour finir mon Colonel, je partage avec vous ces quelques mots d’un ami à propos de notre mère patrie la Guinée. Je ne doute point de l’écho qu’ils auront dans votre cœur de patriote comme ce fut le cas pour moi :

« Avant moi, tu existais déjà

Après moi, tu existeras encore

Terre mère, patrie de cœur, tu n’appartiens à nul Guinéen

Les Guinéens t’appartiennent, tu es l’origine

Te servir nous unira

C’est bien de t’aimer individuellement

C’est mieux de t’aimer tous ensemble. »

Patriotiquement votre,

Un citoyen concerné

Alpha Boubacar Baldé




La chute du dictateur: l’épilogue d’une lutte guinéenne [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue

Le dimanche 5 septembre 2021, la longue lutte du peuple de Guinée contre l’ultime mandat d’Alpha CONDE a connu un épilogue avec l’intervention des Forces Spéciales. Cette unité, montée de toutes pièces par le despote Alpha CONDE dans le seul but de garantir la sécurité de son régime s’est rebellée contre lui. Quelle ironie du sort que cette unité mise en place pour mater toutes les contestations qui pourraient ébranler ce régime soit à l’origine de sa chute. Comme le disent les écritures « les voies du seigneur sont impénétrables ». En une matinée, Alpha CONDE est passé de ce président perché, méprisant, suffisant et incompétent à un président déchu, hagard, débrayé et pitoyable.

Voilà le triste sort qui attend les despotes qui veulent s’éterniser au pouvoir en dépit de l’opposition des peuples Africains qui aspirent à la démocratie.

L’OPPOSIDENT – L’OPPOSANT “HISTORIQUE” QUI N’AURA JAMAIS RÉUSSI A ENDOSSER LE COSTUME DE PRÉSIDENT

Les événements du 5 septembre 2021 remettent la Guinée dans une situation identique à celle de 2008 et qui avait conduit à l’élection de Alpha CONDE en 2010 après une transition chaotique dirigée par la junte du CNDD et le duo DADIS – KONATE. Alpha CONDE, qualifié « d’opposant historique », n’aura au final jamais réussi à transcender sa condition d’opposant pour endosser le costume de président. La mue de l’opposant vers le président n’aura jamais été complète faisant de lui une espèce de personnalité politique hybride opposant et président (OPPOSIDENT). En violation de tous les principes pour lesquels il se serait battu pendant plus de 40 ans de lutte politique, l’homme aura succombé à la tentation du mandat ultime. Le mandat de trop. Il aurait mieux fait d’écouter la mise en garde prémonitoire de feu Kéléfa SALL Président de la cour constitutionnelle :

« La conduite de la nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant ».

Alpha CONDE qui se voulait un mix de Mandela et Obama, le voilà qui finit comme ses compères IBK du Mali, COMPAORE du Burkina…

La Guinée doit mettre fin au cycle de l’impunité de ses dirigeants. Le jugement de Alpha CONDE est l’électrochoc dont notre justice a besoin pour qu’en fin l’assertion « Nul n’est au-dessus de la loi » soit une réalité dans notre appareil judiciaire.

Connaissant la capacité de nuisance de l’homme, sa rancune tenace, sa libération serait une erreur monumentale dans la conduite de la transition. Après avoir été au pouvoir pendant presque 11 ans, qu’il reste en Guinée, son pays. Il appartiendra au président élu à l’issue de la transition de le traduire en justice pour les crimes commis durant son magistère. S’il est reconnu innocent par la justice, il aura droit aux traitements et égards dus à un ancien chef d’état. S’il est reconnu coupable, il purgera sa peine dans l’une des prisons modernes qu’il a fait construire. La Guinée doit mettre fin au cycle de l’impunité de ses dirigeants. Le jugement de Alpha CONDE est l’électrochoc dont notre justice a besoin pour qu’en fin l’assertion « Nul n’est au-dessus de la loi » soit une réalité dans notre appareil judiciaire. C’est à ce prix que nous éviterons les éternels recommencements et mettrons fin à l’impunité.

LA GUINÉE À LA CROISÉE DES CHEMINS

La Guinée est encore à la croisée des chemins. Tout comme après les décès d’Ahmed Sékou TOURE en 1984 et Lansana CONTE en 2008, voilà que la Guinée est encore confrontée à une prise du pouvoir par l’armée.

L’expérience de notre pays montre que les deux précédentes irruptions de l’armée dans la sphère politique n’ont pas permis d’ancrer le pays durablement sur le chemin de la démocratie. Ces échecs s’expliquent par un déficit de volonté politique, une élite corrompue et une population attentiste et résignée.

La chute d’Alpha CONDE par l’intervention des forces spéciales nous donne l’opportunité de faire les choses mieux et différemment. Elle nous donne l’opportunité de réussir enfin à mettre le pays sur le chemin de la démocratie et de l’y ancrer durablement. Si le régime d’Alpha CONDE a un mérite, c’est celui d’avoir permis de décanter les Guinéens entre les opportunistes sans moralité et les patriotes qui aspirent à la démocratie.

Pour réussir cette transition, bien qu’elle soit sous la coupe de la junte du CNRD, il est indispensable qu’elle soit co-diriger par un Guinéen à la moralité irréprochable. La population doit être vigilante vis-à-vis de l’instance de la transition le CNRD. Cette instance doit avoir pour unique vocation, de conduire la transition et l’organisation d’élections libres, transparentes et inclusives. Pour atteindre cet objectif, voici une liste non exhaustive d’actions prioritaires à mettre en œuvre.

  • Réunir un collège de juristes pour faire le toilettage de la constitution de 2010.
  • Mettre en place une Assemblée Constituante de Transition (ACT) constituée des différentes couches sociales de notre société pour légiférer durant la période de transition.
  • Remeubler les différentes institutions de la République par des individus intègres et foncièrement patriotes.
  • Écarter de manière définitive de l’administration Guinéenne tous les ministres, hauts cadres et responsables d’institutions et de régies financières qui n’ont pas ouvertement désapprouvé le changement constitutionnel et le 3ème mandat.
  • Reconstruire à partir de zéro un nouveau fichier électoral et remeubler la CENI avec des commissaires techniques uniquement.
  • Faire des audits financiers des différents départements et régies financières en vu d’inculper les responsables indélicats.
  • Inculper l’ancien Président pour les crimes commis durant ses mandats ou à défaut l’assigner en résidence jusqu’à l’élection d’un Président démocratique.
  • Mettre en place un gouvernement de mission, des techniciens avec pour unique objectif la gestion des affaires courantes sans agendas politiques cachés.
  • Écarter et inculper les responsables de la sécurité en charge des unités qui réprimaient les manifestations politiques et sociales durant les 10 dernières années et contre le 3ème mandat.
  • Faire des enquêtes sur les patrimoines immobiliers des anciens dignitaires et remettre dans le portefeuille du patrimoine public tous les biens acquis frauduleusement durant les 10 dernières années.
  • Moraliser la vie publique.
  • Mettre en place une commission vérité réconciliation pour purger notre pays de son passé qui le hante.

Faire l’économie de ces actions serait nuire à la mise en place des bases indispensables à l’état de droit et l’instauration d’une véritable démocratie.

LA CEDEAO ET L’UA, QUELLE INDIGNITÉ

Ces institutions sanctionnent la Guinée en la suspendant. La CEDEAO et L’UA, voilà des organisations auxquelles le peuple martyr de Guinée a demandé secours pour empêcher le changement constitutionnel et le troisième mandat. Des organisations qui n’ont pipé mot lorsque Alpha CONDE massacrait les Guinéens pour imposer sa constitution sur mesure et un troisième mandat en violation des principes constitutionnels et de ses serments. Les voilà maintenant qui suspendent la Guinée et qui exigent la libération du despote responsable de la mort de près de 300 morts en 11 ans et le retour à l’ordre constitutionnel. À quel ordre constitutionnel la CEDEAO fait elle allusion ?! Même la pseudo constitution imposée en 2020 au prix du sang lors d’un référendum frauduleux a fait l’objet d’un faux lors de sa promulgation. Que la CEDEAO nous dise alors à quelle ordre constitutionnel elle fait allusion…

QUELLE INDIGNITÉ !

Il semble que, la délégation de « HAUT NIVEAU » dépêchée à Conakry par le syndicat de « FAYOTS » de la CEDEAO ait obtenu du CNRD, l’accord de principe pour la libération et l’exil d’Alpha CONDE. Cette information, si elle est avérée, serait une erreur d’appréciation de la part du CNRD.

Voilà de quoi sont capables ces organisations qui ont failli à leur mission. Au lieu d’être au service des peuples elles sont inféodées aux chefs d’états. À la place des chartes fondatrices de ces organisations, leurs actions sont surtout motivées par les intérêts égoïstes et mercantiles des chefs d’Etat. Pour la volonté des peuples : « circulez il n’y a rien à voir… »

Dans la composition de cette délégation de « HAUT NIVEAU », la CEDEAO n’a pas trouvé mieux que d’inclure Alpha BARRY ministre des AE du Burkina et Ex-conseiller spécial d’Alpha CONDE durant 5 ans (2011-2016). C’est vous dire tout l’intérêt que l’organisation porte à l’impartialité du compte rendu de cette délégation.

QUELLE INDIGNITÉ !!!

La CEDEAO et l’UA qui sont restées aphones aux souffrances et tueries des Guinéens devraient avoir un peu de décence et se taire. Elles étaient absentes durant la lutte du peuple martyr de Guinée. Maintenant qu’un membre de leur corporation de despotes est déchu, ces organisations ont soudain un intérêt pour le respect de l’ordre constitutionnel.

QUELLE INDIGNITÉ !

Le CNRD ne devrait pas céder à ces institutions qui n’ont jamais été du côté du peuple. La seule raison de leur implication est la volonté de libérer leur complice Alpha CONDE rien d’autre. Qu’elles ne lui (CNRD) imposent aucun agenda ni chronogramme. Elles sont totalement étrangères aux réalités de notre pays. Que le CNRD prenne le temps de faire les choses bien pour qu’enfin nous sortions du cycle des éternels recommencements.

Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné




« Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression » [Par Tierno Monénembo]


Interview


Quand avions- nous constaté progressivement les actes d’ethnocentrisme et de racisme en Afrique en générale et en particulier en république de Guinée et comment ont-ils évolué négativement ?

Les conflits dus aux problèmes fonciers et aux différences en matière de culture et de religion sont inhérents à toutes les sociétés. En Afrique et en particulièrement en Guinée, le colonisateur (depuis Faidherbe, surtout) a aggravé les différences en sortant les ethnies de leur dynamique historique, en les figeant dans le temps. Et les décolonisateurs qui ont succédé aux colonisateurs n’ont rien fait pour remédier à cet état de fait. Ce qui fait qu’aujourd’hui, un mur de verre sépare nos ethnies qui, sorties du même moule historique et culturel, ont longtemps pratiqué l’osmose et la réversibilité. Dans les temps anciens, un Diallo venu du Fouta-Djalon et installé en Haute-Guinée devenait après quelques années, un Camara, un Traoré ou un Fofana. Inversement, un Condé venu de Haute-Guinée et installé au Fouta-Djalon, devenait facilement un Bah. Personnellement, je connais plein de Bah de Pita qui sont en vérité des Condé venus de Kankan ou de Kouroussa.  A Faranah, Siguiri et ailleurs, on ne compte pas le nombre de Camara ou de Fofana qui ne sont rien d’autre que des Diallo venus de Mamou ou de Dalaba.

Notre malheur est que nos dirigeants ont détourné à leur profit la fameuse règle du « diviser pour régner » chère au colonisateur.

L’ethnie chez nous est une plaisanterie. Savez-vous par exemple que les Peuls, les Malinkés et les Soussous viennent tous des Sarakolés (Les soussous, les vrais, par leur père et leur mère ; les Peuls, par leur mère et les Malinkés, par leur père) ? Savez-vous que ceux que les Blancs ont appelés les Forestiers sont en fait des Proto-Mandingues, c’est-à-dire des Mandingues d’avant la création de l’empire.   

Quelles en sont des causes profondes de ces actes ethnocentriques et de racisme en Afrique et en particulier en Guinée ?

De tout temps, les différences ont nourri les conflits. Seulement, la psychologie des sociétés a beaucoup évolué ces dernières années du fait du fulgurant progrès technique, intellectuel et moral. Généralement, les êtres humains s’acceptent mieux aujourd’hui qu’il y a des siècles. Malgré la Somalie, la Syrie et l’Afghanistan, malgré la Birmanie et le Congo, jamais le monde n’a connu une période aussi pacifique. Savez-vous que dans la Préhistoire, 40% de l’Humanité mourait dans les guerres ?

Mais revenons au problème ethnique guinéen. Et permettez-moi de répéter ce que j’ai plusieurs fois dit ou écrit ailleurs : pour moi, le djihadisme et le tribalisme ne sont pas des causes objectives, ce sont les conséquences de la mal-gouvernance Deux cas illustrent parfaitement cela : la Côte d’Ivoire et la Somalie. Sous Houphouet- Boigny, toutes les ethnies d’Afrique de l’Ouest vivaient en Côte d’Ivoire et elles ne se sont pas fait la guerre ; au contraire, elles ont produit la meilleure économie d’Afrique de l’Ouest. Au contraire, la Somalie qui est peuplée à 100% de Somalis, musulmans à 100%, parlant somali à 100% a éclaté en 5 morceaux à cause des conneries de ses dirigeants.

Ceci dit, les sociétés harmonieuses, ça n’existe pas. Les conflits sont inhérents à la vie humaine. Mais ils disparaissent ou deviennent parfaitement supportables quand la gouvernance est bonne.

Quelles sont les conséquences sur la vie sociale, économique, religieuse et politique dans notre pays ?  Quelques exemples africains et mondiaux.

Qu’elle soit familiale ou nationale, les conséquences de la division sont connues, c’est le dysfonctionnement social, la discorde politique et la stagnation économique. Toutes les sociétés divisées sont condamnées à la régression. En Afrique, la Somalie citée plus haut en est un bel exemple, le Rwanda de Habaryamana aussi. Ailleurs, dans le monde, ce sont les conflits ethniques et religieux qui ont eu raison de la belle Yougoslavie de Tito. 

Comment faire du jeune guinéen un acteur et un ambassadeur de la déconstruction des consciences racistes et ethnocentriques ?  

C’est simple : il faut le former. Il faut d’urgence lui apprendre son histoire et sa géographie. Au Mali, Alpha Oumar Konaré a institué deux choses qui m’ont particulièrement  ravi : la vulgarisation du tourisme scolaire et la diversification des bibliothèques. Lire et voyager,  ça civilise la bête humaine !

Notre système éducatif doit faire comprendre au petit Guinéen que sa langue, son village et son ethnie ne sont pas les seuls, qu’il y a d’autres langues, d’autres villages, d’autres ethnies. Qu’il se rende compte dès son plus jeune âge de la diversité ethnique et culturelle de son pays et qu’il se prédispose à l’assumer. Vous s savez, la citoyenneté n’est pas une chose innée, ce n’est pas un produit naturel. On ne cueille pas la citoyenneté comme on cueille la mangue. La citoyenneté est un produit artificiel et récent. Elle est apparue (dans sa version moderne tout au moins) avec la Révolution Française de 1789.  Je répète que le citoyen, ça ne cueille pas, ça se fabrique. Le citoyen cela se fabrique de toute pièce dans le moule de l’école dans celui de l’armée. Question : dispense-t-on des cours d’instruction civique en Guinée ?

Quelle stratégie pour lutter contre le phénomène dans nos pays ?

D’abord, en l’appréciant à sa juste valeur : le tribalisme en Guinée est loin d’égaler celui de certains pays d’Afrique. Mon ami Milly Honomou qui a longtemps vécu au Burundi me disait l’autre jour : « Ici, le tribalisme, c’est de la blague ! Au Burundi, il n’y a même pas la parenté à plaisanterie. Là-bas, c’est 50 000 morts pour le moindre écart de langage». Chez nous, le tribalisme, c’est de la pure et simple manipulation politique. Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons même pas d’ethnie au sens vrai du terme. De ce point de vue, avec un minimum de bonne volonté, il n’y a pas de pays aussi facile à gouverner que la Guinée. La configuration malienne par exemple est beaucoup plus complexe : c’est un pays multiracial, multiethnique et multiconfessionnel.

Quel message que doit porter les jeunes leaders d’opinion de Guinée pour impacter les générations montantes positivement ?

Mon message à moi est le suivant : l’ethnie n’est pas un handicap, ce n’est pas une barrière infranchissable, non plus. Notre diversité ethnique est une richesse. Eh bien, enrichissons-nous mutuellement !

Quel est le rôle des jeunes dans la déconstruction des consciences ethniques et racistes en Afrique et en particulier en Guinée ?

La conscience ethnique n’est pas un délit, c’est même un droit. Le délit, le crime, c’est d’opposer les ethnies les unes autres. L’unité nationale, ce n’est pas la suppression des ethnies, c’est la reconnaissance pleine et entière de chacune et de toutes.

Une interview réalisée par Jean-Zézé GUILAVOGUI





Guinée : Une élite qui refuse de rêver [ Par Tierno Monénembo]


Point de vue


L’intellectuel guinéen a un gros problème : son ventre est dix fois plus curieux que sa tête. Préoccupé de belle maison et de bonne  bouffe, de bolides et de blazers, englué jusqu’au cou dans le plus sordide des quotidiens, notre bonhomme a définitivement déserté le champ historique et culturel. Ce qui laisse la porte grandement ouverte aux  crétins et aux fripouilles. Est-ce bien malin que de se faire guider par plus petit, plus vil et plus ignorant que soi ?

Vous l’avez compris : tous les malheurs de ce pays viennent de lui. Si, dès le début, il avait pris ses responsabilités, la Guinée aurait été tout autre. Et comme notre pays est une espèce de Balnibarbi (ce pays fictif et mal fichu, imaginé par Jonathan Swift) où l’on passe son temps à dire la même chose et à répéter les mêmes gestes bref, à commettre les mêmes erreurs,  rien ne dit que le passé est derrière nous. Pour que le passé passe, il faut un minimum de rupture. Or, de rupture, il n’y en a point eu. Nos grosses têtes d’aujourd’hui ressemblent point par point à celles d’hier. Le même manque d’idéalisme, la même paresse d’esprit, le même individualisme, le même carriérisme, le même culte fanatique du quotidien, la même inguérissable naïveté ! A chaque fois que je pense à nos regrettés, brillants et prestigieux martyrs du camp Boiro, me revient en tête ce vers du poète turc, Nazim Hikmet :

« …tu es comme le mouton

 et quand le bourreau habillé de ta peau

quand le bourreau lève son bâton

tu te hâtes de rentrer dans le troupeau

et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier… »

Parfois, je sens dans l’air quelque chose qui rappelle l’odeur sulfureuse des années Sékou Touré, 1967 en particulier.  Ce fut cette année-là que notre sanguinaire « Responsable Suprême »réussit à concentrer tous les pouvoirs dans ses mains : après la chefferie traditionnelle, les partis d’opposition, les syndicats, l’armée, elle aussi passe à la trappe. C’est exactement ce qui se répète aujourd’hui : Alpha Condé est devenu aussi puissant que le Sékou Touré de 1967. Que nous réserve-t-il : un nouveau Camp Boiro ou carrément un Auschwitz voire un Buchenwald  pour engloutir à son tour ce qui nous reste de roseaux pensants ? Faudrait-il dans ce cas, rouler dans la poussière et verser des larmes de sang ? Je ne le pense pas. Les intellectuels de ce pays (de l’Afrique, plus généralement) ne sont pas  des victimes pures et simples, ce sont les complices actifs de leur propre anéantissement. Le monde est foutu quand les grands clercs plient sous le charme de la démagogie et ajoutent leur voix au bruit étourdissant de la vox populi. Penser, c’est garder à tout moment, en toute circonstance, un autre son de cloche !

Pourquoi d’après vous, les Indépendances africaines si chèrement acquises sont très vite devenues des usines à broyer des Nègres ? Tout simplement parce l’intellectuel africain (guinéen, en l‘occurrence) a renoncé au principe-même qui fait qu’un intellectuel est un intellectuel : l’esprit critique. Cette propriété qui porte les deux valeurs essentielles de la pensée : la lucidité et la liberté.

Nos intellectuels ont-ils été lucides ? Nos intellectuels ont-ils été libres ?

Critiquer les conneries du Blanc, c’était bien et même très bien mais cela ne pouvait suffire. Il fallait aussi et dès le début, critiquer nos propres conneries. Je vous assure que si dès le 3 Octobre 1958, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop, Ki-Zerbo avaient mis le holà, Sékou Touré n’aurait pas osé faire ce qu’il a fait.

Le rôle d’une élite, c’est de tirer la société vers le haut. Et cela n’est possible que si elle se prémunit de la médiocrité et garde comme un inestimable trésor, son libre-arbitre. Le rôle d’une élite ce n’est pas de revendre des parcelles et d’amasser des dollars ; de spéculer sur le diamant ou de vendre des clous rouillés,  c’est de produire des idées fortes et des émotions saines, bref de galvaniser le peuple, de lui donner de quoi se projeter dans l’avenir en toute lucidité et en confiance. Si la dictature se perpétue dans ce pays, c’est à cause du manque cruel de parapets, de garde-fous, de contre-pouvoirs. Et il va de soi que le premier moyen de résistance est d’ordre mental ; il va de soi que le  premier contre-pouvoir est d’ordre intellectuel. La dictature reculera dans ce pays le jour où les intellectuels se réveilleront, le jour où ils se réconcilieront avec les notions d’idéal (c’est le plus beau des rêves, l’idéal !), de solidarité,  d’indépendance d’esprit et de débat d’idées.

Que nos intellectuels ne se leurrent pas : Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé ont trouvé leur raison d’être et leur force dans leur laxisme ou dans leur opportunisme. Qu’ils sachent bien qu’en cas de grabuge, aujourd’hui comme hier, ils seront les premiers à remplir les prisons et les tombes.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen francophone

1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et Grand Prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, Grand Prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.





Toma et Toma mania, les enjeux politiques exacerbent les clivages


Point de vue


Les Toma et les Toma Mania cohabitent depuis plusieurs siècles dans cette partie de la Guinée. Selon plusieurs historiens, les Toma seraient les plus anciens dans la région forestière. Facinet Béavogui dans son ouvrage Les Toma (Guinée et Libéria) au temps des négriers et de la colonisation française rappelle toutefois, que « le pays d’habitation actuel (la préfecture de Macenta) n’a pas été le premier où ils auraient habité ». Pour cet historien, les populations Toma auraient migré du nord vers le sud (Kérouané, Beyla vers Macenta). Jean Marie DORE dans son ouvrage La résistance contre l’occupation coloniale en Guinée Forestière: Guinée 1800-1930 confirme ce séjour des Toma dans la savane avant de descendre plus au Sud dans la sylve. Les sources notent cette migration vers le Sud entre 1570 et 1600.

Si les Toma et les Toma mania se disputent très souvent la paternité de la ville de Macenta, plusieurs historiens soutiennent que les Toma mania sont le résultat d’un métissage culturel et biologique entre les communautés Toma et Malinké. Une migration Malinké qui se situerait autour du XIIIème et du XIXème siècle

Dans un article intitulé Guinée : le prix d’une stabilité à court terme, Paul Chambers souligne qu’il existe en région forestière « une ligne de clivage importante entre les deux principaux groupes de population, les « peuples forestiers » – principalement Kissi, Toma, Guerzé et Mano – et les peuples d’origine mandingue – Malinké, Konianké, Kouranko, Manian. » L’auteur rappelle les évènements qui ont abouti à des violences intercommunautaires notamment en 1991, lors de l’élection controversée d’un maire malinké à la tête de la capitale régionale, Nzérékoré, qui avait provoqué le mécontentement des populations Guerzé ou encore « les oppositions entre Loma et Mandingo dans la guerre du Liberia se sont propagées en Guinée ».

Si ces conflits ont des causes historiques, économiques, sociales et culturelles, la récurrence des violences intercommunautaires dans la région forestière est aussi la résultante des « manipulations politiques ainsi que les défaillances et dysfonctionnements des structures administratives et judiciaires de la région. »

Les points d’achoppement entre les communautés sont nombreux. Dans un rapport de 2016 de l’ONG Action pour le Développement Communautaire, intitulé Les pactes communautaires, outils de prévention des conflits et de consolidation de la paix : le cas de la Guinée forestière et des pays limitrophes, Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire, on peut lire les points de vue des autochtones sur les allogènes et vice versa. Les premiers reprocheraient aux seconds « L’arrogance et le non-respect envers ceux qui les ont accueillis », « le refus de parler la langue locale (de celui qui a accueillis) et volonté d’imposer leur langue », « le refus d’accorder leur fille en mariage à l’autochtone alors que l’inverse est courant », « l’accaparement des terres de culture prêtées et occupation abusive des terrains non octroyés »… Quant aux allogènes, ils reprocheraient aux autochtones « le refus de reconnaître l’allogène comme membre à part entière de la communauté villageoise malgré l’ancienneté de leur installation dans le village »…

Les auteurs de ce rapport soulignent que les tensions sont aggravées quand les enjeux sont politiques notamment quand des « étrangers » expriment la volonté d’occuper certaines responsabilités politiques. Ici, les étrangers sont les allogènes.

Cette réalité constitue un terreau fertile pour le clientélisme politique et les manipulations.

