Alpha Condé, «Après moi le déluge»


Désigné candidat du RPG pour un troisième mandat présidentiel lors du congrès du parti tenu à Conakry ce jeudi 6 octobre 2020, Alpha Condé hésite à faire le saut dans l’inconnu.

À 82 ans, l’ex prisonnier politique compte entamer une carrière d’autocrate. Quelle triste trajectoire d’un homme politique africain qui a été longtemps perçu comme une alternative crédible pour l’instauration de la démocratie en Guinée. À 82 ans, il n’aura ni le temps ni les moyens ni la légitimité pour diriger un pays qu’il a contribué à affaiblir sur tous les plans.

Lansana Conté faisait cet effort de se conformer au jeu démocratique en préservant les bases de la légalité institutionnelle. Avec Alpha Condé, l’homme de droit, c’est l’hécatombe institutionnelle avec une flagrance jamais égalée dans la violation des lois de la république et un archaïsme jamais atteint dans les pratiques de gouvernance.

L’ancien opposant historique a réussi la reconversion la plus triste pour un homme politique. L’homme a tout perdu. En plus d’endosser la responsabilité des centaines de morts, tués pour la plupart dans des manifestations politiques, il a perdu la sympathie de tous ces africains qui se sont levés, ont manifesté, ont écrit, ont chanté pour dénoncer son arrestation et son emprisonnement en 1998 par le régime de Lansana Conté. Aujourd’hui, le régime de Alpha Condé détient le record d’arrestations extrajudiciaires, de kidnapping, de violences policières et d’exactions de la force publique sous toutes ses formes. En quelque sorte, il s’est vengé. Se venger de ses ex-geôliers ? Non ! Ils sont nombreux à travailler avec lui aujourd’hui. Alors pourquoi un tel acharnement contre ses opposants ?

Sur internet, il a réussi à faire disparaître des recherches « l’opposant historique » « le prisonnier politique victime d’injustice » et il est aujourd’hui plus facile de trouver dans les résultats de recherches « Alpha Condé veut un 3ème mandat » « manifestants contre Alpha Condé tués ».

Ce type est malheureux mais avec un égo démesuré qui lui joue des tours, il sombre lentement dans l’irrationnel. Sa mauvaise gestion de l’adversité en politique impacte son jugement au point de réduire tous rapports de forces comme une offense. Il n’hésite pas à utiliser les moyens les plus détestables notamment en surfant sur les sensibilités éthno-régionalistes au risque de fissurer davantage le tissu social. Peu importe la dangerosité de la manœuvre, pour lui, seul le résultat compte.

Ces conseillers sont incapables de lui faire comprendre qu’il est le seul perdant dans son duel avec ses opposants. Ces derniers sont dans leurs rôles et ils n’ont pas de compte à rendre au peuple de Guinée.

Aujourd’hui, le jusqu’au-boutisme du fugitif de Piné est un signe de désespoir, une attitude d’un kamikaze qui se dit « après moi le déluge ». C’est pour cette raison qu’il faut le stopper car il devient dangereux pour la stabilité du pays.

En revanche, pour ses collaborateurs, c’est le « président parfait ». Non pas parce qu’il est bon pour le pays, mais parce qu’il est le président du laxisme, du laisser-aller, du « laisser-voler », de l’impunité, de la corruption et des détournements de deniers publics. Il est « parfait » parce qu’il est incompétent. Il est « parfait » parce qu’il gouverne par tâtonnement. Aujourd’hui, le vieux et malheureux président a peur.

Mais, avec les garanties fragiles des courtisans, le pronostic des marabouts, l’attentisme défavorable de la communauté internationale, les prêches de l’imam de Conakry, les centaines de familles endeuillées qui maudissent chaque jour ce régime, son âge et ses maladies connues et cachées, le vieux sait pertinemment que son projet de 3ème mandat est un saut dans l’inconnu. Wait and see !


Sékou Chérif Diallo Fondateur/Administrateur www.guineepolitique.com

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