Souveraineté ! Mais et la responsabilité de protéger ? [Par Fodé Baldé]


TRIBUNE. Toutes les dictatures ont le même refrain : elles chantent et brandissent avec arrogance le principe de la souveraineté quand elle réalise avoir commis l’irréparable. Ainsi, elles tentent d’éveiller les sentiments nationalistes pour empêcher tout interventionnisme. 

Cette stratégie est connue et, a, pendant longtemps, fait échouer des missions de paix dans le monde. Voilà pourquoi en 2005 le principe de « la responsabilité de protéger » [lien, ndlr] a été entériné par la Commission Internationale de l’intervention et de la souveraineté des États de l’Organisation des Nations Unies. Alors désormais le devoir d’ingérence est consacré quand il y’a de graves violations des droits de l’homme dans un pays. Mieux quand l’Etat est producteur de violence contre ses populations, il y’a nécessité d’apporter protection à ses dernières. 

Aujourd’hui la Guinée se trouve dans ce schéma : où les populations n’ont pas de protecteurs car les forces de sécurité et de défense, censées les protéger, les répriment. Les jeunes sont assassinés, leurs dépouilles refusées dans les morgues du pays, d’autres sont kidnappés puis mis en prison sans procès, les uns sont blessés avec des handicaps à vie, les cortèges funèbres sont attaqués de la mosquée au cimetière : la société guinéenne se déshumanise. La dictature sévit juste pour se pérenniser. 

Face à ce
dont les populations guinéennes sont victimes et à un moment où le pouvoir de
Conakry brandit avec fierté la souveraineté de notre pays : il faut lui
rappeler que cette souveraineté s’exerce conformément à la constitution. Étant
donné que toutes les lois sont violées, les institutions assujetties, les
populations martyrisées, tous les espoirs sont désormais tournés vers la
communauté internationale. À elle, d’amener les populations à lui réaffirmer sa
confiance car, à cette allure, elles se sentent abandonnées et trahies pour
avoir cru et défendu des valeurs universellement partagées telles que la
démocratie, l’alternance.

En
conclusion, aucun principe de souveraineté ne peut empêcher l’International
d’agir et ce, au nom du principe onusien : « la responsabilité de protéger »,
pour protéger des vies. Et le cas échéant, elle aura ces morts sur sa
conscience ! Dans tous les cas, l’histoire de notre communauté de destin
s’écrit et continuera de s’écrire avec chacun sa responsabilité ! A chacun
d’agir ou de trahir la mission qui lui est dévolue.


Fodé BALDE
Homme Politique Guinéen LA GUINÉE D’ABORD




« Les guinéens doivent chercher rapidement les voies et moyens de sortir de cette crise » [Mohamed Ibn Chambas]


SCAN TV [le choix de la rédaction]


Mohamed Ibn Chambas, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Afrique de l’Ouest et au Sahel rencontre les responsables du FNDC

Extrait de Espace TV
Guinée
 : JT 20H (lundi 27/01/2020)

Retrouvez l’intégralité du JT ici






Manifestations en Guinée: la situation inquiète Human Rights Watch





[NDLR]

Interrogé ce mercredi 15 janvier 2019 à l’assemblée nationale par Bruno Fuhs, député de la 6e circonscription du Haut-Rhin, Jean-Yves Le Drian le chef de la diplomatie française s’est prononcé sur la situation politique en Guinée.

Extraits choisis par notre rédaction

Questions de Bruno Fuhs

Réponse de Jean-Yves Le Drian





Répression des manifestations en Guinée: les titres de la presse internationale


Répression des manifestations contre le projet de nouvelle Constitution en Guinée : la presse internationale en parle


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VOA


SAUDI GAZETTE


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LE POINT


LE FIGARO


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LE MONDE


SENEGO


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RT FRANCE


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OKAY AFRICA





Deux phrases pour éviter le chaos [Par Lamarana Petty Diallo]


Depuis un certain temps, la situation socio-politique guinéenne est des plus préoccupantes car elle met en danger la paix sociale. Elle menace les fondements de la nation, la sécurité des citoyens, le vivre- ensemble souvent mis à mal par les systèmes politiques successifs.

A
nouveau, notre peuple est face à de grands défis et enjeux à relever pour de
nouvelles perspectives d’avenir. Il a su les relever par le passé en empruntant
la voie de l’indépendance en 1958 et de la démocratie dans les années 90.

Le
chemin à emprunter pour les atteindre serait des plus aisés si ce n’est
l’obstination d’un système, d’hommes et de femmes qui semblent être sourds aux
bruits alentours, aux voix de l’histoire et à la toute-puissance de la force du
verbe : c’est-à-dire le dialogue.

Ces
tares ont leur corollaire en mode de mauvaise gouvernance : corruption,
gabegie, laisser-aller, immoralité intellectuelle et professionnelle. Des
méthodes et pratiques de gouvernance qui semblent avoir fait leur temps car un
nouveau soleil pointe à l’horizon et commence à illuminer la Guinée.

Le mur de la peur est
tombé

Les
Guinéens ont très longtemps subi la mal-gouvernance et ses conséquences sur
l’épanouissement de la nation et la consolidation des valeurs démocratiques.

Au
fil du temps, ils ont eu l’intime conviction que les systèmes passent et les
pratiques restent. De déceptions à soubresauts, ils sont désormais en phase de
passer de la frustration à la revendication et à la révolte.  Si ce n’est à la révolution sociale tout
simplement.

Les
mouvements de contestation, sources d’inspiration du changement qui pointe en
Guinée font lésion : les printemps arabes (2010-2011) ; « La
tempête de Ouaga » (c’est de moi) ou la deuxième révolution burkinabé, qui
mit fin en 3 jours au pouvoir de Blaise Compaoré. Encore plus frais et en
cours, la « Révolution du Sourire » ou le printemps algérien (février
2019- novembre 2019).

Autant dire que la situation actuelle que connait la Guinée ne tombe pas du ciel. Le pouvoir aurait mieux fait de comprendre que le peuple ne peut plus se murer dans la peur, le silence complice et la subordination coupable. Ainsi mettrait-il fin à sa surdité, son indifférence, son arrogante et son cynisme en apportant la réponse aux maux qui rongent le pays.

Mais
les attitudes et propos de certains caciques du système qui banalisent la mort
des citoyens montrent que nous en sommes loin. Leur raisonnement belliqueux est
le corollaire des répressions macabres des forces de l’ordre qu’ils justifient
dans ces termes : « Si une manifestation est violente, l’État a
aussi le devoir régalien de maintenir l’ordre public ». On ne peut mieux
se montrer complice des actes criminels qui ont coûté la vie à plus d’une centaine
de citoyens.  

Ces derniers jours, ce sont les chantages et les discrédits qui ont fait surface. Des personnes, de la même trempe que la précédente, qualifient l’opposition républicaine et le FNDC de djihadistes.  Oublient-elles que nul ne les écoute plus tant elles n’inspirent pas confiance. 

Loin
de comprendre que le sens de l’histoire a pris une autre tournure, de telles
personnes se confortent dans le déni de l’imminence d’un changement de mode de
gouvernance.

La Guinée attend son printemps

Depuis 1958, la Guinée a fait de grands pas en avant. Certes, elle a été freinée dans sa marche par les maux évoqués plus haut. Cependant, nul ne peut nier la vaillance de notre peuple dans son combat pour la démocratie et l’Etat de droit.

 Un peuple qui a envoyé le Parti Démocratique de Guinée (PDG) au musée et conduit le Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) à la morgue. L’obstination dont font preuve certains idéologues du RPG risque d’avoir les mêmes conséquences.

En
tout état cause, l’évolution ne saurait s’interrompre. Les systèmes politiques
guinéens n’ayant su s’adapter ni aux marqueurs historiques, démographiques, politiques,
sociaux ni aux nouvelles aspirations des jeunes générations doivent céder la
place.

Le
chômage des jeunes est galopant. L’école et le système scolaire sont délaissés.
Les perspectives d’avenir sont bouchées alors que l’exode interurbain (ou rural)
est des plus élevé.

Les
jeunes guinéens empruntent les routes de la mort plus que quiconque. Leur
nombre est effarant en Europe : il dépasse de loin ceux des pays
en guerre du proche et moyen orient ou d’ailleurs. A contrario, la population
guinéenne est parmi les plus jeunes.

L’opportunité
de changement découle de cette réalité. Si les tentatives ont échoué par le
passé, elles ne montrent pas moins que les Guinéens connaissent le chemin de la
démocratie. Qu’ils ont été des artisans de la lutte contre les pouvoirs
oppressifs coloniaux et post-indépendances.

Si
le FNDC n’est pas directement lié à cette généalogie historique et
politique de
combat pour la défense des droits et devoirs, il n’en est pas moins un
élément du chaînon. Il est une nouvelle étape de la lutte pour
l’émancipation. En tant que
tel, il peut être exposé aux risques d’échec. Je ne reviendrai pas
là-dessus
(voir mon article : « Troisième mandat, la messe serait-elle dite » ?
in Le Populaire, n°698, 23/12/2019).

Si
ce n’est pas la première fois que nous vivons une coalition entre force
politique, civile et/ou syndicale, les revendications actuelles semblent annoncer
la fin d’un cycle. En effet, depuis
les premières mobilisations d’octobre 2019, les Guinéens bravent la pluie, la poussière,
la faim, la soif et les misères quotidiennes en quête de la réponse à la
question qu’ils se posent : le président Alpha Condé veut-il un troisième
mandat ? L’annonce du 31 décembre a levé un coin du voile. Depuis, la
liste de morts ne fait que s’alourdir. Pourtant, à défaut d’être évité, on peut
y mettre fin.

Deux
phrases, deux simples phrases peuvent suffire

Monsieur
Alpha Condé peut éviter le pire à la Guinée s’il est resté celui qu’il était dans les années 70. Celui qui
faisait le tour des universités françaises pour convaincre les étudiants
africains de lutter contre les pouvoirs à vie et les dictatures. 

S’il
est resté le même homme qui combattit pour le panafricanisme, il donnera
l’exemple aux générations africaines, actuelles et futures.

Mais, bon nombre d’analystes pensent que l’homme n’a pas seulement changé. Il s’est métamorphosé, estiment-ils. Au cas contraire, il n’aurait jamais tenté d’imposer une nouvelle constitution, premier pas vers un troisième mandat, aux Guinéens.

Ceux
qui ont connu M. Alpha Condé sont persuadés que le président guinéen a changé de
cap et de vision en se lançant dans une perspective qui pourrait faire basculer
son pays dans un conflit aux conséquences imprévisibles. En dépit de tout, ils
sont encore nombreux à croire qu’il peut encore rattraper la balle au bond.

Pour
cela, il a une seule chose à faire. Un seul acte qui effacerait tous les
ratages, toutes les déceptions et lui donnerait l’image de l’homme auquel
il s’est toujours identifié en se qualifiant « le Mandela de la Guinée ».

Dès lors, il rentrerait dans l’histoire au
sens noble du terme. Il ouvrirait une nouvelle page de l’histoire guinéenne et
au-delà dans laquelle s’identifieront ses contemporains et les générations
futures. Il n’a qu’un pas à franchir avec des mots simples et salvateurs :

« Je
renonce au changement de constitution ».

« Je
ne suis pas candidat à un troisième mandat ».

Ces
deux phrases vaudront toutes les phrases célèbres de l’histoire. Les Guinéens échapperont
alors à la dimension dramatique qui se joue
actuellement pour lui donner une tournure humaine et fraternelle. Ainsi, notre
pays aurait pallié au pire.

Tendons
les oreilles d’ici-là pour accueillir l’Aube nouvelle.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France




L’ambassadeur des Etats-Unis exhorte « les services de sécurité guinéens à se conduire à tout moment de manière professionnelle »

Dans un communiqué publié sur le site internet de l’ambassade des Etats-Unis en Guinée, l’ambassadeur Henshaw appelle toutes les parties au dialogue pacifique après l’enregistrement de nouvelles victimes tuées par armes à feu à Conakry le 9 janvier 2020 en marge de la grève des enseignants.


En ma qualité d’Ambassadeur des Etats-Unis en Guinée, je voudrais
adresser mes condoléances aux familles des victimes tuées par armes à
feu à Conakry le 9 janvier. Selon les comptes-rendus des médias, ces
victimes étaient des spectateurs qui se trouvaient dans les environs des
manifestations.

Nous exhortons les services de sécurité guinéens à se conduire à tout
moment de manière professionnelle, et en appelons à des enquêtes
approfondies pour ces cas de mort. Nous exhortons tous les manifestants à
exercer leur droit de rassemblement pacifiquement.

Ces pertes en vies humaines démontrent encore une fois l’importance
de la résolution des différends par le dialogue et la non-violence.

La Guinée a accompli de grands progrès sur le chemin de la démocratie, aussi, sommes-nous impatients d’œuvrer avec tous les guinéens afin de renforcer ces progrès.