Dans son ouvrage Le conflit ethnique: sa nature et les moyens de sa prévention par la communauté internationale, Witold Rackza définit les conflits identitaires comme des « différends culturels, économiques, juridiques, politiques ou territoriaux entre deux exemples ou plusieurs groupes aux origines différentes ». Il y a conflit de ce type lorsqu’un groupe se persuade, à tort ou à raison, qu’il est menacé de disparaître soit sur le plan physique, soit sur le plan politique, par la domination exclusive d’un autre groupe qui lui est insupportable. Dans le même ordre d’idées, François Thual dans Les conflits identitaires, souligne que « la survie réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu, quand celui-ci se sent dépossédé non seulement d’un territoire ou de son territoire, mais plus gravement lorsqu’il se sent dépossédé de son devoir de vivre, de son identité et de sa spécificité ».

En Guinée, les enjeux politiques sur fond de manipulations et d’instrumentalisation des communautés mettent en danger la cohabitation pacifique et fragilisent le vivre ensemble.


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




[Repost] Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? [Par Dr Bano Barry]


Etudes


« Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables “Gardez-vous d’écouter cet imposteur; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne!” » (Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1755).[1]

Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? Qui en sont les premiers occupants et qui en sont les derniers ? Ceux qui habitent la Guinée en 2014, d’où viennent-ils ? Par où sont-ils passés ? Quel groupe ethnique a fait quoi, avec quel groupe, contre quel autre groupe et dans quelles circonstances ? Ces interrogations sont les préoccupations de cet article.

Ces interrogations plongent leurs racines dans l’histoire du mouvement migratoire et de la mise en place des populations guinéennes ou tout simplement dans l’histoire de la Guinée. Puisqu’il s’agit de l’histoire, il est possible que certains disent que nous ne sommes pas la bonne personne pour traiter de ce sujet. En effet, n’étant pas historien[2]de formation, certains pourraient s’offusquer que nous parlions à la place des spécialistes.

Nous savons qu’il existe en Guinée des historiens de très haut niveau; ils sont à la fois de l’ancienne et de la nouvelle génération. Ces historiens, nous le croyons fermement, ont la qualification requise et le savoir suffisant pour faire cet article à notre place.

Cependant, tout sociologue est un peu un historien. En tous cas, tout sociologue est obligé de faire de l’histoire, car les faits sociaux au centre de la recherche du sociologue ont un passé. Et cette réalité qu’étudie le sociologue est historique, c’est-à-dire qu’elle est datée et circonscrite dans un espace géographique et temporel. C’est autant dire que la sociologie et l’histoire se complètent sans se confondre. Cette complémentarité indéniable est suffisamment expliquée par G. SMETS (1929 : 89)[3] qui disait que :

« La sociologie n’atteint au réel qu’à travers l’histoire, mais l’histoire n’explique le réel que grâce à la sociologie ».

Partant, on pourrait dire que le sociologue apporte à l’historien le cadre théorique sans lequel son étude n’est que narration, technique que le journaliste maîtrise mieux que lui. D’ailleurs, l’un des plus grands historiens américains, G. E. HOWARD[4], affirmait, pour étayer cette complémentarité, que « l’histoire est la sociologie du passé et la sociologie l’histoire du présent ».

En fait, nous écrivons pour faire écrire. Nous écrivons dans l’espoir que notre ignorance, nos errements et nos égarements, que nous revendiquons et acceptons, vont amener les historiens à sortir de leur silence assourdissant et « historique » pour faire face aux dérives de la politique politicienne qui falsifie l’histoire de la Guinée et des Guinéens de nos jours. Peut-être qu’en écrivant et en nous trompant, les historiens qui sont les mieux placés pour nous entendre et comprendre notre cri de cœur, vont rompre leur silence, leur mutisme et leur indifférence face à leur devoir, leur mission et leurs responsabilités.

Dans cet article, il y aura des trous et des inexactitudes. Les uns et les autres découvriront notre ignorance et la faiblesse de notre documentation sur certains groupes ethniques et sur certains aspects. Et comme disait Amadou Ham Pâté BAH, dont nous sommes un disciple livresque :

« Je ne cherche pas à avoir raison, plutôt je cherche à ce que nos raisons et nos diverses vérités édifient la vérité vraie ».

Nous souhaitons que nos lecteurs ne gardent qu’une seule chose de ce texte : notre volonté de privilégier ce qui unit les Guinéens dans leur passé et aussi dans le présent, car comme le disait Professeur Djibril Tamsir NIANE (1963 : 21) :

« Il faut prendre garde, parce que l’histoire reste très vivante encore et vous n’êtes pas sans savoir que des querelles qui remontent parfois au 13ème et au 12ème siècles peuvent resurgir avec une recrudescence inattendue ».

Cet article est donc une façon de faire taire les « scientifiques » de certaines radios privées de Conakry, les « insulteurs publics » et les « révisionnistes historiques » qui brisent, chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, ce qui reste de la Guinée : notre pays.

Je cherche à déconstruire le discours qui falsifie pour humilier, le discours qui divise pour rabaisser, le discours qui incite à la haine et à la violence. Il y a longtemps que j’ai appris, pour avoir duré sur les bancs de l’école, que l’histoire d’une nation, celle enseignée et diffusée, est une « reconstruction » intelligente pour apaiser les passions et flatter le « vouloir vivre ensemble ».

Face aux pyromanes de Guinée qui veulent manger, se vêtir et se loger en mentant et en falsifiant pour faire plaisir aux égos de leur mentor, j’ai pensé qu’il est temps que quelqu’un assume en puisant et rendant public une petite partie des travaux des historiens de Guinée (je ne nomme personne pour ne pas insulter ceux qui ne le seront pas) et les centaines de diplômés qui ont réalisé des mémoires sur les mouvements migratoires et la mise en place des populations guinéennes, malheureusement, rarement consultés de nos jours. C’est à tous ces devanciers que je voudrais rendre hommage[5] en présentant, sans les dénaturer, leurs travaux non publiés et souvent utilisés par les vendeuses pour emballer du « takoula » et du « malè gato » dans la cour des écoles publiques et privées et à leurs abords ou gardés dans les caves moisies et obscures des bibliothèques publiques du pays.

LE PEUPLEMENT DE LA GUINÉE

Faire l’historique du peuplement de la République de Guinée est un exercice à la fois simple et complexe. Il est simple, car il est toujours possible de « répéter » les nombreux écrits réalisés sur certaines des populations de ce pays avec le risque de reproduire des vérités connues, parfois reconstruites, souvent parcellaires et forcement tronquées.

L’exercice est complexe, car il existe peu de documentation sur le peuplement de toutes les populations guinéennes et celle qui existe porte sur certains groupes, en particulier (baga, soussou, Peul, kissi et malinké) et est souvent des partis pris ethnologiques. Il est encore très difficile de faire de l’histoire en Afrique car cet exercice, comme le disait Boubacar BARRY (1975 : 12)[6], « se heurte à des sérieuses difficultés, car entre légende et histoire, la frontière est souvent indécise. »

C’est avec ces précautions et ces limites que nous aborderons la question du peuplement. C’est dire, autant que possible, nous viserons à être exhaustif tout en évitant les stéréotypes et les clichés faciles d’écriture mais réducteurs de la réalité historique et sociologique. Nous nous abstiendrons de présenter l’organisation sociale, les mœurs et les coutumes des différentes populations qui constituent la mosaïque humaine guinéenne. Cette question est suffisamment importante pour être diluée à l’intérieur du présent article.

S’il est difficile de dire avec une date précise à quelle époque remonte l’arrivée des premières vagues de populations dans les différentes régions du territoire qui est aujourd’hui désigné par le nom de République de Guinée, la plupart des documents disponibles et utilisés par les historiens qui s’intéressent à la question des mouvements migratoires des populations situent le début de l’occupation de ce territoire autour du moyen âge africain (approximativement entre le Vème et le XVIème siècles). En fait, cette période, comme toutes ces périodes éloignées et mal documentées, est arbitraire et correspondrait davantage à la période à partir de laquelle il existerait des documents plus ou moins fiables et utilisables (souvent de sources arabes) dans le cadre des canaux scientifiques.

On sait, cependant, avec certitude que le dessèchement du Sahara et la chute de l’empire du Ghana (1076) ont eu pour conséquence une très grande mobilité des populations africaines de l’Ouest. Cette mobilité s’est poursuivie, et s’est prolongée avec la naissance et la disparition de tous les empires et Etats de la région (Mali au XIIIème siècle, Songhaï au XVème siècle, Ségou au XVIIème siècle, Foutah Djalon au XVIIIème siècle, Macina au XIXème siècle, etc.) qui se sont succédé sur ce vaste espace qui va du désert à la lisière de la forêt en passant par la savane et les zones montagneuses du Foutah Djalon.

On sait aussi depuis les travaux de l’historien Djibril Tamsir NIANE[7], qui s’est appuyé sur ceux de Maurice DELAFOSSE (1912)[8], que :

« Les noirs ne sont pas autochtones, en cela toutes les traditions locales sont unanimes et on connaît la tendance générale en Afrique Occidentale à faire venir les ancêtres de l’Est. » (1960 : 43).

Ce point de vue est aussi celui de la quasi-totalité des spécialistes de la question qui s’accordent à reconnaitre que, pour l’essentiel, les populations de la Guinée sont originaires du Sahel et que ces populations sont arrivées sur le territoire guinéen par vagues successives au cours des siècles. La première conséquence de cette conclusion est simple : nous sommes tous des «étrangers» à part égale dans les pays dans lesquels nous vivons présentement, les premiers comme les derniers arrivés.

Cela dit et pour faciliter la lecture lourde et fastidieuse du présent article, nous allons, pour en aérer la lecture, le découper en de petits morceaux avec des titres que nous espérons significatifs.

LES COTIERS DE LA GUINEE (MANDENYI, SOUSSOU, BAGA, NALOU, LANDOUMA, MIKHIFORE)

LES MANDENYI

Les Mandenyi seraient les premiers occupants de la zone côtière de la Guinée. Cette affirmation est celle de Zainoul A. SANOUSSI (1969 : 25)[9] qui défend dans son Mémoire de Fin d’Etudes Supérieures que : « les traditions et les documents s’accordent pour dire que les 1er occupants de la zone comprise entre Dubréka, Conakry, Coyah et Forécariah seraient les Mandenyi »

Les rares historiens qui se sont intéressés à la migration des Mandenyi s’accordent sur deux choses. La première est de considérer qu’ils auraient occupé, selon CONTE, reprenant André ARCIN (1911 : 186)[10], « tout le versant Sud-Ouest du Foutah d’où ils furent en partie expulsés à la suite du refoulement général des Baga du Nord vers la mer ». La seconde est de considérer que du Foutah Djalon, les Mandenyi seraient descendus dans la région forestière (entre Faranah et Macenta) avant de migrer vers la côte en traversant le territoire actuel de la Sierra Leone.

C’est probablement pour cette raison que Demba CONTE (1979 : 21)[11] a affirmé dans son Mémoire que : « Forécariah a été habité par une population de souche Mandeyi dont le pays d’origine serait aux confins de Macenta et de Guéckédou ». Ce sont les mêmes propos que l’on retrouve dans les écrits d’André ARCIN (1909 : 14) « les Mandeyi, tout comme les Baga, sont venus du Solina actuel ». Dans tous les cas, en 2014, il y a plus de Mandenyi en Sierra Leone qu’en Guinée. Ce qui atteste, on ne peut plus mieux, leur pérégrination dans la région Ouest africaine.

LES SOUSSOU

Ce que l’on désigne en français par le mot Soussou se désignent eux-mêmes Sosoé ou Sosé. Pour faire simple, on dira dans ce texte les « Soussou » pour les désigner. Mahawa BANGOURA (1972)[12] relate qu’ils seraient venus du Mali après la victoire de Soundiata KEITA sur Soumangourou KANTE à la suite de la défaite de ce dernier à la bataille de Kirina en 1235. Pour BANGOURA (1972), du Mali, les Soussou auraient emprunté quatre voies :

  • Le 1er groupe aurait passé par Sibi Menien pour trouver asile dans l’actuelle Haute Guinée et au Foutah Djalon avant de rejoindre le littoral guinéen. Il semble que ceux qui ont séjourné au Foutah Djalon se seraient scindés en deux groupes : le premier aurait longé le bassin du Konkouré pour occuper le Kabitaye, le Labaya et le Bramaya et le second aurait longé le cours des scories, se serait emparé du Benna et de Tamisso avec les Mandeyi avant de s’installer dans le Kemalaye, le Kissi-Kissi, le Soumbouya et le Moricanie;
  • Le 2ème groupe serait parti vers le Sénégal et aurait été assimilé par les Wolofs ;
  • Le 3ème groupe aurait traversé le Sénégal avant de contourner le Foutah Djalon pour rejoindre la côte guinéenne ;
  • Le 4ème groupe aurait longé le fleuve Niger pour aller en Guinée Forestière tout en conservant les noms de famille comme KANDE, BAMBA et SOUMAORO (BANGOURA, 1972 : 14).

Sur ces quatre trajectoires migratoires, l’unique que l’on retrouve dans les écrits de Jean SURET-CANALE[13], qui sont antérieurs à ceux de Mahawa BANGOURA, est la troisième route migratoire. En effet, Jean SURET-CANALE (1970) s’appuyant sur la tradition orale du Rio Pongo affirme qu’« il est probable que les soussous soient venus des vallées moyennes du Bafing et de la Gambie vers le littoral, en contournant la région du Foutah par la vallée du Cogon, à une époque très ancienne » (1970 : 47).

Pour Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975)[14], les Dialonké et les Soussou auraient migré du Ghana vers 1250. Pour être si affirmatif, il s’appuie non seulement sur ses propres recherches sur le terrain mais aussi sur les travaux antérieurs de Maurice GAUTHIER (1908 : 12)[15] qui soutenait que :

« C’est probablement mal accueillis par les Banbaras qui peuplaient le Soudan méridional que les Dialonké durent continuer leur marche vers le Sud jusqu’au Foutah actuel où ils s’établirent »

Ces versions ne sont pas totalement différentes de celles Charles Emmanuel SORRY (1974)[16]. Sans les faire venir de loin comme les autres, il reconnait toutefois leur mouvement d’Est-Ouest. Pour lui, les Soussou seraient des chasseurs d’éléphants originaires de Funyi et de Sangalan aux abords de la Falémé. A la quête d’éléphants, ils se dirigèrent d’Est vers l’Ouest. Dans cette marche, ils auraient utilisé le trajet relaté par SURET-CANALE (1970), c’est-à-dire en passant par le Cogon avant d’être repoussés par les Badiaranké vers le Sud-ouest. C’est ce groupe qui se serait agrandi en absorbant et en assimilant certains membres des autres groupes qui seraient arrivés plus tard comme les Baga et les Landouma. Enfin, l’on notera que de nos jours, la plupart de ceux qui l’on désigne par le nom de Soussou occupent surtout le Sud de la région maritime : Conakry, Kindia, Coyah, Forécariah et Dubréka, alors que le Nord est majoritairement peuplé par les autres ethnies du littoral tels les Baga, les Nalou, les Landouma, etc.

Après avoir fait ce bref rappel historique sur les Soussou de Guinée dans leur trajectoire migratoire, il reste plusieurs questions sans réponses. La première question est de savoir si les Dialonké et les Soussou sont un et même peuple ? La seconde question est de savoir si l’empire Soso a été fondé par les Soussou, les Dialonké ou un autre groupe humain ? Cette dernière question pose indirectement celle de l’appartenance ethnique de Soumangourou KANTE, le roi du Soso.

Sur la première question, Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975) ne répond pas directement, mais se contente d’affirmer que si les deux groupes (Sousou et Dialonké) ne sont issus du même peuple, les seconds sont rattachables à l’embranchement du premier nommé à cause de l’identité quasi-totale de leurs deux langues. Pour l’affirmer, il s’appuie sur la tradition orale qu’il rapporte.

Il est vrai qu’en écoutant un Dialonké et un Soussou parler leur langue, on décèle des mots identiques avec quelques différences ou nuances linguistiques. Ces nuances linguistiques ne permettent ni d’infirmer ni de confirmer qu’il s’agit d’un même et unique groupe ethnique. On peut supposer que ces différences pourraient s’expliquer par des migrations différenciées dans le temps et l’espace et par la longue cohabitation avec les Malinké dans le Manding et les Peul au Foutah Djalon. Ces différentes cohabitations auraient eu pour effets des emprunts réciproques.

On pourrait affirmer, à la suite de Jean SURET-CANALE, la « parenté linguistique » entre les deux groupes (Soussou et Dialonké), cependant nous ne soutiendrons pas, vaille que vaille, que les deux groupes constituent un même peuple. Des recherches ponctuelles, intenses et suivies sont nécessaires pour trancher la question sur ce lien parental entre Dialonké et Soussou.

Sur la seconde question, la réponse de Maurice DELAFOSSE (1912) est catégorique. Ce chercheur, affirme, à la suite de IBN KHALDOUM, que les :

« Sossé [   ] ont été longtemps confondu à celui des Soussou, alors que, à mon avis, ces derniers n’ont jamais participé à sa formation ni à sa gloire : c’est tout au moins ce qui résulte d’un examen consciencieux des traditions locales, comme de la lecture attentive de quelques documents écrits » (1912 : 162).

Pour Maurice DELAFOSSE (1912), la constitution du Soso en un empire est le prolongement de l’affaiblissement de l’empire du Ghana par les Almoravides. Sur les lambeaux de l’empire du Ghana et après que la domination berbère eut pris fin en 1090, un Etat vassal du nom du Royaume de KANIAGA put, à son tour, devenir un empire avec comme capitale Soso et comme premier dirigeant des princes Soninké de la dynastie des DIARISO qui venaient de l’intérieur de l’empire du Ghana.

Il semblerait que c’est sous le règne de Banna-Boubou (1100-1120) que des Peul qui appartenaient au clan des So ou Férobhè se seraient métissés avec les dirigeants Soninké du Royaume de KANIAGA :

« C’est ce qui fit donner aux descendants de ces unions le nom de Sossé (descendance des SO) ; plus tard, l’emploi de cette appellation s’étant généralisé, elle fut appliquée à tous les habitants de KANIAGA ou tout au moins à toute la casse dirigeante. C’est également cette circonstance qui fit donner le nom de Soso (village des SO) à la capitale de l’Etat » (Maurice DELAFOSSE (1912 : 164).

Sur la seconde interrogation toujours, il y a peu de chance que Soumangourou KANTE soit Soussou ou Dialonké. Il est fort probable qu’il soit un Malinké. On sait, à travers l’histoire relatée par Maurice DELAFOSSE (1912), que Soumangourou KANTE est le fils d’un usurpateur de pouvoir du nom de Diaara KANTE.

Maurice DELAFOSSE (1912) affirme qu’à la mort de Birama DIARISO (le dernier prince de la dynastie des DIARISO), la lutte pour la succession va opposer les neufs fils issus de deux épouses du défunt roi. C’est cette bataille fratricide qui va conduire les enfants de la seconde épouse à faire appel au plus grand soldat du Royaume du nom de Diaara KANTE. Ce dernier va aider à vaincre les enfants de la première épouse, mais finira par prendre le pouvoir aux mains des enfants de la seconde épouse qui eux-mêmes ne s’entendirent pas après leur victoire. Soumangourou KANTE (1200 environ à 1235) est donc l’héritier de Diaara KANTE et se serait sous son règne que l’empire Soso atteindra son apogée et son déclin.

Au vu de ses éléments et de ce que nous savons de Soumangourou KANTE et du patronyme KANTE hier et aujourd’hui, il est difficile de soutenir que celui-ci ne serait pas Malinké. En effet, comment expliquer qu’on ne trouve nulle part, en dehors du Manding, assez de familles KANTE à l’échelle communautaire ? Pourquoi les KANTE, eux, sont-ils restés si massivement dans le Manding après la défaite militaire de leur roi et la décision de les reléguer au simple statut d’homme de caste au service de la nouvelle dynastie du vainqueur de Kirina ? Peut-on alors supposer que la plupart des KANTE qui seraient restés dans le Manding auraient changé de nom pour se confondre et éviter des représailles ? Peut-on, enfin, croire que ceux qui ont préféré partir ont gardé leur nom de famille par souvenir et/ou par fierté ? Ce sont là des questions d’importance capitale qui, pour leurs réponse, demandent de la volonté, de courage et des moyens appropriés pour mener des recherches pluridisciplinaires, suivies et intenses à plusieurs niveaux dans la sous-région.

D’ici là, on peut se permettre certaines hypothèses qui ouvrent de nouvelles pistes de recherches. On peut, par exemple, légitimement se douter du fait que les descendants de Soumangourou KANTE ne soient pas encore dans les limites de l’ancien empire de son fondateur. Aussi, si les KANTE sont restés dans le Manding, et on sait qu’ils l’ont été pour la majorité d’entre eux, c’est probablement parce que le pouvoir n’appartenait pas à tous les KANTE. Si cette hypothèse est la bonne, on pourrait dire que ceux qui ont émigré après Kirina l’ont fait pour quitter une zone de trouble où la sécurité n’était pas encore rétablie et non parce qu’ils ont perdu un pouvoir qui n’était pas collectif, mais bien individuel.

En plus, les armes (couteaux, flèches, coupe-coupe, sabre, etc.) sont le fait des forgerons et donnent un avantage certain à ceux qui les ont, à ceux qui les fabriquent, mais surtout à ceux qui savent les utiliser à des fins politiques. En tous cas, l’histoire du Soundiata KEITA, tout comme celle du Foutah Djalon, montre très clairement que les armes utilisées lors de la bataille de de Kirina ou de Talansan n’ont été confectionnées ni par les KEITA, ni par les Peul musulmans. Les uns et les autres en ont fait des moyens de conquête et de conservation du pouvoir politique à leurs propres fins, souvent au détriment d’autres dont certains avaient le secret du fer.

Enfin, l’on a toujours pensé, depuis l’empire du Mali, que les KANTE sont des forgerons[17], il se pourrait que tous les KANTE d’avant Kirina ne soient pas tous des forgerons de fabrication et d’usage. Soumangourou, tout comme d’autres chefs après lui, aurait eu juste le génie et la force de commander sa fabrication, de contrôler sa circulation et d’administrer son usage dans son empire. Car, la maitrise du fer, disons des armes, a toujours joué un rôle essentiel dans l’accès et l’exercice du pouvoir.

LES AUTRES COTIERS

Il semble qu’avant d’arriver sur le long du littoral, les Baga, les Landouma et les Nalou ont aussi transité par la région du Foutah Djalon. Arrivés en ces lieux depuis le haut Moyen Age et devenus sédentaires, ils s’occupaient essentiellement de l’agriculture et d’élevage. Ils seraient refoulés vers les côtes atlantiques par les Dialonké qui occupaient alors les plateaux du Nord et du Centre du Foutahh d’où certains parmi eux seraient, plus tard au XVIIIe siècle, refoulés à leur tour par les Peul musulmans.[18]

LES BAGA

Reprenant F. K. Voeltz, MOUSER(1999)[19] écrit que le mot « Baga » dérive du susuxuy bae, « la mer », et raka, « de là », d’où baeraka, « ceux de la mer », terme utilisé pour désigner ceux qui vivent le long de la côte. Une conclusion allant dans le sens de ce que WILSON (1961: 1) indiquait il y a quarante ans, lorsqu’il remarquait que « Baga » est plutôt prononcé Baka par les intéressés et les Temne.

Dans le cours développé par Zaïnoul A. SANOUSSI et ses autres collègues du Département d’Histoire-Sociologie, d’Histoire-Philosophie et autres binaires de l’époque de l’Institut Polytechnique « Gamal Abdel Nasser » de Guinée, intitulée « la mise en place des populations guinéennes »[20], il est affirmé que les Baga seraient l’une des toutes premières migrations du Tekrur vers la côte. En tous cas, les explorateurs portugais notent la présence des Baga dès le XVIème siècle le long des côtes atlantiques de la Guinée. Ils auraient emprunté plusieurs chemins et à des périodes étalées sur plusieurs siècles. Ce qui aurait conduit à l’existence de plusieurs groupes sociolinguistiques Baga.

MOUSER (1999) nous apprend qu’en 1885, le révérend P.H. DOUGHLIN divise les Baga en Baga Koba, Baga Kakisa, Baga Nus ou Baga Noirs, Mikhii-Fori et Baga Kalum. Quand à Denise PAULME (1956)[21], il distingue de son côté les embranchements suivants de Baga :

  1. Mandori autour de l’embouchure du Rio Componi (ils cohabitent avec les Nalous). Ils viendraient de la zone comprise entre Télimélé et Kindia ;
  2. Sitémus à l’embouchure du Rio Nunez demeurant surtout dans la région du Nunez (village de Katoko, Katongoro, Kawtel) (ils auraient migré de la région de Labé vers la zone de Kamsar) ;
  3. Koba au Sud du Pongo ;
  4. Kakissa (ou Sobané) sur les côtes entre le Cap Verga et le Rio Pongo ;
  5. Pukur ou Binani Baga (ils seraient l’un des plus anciens groupes et auraient migré de l’actuelle Préfecture de Gaoual sous aucune pression particulière). Dans le Binani (Préfecture de Gaoual, il est encore possible de retrouver certains lieux de passage des Baga avec des zones de fétiches qui restent encore des endroits gardés intacts par les populations Peul de la zone) ;
  6. et enfin, après le Konkouré, les Baga de Kalum auxquels s’ajoutent les Baga Foré et le groupe Buluñits entre le Nunez et le Cap Verda (ils auraient migré de Timbo et seraient l’un des derniers groupes à migrer vers la côte).

