Histoire Politique: 2 octobre 1958, proclamation de l’indépendance de la Guinée


Histoire Politique


Après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (AOF) depuis 1904 et avoir obtenu une autonomie administrative relative en 1956, la Guinée rejette la proposition d’entrer au sein de la Communauté française et proclame son indépendance le 2 octobre 1958.

Le Parti démocratique de Guinée (PDG) d’Ahmed Sékou Touré est au cœur de la marche vers l’indépendance qui s’accélère à partir de 1958 avec la proposition de nouvelle Constitution présentée par le président français Charles de Gaulle. Lors du référendum du 28 septembre 1958, les Guinéens sont les seuls à refuser, et ce dans une proportion de 95 % (1 136 324 oui, contre 56 981 non), de joindre la Communauté française. L’indépendance est proclamée le 2 octobre, entraînant une rupture des liens administratifs et financiers entre la Guinée et la France qui retire ses cadres et ses crédits. Au cours des années qui suivent, la Guinée, un territoire riche en ressources naturelles, se rapproche du Mali et du Ghana avec qui elle forme l’Union des États africains. Elle obtient également des crédits de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et signe un traité d’amitié avec la Chine. Le PDG y est parti unique et Sékou Touré, ardent défenseur de l’indépendance, est élu président le 15 janvier 1961 par 99 % des électeurs. Il le restera jusqu’à sa mort, en 1984.

La Guinée, cinq ans après le 28 septembre 1958

En 1963, Sékou Touré, dans une interview qu’il a accordé à un journaliste de la télévision française, revient sur les circonstances de l’indépendance de la Guinée.

« [  ] je dirais que j’ai une grande considération pour le général de Gaulle. Je vous le dis, parce que je connais la France, parce que je sais la mutation politique qu’il a pu opérer en un minimum de temps. Je sais surtout les graves problèmes qu’il a abordés et qu’il a pu résoudre, sans que l’unité nationale n’ait été mise en cause en France, et même l’indépendance de la Guinée. Nous pourrons dire que nous la devons au général de Gaulle [  ] » Sékou Touré



En votant « non » au référendum sur la Communauté française le 28 septembre 1958, la Guinée accède immédiatement à l’indépendance. La France interprète ce vote comme une volonté de « sécession ». Elle supprime brutalement ses contributions techniques et financières à la Guinée et tente de l’isoler. La République de Guinée est proclamée dès le 2 octobre. Son président, Sékou Touré, se tourne alors simultanément vers les pays africains, les pays de l’Est comme de l’Ouest pour obtenir sa reconnaissance et la conclusion d’accords de coopération. L’Union soviétique et ses satellites, puis la Chine répondent favorablement. Cet appui se matérialise dès 1959 par une série d’accords commerciaux (envoi de matériels, de textile et de biens de consommation en échange de produits agricoles), industriels et culturels (briqueterie, centrale électrique, imprimerie « Patrice Lumumba », etc.) et sur la sécurité (appui des services de la Sécurité tchécoslovaque). Mais Sékou Touré n’entend pas s’inféoder à l’Union Soviétique, d’autant plus qu’il se présente comme un fer de lance des non alignés. Il pratique surtout une politique de neutralité en demandant équitablement une aide à tous. Un rapprochement s’opère à partir de 1962 avec les États-Unis, avec l’envoi des Peace Corps, de surplus alimentaires, et le développement des investissements dans les gisements de bauxite. La situation économique reste très précaire en 1963 mais le régime guinéen résiste. Au lendemain des accords d’Évian, Sékou Touré tente un rapprochement avec de Gaulle. La France se montre plus réceptive à la main tendue, en partie en raison de la concurrence des intérêts américains, et des accords de coopération sont signés en mai 1963.

28 septembre 1958: le jour où la Guinée a dit non à de Gaulle

La Guinée est devenue le premier pays d’Afrique subsaharienne à devenir indépendant de la France, après avoir voté «non» le 28 septembre 1958 au référendum instituant une «communauté» franco-africaine, proposée par le général de Gaulle. Avant ce vote, de Gaulle avait effectué un périple en terre africaine pour défendre son idée de communauté avec la France. Retour sur ces événements.