SCAN: «La résistance à l’oppression est un droit constitutionnel, la résistance à la dictature est un droit constitutionnel [ ]» Cellou Dalein Diallo


SCAN POLITIQUE [archiver des paroles et des écrits]


Abdourahmane Sano, coordinateur national du Front national pour la défense de
la constitution (FNDC) (à l’occasion de la marche dite de l’ultimatum du 6
janvier 2020)

« Alpha Condé n’est pas seul. Il est avec le président de la
cour constitutionnelle qui s’est rendu complice de sa démarche. Il doit
démissionner. Kory Kondiano, dont le mandat est terminé depuis le 14 janvier
2019, doit démissionner. Ces trois personnalités doivent désormais être dans la
ligne de mire de notre combat pour les libérer des bandits qui les prennent en
otage pour continuer à piller notre économie. »

La source ici


Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (à l’occasion de la marche dite de l’ultimatum du 6 janvier 2020)

« La résistance à l’oppression est un droit
constitutionnel, la résistance à la dictature est un droit constitutionnel, il
faut qu’on se mobilise à partir du 13 janvier pour demander le départ d’un
président qui a perdu toute la légitimité parce qu’il a violé la constitution. »

La source ici


Faya Millimouno, président du Bloc Libéral (à l’occasion de la marche dite de l’ultimatum du 6 janvier 2020)

« Nous sommes confiants quant à la possibilité du
peuple de Guinée de se faire entendre. Il n’y aura plus jamais de 3e
mandat dans ce pays. Ça, c’est terminé »

La source ici

« Il n’y aura pas de référendum dans ce pays pour une
nouvelle Constitution. Nous avons également dit qu’il n’y aura pas une élection
bâclée dans ce pays qui pourrait conduire à la violence. C’est pour cette
raison qu’aucun parti majeur de l’opposition n’a déposé de dossier pour ces
élections programmées et nous ne reculerons pas. »

La source ici


Sidya Touré, président de l’UFR (à l’occasion de l’assemblée générale hebdomadaire de son parti le 4 janvier 2020)

« Les Guinéens ont trop souffert. Je l’ai dit dans mon
adresse à la nation. 2019 a été une année de perdu pour les Guinéens. [  ] En 2009, quand l’armée avait voulu
confisquer le pouvoir, nous nous sommes tous levés pour faire en sorte que le
pouvoir soit rendu au peuple. Nous poursuivons le même combat. Le pouvoir doit
revenir au peuple conformément à la constitution. »

La source ici

« Nous sommes en 2020, c’est la refondation de l’Etat.
Nous sommes dans un état néant, il n’y a rien, c’est une seule personne qui
fait tout. [  ] Nous sommes tombés trop
bas, notre pays est complément foutu »

La source ici


Sékou koundouno, responsable à la planification du FNDC (à l’occasion de la marche dite de l’ultimatum du 6 janvier 2020)

« On ne peut
pas laisser un groupe de gangsters faire de cette Guinée ce qu’ils veulent dans
l’illégalité totale. Le référendum se passera sur nos cadavres, car il n’y en
aura pas et nous empêcherons la tenue de n’importe quelle élection truquée »

La source ici





Ne laissons pas Alpha Condé brûler la Guinée [Par Tierno Monénembo]


Avec la divulgation de la Constitution-bidon que ses sordides officines viennent de lui concocter, Alpha Condé nous prouve que rien ne le fera reculer: ni la force du peuple, ni le regard réprobateur de la communauté internationale.

Il lui aurait fallu pour cela un minimum de pudeur, qualité qu’il n’a assurément pas. Il tient à son troisième (voire son quatrième ou cinquième) mandat.  Et il l’aura, quitte à cracher sur la morale et le droit et à brûler le pays. Quand, à la faveur du hasard, des crève- la- faim comme lui parviennent au pouvoir, ils ne le quittent plus. Ils oublient tout : leur passé, leurs amis, leurs idéaux et leurs serments. Plus rien ne compte, que la folie du pouvoir et le goût effréné pour le diamant et l’or, les palaces de luxe et les gros bolides.  Quitte à tout perdre : leur vie, leur âme, leur honneur et leur patrie !

N’est-ce pas Bokassa, n’est-ce pas Mobutu, n’est-ce pas Compaoré, n’est-ce
pas Dos Santos ?

Il reste que le Rubicon est franchi, qu’il n’y a plus de point-de non-
retour. Plus besoin de questions ou de tergiversations. Les choses sont claires
dorénavant : le problème n’est plus Alpha Condé. Le problème, c’est nous !
Nous, Guinéens ! Allons-nous laisser ce fou brûler ce pays comme par notre
fatalisme et notre lâcheté collective, nous avons laissé faire tour à tour,
Sékou Touré et Lansana Conté, Dadis Camara et Sékouba Konaté ?

A qui appartient la Guinée ? A Alpha Condé, à son père, à sa mère, aux miliciens du RPG ? Non, la Guinée appartient au peuple de Guinée, je veux dire à tous ses citoyens sans aucune exception. Et quand elle est en danger, qui doit la défendre ? Le peuple, tout le peuple, c’est-à-dire tous les citoyens. Je ne vais pas vous faire un dessin, mes chers compatriotes, je ne vais passer par quatre chemins, je ne vais même pas m’encombrer de précautions littéraires : LE PAYS EST EN DANGER DE MORT !

Une mort voulue, que dis-je, une mort passionnément désirée, une mort
minutieusement programmée par Alpha Condé et par ses sataniques collaborateurs.
Cet homme sait exactement ce qu’il fait et il le fait exprès.  C’est pour
cela que nous devons l’arrêter tout suite avant qu’il ne soit trop tard. 
Cet homme se fout de notre gueule. Il ne fait que ça depuis que la mafia
françafricaine l’a hissé au sommet de notre Etat en dépit de tous les principes
démocratiques et moraux.

Il a refusé de déclarer ses biens durant tout son premier mandat alors la Constitution l’y oblige. Il continue de présider les réunions du RPG alors que la Constitution le lui interdit formellement. Il a refusé de mettre en place la Haute Cour de Justice alors que la Constitution l’y oblige. Ce qui fait que dans l’état actuel des choses, aucun membre du gouvernement ne peut être traduit en justice. Tant de laxisme de notre part ne pouvait nous conduire que là où nous sommes aujourd’hui : dans le vide juridique et dans la pagaille institutionnelle.

Ressaisissons-nous Guinéens ! Attention, le monde entier nous regarde ! Nous avons tout notre honneur à sauver. Notre comportement depuis 1958 manque cruellement de courage et de dignité. Le glorieux peuple du 28 Septembre a dégénéré en une populace de mollassons taillable et corvéable à merci. N’importe quel crétin venu au pouvoir se croit tout permis parce que nous avons appris à tout subir sans gémir, sans pleurer, sans prier. Non pas avec le splendide stoïcisme du loup de Vrigny mais avec la consternante passivité des éponges et des limaces.

Encore une fois, réveillons-nous, Guinéens ! Faisons au moins aussi bien que nos frères du Burkina Faso quand ils ont fait fuir le sinistre Compaoré en 2014 ! Refusons cette imposture, disons non à Alpha Condé, quitte à tomber sous les balles de ses sbires !

C’est le moment ou jamais de prouver que nous sommes toujours les fiers
descendants des grands guerriers qui ont fondé ce pays.

Tierno Monénembo, in Le Lynx


Cet article est republié à partir de visionguinee.info. Lire l’original ici





Putsch constitutionnel: le peuple n’a pas dit son dernier mot! [Par Hadiatoullaye DIALLO]


Plus
personne ne doute désormais de l’intention du Président de la République de
Guinée de rester à vie au pouvoir. Chaque citoyenne et chaque citoyen de notre
pays, y compris, les partisans du régime en place, savent aujourd’hui que le
projet de Nouvelle Constitution est une supercherie, qu’il n’a pas pour objet
de contribuer à une quelconque amélioration du système de gouvernance mais
plutôt le maintien illégal au pouvoir du Président et de l’élite corrompue et
servile qui l’entoure et ce, quel que soit le prix humain à payer par des
populations déjà meurtries par l’analphabétisme, le chômage endémique, la
pauvreté généralisée et les problèmes de santé.

Mais, alors, me direz-vous, pourquoi
chacune et chacun de nous croient inconsciemment ou non que le référendum
scélérat aura lieu et que le Président actuel arrivera à ses fins?

Parce
que, au fond, tout le monde est épuisé, épuisé par la rhétorique politique
permanente et les mensonges quotidiens qui nous sont servis depuis bientôt dix
ans; épuisé par l’absence de pause depuis plus de
soixante et un ans dans le matraquage psychologique et les répressions
mortelles de toute velléité de contestation du Pouvoir; épuisé par le sentiment
que le combat entre les politiciens ne repose que sur le besoin d’accéder au
pouvoir pour partager le gâteau des deniers publics sur le dos de l’écrasante
majorité des citoyens ; épuisé par l’absence d’incarnation du véritable
patriotisme par un parti politique ou par une personne providentielle; épuisé
par la confiscation des droits; épuisé par la corruption structurelle; épuisé
par ce sentiment diffus qu’il n’y a pas d’espoir
et qu’il faut s’en remettre à «Dieu»; épuisé par les politiques du fait
accompli et du court terme pour parer au plus pressé, illustration d’un manque
criard de Vision; épuisé par l’acharnement du Pouvoir en place à diviser les
Guinéens pour régner et pour mieux se servir ; épuisé par le manque de
perspective pour les jeunes; épuisé par la saleté; épuisé par les mauvaises
conditions de transport; épuisé par les coupures ou l’absence d’électricité;
épuisé par le manque d’eau; épuisé par le manque de travail; épuisé par la
perte des valeurs et principes; épuisé par…l’épuisement!

Faut-il pour autant renoncer à lutter
contre cette injustice flagrante et l’insulte faite au Peuple de Guinée ?

La
réponse est sans ambiguïté, Non! Pourquoi ? Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement le fait que nous sommes devenus un peuple qui ne retient
pas les leçons de notre propre histoire ; Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement le fait que notre pays a vocation à n’être dirigé que
par des élites corrompues qui n’ont besoin de rendre compte à personne ;
Parce qu’en renonçant, nous validerons définitivement le fait qu’un groupuscule d’élites corrompues et
leurs familles ont le droit de disposer d’à peu près tous les droits et tous
les biens de plus de douze millions d’âmes ; Parce qu’en renonçant, nous
validerons définitivement l’ancrage de notre pays dans le sous-développement
moral, culturel, économique, social, environnemental et politique.

Enfin, Que faire?

  1. Opposer
    un refus individuel et collectif au niveau de chaque personne et de chaque
    groupe constitué
  2. Résister par tous les moyens, y compris la
    désobéissance civile, à toute tentative d’imposition d’une nouvelle
    constitution,
  3. Refuser de participer à toute élection tant
    que:
  • Le fichier électoral n’est pas assaini, avec la certification d’un organisme neutre formellement agréé conjointement par les différents acteurs du processus électoral,
  • Le recensement du corps électoral ne s’effectue pas dans un délai jugé raisonnable par toutes les parties prenantes, et sous un contrôle conjoint de tous les acteurs du processus,
  • Le processus des élections locales et communautaires n’est pas entièrement clos conformément à la loi,
  • Le Président persiste dans sa volonté d’officialiser le parjure qui est à la base de cette Nouvelle constitution dont le caractère autocratique et dictatorial n’échappe à personne.

Pour
conclure, tout Citoyen Guinéen qui a peur doit se rappeler ces paroles de
Sénèque dans les Lettres à Lucilius, au milieu du premier siècle après
Jésus-Christ : «Il n’est pas de vent
favorable pour celui qui ne sait où il va”! Le Peuple de Guinée
doit montrer à ces «Dirigeants» qui confisquent leurs droits, qu’il est enfin
mûr et qu’il sait où il veut, où il doit aller.


#Amoulanfé


Par Hadiatoullaye DIALLO Étudiante en Communication à Paris




Appel au FNDC pour une lecture plus audacieuse des enjeux [Par L. Petty Diallo]


Les Guinéens
sont tenus en haleine depuis près d’un an par l’affaire du troisième mandat méticuleusement,
soigneusement et presqu’obsessionnellement montée par le RPG- et le
gouvernement.

Hésitante,
indécise et tatillonne aux premières rumeurs méthodiquement distillées par le
pouvoir, l’opposition guinéenne semblait avoir pris la mesure de l’enjeu : sa
survie ou sa mort politique.

Depuis trois
mois, elle mobilise militants et sympathisants mais aussi tout guinéen opposé à
la modification de la constitution actuelle ou à la mise en place d’une
nouvelle, prélude à un troisième mandat.

Le solde des
mobilisations des mois passés s’élève à 26 morts et des dizaines de
blessées : un nombre qui alourdit le bilan macabre de plus de cent morts
depuis « l’élection d’Alpha Condé » à la présidence.

Dans son
combat contre toutes perspectives de violation de la constitution de mai 2010,
l’opposition et la société civile se sont regroupées en front national de
défense de la constitution (FNDC).

L’engouement
soulevé par cette nouvelle entente n’a pas permis de bien creuser quelques
failles : l’absence des organismes syndicaux et la manière de cooptation
des différentes entités politico-associatives qui constituent le FNDC semblent
le démontrer.