Nous avons donc, sous une même appellation Baga, un groupe diversifié et sans doute assez mixte.

LES LANDOUMA OU LES LAND-MEN

Les données de la tradition suggèrent que le nom de « landuma » leur aurait été attribué par les premiers explorateurs anglais. Les Landouma seraient donc l’expression anglaise de « land man » (homme du territoire, paysan).

Pour Marie Paul FERRY et Lansana SANDE (2000)[22], « Landouman » a une étymologie possible, ce serait le nom qui fut donné dès le XVIIème par les Anglais, aux hommes qu’ils voyaient le long de la côte depuis leurs bateaux: land-man en anglais signifie simplement paysan ». Reprenant Marie Yvon Curtis (1996), FERRY (2000) aurait fait remarquer que le mot apparaît pour la première fois chez le compilateur espagnol Sandoval (1623) sous la forme Landama, et qu’on le retrouve ensuite en 1664 chez André de Faro. Si l’interprétation de Ferry est exacte, ces derniers auteurs auraient en ce cas employé le terme donné par les navigateurs anglais et c’est celui qui aurait perduré dans le temps.

Les Landouma auraient deux noms : landouma et tyapi. Le nom de « tyapi » serait celui par lequel les autres populations voisines, notamment les Peul les nommeraient. Il semble se dégager deux noms pour le même peuple : les Landouma restés dans la région de Koundara sont appelés par le nom de tyapi alors que ceux qui vivent dans le Kakandé (Préfecture de Boké) gardent le nom de Landouma. Paul PELISSIER (1966 : 524)[23] dira que :

« Une partie de ces Cocoli-Landouma ont dû quitter leur pays d’origine situé au nord de Kadé, chassés par les Foulas, et ils sont venus chercher une nouvelle patrie dans les forêts désertes qui couvrent le pays situé entre le Rio Compony et le Rio Nunez ».

Alors que ceux-ci devenaient des Landouman, ceux établis au pied de la falaise de Kumbia, étaient nommés « Tyapis » par les coloniaux français sous l’influence de leurs interprètes Peul. La question qui reste sans réponse est de savoir quel est le nom de ce groupe humain avant le XVIIème ?

C’est la trajectoire migratoire des Landouma qui est suffisamment documentée. Il semblerait que les Landouma seraient venus du Tekrur, comme les Bagas, et seraient arrivés au Foutah Djalon à la même période que les Puulis sous la direction de Koly Tenguela avec lesquels ils s’affrontèrent dans la zone comprise entre les Préfectures de Télimélé et de Pita selon Aliou WANN et Bubakar BA (1974)[24]. Du Foutah Djalon, les Landouma auraient migré, selon ces deux auteurs, à partir de Kököli (l’Ouest de Gaoual) vers la côte sous la conduite de Manga DIBI. C’est ce patriarche qui aurait donné à la nouvelle région d’arrivée des Landouma, le nom de Kakandé qui signifierait « quand on a vu une fois ce pays on ne le quitte plus ».

LES NALOU

Pour Zainoul A. SANOUSSI (1969), même si l’on ne connaît pas la date d’arrivée des Nalou le long des côtes guinéennes, il y aurait au moins une certitude : les portugais auraient signalé leur présence depuis le XVème siècle.

Les Nalou auraient séjourné au Foutah Djalon aux environs du XIIIème siècle comme les Landouma et les Baga et auraient été refoulés vers la côte par les Dialonké aux environs du XIVème siècle. Du Foutah Djalon , il y aurait eu deux vagues de migration des Nalou.

La première vague se serait dirigée vers le Badiar (à la lisière des frontières de la Guinée, du Sénégal et de la Guinée-Bissau) à la suite des affrontements avec les Dialonké. De nos jours, aucune étude ne permet de savoir ce que cette vague serait devenue. On peut penser que ce groupe aurait été assimilé, mais il est impossible à ce niveau de connaissance de dire lequel des groupes vivants dans cette zone l’aurait fait.

La seconde vague aurait quitté le Foutah Djalon, bien plus tard aux environs du XVIIIème siècle. Ce serait ce groupe qui serait arrivé dans le Kakandé (Préfecture de Boké). Chez les Nalou comme chez les Baga, on noterait plusieurs sous-groupements. Ainsi, on parlerait, selon Rouguyatou DIALLO (1974)[25] de :

  • Nalou Basintyé (les Nalou de la terre ferme) ;
  • Nalou Babiniké (les Nalou des rizières) ;
  • Nalou Kubu ;
  • Nalou Köööl, etc.

Cette différenciation à l’intérieur du même groupe, comme on a pu le constater ailleurs, est le résultat de la migration à des périodes différentes et à des effets environnementaux et sociaux sur chaque vague de migration.

LES POPULATIONS DU NORD DE LA GUINÉE

LES TANDA

Toutes les populations du Nord de la Guinée sont-t-elles des « Tanda » ? Pour Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972)[26] la réponse est affirmative. Pour ces deux auteurs, le terme « Tanda » est donc générique et sert à désigner un groupe de population qui regrouperait les Könyagui, les Basari et les Badiaranké.

Le mot serait aussi un mot peul et serait donc, selon TECHER, cité par Naye DYENG et Mundekeno SAA, la désignation en pular des populations présentant certains caractères communs : des personnes qui se promènent le torse nu[27].

Pour ces auteurs, il y aurait plusieurs catégories de Tanda. Le premier groupe serait les Bassari qu’ils nomment aussi « Tanda Donka » ou porteurs de fourreaux (l’étui en bambou est appelé dönka). Le second groupe serait les « Tandas Mayo » (Tanda du fleuve en pular). Ils parleraient la même langue que les Bassari. Un troisième groupe serait constitué des « Tandas Boeni » (ou Tanda du rocher). Le quatrième groupe serait les « Tandas Badi » (Tanda de la moitié) qui habiteraient dans le N’Gamu dans le Sud-Est des provinces orientales de Tambakunda (République du Sénégal). Le cinquième groupe serait les « Tandas Ban’dé » et habiteraient le Sud-Est du cercle de Kedougou (République du Sénégal).

La plupart des auteurs consultés par Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), comme RANCON (1894), TECHER (1933), André ARCIN (1911) partagent l’idée que les Bassari et le Cönyagui seraient venus dans leurs sites actuels en deux vagues : avant l’arrivée de Koli Tenguella et juste après son passage dans la région. Ils auraient été des acteurs importants dans l’armée de ce dernier lors de sa conquête du Tekrur.

Les membres de la première vague auraient d’abord séjourné dans le Damantan (République du Sénégal) avant de se fixer dans le Nord de la Guinée entre les territoires d’habitation des Tanda et des Bassari (entre les Préfectures de Koundara et de Mali). La seconde vague aurait été sur le sillage de la migration de Koli Tenguella. Pour DELACOUR (1947), cité par Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), « l’arrivée des Tanda dans la région qu’ils occupent actuellement date de 1522, date à laquelle ils vinrent à la suite de Koli Tenguella parti du pays Mandé ».

Les Bassari seraient venus de l’empire du Ghana vers le XVIIème siècle et se seraient installés dans plusieurs parties du Foutah Djalon avant de se fixer dans leur habitat actuel (en partie en Guinée et en partie au Sénégal) c’est-à-dire à la lisière de la frontière Guinéo-sénégalaise. Selon GIRARD (1993:43), ces derniers se dénomment eux-mêmes les « Be-liyan » signifiant « les fils de la pierre » (de la latérite) alors que se fondant sur des notes de TAUXIER, FERRY (2000) donne pour sa part l’étymologie basar, c’est-à-dire lézard. Pendant longtemps, ils ne pratiqueraient que la chasse. Reprenant la narration de Monique de LESTRANGE (1955), Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972) affirment que :

« Les Bassaris et les Coniaguis et d’autres familles établis dans le haut N’Gabou ont eu leur berceau sur les bords du Niger qu’ils ont abandonné avec la grande migration de Koli-Tenguella vers le XIVème siècle. Cette émigration s’est répandue dans toute la vallée du Haut Sénégal, et un groupe principal est descendu dans le Foutah Djalon ».

Les Köniagui, eux, se désignent par le terme de « AWOEN » et parlent la langue « Wamëy ». Ils seraient venus de l’empire du Ghana, bien avant la plupart des populations actuelles de la Guinée. Djibril Tamsir NIANE, dans son ouvrage intitulé « Koli Tengella et le Tékrour », relatant l’épopée victorieuse de ce héros peul mentionne la présence des Könyagui dans la région de Koundara dès le XVIème siècle.

Les Badiaranké, eux, seraient apparentés aux Bassari et Koniagui et sont installés sous et sur la montagne du même nom qu’eux : le mont badiar. Pour Lestrange de LESTRANGE (1955: 1)[28], la désignation Badiaranké « semble avoir été donnée par les Peuls » et signifierait : « captifs des Peuls ». Cette version est manifestement erronée, car dans le mot « Badiaranké » il n’existe pas dans le préfixe, ni dans la racine ni dans le suffixe une composante du mot captif en pular (Matyoudho, esclave ou Djéyadho qui appartient à quelqu’un).

Pour d’autres historiens, les Badiaranké ne seraient qu’une dénomination locale des « mandinko » de l’empire du Gabou qui eux-mêmes ne sont que le résultat de la migration mandingue avec le métissage des populations diolas de la région de Casamance. Ne serait-il pas possible de considérer le nom « Badiaranké » comme l’expression de ceux qui sont au Badiar (la montagne sur laquelle et autour de laquelle ce peuple vit).

Dans leur Mémoire de Fin d’Etudes Supérieures, Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972), signalent un autre point de vue non moins importante tiré d’un auteur portugais du nom de L. CORRELA qui défend que les Badiaranké « seraient issus du métissage entre les ‘les Tilibanos (mandingue)’ arrivés dans la région vers 1800 sous la direction de Tramane SANE et des Coniaguis autochtones ». Cependant, le fait que les Badiaranké soient les seuls groupes ethniques de Guinée qui, tout en portant le nom de famille du père, se réclame du lignage de la mère devrait inciter à plus de prudence sur le lien entre Badiaranké et Mandinko.

Ce que cette historiographie laisse dans l’ombre est le processus par lequel la différenciation s’est faite entre des populations qui seraient identiques et qui vivent sur des territoires contigües. Comment des populations, appartenant au même groupe (disons Tanda pour faire simple), sont devenues Könyaguis, Bassaris et Badiaranké ? Une thèse en histoire sur le sujet ne serait pas vaine.

LES POPULATIONS DU CENTRE ET DE L’EST DE LA GUINÉE

LES DIALONKE

Tous les historiens de la Guinée s’accordent à dire que les Dialonké seraient arrivés au Foutah Djalon autour du XIème siècle. Il semblerait, selon Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1975), que la première vague migratoire des Dialonké daterait de 1250 et se serait passé à l’intérieur de l’empire du Ghana. Cette première vague, selon GAUTIER (1908), aurait été mal accueillie par les Bambara qui peuplaient le Soudan Méridional La seconde vague migratoire serait consécutive à la victoire de Soudiata KEITA sur Soumangourou KANTE après la bataille de Kirina en 1235.

On retrouve le même point de vue dans les écrits de KANTE (1995) qui date la migration des Dialonké de l’actuel territoire de la République du Mali à partir de la bataille de Kirina en 1235 entre Soundiata KEITA et Soumangourou KANTE, le roi du Soso.

La seconde migration des Dialonké serait consécutive à la victoire des musulmans contre les non-musulmans lors de la bataille de Talansan en 1725. Après cette bataille certains se seraient dirigés vers la côte guinéenne et auraient rejoint des populations qu’ils avaient eux-mêmes repoussées auparavant. D’autres sont restés au Foutah Djalon et se sont convertis à l’Islam au Sud et au Centre du Foutah Djalon. D’autres seraient allés vivre dans le Nord-est (Saré Kindja dans la préfecture de Koubia, Ganfata dans la préfecture de Tougué et surtout Balaki-Sangalan dans la Préfecture de Mali) qui en se soustrayant (le cas de Balaki-Sangalan), qui en se soumettant de façon lente et progressive à l’autorité du Foutah Djalon et à la nouvelle religion; d’autres, enfin, seraient allés vers la région actuelle de Faranah et de la Sierra Leone où ils vont fortifier le Solima en une province assez solide et qui pendant longtemps se constituera en un « état vassal » au Foutah-Djalon.

De nos jours, on peut schématiquement distinguer quatre zones d’habitation des Dialonké en Guinée :

  • Un groupe de Dialonké vit encore au Foutah Djalon (Koubia, Tougué, Mali et Gaoual) avec une identité Dialonké réelle, même si plusieurs parmi eux sont locuteurs de deux langues : la leur et le pular ;
  • Un second groupe de Dialonké a été absorbé par les Peul er parfois n’ont aucune conscience d’une autre identité que celle Peul ;
  • Un troisième groupe vit dans la région de Faranah. Ces Dialonké utilisent souvent deux langues : la leur et le maninka ;
  • Un quatrième groupe vit en Basse Guinée et particulièrement à Conakry et revendique une identité Soussou.

LES PEUL/FOULACOUNDA/TOUCOULEUR

Les Français disent le « peul » ou « poular » pour désigner ce groupe humain qui se désigne lui-même par « pullo » au singulier et « fulbhè » au pluriel et ils disent parler du « pular ». Il semblerait que le mot « peul » leur aurait été attribué par les Wolof avant d’être repris par les français.

Il n’y a pas de consensus entre les chercheurs sur la date exacte de la première migration des Peul au Foutah Djalon. Les documents historiques disponibles notent deux vagues migratoires de Peul en Guinée. Ces deux vagues sont venues en des périodes éloignées les unes des autres dans le temps et à plusieurs endroits.

Les premiers Peul non islamisés nommés puuli[29]  auraient migré sur le territoire actuel de la Guinée en de petites vagues à partir du IXème siècle. DIALLO (1975 : 30) affirme que c’est vers le XIIIème siècle que la migration des Peul animistes prendra de l’ampleur pour devenir massive autour du XIVème siècle. Du Sahara, ils auraient atteint le Bambouk à partir duquel le groupe se scinde en deux : les premiers se dirigèrent vers le Ouassoulou et les seconds longèrent les vallées du Tinkisso et du Bafing pour atteindre le Foutah Djalon.

Pour certains historiens comme ES SADI, dans son « Tarrech es sudan », Tenguella, père de Koli, avait rallié à son bord les « arbe » (pluriel de ardo) « feroobe, wolarbe et uururbe et tous les yaalalbe » (pluriel de jaalaalo) de son clan pour se tailler un empire dans le Kingi (le Fuuta Kingi) au nez et à la barbe des Askia Sonray. L’armée de l’Askia, commandée par, son frère Amar, marcha contre Tenguela le père et le poursuivit jusqu’à Diâra, où elle le défit et le tua en 1512. C’est après la mort de son père que Koli Tenguela[30] va récupérer les troupes qui restaient de son père pour rappliquer à l’Ouest au Tekrur, en passant par le Foutah Djalon. Dans cette contrée, il va mettre en place un Etat avec une capitale située dans l’actuelle préfecture de Télimélé. C’est de là qu’il va lever une armée et remonter vers l’Ouest entrainant avec lui une armée dans laquelle étaient incorporés des Dialonké, des Malinké, des Köniagui, des Baga, des Nalou, des Diola, des Serère, bref tous les peuples trouvés sur le chemin du Tekrur qu’il rebaptisera du nom de « Foutah Tooro »[31]. Le territoire de Tekrur qu’il annexa, il lui donna le nom de Fouta en souvenir du Fuuta Kingi de son père et auquel il adjoignit Tooro, une des provinces du Fouta (KANE, 2004).

Cette remontée et la prise du pouvoir dans le Tekrur en 1552 aura pour conséquence d’imposer sa dynastie (Denyankobé[32]), sa langue (le pular) et la culture Peul à toutes les populations du Royaume. Ce serait ainsi que toute la région du Fouta Tooro devenue majoritairement « foulaphone » Halpulaar’en (ceux dont la langue est le Pular avec une forte dominance Toucouleur).

Plusieurs siècles plus tard (XIXème siècle), El hadj Omar TALL fera le même chemin, mais en sens inverse. Du Foutah Tooro, il descendra au Foutah Djalon, traversera Dinguiraye pour remonter vers le Fouta Kingi pour affronter Hamadou-HAMADOU, et le tuer en 1862, le fils de Sékou HAMADOU et petit-fils de Sékou HAMADOU fondateur de la dynastie des BARRY du MASSINA.

Selon le professeur KANE (2004), auteur du livre: « La première hégémonie Peule : Le Fuuta Tooro de Koli Tenguella à Almaami Abdul », l’assimilation Peul des ethnies du Tekrur aurait commencé avant l’avènement de Koly Tenguela, mais atteindra son point culminant et la plus parfaite intégration ou la « foulanisation » des descendants de la tribu du Tekruri, que sont les Toucouleur (Ly, Sy, Kane, Wane, Tall, Aw, etc.).

La seconde vague migratoire des Peul en direction du territoire actuel de la Guinée est celle de la fin du XVIème siècle jusqu’au XVIIIème siècle. Païens, puis islamisés, des Peul et des Toucouleur quittent les territoires actuels du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie à des périodes de désordre, de guerres avec désormais une nouvelle foi : l’Islam.

Les Peulhs musulmans du Foutah Djalon auraient donc suivi deux voies principales et ce, à des périodes plus ou moins différentes pour arriver, s’installer et se sédentariser et fonder l’Etat théocratique du Foutah Djalon: La voie du Nord venant du Fouta Tooro et du Bundu (essentiellement) et la voie de l’Est venant principalement du Macina.

Ils arrivèrent par groupes et par étapes, les uns passant par les contreforts des montagnes de la Préfecture de Mali, les autres en traversant la Préfecture de Koundara avant de rejoindre les montagnes qui surplombent le fleuve Komba en direction de Lélouma et de Labé et par l’Est en pénétrant dans le Dinguiraye pour rejoindre les vallées de Mamou. Ils vont se fixer en plusieurs points du Foutah Djalon poussant devant eux leurs nombreux troupeaux de bœufs et de talibé (élèves et étudiants). Ils s’y fixaient à leur tour en faisant ce que d’autres avaient fait avant eux : refouler certains et absorber d’autres.

Selon Cheick Sidy Mohamed DIALLO (1970)[33], ces différentes vagues migratoires se faisaient en famille et en clan. De l’Est, principalement du Macina vont arriver les Dayèbhè[34] (BARRY) qui vont s’installer en lignage : les Seydiyanke à Timbo (Préfecture de Mamou) et les Seriyankebhè à Fougoumba (Préfecture de Mamou). Les Férobhè (SOW) vont s’installer dans Kébali non loin de Fougoumba et de Timbo. Certaines de ces vagues se seraient installées elles dans l’actuelle préfecture de Tougué (ce sont les Koulounnanké Balla et Simpé). Les Ururbhè vont s’installer dans deux endroits différents en fonction des clans : les Koulounnabhe à Koïn (Préfecture de Tougué) et les Helâyâbhe à Timbi-Touni (Préfecture de Dalaba).

Les Irlabhé (DIALLO) et une partie des Ururbhé, quand à eux sont arrivés par le nord. Les DIALLO vont se repartir en lignage. Les Khaldouyabhè vont occuper région du Nord de Labé, un autre lignage « Diâlobhe » va s’installer dans le Kolladhe (Préfecture de Tougué), Kankalabé (Préfecture de Dalaba) et Timbi-Madina (Préfecture de Pita) et un troisième lignage « Thimbobhè » va s’installer dans Bhouria (Préfecture de Mamou).

Parmi cette vague, d’autres, après avoir séjourné dans le Foutah Djalon, l’ont quitté pour continuer leur chemin vers d’autres localités et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. C’est le cas des Peul du Nigéria dont certains seraient partis de Sokoto dans la Préfecture de Mamou pour se retrouver après une très longue migration dans l’actuelle République Fédérale du Nigéria.

La question qui n’est pas réglée est le cas des « Foulacounda » ou « Foulakounda ». Les Foulacounda sont-ils le reliquat des Puuli (les premiers Peul animistes venus les premiers au Foutah Djalon) ou une autre vague migratoire ? Etymologiquement, le terme « Foulacounda » ressemble à un mot composite de « Foula, pour désigner les Peul » et « Counda qui pourrait signifier un diminutif de Koundara ». Pour Alvares de ALMADA (1594 : 54), cité par Gérard GAILLARD (2000)[35] les FulaKunda sont des groupes descendants de captifs ou d’assimilés « sujets du Mandingue ». Cette version est reprise, selon Gérard GAILLARD (2000) un demi-siècle plus tard par Richard JOBSON (1623) qui l’atteste en disant des Fulakunda, « des Fulbies, vivant sur les bords de la Gambie et tout à fait assujettis aux Mandingos ».

Pourtant, il y a une autre version qui dit que les Fulakanda sont le résultat du métissage entre agriculteurs noirs-africains et pasteurs berbères dans le Tekrur. Ce groupe de base s’est éparpillé jusqu’en 1460 quand un groupe armé dirigé par DIALLO Demba bat les Wolofs et les Banhung, traverse le Haut-Sénégal et la Gambie et atteint le Rio Grande où elle est finalement écrasée par les Biafada (NIANE, 1989: 55)[36]. DIALLO Demba tué, son armée détruite, « les survivants ont dû se regrouper, non loin de là, vers le Foutah Djalon. Cette dispersion première serait, selon AMSELLE (1989: 77) à l’origine d’une nouvelle aventure politique et d’une refondation ». Les Fulakunda seraient donc le reste de cette armée d’invasion qui est restée aux confins Nord de la Guinée, à la lisière de la Guinée-Bissau et du Sénégal.

LES PEUL DU OUASSOULOU OU LES « WASSOULOUNKE »

Selon CISSE (2000) dans le Tome 2 de « La grande geste du Mali, citant l’histoire orale du Mali de Wâ Kamissoko », les Peul du Wassoulou (zone à cheval entre la République du Mali, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire) auraient migré du Fouladougou[37] (dans l’actuelle République du Mali) pour fuir les guerres perpétuelles de l’armée de Bintou Mari KOROMA.

Ils se seraient dispersés en trois vagues : certains seraient restés à Fouladougou, d’autres se seraient implantés à Brigo et la troisième vague serait descendue plus au Sud pour fonder le Ouassoulou ou Wassoulou. Ce terme serait une prononciation en un seul mot du groupe de mots « Wa solon ou Oua Solon » qui signifie en bamanakan[38] (aller se confier). C’est ce dernier groupe de migrants peul qui va se disperser en deux : l’un va rester dans le Ouassoulou et l’autre descendra plus au Sud. Ces derniers sont les Peul animistes du groupe de Koli Tenguella. Ce point de vue est aussi celui de KOUYATE (1978 : 29)[39] qui dit :

« L’arrivée des Peul au Wassulu se situe à la même période que l’invasion des Peul animistes dans le Foutah Djalon sous le commandement de Koly Tenguela au XVème siècle ».

DEVEY (2009 : 32), Géographe et historienne va dans le même sens dans son livre intitulé « La Guinée » quand elle écrit :

« Le Wassoulou: vaste territoire Peul  occupé jadis par les Bambara, qui s’étend sur les rives du Sankarani entre le Mali, la Guinée et la côte- d’Ivoire ».

Les Peul du Wassoulon sont donc ces Peul sédentarisés, devenus agriculteurs[40] qui se sont fortement métissés avec les Malinké et auxquels ils ont emprunté la langue et certaines normes culturelles tout en gardant leur patronyme (Diallo, Diakité, Sidibé et Sangaré) et aussi certains traits forts de leur identité ethnique peul. D’ailleurs les griots du mandingue ne se trompent pas lorsqu’ils disent, pour vanter les Peul du Wassoulou, « Bugutudu ani Bugubô, Fila sinani, Djatra sinani »[41].

Les Wassoulonké se désignent Peul et les Malinké, avec lesquels ils vivent en harmonie, les désignent comme des Peul. Lors des cérémonies comme le mariage, le baptême et autres activités sociales, la part (viande, colas et autres biens symboliques) dédiée aux Ouassoulonké dans le manding est celle de tous les Peul qu’ils soient du Oassoulou, du Foutah Djalon, du Macina ou du Foutah-Tooro.

LES DIAKANKE ET LES SARAKOLLE

Les Diakanka et Sarakollé ont aussi migré au Foutah Djalon. Ils seraient des Soninké qui auraient migré de Dia (village de Macina). Ils auraient transité dans Djambokhoum (République du Mali), à Bambouk (Sénégal) vers le XVIème siècle en fondant le village de Diackaba dans ce pays. Il semble que de ce village, ils se seraient dispersés vers les autres localités des pays limitrophes du Mali (Guinée, Gambie et Côte d’Ivoire).

La communauté Diakhanké[42] s’articulerait autour de quatre clans : SOUARE, DRAME, GUIRASSY, FADIGA. Ces quatre clans sont appelés les quatre foyers ou (boloun naano ou boulou naano)[43]. À ces quatre clans se seraient ajouté les DIAKHITE-KABA, les SYLLA, les GASSAMA-DIABY, les DANSOKHO, les DIAKHABY, les SAVANE, les BADIO, les SAKHO, etc.

