Des morts après un appel à manifester contre la junte guinéenne


Politique


Des affrontements ont mis aux prises des dizaines de jeunes Guinéens et les forces de sécurité mercredi 17 août dans la banlieue de Conakry, partiellement paralysée à la suite d’un appel à manifester contre la junte au pouvoir depuis un an.

Deux personnes sont mortes et d’autres ont été blessées à Conakry, mercredi 17 août, lors d’une journée de manifestation à l’appel du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), collectif politico-social créé en 2019 pour lutter contre le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé. Le FNDC, dissous par les autorités, avait demandé aux Guinéens de manifester dans tout le pays pour dénoncer les dérives de la junte et exiger une gestion plus transparente de la transition.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, avait appelé à se mobiliser pacifiquement malgré l’interdiction de toute manifestation édictée le 13 mai par la junte et la décision de cette dernière de dissoudre le collectif la semaine passée.

Le FNDC a orchestré de 2019 à 2021 des mois de la mobilisation contre un troisième mandat présidentiel d’Alpha Condé (2010-2020), finalement renversé le 5 septembre 2021 par le colonel Mamady Doumbouya. Le FNDC porte à présent la voix de la protestation contre la junte, l’opposition étant considérablement affaiblie.

Selon le correspondant de RFI à Conakry, Mouctar Bah, il était environ 14h40, ce mercredi 17 août, quand Ibrahima Baldé, 17 ans, chauffeur, a été touché par une balle à Wanindara, un quartier chaud de la capitale Conakry. Évacué d’urgence dans une clinique de son quartier, il est décédé quelques instants après. Alpha Oumar Barry, 16 ans, néo-lycéen à Bambéto, a également perdu la vie lors de cette journée de manifestation à l’appel du FNDC.

Pour éclaircir les circonstances de leurs décès, leurs parents inconsolables espèrent qu’une commission d’enquête sera mise en place par la justice, qui pour l’instant n’a pas réagi. Les forces de l’ordre ont quadrillé plusieurs quartiers de la capitale et ont affronté jusqu’à la tombée de la nuit des manifestants très mobiles en divers endroits.

Des dizaines d’interpellations et autant de blessés ont été enregistrés, notamment dans la haute banlieue de Conakry, ainsi que dans les villes de Labé, au nord, et de Dalaba, au centre, où des manifestants ont fait fuir les agents de la gendarmerie.

Avec ces deux drames, le nouveau nombre des victimes dans les manifestations depuis l’arrivée du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au pouvoir en septembre 2021 monte à huit, selon les décomptes de la presse et des défenseurs des droits humains.

Sur la réussite ou non de la manifestation, qui ressemblait dans certaines communes et villes de l’intérieur à une journée « ville morte », des observateurs remarquent que le déploiement massif et impressionnant des forces de l’ordre dans les rues de Conakry a contribué à dissuader la population. Mais les organisateurs, qui appellent à la mise en place d’un véritable cadre de dialogue entre la junte, les acteurs politiques et la société civile, se sont félicités de la mobilisation. Ils ont estimé que le peuple les avait écoutés.

Dans une déclaration à RFI, un des porte-paroles du mouvement s’est dit « content d’avoir donné du travail aux forces de l’ordre qui n’ont pas chômé tout le long de cette journée pluvieuse », ajoutant que « malgré le déploiement dissuasif de l’armée et de la police, nous avons été écoutés par la population de Conakry et de quelques villes de l’intérieur du pays ».

Confiscation du pouvoir par les militaires

Le FNDC réclame le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires. Le Front avait été à l’initiative de deux jours de manifestations les 28 et 29 juillet, interdites par les autorités et dans lesquelles cinq personnes avaient été tuées.

Les autorités ont déployé gendarmes et policiers en nombre. Différents quartiers de la banlieue donnaient l’apparence d’une ville morte dans la matinée. De nombreux commerces et les grands marchés sont restés fermés dans la crainte de violences.

Les policiers ont dispersé une tentative de rassemblement de jeunes arborant le logo et les couleurs du FNDC à Dixinn, dans la proche banlieue, a constaté le correspondant de l’AFP. Deux des leaders du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Mangué et Ibrahima Diallo, sont détenus depuis les manifestations de fin juillet.

Ces nouvelles crispations surviennent alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a annoncé la visite dimanche à Conakry de son médiateur dans la crise guinéenne, l’ancien président béninois Thomas Boni Yayi.

Le colonel Mamady Doumbouya, désormais intronisé président, s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans. Mais l’opposition et la Cedeao veulent une transition plus courte. Les partis politiques et la société civile font de plus en plus entendre leur voix contre la répression des libertés et l’instrumentalisation de la justice par les autorités.

Avec RFI et Le Monde


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