Quand on
voit des jeunes désœuvrés dénoncer le front, accuser les anciens premiers
ministres ou ministres de tous les maux, on comprend aisément qu’il s’agit de
petits opportunistes infiltrés.  Cela conforte l’idée d’absence de
sélection, de contrôle tout au moins, qui aurait justifié ou empêché
l’appartenance au FNDC. Mais les failles et les insuffisances ne se limitent pas
à cet aspect des choses.

L’annonce,
le 19 décembre 2019 d’une nouvelle constitution, la marche vers un troisième
mandat pour M. Alpha Condé, soulève bien de questions sur la solidité et les
limites du FNDC.

En effet, la
réaction du front au lendemain du discours du président guinéen, n’est pas,
pour bon nombre de Guinéens à la hauteur de l’enjeu et ne semble pas répondre
leurs attentes.

La seule
initiative envisagée par l’opposition et le FNDC repose encore sur les
manifestations qui, de surcroit, ne sont pas immédiates. Non seulement, il
faudrait attendre la fin de Pacques et de la Saint Sylvestre (le 31 décembre
2019) mais aucune autre action d’envergure n’est programmée.

Entre temps, la nouvelle constitution est là : elle a pointé son nez
dans un premier temps. Aujourd’hui, elle est dans la maison de tout Guinéen.
Elle risque de diviser les familles, de s’interposer entre les époux, les amis,
les frères et les sœurs, de monter dans les lits et les plafonds. Elle rôde
déjà autour des voisinages avant de les opposer. Espérons juste à couteau tiré
et non en bruit de canon.

Pourtant,
que n’avons-nous entendu : « Si Alpha Condé osait ; le jour
où Alpha Condé dira qu’il est candidat ; le jour où… » Et il est bien
arrivé ce jour. L’éléphant n’a pas accouché d’une souris du côté du pouvoir.

La souris
semble venir du FNDC car les Guinéens s’attendaient à autre chose que :
« vu que ; compte tenu de ceci et cela, en raison de l’approche des
fêtes… ; dès début janvier ; on n’est pas d’accord ; on ne
laissera pas faire ; il n’y aura pas telle ou telle chose tant que telle
ou telle exigence n’est pas satisfaite… ».

Toute une
litanie de menaces qui n’ébranleraient pas un chef de quartier à plus forte
raison un Président de la République. Même si ce n’était la nôtre.

Le temps
n’est plus au discours. Les blablateries ne feront pas partir le président
guinéen, ni les danses, les folklores, les Mamayas en l’honneur de nos leaders.
Pas plus que l’hymne du FNDC. Il faudrait bien autres choses et le FNDC
doit : 

– Montrer clairement
quelle est sa finalité.
Son objectif est bien connu. D’après ce qu’il
dit, c’est : « s’opposer à toute nouvelle constitution ;
empêcher le troisième mandat pour M. Alpha Condé ». Mais la constitution
nouvelle (qui n’apporte de nouveau que les 6 ans à la place des 5 et la fin du
statut de chef de file).

Une finalité n’est pas un objectif : le dernier fixe un but. Le second détermine l’issue, la manière, la méthode, la stratégie d’y parvenir. Si les marches et autres manifestations ont pour objectif ce qui est énoncé plus haut, les Guinéens ont besoin de connaitre qu’elle est la finalité fixée.

-Se poser
les bonnes questions :
tout bon résultat dépendant de la
manière de se questionner, le FNDC doit savoir s’il doit continuer à appeler à
marcher pour continuer de mourir ou s’il doit changer d’optique et de stratégie
politique.

On sait bien
que les marches se sont révélées, jusqu’à présent, improductives, dépensières,
meurtrières. Qu’elles ont apportés plus de morts que de solutions.

Cela
sous-entend qu’il ne sert plus à grand-chose d’aller manifester pour marcher
vers sa tombe. En clair, le FNDC doit appliquer le principe
politique : « à situation nouvelle, orientation et stratégie
nouvelles ».

-Se remettre
en cause : 
toutes les organisations qui composent le FNDC
devraient non seulement faire leur autocritique mais aussi accepter la
critique.

Se
débarrasser de certaines habitudes en cours au sein des partis
traditionnels 
: très souvent les louangeurs occupent le haut du pavé
en Guinée. Leur langue mielleuse, leur vocabulaire laudatif avec tous les
superlatifs inimaginables, leur médiocrité est bien accueillie et prime sur les
réflexions des cadres et intellectuels. Dès lors, la médiocratie instaurée en
système, tout bord politique confondu, plombe l’avenir du pays.

-Se donner
une lecture plus audacieuse des enjeux du pays
. Le premier
enjeu pèse sur le FNDC sur lui-même en tant que porte- flambeau des Guinéens
déçus du pouvoir en place et qui cherchent une alternative. Le tout est de
savoir s’il peut satisfaire cette perspective en évitant la reproduction du
passé.

-Dépasser
les enjeux liés aux simples relations entre partis politiques traditionnels de
certaines habitudes en cours :
dans cette perspective, les
présidents des partis politiques qui concourent à l’accession au pouvoir
devraient avoir un nouvel état d’esprit en dépassant les égos personnels :
être à l’affût tout en se disant, si ce n’est pas moi, ce ne sera pas toi.

-Se révéler
réellement comme une nouvelle structure qui tranche avec les anciennes :
les forces
vives ont combattu pour un idéal bien connu à l’époque. Le combat du FNDC ne
peut s’assimiler à celui-là.

Aujourd’hui, on est face à un pouvoir bien installé qui se fait prévaloir d’être démocratique alors qu’il est viscéralement dictatorial et ethnocentrique. Les armes ne peuvent pas être les mêmes. Tout comme les méthodes. Il faut plus de détermination, d’audace. Surtout de clarté dans la ligne suivie.

-Les
discours et les manifestations récurrentes doivent céder le pas à l’action
immédiate.
Les Guinéens ont entendu toutes sortes de menaces
comme soulignées plus haut. Ils se disent où sont-elles passées ? Des
jours se sont écoulés.

M. Alpha
Condé a lancé le pavé dans la mare. Il s’en est allé papoter tranquillement
avec ses pairs. D’aucuns aussi avides de troisième mandat qu’il ne l’est
tendaient l’oreille. Ils seront désormais plus attentifs et sûrement très
avenants au cas où le triple mandat passe. Surtout s’il était agrémenté à la
guinéenne de 2 fois 6 ans.

-Les partis
politiques membres du FNDC doivent arrêter toute participation à quelque
processus électoral que ce soit.
Il est absurde de vouloir la
fin d’un système et siéger avec lui dans les institutions nationales. Il est
tout autant contradictoire et inconséquent de réclamer des élections,
d’assister impuissant à l’arrêt du processus sans qu’il ne soit achevé et
vouloir y participer pour gagner.

Aucune
élection ne devrait (ne doit tout simplement) avoir lieu dans les conditions
actuelles. Mais ce ne sont pas les déclarations à l’emporte-pièce qui les
empêcheront. Il faut s’en donner les moyens. Tous les moyens.

Si certaines
de ces préconisations n’étaient pas prises en compte, il est fort à craindre
que la messe ne soit dite pour le FNDC, les partis politiques et associations
qui le composent.

Une telle
éventualité est d’autant plus probante que la réaction du FNDC à la déclaration
du président Alpha Condé n’est pas, au risque de me répéter, à la hauteur ni
des enjeux ni des attentes.

Le FNDC
risque fort bien de se dévoyer et de rejoindre la longue lignée des mouvements,
soit mort-nés, soit de feu de paille et sans lendemain qui ont déçu les
guinéens après les avoir tant fait rêver. Pour l’éviter, il doit se montrait plus
conséquent, plus ferme, plus réactif et de la bonne manière.

Il doit prendre la mesure afin de ne pas rater le coach en se
diluant dans des annonces et des marches sans lendemain. En se contentant de
discours et de prévenances face aux actions concrètes du pouvoir.

La FNDC
devrait savoir qu’au-delà du troisième mandat, c’est l’enjeu du pays et de
l’opposition guinéenne, dont il est partie prenante, qui se joue depuis jeudi
19 décembre 2019.

A l’opposition toute entière de faire peau neuve pour survivre et sauver le pays. C’est la seule manière de montrer aux Guinéens qu’ils n’ont pas perdu du temps en se battant à ses côtés.

Enfin, une
chose est sûre : M. Alpha Condé et son système ne perdent pas de temps et
ne s’embarrassent de rien : ni de leur survie ni du devenir du pays.

Mais le peuple de Guinée saura jouer sa partition avec ou sans les uns et les autres.


Par M. Lamarana Petty Diallo , Guinéen- Professeur Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France

NB: Le titre initialement choisi par notre contributeur était Troisième mandat: La messe serait-elle dite ?





Entre colère et révolte, la twittosphère #224 dénonce la nouvelle constitution


Résumé de l’actualité guinéenne sur Twitter


Cliquez sur l’image pour accéder au tweet (page Twitter)

Le problème

Les réactions


Revue de tweets réalisée par Sékou Chérif Diallo





Nouvelle Constitution : Alpha Condé déclare la guerre à la démocratie


« C’est au peuple de choisir », vieille antienne tristement adoptée par l’opposant historique devenu président. En annonçant ce jeudi 19 décembre 2019, de façon solennelle son intention de soumettre son projet de nouvelle constitution, Alpha Condé 81 ans, intègre honteusement l’école de Sassou Nguesso du Congo, Pierre Nkurunziza du Burundi.


Par cet acte, Alpha Condé renie toutes les valeurs démocratiques pour lesquelles il avait donné l’illusion de défendre après plus de quarante années passées dans l’opposition. Après la difficile et tragique transition militaire qui a abouti à l’élection présidentielle de 2010, la Guinée n’avait pas besoin d’une énième crise politique qui fragilise davantage les institutions et met en danger la stabilité du pays.

Au sortir de la présidentielle de 2010, tous les observateurs
affichaient un certain optimisme quant à la capacité de résilience de ce
peuple à œuvrer pour rectifier la trajectoire chaotique de ce pays de
l’Afrique de l’Ouest qui avait toutes les cartes en main au lendemain
des indépendances pour amorcer son développement. Comme le souligne ce
passage repris dans un article de l’agence Reuters :
« Quel qu’il soit, le vainqueur de la présidentielle devra d’abord
apporter la paix, puis l’électricité et l’eau, bâtir des écoles et des
routes, disent des Guinéens lassés des régimes répressifs, du chaos et
de la violence. Rien de tout cela ne semble hors de portée dans un pays
qui tire chaque année plusieurs dizaines de millions de dollars de ses
ressources naturelles, notamment de la bauxite, dont il est le premier
producteur mondial. »

Rien ne justifie cette « nécessité » d’une nouvelle constitution pour
la Guinée. Un an avant la fin de son deuxième et dernier mandat
présidentiel, Alpha Condé engage le pays sur un chemin dangereux où
incertitudes, instabilité et violences bouleverseront la quiétude
sociale. Cette volonté manifeste de confiscation du pouvoir doit être
combattue par toutes les composantes sociales du pays.

Récapitulons : Le 20 avril 2019, Alpha Condé accorde un entretien à des journalistes sénégalais dans lequel il affirme : « S’il
y a modification de la Constitution, il y a troisième mandat. S’il n’y a
pas de modification de la Constitution, il y a mandat ou pas 
» ; le 29 mai 2019, le premier ministre Ibrahima Kassory Fofana affiche officiellement son soutien et celui de son gouvernement à la mise en place d’une nouvelle Constitution; le 4 septembre 2019, Alpha Condé instruit à son premier ministre d’organiser des consultations sur la constitution ; le 22 septembre 2019, en visite à New York, Alpha Condé demande à ses militants
de se préparer pour un référendum ; le 9 octobre 2019, dans une
déclaration à la télévision nationale, le premier ministre annonce la
transmission du rapport sur les consultations au président de la République ; le 14 octobre 2019, première manifestation
du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) contre
l’ambition du président Alpha Condé de briquer un troisième mandat.
Suivront plusieurs autres manifestations qui ont enregistré plusieurs morts.

Aujourd’hui, toutes les institutions nationales sont inféodées à
l’exécutif, les autorités morales sont muettes. Malgré toutes les
alertes de citoyens, mouvements et autres personnalités africaines, les efforts du National Democratic Institute (NDI) et la Fondation Kofi Annan (KAF)
à travers la mission des anciens chefs d’état nigérian et béninois à
Conakry, l’Union Africaine et la CEDEAO observent depuis un certain
temps le pourrissement de la situation en Guinée et se contentent de
publier de communiqués pour condamner les tueries lors des manifestations qui ne sont que les conséquences des manœuvres antidémocratiques d’Alpha Condé.

Face une telle situation, seules les manifestations de rue peuvent
encore sauver la démocratie embryonnaire dans ce pays. Pourquoi les
manifestations ? Parce que c’est une forme de contestation admise,
légale et démocratique. Le FNDC doit intensifier les actions de
mobilisations pour empêcher ce putsch constitutionnel.

Après l’annonce d’Alpha Condé d’hier et les révélations des commissaires de la CENI
sur la gestion unilatérale du processus électoral par le président de
l’institution, le calendrier des législatives n’est plus à l’ordre du
jour et l’opposition politique doit enfin sortir de la diversion de ces
derniers jours où elle s’était embourbée bêtement pour se consacrer
exclusivement à la défense de l’essentiel : la constitution.