L’installation des Diakanka au Foutah Djalon est relativement récente et correspondrait à la prédominance des Peul et de l’Islam. Pour l’essentiel, les professeurs d’Histoire de l’Institut Gamal Abdel Nasser disent que : « les Diakanka s’installeront au Foutah Djalon dans de gros villages, à l’abri et sous la protection des Peul avec lesquels ils développeront des relations de cousinage assez poussées ». On les retrouve nombreux un peu partout, particulièrement dans le Koubia, Tougue, Mamou, Mali, Dalaba, Gaoual et Koundara.

LES MALINKE

NIANE (1960), parlant de l’occupation du Manding, affirme que « toutes les traditions malinké attestent que la terre était déjà occupée, les premiers occupants n’étaient pas de race manding ». Les Korogba auraient précédé les Malinké en Haute Guinée. Les Bambara et les Dialonké auraient aussi précédé les Malinké avant d’être refoulés plus au nord, pour les premiers et vers l’ouest pour les seconds, sous le règne de Soundiata KEITA. Lors de la fondation de l’empire du Mali[44], Soundiata KEITA pour vaincre Soumangourou KANTE parvient à unifier les différentes tribus Malinké (KEITA, KONDE, TRAORE, KOUROUMA, CAMARA), à rassembler sous son commandement les armées de différents petits royaumes en lutte contre l’empire Soso avant de sortir victorieux.

A la suite de cette victoire, Soundiata KEITA va étendre son empire sur une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. C’est son expédition militaire la plus éloignée qui ira détruire les états dans le Sine (actuel Sénégal) et établir, en se métissant aux populations locales (les Diola), l’Etat du Gabou (qui va couvrir l’intégralité de la Guinée-Bissau, la Casamance, la Gambie et la partie nord de la Guinée, Gaoual et Koundara) (Sékéné Mody CISSOKO, 1981)[45].

A partir des XVème et XVIème siècles, la chute de l’empire du Mali accélère la migration des Malinké qui s’installèrent dans les régions septentrionales de l’actuelle Côte d’Ivoire et plus au Sud de la Guinée dans la région actuelle de la Guinée Forestière. Une région dans laquelle ils vont se métisser aux Kpèlè pour donner les Konianké et avec les Loma pour donner les Toma-mania.

LES MANINKA-MORY

Les Maninka-Mory, dont les actuels noms de famille sont CISSE, DIANE, KABA, SANOH seraient d’origine Sarakollé du Moyen-Niger dans le Ghana. Après la disparition de l’empire du Ghana par suite d’un dessèchement progressif du désert et des attaques armées des almoravides, les Sarakollé se dispersèrent.

Ils seraient arrivés dans l’actuelle préfecture de Kankan autour du XVIIème siècle. Et selon les traditions écrites de Kankan, les Maninka-Mory sont originaires de Diafounou (Soudan). A la suite de guerres, ces « Diafounounké » quittèrent leur pays et vinrent demander l’hospitalité aux tribus malinké du Haut-Niger (en particulier aux KONDE qui occupaient la région de Kankan). Les Malinké accueillirent les nouveaux migrants qui finirent par se créer une province[46] à l’intérieur du Manding : le Baté[47] Géographiquement, le Baté longe le fleuve Milo avec 12 villages dont les principaux sont : Kankan, Karafamoudouya, Nafadji, Bakonko, Fodécariah.

Ces Sarakollé adoptèrent le malinké comme langue et apportèrent avec eux l’Islam d’où le nom qu’on leur donna: Maninka-Mory (ce qui veut dire marabouts des Malinké). Certains de ces Maninka-Mory, en particulier des TURE, YANSANE et FOFANA, quitteront Kankan vers la fin du XVIIIème siècle à la suite de démêlées avec Burama KONDE (un farouche animiste), traversent le Foutah Djalon, le Kanya, le Sumbuya pour s’échouer sur les bords du Kissi-Kissi (le Morya). Ce sont leurs descendants qui sont dans les préfectures de Kindia et de Forécariah auxquels la communauté soussou leur a donné le nom de : Moryanais. D’autres feront une courte migration et s’arrêteront entre Bissikirima et Dabola. Les plus nombreux, les KABA, SANOH, DIANE, CISSE, sont restés dans le Baté.

LES KONIANKA

De même que les « Toma-manian » sont le croisement culturel des Malinké et des Loma, les Konianka seraient, selon Ibrahim Kalil TURE (1973)[48] le croisement entre Malinké et Kpèlè. Selon Ibrahim Kalil TURE, à la chute de l’empire du Mali et des désordres qui s’en sont suivis, il y a eu deux grandes vagues migratoires en direction de la région forestière.

La première concernait en majorité des KONDE et des KURUMA qui auraient repoussé des Djalonké plus en profondeur dans l’actuelle préfecture de Faranah et un peu plus en profondeur dans le Foutah Djalon.

La seconde vague migratoire était composée davantage de KEITA et de KAMARA. La rencontre entre les deux communautés Malinké dans la forêt et les Loma (à l’époque où la forêt couvrait très certainement les préfectures de Beyla, de Kérouané et de Kissidougou) donna naissance deux nouveaux groupes humains : les Konianké et les Toma-mania.

LE SUD DE LA GUINEE (KISIA/LOMA/KPELE)

Les Kisia, les Loma et les Kpèlè habitent, très majoritairement, dans la région dite forestière de la Guinée. M’Bala Friki CAMARA (1980 : 9)[49] partage l’idée selon laquelle, c’est l’assèchement du Sahara qui aurait poussé les populations qui habitent la région forestière de la Guinée à redescendre vers le Sud. Il ira jusqu’à affirmer que dans cette région (le Sud de l’Afrique de l’Ouest) ne vivait aucune population avant le dessèchement du Sahara.

LES KISIA

Aly Gilbert IFFONO (1975)[50] dans son mémoire de Diplôme d’Etudes Supérieures avoue d’abord que le pays d’origine des Kisia reste peu connu. Cet aveu fait, il soulève les différentes hypothèses et en discutent la pertinence et la cohérence. Il prend appui sur deux versions.

La première fait descendre les Kisia de Fa-Magan, un roi vaincu par Soundiata KEITA en 1228 et qui aurait migré avec sa famille et se serait senti sauvé en arrivant à la lisière de la forêt et aurait déclaré en maninkaka « Mbara kissi ». La seconde version affirme que les Kisia sont des migrants qui ont dû se battre avec les mains nues pour vaincre des populations trouvées sur place (entendez la région d’habitation actuelle des Kisia). Les vaincus auraient donné aux vainqueurs le nom de « Kisi-Kisi » : une expression qui désigne ceux qui les auraient refoulés.

Analysant ces deux hypothèses, Aly Gilbert IFFONO (1975) arrive à la conclusion qu’elles souffrent de plusieurs lacunes. Par exemple, Aly Gilbert IFFONO (1975) se demande, avec beaucoup de justesse, comment expliquer que les descendants de Fara-Magan parlent une langue différente de celle de leur origine ? Pour la seconde hypothèse, il constate que celle-ci ne dit pas d’où viennent les Kisia, même si la version dit comment ils se sont installés. La conclusion à laquelle est parvenue Aly Gilbert IFFONO (1975) est qu’au XIIIème siècle les Kisia étaient déjà dans la région qu’ils occupent actuellement. Cette thèse n’est pas celle de SURET-CANALE (1971 : 173)[51] qui affirme de son côté que les Kisia :

« Chassés au XVIIème siècle du Sud-Est du Foutah-Djalon par les Dialoké, les Kisia étaient originairement des cultivateurs semi-nomades dont la culture fondamentale était le fonia ».

Quelle que soit la période d’arrivée et d’installation des Kisia dans leur lieu d’habitation actuel, on peut être d’accord avec Aly Gilbert IFFONO (1975) pour dire que le mouvement migratoire des Kisia s’inscrit dans le vaste mouvement migratoire des populations Ouest-africaines consécutif au desséchement du Sahel, à l’invasion et à la destruction de l’empire du Ghana. La particularité de ce mouvement réside dans le fait que les Kisia semblent être avec les Mandeyi et, semble-t-il les Baga, les populations guinéennes qui ont fait la trajectoire Est-Ouest-Sud. C’est-à-dire du Sahel vers le Foutah Djalon avant de redescendre vers le Sud de la Guinée et à la côte pour les Mandenyi et les Baga.

LES LOMA

Les Loma se désignent eux-mêmes par le nom de « Lomagi ». Il semble que les Loma seraient les plus anciens établis dans la région forestière. Pourtant, certains des historiens qui ont travaillé sur la mise en place des Loma, comme Facinet BEAVOGUI (1975 : 11)[52], sont catégoriques : « le pays d’habitation actuel (la préfecture de Macenta) n’ pas été le premier où ils auraient habité ». Pour cet auteur, les Loma auraient migré du Nord vers le Sud, de la région de Kérouané et de Beyla vers Macenta. Pour arriver à cette affirmation, Facinet BEAVOGUI (1975) se serait appuyé sur les traditions relatées par les populations et les documents produits par les missionnaires et les explorateurs.

Selon Facinet BEAVOGUI (1975), les Loma auraient été refoulés du triangle de Kérouané, Beyla et Kissidougou par la migration Malinké autour du XIIIème et du XIXème siècle. Cette migration Malinké et la cohabitation avec les Loma aura comme conséquence la création d’un groupe nouveau : Les Toma-Manian qui sont le résultat d’un métissage culturel et biologique entre les deux communautés.

LES KPELE

Le mot Kpèlè signifierait le pays. Le pluriel de Kpèlè donnerait Kpèlègha et au singulier Kpèlèmum qui signifierait : Kpèlè pour pays et « mum » pour personne. On peut donc dire que Kpèlèmum serait un terme qui désigne « une personne du pays ». Les Kpèlè disent parler la langue Kpèlèwoo.

Dans le souvenir collectif des Kpèlè relaté par CAMARA (1980 : 22), ils disent être « tombés du ciel entre Böola et Beyla ». Mais puisque nous savons que personne ne tombe du ciel, on peut dire que la région de Beyla serait le souvenir, non encore oublié, de la migration Kpèlè vers les préfectures de N’Zérékoré, de Yomou et du Libéria. La migration Kpèlè vers la zone forestière résulterait du même mouvement qui a poussé celle des Loma : la migration Malinké avant la fondation de l’empire du Mali et plus après sa chute.

LES DJÖÖTAMUM, LES KÖLÖGHA ET LES MANOO

Les Djöötamum et les Kölögha sont des populations qui ont presque totalement disparu. Elles ont été absorbées linguistiquement et culturellement par les Kpèlè avec lesquels ils partagent la même langue, à quelques exceptions près, la culture et la zone d’habitation.

Les Djöötamum sont un groupement humain dont la décomposition du nom donnerait, selon Pépé Pierre CAMARA (1970)[53], Djöö pour descendant, töö signifierait ancêtre et mum, la personne. Cette combinaison signifierait que les Djöötömum sont les personnes descendantes des ancêtres. Ils parleraient le Djööwötawoo qui serait une variante du Kpèlè. Ils habitaient à l’Est de la préfecture de N’Zérékoré et dans une partie de la Côte d’Ivoire. De nos jours, ils se confondraient aux Kpèlè, pour ceux qui vivent en Guinée.

Les Kölögha est le pluriel de Kölömum qui, décomposé, donnerait, selon Pépé Pierre CAMARA (1970), pays (Kölön) et personne pour le suffixe mum. Les Kölögha habiteraient dans la même zone que les Djöötamum. Eux aussi ont pratiquement disparus.

Les Manoo sont un groupement humain qui, par décomposition donnerait : manon pour pays et mum pour personne. Manomum serait le pluriel de Manoo. Il semblerait que c’est par déformation que les Manoo sont appelés par le terme de Manon. Ils occuperaient, selon Jerome DELAMOU (1979)[54], le Sud et le Sud-Est de la Guinée Forestière et surtout au Libéria où ils seraient plus nombreux qu’en Guinée.

CONCLUSION

Nous sommes au terme du présent article. Pour conclure cette longue et fastidieuse revue de l’occupation, nous allons tenter de répondre aux questions de départ qui ont motivé le présent travail.

La première question que nous nous étions posée était de savoir comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? Les lectures faites et les synthèses réalisées permettent de dire que la migration a été la principale source première du peuplement de la Guinée. Pour l’essentiel, les populations qui peuplent le territoire actuel de la République de Guinée sont des populations migrantes. Elles le sont au même titre que tous les peuples noirs de l’Afrique de l’Ouest. Contrairement à la croyance populaire, ces mouvements migratoires ne sont pas tous linéaires et les populations ne se sont toutes fixées définitivement au même endroit. Pour l’essentiel, cette grande zone qui va des territoires actuels du Sénégal, de la Gambie, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, du Mali, du Burkina, du Niger et une bonne partie du Nord du Nigéria et du Sud de l’Algérie et du Maroc était une zone de circulation d’hommes, d’idées et de marchandises.

D’où venons-nous ? Les travaux de Maurice DELAFOSSE, de Cheick Anta DIOP et de Djibril Tamsir NIANE ont établi, suffisamment, cette route migratoire à partir du Ghana. L’assèchement du Sahara suivi des légendaires sécheresses qui s’abattirent sur l’empire du Ghana, les multiples et longues guerres des empereurs, les invasions des Almoravides (Ghana en 1076 et autres conflits de l’époque) essentiellement pour des raisons politiques et économiques et les guerres intestines au sein des entités politiques (empires, royaumes et autres structures politiques) sont parmi les causes de ce vaste mouvement migratoire qui a traversé l’Afrique de l’Ouest du VIIIème au XIXème  siècle.

En fait, tous les groupes humains qui peuplent la Guinée proviendraient des éclatements successifs des empires médiévaux et des Etats/Royaumes qui se sont effondrés dans la longue marche de l’histoire des peuples de l’Afrique de l’Ouest. Tous ces groupements humains seraient venus, par vagues successives, parfois distantes de plusieurs siècles, en suivant divers chemins avant de s’installer dans une seule et parfois dans plusieurs régions de la Guinée. Pour l’essentiel, nous venons tous, à des périodes différentes, de cette région du Sahel et/ou du Sahara. Comme moi, chaque guinéen peut retrouver la trajectoire migratoire de sa famille.

Qui en sont les premiers et les derniers occupants ? Difficile de le dire avec exactitude. On peut admettre que parmi les populations qui vivent encore sur le territoire dénommé « République de Guinée », les Mandenyi et les Loma seraient les plus anciennement établis. On pourrait aussi continuer à égrener l’ordre d’arrivée de tous les autres comme pour établir un ordre de préséance. Pourtant, à y regarder de près, ceux qui revendiquent de « l’autochtonie » s’avèrent toujours, peut-être sans le savoir, des allogènes par rapport à d’autres. Peut-être que tout le groupe n’est autochtone, mais la personne qui parle et qui revendique son « autochtonie » devrait regarder son histoire familiale, sa généalogie avant de revendiquer un statut qui n’est peut-être pas le sien.

Et puis, un « autochtone » n’a de droit de préséance que sur le sol qu’il occupe et/ou qu’il exploite. Le reste de la terre appartient à Dieu, si on est croyant ; à l’Etat si l’on est partisan de Thomas HOBBES ; à celui qui la met en valeur si l’on est partisan de John LOCKE et à personne si l’on en croit Jean-Jacques ROUSSEAU.

Certes, nous ne sommes pas venus tous à la même période. Certains sont venus avant les autres, d’autres sont venus après d’autres, d’autres enfin sont venus plus tardivement que la plupart des uns et des autres. Mais nous sommes tous venus en Guinée avant le 2 octobre 1958, la seule date qui permet de distinguer le Guinéen et l’étranger. Car c’est à cette date que la Guinée a cessé d’être « française » pour être « guinéenne ». Et même cette date, la loi permet de devenir « Guinéen » après elle.

Qu’il me soit permis de demander à ceux qui fixent la date de la « Guinéité », d’indiquer la date historique de migration qui intègre et/ou exclut, la date à partir de laquelle un groupe pourrait être moins « Guinéen » que les autres « Guinéens ». Cette question est d’autant plus importante qu’il semble qu’en 2014, on pouvait penser qu’après « l’ivoirité » en Côte d’Ivoire et ses affres politiques, sociaux et économiques ; l’avènement du « kényan » Barack OBAMA à la présidence des USA, du « hongrois » SARKOSY à la présidence dans le « royaume républicain » de la France, du « catalan » VALLS à la primature du même pays, de la « madrilène » HIDALGO à la mairie de la ville lumière, Paris « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! »[55], on épargnerait à la Guinée la question de la « Guinéité ».

Quel chemin avons-nous emprunté ? Pour l’essentiel, les populations qui habitent le Foutah Djalon, la Basse Guinée et certaines localités de la Guinée Forestière ont toutes transité par les montagnes du Foutah Djalon en empruntant, presque, les mêmes chemins : les contreforts du mont Loura, les collines escarpées entre Dinguiraye et Tougué avant d’aller vers le Centre, l’Ouest ou le Sud.

Celles qui auraient passé par le Centre ont certainement traversé Labé, Pita, Télimélé et/ou Gaoual avant de se rendre au bord de l’Océan Atlantique. En allant vers le Nord-Ouest, elles ont arpenté les montagnes de Guingan et de Termessé avant de fouler le sable de Youkounkoun, de Koundara, de Saréboido, de Koumbia avant de marcher sur les sols « bauxitiques » de Wédoubourou, de Sangarédi et de Boké. Celles qui ont emprunté le chemin de l’Est ont dû souffrir sur le Bowal de Koubia et les vallées escarpées qui coupent le chemin entre Koladhè et Ditinn, les pentes qui bordent Dinguiraye et les collines sur le chemin de la Guinée Forestière.

Qui a fait quoi à qui, comment et dans quelle circonstance ? A cette interrogation, les mouvements migratoires montrent que chaque groupe a repoussé son ou ses prédécesseurs avant de subir le même sort par un nouveau groupe. Ces mouvements migratoires enseignent que la plupart des populations qui vivent actuellement en Guinée ont trouvé d’autres populations qu’elles ont refoulées avant de se faire refouler par une autre vague migratoire : chacune a été accueillie, tolérée et installée par la précédente, a collaboré avant de s’opposer à celle qui l’a précédée, l’a vaincue en attendant de subir le même sort plusieurs siècles plus tard par des nouveaux arrivants.

Les Soussou ont repoussé les Mandenyi. Les Nalou, Baga, Landouma ont été repoussés par les Dialonka vers la côte avant de les rejoindre sous la poussée des Peul convertis à l’Islam. C’est aussi les Dialonka qui auraient refoulé les Kisia vers la Guinée Forestière qui eux-mêmes ont repoussé d’autres pour s’installer.

Les Bambara et les Dialonka ont été repoussés de la Haute Guinée par les Malinké triomphants. En descendant plus au Sud, les Malinké ont aussi repoussé les Loma dans le Kerouané et les Kpèlè dans le Beyla. Repoussés par les Malinké, les Dialonka ont aussi, sur le chemin, repoussé d’autres peuples qui habitaient le Foutah Djalon avant de subir le même sort avec l’arrivée du Peul islamisé dans la région.

Qu’il me soit permis de rappeler à tous les Guinéens et à tous ceux qui parlent de la Guinée sans la connaître, qu’il n’y a en Guinée que deux groupes linguistiques (deux familles de langues pour parler comme les linguistes) : le groupe mandé qui regroupe le maninka, le sosoxui, le dialonka, le lomagi, le kpèlèwoo etc. et le groupe atlantique qui regroupe le tanda, le pular, le toucouleur, le kisiéi, le baga, le nalou et même d’autres langues de pays voisins comme le ouolof, le sérère, le diola au Sénégal et le balante en Guinée-Bissau.

On peut donc dire qu’au cours de leur histoire, les groupes humains qui constituent la mosaïque humaine de la Guinée se sont mis en place à la suite de nombreux et vastes mouvements migratoires et de conquêtes. Deux modèles d’implantation ont été observés : soit par brassage, métissage et cohabitation de populations d’origines géographiques différentes ; soit par assimilation ou refoulement plus au Sud (Guinée Forestière) ou plus à l’Ouest (sur la côte) des anciens occupants par les nouveaux venus.

Ces mouvements, ces processus de domination, de libération, d’émancipation, d’absorption et de différenciation, sont le propre de l’histoire des peuples, de tous les peuples. Pour s’en convaincre, il ne faut pas aller loin. Il suffit de lire l’œuvre d’Ibn KHALDOUM, de son nom complet Abou Zeid Abdur-Rahman Bin Mohamad Bin Khaldoun al-Hadrami Muqaddima, « Introduction à l’histoire universelle » et le « Livre des considérations sur l’histoire des Arabes, des Persans et des Berbères ». Dans ces ouvrages, Ibn KHALDOUM dévoile le processus de prise de conscience, de mobilisation, de lutte et de prise de pouvoir et celui du déclin de toutes les dynasties régnantes.

On peut aussi lire l’illustration de ce processus historique dans les deux tomes de Maurice DELAFOSSE sur l’histoire des Empires, Royaumes et Etats dans l’Afrique de l’Ouest. On se rendra compte que tous les peuples qui composent la mosaïque humaine de nos Etats de l’Afrique de l’Ouest ont chacun, à une certaine période, généré des grands hommes et une histoire respectable. Les Soninké (du VIIIème au XIème siècle dans l’empire du GANA) ; les Almoravides ou Berbère (du XIème au XIIème siècle) ; la dynastie Soninké des Askia (1493-1591) ; les Mossis (XIème au XXème siècle) avec l’empire GOURMANTOHE, OUAGADOUGOU, YATENGA et FADANGOURMA ; la dynastie des NIAKATE, des DIAKHATE, DIAGATE, DIARISO et DOUKOURE (XIème au XIIIème siècle) dans le Royaume de DIARA ; la dynastie des DIAWARA (1270 à 1754) dans le Royaume de DIARA ; les Soninké dans le SOSO ou l’empire du KANIAGA (XIème au XIIIème siècle) et les deux KANTE (Diaara et Soumangourou) ; les Malinké avec l’empire du MALI (XIème au XVIIème siècle) et la dynastie des KEITA ; Koli Tenguella BAH dans le TEKRUR (1555 à 1776) ; Le Foutah Djalon et ses Almamy (XVII ème au XIX ème) ; la dynastie des DIALLO (XVème au XIXème siècle) et la dynastie des BARI (1810-1862) dans l’empire Peul du MASSINA ; les Banmana de SEGOU et du KAARTA (XVIIème au XIXème siècle) ; les Toucouleur au XIXème avec El-haj-Oumar TALL et le Royaume Mandingue de Samory TOURE (XIXème siècle).

Nous venons de terminer un compte rendu de lecture sur la mise en place des populations guinéennes. Nous n’avons que le mérite de la patience et de l’écriture. Les erreurs et les confusions que l’on trouvera sont les nôtres, pas celles des auteurs que nous avons cités ni de ceux ont accepté de corriger la version de base.

Si des personnes plus avisées que nous trouvent des incohérences, vous voudrez bien apporter les rectifications, car nous avons pris un risque énorme en écrivant dans un domaine qui n’est pas de notre spécialité et qui est très éloigné de notre époque. Etre rectifié participe au processus d’apprentissages, mais l’insulte est indécente à celui qui a osé.



NOTES

[1]Jean Jacques ROUSSEAU (1775), « Discours sur l’inégalité et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », Bordas, 1985, Collection Univers des lettres Bordas, Paris.

[2]Je suis sociologue et de formation et d’activités.

[3]G. SMETS (1929) ; « Centre international de synthèse », Fondation pour la Science, n°1, 1929 : 89.

[4]G. E. Howard (1904); « A History of matrimonial institutions », Chicago, Londres, University of Chicago Press, volume 3, P : 7.

[5]C’est aussi le moment de rendre hommage à des linguistes, des littéraires et des historiens qui ont accepté de lire et de corriger cet article avant sa publication. A eux, je nous disons merci.

[6]Boubacar BARRY (1975) ; « Monographie historique du Diwal de Koyin, de la mise en place des populations à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée. Cet auteur n’est naturellement pas à confondre avec le Professeur Boubacar BARRY de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).

[7]Djibril Tamsir NIANE (1960) ; « Mise en place des populations de la Haute-Guinée », Recherches Africaines, Conakry. No. 2, avril. 1960. pp. 40-53.

[8]Maurice DELAFOSSE (1912) ; « Haut-Sénégal-Niger, Le pays, les peuples, les langues, l’histoire, les civilisations », Emile Larose, Paris, France.

[9]Zainoul A. SANUSSI (1969) ; « Civilisations et histoire des Nalou, du 18ème siècle à la conquête coloniale française », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[10]André ARCIN (1911), Histoire de la Guinée française, Editions Challamel, Paris.

[11]Demba CONTE (1977) ; « Monographie historique du Moria, des origines à l’implantation coloniale française », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[12]Mahawa BANGOURA (1972) ; « Contribution à l’histoire des Sosoe du XVIème au XIXème siècle », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[13]Jean SURET-CANALE (1970) ; « la République de Guinée », éd. sociales, Paris.

[14]Cheick Sidi Mohamed DIALLO (1975) ; « Contact de civilisations et brassage culturel dans le Foutah traditionnel », DES, IPTJNK, Kankan, Guinée.

[15]M. GAUTHIER (1908) ; « Monographie du cercle de Labé », Dossier N° 6, Archives nationales, Conakry, Guinée.

[16]Charles Emmanuel SORRY (1974) ; « Monographie historique du Rio pongo du 15ème siècle à la fin du 19ème siècle », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[17]Il est même possible que ceux qui appartiennent à des castes ne l’étaient pas avant la constitution et la consolidation de l’empire du Mali. Les travaux de Maurice DELAFOSSE montrent que, par exemple, l’existence d’une dynastie DIAWARA dont les descendants non pas eu le même statut à l’intérieur de l’empire du Mali.

