Une foule de manifestants contre le régime politique en Algérie

En ce jour de Fête de la révolution, des milliers d’Algériens continuent d’exprimer leur mécontentement contre la classe politique.

La contestation, qui a repris depuis la rentrée de septembre, prend une tournure plus symbolique ce vendredi 1er novembre. Une marée humaine a envahi vendredi les rues du centre d’Alger en réclamant une nouvelle « indépendance » de l’Algérie, 65 ans, jour pour jour, après le début de la lutte armée contre le colonisateur français, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. L’absence de comptage officiel et la topographie rendent impossible le décompte des manifestants, mais, en ce 37e vendredi consécutif de manifestation, la mobilisation est semblable à celle constatée au plus fort du hirak, le mouvement de contestation inédit dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février.

Avant de commencer à se disperser sans incident en fin d’après-midi, l’énorme cortège a progressé très lentement durant plusieurs heures dans des rues noires de monde, autour de la Grande Poste, bâtiment emblématique du cœur d’Alger et devenu le lieu de rassemblement des manifestations hebdomadaires. Les manifestants ont notamment scandé « L’Algérie veut son indépendance », « Le peuple veut son indépendance ».

Mobilisation sur les réseaux sociaux

Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) tout juste créé déclenche la « Révolution algérienne » et la lutte armée pour l’indépendance, avec une série d’attentats simultanés sur le territoire algérien. Décrété Fête de la révolution, le 1er novembre est férié en Algérie. « Les aînés ont combattu la France, nous, on combat le système mafieux qui a confisqué notre indépendance », a expliqué à l’Agence France-Presse M’hand, retraité de 63 ans, parti à 5 heures du matin de Boumerdès, à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Alger, pour rejoindre la capitale.

« # Hirak_du_1er_novembre », « #Envahissons_la_capitale » : ces derniers jours sur les réseaux sociaux, ces nouveaux hashtags en arabe avaient appelé les Algériens à converger massivement vers la capitale. Ils étaient nombreux à être venus d’autres régions, malgré les embouteillages dus aux nombreux points de contrôle de gendarmerie aux entrées d’Alger ou à l’absence totale vendredi de trains vers la capitale.

Certains ont passé la nuit sur les trottoirs. Hocine, la vingtaine, et ses quatre amis venus de Lakhdaria, à une soixantaine de kilomètres de route, ont passé la nuit dans leur voiture. « On a mis la France dehors en 1962, mais on n’a pas profité de la liberté avec ce régime qui n’a pas changé depuis. On veut une Algérie nouvelle », a dit le jeune homme. Enseignante retraitée, Nadia Foufa, 62 ans, se souvient avoir défilé le 5 juillet 1962, lors de la proclamation de l’indépendance : « J’avais cinq ans et on était heureux de cette indépendance. Mais maintenant, nous sommes enchaînés et il n’y a aucune liberté. » Depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, de nombreux « tracts numériques » appelaient à une mobilisation massive, dressant un parallèle entre les 1er novembre 1954 et 2019.

« Vous êtes tous concernés. Appel au peuple algérien pour qu’il se prépare à […] prendre d’assaut la capitale par millions et en provenance de toutes les wilayas

le vendredi 1er novembre, jusqu’à faire tomber tous les bandits » au pouvoir, proclame l’un d’eux. « L’Histoire se répète. 1er novembre 1954-2019. Les 48 wilayas dans la capitale » pour une nouvelle « guerre de libération », peut-on lire sur un autre.

« Gaïd Salah, dégage ! Il n’y aura pas de vote cette année »

D’importantes manifestations se sont également déroulées dans de nombreuses villes du pays, selon des médias en ligne et les réseaux sociaux. Depuis qu’il a obtenu, début avril, la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le hirak, « mouvement » sans structure officielle ni dirigeant, ne faiblit pas et réclame désormais le démantèlement du « système » au pouvoir depuis 1962. Moins forte durant l’été, en raison de la chaleur et des vacances scolaires, la mobilisation contre le « système » au pouvoir depuis l’indépendance a repris à la rentrée scolaire et ne cesse de s’étoffer, sans toutefois atteindre l’affluence enregistrée vendredi. Cette mobilisation vendredi est un désaveu marquant pour le président Abdelkader Bensalah, qui a récemment affirmé que le mouvement de contestation se limitait à « quelques éléments sortant dans la rue ».

Elle l’est aussi pour le général Ahmed Gaïd Salah, de facto l’homme fort du pays depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, sous la pression de la rue en avril. Le général Gaïd Salah a assuré récemment que la présidentielle prévue le 12 décembre pour élire un successeur au chef de l’État déchu avait « l’adhésion totale » des citoyens algériens. « Gaïd Salah, dégage ! Il n’y aura pas de vote cette année », lui répond en chœur vendredi une foule impressionnante, pour qui le scrutin ne vise qu’à régénérer le « système » dont elle exige le démantèlement. De nombreux manifestants sont venus d’autres régions du pays, répondant aux appels, lancés sur les réseaux sociaux, à « prendre d’assaut la capitale » 65 ans après le 1er novembre 1954.

Outre la mobilisation monstre vendredi, de nombreux citoyens ont répondu à un défi sur Internet consistant à se filmer, seul ou en groupe, en disant : « Je suis un Algérien et je suis un élément du hirak. » Une réponse ironique à de récents propos d’Abdelkader Bensalah, affirmant au président russe Vladimir Poutine que l’ampleur du mouvement était « exagérée » et se limitait à « quelques éléments [qui] sortent dans la rue chaque semaine.

AFP/Le Point

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