Si les promoteurs de cette forfaiture de troisième mandat se sont
inspirés des cas réussis de manipulations des constitutions observées en
Afrique ces dernières années (Sassou Nguesso du Congo en 2015 et Pierre Nkurunziza du Burundi la même année), ils oublient un détail : le traumatisme des peuples
de ces deux pays suite aux guerres civiles qu’ils ont connu est encore
présent et les appréhensions teintées de fatalisme alimentent les
angoisses et la peur de revivre ces épisodes douloureux de leur
histoire. Il faut rappeler que le 5 juin 1997, le Congo basculait dans une  guerre civile.
Un conflit entre les milices de Pascal Lissouba, alors président en
exercice, et celles de son prédécesseur Denis Sassou Nguesso. Et l’histoire du Burundi,
depuis les premières années de son indépendance en 1962, est marquée
par des violences ethniques compliquées par une lutte acharnée pour le
pouvoir.

Ces éléments historiques sont importants pour rappeler aux incultes
apprentis sorciers qui ont imaginé ce projet de troisième mandat pour
Alpha Condé, que les trajectoires politiques des pays obéissent parfois à
des histoires politiques encore plus complexes.

Le cas de la Guinée est plus proche du cas burkinabé car les deux
histoires politiques ont des éléments de similitudes (ces deux pays
n’ont pas connu de conflits ethniques). Au Burkina, Blaise Compaoré, 27
ans au pouvoir avait pensé comme Alpha Condé aujourd’hui qu’il suffisait
d’un simple coup de gomme pour effacer les passages contraignants dans
une constitution. « Il a suffi de trois jours pour que Blaise Compaoré
soit poussé dehors par le peuple. Mais trois jours minutieusement
préparés » comme le révèle une enquête menée par Jeune Afrique.

En créant de toutes pièces cette crise politique aux conséquences
désastreuses pour la Guinée et la sous-région, Alpha Condé sera tenu
responsable de toutes les dérives de son régime et il répondra devant la
justice pour tous les crimes commis en Guinée depuis son accession au pouvoir en 2010.

Par cette décision de confiscation du pouvoir à travers une nouvelle constitution dont le seul objectif est de s’octroyer un troisième mandat, Alpha Condé engage un rapport de force qui sera, certes, difficile et long avec les forces démocratiques du pays, mais il reculera quand la pression sera très forte. Lorsqu’il y a du monde et que les manifestations durent, beaucoup de dirigeants reculent face au pouvoir de la rue, c’est une réalité observée et documentée (Algérie, Soudan, Tunisie, Égypte, Burkina, Sénégal …).


Par Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com




Nicéphore Soglo: “Il ne faut pas attendre qu’il y ait des génocides pour intervenir” en Guinée (Audio)


Évaluer l’environnement politique et électoral à l’approche des élections législatives de février 2020, proposer des recommandations pour renforcer la confiance des citoyens dans le processus et atténuer les risques de violence en république de Guinée. Tel est l’objectif d’une mission d’une semaine organisée par le National Democratic Institute (NDI) en collaboration avec la Fondation Kofi Annan.

La mission qui a pris fin vendredi 13 décembre 2019 était conduite par Nicéphore Soglo, ancien Président du Bénin, et Goodluck Jonathan, ancien Président du Nigéria.

Nicéphore Soglo, ancien président du Bénin, explique les attentes des futures élections en Guinée.

Il répond aux questions de Ferdinand GOGOUA.



Cet article est republié à partir de bbc.com. Lire l’article original





Législatives février 2020 : le vice-président de la CENI dénonce «le fichier électoral guinéen en cours de révision»


Dans une déclaration rendue publique ce lundi 16 décembre 2019, Mamadou Bano Sow, vice-président de la Commission électorale nationale indépendante de la Guinée dénonce « le fichier électoral guinéen en cours de révision », les « insuffisances injustifiées de matériels essentiels pour l’enrôlement », « le fonctionnement de la CENI », et recommande la reprise du « chronogramme des élections législatives ».


Déclaration

Je,
soussigné, Mamadou Bano SOW, Vice-président de la CENI, dénonce le fichier
électoral guinéen en cours de révision. Je formule la recommandation suivante :

Reprendre le
chronogramme des élections législatives pour le décomposer en deux étapes :

  • révision du fichier électoral, audit du fichier électoral révisé, correction des anomalies, évaluation sur le terrain des citoyens laissés pour compte pour leur donner la possibilité de s’enrôler ; certifier le fichier final ;
  • élaborer le chronogramme des élections après la finalisation d’un fichier électoral consensuel.

Je dénonce la révision du fichier en cours. Je suis désarmé face à un système puissant, bien élaboré, qui impliquerait le Président de la CENI, la mouvance et le Pouvoir par l’interférence de l’administration.

Tout est bien orchestré

Un chef
secteur qui « décide » qu’un président de CAERLE ne travaille plus sur SON
territoire. Un chef de quartier qui « décide » de vendre un certificat qui est
pourtant gratuit et qui le délivre de manière discriminatoire. Des membres de
CAERLE emprisonnés au gré de l’autorité locale. Des représentations
diplomatiques qui décident du déploiement des Kits d’enrôlement ou de l’arrêt
du processus d’enrôlement. Des représentations diplomatiques, qui normalement
habituées à remplir les formalités d’usage, qui accusent du retard pour saisir
les autorités des pays hôtes. Des consulats qui créent des difficultés dans la
délivrance des cartes consulaires.

Insuffisance injustifiée de matériels essentiels pour l’enrôlement : formulaires d’inscription, récépissés…; lancement précipité et désordonné des opérations de révision ; introduction de formulaires d’identification qui a semé la confusion, pendant que certains opérateurs de bonne ou de mauvaise foi disent aux électeurs qui disposent d’un formulaire d’identification qu’ils n’ont pas besoin de s’enrôler en contradiction totale avec la recommandation forte de l’audit R1 ; réduction de moitié du nombre d’opérateurs par kit.

Un chef d’orchestre aguerri

A mon
arrivée à la CENI, j’ai fait le jugement suivant. Le président de la CENI est
un homme intelligent, qui a une bonne connaissance de la CENI et une expérience
avérée. Il a une grande capacité de travail. Ce que je ne pouvais pas imaginer
était qu’il était capable de conduire le processus électoral et tous les
acteurs du processus dans la situation préoccupante actuelle. Et le plus grave,
tous les acteurs l’accompagnent ; peut être en se disant qu’ils sont bien
représentés à la CENI.

Je dénonce le fonctionnement de la CENI. A distance, j’ai suivi les péripéties et tractations qu’il y a eu pour changer la loi, les Commissaires de la CENI et les présidents qui se sont succédé. Aujourd’hui de l’intérieur, je comprends mieux ce qui a manqué pour améliorer la situation. Après l’audit du fichier, il devrait s’en suivre l’audit du fonctionnement de la CENI. C’est aujourd’hui encore une nécessité.

Quelques
illustrations. Je suis Vice-président, je ne pense pas être seul dans cette
situation. Je n’ai jamais vu le contrat signé avec Innovatrics, les précédents
contrats non plus, du reste. Malgré toutes les compétences techniques parmi les
17 commissaires actuels, je ne connais pas un seul qui a accès à la base de
données pour dire à la plénière voilà ce qui s’y passe, voilà où nous en
sommes.

En février
dernier, crédule et inexpérimenté que j’étais, voici ce que je suggérai :

  • Que le site central de la CENI soit administré par un service administratif et technique et placé sous l’autorité du département fichier.
  • Que le fichier soit géré au site central et un backup quotidien en mode lecture soit cogéré par des commissaires de la CENI afin d’effectuer le contrôle et suivi de toutes les activités menées au site.
  • Que le Président de la CENI dispose de tous les privilèges pour la gestion de tous les mots de passe.

Aujourd’hui, le site central est placé sous le seul contrôle direct du président. Il n’y a aucune possibilité pour un commissaire, si compétent soit-il en informatique, d’évaluer ou de contrôler les travaux sur le fichier. Seul le président peut demander une information ou donner une instruction à l’opérateur Innovatrics.

Les 16
autres commissaires que nous sommes, sont censés valider le fichier qui en
sortira pour que les acteurs du processus soient en confiance.

Personnellement, pour le moment, je suis au regret de dire que je ne suis pas en mesure de certifier les travaux du fichier en cours.

Conakry, 16 décembre 2019

Elhadj Mamadou Bano SOW





La mission NDI / KAF demande au gouvernement de «clarifier davantage sa position concernant les spéculations sur le cadre constitutionnel du pays» [Déclaration]


DÉCLARATION DE LA MISSION CONJOINTE D’ÉVALUATION NDI/KAF EN GUINÉE 13 décembre 2019


I. Introduction

Du 9 au 13 décembre, le National Democratic Institute (NDI) et la Fondation Kofi Annan (KAF) ont mené une mission d’évaluation préélectorale avant les élections législatives prévues le 16 février 2020. La délégation était composée de S.E.M. Nicéphore Soglo, ancien Président du Bénin, S.E.M. Goodluck Jonathan, ancien Président du Nigéria, l’Ambassadeur Medina Wesseh, Secrétaire générale de l’Union du fleuve Mano, Dr Christopher Fomunyoh, Directeur Afrique au NDI, M. Sébastien F.W. Brack, Chef du programme Élections et Démocratie à la Fondation Kofi Annan, Dr. Sophia Moestrup, Directrice adjointe pour l’Afrique centrale et occidentale au NDI, et M. Paul Komivi Sémeko Amegakpo, Directeur résident du NDI en Guinée.

Les objectifs de la délégation
étaient les suivants :

  • Manifester le soutien international à la démocratie et au processus électoral en Guinée ;
  • Évaluer l’environnement politique et électoral à l’approche des élections législatives de 2020 ;
  • Évaluer les préparatifs électoraux et proposer des recommandations pour renforcer la confiance des citoyens dans le processus et atténuer les risques de violence.

La délégation a rencontré le Président de la République, S.E.M. Alpha Condé, le Président de l’Assemblée nationale, Honorable Claude Kory Kondiano, et d’autres dirigeants de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre M. Ibrahima Kassory Fofana, le Président Me Salif Kébé et les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), des responsables des partis politiques de la majorité et de l’opposition, des responsables d’organisations de la société civile, des représentants des médias, le Groupe national de contact (GNC), l’Imam de la Grande Mosquée de Conakry et le Conseiller Spécial de l’Archevêque de Conakry, ainsi que des représentants de la communauté diplomatique et des partenaires internationaux basés à Conakry. La délégation exprime sa profonde gratitude à toutes les personnes rencontrées d’avoir reçu la mission et d’avoir librement partagé leurs points de vue sur le contexte politique et le processus électoral.

La délégation a
mené ses activités conformément aux lois de la République de Guinée et à la
Déclaration de principes pour l’observation internationale des élections,
adoptée en 2005 aux Nations Unies. Elle a également pris en compte les normes
électorales internationales et régionales, notamment la Charte africaine de
l’Union africaine (UA) sur la démocratie, les élections et la gouvernance,
ainsi que le Protocole additionnel sur la démocratie, les élections et la bonne
gouvernance de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO).

Résumé des conclusions principales

La délégation a
noté que tous les Guinéens rencontrés ont exprimé le fort désir d’avoir des
élections législatives apaisées, inclusives et crédibles en 2020. Ils ont
souligné l’importance de ces élections pour le renforcement de la démocratie du
pays et la fin de la prorogation de la législature actuelle dont le mandat a
expiré en janvier 2019. De nombreux Guinéens se sont dits préoccupés par le fait que les spéculations sur des changements au cadre constitutionnel et le calendrier électoral du pays affectent la préparation des
élections de février 2020. Ils ont dénoncé les violences qui ont entaché les
manifestations politiques depuis octobre dernier, qui ont fait des morts et
occasionné des dégâts matériels. La plupart des victimes de violences étaient des
jeunes de 20 ans ou moins.

La délégation a
également noté une polarisation et une méfiance parmi les acteurs politiques
guinéens et les organisations de la société civile. La délégation a observé que
bien que la commission électorale (CENI) soit confiante quant aux mesures
prises pour organiser les scrutins, les dirigeants politiques de la majorité et
des partis d’opposition ont exprimé des préoccupations concernant le processus
d’inscription des électeurs en cours. La CENI doit déployer des efforts extraordinaires
pour partager des informations sur son travail et son calendrier avec les
citoyens. Les dirigeants guinéens doivent renforcer le dialogue entre les
partis politiques et favoriser des communications et des interactions plus
régulières entre les partis et l’organe de gestion des élections.

II . Environnement politique

De nombreux
Guinéens craignent que les préparatifs des prochaines élections législatives
soient éclipsés par un débat en cours sur la nécessité ou non d’une nouvelle
constitution. La délégation a noté plusieurs défis dans le paysage politique
actuel qui pourraient avoir un impact sur la préparation des élections.