[18]Seuls ceux qui n’auront pas accepté d’embrasser l’Islam prôné par les Peul musulmans après leur victoire sur les non-musulmans en majorité Djallonke et Pullis à la bataille de Talansan en 1725, vont quitter le pays.

[19]Bruce MOUSSER (1999) ; « Qui étaient les Baga ? », Perception européenne, 1793-1821, Paris, France.

[20]Ce cours a eu plusieurs titulaires avec plusieurs intitulés. Le dernier intitulé du cours est : « histoire de Guinée : de la mise en place des populations à l’indépendance » et n’est hélas dispensé qu’au sein du département d’Histoire.

[21]Denise PAULME (1956) ; « Structures sociales en pays baga Guinée Française » Bulletin de Institut français, Afrique noire série XVIII 1-2 1956, P 98-116.

[22]Marie Paul FERRY et Lansana SANDE (2000) ; « Le passé des langues : Tyapi autrefois, Kokoli aujourd’hui », sous la direction de G. GAILLARD in « Migrations anciennes et peuplement actuel des côtes guinéennes », l’Harmattan, 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France.

[23]Paul PELISSIER (1996) ; « Campagnes africaines en devenir », Cahiers d’études africaines, Année 1996, Volume 36, Numéro 143, p. 540–543.

[24]Aliou WANN et Bubakar BA (1974) ; « Les relations entre le futa Djalon théocratique et les principaux royaumes de la Basse-côte : des origines à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[25]Rouguyatou DIALLO (1974) ; « Monographie historique du Bagatay de la région administrative de Boké des origines à 1958 », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[26]Naye DYENG et Mundekeno SAA (1972) ; « La résistance Könyagui à la pénétration française de 1902-1904 », DES, IPK, Kankan, Guinée.

[27]Cette interprétation pose plus de questions que de réponses. Chez les Peul de Guinée, le mot « Tanda » est un adjectif qui sert habituellement à désigner une personne qui est souvent torse nue. Cependant, dans le pular « être nu » ne se dit pas « Tanda », mais « bhorti ». Il se pourrait que le mot « Tanda », pour désigner ce peuple, ne provienne pas des Peul. Mais les Peul utilisent le nom de ce groupe comme un adjectif pour désigner des attitudes au sein de son propre groupe : « lorsqu’un Peul est torse nu, on dit de lui qu’il est un Tanda ».

[28]Lestrange MONIQUE (de) (1956) ; « Les Cogniagui et les Bassari », In: Population, 11e année, n°2, 1956 p. 374.

[29]Il est difficile de déterminer d’où vient ce nom de « pulli ». Dans le pular actuel des Peul de Guinée, le mot « puuli » veut dire un albinos. Il est aussi possible que ce mot « puuli » ait été mal orthographié phonétiquement. Il pourrait signifier tout simplement, avec une déformation phonétique, le singulier des Peul (Pullo). Cependant, SURET-CANALE (1964: 26) a un avis critique sur l’arrivée des Peul au 10ème siècle au Foutah Djalon, car selon lui les « Tarikhs locaux ont tendance à démontrer l’antiquité de la présence dans le pays des maîtres actuels ».

[30]Il existait deux polémiques sur Koli Tenguella. Pour certains, il serait descendant, par sa mère de Nana KEITA, fille de Soundiata KEITA le fondateur de l’empire du Mali. Pour d’autres, Koli Tenguella n’aurait aucun lien avec Soundiata. Son lien avec Soundiata ne serait que la volonté des personnes de cette époque à forger un passé glorieux derrière un ancêtre qu’on veut rendre exceptionnel. La seconde polémique est plus récente et est proposée par Gérard GAILLARD (2000) qui considère que Koli et Tenguela sont deux personnes différentes. Si telle hypothèse était vraie, comment expliquer qu’une seule personne soit arrivée au Tekrur et y a fondé un Etat et une dynastie sans le second ?

[31]On pourra lire avec beaucoup d’intérêt, Claude Halle (1960), « Notes sur Koli Tenguella, Olivier de Sanderval et les Ruines de Gueme-Sangan », Recherches Africaines, no 1, janvier-mars 1960, Oumar Kane, La première hégémonie Peule : le Fuuta Tooro de Koli Teŋella à Almaami Abdul, Karthala, Presses universitaires de Dakar, 2004, et Djibril Tamsir Niane, « Les Tenguella », dans Histoire des Mandingues de l’Ouest : le royaume du Gabou, Karthala, Paris, 1989.

[32]Pluriel de « Denianke » qui est la généalogie des BAH.

[33]Cheick Sidi Mohamed DIALLO (1975) ; « Contact de civilisations et brassage culturel dans le Fouta traditionnel », DES, IPTJNK, Kankan, Guinée.

[34]L’auteur de cet article est du clan des Dayèbhè « qui est connu sous les noms de BARI, SANGARE (chez les Wassoulonkè), et qui correspond au clan Toucouleur des SY et au clan Mandé des SISSE » (Maurice DELAFOSSE, 1912 : 231) et du lignage des « Wouyaabhè de Daara Labé ». Mon aïeux patriarcal le plus ancien connu de mon lignage se nomme Moussa Diaga qui lui-même est le père Hamady Pathé Baîlo. C’est le fils de ce dernier du nom de Moussa Tanga (connu sous le nom de Bambari BARI) qui aurait quitté le Fuuta Kingi dans le Bakounou (entre Nioro et Diara) pour pénétrer par Dinguiraye (Baylo) et se fixer à Timbo. Son fils du nom d’Ousmane Djalaaheera fera le trajet de Timbo à Labé et se fixera à Daara Labé et aura trois fils : deux seront tués par les païens. C’est le troisième du nom de Mamadou Dewo Allah qui survivra et aura trois garçons dont le troisième et le plus jeune dénommé Moussa Tafsir fera les études coraniques dans le Bhoundu (Sénégal actuel), avec Alpha Mamadou Cellou (futur Karamoko Alpha mo Labé) et Alpha Amadou Kolladé (cinquième Almamy du Foutah Djalon), et sera le fondateur de la mosquée de mon village. Entre Moussa Tafsir et moi, il y a cinq ascendants que sont dans l’ordre : Mamadou Billo, Aliou Zainoul, Mamadou Kolon frère d’Alpha Oumar Rafiou (l’un des érudits du Foutah Djalon), Alpha Abdoul Gadiri, Mamadou Kolon et moi-même (Alpha Amadou Bano).

[35]Gérard GAILLARD (2000) ; « Migrations anciennes et peuplement actuel des côtes guinéennes », l’Harmattan, 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France.

[36]Djibril Tamsir NIANE (1989) ; « Histoire Des Mandingues De L’ouest – Le Royaume Du Gabou », Khartala, Paris, France.

[37]Etymologiquement, village des Peul.

[38]Bamanakan est la langue des Bambara.

[39]Lancéi KOUYATE (1978) ; « Contribution à l’étude de la société traditionnelle du Wassulu présamorien », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[40]Selon Muriel DEVEY (2009) ; Réné CAILLE aurait été impressionné par l’ardeur au travail et les soins que les Wassoulonké apportaient aux champs.

[41]Avec leurs bœufs et leurs génisses, les DIALLO, DIAKITE, SIDIBE et SANGARE s’installent ; mais ils décampent aussi vite.

[42]Pierre Smith (1965) ; « Notes sur l’organisation sociale des Diakanké. Aspects particuliers à la région de Kédougou », Cahiers du Centre de recherches anthropologiques, n° 4, pp. 263-302.

[43]Les quatre foyers de base des Diakanka.

[44]Mandé, Mandingue ou Mali, pays d’origine des Mandingue ou Malinké serait le nom du pays du roi « lion » : Soundiata KEITA.

[45]Sékéné Mody CISSOKO (1981) ; « De l’organisation politique du Kabu », Ethiopiques, Revue Négro-africaine de Littérature et de philosophie, numéro 28 numéro spécial.

[46] La province de Baté est le principal centre religieux de la Haute-Guinée. Dans cette province, c’est Kankan qui tient le premier rôle et où résident les membres de la famille chérifienne parmi lesquels se recrutent l’Imam, le Cheikh de la Haute-Guinée.

[47]Le Baté est composé de deux mots : Ba qui signifie fleuve et Té entre (entre les fleuves), c’est-à-dire entre les fleuves que l’on désigne dans la géographie officielle de la Guinée le Milo et le Sankarani (Djon).

[48]Ibrahim Kalil TURE (1973) ; « Monographie historique de la ville de Keruwane : des origines à l’implantation coloniale française », IPGAN, Conakry, Guinée.

[49]M’Bala Friki CAMARA (1980) ; « Monographie historique de la Guinée Forestière : des origines à l’implantation coloniale », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[50]Aly Gilbert IFFONO (1975) « Histoire et civilisation du groupement des Kisia, des origines à la colonisation », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[51]Jean SURET-CANALE (1971) ; « Afrique Noire, l’ère coloniale, 1900–1945 », Editions sociales, Paris.

[52]Facinet BEAVOGUI (1974) ; « Etudes des structures économiques et sociales de la société traditionnelles Loma », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[53]Pépé Pierre CAMARA (1970) ; « La pénétration coloniale dans la région de N’Zérékoré », DES, IPGAN, Conakry, Guinée

[54]Jerome DELAMOU (1979) ; « la monographie historique de la région de N’Zérékoré : de l’implantation coloniale à l’indépendance », DES, IPGAN, Conakry, Guinée.

[55]Discours du Général De Gaulle à la mairie de Paris à la libération de Paris lors de la seconde guerre mondiale.


Pr Alpha Amadou Bano Barry (Sociologue) Enseignant-Chercheur Actuel Ministre de l’éducation
Auteur de “Les violences collectives en Afrique: le cas guinéen”

Cet article a été publié pour la première fois en 2012





Et si on réécrivait le discours d’investiture de Alpha Condé? Discours de renaissance pyro-démocratique [Abdoul K. Diallo]


Politique


Chers Guinéens ! Laissez-moi m’agiter un peu ! Aujourd’hui est un grand jour qui marque pour notre pays la renaissance par fausse-couche, de notre quatrième faux-pas. Aujourd’hui, en vrai, est le jour de renaissance de la pyro-démocratie et nous le fêtons tous dans la joie ! Théoriquement, voilà ce qui s’est passé. J’ai organisé des élections que j’avais gagné d’avance. J’ai financé ces élections de ma propre poche sans l’aide de l’opposition. La Guinée et tous les autres perdants savaient d’avance que les femmes, les jeunes et les pauvres virtuels allaient m’élire net. Alors que tous les électeurs étaient masqués, à mon tour j’ai masqué quelques urnes, puis j’ai maquillé quelques juges, et j’ai émasculé tous les sofas. Tout ça sur fond de patriotisme indiscutable, je jure ! Il était vraiment inévitable de gagner même si la Guinée perdait.

Chers Guinéens ! Chers compatriotes ! Après dix ans de danse renouvelée, puis renouvelée, puis renouvelée, je vous conte à travers ce discours mon plus vieux rêve. Il y a dix ans je plongeais dans un rêve royal profond et impressionnant. Je rêvais les yeux gravement ouverts que des ministres se servaient du denier public comme ils se serviraient de leurs poches. Je rêvais que tellement qu’ils avaient amassé de sous, ces ministres manquaient de coffres et qu’alors ils usaient des poches et portemonnaies de leurs femmes et de ceux de leurs rejetons. Je rêvais de tout mais ne pouvais rien faire. J’ai même vu un ministre se cacher derrière la copine de sa troisième concubine pour envoyer mon énième concubine me demander de signer des contrats qui étouffaient pour la énième fois la Guinée. Je rêvais que je signais tout sans trop regarder. Que voulez-vous ? C’était juste un rêve les yeux largement ouverts ! Mais je vous dis que j’ai observé tout. J’y ai même coopéré des fois contre ma volonté. Je vous jure ! Vous savez sans doute que je suis un homme de bonne foi et que Sheytan est mon meilleur témoin. Et donc, pas besoin de trop jurer !

Croyez-moi chers compatriotes ! Je vous jure que c’est Sheytan qui me montrait toutes les affaires louches dans ce rêve et m’invitait à ne pas me précipiter dans mes réactions jusqu’en 2020. Alors, j’avais poliment obéi et attendu pour le bonheur de la patrie mal bénie et pour le bien-être du peuple endormi ! Nous voilà aujourd’hui en 2020, et  j’en avais éternellement soif ! Je vous jure que j’ai compris le Guinéen mais lui, ne semble pas m’avoir compris. Je vous dis ici plus haut qu’ailleurs que je me suis maintenant réveillé et que je m’efforcerai de ne plus rêver à partir d’aujourd’hui, mais d’agir vite. Le Guinéen ordinaire est loin de moi, et donc impossible à comprendre et à servir quel que soit le vieux amour que je cache à mon cœur pourri pour lui. Peu importe ! Le Guinéen que j’ai compris c’est ce soi-disant ministre qui me sert en se servant de la patrie et qui voudrait bien que je reste éternellement au sommet à son propre bonheur même si la Guinée perdait. J’ai compris ce ministre et il m’entendra désormais. Sheytan m’a aidé à sortir du rêve et à avertir ces vieux vautours de la charogne nationale. J’ai tout compris et je vais agir désormais. Je ne vais pas trop parler parce qu’aujourd’hui est un grand jour. Que ces vautours soient avertis ou cuits ! Je m’en fous ! Aujourd’hui est le jour de la renaissance de la pyro-démocratie que vous n’oublierez jamais, je vous le jure !

Chers compatriotes ! Il me vient des sagesses qui vous plairont surement ou bien qui vous déplairont éperdument. Je m’en fous ! Des sagesses des années soixante qui vous éveilleront et vous grandiront. Des sagesses de cons politiques qui pullulaient sans gêne, et brillaient de sauvagerie sans honte aucune. Des sagesses de merdre et de peine. Des sagesses de fous et de voyous. Je vous le jure ! C’est Sheytan qui me les rappelle et j’y crois ! Vous savez bien que je ne suis pas le premier pyro-démocrate de la Guinée. Vous savez bien que mes racines poussent et que fanent mes fleurs depuis les années d’indépendance. Ce furent des années de grands bruits, de sang, et d’avortement politique. Des années de mauvais départ dont je ne suis pas responsable. Un mauvais départ que j’ai tenté avec toutes mes forces ou de blanchir ou de repeindre plus joliment. Ces années ont la carapace dure et m’empêchent de travailler encore aujourd’hui. Vous ne pouvez pas l’imaginer ! J’ai vraiment tout fait pour m’en défaire. Hélas ! Sheytan est mon seul témoin et c’est un muet ! Croyez-moi yandi !

Sachez qu’il a toujours été tristement très facile de berner et torturer ce beau peuple de Guinée ! Il y a plus de soixante ans les gens parlaient de lavage de cerveau, de déformation des pensées politiques et sociales, de colonisation culturelle, de contrôle du peuple par le peuple, et d’opposition de la patrie à la nation. Des années de domestication politique de l’homme dans son entièreté. Quels souvenirs !? Sheytan en a fait une liste qu’il m’a solennellement remis et dont je fais une priorité de développement aujourd’hui ! Je me souviens de tout ça et j’en ferai bon usage !

Chers compatriotes ! Je vous jure que désormais l’aliénation, le changement de mentalité, ou la renaissance de la pyro-démocratie, ne se feront pas sans vous. Je vous jure que rien ne se fera sans vos greniers, vos chèvres, vos moutons, ou sans vos belles juments. Rien ne se fera sans votre être, endormi ou éveillé, domestiqué ou ridiculisé, vidé de son cerveau ou surexcité. Sheytan mon vieux pote nous facilitera cela avec beaucoup de tact. Ne vous en faites pas trop ! Vous verrez des miracles tomber du ciel ! Vous verrez bien que c’est beau d’appartenir entièrement à son état ! D’en dépendre entièrement et de servir aveuglement. Il y a tant d’autres miracles qui vous attendent !

Chers compatriotes ! Comprenez-moi bien ! Si mes deux premiers mandats c’était pour m’enraciner et pour vous amener à vous opposer entre vous, sachez que ce nouveau mandat est le début miraculeux d’une autre aventure que vous comprendrez peut-être plus tard si vous le voulez. C’est votre mandat. C’est vous qui me l’avez voulu et c’est vous qui me l’avez imposé. C’est vous qui me l’avez taillé et vêtu. Du fond du cœur, je ne pouvais pas refuser votre déclaration d’amour. Et alors je me suis laissé aller, à votre rythme. Maintenant, oublions le passé et faisons autrement. Ça veut dire quoi autrement ? Désormais, nous devons tout changer même ce que j’avais voulu changer dans la blague sans succès. Je compte sur vous. Je compte sur les banques immortelles et les voyous  qui me servent de ministres. Je compte sur ce peuple oublié qui vit dans de beaux villages militarisés ou pillés, minés ou maudits. Je compte sur les cadres larrons reconvertis de notre belle patrie. Ces gens-là je ne les connaissais pas mais en les observant en 10 ans je vous jure que je les ai compris. Il est désormais urgent d’amorcer le dernier virage vers l’émergence virtuelle.

Désormais aimer et servir la Guinée, exige de passer sous mes radars moitié nu, moitié poilu, et de me servir à gogo avant tout. Les vrais patriotes ne sont plus ceux qui se battent pour le Guinée, honnêtement ou malhonnêtement. A mon brillant avis, les vrais patriotes sont ceux que j’ai chargé de démentir ces autres Guinéens qui aiment à tort la patrie. Eh oui ! Il ne sera plus permis à tout le monde d’aimer la Guinée car, toute seule, la Guinée s’aimera suffisamment. Notre nouvelle façon d’honorer la patrie consistera à domestiquer sans fanfares ni cordes, les juges et les sages. Désormais nos juges seront sélectionnés parmi nos plus beaux mécréants, et nos sages seront choisis parmi les plus nobles ignorants. Cette nouvelle façon de faire nous aidera à faire des omelettes sans casser des œufs, et à reculer aisément sans glisser. Les yeux fermés, les narines bouchées, je jure de ne plus désormais laisser le soleil briller pour tout le monde, tout le temps. Je jure de dérober les valeurs de la patrie qui prétendaient nous unir à tort, alors qu’elles nous divisaient à raisons. N’ayez craintes mes chers compatriotes ! Sheytan nous mènera brillamment à bon port !

Je profite de cette occasion pour saluer les nouveaux dictateurs africains qui rêvent tant de devenir empereurs. Sheytan sait bien que nous sommes nombreux autour de cette table de subordination des nations et des peuples. Mon souhait, à travers mon nouveau mandat, est d’exporter mon panafricanisme et de briser ainsi toutes ces frontières afin de mettre tous les enfants africains mal conçus au sommet des peuples. Soudons-nous chers empereurs pour que le peuple africain ne manque ni de commandements, ni de rêves inachevés. Il y va de notre propre intérêt ! Je vous jure que ce fut trop facile d’endormir tout mon peuple et je vous passerai gratuitement le secret de ma réussite.

Je rêve que ces envieux africains nous obéiront encore plus longtemps malgré les petites agitations.  Vive la patrie qui me sert tant ! Vive le peuple qui m’admire follement ! A bas les autres peuple qui prétendent s’éveiller et qui se plaignent de l’empire et de l’empereur !

Amoureusement,

Votre roi nouvellement ragaillardi

Abdoul K. Diallo

Spécialiste des politiques forestières

La Hayes, Pays-Bas





Alpha Condé: ce président méprisant qui est devenu méprisable [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue


Il serait né le 4 mars 1938 à Boké, ce qui lui donne aujourd’hui « officiellement » 82 ans. Après deux mandats de 5 ans, il est candidat à un troisième mandat en violation de ses serments et de sa longue lutte de 40 ans dans l’opposition. En tant qu’opposant aux différents régimes au pouvoir en Guinée, l’actuel Président du RPG arc-en-ciel a été successivement à la tête de différents mouvements politiques MND (1977), UJD (1991), RPG « Rassemblement des Patriotes de Guinée », RPG « Rassemblement du Peuple de Guinée » en 1993 puis RPG arc-en-ciel depuis 2010.

Ses relations avec la Guinée qu’il feint aimer !

L’homme bien qu’ambitionnant de diriger notre pays, après ses études en France, n’a commencer à fouler le sol guinéen qu’après les années 1990. A sa décharge, il avait fait l’objet de condamnation à mort par contumace par le régime tyrannique du PDG-RDA (1958 – 1984).

Néanmoins, une chose reste certaine, malgré la prise du pouvoir par l’armée en 1984 et l’instauration du libéralisme, l’homme ne reviendra pas s’installer en Guinée pour participer à la construction de la Guinée qu’il ambitionne. Ses séjours en Guinée deviendront un peu plus fréquents à partir de 1990 suite à l’ouverture démocratique du pays en réponse à l’invitation faite par la France lors de la conférence de Baule et le discours de François Mitterrand : « la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ; Il y aura une aide normale de la France à l’égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation ».

Les séjours de l’homme se feront au rythme des élections en Guinée après l’adoption du multipartisme intégral. Il participera à la première élection présidentielle multipartite de 1993 que lui et ses militants zélés prétendent avoir « gagner ». A l’issue de cette première élection présidentielle dans l’histoire du pays, il prendra part à toutes les autres à l’exception de celle de 2003 boycottée par l’ensemble des partis politiques de l’opposition pour manque de transparence dans l’organisation.

Cet homme méprisait tellement la Guinée, qu’il ne revenait au pays qu’a la veille des élections. La Guinée n’avait d’attrait pour lui que par le fait qu’il s’estimait assez roublard pour réussir à se faire élire président de la république. Aussitôt les élections finies et les résultats connus, l’homme repartait en France pour mener sa vie oisive à jouer au PMU et toucher les allocations de minima sociaux. La seule période durant laquelle l’homme est resté durablement en Guinée c’était lors de la législature de 1995-2002. Il faut dire que durant cette période l’homme était député. Un des rares « emploi » qu’il a occupé durant sa vie professionnelle. Pour preuve l’expérience la plus valorisante de son CV et qu’il nous rabâche à chacune de ses prises de parole c’est son poste de Président de la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France). Pourtant, il ne s’agit même pas d’un emploi, mais d’un poste de président au sein d’une association étudiante. Sans aucune expérience dans l’administration publique ou en entreprise, le voilà parachuté Président de la République de Guinée en 2010.

Cet homme, après ses deux mandats consacrés par la constitution, sollicite encore le vote des Guinéens pour un troisième mandat et peut être un quatrième mandat si la providence lui prête longue vie. N’oublions pas que d’après ses militants zélés, il serait au premier mandat de la quatrième république. Son objectif ultime étant de mourir au pouvoir, rien donc ne l’empêche de faire deux nouveaux mandats, s’il réussit à se maintenir aux affaires au soir du 18 octobre 2020.

Il est aux affaires depuis 10 ans mais n’a aucun bilan à présenter au peuple !

Au pouvoir depuis 2010, il n’a aucun bilan à présenter au peuple de Guinée qu’il martyrise, méprise et assassine depuis 10 ans. La normalité voudrait d’un Président sortant, qui a fait deux mandats de 5 ans et qui souhaite se maintenir au pouvoir, qu’il fasse campagne sur ses réalisations. Qu’il présente son bilan pour convaincre les électeurs de la nécessité de le maintenir au pouvoir. Qu’il montre les chantiers en cours de réalisation qui justifieraient son maintien aux affaires en vue de leur achèvement. Notre PRAC national aka Papa promesse lui fait campagne sur de nouvelles fausses promesses ! Déjà, celles de 2010 et 2015 souffrent d’un déficit de réalisation, il ne trouve pas mieux que d’en rajouter à la liste pour 2020. C’est vrai qu’il dit à qui veut l’entendre : « Le Guinéen, plus le mensonge est gros plus il y croit ». ‘‘CON VAINCU’’ de cet état de fait, l’homme n’arrête pas de mentir au peuple de Guinée. Il a une tendance compulsive à raconter des mensonges et à inventer des histoires. Un comportement méprisant pour ses militants et le peuple de Guinée.


La normalité voudrait d’un Président sortant, qui a fait deux mandats de 5 ans et qui souhaite se maintenir au pouvoir, qu’il fasse campagne sur ses réalisations.


Son mépris vis-à-vis de ses militants, du peuple et ses discours ethniques !

Le PRAC méprise tellement le peuple de Guinée, qu’il ne lui témoigne aucun respect. Son mépris est tel, qu’il estime ne pas devoir se déplacer sur notre mauvais réseau routier pour rencontrer les électeurs et solliciter leur vote pour l’élection du 18 octobre 2020. L’homme reste confortablement installé dans les dorures de son palais pour s’adresser à ses militants zélés via un système de vidéo campagne. Il nous fallait ce président indolent et méprisant pour nous inventer ce type de communication de campagne. Lors de ses interventions, il véhicule des idées tribalistes qui sapent le fondement de notre pays en tant que NATION.

KANKAN : « Si vous votez pour un autre candidat malinké, c’est comme si vous avez voté pour CDD » ;

« Le Fouta n’a présenté qu’un seul candidat CDD, aucun autre Peul n’est candidat au Fouta » ;

« Les autre candidats malinkés se sont alliés à CDD, voter pour eux revient à voter pour CDD » ;

« Vous ne devez pas oublier ce qui s’est passé à la mort de Sékou TOURE ».

SIGUIRI : « Nous sommes en guerre » ;

« Si vous chassez votre chien méchant, vous allez vous faire mordre par le chien d’autrui ».