Revenu au pouvoir à l’occasion de la crise algérienne du 13 mai 1958, le général de Gaulle se lance dans une série de réformes, dont la modification de la constitution qui inclut un processus de décolonisation africaine avec une idée maîtresse, réunir les futurs pays indépendants africains dans une large communauté avec la métropole. Ce projet est inscrit dans le texte constitutionnel qui doit être soumis à référendum, en septembre 1958, aux Français de métropole mais aussi aux habitants des territoires coloniaux.

Pour défendre son idée, à l’été 1958, le général se lance dans une grande tournée des pays africains, d’Alger à Dakar, en passant notamment par Conakry.

Le 24 août 1958, il engage à Brazzaville la décolonisation de l’Afrique noire en proposant la création de la Communauté, cadre qu’il veut donner à l’indépendance des Etats de l’Afrique noire francophone. Lors de cette tournée africaine, de Gaulle propose «au suffrage de tous les citoyens des territoires d’Afrique et des citoyens de métropole» de former une Communauté dans laquelle chacun des Etats membres accédera à l’autonomie, avec un pouvoir exécutif et législatif. La défense, la politique étrangère, la politique économique et financière, le contrôle de la justice relèveront de l’exécutif de la Communauté.

La Communauté, cela veut dire Paris… De Gaulle est clair lorsqu’il affirme: «Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes». Les affaires intérieures, pas plus.

Le 28 août, de Gaulle arrive à Conakry, capitale de ce qui n’est pas encore la Guinée. Il est accueilli par le jeune maire et député (RDA, Rassemblement démocratique africain, apparenté PC) du territoire, Ahmed Sékou Touré. Du haut de ses 36 ans, vêtu de son boubou blanc, signe de son africanité, il oppose au vieux général, âgé de 67 ans, un discours fort: «Nous ne renoncerons pas et nous ne renoncerons jamais au droit légitime et naturel à l’indépendance.»

«Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage»

Le chantage à l’aide française n’a pas marché avec le jeune leader guinéen qui, fidèle aux rêves de l’époque, croit en une «Afrique libre et décomplexée, anti-colonialiste, panafricaniste». Il lance à de Gaulle une phrase qui restera dans la légende politique du continent: «Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage.» 

Ce à quoi le général répond: «On a parlé d’indépendance. Et bien, je le dis ici plus haut qu’ailleurs, l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre en disant “non” à la proposition qui lui est faite et, dans ce cas, je garantis que la métropole ne s’y opposera pas.» Et il ajoute: «Elle en tirera, bien sûr, des conséquences, mais d’obstacles elle n’en fera pas et votre Territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu’il voudra, suivre la route qu’il voudra.»

Selon les témoins de l’époque, le général de Gaulle est furieux. Il dira à ses proches: «La Guinée, Messieurs, n’est pas indispensable à la France. Qu’elle prenne ses responsabilités. (…) Nous n’avons plus rien à faire ici. Le 29 septembre, la France s’en ira.» Vexé, le chef du gouvernement français annulera toutes les réceptions prévues, ne dînera pas avec Sékou Touré comme convenu initialement.

95% de «non» en Guinée

Un mois plus tard, le 28 septembre, lors du référendum constitutionnel, tous les territoires d’Afrique (et surtout la métropolie) votent «oui»… sauf un: la Guinée. 95,2% des électeurs votent «non», alors que dans quasiment tous les autres futurs pays africains, le «oui» l’emporte avec des majorités dépassant les 90% (à l’exception de Magagascar, 77%, la future Djibouti (75%) et le Niger (78%).

Le «non» l’ayant emporté, la Guinée proclame son indépendance le 2 octobre. Mais les conséquences sont rapidement visibles. La France se retire brutalement. «Le 29 septembre, le gouverneur français informe Sékou Touré qu’à partir du 30, Paris mettra fin à toutes les aides jusqu’alors consenties et retirera son personnel technique, y compris les forces armées», rappelle un universitaire.

Le nouveau pays recherche des appuis en Afrique, auprès de Kwame N’Krumah (alors Premier ministre du Ghana) notamment, tandis que le monde soviétique propose de combler le départ des Français. Finalement, les relations avec la France se normalisent dans le milieu des années 60. Sékou Touré restera au pouvoir jusqu’à sa mort en 1984. Son geste historique restera cependant terni par sa gestion dictatoriale.


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