Polarisation autour de la possibilité d’un référendum constitutionnel

Au cours de l’année écoulée, la République de Guinée a été polarisée par un débat houleux sur la question de savoir si le pays a besoin d’une nouvelle constitution, et si pour adopter cette nouvelle constitution, un référendum devrait avoir lieu avant l’élection présidentielle d’octobre 2020. En vertu de la constitution actuelle, adoptée en 2010, le Président Alpha Condé exerce actuellement son dernier mandat qui doit se terminer en décembre 2020. Cependant, si une nouvelle constitution doit être adoptée, certains Guinéens estiment que cela ferait recommencer un nouveau mandat, auquel cas, le Président en exercice pourrait se présenter à nouveau. Les partisans d’une nouvelle constitution et ceux opposés à l’idée d’un changement constitutionnel ont organisé des manifestations massives à Conakry et dans d’autres parties du pays. Une coalition de partis d’opposition et des organisations de la société civile a formé un Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), et ont organisé des manifestations hebdomadaires depuis octobre. En réponse, les partisans d’un changement constitutionnel ont créé la Coalition démocratique pour la nouvelle Constitution (CODENOC). La délégation a relevé des préoccupations selon lesquelles, compte tenu des antécédents de violence politique en République de Guinée, l’adoption d’une nouvelle constitution sans arriver à un consensus national sur la question pourrait entraîner de nouvelles violences à grande échelle. Le Président en exercice n’a pas encore annoncé publiquement comment il entend procéder sur les questions constitutionnelles au centre du débat.

Violence récurrente autour des élections et de la participation politique

La société guinéenne est traversée par un sentiment de déni de justice et de ressentiment vis-à-vis des violences passées, notamment le massacre de plus de 150 manifestants non armés en septembre 2009 par les forces de sécurité lors d’un rassemblement politique à Conakry. Les familles des morts et d’autres victimes attendent toujours la justice dix ans plus tard. En effet, depuis les élections de transition en République de Guinée en 2010, chaque élection a connu des violences liées aux élections. Par exemple, à la suite des élections locales de février 2018, les partisans de divers partis politiques ont contesté la déclaration des résultats dans 12 des 342 circonscriptions du pays, craignant que le processus de centralisation des votes soit manipulé. Ces manifestations ont dégénéré en violences postélectorales et le gouvernement guinéen a interdit les manifestations publiques. Une loi récemment adoptée en juin 2019 a renforcé le pouvoir de la gendarmerie et de la police dans le maintien de l’ordre. La délégation a appris que, en trois mois de manifestations contre une nouvelle constitution, près de 20 manifestants, pour la plupart très jeunes, ont été tués lors d’interventions violentes des forces de sécurité. Selon certains témoignages, 126 personnes ont été tuées lors de manifestations politiques depuis la transition démocratique de 2010. De nombreux interlocuteurs rencontrés par la délégation, regrettent que personne n’ait été poursuivi pour ces homicides et expriment des préoccupations quant au fait qu’un sentiment d’impunité ne peut qu’encourager un recours à une force excessive par les forces de sécurité contre des militants politiques civils.

Dialogue politique intermittent

La méfiance est profonde parmi les dirigeants politiques guinéens, alimentée en grande partie par l’absence d’un dialogue soutenu et des engagements qui n’ont pas été satisfaits, ce qui peut porter atteinte à l’unité nationale. Les partis de l’opposition accusent le gouvernement et le parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) de manipuler les élections, d’enfreindre les droits de l’homme et de restreindre les droits civils, tandis que le gouvernement et le parti majoritaire accusent l’opposition d’entraver le progrès national et de soutenir des manifestations violentes qui entraînent des pertes en vies humaines et la destruction de biens publics et privés. Depuis 2010, l’opposition a, à plusieurs reprises, boycotté l’Assemblée nationale et d’autres institutions telles que la CENI. Bien que le RPG et les principaux partis d’opposition aient dû recourir à plusieurs accords négociés pour résoudre les questions litigieuses liées au cycle électoral, suite aux résultats contestés des élections locales de février 2018, les partis de l’opposition ont suspendu leur participation au cadre de dialogue créé pour superviser la mise en œuvre de l’accord politique du 12 octobre 2016 (l’accord politique guinéen de 2016) . La délégation a noté qu’une semaine avant son arrivée, le Premier ministre guinéen a relancé les efforts de dialogue. La délégation a apprécié que des discussions soient en cours pour adopter un plan opérationnel afin de répondre à une demande pressante de l’opposition concernant l’installation de conseillers de district et de quartier. Si elle était rapidement appliquée, l’installation de ces chefs de quartier et de district pourrait commencer à contrer le scepticisme exprimé par plusieurs interlocuteurs et à rétablir la confiance et le respect mutuel entre le gouvernement et l’opposition politique.

Clivages ethniques sous-jacents à l’appartenance politique

Historiquement,
la Guinée compte quatre zones géographiques, chacune s’identifiant à des
spécificités ethniques et culturelles. Le pays compte actuellement plus de 150
partis enregistrés, dont 15 sont représentés à l’Assemblée nationale. Les
partis se sont organisés par affiliation en sept blocs, dont trois appartiennent à la majorité
au pouvoir et quatre à l’opposition.
Les interlocuteurs rencontrés par la délégation se sont dits préoccupés par le
fait que les principaux partis aient recouru à des appels ethniques ou
régionaux pour obtenir un soutien électoral. Dans de telles circonstances, la
polarisation politique tend à alimenter les tensions ethniques dans le pays.
Ces clivages qui se chevauchent sont très préoccupants et, s’ils ne sont pas
maîtrisés, ils pourraient exacerber les tensions et risqueraient de provoquer
des violences et des conflits lors d’élections hautement compétitives. Cela est
d’autant plus préoccupant compte tenu de la situation sécuritaire de la sous-région.

III. Conclusions par rapport aux élections législatives de 2020

La délégation a
observé qu’il n’y avait pas de consensus national sur le calendrier électoral
et sur la capacité de la commission électorale à procéder à temps à
l’enregistrement des électeurs pour les élections législatives de 2020. Depuis
2010, le calendrier électoral et le fichier des électeurs sont une source
constante de conflits entre le gouvernement et l’opposition. Alors que les
interlocuteurs ont exprimé une faible confiance dans la capacité technique de
la CENI et son indépendance effective, la CENI a assuré à la délégation que la
préparation des élections était en bonne voie. D’autres ont exprimé la crainte
que les partis politiques ne soient pas en mesure d’incorporer dans le
processus de nomination des candidats des dispositions sur la parité entre les
sexes, comme le prévoit la législation progressiste sur le genre adoptée en mai
2019 pour accroître la représentation politique des femmes.

Chronogramme

Depuis la
transition de 2010 vers la démocratie, la plupart des élections n’ont pas eu
lieu dans les délais prévus par la constitution. En particulier, les élections
législatives prévues pour 2011 n’ont eu lieu qu’en 2013 et les élections
locales, censées se tenir en 2015, n’ont eu lieu qu’en 2018. Suite aux
élections locales de février 2018, les retards dans le règlement des
contentieux électoraux dans 12 communes contestées ont eu un impact négatif.
L’installation des Conseils communaux et la tenue consécutive d’élections
indirectes pour désigner les maires ont été retardées jusqu’en février 2019. À
ce jour, la nomination des conseillers de quartier et de district et l’élection
des conseillers de région sont encore à finaliser. Les crises politiques
récurrentes et les désaccords sur le fichier électoral ont retardé les
élections législatives. Ceci implique que les membres actuels de l’Assemblée
nationale, élus en 2013, auront été en fonction pendant près de sept ans au
lieu de cinq comme le prévoit la constitution. Leur mandat a été prolongé
indéfiniment par décret présidentiel en janvier 2019.

En consultation
avec l’Organisation Internationale de la
Francophonie
(OIF), la CENI a annoncé en novembre que des élections
législatives auront lieu le 16 février 2020. Les partis au pouvoir et de
l’opposition ont encouragé leurs partisans à s’inscrire massivement pour voter.
La révision du fichier électoral a commencé en novembre pour une période de 25
jours et devrait se terminer le 16 décembre 2019. Cependant, les représentants
de l’opposition et des partis de la majorité se sont dits préoccupés par le
fait que le processus d’enrôlement ne serait pas achevé à la date prévue. La
distribution des cartes d’électeur devrait commencer le 16 Janvier 2020 et
coïncider avec la période de campagne électorale, soit 30 jours avant le jour
du scrutin.

Fichier électoral

Un fichier
électoral crédible est une condition préalable à des élections crédibles. D’un
commun accord entre tous les partis politiques à la suite de l’accord politique
du 12 octobre 2016, un audit du fichier électoral a eu lieu en septembre 2018.
Des experts de l’OIF, de l’Union européenne (UE) et du Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) ont travaillé avec la CENI, des
représentants de la société civile et des groupes parlementaires pour mener à
bien l’audit.

L’audit a révélé
que les données de plus de la moitié des 6 millions d’électeurs enregistrés
n’avaient pas été nettoyées pour éviter les potentiels doublons, et qu’il
manquait des informations biométriques pour 1,6 million d’électeurs. L’audit a
conclu que, compte tenu de ces préoccupations, tous les électeurs devraient se
présenter devant la CENI pour faire confirmer leurs informations. Pour les
électeurs ne disposant pas de données biométriques, ces données devraient être
ajoutées et les citoyens majeurs depuis 2015 devraient être enregistrés. Compte
tenu de l’ampleur massive de cette opération, certains dirigeants de
l’opposition ont soulevé la question que la CENI aurait dû utiliser les 90
jours d’octobre à décembre pour l’inscription ordinaire des électeurs au lieu
de réduire la période à 25 jours, comme le prévoit le code électoral pour les
révisions extraordinaires.

Alors que la période d’inscription des électeurs touche à sa fin, le RPG et les partis de l’opposition ont soulevé des préoccupations quant à l’enrôlement de mineurs dans le fichier électoral, dans les bastions de l’opposition et du parti au pouvoir. De plus, des problèmes de main-d’œuvre et de logistique tels que le manque de matériels et des kits d’enregistrement défectueux, un personnel insuffisant ou mal formé et un retard dans le démarrage des opérations dans certaines localités ont ralenti le processus. De plus, la diaspora guinéenne de plusieurs pays avec un nombre élevé d’électeurs potentiels, comme le Sénégal, le Maroc et l’Indonésie, a du mal à s’enregistrer. Plusieurs interlocuteurs se sont dits préoccupés par l’insuffisance des informations et de l’éducation des électeurs en ce qui concerne l’inscription des électeurs et le processus électoral en général. Dans certains cas, les électeurs déjà inscrits ne savent pas qu’ils doivent se présenter pour confirmer leurs données biométriques afin de pouvoir voter en 2020. La CENI a déclaré à la délégation que le groupe de travail interpartis au sein duquel tous les partis politiques sont représentés devra décider des procédures appropriées à adopter pour permettre aux électeurs qui ne se seront pas présentés pour confirmer leurs informations d’exercer leur droit de vote.

Malgré ces défis,
la CENI prévoit de terminer le processus d’inscription des électeurs à temps ou
bien seulement avec un léger retard. Selon les informations recueillies, un nombre
important de nouveaux électeurs ont déjà été enregistrés tandis
que 200 000 personnes décédées
ont été retirées du registre.
La CENI n’a toujours pas publié de statistiques officielles sur les progrès
réalisés à ce jour dans le processus d’inscription des électeurs. Selon le
président de la CENI, de 55 à 65% des recommandations de l’audit ont été mises en
œuvre, et de nombreuses recommandations restantes, comme par exemple les
révisions du code électoral, dépendent d’autres institutions. Les responsables
de la CENI se sont déclarés surpris par les déclarations de l’opposition et de
la majorité selon lesquelles les mineurs pourraient s’inscrire, étant donné que
des représentants des deux partis sont présents dans les Commissions
administratives de révision des listes électorales (CARLE). Le Président de la
CENI a observé que des images de mineurs dans les centres d’enregistrement
datent des années précédentes et ne reflètent pas ce qui se passe actuellement
en Guinée. Le Président de la CENI a déclaré que la commission utilisera des
logiciels pour retirer, chaque semaine, les mineurs, les doublons et d’autres
anomalies de la base de données du fichier électoral. Bien qu’elle ne soit pas
encore entièrement financée, la CENI a indiqué qu’elle a reçu une partie
importante de son budget et que le gouvernement lui a assuré que les documents
de vote, tels que les urnes et les bulletins de vote, devant être achetés par
le ministère de l’Administration territoriale (MATD) seront livrés à temps.

Malgré les
assurances de la CENI, des doutes et des soupçons persistent chez certains
Guinéens quant au processus de révision du fichier électoral. Des représentants
des partis au pouvoir et de l’opposition se sont dits préoccupés par la
capacité de la CENI à gérer efficacement le processus d’enrôlement des
électeurs de façon opportune et transparente.

Certains partis de l’opposition s’inquiètent également de la réelle indépendance de la CENI vis-à-vis du pouvoir exécutif, notamment lorsqu’il s’agit de proposer un calendrier électoral techniquement viable. Si elle est mal gérée, la mise à jour du fichier électoral pourrait devenir une source de conflit entre les partis politiques guinéens et leurs partisans, et porter atteinte à la légitimité des résultats électoraux. La CENI devra certainement être plus proactive et efficace dans sa communication afin de renforcer la confiance dans le processus électoral.