DABOLA : « Le Vice-Président de la Sierra Leone à profiter de l’absence du Président pour aider CDD à recruter des mercenaires c’est pourquoi nous avons fermé les frontières »

Esplanade du Palais : « Il y a un leader qui compte se proclamer vainqueur le 18 octobre à 18h pour ensuite se refugier dans une ambassade en espérant les affrontements » 

SUR Rfi et France 24 : « Je n’ai jamais dit que nous sommes en guerre »

« La Guinée est classée au 4ième rang mondial en termes de ‘‘Facenews’’ » au lieu du terme anglosaxon ‘‘Fakenews’’.

Il semble qu’il ne soit pas à ses premières déclarations de ce type, des observateurs avertis affirment qu’il aurait dit lors de l’élection de 1993 « Tout malinké qui vote pour le PUP est … ». Ayant une branche mandingue dans ma famille, je m’abstiens d’aller au bout de sa phrase par respect pour ma famille malinké et les membres de cette communauté.

Des propos indignes et honteux d’un président de la république en mal de légitimité et complètement déboussolé par le désenchantement de ses militants déçus qui lui tournent le dos.

Les membres de son GOUVERNE ET MENT ne trouvent pas mieux que d’affréter des bimoteurs et hélicoptères pour rallier les différentes localités du pays faute de routes praticables. Les routes cabossées pour les militants masochistes et les avions et hélico pour les pontes égoïstes et arrogants du régime.

Voyant la mobilisation qui entoure la campagne de son challenger CDD en région forestière, il semble que notre PRAC national ait finalement décidé d’aller narguer les militants en empruntant son « hélico présidentiel ». Il faut croire que les piques sur Rfi et France 24 de CDD qui disaient que « le PRAC n’était pas en état de mener campagne sur le terrain » ont fait mouche. S’il s’est finalement décidé à sortir de Sékoutoureya, notre PRAC national ne va pas arpenter nos routes pour tester la qualité des infrastructures que lui et ses GOUVERNE ET MENT ont réalisées depuis 10 ans. Il va confortablement voyager en hélico ! Qui est fou ? Les routes cabossées c’est pour les militants zélés et maso qui n’aspirent pas au bien-être.  

D’opposant historique à président hystérique et aspirant dictateur !

Du temps où il fut opposant, l’homme avait suscité un espoir auprès d’une partie de la population guinéenne. A l’exercice du pouvoir, il s’est révélé être un président médiocre et clivant. Il a fortement fragilisé le tissu social guinéen en bâtissant un système de gouvernance qui repose sur des considérations tribales et ethniques. Aujourd’hui encore, pendant sa campagne, il continu de plus belle à propager son venin au risque de mettre le feu à notre maison commune la Guinée. Lui n’a rien à perdre, en cas de trouble, il va aller se réfugier en France dont il est ressortissant. Il n’a aucune attache familiale en Guinée dont le sort pourrait l’inquiéter. A nous peuple de Guinée de nous méfier de ce pyromane. A nous de l’envoyer à la retraite au soir du 18 octobre 2020.  


Du temps où il fut opposant, l’homme avait suscité un espoir auprès d’une partie de la population guinéenne. A l’exercice du pouvoir, il s’est révélé être un président médiocre et clivant.  


Aujourd’hui, l’homme est devenu détestable de ses militants auxquels il a menti, de ses amis qui ont honte de s’afficher à ses côtés et de ses soutiens occidentaux qui sont déçus de son entêtement à vouloir s’éterniser au pouvoir. Les seules personnes qui gravitent autour du PRAC aujourd’hui, sont celles qui se gavent de nos ressources et qui profitent de cette gouvernance chancelante pour voler les deniers publics et les militants zélés qui manquent cruellement de discernement.

D’un Président méprisant, il est devenu un Président méprisable.

A sa prise de fonction, il disait avoir hérité d’un pays sans état après 10 ans de sa gouvernance tribale, nous n’avons ni pays ni état.

Au peuple martyr de Guinée de le bouter hors du palais présidentiel au plus tard le 18 octobre 2020 pour lui rendre son mépris.

A ses militants zélés je dis ceci : « lorsque la rage sévit dans la cité, et que votre chien méchant est infecté, vous ses maitres risquez d’être ses premières victimes ! l’euthanasie de votre chien méchant s’impose pour prévenir les morsures intempestives et la rage dans la famille ».

Ne faisons pas du PRAC un « DICTATEUR ». Au lendemain du 18 octobre, montrons-lui le chemin de la retraite même s’il n’a pas suffisamment cotisé pour en bénéficier.

Soyez du bon côté de l’histoire. Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise !


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné

D’autres contributions du même auteur à relire

Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]

Présidentielle en Guinée: l’alternance, l’unique option [Par Alpha Boubacar Baldé]





Présidentielle guinéenne: ce que chacun devrait faire [Par Hadiatoullaye DIALLO]


Point de vue


Les Guinéens sont une nouvelle fois appelés à voter le 18 Octobre 2020 pour élire un nouveau Président de la République.  Après des centaines de morts pour rien et le scrutin controversé et troublant du 22 Mars 2020, le vote du 18 Octobre qui se présentait comme une promenade de santé pour le Président sortant, semble désormais, avec la candidature du principal opposant au nom de l’UFDG, porteur des prémices de tous les dangers.

Nul n’ignore le fait que la Guinée est coutumière de la violence politique et ce, depuis l’indépendance. Tous les pouvoirs se sont appuyés sur l’extrême pauvreté et l’analphabétisme des populations pour faire de la corruption ordinaire et de l’ethnostratégie, les instruments de la manipulation et de la division pour régner. Les trois générations de Guinéens qui se sont succédées depuis 1958, année de l’indépendance, ont attendu et attendent comme une évidence le moment du décompte macabre des jeunes gens qui osent défier le Pouvoir du moment. 

Alpha Condé a passé 10 ans au pouvoir. Qu’est ce qu’il nous a offert de bien? Il a été une déception de fond en comble et ce, sur toute la ligne.

Il a foulé au pied nos valeurs ancestrales de dignité, de respect de la parole donnée et du respect de la vie d’autrui. Il a bradé nos ressources minières pendant 10 ans sans aucune retombée mesurable sur la vie des populations environnantes ou éloignées. Il a dépensé en dix ans plus de trois milliards de dollars pour, dit-il, donner l’électricité au pays mais à date, aucune ville de la Guinée n’a le courant 24h/24. Il a accentué la pauvreté et provoqué un exode massif des populations rurales vers la capitale, de la capitale vers les pays étrangers par voie clandestine. Il a dégradé tout le système scolaire du pays ainsi que notre système sanitaire. Il a institutionnalisé le vol et la corruption en système de gouvernance

Il a compromis l’avenir des jeunes et des femmes en les privant de l’accès au travail marchand durable, rémunérateur et formateur. Il a transformé les populations guinéennes en populations oisives et assistées. Il a opposé les différentes composantes sociales de notre pays en transformant leurs complémentarités en facteurs de conflits et même de haine. Il est le principal artisan du régionalisme et de l’ethnocentrisme dans notre pays. Il a tué l’espoir d’une démocratie respectueuse de la Constitution. Comme si les guinéens n’avaient pas autant et suffisamment mal. Il a durablement abîmé l’image de la Guinée en voulant se maintenir à vie au pouvoir.

Mais une fois ce constat fait, faut-il considérer cette situation cauchemardesque comme une fatalité ? Assurément non ! Oui nous pouvons être parfois très pessimistes mais nous avons des raisons de croire que tout n’est pas joué pour rester cloué dans ce trou.


[ ] le progrès durable du pays dans la stabilité ne résultera que de l’union sacrée de toutes les filles et tous les fils autour de l’amour du pays et de ses habitants, du travail, de la justice et du patriotisme économique.


Je n’ai aucun doute que chaque Guinéen aime la Guinée à sa façon. Il y a ceux qui profitent de chaque régime pour se graisser et ceux qui œuvrent à leur manière pour notre développement. Cependant, le progrès durable du pays dans la stabilité ne résultera que de l’union sacrée de toutes les filles et tous les fils autour de l’amour du pays et de ses habitants, du travail, de la justice et du patriotisme économique.

Signature d’une Plateforme commune

Dans le cadre du vote du 18 Octobre 2020 pour l’élection présidentielle, quoique le processus soit biaisé, je propose aux candidats l’élaboration et la signature d’une Plateforme commune permettant de garantir la reconnaissance des résultats par toutes et tous, et la préservation de de la vie des citoyens innocents. Voici des points qui peuvent meubler cette plateforme :

  • Invitation de leurs militants à aller calmement voter en refusant de répondre aux provocations
  • Engagement irrévocable de ne rien entreprendre qui oppose une partie des Guinéens contre une autre, de ne céder ni à l’incitation de la haine ni à l’ethnocentrisme
  • Engagement du Gouvernement à ne procéder à aucune répression des manifestations pacifiques organisées par les candidats dans le cadre de la campagne électorale,
  • Demande formelle auprès de l’Union Africaine et de la CEDEAO (même si on doute de leur fiabilité, mais elles auraient au moins été mises en garde) pour une représentation physique de ces Institutions dans tous les bureaux de vote du pays, en particulier ceux qui sont rattachés aux chefs-lieux des 33 Préfectures,
  • Engagement des candidats à se faire physiquement représenter dans chaque bureau de vote, histoire de sécuriser le vote et de nous éviter la pagaille qui résulte de la magouille,
  • Engagement de la CENI à ne travailler qu’à partir des procès-verbaux issus des bureaux de vote et de justifier publiquement toute correction éventuelle,
  • Engagement du Gouvernement à effectuer toutes les opérations logistiques avec la participation effective des représentants des candidats de toutes les sensibilités,
  • Engagement des candidats à accepter les résultats provisoires sécurisés publiés par la CENI après concertation préalable avec eux en présence des représentants de la communauté internationale,
  • Engagement des candidats à appeler leurs partisans à la retenue et au calme jusqu’à la publication des résultats par la CENI.

Aux candidats de se souvenir des drames qui ont émaillé notre pays et des sacrifices qui ont été consentis pour ce pays depuis des années pour agir comme il faut afin de nous sortir de cette situation, ne serait-ce que pour le respect des principes démocratiques. Vous jouez avec nos vies, alors vous n’avez pas droit à l’erreur. Si vous vous êtes décidés à envoyer les citoyens à ces élections, assurez-vous de ne pas vous jouer de nous une énième fois. 

Appel aux jeunes et femmes

Je vous demande de ne pas vous laisser corrompre par des générosités de façade avec de l’argent détourné des caisses de l’Etat, notre argent. Vous êtes des composantes importantes de notre pays, au nom de qui déjà, plusieurs promesses ont été formulées mais sans jamais être tenues.

Pendant 10 ans, ni vous ni vos enfants n’ont eu accès à un travail décent. Vous n’avez connu que des promesses non tenues. Pendant 10 ans, le régime en place a cherché à vous opposer à vos voisins. Depuis 10 ans, vous n’avez pas eu les moyens de vivre des fruits de votre travail ayant du mal à joindre les deux bouts. Durant toutes ces années, vous avez vécu d’espoirs déçus, de mensonges et de détournement de deniers publics érigés en valeurs cardinales.

Pendant 10 ans, vous n’avez pas eu les moyens de donner une bonne éducation scolaire à vos enfants. Les injustices envers la jeune fille et la femme se sont aggravées : la déscolarisation, les mutilations génitales, les mariages précoces, les violences conjugales. Vous n’avez pas eu les moyens de vous soigner correctement. Vous n’avez eu accès en permanence ni à l’eau potable courante ni à l’électricité. Pendant 10 bonnes années, votre situation s’est constamment dégradée. Ils ont tout promis mais ils n’ont rien fait. Voulez-vous continuellement vivoter ou bien aspirez-vous à une vie plus décente ?

Appel aux forces de défense et de sécurité

Je vous demande de ne pas trahir le peuple de Guinée, de demeurer des forces de protection et non de répression.

Vous êtes une composante des populations de la République de Guinée et c’est au nom du peuple de Guinée et pour le protéger que vous avez le privilège de porter des armes. Vous êtes au service de la Nation et non d’un régime déviant et autoritaire. Vous n’avez aucune obligation d’obéir à un ordre manifestement illégal et répressif d’où qu’il vienne. Vous appartenez à la Nation Guinéenne et à ce titre, vous êtes, comme tous les citoyens, comptables de vos actions. Vous devez être le creuset de la composition nationale sans aucune place pour la discrimination car vous avez la charge de protéger le pays et tous les citoyens sans distinction. Vous ne pourrez pas dire demain que vous ne saviez pas ou que vous n’avez fait qu’obéir aux ordres. Vous êtes individuellement identifiables et vos familles sont intégrées aux populations. Alors, ces populations se souviendront de vous et de votre comportement à leur égard. Vous ne devez jamais oublier que la vie est un don de Dieu et que votre devoir est de la protéger en toutes circonstances. Une dernière chose, sachez que, tôt ou tard vous répondrez de vos actes.

Citoyens et Citoyennes de Guinée, Si nous avons décidé d’aller aux élections le 18 Octobre 2020, nous devons accepter de configurer tous les paramètres qui vont avec. Ceci commence par accepter d’aller voter et voter surtout utile. Même si nous, nous restons pessimistes quant à une crédibilité des résultats issus des urnes, votons quand même.

Apprenons aux politiques à nous respecter et à honorer leurs engagements.

Faisons en sorte que celui qui succédera Alpha Condé sache qu’il a un peuple à gouverner et non un troupeau de moutons. Mais avant, nous devons créer des conditions pour que ce dernier n’ait aucune chance de se foutre davantage de nous ! La balle est dans le camp de chacun de nous, Bon match !

Que Dieu bénisse et protège les guinéens, Qu’Il châtie tous ceux qui nuisent à ce pays ainsi qu’à ses habitants !


Par Hadiatoullaye DIALLO

Une autre contribution à relire

Putsch constitutionnel: le peuple n’a pas dit son dernier mot! [Par Hadiatoullaye DIALLO]





Présidentielle en Guinée: l’alternance, l’unique option [Par Alpha Boubacar Baldé]


Point de vue


Le 18 octobre prochain, le peuple martyr de Guinée se rendra dans les urnes pour choisir le futur Président de la République. Dans cette joute électorale, douze candidats ont été retenus par ce qui nous sert de « COUR CONSTITUTIONNELLE ». Cette cour, en violation de tous les principes juridiques, a validé une constitution falsifiée qui aurait été adoptée lors du « REFERENDRAME » du 22 mars 2020.

La logique et le respect de la lutte menée au sein du FNDC, auraient voulu que les partis membres de ce front ne participent pas à l’élection. Par principe et par respect vis à vis des martyrs de cette lutte, beaucoup n’adhèrent pas à la participation de certains partis membres du FNDC. J’ai moi aussi émis des réserves sur la participation à cette élection dans un premier temps, avant de me raviser pour en comprendre plus ou moins les motivations.

Le boycott des législatives et du « REFERENDRAME » n’a pas empêché le pouvoir despotique du PRAC, de mettre en place un « PARLE-MENT » et des « DÉPITÉS » élus avec moins de 1000 voix. Selon des éléments de langage sortis des laboratoires de communication du RPG, véhiculés çà et là par des « COMIS-NIQUANT », en participant à l’élection présidentielle, les partis d’opposition reconnaissent implicitement le « PARLE-MENT » et la « Pseudo constitution ». Conscients du caractère illégitime du double scrutin de mars 2020, ils cherchent par tous les moyens à lui donner un semblant de légitimité. Les stratèges du RPG sont en réalité déboussolés par la participation de l’UFDG. Cette participation ne faisait pas partie des scénarii envisagés.

Dans le paysage politique Guinéen actuel et parmi les participants à l’élection du 18 octobre, l’UFDG est le seul qui soit en mesure de battre le RPG à plate couture. Depuis 10 ans, c’est le seul parti qui a refusé de se compromettre avec le RPG.

En réalité, toutes les luttes pouvant mener à l’alternance sont à mettre en œuvre pour déloger cette inaptocratie.

Oui, l’Espoir est permis

L’espoir est certes mince mais il existe tout de même. Nous n’avons pas le droit de nous résigner. « La résignation est un suicide quotidien » disait BALZAC. Charly Teddy lui disait ceci : « La folie du pouvoir se nourrit de la résignation de ceux qui en subissent les affres ».

Il est vrai que :

  • Le scrutin du 18 octobre se déroule dans des conditions particulièrement défavorables aux opposants à ce régime de sociopathes ;
  • Toutes les institutions sont inféodées à cette administration de roublards;
  • Le fichier électoral est taillé sur mesure ;
  • Le candidat du RPG est le président en exercice qui utilise les moyens de l’Etat pour se pérenniser au pouvoir ;
  • Ce qui nous sert de FDS et Armée est à la solde d’un homme et non au service du peuple ;
  • La probabilité est forte que le vote des citoyens ne soit pas correctement retranscrit par une CENI partisane ;
  • Les opposants (partis politiques, FNDC et société civile) ont des stratégies différentes pour arriver à l’alternance.

L’espoir est certes mince mais il existe tout de même. Nous n’avons pas le droit de nous résigner.


Une chose est actuellement perceptible en Guinée, le ras le bol de la population vis à vis de cette administration immorale et décadente. Il y a comme une brise marine de changement qui souffle sur toute l’étendue du territoire national. Elle souffle si fort qu’elle part de la cote atlantique pour rentre dans les terres pour atteindre les bastions jusque-là jugés imprenables du RPG.

La déception des populations face au calvaire qu’elles vivent a fini par transcender les considérations tribales. Ces considérations qui jusqu’aujourd’hui, les rattachaient à un parti qui, en 10 ans de gouvernance n’a pas été en mesure d’améliorer leur condition de vie. La population est déçue du Président qui, lorsqu’il était opposant a promis monts et merveilles et qui à l’exercice du pouvoir s’est révélé être de la plus grande incompétence. Il s’est en réalité révélé être la plus grande imposture politique de notre pays. D’opposant qui prêchait la démocratie et l’alternance, une fois au pouvoir il se veut Président à vie. Quelle roublardise !

Le peuple de Guinée doit cesser d’être passif pour se libérer de l’imposture.

Pour une convergence des luttes pour l’alternance

Dans cette configuration politique, tous les mouvements d’opposition ont le même objectif : L’ALTERNANCE. Il est vrai que les stratégies retenues sont différentes, participation pour certains, boycott pour d’autres.

Il est de la responsabilité des leaders de ces différents mouvements de sensibiliser leurs militants respectifs sur l’objectif commun qui est « L’ALTERNANCE ». Il ne sert à rien de s’invectiver mutuellement sur les stratégies retenues par les uns et les autres, cela rend service à la mouvance présidentielle et au RPG. Les forces doivent être mise en commun pour dénoncer le 3ème mandat et les résultats médiocres du PRAC.

Aux partis politiques dans les starting-blocks pour l’élection du 18 octobre, le peuple de Guinée accueille favorablement la coalition pour l’alternance mise en place cette semaine. Ne décevez pas l’espoir du peuple d’arriver à l’alternance au soir du 18 octobre 2020. Vous devez restaurer la morale et l’éthique dans le paysage politique Guinéen. Montrez-nous qu’il y a encore des gens honorables parmi les hommes politiques Guinéens qui méritent d’être suivis. Vous devez mobiliser au-delà de vos électorats traditionnels. Il est vrai que certains partis qui ne participent pas à l’élection disent qu’ils ne donneront pas de consigne de vote, cela est tout à fait logique avec leur posture et c’est leur plein droit.


Il est de la responsabilité des leaders de ces différents mouvements de sensibiliser leurs militants respectifs sur l’objectif commun qui est « L’ALTERNANCE ».


Cependant, vous devez respecter, les décisions des états-majors des partis politiques qui ont choisi le boycott. Néanmoins, ils ne vous interdisent pas de séduire leur électorat lors de votre campagne par des discours inspirants, apaisants, rassembleurs et optimistes. À vous de séduire au-delà de vos militants, à vous de faire voter pour l’alternance.

Le peuple est prêt pour le changement, il cherche le Leader qui l’incarne. Celui qui portera la lutte et mènera à cette alternance qui est vitale à la survie de notre Nation.


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné

Du même contributeur

Un «printemps ouest Africain»? après Bamako, Conakry et Abidjan sur le qui-vive [Par Alpha Boubacar Baldé]

Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]





Les 8 juges de la Cour constitutionnelle qui mettent les guinéens dans une insécurité juridique [Par Sow Rousseau]


Point de vue


LES 8 JUGES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE GUINÉENNE

La Cour constitutionnelle structure la dictature, c’est-à-dire, elle donne une assise, un soubassement, un fondement juridique à la dictature. La Cour constitutionnelle appose un cachet de légitimité à la dictature.

Les 8 juges ne rendent pas des arrêts, des décisions de justice au nom du peuple de Guinée, ils rendent des services au Président de la république. Leurs « arrêts » constituent des comptes rendus au président de la république, constituent des prestations de service pour le Président. Les 8 juges ne se soumettent pas à la loi, ils se soumettent au Président de la république.



En effet, de façon générale, le juge crée la norme à partir d’une règle de droit (règle posée par le législateur), c’est-à-dire, c’est en appliquant la règle de droit, en l’interprétant, que le juge créé la norme (la norme, c’est le résultat de l’interprétation par le juge de la règle de droit, la sève que le juge extrait de la plante, c’est-à-dire de la règle de droit).

Cependant, les juges de notre Cour constitutionnelle n’interprètent pas les règles de droit pour créer la norme, ils créent celle-ci par leur seule volonté. Ainsi, par couches successives, à travers leur jurisprudence (leurs décisions), ils ont posé le fondement de la dictature dans notre pays.

A titre d’illustration, citons :

  • Leur décision d’exclusion de l’ancien président de la CC, feu Kelefa SALL ;
  • Leur décision approuvant la volonté du Président à changer la Constitution de mai 2010 ;
  • Leur  récente décision N°AC 014 du 11 juin 2020 portant sur la falsification de la Constitution adoptée par referendum le 22 mars 2020. Cette décision mérite une explication pour que nos compatriotes comprennent la délinquance des juges de la CC.

Dans cette décision, les juges constatent l’irrecevabilité des recours formés devant elle par la Plateforme Nationale de Participation et d’Initiative Citoyenne (PNACIP), et le recours du président de l’Assemblée nationale agissant au nom de 15 députés.

Normalement, quand une juridiction constate qu’une requête est irrecevable, elle n’a plus à examiner, à se prononcer sur le fond de celle-ci, or, c’est exactement ce que vont faire les 8 juges de la plus haute juridiction de notre pays.

Les juges disent que les recours sont irrecevables, mais ils jugent le fond des recours en décidant que la Constitution publiée au JO le 14 Avril 2020 est bien celle qui a été  adoptée le 22 Mars 2020.

Or, cela est matériellement faux, des juristes comme Maitre Antoine pépé LAMAH et Maitre TRAORE ont brillamment démontré la différence (ajouts et suppressions) notable entre les deux textes.

Pourquoi les juges se sont-ils prononcés sur le fond de l’affaire alors qu’ils ont constaté l’irrecevabilité des recours ? C’est pour tout simplement faire taire toute contestation de la Constitution du Président de la république, pour la valider définitivement.

Pour mieux vulgariser ce que les juges ont fait dans cette affaire pour nos compatriotes non juristes, prenons l’exemple suivant :

-Une salle de sport à Conakry, n’admet que des filles, exclusivement celles ayant au moins 18 ans, et ayant une tenue adéquate.

-Si un homme quelconque, débarque devant cette salle de sport, le portier va simplement constater qu’il n’est pas une femme et lui refuser l’accès à la salle de sport. Le portier ne cherchera même plus à connaitre l’âge de cet homme, ou à juger si la tenue de cet homme est adéquate ou non pour la pratique du sport.

Or, notre portier (les juges de la CC), bien qu’ayant remarqué qu’il s’agit bien d’un homme, donc irrecevable, inadmissible dans la salle de sport, se permet quand même de vérifier l’âge et la tenue de cet homme. Ceci n’est pas du droit.

Toutes ces décisions démontrent que les juges n’appliquent pas le droit, mais la volonté du président, autrement dit, lorsqu’ils reçoivent une requête, ils l’interprètent selon ce qu’ils pensent être le vœu du président.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Dans notre pays, il y a une tribune ou sont installés confortablement ceux qui nous font tourner en rond, et les juges de nos juridictions suprêmes (Cour suprême et Cour constitutionnelle) occupent la loge VIP de cette tribune.

Le rôle de la cour Constitutionnelle et de la Cour suprême est de tout temps, d’affaiblir l’opposition politique et les citoyens face au pouvoir, et de renforcer le pouvoir en place.

En quoi faisant ?

  • En rendant des décisions d’irrecevabilité à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions d’incompétence à chaque fois qu’ils sont saisis par l’opposition ou par des citoyens dans une procédure contre le pouvoir ;
  • En rendant des décisions de conformité au droit des actions et actes de l’exécutif.

Autrement dit, quelle que soit la configuration, l’opposition et les citoyens perdent toujours contre le pouvoir.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Quelle est l’importance du droit ?

En chaque individu, couvent une violence, des passions, et des ambitions. Le droit intervient en guise d’amortisseur afin que la vie en société soit possible.

Dans un pays éclaté en une multitude d’ethnies, c’est le droit et la justice qui  rassemblent toute cette multitude pour former une seule entité, c’est le droit qui fait sentir aux différentes ethnies qu’elles ont quelque chose de commune et au-dessus de leurs tribus.