Administration des élections

La CENI a créé un
groupe de travail interpartis (Comité Inter parties – CIP), une plate-forme de
dialogue sur le processus électoral. Les réunions du CIP sont ouvertes aux
représentants des partis politiques, aux journalistes, aux dirigeants de la
société civile et aux représentants des institutions gouvernementales et des
organisations internationales. Il est destiné à servir de cadre pour partager
des informations sur les préparatifs de la CENI pour les prochaines élections,
sur des sujets importants tels que la révision des listes électorales. Malgré
l’existence de ce forum visant à renforcer la confiance dans le processus,
certaines parties prenantes ont exprimé des inquiétudes quant à la capacité de
la CENI à organiser des élections crédibles. Le processus de gestion des
résultats a aussi été identifié par plusieurs interlocuteurs comme
particulièrement vulnérable, et ayant connu des défaillances importantes dans
le passé. Il y a notamment eu des difficultés autour de la transmission
électronique incomplète des résultats et l’absence de publication des données
électorales par bureau de vote, l’insuffisance et la mauvaise qualité des
copies des procès – verbaux, des problèmes avec la chaîne de responsabilité
dans la transmission physique des procès – verbaux aux différentes institutions
destinataires et l’annulation ou la modification arbitraire des résultats des
bureaux de vote par certains magistrats au niveau des centres de centralisation
des votes. Des procédures et des lignes directrices spécifiques pour assurer
une gestion efficace des résultats devraient être définies à l’avance par la
CENI et être largement partagées avec les partis politiques et les membres des
bureaux de vote pour garantir une conformité efficace.

Résolution des conflits électoraux

Des organisations
internationales telles que l’International Foundation of Electoral Systems
(IFES) et l’Open Society Initiative of West Africa (OSIWA) travaillent en
partenariat avec des organisations de la société civile, y compris des réseaux
de femmes, pour établir des mécanismes alternatifs de règlement des différends
qui pourraient prévenir ou atténuer la violence et les conflits au niveau
national et au niveau local. OSIWA aide également la Cour constitutionnelle à
renforcer ses capacités à gérer les différends à temps et de manière
impartiale. Dans le passé, les préjugés perçus dans l’application des
procédures de règlement des différends électoraux ont contribué aux tensions et
à la violence. La délégation a relevé des préoccupations selon lesquelles les
magistrats et les tribunaux ne sont pas suffisamment équipés pour traiter les
différends électoraux et, dans certains cas, appliquent des procédures
d’arbitrage non transparentes. Par exemple, après les élections locales de
2018, certains juges se sont déclarés incompétents pour statuer sur certains
litiges, d’autres ont rejeté de manière sommaire les requêtes des candidats
pour des détails touchant à la forme et aux délais de soumission. Certains
Guinéens se demandent si la Cour constitutionnelle, avec une pression
significative de l’administration, pourrait affirmer son indépendance en tant
qu’arbitre neutre pour les litiges émanant des élections législatives et pour
lesquelles la Cour constitutionnelle a compétence exclusive.

Représentation de genre

En mai, l’Assemblée nationale a adopté une loi historique, que
le Président a promulguée, exigeant la parité pour toutes les listes de
candidats à des fonctions électives. Des amendements au code électoral,
notamment pour se conformer à cette loi , ont été rédigés, mais l’Assemblée
nationale n’a pas encore engagé de débat ni voté ces réformes. Le débat a été
retardé par les différends en cours sur les résultats des élections locales.
L’inscription des candidats débutant le 18 décembre, il ne sera pas possible
d’assurer l’application de la loi sur la parité sur les listes de candidats
pour les prochains scrutins. Cela représente une occasion manquée d’avoir plus
de femmes candidates aux prochaines élections et davantage de femmes dans la prochaine
législature. Lors des dernières élections législatives de 2013, seulement 25
femmes ont remporté des sièges à l’Assemblée nationale, ce qui représente 21%
des députés. Pour les élections locales de février 2018, 23% des candidats
inscrits étaient des femmes. Alors que le Cadre de concertation des femmes et
des filles des partis politiques de Guinée (CCFPPG) et d’autres groupes se sont
engagés dans des efforts de plaidoyer pour appeler les parties à utiliser le
principe de liste « zébrée » ou de « fermeture éclair » pour composer les
listes électorales, alternant hommes et femmes, dans l’esprit de la loi sur la
parité, aucun parti politique guinéen ne s’est engagé à utiliser cette pratique
pour les prochaines élections.

IV. Initiatives en cours pour soutenir des élections législatives apaisées et crédibles

Un certain nombre
d’initiatives sont en cours pour soutenir des élections apaisées et crédibles
en février 2020. De nombreuses organisations de la société civile guinéenne
engagées sur les questions de démocratie et de gouvernance se préparent à
s’impliquer dans le processus électoral de 2020. Certaines fonctionnent au
niveau communautaires, tandis que d’autres ont établi des partenariats avec des
organisations internationales telles que l’IFES, OSIWA et Search for Common
Ground (SFCG). D’autre part, les militants des partis surveillent la mise en
œuvre d’un code de conduite pour les partis. Les élections de 2020 offrent la
possibilité d’un plus grand engagement des citoyens pour garantir des élections
pacifiques, inclusives et crédibles.

Suivi citoyen des processus électoraux

Les observateurs citoyens non partisans jouent un rôle important pendant les élections en renforçant la confiance du public dans le processus électoral si cela est justifié, en dissuadant les malversations électorales, en révélant des irrégularités et en donnant aux citoyens des informations importantes sur l’intégrité des élections. La délégation a appris qu’une coalition de huit organisations, la Coalition Citoyenne pour les Élections et la Gouvernance (CoCEG), dont certaines ont une expérience antérieure en matière d’observation des élections, se prépare actuellement à surveiller les élections législatives de 2020, comme le sont d’autres groupes de la société civile. La délégation voit la nécessité d’établir une large coalition d’observation des élections qui pourrait résoudre les problèmes de partialité politique et d’esprit partisan perçus par certains groupes de la société civile. Dans un premier temps, les organisations de la société civile devraient utiliser les élections de février 2020 comme une opportunité permettant de coordonner l’observation de la période préélectorale. En publiant des rapports fréquents et leurs conclusions, des groupes de la société civile ou des observateurs citoyens pourraient encourager les différents acteurs électoraux à jouer pleinement leur rôle.

Participation citoyenne inclusive au processus électoral

En mai 2019,
l’Assemblée nationale a adopté une législation sur la parité grâce en grande
partie au plaidoyer approfondi des OSC en faveur de la parité. Les membres des
organisations de la société civile et les femmes leaders politiques continuent
de plaider pour que les dispositions de la loi soient intégrées dans les
amendements au code électoral. Par exemple, le Cadre de concertation des filles
/ femmes des partis politiques de Guinée (CCFPPG) a fait pression sur les
partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et les caucus
parlementaires pour agir sur la question. D’autres groupes s’emploient
activement à faire en sorte que les femmes s’inscrivent pour voter et se
présentent pour voter le jour du scrutin. Dans la perspective des élections
législatives, le Conseil national des organisations de la société civile
guinéenne (CNOSCG) et d’autres groupes mènent des campagnes de sensibilisation
pour encourager les citoyens guinéens, et les jeunes en particulier, à
s’inscrire pour voter. De plus, plusieurs médias se préparent à entreprendre
des initiatives d’observation des médias. Les médias électroniques et la radio
sont parmis les moyens les plus répandus de mobilisation des citoyens et de
partage d’informations en République de Guinée.

Surveillance de la violence et règlement des différends électoraux

Un certain
nombre de partenaires internationaux, dont l’IFES,
OSIWA et SFCG, soutiennent des initiatives d’observation de la
violence et de règlement des différends électoraux en République de Guinée.
SFCG se concentre spécifiquement sur la gestion des conflits et la promotion de
la cohésion sociale, et produit des émissions de radio et de télévision pour
l’éducation civique et pour lutter contre la désinformation et réduire les
conflits. En plus des activités de règlement des différends électoraux, OSIWA soutient les initiatives de paix des jeunes au niveau local.

Cette
organisation prévoit également de mener une étude de référence sur les risques
électoraux. D’autre part, le CNOSCG met en œuvre des activités en collaboration
avec l’IFES axées sur l’engagement et la surveillance de la société civile dans
le règlement des différends qui peuvent survenir avant les élections
législatives et identifie également les facteurs les plus susceptibles de
conduire à des différends électoraux afin de mieux anticiper les besoins de
résolution. L’Union européenne appuie également WANEP dans la mise en oeuvre
d’un programme d’observation des incidents de violence liés aux élections à
travers un système d’alerte précoce et de réponse rapide.

Code de bonne conduite des partis politiques

Début décembre, 34 partis politiques ont signé le Code de bonne conduite, rejoignant 108 autres partis qui l’avaient précédemment signé. Lors de la cérémonie de signature, six des sept blocs de partis en Guinée ont réitéré publiquement leur adhésion et leur engagement à respecter le Code de bonne conduite. Depuis l’initiative d’adoption du Code de bonne conduite des partis politiques, une Commission nationale de suivi a été mis en place à Conakry et dans les régions afin de continuer de sensibiliser sur le contenu du Code de bonne conduite et à la nécessité pour les partis signataires et leurs sympathisants ainsi que la population guinéenne en général d’adhérer à ses principes. Le Code a été adopté pour la première fois en 2008 par 41 partis guinéens pour promouvoir des processus électoraux apaisés et inclusifs, notamment pour faire respecter des règles de comportement approprié auprès des militants des partis politiques et des candidats. Bien que le Code de bonne conduite s’applique à tout moment aux partis politiques, il est particulièrement important en ce qui concerne les élections, car il promeut la paix, la non-violence et le fair-play. Le Code de bonne conduite a été récemment mis à jour pour inclure des dispositions spécifiques sur la prévention de la violence à l’égard des femmes en politique.

V. Recommandations

La délégation
estime qu’avec une volonté politique plus poussée et un dialogue de fond, de
nombreux défis peuvent être relevé dans l’environnement politique actuel et
menant aux élections législatives de février 2020 pour renforcer la confiance
et la participation des citoyens au processus et atténuer la violence avant,
pendant et après les élections. Dans un esprit de coopération internationale,
la délégation propose donc les recommandations suivantes :

Au gouvernement de la République de Guinée :

  • Clarifier davantage sa position concernant les spéculations sur le cadre constitutionnel du pays afin de renforcer la confiance des citoyens dans son engagement à renforcer la démocratie et à favoriser des élections législatives pacifiques et crédibles.
  • Créer des plateformes de communication régulière entre les populations civiles et les services de sécurité aux niveaux nationaux et régionaux afin de prévenir de nouveaux affrontements entre manifestants et services de sécurité et des violences récurrentes.

À la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) :

  • Communiquer de manière approfondie sur ses activités liées aux élections législatives, y compris notamment en utilisant des plates-formes de communication modernes telles que Facebook, Twitter et une page web régulièrement mise à jour, qui sont utilisées par les jeunes qui constituent la masse de l’électorat.
  • Mener une forte campagne de sensibilisation pour que les électeurs soient sensibilisés à la nécessité de vérifier leur statut d’enrôlement et que les citoyens soient informés des procédures pour confirmer leur statut d’enrôlement une fois la liste finalisée.
  • Prendre des mesures raisonnables pour garantir l’exhaustivité et l’exactitude de la liste électorale, y compris la vérification de l’éligibilité des mineurs potentiels, tout en veillant à ce que ces procédures ne privent pas les électeurs admissibles de leurs droits.
  • En consultation avec le comité inter-parties (CIP), déterminer rapidement le statut des électeurs présentant informations partielles dans le fichier électoral final, y compris des données biométriques incomplètes, et convenir de procédures pour faciliter leur exercice du droit de vote. Rendre ces décisions publiques.
  • Activer une cellule technique restreinte au sein du CIP avec une représentation multipartite pour surveiller le processus d’inscription des électeurs et la consolidation de la liste électorale.
  • Publier de manière active et diffuser largement les informations sur les activités les plus importantes de la CENI, par exemple la distribution des cartes d’électeur, afin d’optimiser le retrait de ces cartes par les électeurs et de minimiser toute confusion concernant le processus de vote le jour du scrutin.
  • Publier en temps opportun des données sur les résultats des élections, par bureau de vote et dans un format analysable et accessible à tous, afin de renforcer la confiance du public dans les résultats.
  • Fournir des directives claires sur la juridiction, les processus et les délais appropriés pour le dépôt et le règlement des contentieux électoraux, y compris les différends liés au processus d’inscription des électeurs et aux résultats des élections.

A la Cour constitutionnelle :

  • Assurer un jugement juste, rapide et transparent des contentieux électoraux, y compris ceux liés à
    l’enrôlement des candidats et aux résultats des élections.

Aux partis politiques :

  • Participer plus activement aux plateformes créées pour faciliter le dialogue entre les partis, telles que le comité de suivi de l’accord du 12 octobre et celles visant à faciliter les communications avec la CENI telles que le CIP, qui sont des moyens d’atténuer une polarisation excessive, les conflits et les violences.
  • Prendre des mesures concrètes pour nommer des femmes candidates afin de se conformer à la loi de mai 2019 sur la parité dans tous les postes électifs.
  • Respecter le Code de bonne conduite des partis politiques et sensibiliser leurs membres à faire de même, et participer au suivi, à la documentation et à la communication sur toutes les phases du processus électoral.

À la société civile et aux médias guinéens :

  • Intensifier leurs efforts pour surveiller et rendre compte de toutes les phases du processus électoral de manière professionnelle et objective.
  • S’engager dans des efforts ciblés d’éducation civique et d’éducation des électeurs sur le processus électoral, en faveur des femmes, des jeunes et d’autres groupes historiquement marginalisés.

À la communauté internationale :

  • Maintenir son intérêt et son soutien pour des élections apaisées, inclusives et crédibles en Guinée.
  • Augmenter son appui aux organisations de la société civile guinéenne engagées dans des activités de plaidoyer et d’autres actions qui soutiennent des élections crédibles, et compléter ces efforts par des missions d’observation qui pourraient renforcer la confiance des citoyens dans le processus électoral.

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SCAN : « Les guinéens sont en train de mourir partout alors que nous sommes l’un des pays les plus riches d’Afrique» Sidya Touré


Bah Oury, président de l’UDD (Décembre 2019, à l’occasion d’une marche du FNDC)

« Il ne peut pas y avoir du Koudéisme encore en Guinée.
Nous avons vu les effets du Koudéisme entre 2000 et 2010. On ne peut pas
répéter à chaque fois nos fautes antérieures »

« Le président Alpha Condé doit entendre la voix du
peuple qui lui dit ‘abandonne le projet de nouvelle constitution, organise
correctement les élections législatives et présidentielles et tu sortiras par
la grande porte et tu auras une sortie honorable. »

La source ici

« La CENI ne peut pas se permettre de dire qu’en 25 jours, elle peut enrôler tout le monde alors qu’il y a des risques, il y a du matériel qui manque un peu partout, comme s’ils font exprès, il y a des délais qui ne sont pas respectés du tout. Donc il y a une volonté manifeste de ne pas favoriser l’enrôlement de toute la population électorale guinéenne. »

La source ici


Abdourahmane Sanoh, coordinateur national du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) (Décembre 2019, à l’occasion d’une marche du FNDC)

« Le pouvoir qu’il a, lui a été confié par le peuple.
Le 20 décembre 2020 le peuple va retirer son pouvoir et le remettre à quelqu’un
d’autre. Qu’il le veuille ou pas »

La source ici

« Nous allons mettre fin à cette volonté de tripatouiller notre constitution. Nous allons transformer leur rêve en cauchemar. »

La source ici


Sidya Touré, président de l’UFR

« Les guinéens sont en train de mourir partout alors
que nous sommes l’un des pays les plus riches d’Afrique. Mais cette richesse
est pillée par le pouvoir. Il faut qu’on change de régime. Il faut laisser la
place à un autre qui va nous proposer une autre solution. »

La source ici


Nicéphore Soglo, ancien président du Benin (Décembre
2019, en visite en Guinée dans le cadre d’une mission de bons offices du National
democratic institute)

« Si on veut que le train qui a démarré et que la
locomotive c’est le Nigéria, il faut que des wagons se mettent en place. Nous
sommes venus pour voir dans quel état se trouve le wagon de la Guinée. Dans une
famille, ceux qui sont les membres, s’il y a quelque chose, ce sont eux qui
viennent. C’est pourquoi nous sommes venus pour que la paix règne en Guinée.
Nous voulons que ce pays continue d’aller de l’avant avec toutes ses immenses richesses. »

La source ici


Elie Kamano, artiste reggaeman et président du parti
Nouvelle Guinée Possible (Décembre 2019)

« On n’a pas besoin de ces élections législatives, parce que le futur Président de la République de Guinée, aura besoin d’une légitimité parlementaire et organisera les élections législatives »

La source ici


Déclaration des femmes lors d’une marche contre les tueries
et l’impunité en Guinée (Décembre 2019)

« Nous ne voulons pas nous livrer à un décompte macabre mais nous avons le devoir d’informer l’opinion nationale et internationale que le chiffre 127 morts est atteint depuis la semaine dernière. Cela ne laisse pas une femme tranquille. Nous ne sommes pas loin des 157 guinéens massacrés au stade du 28 septembre 2009… Nous femmes de Guinée, nous réitérons notre exigence pour la mise en place de la commission d’enquête internationale pour faire la lumière sur les cas des 127 morts complètement identifiés »

La source ici


Gabriel Curtis, ministre en charge des
investissements et des partenariats public-privé (Décembre 2019, à
l’occasion de la journée internationale anti-corruption)

« En Guinée,
la corruption est encore persistante. Selon les rapports 2011 et 2017 de
l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLCL), le volume des pots de
vin en Guinée avoisine en moyenne 600 milliards de francs guinéens chaque
année. La même source indique que les opérateurs économiques déclarent avoir
payé près de 500 milliards de francs guinéens par an en paiement non officiel
et 75% des entreprises affirment faire des cadeaux pour obtenir des contrats »

La source ici


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





SCAN : « Nous devons aller jusqu’à la victoire finale. Ça doit être clair dans l’esprit de tout le monde » Abdouramane Sanoh


Abdouramane Sanoh, coordinateur du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) (Décembre 2019)

«  [  ] ne pas aller jusqu’au bout de la victoire finale serait trahir la mémoire de tous ceux qui sont tombés… Nous devons aller jusqu’à la victoire finale. Ça doit être clair dans l’esprit de tout le monde. Il faut que ce rêve dangereux, satanique soit transformé et cauchemar pour ceux qui sont en train de le faire »

La source ici


Bah Oury, président de l’UDD (Décembre 2019)

«Recenser l’ensemble de la population en Guinée en seulement 25 jours, alors que la loi prévoit que cela doit prendre trois mois. Et comme vous le savez, plusieurs années se sont écoulées sans qu’il y ait la révision du fichier électoral, donc fixer 25 jours pour un recensement, ça c’est faire preuve d’incapacité et cela risque d’empêcher la possibilité d’avoir un fichier conséquent [  ] »

La source ici


Etienne Soropogui, président du mouvement politique Nos valeurs communes (Décembre 2019)

« Sous Alpha Condé, il faut arrêter toute élection. Il
faut qu’il parte pour que nous puissions nous résoudre à aller vers des
élections. Il a une main mise assez importante sur la CENI et les ressources
qui lui sont allouées »

La source ici


Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG, à l’inhumation des victimes des marches contre le 3e mandat (Décembre 2019)

« Je suis indigné de constater que les autorités guinéennes aient estimé que ces guinéens n’ont pas le droit d’être à la grande mosquée pour qu’on prie sur leurs corps, alors que c’est là-bas où il y a une grande place. Je suis aussi surpris de constater que ces victimes n’auront jamais droit à la justice.

La source ici

« Nous sommes maintenant à 128 inhumations au cimetière de Bambeto. Toutes les victimes sont des jeunes à la fleur de l’âge »

La source ici


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





L’opposition guinéenne demande l’arrêt des opérations d’enrôlement en cours [Déclaration]


Déclaration

Les images d’enrôlement de mineurs de moins de 10 ans dans les CAERLE, relevées dans les fiefs proches du RPG, sont de notoriété publique. Elles ont largement été diffusées sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Ces images sont choquantes et traduisent l’intention manifeste du pouvoir de remplir le fichier de mineurs dans le seul dessein d’assurer le troisième mandat soit par le referendum soit par les législatives. Le communiqué du Président de la CENI en date du 1er décembre 2019 a d’autant moins rassuré que nous avons assisté à l’intensification de ces pratiques frauduleuses depuis lors. Ce sont ces mêmes pratiques frauduleuses qui avaient permis au Président Alpha Condé de se faire réélire en 2015. L’enrôlement des mineurs que nous constatons dans la révision en cours est sans précédent de par son ampleur et son caractère discriminatoire. Ces pratiques sont de nature à affaiblir considérablement les fondements de l’Etat et constituent, avec la violence d’Etat, les principales armes du régime actuel pour se pérenniser.

Ainsi, comme pour les précédentes élections, le
pouvoir d’Alpha Condé prépare une mascarade électorale à l’aide d’un processus
émaillé de nombreuses irrégularités dont entre autres :

  • L’enrôlement réduit à 25 jours alors que le code électoral prévoit 3 mois. 25 jours pour enrôler ceux qui ont atteint l’âge légal de voter depuis 2015 (dernière date de la révision de la liste électorale) ; radier tous les électeurs décédés et ceux qui sont indûment enregistrés ; et procéder, à titre exceptionnel pour cette révision, au ré-enrôlement des 6 042 643 électeurs qui sont déjà dans la base de données, conformément à la recommandation principale du rapport d’audit du fichier électoral.
  • L’envoi dans les fiefs réputés proches du pouvoir des commissaires représentant le RPG à la CENI avec l’appui de l’Administration inféodée a permis le recensement sans retenue des mineurs dont les images scandaleuses inondent les réseaux sociaux.
  • La visite opportuniste d’Alpha Condé en Haute Guinée dès l’ouverture de la période d’enrôlement. Ses discours aux accents de campagne ont été entendus par les cadres de son parti et leurs affidés de l’Administration comme un appel pour exécuter les basses pratiques habituelles sur le processus électoral en leur donnant encore plus d’ampleur.
  • Les nombreuses difficultés enregistrées dans les opérations de révision sur le terrain. Plus particulièrement dans les fiefs considérés proches de l’opposition : arrivée tardive et pannes fréquentes des kits, retards importants dans le démarrage des opérations dans plusieurs CAERLE, insuffisance et parfois manque de matériel et de consommables (rupture organisée des récépissés) avec les risques sur l’enrôlement liés à la non délivrance des récépissés qui sont la preuve d’une inscription sur la liste électorale. De tels actes discréditent la CENI et augurent de façon certaine des conflits électoraux ou post électoraux aux conséquences imprévisibles.

C’est pourquoi, dans le souci de préserver la
paix sociale, nous demandons l’arrêt du processus en cours afin de prendre de
manière concertée les mesures correctives nécessaires pour rendre plus crédibles
les prochaines élections.

L’opposition réitère sa ferme volonté à œuvrer
pour la consolidation de la démocratie et réaffirme sa détermination à exiger
que les conditions de transparence soient réunies pour la tenue des prochaines
élections. Elle rappelle également la nécessité de mettre en œuvre les
recommandations contenues dans le rapport d’audit du fichier électoral. Les
partis politiques de l’opposition invitent l’ensemble des guinéens à rester
mobilisés pour faire échec à la volonté de confiscation des suffrages des
citoyens.

Conakry, le 05/12/2012





SCAN : « si l’opposition va aux législatives en février, ça sera seulement pour accompagner Alpha Condé » Aliou Barry


Aliou Barry, chercheur en
géopolitique et consultant sur les questions de paix, de sécurité et de défense
(Décembre 2019, Lynx fm)

« On n’a pas achevé le processus des élections
communales. Curieusement, tout le monde parle de législatives, alors qu’on n’a
pas installé les chefs de quartier qui sont les croix essentielles pour un
hold-up électoral. [   ] Partout où il y
a un fort électoral de l’opposition, il n’y a pas de récépissé, les machines
sont en panne. Donc, si l’opposition va aux législatives en février, ça sera
seulement pour accompagner Alpha Condé »

Lire la source


Bah Oury, président de l’UDD (Décembre 2019)

« Nous
souhaitons que le Président Alpha Condé soit également à l’écoute de son
peuple. Et son peuple lui demande de renoncer à ce changement constitutionnel
qui ne pourra rien apporter de bon au pays, ni à lui même, ni au RPG (…) »

Lire la source


Sidya Touré, président de l’UFR (Novembre 2019)

« Les anciens du RPG qui se sont battus pendant 20 ans
sont dans la misère. Même une vielle maison ils n’en ont pas. Ce sont ces
opportunistes qui font la campagne d’une présidence à vie ou de changement de
constitution qui sont en train de s’enrichir »

Lire la source


Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG (Novembre 2019)

« Cette révision se fait dans des conditions chaotiques
parce qu’il n’y a aucune organisation. Il y a un sabotage par l’institution
chargée d’organiser les élections, la CENI et le gouvernement de la République
qui devait veiller à ce que tous les guinéens puissent s’enrôler et voter.
Mais, malheureusement, nous constatons qu’il y a une sainte pagaille partout
dans le pays. On empêche les gens de s’enrôler dans les fiefs de l’opposition
en disant qu’il n’y a pas de consommables, il n’y a pas de récépissés, la
machine est en panne, l’agent est malade »

Lire la source


Aliou Bah, président du Model (Novembre 2019)

Sur la révision du fichier électoral : « un échec, une
catastrophe parce que la loi a été d’abord violée. Au lieu de trois mois prévus
par la loi en termes de révision ordinaire, la CENI a imposé un calendrier de
révision extraordinaire de 25 jours »

Lire la source


Alpha Condé, président guinéen (Novembre 2019)

« L’avenir de la Guinée se décide en Guinée et ça sera
fait par le peuple de Guinée ; comme nous l’avons fait en 1958. N’ayons
peur de rien sauf Dieu, car unis, nous sommes capables d’aller loin »

Lire la source


Un scan réalisé par Sékou Chérif Diallo





Guinée : ma CENI et mon fichier, le « trousseau de l’autocrate »


Les signes sont inquiétants, les incertitudes se multiplient, les positions se radicalisent, les enjeux sont importants, les élections à venir en Guinée présentent tous les éléments d’alerte d’une crise majeure.