Cependant, si les juges, chargés d’appliquer le droit, ne se soumettent pas au droit, aux procédures, aux méthodes d’interprétation du droit connues de tous, méprisent les citoyens, alors les amortisseurs de la violence sautent, et les portes de l’enfer s’ouvrent pour tout le monde.

Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent. Or l’un des caractères du droit est d’être prévisible, c’est-à-dire, lorsque nous  formons un recours devant un tribunal, nous pouvons avec notre avocat, en vertu des textes de droit et de la jurisprudence, estimer sans être sur à 100%, notre pourcentage de gagner ou de perdre, il y a une rationalité du droit, une calculabilité du droit, mais avec les juges de la CC, tout se fait selon leur simple volonté, le droit n’est plus ce qui est écrit, mais l’expression de leur seule volonté, et leur volonté coïncide toujours avec celle du Président de la république.


Les 8 juges de notre CC ont rendu le droit imprévisible dans notre pays, mettant ainsi tous les Guinéens dans une insécurité juridique, en danger permanent.


MADAME ET MESSIEURS LES JUGES

Derrière vos amples et impressionnantes robes, derrière les bureaux luxueux de votre juridiction, derrière toute cette tapisserie et vitrerie de vos locaux, derrière cette solennité et ce mystère qui vous entourent, derrière cette impression de grandeur et d’honorabilité que vous dégagez face aux populations, se cachent en réalité : le mensonge, la lâcheté, le larbinisme, l’irresponsabilité, le manque de courage et d’indépendance.

MES CHERS COMPATRIOTES,

Chaque citoyen de notre pays doit considérer les 8 juges de la Cour constitutionnelle, comme les auteurs intellectuels de tous les crimes politiques à venir, si une guerre civile survient dans notre pays, les 8 juges de la CC doivent être considérés comme les auteurs intellectuels de celle-ci, si la dictature se renforce et perdure dans notre pays, les 8 juges doivent être considérés comme les maçons de la dictature. Et en cas de changement de régime, en cas de révolution, ils doivent être arrêtés, jugés et condamnés proportionnellement à leurs actes.

Enfin, en ce qui concerne le Président de la Cour constitutionnelle, Mohamed lamine Bangoura, cet homme ne mérite même pas de siéger dans un simple tribunal d’instance (ceci pas pour insuffisance scientifique), cet homme ne devrait siéger dans aucune institution judiciaire, arbitrale, juridique, bref, partout où le droit et la justice se rendent, cet homme ne devrait pas y entrer.

Cet homme doit être éloigné de la sphère juridico-judiciaire, tout comme on éloigne les pédophiles, des structures qui accueillent des enfants, à savoir les crèches, les écoles, les espaces de jeux dédiés aux enfants… Cet homme doit évoluer dans le monde des affaires, dans le monde ou règnent combines et roublardises, dans le monde de la nuit fait de trafics, prétentions et excès. C’est son âme même refuse le droit, donc le droit et la justice ne peuvent s’incorporer en lui, l’habiter. Tout comme il y a des tueurs en série, des violeurs en série, Mohamed lamine Bangoura est un tueur en série du droit, et doit être éloigné du droit.

Cet homme n’habite pas sa fonction de président de la plus haute juridiction du pays avec gravité, en se disant : « J’ai une lourde responsabilité, une tâche difficile et compliquée, je dois être à la hauteur, les décisions rendues par ma juridiction impactent les 13 millions de Guinéens, ces décisions étant insusceptibles de tout recours, je dois veiller à respecter le droit ». Mais son inconscience, son immaturité, son caractère superficiel, le font habiter sa fonction en se disant « Dans ce pays, c’est moi qui décide, ce que je décide est le droit pour les 13 millions de Guinéens, dans ce pays, après moi, c’est Dieu ». Telle est la psychologie  du président de la Cour constitutionnelle de notre pays.


SOW ROUSSEAU




Un «printemps ouest Africain»? après Bamako, Conakry et Abidjan sur le qui-vive [Par Alpha Boubacar Baldé]


Point de vue


Frantz FANON disait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir »

Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, nos grands-parents et arrières grands-parents qui participèrent à la guerre dans les bataillons de tirailleurs Sénégalais, prirent conscience de la nécessité de libérer les peuples Africains. Cette prise de conscience de leur situation de peuples colonisés fut consécutive à leur participation à la 2nd guerre. Aux côtés des Français qui cherchaient à se libérer du joug Allemand, ils réalisèrent soudain leur propre situation. A leur retour dans leurs pays respectifs, ils vont à travers leurs témoignages auprès de leurs enfants (nos parents) donner naissance à la génération qui permettra aux pays Africains d’accéder à l’indépendance.

La mission de cette génération là (celle de nos parents), était de nous faire accéder à l’indépendance. Elle n’a pas failli à sa mission. Des 1958, la population des rivières du sud oppose un retentissant « NON » au Général De Gaulle lors du référendum d’autodétermination du 28 septembre 1958. Les rivières du sud deviennent le 2 octobre 1958, la République Populaire et Révolutionnaire de Guinée. Non content du « NON » qui lui est opposé, la France du Général De Gaulle, fera de la Guinée un exemple pour dissuader les autres colonies Françaises de faire le même choix. Il faudra deux années supplémentaires en 1960, pour voir les autres colonies Francophones accéder à l’Indépendance dans des conditions moins rocambolesques sans froisser la France.

Sous la Présidence d’Ahmed Sekou TOURÉ (Héros & Tyran) La Guinée qui n’a plus aucune relation avec l’ancien colon opte pour le communisme en se rapprochant de l’axe Russie, Chine, Cuba et Corée. Nous connaissons tous plus ou moins bien l’histoire de notre pays malgré les fossoyeurs et ceux là qui veulent réécrire l’histoire. Il est vrai que : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur » Proverbe Africain.

Aujourd’hui, 62 ans après notre indépendance, quelle est la mission de notre génération ?

Selon moi, le rôle de notre génération est d’ancrer la démocratie dans notre pays, nous décomplexer vis à vis de l’Occident et d’amorcer des projets de développement au bénéfice de notre population.

Alors que la jeunesse ouest Africain aspire à des alternances et à la démocratie, de vieux chefs d’état arrivés tardivement au pouvoir se livrent à des changements de constitution pour seul et unique but de briguer d’ultimes mandats.

  • C’est le cas en Côte d’Ivoire et en Guinée ou ADO & AC après deux mandats constitutionnels sont sur les starting-blocks pour briguer d’ultimes mandats ;
  • Tentative de changement constitutionnel avortée au Mali grâce au vaillant peuple Malien qui a finalement réussi à faire démissionner le pouvoir corrompu d’IBK qui malgré le plébiscite pour son second mandat s’est éloigné des préoccupations des Maliens ;
  • Un changement constitutionnel également au Sénégal dont le peuple doit être vigilant, malgré la tradition démocratique et une société civile plus structurée et alerte.

Pour en revenir à l’événement du 18 mars au Mali, j’espère qu’il s’agit là de l’amorce du printemps vertueux ouest-Africain. Bravo au peuple Malien, à sa société civile et son armée qui ont prouvé que nul, pas même un chef d’état (souvent idolâtré dans nos pays Africains), n’est plus important que l’avenir de la nation. Une armée Malienne républicaine et au service de sa population à prit ses responsabilités devant l’histoire.

En Guinée, malgré les manifestants monstres du FNDC dont le but était d’empêcher le changement de la constitution de 2010. L’armée s’est rangée du côté d’un Dictateur, qui tant bien que mal continu à dérouler son agenda pour briguer un ultime troisième mandat et peut être un quatrième connaissant sa boulimie du pouvoir. Elle a failli a sa mission. Suite au REFERENDRAME de mars 2020, nous sommes aujourd’hui dans un imbroglio Politico-juridico-Social qui rend indispensable une transition. Oui d’aucuns diront que ce n’est pas démocratique, mais j’appelle de mes vœux à une transition dont nous ne pouvons pas faire l’économie dans notre pays.

  • Nous n’avons pas de constitution (elle a fait l’objet d’un faux lors de sa promulgation et elle vient de faire l’objet d’une suspension partielle par une cour constitutionnelle aux ordres) ;
  • Notre Assemblée Nationale comporte des députés élus avec 1000 voix ce qui ne leur confère aucune légitimité pour légiférer au nom d’une population d’au moins 12 millions de Guinéens ;
  • La cour constitutionnelle est totalement décrédibilisée par ses décisions qui n’ont aucun précédent dans l’histoire mondiale du Droit constitutionnel ;
  • La CENI et son fichier électoral qui inclut 2,5 millions d’électeurs fictifs n’offrent aucune crédibilité à une consultation électorale sur cette base. Ne parlons même pas des mineurs enrôlés dans les fiefs du RPG qui rend impossible toute alternance.

L’armée s’est rangée du côté d’un Dictateur, qui tant bien que mal continu à dérouler son agenda pour briguer un ultime troisième mandat et peut être un quatrième connaissant sa boulimie du pouvoir. Elle a failli a sa mission.


Malgré donc la mobilisation du peuple martyr de Guinée aux appels du FNDC depuis le 14 octobre 2019, l’armée s’est érigée en un obstacle pour empêcher la chute de l’administration la plus corrompue depuis notre accession à l’Indépendance en 1958. Pour preuve les nombreux scandales de détournement de deniers publics :

  • 120 millions de USD disparus sur les 700 millions reçus de Rio Tinto en 2010 directement imputable au PRAC ;
  • 51 millions de USD détournés à l’ARPT par deux employés ;
  • Le scandale de l’OPG impliquant le sieur PMD ;
  • Les 3 milliards de USD qui auraient été investis dans l’électricité pour quels résultats.
  • Les fonds investis pour la réfection de nos routes et voiries urbaines qui ne résistent pas aux saisons hivernales.

Chez nous en Guinée, notre armée et nos FDS ne sont pas Républicaines. Elles sont promptes à faire des coups d’état contre des cadavres et à se bomber le torse. Ce fut le cas en 1984 et en 2009. Voilà de quoi elles sont capables. Elles sont spécialistes des violences vis à vis de leur population sur laquelle elles tirent sans retenue, elles s’introduisent dans les domiciles privés des populations pour renverser des marmites et proférer des injures à caractère ethnique, elles excellent dans l’intimidation, les arrestations arbitraires, extra-judiciaires, la torture et la déportation (Camp de Soronkoni où sont arbitrairement détenus des ressortissants de la Guinée Forestière en dehors de tout cadre légal). Des généraux corrompus avec des milliards qu’ils ne redistribuent pas à la troupe (militaires de rang). Une troupe instrumentalisée pour violenter la population afin maintenir un Président octogénaire sénile et peureux au pouvoir en violation de ses serments.

Aujourd’hui, elles (armée et FDS) constituent le seul rempart qui protège cette administration aux abois. Une administration, qui affame le peuple pour ensuite lui jeter des miettes à travers ce qu’ils appellent ANIES.

Cette agence gouvernementale qui au lieu de promouvoir l’autonomie des populations promeut la dépendance de celles-ci via des dotations de riz et huile. Une pratique socialo-communiste dépassée d’un Président dont le cerveau est resté bloqué à l’époque de la Guerre froide. Une administration responsable aurait fait le choix de rendre autonome sa population au lieu de la rendre dépendante. CONFICIUS disait « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ». Comprendras qui pourra ! Il existe des administrations dans lesquelles, les cerveaux des responsables sont réfractaires au développement. Le PRAC et son administration souffrent de cette pathologie.

Le peuple ouest Africain et sa jeunesse sont en marche pour l’instauration de démocraties durables dans nos pays. La Guinée ne doit pas faire exception à ce mouvement.

Nos parents et grands-parents ont gagné le combat de l’indépendance, à nous de gagner celui de l’instauration de la démocratie dans nos pays et de l’émancipation de nos États de la dépendance vis à vis de l’occident. Nous ne voulons plus de « nègre de maison » à la tête de nos États. Cette époque est révolue.

Nous le devons à nos enfants. A chacun de jouer sa partition y compris l’armée et les FDS qui sont partie intégrante du peuple brimé et martyrisé de Guinée.

Marcus GARVEY disait « Il est possible que nous ne vivions pas tous la réalité d’un empire (État) africain si fort, si puissant qu’il imposerait le respect à l’humanité, mais nous pouvons cependant durant notre vie travailler et œuvrer à faire de ce projet une réalité pour une autre génération ». Faisons cet effort pour nos enfants. L’état étant une continuité ils parachèverons notre projet.

Ceci est notre mission !

Faisons-en sorte de pouvoir regarder droit dans les yeux nos enfants au moment de leur passer le témoin.


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné

* L’auteur avait proposé le titre : Le printemps politique ouest Africain en marche (MALI – GUINÉE – CÔTE D’IVOIRE)





Guinée: quel avenir en ce temps de crise? [Par Alpha Boubacar BALDE]


Point de vue


Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?


1. Quels choix pour nos politiques dans ce contexte de crise?

L’année 2020 comme l’anticipaient les observateurs avertis de la scène politique Guinéenne est l’année de tous les dangers. En effet, l’année 2020 devait être celle de la confirmation ou non de l’ancrage de notre pays dans le rang des pays dits démocratiques. 2020 devait être l’année du renouvellement de l’Assemblée Nationale (AN) et également celle qui devait conduire à la première alternance démocratique depuis l’accession de notre pays à l’indépendance en 1958 (Passation de pouvoir entre vifs). Enfin, nous l’espérions en tout cas considérant les conditions de ‘‘l’érection’’ et de ‘‘réérection’’ du PRAC-MATIQUE à la magistrature suprême de notre pays en 2010 et 2015 respectivement.

Cet espoir hélas semble hors de portée suite à l’érection d’un « ENSEMBLE NATIONAL » et au REFERENDRAME DE CONSTIPATION organisés dans les conditions que nous connaissons tous. Ce REFERENDRAME qui a conduit à l’adoption d’un « PQ » constitutionnel. Oui, j’ai ouïe dire que les nombreuses versions sont utilisées dans les WC « Waters » des différents ministères et autres services de l’administration publique. En même temps, il faut dire qu’il n’y a pas d’eau dans les robinets donc on fait comme on peut ! N’nallah. « Rien ne se crée rien ne se perd tout se transforme » disait LAVOISIER. AFAKOUDOU ! qui est fou.

Selon les détracteurs de la constitution du CNT de 2010, cette dernière souffrait d’un déficit de légitimité à cause des conditions de son adoption (par le CNT) et sa promulgation (par un président de transition désormais exilé depuis 10 ans ! Si je mens qu’il rentre au pays pour prouver le contraire) … « What goes around come around » disent les Anglais. Le karma de DADIS n’est pas loin je dis ça, je ne dis rien.

Alors que dire de leur nouvelle constipation, je veux dire le « PQ Constitutionnel ». Lors du « REFERENDRAME », ils ont fait « voter » un texte et le PRAC-MATIQUE a « promulgué » un autre texte. La cours anticonstitutionnelle, consultée par les DÉPITÉS COVID floués dans cette affaire a trouvé les considérants qu’il fallait pour légitimer cette forfaiture. Du moins, c’est ce qu’elle croit mais AMOULANFÉ !

Du jamais vu dans l’histoire du droit constitutionnel selon l’avis d’un éminent professeur de droit de l’UCAD lors d’une émission sur RFI. Un vrai professeur celui-là, pas comme l’autre imposteur. « Y’ai pas dit nom de quelqu’un hein » comme disent les Ivoriens, parce qu’on se connaît dans pays-là ! Ne venez pas manger vos piments dans ma bouche Allahbè.

J’imagine les discussions et argumentations dans les amphis de droit sur cette singularité Guinéenne qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les étudiants de droit vont s’amuser…

Finalement, le déficit de légitimité est encore plus important avec ce PQ constitutionnel de 2020 par rapport à la constitution du CNT de 2010 qui l’a précédée.

« ALIFA PUISSANCI A MAGNIN DEEEEE ! »

2. Quelles décisions doivent prendre les leaders de l’opposition?


Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection.


Selon des indiscrétions, les états-majors des principaux partis politiques envisagent sérieusement de participer à l’élection du 18 octobre 2020. Il est vrai qu’ils sont dans une position difficile et en plein doute vu qu’ils n’ont pas pu empêcher le « REFERENDRAME DE CONSTIPATION » et l’érection des nouveaux « DÉPITÉS COVID ». De mon point de vue, leur participation légitimerait cette pseudo élection envisagée pour le 18 octobre 2020. Il est urgent, que les leaders transcendent leurs intérêts égoïstes pour mettre en place l’union sacrée pour sauver la maison Guinée. Il est plus que vital de barrer le chemin et refuser ce simulacre d’élection. S’ils veulent gouverner ce pays, qu’ils aient le courage de leurs ambitions. Ils doivent affronter ce pouvoir corrompu, demander la désobéissance civile à la population, paralyser l’Etat. Que chacun manifeste dans son quartier, sa commune, sa ville, son village. Que les représentants de l’Etat soient mis en déroute s’ils ne se rangent pas du côté du peuple. Une telle démarche permettra d’empêcher la concentration des forces de répression (FDS et armée) à des endroits stratégiques d’un hypothétique itinéraire de marche. Les leaders doivent faire en sorte d’infiltrer l’appareil d’état et l’appareil sécuritaire comme le PRAC l’avait fait du temps du Général CONTE. De toute façon, ils ne sont composés que de mercenaires qui se vendent aux plus offrants. Faites vaciller cette administration de kleptocrates. Il y va de la survie de notre pays en tant que nation. Soyez prêts au sacrifice ultime, déjà, 200 jeunes reposent au cimetière de Bambeto depuis 2010. Ne trahissez pas leur lutte, ils doivent être réhabilités pour que plus jamais de pareilles choses ne se reproduisent.

Ne vous laissez pas enfermez chez vous lors des mouvements sociaux, sortez affrontez les FDS qui bloquent l’accès à vos domiciles. On ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs chers leaders. Soit, vous êtes libre de vos mouvements ou bien en état d’arrestation. Ayez le courage de vos militants qui affrontent les FDS dans les quartiers. Sachez que souvent, la prison est un raccourci vers la Présidence et que l’arrestation d’un Homme politique n’a pas le même impact et la même résonance que celle d’un individu lambda.

Sortez de votre zone de confort !!! OSEZ, JE VOUS CONJURE OSEZ !!!

3. De la nécessité d’une transition !

Il est clair pour tout démocrate ayant un minimum de discernement, qu’une transition est indispensable pour nettoyer le merdier du PRAC-MATIQUE. Pour avoir des élections libres, transparentes et inclusives en Guinée, il y’a des préalables dont on ne peut pas faire l’économie.

  • La suspension de la pseudo nouvelle « constipation » ;
  • La suspension du pseudo parlement des « DEPITES COVID » ;
  • Un nouveau recensement des électeurs qui soit le reflet du corps électoral Guinéen ;
  • La recomposition de la cour constitutionnelle par des hommes intègres. Ils pourraient faire l’objet de désignation à vie à l’image de ce qui est fait aux USA pour éviter la pression et garantir leur indépendance, dans le cadre d’une modification (pas un changement) à la constitution de 2010 ;
  • La recomposition de la CENI sur la base de l’impartialité et la compétence et non plus de la complaisance ;
  • La diligence d’enquêtes concernant les tueries d’innocents lors des différentes manifestations politiques ;
  • La mise en place d’une commission vérité-réconciliation pour purger toute cette frustration et les ressentiments qui empoisonnent le quotidien de notre jeune nation ;
  • La mise en place d’institutions inébranlables avec des hommes de conviction au service de la nation et non des laquais au service de celui qui les a nommés ;
  • Une justice impartiale au service du citoyen ;

Il est indispensable que ces éléments soient mis en place pour éviter l’éternel recommencement dans notre pays (Pays des occasions manquées). A chaque fois qu’on a cru pouvoir remettre notre pays sur les rails, nous n’avons pas fait le bon choix et voilà où nous en somme en 2020.

62 ans après notre indépendance :

  • Nous n’avons ni eau, ni électricité alors que notre pays est Le Château d’Eau de l’Afrique de l’Ouest ;
  • Nous n’avons ni infrastructures routières, ni hôpitaux, ni écoles et universités qui soient valables ;
  • Nous n’avons ni administration efficace, ni dirigeants au service de la population ;
  • Notre système éducatif est à l’article de la mort, il met sur le marché de l’emploi des gens dont le niveau décroît d’année en année. Ce qui compromet dangereusement la capacité des jeunes à prendre la relève ;
  • Aucun projet minier d’envergure n’a été réalisé malgré le scandale géologique de notre sous-sol qui regorge de minerais recherchés et indispensables aux industries ;
  • Les micro-industries que nous avions lors de notre accession à l’indépendance se sont comme évaporées ;
  • Des cadres véreux et corrompus vampirisent notre administration et empêchent toute réforme de nature à mettre à évidence leur incompétence manifeste et chronique ;
  • Des hommes politiques sans conviction, qui comme des girouettes tournent à gré du vent et nous font perdre du temps. Ils n’offrent aucune alternative crédible à un pouvoir moribond ;
  • Les FDS et l’armée qui auraient été réformées à coup de millions de Dollar après la transition et l’érection du PRAC-MATIQUE ciblent et tuent impunément la population. Il faut croire, que l’impunité érigée en système de gouvernance par un éternel opposant, devenu par accident un Président rancunier, n’est pas de nature à faire des FDS et de l’armée des services républicains ;
  • Nous ne sommes même pas capables de nourrir notre population sans faire recours à l’importation alors que nous disposons de surfaces cultivables qui ne demandent qu’à être aménagées et mises en valeur.

4. Quel rôle pour la population ?

L’exigence est le maître mot du rôle que doit jouer la population. Soyons exigeants vis à vis de ceux-là qui nous gouvernent. Ils sont à notre service et pas le contraire. S’ils ne font pas l’affaire, qu’ils dégagent.

Nous sommes au moins 12 millions de Guinéens et il y’a forcément parmi nous des gens valables et honorables pour occuper ces fonctions et qui seront au service de la population. Les hommes et femmes qui aspirent à diriger notre pays doivent savoir que la fonction, à laquelle ils veulent accéder, consiste à servir (le peuple) et non se servir (du peuple).

Chers compatriotes, faisons le bilan des 10 ans de gouvernance de l’éternel opposant devenu président.

Après 10 ans sous la présidence du PRAC et de son RPG, évaluons sans complaisance et en toute objectivité, les changements qualitatifs et quantitatifs que nous observons dans notre vie quotidienne. Evaluons, si ces changements sont à mettre à l’actif de la gouvernance du PRAC?

  • Nos enfants sont-ils mieux scolarisés ?
  • Nos hôpitaux sont-ils mieux équipés et plus à même de nous fournir les soins dont nous avons besoin ?
  • Notre pouvoir d’achat s’est-il amélioré ?
  • Les routes que nous empruntons au quotidien lors de nos déplacements sont-elles dans un meilleur état ?
  • La desserte en eau et électricité dans les ménages dans nos foyers s’est-elle améliorée ?
  • Nous sentons nous plus en sécurité avec la supposée réforme des FDS et de l’armée qui continuent à endeuiller nos familles ?
  • Ressentons-nous plus de liberté, de démocratie et de droit de l’homme ?
  • L’administration publique est-elle plus performante au service de la population ?
  • La corruption qui caractérisait l’administration Guinéenne a-t-elle baissée ou s’est-elle amplifiée ?
  • Les cadres corrompus qui manipulaient le Général CONTE, le sulfureux capitaine DADIS, et le Général maquisard KONATE, ont-ils été écartés des arcanes du pouvoir ?
  • Des gros projets miniers qui étaient à l’étude, lequel a été mis en œuvre en 10 ans de pouvoir du Président stagiaire aka le PRAC ? Quels bénéfices pour la population ?
  • Nous sentons nous toujours proche de nos amis, voisins, collègues et connaissances des autres communautés ethniques comme ce fut le cas avant la Présidence du PRAC et sa politique tribale ?
  • Pour faire simple, notre vie et celle de nos parents amis et voisins est-elle plus facile et mieux aujourd’hui grâce à cette administration ?

Personnellement, je réponds par la négative à l’ensemble de ces questions.

Chers compatriotes, il est encore temps d’agir. Agir pour nos enfants. Pour nous, il est trop tard, mais nous pouvons encore faire en sorte que nos enfants bénéficient des avantages et ressources dont notre beau pays est doté.

Agir en quoi faisant me diront certains !

En s’engageant, chacun à son niveau, selon ses moyens pour faire échouer l’homicide programmé de notre démocratie. C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires. La nature a horreur du vide à ce qu’il parait. Aujourd’hui, ces kleptocrates décident de notre avenir et compromettent dangereusement l’avenir de notre mère patrie la Guinée. Je veux chers compatriotes que nous nous approprions cette réflexion : « Nous n’héritons pas notre pays de nos parents, mais nous l’empruntons à nos enfants ».  Alors, faisons-en sorte de leur rendre le pays dans une situation meilleure que celle dans laquelle nous l’avons trouvé. Mettons les Hommes qu’il faut aux places qu’il faut. Sortons de ces considérations tribales qui n’apportent rien de bon. « Au lieu du champagne pour quelques-uns, nous voulons l’eau potable pour tous » comme le disait Thomas SANKARA.


C’est parce que les hommes compétents et intègres refusent de mettre leur main dans le cambouis de notre administration et dans la sphère politique, préférant le secteur privé ou l’expatriation ; que des hommes n’ayant ni morale, ni valeur, ni dignité et encore moins de compétence sont aux affaires.


Sachez chers compatriotes, que le peuple qui n’assume pas sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort.

L’Occident ou la communauté internationale ne viendront pas résoudre nos problèmes à notre place. Ils sont confrontés eux-mêmes à des défis auxquels ils doivent faire face. Notre situation de pays assisté arrange la puissance coloniale. Les discours souverainistes, pompeux et creux de notre PRAC national qui vient ensuite faire la révérence à l’Élysée devant son petit-fils MACRON devraient nous éclairer sur la personnalité de l’homme, sa duplicité.

Il est grand temps d’envoyer le PRAC à la retraite dans un EHPAD là où est sa place. Et au-delà du PRAC et consort, il est grand temps de mettre fin à ce système qui condamne des générations et met des millions d’espoirs sous verrous.

« Refusons de manger avec ceux qui mangent la Guinée » comme l’avait fait Thierno Monenembo lors de son invitation au diner d’état offert par François Hollande au PRAC a l’occasion de sa visite d’Etat en France.

5. Les conséquences du maintien de cette administration au-delà d’octobre 2020

En 10 ans de pouvoir PRAC-MATIQUE, nous avons tous vu les résultats de cette administration. Plus haut nous avons fait le bilan des changements qualitatifs et quantitatifs dans nos vies. Allons-nous continuer dans cette direction en espérant des résultats différents ? Albert EINSTEIN disait que : « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». J’ose espérer qu’on n’est pas tous déments dans ce pays. Les Ivoriens eux disent que : « Premier gaou n’est pas gaou, c’est deuxième gaou qui est niatta ».

L’administration de ces 10 dernières années est la représentation même de « L’INAPTOCRATIE » que JEAN D’ORMESSON définit ainsi : « système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle ». C’est à croire que c’est l’administration du PRAC qui a inspiré l’auteur.

Supposons maintenant, que ces « INAPTOCRATES » se maintiennent au pouvoir au-delà d’octobre 2020, imaginons les conséquences :

  • Un Président sénile de plus de 90 ans qui n’est même plus audible lorsqu’il s’exprime lors de ses allocutions ;
  • Un tissu social déjà fortement éprouvé qui va définitivement se déchirer ;
  • Le maintien de cadres corrompus sans aucune compétence à des postes qu’ils ont eus en récompense de leur adoration au PRAC ;
  • La perte des acquis démocratiques que nous pensions avoir obtenus lors de mouvements sociaux successifs des années 2000 à 2010 et au lendemain des massacres du 28 septembre date doublement symbolique pour notre pays ;
  • Le maintien du soutien, du financement et de la protection par une administration aux abois, d’individus n’ayant aucune fonction officielle et dont le rôle est de promouvoir des discours haineux aux relents ethniques pour compromettre l’unité nationale ;
  • Le statut quo des FDS et d’une armée d’opérette au service d’un homme et non au service d’une nation ;
  • L’enrichissement illicite des membres de l’administration au détriment de la réalisation d’infrastructures de base pour la population qui manque cruellement de tout ;
  • La stigmatisation de notre pays comme un État paria parmi les nations démocratiques ;
  • Le maintien en statut quo d’un fichier électoral tellement tronqué, qu’il rendra impossible ad vitam aeternam, toute alternance dans le pays tellement il est biaisé pour favoriser le RPG arc en ciel ;
  • Le maintien en statut quo d’une cours constitutionnelle qui dit tout sauf le droit, ce qui aura pour conséquence un appareil judiciaire inopérant ou qui rendra tout sauf la justice ;
  • Le maintien d’un parlement dont les membres mal élus n’ont aucune légitimité vu les conditions du scrutin ;
  • Une constitution qui n’a pas l’adhésion de la majorité de la population et qui lors de sa promulgation a fait l’objet d’un faux lui enlevant tout son caractère de norme juridique ultime au sein d’un Etat ;
  • Cautionner auprès de notre jeunesse, l’idée selon laquelle, la politique n’a ni morale, ni éthique en érigeant en modèle des individus qui se sont reniés et qui ont ravalé leur vomi pour être conviés au festin de ce « gouverne-et-ment » de voleurs.
  • Donner l’illusion à cette même jeunesse, que la réussite s’obtient dans la roublardise et non dans le travail et l’abnégation ;
  • Continuer l’exploitation abusive de nos ressources (sol et sous-sol) par des sociétés étrangères qui détruisent notre environnement et dont les profits, sont domiciliés dans des comptes offshore détenus par les membres corrompus de l’administration du PRAC et qui ne bénéficient donc pas à la population ;
  • La dégradation continue de nos conditions de vie et de subsistance dans un pays scandaleusement doté par la nature de toutes les richesses du sol et du sous-sol ;
  • La poursuite par un président sénile de promesses fallacieuses et de poses de premières pierre alors que les projets lancés pendant les 10 dernières années à la veille de consultations électorales n’ont jamais vu le jour.

Sommes-nous prêts pour ce statut quo ?

J’espère que non !

J’espère un sursaut national pour sauver notre mère commune la Guinée de la main de ces gangsters dont l’unique dieu est l’argent et l’unique religion est le pouvoir pour le pouvoir.

Vaillant peuple du NON de 1958 au Général De Gaulle, tu ne peux courber l’échine devant un président tel qu’Alpha CONDE jadis connu sous le nom d’Alfa Grimpeur.

Frantz FANON disait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir »

Peuple de Guinée, jeunesse de Guinée, allons-nous remplir ou trahir notre mission ?

La décision nous appartient !

Ne pas faire de choix c’est aussi faire un choix !


Alpha Bakar Le Kaizer
Un citoyen concerné




Les interrogations d’un citoyen [Par L. Petty Diallo]


Alpha Condé plébiscité pour un troisième mandat

Où sont passés l’opposition et le FNDC ?


Alpha Condé a été plébiscité pour un troisième mandat par le RPG-Arc-en-Ciel dans une convention tenue les 5 et 6 août 2020. L’intéressé marine, comme tout bon cuisinier, sa réponse.  Histoire  de faire saliver ses soutiens et baver ses opposants.

Depuis, de l’autre côté,  c’est motus et bouche cousue. Les quelques réactions que les Guinéens ont lu et entendu par-ci, par-là font plus froid au dos que l’annonce de la candidature de l’actuel président elle-même.

Face au mutisme des uns et aux réactions incohérentes, voire irresponsables, en tout cas désolantes des autres, de sérieuses questions se posent. Des questions auxquelles devront répondre l’opposition guinéenne et le FNDC.

S’inscrivant dans cette optique, cet article, contrairement aux précédents ne fera ni analyse, ni propositions prospectives posant des pistes de réflexion ou proposant des solutions que je faisais habituellement. Il se veut l’écho des voix inaudibles qui déchirent le cœur de celles et ceux qui ont lutté ces 2 dernières décennies. Celles et ceux qui ont tout consacré à la lutte pour l’instauration d’un système démocratique en Guinée depuis décembre 2008, date de la mort de Lansana Conté, à nos jours

Ces questions sont simples, réalistes, objectives, constructives mais elles sont aussi lapidaires parfois. Elles  viennent de la plume de quelqu’un qui n’a cessé d’écrire, de proposer, d’interpeller sans se faire, comme bien d’autres,  entendre.

Quelqu’un qui se retrouve bien seul par rapport aux débuts où fleurissaient des articles et analyses pertinentes, bien fouillées, enrichissantes et clivantes parfois. 

Quelqu’un qui se demande où  sont passés les pourfendeurs de la dictature : Ibrahima Kyllé DIALLO,  Mamadou Billo Sy Savané Abdoul Baldé, Sadio Barry, Ibrahima Sory Makanera, Aliou Barry, Mamadou Diallo (MD) de Guinea forum, Mamadou Alpha Barry (Sidoux ) et bien d’autres. Qu’est devenue toute cette génération de défenseurs de la démocratie et avocats du peuple, dis-je.

Quelqu’un qui est toujours là, depuis 2 décennies donc, aux côtés du peuple de Guinée et auprès de l’opposition dans ces différentes phases d’évolution : des forces vives au FNDC.

C’est lui qui pose les questions aux acteurs politiques actuels s’interroge tout comme ses compatriotes  et ne semble plus voir clair dans la ligne politique menée par l’opposition dite républicaine .

Les réactions évoquées plus haut et leur teneur ont accentué ce sentiment, non pas de découragement mais de perdition. Il me semble que plus d’un ne comprend plus grand- chose de la logique, de la stratégie et de la finalité de la lutte menée par l’opposition et le FNDC. . Je me dis si les citoyens ont le droit de dénoncer le pouvoir RPG-Arc-en-ciel, ils ont le droit, tout aussi légitime, de questionner l’opposition et d’avoir des réponses claires.

Leaders et dirigeants des partis  politiques de l’opposition et du front national pour la défense de la constitution (FNDC), vous avez un devoir moral et une lourde responsabilité dans le passé,  le présent et le futur de la Guinée.  Dans le sort et le devenir de la nation. Dans le sort des citoyennes et des citoyens qui ont cru en vous, vous discours, promesses, idéaux politiques et qui  vous ont soutenu tout au long de vos parcours respectifs.

Le moment est venu, sinon de rendre compte, du moins de dire à  vos militants et sympathisants de quoi sera fait demain si toutefois monsieur Alpha Condé était élu nouveau président de la république le 18 octobre 2020.

Une série de questions toutes simples et qui dessineront le futur de la Guinée, et le vôtre sûrement, méritent des réponses. Vos réponses.

La première de celles-là : où est passé le FNDC depuis le 5 août 2020 ? Aucune réaction de sa part après  la désignation d’Alpha Condé à sa propre succession.

A la classe politique et leaders de l’opposition

Certains d’entre- vous trouvent des circonstances atténuantes à Alassane Ouattara, le président ivoirien, candidat à un troisième mandat. Faute, dit- il de mieux, plutôt « pour cas de  force majeure » monsieur Ouattara  est candidat.  C’est  comme si la mort du premier ministre  Amadou Gon Coulibaly avait emporté toutes les potentialités du parti ivoirien  au pouvoir. Du coup, « Ado » surnom affectif que lui ont donné  les ivoiriens, se voit adolescent à 78   ans.

La question qui se pose : ces leaders voient-ils des circonstances atténuantes à Alpha Condé ou se sont-ils laissés aller par les liens bien connus qui les rattachent au président ivoirien ? Au cas contraire  refuserait-il à  Alpha Condé ce qu’il accorde à Ouattara ? Au pire, s’opposerait-il au troisième mandat d’Alpha du bout des lèvres ?

Dans tous les cas, plus qu’une question de com, il s’agit d’une erreur, si ce n’est une faute politique,  qui pourrait avoir de lourdes conséquences.

D’autres leaders politiques se cantonnent à dire que « la désignation d’Alpha Condé pour un  troisième mandat n’est pas une surprise ». Cela sous entendrait-il qu’ils savaient dès le début que tel allait être le cas ?

C’est à ce niveau que se pose la question de la pertinence de la ligne politique de l’opposition guinéenne. De sa conviction à mettre fin à un pouvoir qui entend se perpétuer en toute illégitimité.

Si la désignation de monsieur Alpha Condé n’était pas une surprise, cela signifie quelle est évidente. Que les leaders politiques le savaient.  Dans ce cas, les Guinéens ont le droit d’avoir la réponse à  un certain nombre de questions.

  • Pourquoi avoir organisé des manifestations depuis 10 ans si l’issue devrait être le troisième mandat ?
  • Pourquoi avoir enregistré près de 200 morts et des centaines de blessés au nom de la lutte pour la démocratie si monsieur alpha Condé et le RPG allaient continuer à régenter la Guinée ?
  • Que direz-vous  aux familles des centaines de morts, de blessés, de détenus dans les prisons de Conakry, de Soronconi et ailleurs. ?
  •  Que direz-voys  à  vos militants, sympathisants et autres soutiens de l’ombre qu’ils soient politiques ou financiers ?
  • Les manifestations n’auraient-elles servi qu’à masquer les faiblesses du pouvoir d’Alpha  Condé comme le théâtre, le sport et autres manifestations culturelles ont sauvé le parti démocratique de Guinée (PDG) ?
  • Pourquoi mobiliser plus dun million de personnes et rentrer à la maison sans que le pouvoir tombe ? Y aurait-il des freins d’une telle action au sein de l’opposition et du FNDC ?
  •  L’opposition guinéenne serait-elle une assemblée de partis, de personnes, de mouvements dont les membres se serviraient des uns, les plus puissants en termes de mobilisation, au profit des autres ? Y compris du pouvoir ?
  •  L’opposition a-t- elle encore une ligne de conduite, donc un idéal et une stratégie commune  pouvant mener les Guinéens à la démocratie ?
  • Se sentirait-elle submergée par la puissance de l’adversaire ?
  • Pourquoi tant de renoncements comme l’annulation de la manifestation du 6 août 2020, date de la convention du RPG.
  • Pourquoi se soucier de l’organisation d’examens scolaires qui relève d’un État qu’on combat ? Pourquoi donc ménager l’adversaire à son propre détriment ?
  • Combien de temps les Guinéens doivent-ils encore attendre pour que les responsables politiques de l’opposition actuelle tiennent leur promesse de faire partir Alpha Condé en vue d’instaurer la démocratie ?
  •  Cette opposition va-t-elle donner raison à celles et ceux qui étaient en son sein et se retrouvent aujourd’hui de l’autre bord et l’accusent de toutes les maux, de toutes les  faiblesses, de toutes les insuffisances et incapacités ?
  • A quoi servirait aujourd’hui à un guinéen d’être opposant si tout ce qu’il a subi : brimades, répressions, arrestations, meurtres, assassinats, destruction de biens matériels, immobiliers, financiers, commerciaux, etc. devrait se renouveler en octobre 2020 ?
  • Pourquoi l’opposition guinéenne n’a pu mobiliser en sa faveur, après des années de combat, la communauté internationale comme l’a réussi le Mali en quelques semaines seulement ?
  • Pourquoi le mutisme, au sein de l’opposition, de certains pourfendeurs du pouvoir ? Lesquels ne sont font plus entendre alors qu’ils étaient souvent en première ligne. 
  • Enfin, la question cruciale dont la réponse est attendue de tout guinéen.
  • L’opposition républicaine ira-t-elle à la parodie électorale d’octobre 2020?
  • Sera-t-elle conséquente en respectant sa parole de ne jamais concourir avec Alpha Condé sur la base de sa constitution du 22 mars 2020?
  • Ou bien se laissera-t-elle berner au dernier moment en participant à une élection dans laquelle elle ne fera que légitimer monsieur Alpha Condé, son assemblée, sa constitution et son troisième mandat?
  •  Qu’entend-elle faire enfin pour sortir la Guinée de la situation actuelle qui compromet tout un peuple qui la regarde et compte depuis bien d’années sur elle?

Ces questions et bien d’autres méritent des réponses pour préparer le combat futur.  Celui que tout guinéen espère être le combat final. En tout cas, le  19 octobre 2020, il sera trop tard.  Le glas aura sonné non pas contre celui qui a été combattu une décennie durant mais contre une opposition qui, malgré sa lutte n’aura pu mener les Guinéens à la victoire.

Ces questions ont été suscitées par les  réactions des responsables des partis politiques. Lesquelles, comme souligné plus haut,  sont quasiment similaires par leur manque de substance et de prise de position claire, tranchante et responsable.

 Toutes les réactions évoquées donnent l’impression que l’opposition navigue à vue, tangue de toutes parts et ne parvient pas à tenir le gouvernail pour atteindre le rivage. Bref, tout semble indiquer qu’il n’ y a plus un seul capitaine pour tenir la dragée haute à  un pouvoir arrogant, autocratique et borné dans ses ambitions et ses lubies  de tout puissance.

Les échanges avec des compatriotes qui se sentent déboussolés et presque désespérés de l’opposition qu’ils ont toujours soutenus ont également été pris en compte dans la rédactionde cet article. Ils affirment majoritairement : « il est grand temps que l’opposition  guinéenne et le FNDC donnent du concret peuple ».

Le soutien de la communauté internationale, qui se dessine en faveur de la Guinée pour mettre fin à la violation de la constitution et à la présidence à vie,  n’aboutira en rien s’il n’y a pas plus de courage,  de constance et de détermination de la part des responsables politiques de l’opposition actuelle. Ce n’est pas nier ce qui a été fait que de rappeler cela. C’est juste dire que la moisson escomptée dans la lutte des dix dernières années n’est pas encore au rendez-vous.

 Aux responsables politiques de l’opposition  de faire en sorte que le glas sonne contre l’adversaire qui avait promis de les achever par l’usure avant qu’il ne quitte le pouvoir.

Les Guinéens attendent et observent à la limite de la patience de tout peuple qui commence à se lasse tant du pouvoir que de l’opposition. 

Il faudrait vite faire avant que cela ne soit, car la réaction d’un peuple lassé de tout est dramatique pour tout politique qu’il soit  en exercice ou de l’opposition.


Lamarana Petty Diallo
Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




De la survie de l’opposition et du FNDC face enjeux futurs [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Point de vue


Si l’opposition peut être perçue comme une entité horizontale, le front national pour la défense de la constitution (FNDC) est plutôt une organisation transversale par sa nature. Il est une coalition de mouvements, de partis politiques de plusieurs obédiences et aux parcours variés.

Face aux défis et enjeux à court et long terme, une réflexion excluant toute polémique tant sur la survie du FNDC que sur l’appartenance au mouvement est presque cruciale. L’actualité immédiate l’impose d’autant plus. 

De la marche du 8 juillet à la nécessité d’une approche contextuelle et programmatique du futur

La marche projetée le 8 juillet 2020 devrait, plus que les précédentes, prendre en compte le contexte actuel qui risque de devenir plus aigu dans les mois à venir.

Avant tout, une réflexion s’impose sur le mot d’ordre de la manifestation à venir. La récurrence d’appels : « Pour faire partir Alpha Condé » apparait de moins en moins crédible. Tout simplement, de marche en marche, d’appel en appel, c’est le même mot d’ordre qu’on voit partout : sur les banderoles, les poteaux, les véhicules, les arbres, carrefours et ronds-points. Sans compter la nuance entre « pour faire partir » et « faire partir ». Autrement dit, la nuance entre l’intention et de l’action.

Quoi qu’il en soit Alpha est toujours là. Comme un termite, il bâtit sa termitière. J’allais dire, prépare son troisième mandat. Il faudrait donc être plus pragmatique en adaptant la stratégie et la finalité. En prenant en compte le nouveau contexte politique né au lendemain du 22 mars 2020.


Lire aussi Donner la solution au-delà de l’espoir [Lettre ouverte aux personnalités politiques de l’opposition guinéenne – Par L. Petty Diallo]


Les arguments qui militent en faveur de cette approche ne manquent pas.

La constitution de 2010 a été mise dans les tiroirs. Pire, enterré au dire du pouvoir. Le référendum du 22 mars 2020 voté et promulgué dans les conditions bien connues. Du coup, la donne a changé tant de forme que de nature. Désormais, il s’agit plus de sauver la République et la Nation dépositaires des institutions et des lois.

A ces impératifs, s’ajoutent d’autres qui montrent que le FNDC ne saurait faire l’économie d’une autodiscipline en fixant clairement les limites à ne pas dépasser par les acteurs politiques qui s’en revendiquent. 

Il est aberrant qu’il y ait des guerres intestines, des dénonciations, des calomnies parfois, des contestations notoires, des initiatives individuelles au sein de l’organisation. Elles rappellent à bien des égards des pratiques politiques auxquelles le mouvement devrait être exempté. De tels comportements font dire aux mauvaises langues, que la FNDC est en voie de se transformer en « front national de la division et de la confusion ».

L’intention de certains responsables de partis politiques de participer à une hypothétique élection sont comparables aux fidélités politiques des amis du chef de file de l’opposition d’alors. Glorieusement plébiscités, sans appartenance à l’UFDG, ni mérite, ces derniers se beurrent et s’engraissent actuellement où l’on sait. Leur cible à abattre étant désormais leur promoteur.

La nécessité d’un choix excluant toute réponse alambiquée

Face au nouveau tour de magie qui est tendu aux ténors de l’opposition et du FNDC, plus aucune hésitation ni compromis n’est possible.

Les adhérents, militants et sympathisants attendent de vous une position claire, une attitude ferme et un comportement digne des espoirs jusque-là placés en vous. Le rejet de la date du 18 octobre 2020 pour la présidentielle doit être conséquent et vos décisions non négociables. Dorénavant vous devriez penser et œuvrer pour une troisième voie et non contre un troisième mandat en soi.

Pourquoi une troisième voie ? Deux premières ont été épuisées : celle des manifestations et du dialogue incluant les organisations internationales. La nouvelle voie a déjà été évoquée par certains sous la terminologie de « Transition politique ». Elle pourrait être le dernier gilet qui puisse sauver la Guinée à court et long terme. Peu importe son appellation.

Cette troisième voie ne devrait revêtir ni l’image des alliances du passé ni en prendre les contours. Tout autant, elle ne devrait se fonder sur un conglomérat de partis d’opposition, aux décisions fluctuantes et qui, on l’a vu, se révèleront au fil du temps en partis de position.

Des exigences s’imposent face aux enjeux

Le FNDC doit faire faire peau neuve. Il devrait taire les divisions tant de l’intérieur qu’à l’étranger où certaines antennes, si elles ne sont pas comateuses, sont dans la contestation. Au cas contraire, il risque fort bien de se révéler ingérable, caduc et inopérant face aux enjeux actuel et futur.

Il faudrait donc une rupture conséquente ; des réformes adéquates ; une fermeté de ton et d’action dans les prises de position face à l’adversaire. C’est l’une des manières d’éviter que les arbitrages du futur n’échappent au peuple ou à l’opposition.

Il est connu de tous, que ceux qui veulent être les maitres du jeu se préparent en douceur. Ils sont déjà à pied d’œuvre pour le troisième mandat et se posent peu de questions. Ils sont persuadés que tout passe par une élection qui octroierait une nouvelle mandature au président actuel avant de mettre en branle la machine de succession. Inexorablement, dirions-nous.

Il est donc grand temps que l’opposition ait une conscience aiguë des défis et enjeux en acceptant cette terrible réalité : s’il y avait, dans les conditions actuelles, une élection, rien ni personne ne pourrait empêcher la victoire du futur candidat de la majorité. La question n’est pas savoir s’il s’agit d’un postulant pour un troisième mandat ou pas.

Enfin, la stratégie de l’adversaire découle, faut-il le savoir, des leçons tirées de la fin politique tant de Sékou Touré que de Lansana Conté et des lendemains désenchanteurs de l’entourage ou des héritiers. L’alerte lancée, n’allons pas loin.

Des préconisations face au jugement de l’histoire

Si l’opposition guinéenne négligeait les préconisations évoquées, il ne serait pas étonnant que bien de choses changent en sa défaveur.

Sûrement certains pourraient considérer ces préconisations comme des lubies d’un analyste perturbateur de sommeil ou d’un lanceur d’alerte agité. Quoi qu’il en soit, les responsables politiques ont un devoir à assumer face à l’histoire, à leurs militants et sympathisants, à toutes celles et ceux qui ont tant sacrifié et tant perdu.

Ils devraient assumer afin de :

  • mettre fin aux injustices de toutes sortes : arrestations et emprisonnements arbitraires ; destructions de biens privés ; inégalités socio- professionnelles ; meurtres et assassinats de toutes sortes ; corruption généralisée et gabegie économique ;
  • soustraire la Guinée des aventuriers politiques qui nous mène dans les méandres de l’inconnu ; les affres de la division, de la misère et de la discrimination ethnique, etc ;
  • rendre plus utiles et constructives les dix années de manifestations qui ont, à ce jour, plus conduit au cimetière qu’à la victoire ;
  • venir à bout d’un système qui a perdu tout repère et légitimité en violant les textes fondateurs de la République ;
  • répondre en fin aux mille et une attente d’un peuple qui a souvent été berné, trahi et délaissé par ses représentants.

Pour relever ces différents défis, il faudrait que vous taisiez les divisions dues à des alliances de façade et de concupiscences politiques de mauvais alois ; aux embrassades diurnes qui cachent des coups de pattes la nuit tombée.

Vous devez tout simplement assumer la Guinée. C’est- à- dire la délivrer du système en place ; des relents ethnocentriques d’un pouvoir presque séculaire aux mains d’une poignée d’héritiers, de clans et de gangs politico-affairistes.

Si vous en êtes incapables, la présidentielle d’octobre 2020 risque de sonner tant le glas du pouvoir actuel que le vôtre. Au pire, ce dernier vous survivra. N’est-ce pas que des voix sourdent d’un peu partout qui n’en peuvent plus d’attendre et qui revendiquent la victoire maintenant et pas après ?

En définitive, les responsables politiques de l’opposition, FNDC compris, ont l’impérieuse obligation morale et politique d’empêcher un président de 82 ans de continuer d’envoyer, à ses dépens, ou sous ses ordres, peu importe, des jeunes de 22 à 32 ans, (moyenne d’âge des victimes) au cimetière.

Vous devez vous remettre des faiblesses inhérentes à toute organisation sociale ou politique en palliant aux incohérences internes.  Ainsi, la Guinée parviendrait-elle à sortir de l’impasse actuelle.

Dans ce cas, et dans ce cas seulement, vous, responsables politiques actuels de l’opposition, aurez assumé la Guinée.

Telle est l’attente, une lancinante attente, de la majorité de nos concitoyens.


Par M. Lamarana Petty Diallo – Guinéen – Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France