En affirmant lors d’un meeting de soutien à N’Zérékoré le 16 novembre 2019 qu’il y a désormais « deux Guinée », Alpha Condé ôte le manteau de président censé rassembler tous les guinéens (qu’il n’a d’ailleurs jamais véritablement porté) pour celui d’un autocrate prêt à tout pour se maintenir au pouvoir aux termes de ses deux mandats consécutifs. La réalisation de ce projet plongera le pays dans une profonde instabilité politique, sociale et économique. Tous les scénarios sont ouverts. Revivre les périodes sombres de coup d’état serait tout simplement catastrophique pour ce pays. En affaiblissant les institutions et les instruments légaux de transfert du pouvoir, Alpha Condé fait le travail préalable que tout potentiel putschiste aspire : avoir des raisons valables de passer à l’acte et compter sur la légitimation de la subversion par le peuple.

En Mauritanie, lorsque le général Aziz prend le pouvoir en août 2008,
il affirme vouloir « sauvegarder les acquis démocratiques » en accusant
le président déchu d’avoir violé « les dispositions de la
Constitution », de n’avoir rien fait contre la hausse vertigineuse des
prix des denrées alimentaires, d’avoir « créé un climat propice à la
généralisation de la mauvaise gestion, du détournement des deniers
publics et de la corruption ». La légitimité des coups d’Etat se construit également sur l’idée d’un risque de troubles ethno-tribaux,
en renvoyant l’instabilité potentielle du pays non seulement à une
mauvaise gestion politique et économique, mais aussi à une nature
intrinsèquement anarchiste de la société. L’appropriation de tels
arguments dans le contexte guinéen est aujourd’hui facilitée par les
agissements du pouvoir de Conakry.

Certes, un chef d’Etat peut toujours compter sur des loyalistes au
sein de la grande muette pour protéger son pouvoir mais parfois les
évènements s’accélèrent de façon inattendue. Au Soudan, tout à commencer
par une décision du gouvernement de confier les importations
céréalières au secteur privé, qui a occasionné l’augmentation du prix du pain. Pour des raisons bien calculées, les officiers militaires soudanais ont préféré sacrifier le puissant Omar El Béchir.

La Guinée doit réussir sa première transition pacifique du pouvoir.
Il revient à la majorité rassemblée autour de l’esprit du FNDC de
combattre tous les projets (le plus souvent pilotés par de groupes
d’individus aux intérêts convergents) qui mettraient en péril la paix et
la stabilité du pays. Après avoir été une terre d’accueil pour des milliers de sierra léonais,
libériens et ivoiriens, la Guinée ne peut se permettre de sombrer dans
le chaos parce que tout simplement un petit groupe a décidé de modifier
les règles du jeu démocratique qui garantissent la paix, la stabilité et
le vivre ensemble.

Manipulation du fichier électoral

Depuis le 21 novembre 2019, les opérations d’enrôlement et de révision du fichier électoral se déroulent sur toute l’étendue du territoire national en prélude aux élections législatives du 16 février 2020.

La problématique du fichier électoral a toujours été au centre des
crises de confiance entre les acteurs politiques guinéens. L’opposition
politique n’a cessé de dénoncer les « anomalies » sur le fichier
électoral. Selon Sidya Touré,
président de l’Union des forces républicaines (UFR), le fichier
électoral « comporte plus d’un million et demi d’électeurs fictifs
répartis dans les régions de Kankan, Faranah, Nzérékoré et même Labé ».
C’est aussi l’avis de Aliou Condé,
le secrétaire général de l’Union des forces démocratiques de Guinée
(UFDG) « Le fichier électoral comporte 77 % d’anomalies, trois millions
de personnes, soit la moitié de l’électorat, n’ont pas de données
biométriques ». Si le président de la CENI dément l’existence de fictifs,
en reprenant une des conclusions du rapport d’audit à savoir des
électeurs inscrits mais dont les données biométriques sont manquantes,
les signalements des cas d’enrôlement de mineurs dans les zones acquises
au parti au pouvoir sont nombreux et des preuves vidéos circulent sur les réseaux sociaux depuis le début des opérations.

Déjà en 2015, les révélations de la députée de l’opposition Fatoumata Binta Diallo assurant avoir observé dans la région de Faranah l’enrôlement de mineurs
avaient suscitées de vives réactions des responsables du parti au
pouvoir qualifiant ces accusations d’infondées. Face à l’ampleur des
accusations de l’opposition sur cette question d’enrôlement de mineurs,
le comité technique de suivi du fichier électoral était sorti de sa
léthargie en publiant un rapport
le 12 septembre 2015 avec une recommandation spécifique sur la
question de l’âge : « Renforcer le contrôle de l’âge lors de la
distribution des cartes et prendre les dispositions pour que les
directives de la CENI en la matière s’imposent à tous ».

Le dialogue politique inter-guinéen (Accords du 12 octobre 2016)
avait mis un accent particulier sur le recrutement d’un « cabinet pour
réaliser un audit complet du fichier électoral ». Deux ans après,
débutaient les travaux d’audit du fichier électoral pilotés par des experts de l’Union européenne, de l’OIF et du PNUD. Le 10 octobre 2018,
les membres du comité technique d’audit du fichier électoral ont remis
le rapport d’audit du fichier électoral au ministre de l’Administration
du Territoire et de la Décentralisation. Interrogé sur le contenu du
rapport, le président dudit comité Mamady III Kaba affirmait ceci : « Il
y a effectivement un nombre très élevé, un million cinq cent trente
mille et quelques (1 530 000) électeurs, qui n’ont pas leurs données
biométriques au complet
 ». Sans parler de l’existence d’électeurs
fictifs comme le dénonce l’opposition, Kaba avance une toute autre
explication : « L’équipe d’experts, composée de sept (7) personnes, a
trouvé des raisons pouvant justifier cet état de fait. Et l’une de ces
raisons majeures, il y a eu plusieurs opérateurs qui ont travaillé sur
le fichier électoral guinéen au fil du temps. Les opérateurs
n’utilisaient pas le même système et du coup, le transfert d’un
opérateur à un autre, a altéré certaines données biométriques notamment,
les empreintes. » Pour l’opposition politique, les anomalies sont nombreuses :
« plus de 1 564 388 électeurs inscrits dans le fichier sont sans
empreintes digitales, plus de 3 051 773 d’électeurs non dédoublonnés,
plus de 3.000.000 d’électeurs sont nés entre un 1er janvier et un 1er
juillet, et donc un peu plus de la moitié des électeurs ne peuvent pas
produire un acte d’état civil avec une date de naissance exacte ». Pour
corriger ces anomalies, elle recommande :
« Au vu des doublons persistants du nombre de citoyens sans données
biométriques et de décédés qui pourraient encore figurer dans la base
des données, un contrôle physique de l’ensemble des électeurs s’impose.
Chaque citoyen revient confirmer ou compléter ses données
alphanumériques et biométriques pour qu’il soit maintenu dans la base. »

Malgré toutes les recommandations formulées dans le rapport d’audit
et les dénonciations sur le manque de transparence dans l’établissement
du fichier électoral, l’enrôlement de mineurs reste une pratique
frauduleuse redoutable que le pouvoir en place compte rééditer pour
remporter les élections futures. Pour vanter les efforts de la CENI, un
expert de l’OIF n’avait pas hésité à affirmer lors d’une conférence de
presse tenue à Conakry le 21 octobre 2019 que : « la CENI a fourni
l’effort d’acquérir un autre programme d’appui, c’est le programme ABIS
qui est un programme hautement performant pour la détection des
enrôlements multiples ». Selon cet expert «  l’ABIS permettra aussi à faire d’autres recherches telles que la reconnaissance de l’âge potentiel de l’électeur ». Aujourd’hui, les images montrant l’enrôlement de mineurs
dans la région de la haute Guinée font penser à des actions coordonnées
et encouragées par les autorités locales avec la bénédiction des
commanditaires basés à Conakry.

Face à l’ampleur des dénonciations de ces pratiques sur les réseaux sociaux, le président de la CENI s’est fendu d’un communiqué
ce dimanche 2 décembre 2019 pour annoncer les dispositions prises par
son institution : « le Président de la CENI constate sur les réseaux
sociaux des images faisant allusion à des cas d’enrôlement de mineurs.
La CENI mène des enquêtes et prend déjà des dispositions informatiques
pour déceler et radier tout enregistrement de mineurs. Sur la question
il demande : – Aux présidents de CEPI de faire le tour des CAERLE et de
prendre des dispositions disciplinaires contre tout membre de CAERLE
impliqué dans un cas d’enregistrement illégal. – A ETI-Bull de mener des
enquêtes et de relever de sa fonction tout opérateur de saisie qui
aurait enrôlé un mineur. – Et, le logiciel dont dispose la CENI permet
de faire un audit et de savoir exactement quel operateur et à quel
moment il ou elle a enrôlé un électeur. » En attendant, la fabrique d’un
électorat composé de mineurs se poursuit dans les fiefs du parti au
pouvoir.

L’enrôlement des mineurs, une tradition politique africaine

Si certains observateurs n’hésitent pas à réduire les consultations
électorales à de « simples formalités administratives » qui seraient
dominées par des acteurs politiques se livrant à un « banditisme
électoral plutôt qu’à une compétition loyale », pour reprendre la
formule de Kassoum Tapo l’ancien président de la Commission électorale
nationale indépendante du Mali, il faut toutefois noter que les graves
dysfonctionnements observés dans le déroulement des opérations
d’enrôlement des électeurs en Afrique de façon générale résultent d’une
volonté manifeste des pouvoirs en place de violer les règles du jeu
démocratique. Quantin dans son article intitulé « les élections en Afrique: entre rejet et institutionnalisation » explique
ces dysfonctionnements comme : « des stratégies jouées par les groupes
au pouvoir menacés dans leur hégémonie par une installation durable de
la règle de la majorité».

Pour Mokamanede cité par le chercheur Koné, auteur d’un article intitulé : TIC et processus de démocratisation en Afrique
: pour un système de gestion transparente des élections par
l’expérience du « Parallel Vote Tabulation » (PVT), le processus
électoral en Afrique souffre de deux contraintes : les contraintes
institutionnelles et socio-culturelles. Il note que les structures des
régimes à parti unique n’ont pas changé et les pays africains ne
disposent pas de données démographiques fiables.

L’enrôlement des mineurs est une recette politique très prisée dans
les palais africains où les présidents autocrates cherchent par tous les
moyens à contourner les exigences de transparence et de sincérité des
opérations électorales. Lors des élections générales au Burundi de 2015,
l’opposition ne cessait de dénoncer des distributions massives de
cartes nationales d’identité à des mineurs et aux seuls militants du
parti au pouvoir le CNDD-FDD. Les mêmes pratiques ont été observées en
RDC lors des élections présidentielle et législatives de novembre 2011, dans la province du Katanga (sud-est du pays), où des cartes d’électeur étaient distribués à des enfants d’une dizaine d’années. Dans la déclaration préliminaire de la Mission d’observation de l’Union africaine
aux élections législatives du 20 Décembre 2018 au Togo, les
observateurs n’ont pas manqué de rappeler que l’audit des listes
électorales avait pour but « d’éliminer certaines irrégularités
constatées notamment l’enrôlement des mineurs et les inscriptions
multiples ». Toujours au Togo, la mission d’observation électorale de l’Union européenne
pour l’élection présidentielle de 2010 soulignait déjà des cas
d’enrôlements de mineurs : « La MOE UE a relevé dans tous les CRV
(Centre de révision et de vote ) des régions de la Kara et des Savanes
(nord du pays) observés le jour de la révision supplétive des cas
d’enregistrement d’individus dont l’apparence portait à croire qu’ils
étaient mineurs.» Au Tchad lors de l’élection présidentielle de 2016,
les opposants accusaient l’administration chargée du fichier électoral
d’enrôler des mineurs, des électeurs fictifs et des réfugiés.

Il faut noter que les expériences ont démontré que les processus
électoraux peuvent stimuler ou catalyser des conflits sociaux majeurs.
Dans une publication du bureau des nations unis en Afrique de l’Ouest et
le Sahel intitulée « Comprendre la violence électorale pour mieux la prévenir ».
Nous pouvons lire ceci : « La violence électorale est déclenchée
pendant la période électorale quand des parties en position de force ou
de faiblesse constatent que l’autre partie établit de manière
unilatérale les règles du jeu électoral qui la favorisent. Les sujets
sur lesquels ce déclenchement est plus rapide restent : la mise en place
du fichier électoral, la mise en place de l’administration électorale
et les résultats électoraux. »


Sékou Chérif Diallo
Fondateur/Administrateur
www.guineepolitique.com